Rapports de Human Rights Watch

Efforts pour réduire les violences en milieu universitaire

Au cours des dernières années, des efforts de plus en plus importants ont été déployés par le Ministère de l’Enseignement Supérieur, par la société civile ivoirienne, voire à l’occasion par le leadership même de la FESCI, pour réduire les  actes de violence en milieu universitaire.

Le directeur de cabinet du ministre de l’enseignement supérieur a expliqué à Human Rights Watch que la lutte contre la violence universitaire constituait l’une des priorités absolues du ministère et que ce dernier voulait générer un dialogue plus large sur ce sujet dans le monde universitaire.211 En décembre 2007, le ministère a organisé un atelier rassemblant des membres des principales organisations estudiantines afin de débattre des problèmes liés aux conditions régnant dans les cités universitaires, notamment la violence étudiante.212 Bien que ces efforts et d’autres initiatives pour lancer un dialogue soient louables, les étudiants et professeurs interrogés par Human Rights Watch se plaignent du fait que lorsqu’il s’agit de la violence perpétrée par la FESCI, les responsables de l’université se sont souvent montrés peu disposés à intervenir, disant souvent aux étudiants que puisqu’ils ne peuvent pas faire grand-chose à propos de la FESCI, les étudiants devraient régler les problèmes entre eux.213 Afin de résoudre bon nombre des problèmes exposés dans le présent rapport, il faudra que le ministère fasse preuve d’une volonté plus ferme d’imposer des mesures disciplinaires telles que la suspension ou la demande d’intervention de la police en cas d’activité criminelle.

Les principales associations ivoiriennes de défense des droits humains s’emploient depuis longtemps à prodiguer une éducation aux droits humains sur les campus et à faire office de médiateurs dans le conflit étudiant. En janvier 2007, la Ligue ivoirienne des Droits de l’Homme (LIDHO) a créé un centre pour l’éducation au civisme et à la non-violence sur le campus qui porte le nom d’Observatoire des Droits et des Libertés en Milieu Universitaire (ODELMU). L’Observatoire mène des campagnes de sensibilisation visant à accroître « le dialogue, la paix et la tolérance » sur le campus. Des membres de la LIDHO interrogés par Human Rights Watch ont expliqué que jusqu’à présent, pratiquement toutes les organisations estudiantines présentes sur le campus—à l’exception de la FESCI—ont accepté de devenir membres de l’Observatoire.214 Les défenseurs des droits humains interrogés par Human Rights Watch ont fait part de leur frustration devant le fait que même après toutes ces initiatives, les locaux de la LIDHO et de l’APDH ont été saccagés par des membres de la FESCI, mais elles ont juré de poursuivre résolument leurs campagnes d’éducation et de médiation.215

Bien que l’éducation à la non-violence et les ateliers parrainés par le gouvernement soient des initiatives aussi heureuses que nécessaires, certains défenseurs des droits humains avec lesquels nous nous sommes entretenus ont souligné qu’elles devaient s’accompagner d’efforts destinés à s’attaquer à l’impunité ainsi que d’un signal fort des dirigeants du FPI faisant comprendre que la violence et les activités criminelles commises par les membres de la FESCI ne seront plus tolérées.216

Quelques efforts de réforme sont à constater du côté de la FESCI elle-même, comme le reflète l’un des chants de l’association :

Nous on veut plus casser, hé, hé !

STT217 a parlé, nous on veut plus machetter, ho !

Nous on veut plus mélanger, hé, hé !

KB218couma nous on veut plus brûler,  ho !

STT a parlé, nous on veut plus tuer, ho!219

Dans une interview accordée peu après son élection à la tête de la FESCI en mai 2005, Serge Koffi a annoncé qu’il voulait faire de la FESCI un « syndicat responsable » et que « l’introduction de machettes à l’université [avait] terni l’image de l’étudiant ».220 Après son élection en décembre 2007, le successeur de Serge Koffi, Augustin Mian, a lui aussi déclaré qu’il s’engageait à mettre fin à la violence.221 Lors d’un entretien avec Human Rights Watch, M. Mian a relevé que :

Objectivement, il est vrai qu’il y a eu de la violence et d’autres problèmes. Nous le reconnaissons, mais je dis aujourd’hui que ceci est une nouvelle FESCI. C’est ma mission. Cependant ce n’est pas avec une baguette magique que je peux me débarrasser de dix-huit ans de mauvaises habitudes. Il faut que la communauté internationale nous aide. Je veux une nouvelle FESCI, mûre, qui tourne le dos à la violence.222

En 2007, la FESCI a livré à la police plusieurs membres accusés de crime, notamment de meurtre et d’agression. Certes, ces paroles et ces actions sont les bienvenues mais les délits criminels perpétrés par les membres de la FESCI de 2005 à ce jour semblent indiquer que beaucoup reste à faire.




211 Entretien de Human Rights Watch avec Alexis Ogou, Abidjan, 23 août 2007.

212 « Cissé Bacongo, ministre de l’Enseignement supérieur: ‘Nos Étudiants sont en Train de Grandir’ », Fraternité Matin (Abidjan), 6 décembre 2007.

213 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

214 Entretien de Human Rights Watch avec un défenseur des droits humains, 24 octobre 2007.

215 Entretiens de Human Rights Watch avec un défenseur des droits humains, 23 octobre 2007.

216 Entretiens de Human Rights Watch, 23 et 24 octobre 2007.

217 « STT » est le nom de guerre de Serge Koffi, qui a occupé la fonction de Secrétaire général de la FESCI de mai 2005 à décembre 2007.

218 « KB » fait référence à Kacou Brou, principal doyen de la FESCI. Voir La structure et la culture organisationnelle de la FESCI, infra.

219 Chant de la FESCI retranscrit par un membre de la FESCI et un étudiant assistant de recherche pour Human Rights Watch.

220 « Yao Koffi Serge (Secrétaire général de la FESCI) : ‘Je ferai de la FESCI un syndicat responsable’ », Le Patriote (Abidjan), 27 mai 2005.

221 « FESCI : Mian Augustin à la présentation de son équipe, plaide: ‘Que ce bureau ne fasse pas l’objet de querelles’ », Le Nouveau Réveil (Abidjan), 23 janvier 2007.

222 Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 26 Mars 2008.