Rapports de Human Rights Watch

Une série de grèves et le développement des syndicats

Au fur et à mesure que la Guinée s’enfonçait de plus en plus dans le chaos économique et politique, il y a eu de plus en plus de manifestations des syndicats et d’autres organisations de la société civile, pour protester contre la détérioration économique et la mauvaise gouvernance. En 2006, les deux principaux syndicats de Guinée se sont révélés comme des acteurs  importants de l’avenir politique de la Guinée, en organisant deux grèves générales —en février et juin 2006— qui ont effectivement paralysé le pays pendant plusieurs semaines, fermant les écoles et les entreprises.19 Bien que les syndicats ne représentent formellement qu’une petite partie des travailleurs guinéens et de la population guinéenne, les grèves ont été largement suivies par l’ensemble de la population à travers tout le pays, aussi bien dans les secteurs formel qu’informel.20 La plupart des Guinéens ont suivi les grèves de 2006 non pas en participant à des rassemblements ou des défilés organisés dans les rues, mais en restant chez eux et en refusant de travailler. Pendant les grèves, presque toute l’activité économique s’est arrêtée, et les transports étaient pratiquement impossibles pour les Guinéens ordinaires, car la plupart des chauffeurs de taxi observaient la grève.

Les revendications syndicales pendant les grèves de 2006 étaient essentiellement de nature économique : des prix plus bas pour les produits essentiels comme le riz et l’essence, et des salaires plus élevés pour les travailleurs. Dans chaque cas, les grèves ont été « suspendues » par les syndicats dans l’attente que le gouvernement remplisse ses promesses de diverses réformes économiques, promesses qui, selon les leaders syndicaux et d’autres leaders de la société civile interrogés par Human Rights Watch, n’ont jamais été tenues.21

Bien que les manifestations de 2006 aient été largement pacifiques, même si parfois elles ont été indisciplinées, les forces de sécurité ont répondu à ces grèves, en particulier à celle de juin 2006, par un usage excessif et inapproprié de la force. Au cours d’une vague de répression en juin 2006, la police ainsi que d’autres forces de sécurité ont été impliquées dans des meurtres, des viols, des agressions et des vols, aussi bien contre des manifestants non armés que contre des passants.22 Selon les recherches effectuées par Human Rights Watch, 13 manifestants au moins ont été tués par les forces de sécurité.23 Il n’y a eu aucune poursuite contre des membres des forces de sécurité guinéennes pour les exactions commises pendant la grève de juin 2006.




19Les deux plus grands syndicats de Guinée sont la Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée (CNTG), dirigé par Rabiatou Serah Diallo, et l’Union Syndicale des Travailleurs de Guinée (USTG), dirigé par Ibrahima Fofana. Jusqu’au début des années 90, la CNTG était l’unique syndicat reconnu par le gouvernement dans le cadre du système de parti unique de la Guinée. Pour des raisons historiques, il continue à représenter principalement les employés du secteur public. L’USTG a été créée en 1994 avec le passage de la Guinée au système pluripartite, et elle représente un nombre plus important d’employés du secteur privé. Cependant, aussi bien les employés du secteur public que ceux du secteur privé sont libres aujourd’hui d’adhérer au syndicat de leur choix.

20 Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des journalistes, et des leaders de la société civile, Conakry, avril et juin 2006.

21 Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders syndicaux, Conakry avril et juin 2006.

22Human Rights Watch, Le côté pervers des choses.

23Human Rights Watch, Le côté pervers des choses.