Rapports de Human Rights Watch

La troisième grève ; le point critique

Le 16 décembre 2006, le président guinéen Lansana Conté s’est rendu avec son cortège à la prison centrale de Conakry, et il s’est personnellement assuré de la libération de deux proches alliés, accusés  d’avoir détourné des fonds de la Banque centrale de Guinée ; il aurait dit à son entourage : « Je suis la justice. »24 Le premier individu, Mamadou Sylla, serait l’homme d’affaires le plus riche de Guinée et il avait été arrêté à son domicile un peu plus tôt ce mois-là, en relation avec son supposé retrait illégal de millions de dollars de la Banque centrale.25 Le deuxième, Fodé Soumah, ancien gouverneur adjoint de la Banque centrale, avait aussi été arrêté pour complicité supposée dans l’affaire.

Pour les syndicats, qui avaient « suspendu » les grèves de 2006 dans l’attente des réformes économiques du gouvernement, l’incident a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase.26 Plusieurs semaines plus tard, un nouvel avis de grève a été lancé. Invoquant l’ingérence de l’exécutif dans les affaires judiciaires et la situation économique catastrophique du pays, les syndicats ont appelé à une grève générale illimitée à partir du 10 janvier 2007, et jusqu’à ce qu’il y ait « un retour à l’état de droit. »27

Contrairement aux grèves de 2006, qui étaient centrées presque exclusivement sur des réformes économiques, les revendications syndicales en janvier 2007 étaient plus ouvertement politiques, et comportaient la nomination d’un Premier ministre de consensus ayant le pouvoir de former un gouvernement de consensus ; l’examen et la renégociation de certains accords d’exploitations minières, de pêche et forestières ; et la fin de la corruption avec la poursuite des individus accusés de détournement de fonds publics. Les leaders syndicaux et autres leaders de la société civile ont expliqué qu’ils ne pouvaient plus ignorer le fait que les problèmes derrière les malheurs économiques de la Guinée étaient essentiellement de nature politique.28

Après le début de la grève le 10 janvier 2007, les activités à Conakry et dans les villes principales de la Guinée se sont arrêtées. Les premiers jours de la grève ont été relativement pacifiques. Tandis que les écoles, les magasins et les marchés étaient fermés, des patrouilles de police supplémentaires étaient déployées dans les rues de Conakry, la capitale, et il y avait des affrontements sporadiques avec des « jeunes » qui lançaient des pierres.29 Comme la grève se poursuivait, cependant, et que l’impasse s’accentuait entre les syndicats —qui étaient de plus en plus clairs sur leur revendication principale et non négociable, à savoir que le Président Conté cède une grande partie de ses pouvoirs à un nouveau Premier ministre de consensus— et le gouvernement,  les forces de sécurité se sont livrées à une répression brutale des manifestants non armés.

Pendant les quatre premières semaines de grève, les forces de sécurité gouvernementales, à savoir la police, la gendarmerie,30 et la garde présidentielle, connue aussi sous le nom de « Bérets rouges » , allaient se rendre coupables de la mort d’une centaine de manifestants ; en blesser par balles des centaines d’autres ; battre, voler et arrêter un grand nombre de manifestants et de passants ; et harceler, arrêter et maltraiter des syndicalistes et d’autres membres de la société civile. Human Rights Watch a conduit des entretiens détaillés avec 79 victimes et témoins des brutalités qui ont eu lieu au cours des quatre premières semaines de grève, dont une sélection est fournie ci-dessous.

Recours létal à la force

Au cours de la première semaine de grève, la plupart des manifestants étaient pacifiques. Il n’y avait pas de rassemblements ni de défilés à grande échelle organisés, et la plupart des manifestants ont choisi d’observer la grève en restant chez eux et en refusant de travailler. Dans certains endroits cependant, des manifestants ont brûlé des pneus et des voitures, et ils ont lancé des pierres, contre les forces de sécurité ainsi que contre des taxis et d’autres véhicules commerciaux qui tentaient de briser la grève.31 Des déclarations sur la manière dont la police et les gendarmes sont intervenus indiquent que la réponse a été généralement appropriée, et leurs efforts pour disperser les manifestants ont consisté en grande partie en des moyens non létaux, comme des gaz lacrymogènes et des coups de feu tirés en l’air. Il n’y a pas eu de signalement quant au déploiement de la garde présidentielle.32 Comme la grève se poursuivait au-delà de la première semaine, cependant, l’intensité des confrontations entre les manifestants et les forces de sécurité a augmenté, comme le décrit un cireur de chaussures de 18 ans de l’une des banlieues de Conakry,33 qui déclare avoir été blessé par les tirs de la police le 18 janvier 2007 :

Le jour où je me suis fait tirer dessus, j’étais sorti pour essayer de trouver du riz à manger. C’était à peu près midi. Quand je suis arrivé à la grande route, j’ai vu un groupe de jeunes qui manifestaient dans la rue. Il y en avait qui jetaient des pierres  sur un groupe important de policiers près de là, qui ont commencé immédiatement à nous tirer dessus. J’ai senti une douleur aiguë, j’ai regardé et j’ai vu du sang qui coulait de ma jambe et je suis tombé. Je ne pouvais pas marcher. Un groupe de jeunes m’a ramassé et a commencé à me porter à l’hôpital. Mais un groupe de policiers s’est mis à leur tirer dessus à nouveau et ils ont paniqué, ils m’ont laissé tomber par terre et sont partis en courant. Les policiers sont arrivés et j’en ai entendu un qui disait qu’ils devraient me tuer. Puis l’un d’eux m’a donné un coup de pied dans la figure et j’ai senti le sang qui se mettait à couler. Les policiers m’ont laissé là et un petit peu plus tard un autre groupe de jeunes m’a porté à l’hôpital.34

Au cours de la même période, un habitant du quartier de Hamdallaye à Conakry, interrogé par Human Rights Watch, a rapporté comment il s’était fait tirer dessus par la police devant sa maison, alors qu’il sortait pour passer un coup de téléphone.35 La victime a raconté qu’un policier assis  sur un camion qui passait avait directement fait feu sur lui, le blessant trois fois à la hanche et à la cuisse. 36 Un autre témoin dans le même quartier a déclaré avoir vu un manifestant qui jetait des pierres recevoir un tir dans le pied, quand un groupe de gendarmes a tiré au sol en tentant de disperser les manifestants.37

« La marée humaine »

Tandis qu’une dizaine de morts étaient signalés au cours des 10 premiers jours de grève,38 le nombre de morts allait rapidement grimper le lundi 22 janvier, quand les leaders syndicaux, les coalitions de la société civile, et d’autres groupes de la communauté ont mobilisé des dizaines de milliers de manifestants pour défiler depuis les banlieues de Conakry jusqu’au centre de Conakry, où des dizaines de manifestants ont été tués par les forces de sécurité et beaucoup d’autres ont été blessés par balles.39 Les témoins interrogés par Human Rights Watch ont décrit le flot de manifestants comme une « marée humaine, » certains d’entre eux affirmant que c’était la plus grande foule qu’ils aient jamais vue en Guinée.40 Les manifestants interrogés ont expliqué que quand ils avaient quitté leurs maisons ce matin-là, ils avaient senti que la journée allait être décisive, d’une façon ou d’une autre. Comme l’a dit un manifestant : « Quand nous sommes sortis lundi, nous étions déterminés à changer le système en place. Cela fait 48 ans depuis l’indépendance, et nous n’avons rien. »41

L’objectif de la plupart des manifestants était d’atteindre le siège de l’Assemblée Nationale, connu sous le nom de Palais du Peuple, à une dizaine de kilomètres des banlieues de Conakry.42 Malgré des épisodes  sporadiques de jets de pierre dans les grandes banlieues pendant les premières heures de la matinée, tandis que les manifestants fusionnaient dans les flux qui se déversaient dans les principales artères en direction du centre de Conakry, les personnes interrogées par Human Rights Watch —tant les manifestants que les observateurs internationaux— ont signalé que les manifestants n’étaient pas armés et qu’ils défilaient pacifiquement.43 Les manifestants ont expliqué qu’ils portaient des panneaux et des banderoles avec des slogans comme « A bas Conté, » « Nous voulons le changement, » et « A bas le PUP. »44 De nombreux manifestants ont dit à Human Rights Watch que le maintien de l’ordre parmi les manifestants était assuré par des surveillants bénévoles, et l’un d’entre eux a expliqué son rôle comme suit:

Pendant le défilé du 22 janvier, j’étais un des surveillants. Notre rôle était d’empêcher les manifestants de lancer des pierres et de perpétrer des actes de vandalisme. Nous voulions améliorer les manifestations du 17 janvier, où des jeunes avaient jeté des pierres et voulaient insulter la police. Et même ce matin-là, près de Bambeto,45 il y avait eu un groupe qui lançait des pierres, aussi c’était important de calmer les choses. Les personnes qui jouaient ce rôle n’étaient organisées que de façon informelle, et c’était des gars plus âgés du quartier que les jeunes respectaient. Nous ne recevions pas d’ordres d’en haut.46

Alors que les manifestants avançaient vers le centre de Conakry, il y a eu plusieurs affrontements avec des groupes importants de policiers et de gendarmes stationnés à divers carrefours stratégiques. Bien que les policiers et les gendarmes aient tenté à de nombreuses reprises de disperser les manifestants qui avançaient en utilisant des gaz lacrymogènes et des coups de feu tirés en l’air, les témoins oculaires interrogés par Human Rights Watch signalent qu’à plusieurs reprises les forces de sécurité ont tiré directement dans la foule qui avançait, quand les moyens non létaux ont échoué à stopper leur avancée, faisant des morts dans les quartiers de Hamdallaye et de Dixinne.47

De nombreux manifestants interrogés par Human Rights Watch ont raconté qu’au lieu de fuir les coups de feu, la foule des manifestants ramassait les corps des morts et poursuivait sa marche vers les forces de sécurité en portant les cadavres au-dessus de leurs têtes.48 Le témoignage suivant est caractéristique:

Quand nous sommes arrivés à Hamdallaye, il y avait beaucoup de policiers et de gendarmes, et il y avait beaucoup de coups de feu tirés en l’air et beaucoup de gaz lacrymogènes. Mais ça ne faisait pas peur aux gens, alors ils ont tiré droit dans la foule. Il n’y a pas eu de jets de pierre à Hamdallaye. Rien. Deux sont morts là, que j’ai vus. Un a été touché au front, et l’autre à la poitrine. Je ne sais pas si c’est un policier ou un gendarme qui a tiré ces coups de feu en particulier. Nous avons pris les corps et nous les avons mis sur un morceau de tôle ondulée et nous les avons portés au-dessus de nos têtes. Les agents de sécurité ont reculé quand nous avons approché avec les cadavres et nous sommes passés pour continuer sur Bellevue.49

Un autre témoin interrogé par Human Rights Watch, enseignant dans une école coranique et âgé de 38 ans, a décrit un affrontement à Dar-Es-Salam, l’un des quartiers éloignés de Conakry, entre la police et les manifestants :

Ce matin-là, je suis arrivé à la grande route pour voir ce qui se passait. Quand je suis arrivé, il y avait des gens dans la rue qui scandaient « A bas Conté, » « A bas le régime, » et « A bas la dictature. » Il n’y avait pas de jets de pierres. J’ai vu un minibus de la police qui remontait la rue. Il était rempli de policiers, je ne sais pas combien. Il y en avait un assis à l’arrière. Je l’ai vu pointer son fusil vers la foule et tirer un seul coup de feu. Il a touché un manifestant, un jeune homme, au visage, et il l’a tué. Ils n’ont pas lancé de gaz, à ce que j’ai pu voir. A ce moment-là, la foule s’est mise réellement en colère et a commencé à se diriger vers le bus, et les policiers ont tiré en l’air pour effrayer les gens et puis ils sont partis. J’ai vu des manifestants prendre du sang sur le cadavre et s’en enduire le visage.50

Finalement, les forces de sécurité stationnées à plusieurs croisements stratégiques ont choisi de battre en retraite devant les manifestants qui avancaient pacifiquement, et dont le nombre augmentait d’heure en heure.51

Le pont du 8 Novembre

Conakry est situé sur une péninsule longue et étroite, large à certains endroits d’à peine plus de 500 mètres. Pour parvenir à l’Assemblée Nationale depuis les banlieues de Conakry, presque toutes les artères principales passent près d’un étranglement étroit, connu sous le nom de « Pont du 8 Novembre ». Le 22 janvier 2007, des dizaines de membres des forces de sécurité, comprenant des policiers, des gendarmes, et des membres de la garde présidentielle, étaient stationnés en rang en travers du pont, formant une barrière pour empêcher toute avancée au-delà du pont, vers les bâtiments de l’Assemblée Nationale ou vers n’importe quel point du centre ville.52 

Lorsque des groupes de manifestants ont atteint le pont du 8 Novembre, les forces de sécurité ont tenté de les disperser avec des gaz lacrymogènes et des coups de feu tirés en l’air.53 Quand ceci a échoué, des témoins ont déclaré à Human Rights Watch que les forces de sécurité, en particulier les Bérets rouges, avaient tiré directement dans la foule.54 Des journalistes et des responsables appartenant à des organisations humanitaires interrogés par Human Rights Watch estiment que entre 10 et 20 personnes ont été tuées au pont, bien que beaucoup plus soient probablement mortes des suites de leurs blessures.55 Un diplomate étranger qui a pu voir la scène qui se déroulait au pont, a fait le récit suivant :

D’après ce que j’ai pu voir de la manifestation du 22, les forces de sécurité tiraient sur une manifestation absolument pacifique. Les manifestants n’avaient pas de pierres ni d’armes d’aucune sorte. D’abord, les, forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes pour essayer de faire reculer les gens. Mais ensuite, la première vague de manifestants  qui avançaient vers le pont se rapprochait de plus en plus. Un manifestant portait un drapeau guinéen. Un groupe de manifestants s’est mis à genoux dans une attitude non menaçante en face des soldats. Mais les soldats ont fait feu sur celui au premier rang qui tenait le drapeau guinéen, alors qu’il était là à genoux. Ils ont littéralement tiré directement dans la foule. Les Bérets rouges tiraient, mais les policiers et les gendarmes aussi. Plusieurs personnes ont été blessées au pont, touchées au ventre, alors ils n’avaient pas pu tirer en l’air. J’ai vu des policiers donner des coups de pied à ceux qui étaient déjà couchés par terre, blessés et terrassés, aussi les forces de sécurité étaient clairement surexcitées. Des groupes de manifestants se dispersaient dans toutes les directions pour revenir à nouveau. Je ne sais pas pourquoi les manifestants continuaient à avancer. Peut-être qu’ils pensaient que parce qu’ils n’étaient pas armés, ils ne seraient pas blessés.56

Comme les forces de sécurité tiraient dans la foule qui se rapprochait du pont du 8 novembre, beaucoup de manifestants ont tenté de fuir. Des témoins oculaires interrogés par Human Rights Watch ont rapporté que les forces de sécurité stationnées au pont sont allées jusqu’à viser des manifestants non armés qui s’enfuyaient, et ne pouvaient d’aucune façon représenter une menace pour leur sécurité. Un manifestant a décrit la situation comme suit :

Alors que nous approchions du pont, nous scandions : « Nous ne voulons plus Conté. » Nous avions aussi un drapeau guinéen. Nous n’avions pas de pierres, aucune sorte d’armes. Nos seules armes étaient des petites branches d’arbres que nous agitions au-dessus de nos têtes. Vers deux heures de l’après-midi, nous sommes arrivés au pont. Il y avait là des policiers, des gendarmes et des Bérets rouges. Il y avait beaucoup de policiers. Il y avait moins de Bérets rouges, mais j’ai essayé de rester plus près de la police parce que les Bérets rouges tiraient davantage. J’ai vu les Bérets rouges qui tiraient droit dans la foule et plusieurs personnes sont tombées à terre. Nous avons paniqué et essayé de fuir. Alors que mon ami essayait d’escalader le mur d’un cimetière voisin pour s’échapper, quelqu’un a tiré et l’a touché à l’épaule. Il est tombé et a essayé d’escalader à nouveau, et ils lui ont encore tiré dessus, dans le bas du dos. Je savais que si j’essayai d’escalader le mur ils me tireraient dessus aussi, alors j’ai couru vers les policiers parce qu’ils ne tiraient pas autant et ils m’ont capturé. Ils m’ont frappé dans le dos avec la crosse de leurs fusils et ils m’ont arrêté.57

D’autres manifestants, qui ont réussi à s’enfuir loin des rangs des forces de sécurité qui tiraient depuis le pont, se sont retrouvés pris au piège en s’éloignant du pont quand ils sont tombés à la rencontre de groupes de policiers et de gendarmes qui venaient de l’autre direction.  Coincés entre deux groupes de forces de sécurité, beaucoup des manifestants qui tentaient de fuir ont essayé de se cacher dans des maisons voisines, dans la mosquée centrale de Conakry, et même à Camp Boiro.58 Un témoin a expliqué comment il s’était fait prendre par les forces de sécurité alors qu’il essayait de se cacher :

Après que je me suis enfui du pont, ils avaient barré la plupart des routes, aussi beaucoup de gens étaient pris au piège. Partout où je regardais, les policiers et les gendarmes frappaient et arrêtaient des gens. J’ai couru jusqu’à la grande mosquée, et puis je me suis enfui jusqu’à une maison avec un petit groupe de manifestants pour nous réfugier. Le père de la maison où nous étions nous a dit de rester là, mais plus tard il est revenu avec une quinzaine de Bérets verts.59 Ils se sont mis à frapper les manifestants dans la maison à coups de crosses de fusil et de matraques. Ils disaient : « Vous voulez un changement ou pas ? ». On comprenait que si on disait « Nous voulons le changement » ils continueraient à nous frapper, alors on a dit : « Non, nous ne voulons pas le changement, » et ils nous ont laissés partir.60

« Le jour de l’enfer » ; les blessés sont soignés dans les hôpitaux de Conakry

Comme le bilan des victimes s’alourdissait avec la poursuite de la grève, un grand nombre de morts et de blessés ont envahi les hôpitaux locaux. Le personnel médical en service le 22 janvier 2007, le jour le plus lourd pour les décès et les blessures de toute la période de crise qui a duré six semaines, a décrit les difficultés pour soigner l’afflux inattendu de blessés :

Le lundi 22 a été le jour de l’enfer. Nous n’étions tout simplement pas préparés à ça. Plus tôt ce jour-là nous avons vu de la fumée près de Hamdallaye61 et nous savions que ça serait mauvais. Entre 9:30 et 10 heures, nous avons vu les premiers groupes approcher. Il y avait déjà deux corps portés par les manifestants. Nous avons demandé où ils avaient été tués et ils ont dit « à la maison de Kerfalla. »62 Dix minutes plus tard, c’était l’enfer. Des blessés arrivaient au rythme de trois ou quatre par minute. C’était l’afollement dans tout l’hôpital. Nous voyions des tas de blessures à la tête. Pas simplement des blessures par balles, mais des têtes complètements explosées. Les blessures que nous avons vues étaient plus graves que celles que j’ai jamais vues pendant les attaques rebelles dans la forêt.63 La Croix-Rouge et les jeunes envoyaient des corps, en particulier depuis le pont, en se servant de bâches en plastique, des jeunes blessés pour la plupart. J’ai vu des docteurs pleurer en disant : « Pourquoi est-ce qu’ils tirent sur les leurs ? ». Nous travaillions sur des patients allongés par terre, sur le sol de l’hôpital. Il n’y avait pas d’autre endroit où les mettre. Et il n’y avait rien à l’hôpital en termes de  fournitures. Beaucoup sont morts avant même que nous n’ayons pu les traiter.64 

Au cours d’un épisode flagrant de recours excessif à la force contre des personnes blessées, plusieurs témoins, y compris des membres du corps médical essayant de s’occuper des blessés, ont dit avoir vu les forces de sécurité en uniformes verts tirant une cartouche de gaz lacrymogènes directement devant la salle des urgences alors que des patients étaient en train d’être soignés :

A un moment, ils ont lancé une cartouche de gaz lacrymogène dans la cour de l’hôpital, juste devant la salle des urgences où nous étions en train de soigner des gens. Un groupe de docteurs est sorti pour leur faire face et a dit : « Allez-y, tuez-nous aussi, tuez-nous tous. »  Nous leur avons dit : « Vous êtes Guinéens comme nous. Entrez et nous vous montrerons ce que vous avez fait depuis ce matin. » Je voulais qu’ils rentrent pour voir les blessés mais ils ont baissé leurs armes  et ils ont refusé. Il n’y avait pas de manifestants dans la cour quand ils ont tiré le gaz, et ce n’était pas une cartouche  égarée. Tout le monde sait que cette zone est la salle des urgences où les manifestants étaient soignés, aussi je pense qu’elle avait été tirée exprès. Plus tard, un Béret rouge est entré dans l’hôpital parce que son frère, un manifestant, avait été tué. D’abord il était furieux, disant qu’il allait venger la mort de son frère. Puis il s’est mis à pleurer en disant : « Nous leur avons dit de ne pas tirer. Nous leur avons dit de ne pas tirer. »65

Coups, arrestations et vols à l’encontre de manifestants et de passants

Tout au long des quatre premières semaines de grève, alors que les manifestants se dispersaient depuis les routes principales vers les quartiers environnants, la police et les gendarmes les ont poursuivis, parfois jusqu’à plus d’un kilomètre de la route principale où se déroulaient les manifestations. Human Rights Watch a interrogé des dizaines de témoins oculaires qui ont affirmé que, alors que les forces de sécurité pénétraient dans les quartiers,  elles se sont déchaînées contre les maisons et les commerces des habitants, frappant et volant non seulement les manifestants, mais aussi beaucoup d’autres personnes dont des femmes, des enfants et des hommes âgés qui n’avaient pas participé aux manifestations. Un homme de 47 ans a dit à Human Rights Watch que la  police avait fait irruption dans sa maison et l’avait volé, alors qu’il s’apprêtait à partir pour Dakar, au Sénégal, pour y subir une opération des yeux :

Le vendredi 26 janvier, aux environs de 10h30 du matin, j’étais couché dans la pièce unique de ma maison avec toutes les lumières éteintes. Cinq policiers environ ont brisé la porte. L’un d’entre eux a dit : « Tuez-le. » J’ai répondu : « Vous allez tuer une personne malade ? » Ils ont arraché une barre de fer à la porte et ils m’ont frappé avec sur le dos. Puis ils ont fouillé la maison. Ils ont volé huit millions de francs CFA [soit environ16000 $ US] que je gardais dans un sac pour aller me faire opérer des yeux à Dakar. Puis ils m’ont empoigné et ils ont essayé de prendre le téléphone que j’avais dans ma poche. J’ai dit : « S’il vous plait laissez-moi ça, vous avez pris tout le reste. » Alors ils m’ont frappé à la tempe gauche avec la crosse d’un fusil. Avant que tout cela arrive, j’avais essayé d’atteindre l’aéroport pour aller me faire soigner à Dakar, mais ce n’était pas possible d’y arriver à cause de tous les coups de feu. Maintenant, je ne sais pas comment je pourrai jamais me faire soigner.66

Au cours de leurs expéditions au sein des quartiers, les forces de sécurité ont arrêté beaucoup de personnes qui n’avaient pas grand chose à voir avec la manifestation. Beaucoup de ces personnes arrêtées qui ont été interrogées plus tard par Human Rights Watch ont dit qu’elles avaient été amenées dans les installations pénitentiaires de la police, battues, détenues pendant plusieurs jours, et relâchées seulement après que des proches  aient versé des pots-de-vin aux policiers pour obtenir leur libération. Un homme des banlieues éloignées de Conakry qui n’avait pas pris part aux grèves a décrit son arrestation à son domicile le 17 janvier 2007 :

Le jour où la police m’a arrêté, j’étais assis chez moi avec ma mère, ma femme et mon bébé. A deux heures de l’après-midi environ, ma femme a crié : « Lève-toi, des soldats arrivent ! » A ce moment-là, deux cartouches de gaz lacrymogènes ont été tirées dans la cour et une quinzaine de policiers ont enfoncé la porte. Je crois qu’ils étaient de la CMIS.67 Ils étaient tous habillés en noir. Quand ils ont fait irruption, ma mère s’est évanouie et elle est tombée par terre à cause du stress. Je les ai entendus dire en Soussou68 « Allons-y, allons-y, ils ont de l’argent, » et l’un d’eux a tiré quatre fois en l’air avec son fusil. Je me tenais à la porte d’entrée de la maison et je ne voulais pas les laisser passer, mais ils m’ont poussé et nous nous sommes bagarrés. L’un d’eux m’a frappé par derrière avec la crosse d’un fusil. Un autre a frappé ma femme, qui est tombée en tenant notre bébé d’ un mois. Puis l’un d’eux m’a frappé à terre avec son pistolet. Ils m’ont traîné jusqu’à la grande route et m’ont jeté dans leur camion et emporté au poste de police à Bellevue. Pendant tout le trajet, ils me donnaient des coups de pied et me giflaient. Au poste, ils m’ont attaché avec les menottes à un banc et ils m’ont frappé une trentaine de fois à coups de bottes et de poings. Ils m’ont laissé comme ça avec les menottes pendant deux jours. Ma mère a appelé mon cousin qui est un Béret rouge, et qui est venu à Bellevue pour me libérer. Ils ont payé 400 000 francs [francs guinéens, environ 67 $ US] pour me libérer. J’ai appris plus tard qu’après m’avoir arrêté ils avaient volé mon téléphone portable, mon appareil photo, 100 000 francs [francs guinéens, 17 $ US environ], une radio, ainsi que des vêtements de ma femme et de la nourriture de notre maison. Je ne sais pas pourquoi ils ont choisi notre maison, mais ce n’est pas la seule qu’ils aient attaquée dans le quartier. Depuis, j’ai décidé que je pourrais tout aussi bien faire grève et manifester avec tous les autres, parce que s’ils vont vous tuer, ils vont vous tuer, même à l’intérieur de votre propre maison.69

Un enseignant de 58 ans dont le fils a été tué le 22 janvier a décrit son arrestation alors qu’il essayait de trouver le corps de son fils :

Le lundi 22, à environ 10h30 du matin, l’ami de mon fils est venu me dire que mon fils avait été touché par une balle et qu’il était mort. Je voulais récupérer son corps, mais quand je suis arrivé à la grande route, on m’a dit que les manifestants l’avaient emporté comme faisant partie de leur manifestation, aussi j’ai décidé de les suivre dans l’espoir de retrouver le corps de mon fils. A Donka, on m’a dit que le corps de mon fils avait été abandonné près de Cameroun.70 A ce moment, beaucoup de manifestants fuyaient dans la direction opposée, mais j’ai continué à avancer. Près du poste de police de la CMIS, il y avait un groupe de policiers.71 Ils m’ont ramassé avec un autre gars. Puis ils ont jeté deux ou trois gosses dans le camion comme des sacs. Un policier qu’ils appelaient « Méthode » est arrivé et il m’a frappé à la tête puis il m’a arraché mon habit. Il m’a fouillé et a volé 200 000 francs [francs guinéens, 33 $ US environ] et mon téléphone portable. Je suis arrivé au poste de police pratiquement nu. C’était la CMIS. Ils ont pris nos noms et puis ils nous ont mis dans une cellule. Il y avait vingt-cinq personnes dans une cellule de moins de six mètres carrés. C’était plein d’urine et d’excréments. Ils ne nous ont pas interrogés, ils voulaient juste notre nom et notre quartier. Plus tard, nous avons été transférés dans une pièce commune plus grande avec environ quatre-vingt-quinze personnes à l’intérieur, toutes nues comme des vers de terre. Le moindre bruit et la police rentrait et frappait les gens avec des bâtons. Il y avait là beaucoup de manifestants blessés et enflés. Ils interrogeaient les syndicalistes dans la pièce à côté.72 J’ai reconnu les visages de certains d’entre eux pendant que nous étions transférés. Plus tard, nous avons été transférés dans une troisième pièce où nous avons passé la nuit. J’ai été relâché le lendemain.73

Harcèlement, arrestations et mauvais traitements contre des membres de la société civile

Tout au long de la grève, les plus hauts niveaux de direction du gouvernement dont la branche de l’exécutif, en même temps que les forces de sécurité guinéennes, se sont livrés à ce qui a semblé une tentative organisée pour intimider et réduire au silence les leaders syndicalistes et autres leaders de la société civile.

Le 13 janvier, des membres d’une coalition de la société civile, le Conseil National des Organisations de la Société Civile Guinéenne (CNOSCG), se trouvaient à leur siège en train de se préparer pour une manifestation devant avoir lieu le 15 janvier.74 Les jeunes membres s’étaient retrouvés là pour peindre des panneaux et des banderoles pour la manifestation avec divers slogans, tels que : « Nous en avons marre, nous voulons que ça change, »  « Nous avons faim, nous voulons du pain, » et « Nous n’avons pas d’eau ni d’électricité. »75 

Les membres du CNOSCG interrogés par Human Rights Watch rapportent comment cette après-midi là, un groupe de sept ou huit policiers a fait irruption dans la cour, arrêté sept de ceux qui préparaient les panneaux et les a emmenés (ainsi que les panneaux) au commissariat de police central, où ils ont été interrogés et jetés dans une cellule avec des suspects de droit commun, avant d’être relâchés tard ce soir-là après l’intervention de personnalités de la société civile.76 Le lendemain, 14 janvier, le gouverneur de Conakry a émis un décret interdisant toutes les manifestations de rues.77 La marche prévue pour le 15 janvier a été annulée, le dirigeant du CNOSCG, Ben Sékou Sylla, déclarant qu’il n’enverrait pas « la population à l’abattoir.”78

Le 17 janvier, les dirigeants des syndicats de la CNTG et de l’USTG ont tenté de défiler depuis le siège de la CNTG jusqu’au bâtiment de l’Assemblée Nationale pour remettre une lettre contenant leurs revendications au président de l’Assemblée Nationale.79 Des témoins  interrogés par Human Rights Watch ont décrit la marche comme pacifique, les syndicalistes marchant en tête et des jeunes du centre de Conakry les suivant.80 A peu près à  mi chemin du Palais du Peuple, cependant, la police et les gendarmes qui suivaient les manifestants ont lancé des gaz lacrymogènes et des tirs de sommation pour disperser la manifestation, et ils ont arrêté des membres du syndicat. Un syndicaliste a décrit la scène :

Soudain, la police tirait des gaz lacrymogènes partout, et commençait à frapper des gens à coups de matraques. Les manifestants se sont enfuis dans toutes les directions. D’après ce que j’ai pu voir, les jeunes étaient les plus visés par les coups. Au total, sept syndicalistes et un jeune ont été arrêtés et emmenés au poste de police de la CMIS. Quand ceux d’entre nous qui n’avions pas été arrêtés avons réussi à parvenir à l’Assemblée Nationale, Somparé nous a reçus et nous a demandé de quoi il s’agissait.81 Nous avons refusé de parler tant que nos camarades ne seraient pas relâchés.82

Les personnes emmenées par la police ont rapporté qu’elles avaient été relâchées plusieurs heures après leur arrestation et conduites au Palais du Peuple, permettant à la lettreau président de l’Assemblée Nationale, qui était portée par une des personnes arrêtées, d’être remise.83

Plus tard ce jour-là, les dirigeants syndicalistes rapportent qu’ils ont été convoqués à Camp Samory, une base militaire au centre de Conakry, où le Président Conté a menacé de les tuer.84 Lors d’un entretien avec Human Rights Watch, un dirigeant syndicaliste a décrit la rencontre entre la direction du syndicat et le Président Conté :

Nous avons été amenés au bureau du Président. Chantal Cole était là, ainsi que Fodé Bangoura et Kerfalla, mais seule Chantal Cole se tenait près du Président.85 Elle tenait une liste de nos revendications.  Il y avait des Bérets rouges qui se tenaient tout autour de la pièce. Puis le Président a dit : « Vous m’avez pris ma chemise. Je n’ai plus que mes pantalons. Vous m’avez humilié, mais je vous tuerai. Si je vous tue, je n’aurai à en répondre à personne, et personne ne pourra rien y faire. Est-ce que je devrais vous couper la tête, ou juste vous faire disparaître ? Je pourrais vous faire disparaître et personne ne le saurait jamais. Si je lève mon petit doigt, mes gardes vous couperont en petits morceaux et vous mangeront devant moi. Tôt ou tard, je vous tuerai. Je me demande juste de quelle façon je vais m’y prendre.”86

Selon le même leader syndicaliste, après ce discours, le Président Conté les a insultés et puis les a laissés rentrer chez eux.87

Le 22 janvier —le jour où des dizaines de milliers de Guinéens ont tenté de défiler depuis les banlieues jusqu’au Palais du Peuple, et le jour du plus grand nombre de victimes — le siège de l’un des deux principaux syndicats dirigeant la grève, la CNTG, a été attaqué par un groupe composé de policiers et de Bérets rouges. D’après des dirigeants syndicaux et d’autres personnes présentes dans le bâtiment, les Bérets rouges sont arrivés d’abord ce matin-là, conduits par Ousmane Conté, le fils du Président Conté.88 Les dirigeants syndicaux ont dit à Human Rights Watch que les forces de sécurité avaient alors cassé plusieurs portes au niveau supérieur du siège de la CNTG et arrêté six jeunes à l’étage, qui ont été emmenés au camp Koudara, où les syndicalistes ont rapporté qu’ils avaient reçu chacun 40 coups de matraque avant d’être relâchés.89 La plupart des dirigeants syndicaux étaient en bas au moment de la première intrusion, plusieurs d’entre eux observant Ousmane Conté depuis une fenêtre.90 

Plus tard dans l’après-midi, les syndicalistes rapportent que les Bérets rouges et la police sont revenus au siège de la CNTG en plus grand nombre, la police prenant d’assaut le premier étage depuis l’avant du bâtiment et les Bérets rouges prenant d’assaut le niveau inférieur depuis l’arrière du bâtiment.91 Un syndicaliste a décrit l’arrivée de la police à l’étage supérieur du siège de la CNTG:

J’étais au premier étage avec l’un des dirigeants syndicaux quand la police est arrivée. Aux environs de 5 heures de l’après-midi, nous avons entendu beaucoup de bruit et nous avons décidé de fermer la porte du bureau dans lequel nous nous trouvions, et puis de nous cacher dans les toilettes annexées à ce bureau. Nous étions une dizaine là-dedans. Peu après, la police a enfoncé les deux portes et nous a trouvés dans les toilettes. Trois policiers sont entrés dans les toilettes. L’un d’eux paraissait prêt à lancer une grenade de gaz lacrymogènes à l’intérieur et à fermer la porte. Mais un autre policier lui a saisi le bras. Nous avons levé les mains pour nous rendre et ils nous ont fouillés. Ils ont pris mon argent, 225 000 francs [francs guinéens, environ 37 $ US], et mon téléphone portable. Puis ils nous ont frappés à coups de matraques, en disant : « Vous voulez semer la pagaïe, c’est vous qu’on va mettre dans un bel état. Nous allons vous tuer tous. » Ils ont pris le secrétaire général et ils lui ont enlevé ses lunettes et ils se sont mis à le frapper partout à coups de matraques. Puis tout d’un coup ils sont partis tous les trois en courant et ils nous ont laissés, alors nous avons fermé la porte des toilettes à nouveau. Mais quelques minutes plus tard un second groupe est arrivé. Ils étaient trois. Nous avons levé les bras et ils nous ont fouillés à nouveau, et ils ont trouvé mon deuxième téléphone portable. Puis ils nous encore battus avant de nous arrêter et de nous envoyer jusqu’au camion qui était dehors. L’un d’eux a dit : « Nous allons tous vous tuer aujourd’hui. »92

Les syndicalistes ont dit à Human Rights Watch que pendant que les forces conjointes de la police et des Bérets rouges continuaient à dévaliser le bâtiment, renversant les ordinateurs et cassant le matériel de bureau, plusieurs d’entre eux ont convergé dans une pièce du rez-de-chaussée où se trouvaient les principaux dirigeants syndicaux. Une dirigeante syndicale a rapporté son expérience comme suit :

Vers 4h30 de l’après-midi, les Bérets rouges sont revenus. Nous avons entendu des cris et des insultes à l’extérieur de la pièce où nous nous trouvions. Puis une dizaine d’entre eux ont fait irruption dans la pièce.  Il y avait un Béret rouge et les autres étaient des policiers. L’un d’eux a dit : « Fofana est là, Raby est là. »93 Puis un autre a dit : « C’est ici que vous préparez votre coup d’état. On va vous en donner du changement. » Ils ont renversé tous les ordinateurs et le matériel. Sept d’entre eux ont pris Fofana et l’ont battu, le frappant durement à l’oeil. Ils l’ont menotté avec difficulté à cause de sa corpulence. L’un d’eux a dit : « Pique-le avec une baïonnette, ouvre-lui la tête, » et nous avons tous crié « Oh mon Dieu ! » Puis ils nous ont fait les poches pour nous prendre notre argent. Ils nous ont frappés à coups de crosses de fusils pendant que nous sortions. Nous nous dépêchions de sortir de la pièce pour éviter les coups. Puis ils nous ont mis dans une camionnette pick-up dehors, mais le véhicule était si plein de syndicalistes qu’il ne pouvait pas monter la petite côte pour sortir de notre parking. Alors ils nous ont tous jetés du camion et ils nous ont répartis dans quatre véhicules. On nous a d’abord emmenés au commissariat de police central en ville. Nous pensions qu’ils allaient nous tuer. Un policier a montré Fofana et a dit : « Qui lui a mis les menottes ? » Mais personne n’a répondu. A ce point, Fofana ne pouvait voir que d’un œil parce que l’autre était si gonflé et il avait du sang sur le visage. Beaucoup d’entre nous pleuraient de le voir comme ça.  Nous avons dit à la police : « Il est malade, il a du diabète. » L’un d’eux a dit : « On s’en fiche. Vous vouliez le changement, nous allons vous le donner. » Ils ont pris nos noms, et puis ils nous ont remis dans la camionnette. Il y avait des policiers assis sur le porte-bagages au-dessus de la couchette du pick-up avec les pieds qui pendaient près de nos têtes. Si l’un de nous bougeait, ils nous donnaient un coup de pied dans la tête. Puis ils nous ont amenés au poste de police de la CMIS. »94

Plus tard ce soir-là, les dirigeants des syndicats CNTG et USTG ont été emmenés depuis le poste de police de la CMIS voir le Président Conté à Camp Samory. Un dirigeant syndical interrogé par Human Rights Watch a affirmé que pendant cette rencontre, le Président Conté semblait ne pas avoir déjà connaissance de l’invasion des locaux de la CNTG et de l’arrestation ultérieure des syndicalistes, et qu’il avait ordonné leur libération.95 En tout, les dirigeants syndicaux ont précisé que 70 syndicalistes environ avaient été emmenés au poste de police de la CMIS où ils avaient été détenus jusqu’à environ minuit, avant d’être escortés jusque chez eux. Un accord ultérieur entre les syndicats, le gouvernement et le Conseil National du Patronat  signé le 27 janvier 2007 a officiellement « déploré l’invasion, la destruction, et le pillage de la Bourse de Travail [siège de la CNTG]…et l’arrestation arbitraire de dirigeants syndicaux. »

Intimidation des médias au cours des premières semaines de grève

Fin 2006, la Guinée est devenue le dernier pays d’Afrique occidentale à autoriser la diffusion de radios privées, mettant ainsi fin à 48 ans de monopole de la diffusion, lorsque quatre stations de radio privées se sont vues accorder des licences et ont commencé à diffuser leurs programmes.96 Malgré cette adoption apparente de la liberté d’expression, garantie dans le cadre de la constitution de la Guinée aussi bien que par les conventions internationales auxquelles ce pays est un Etat partie, 97 pendant les premières semaines de la grève, nombre d’actions ont été menées par des agents du gouvernement guinéen pour restreindre la libre transmission de l’information par des stations de radio privées. Par exemple, des journalistes interrogés par Human Rights Watch rapportent que la transmission FM de Radio France International a été interrompue par le gouvernement à deux occasions au moins pendant la durée de la grève.98 Le 15 janvier 2007, dans différentes visites aux diverses stations de radio, le ministre de l’information alors en poste, Boubacar Yacine Diallo, aurait interdit à toutes les stations de radio privées et publiques de diffuser toute information relative à la grève.99 Un employé d’une des quatre stations de radio privées de la Guinée, qui a persisté à diffuser des nouvelles relatives à la grève, a dit à Human Rights Watch qu’il avait reçu plusieurs appels menaçants, de la part du gouvernement et de sources anonymes, au cours des premières semaines de la grève, y compris de la part du ministre de l’Information en personne.100

La grève en dehors de Conakry

Si les quartiers de Conakry ont été les foyers des manifestations comme de la répression tout au long de la grève, les manifestations ne se sont pas limitées à celles de la capitale, ni à une région particulière ou à un groupe ethnique particulier. Entre le 17 et le 23 janvier, il y a eu des manifestations importantes dans presque toutes les villes et régions principales de la Guinée, par exemple à Télimélé, Koundara, Dalaba, Pita, Labé, Mamou, Siguiri, Kankan, Kissidougou et N’Zérékoré, et une dizaine de morts au moins ont été signalés à Labé, Mamou, Kankan et N’zérékoré.101 Bien que Human Rights Watch n’ait pas pu faire de recherches dans chacune de ces villes du fait de contraintes de temps, les chercheurs ont mené des entretiens dans les villes guinéennes centrales de Mamou, Dalaba et Labé.

Le Cas de Labé

Les forces de sécurité dans la région centrale guinéenne de Fouta Djallon ont imposé beaucoup plus de limites au cours des premières semaines de grève que leurs homologues à Conakry, ce qui a eu pour résultat un nombre de victimes beaucoup plus faible. A Labé, la capitale régionale, des témoins  rapportent que des manifestations se sont déroulées dans toute la ville presque chaque jour de la grève, et certains témoins oculaires et agents du gouvernement ont affirmé que les manifestants défilaient plus souvent à Labé que dans toute autre ville de Guinée.102 La majorité de ces manifestations étaient des rassemblements pacifiques, sans jets de pierres, ni vandalisme, ou brutalité de la part des forces de sécurité.103 Cependant, le 17 mars 2007, un groupe de manifestants a dévalisé la résidence officielle du gouverneur ainsi que le domicile privé du préfet de Dubréka.104 Les manifestants ont aussi attaqué la résidence du préfet, où un manifestant a été tué par balles.105

Malgré les manifestations fréquentes et les destructions de propriétés privées et gouvernementales, Labé a enregistré un seul mort et une poignée de blessés au cours des quatre premières semaines de grève. Les manifestants et les  agents gouvernementaux interrogés par Human Rights Watch attribuent le nombre relativement faible de morts à plusieurs facteurs, tels que l’organisation mise en place par les syndicats et les groupes de jeunes pour empêcher le vandalisme, et la détermination apparente du gouverneur de Labé de minimiser les pertes humaines.106 Le gouverneur de Labé a fourni le compte-rendu suivant du pillage de sa résidence :

Quand mes gardes m’ont appelé pour me dire que les manifestants étaient devant ma maison, l’un d’entre eux criait et disait : « Les manifestants vont nous tuer. » Je leur ai dit de ne pas tirer, et de battre en retraite s’il le fallait. En tant que gouverneur, c’est à moi de décider de tirer ou pas. Les fenêtres et les objets sont remplaçables, mais pas la vie. Les soldats chez moi étaient armés. Si je n’avais pas donné l’ordre de ne pas tirer, des manifestants seraient probablement morts en attaquant ma maison. Mais je leur ai dit de ne pas tirer, même en l’air, parce que ces balles peuvent retomber et tuer des gens. Si une maison comme celle-ci avait été attaquée à Conakry, il y aurait eu beaucoup de morts.107

D’autres personnes interrogées par Human Rights Watch attribuent le contrôle dont ont fait preuve les forces de sécurité à Labé pendant les premières semaines de grève, au moins en partie, à un tract mis en circulation par un groupe de jeunes après qu’un manifestant ait été tué devant la résidence du préfet, contenant la menace de tuer trois membres des familles des militaires pour chaque nouveau manifestant tué.108




24Entretien de Human Rights Watch avec le ministre guinéen de la Justice alors en poste,  Alsény René Gomez, Conakry, 8 février 2007; Serge Michel, “Mamadou Sylla, le millionnaire contesté, irrite les Guinéens en pleine crise sociale,” Le Monde, 16 janvier 2007, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3212,36-855908,0.html?xtor=RSS-3210, (consulté le 23 mars 2007).

25Mamadou Sylla aurait aussi un “découvert” de plusieurs millions de dollars à la Banque centrale, institution où des individus ne sont pas autorisés en théorie à posséder des comptes. Entretien de Human Rights Watch avec un correspondant international, Conakry, 8 février 2007.

26Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders syndicaux et d’autres leaders de la société civile, 5 février, et 15 et 16 mars 2007.

27La Centrale syndicale CNTG-USTG, “Avis de Grève,” 2 janvier 2007.

28Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders syndicalistes et autres leaders de la société civile, 5 et 6 février et 15 et 16 mars 2007. Tout au long de la grève, les leaders du PUP , le parti au pouvoir en Guinée, ont tenté d’utiliser la nature politique des revendications des syndicats pour suggérer que la grève était dirigée en coulisses par les partis politiques d’opposition, dans une tentative pour leur disputer le pouvoir. Entretien de Human Rights Watch avec un membre de l’Assemblée Nationale appartenant au PUP, Conakry, 17 mars 2007. Bien que les partis guinéens d’opposition aient fait profil bas avant et pendant la grève, le 8 janvier 2007, les leaders de l’opposition politique guinéenne ont mis leur poids derrière la grève en lançant un appel “à tous les citoyens pour effectuer des actes de désobéissance civile…jusqu’à ce qu’il y ait un retour à l’état de droit.” Déclaration des partis de l’opposition, 8 janvier 2007.

29Le terme “jeunes,” qui apparaît à de nombreuses reprises dans ce rapport, est souvent employé par les Guinéens pour désigner plus largement la “jeune génération,” et il peut désigner des individus ayant largement la trentaine. Dans ce rapport, Human Rights Watch utilise ce terme dans son acception guinéenne courante. 

30En Guinée, la gendarmerie est un corps militaire chargé des fonctions de police parmi les populations civiles. Elle est sous la responsabilité du ministère de la Défense.

31Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires, Conakry, 29 et 31 janvier, et 19 mars 2007. Bien que la plupart des chauffeurs de taxi ne soient pas des adhérents formels d’un syndicat, certains manifestants ont considéré les tentatives de ces quelques chauffeurs de taxi pour fonctionner comme le reflet d’un manque de solidarité. Tout au long de la grève, les jeunes manifestants ont essayé de les empêcher de circuler en élevant des barricades et en jetant des pierres.

32Il y a deux divisions au sein de l’armée guinéenne qui ont autorité pour porter des Bérets rouges —le Bataillon autonome de la Sécurité présidentielle (BASP), ou garde présidentielle, stationné principalement à Conakry et aux environs, et le Bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA), un groupe d’élite de commandos stationné au Camp Alpha Yaya dans les faubourgs de Conakry et à l’intérieur du pays. Entretien de Human Rights Watch avec un ancien membre de l’armée guinéenne, Conakry, 1er juillet 2006. Il n’est pas possible pour un civil de distinguer entre un membre du BASP et du BATA en se basant sur des différences d’uniforme. Entretien de Human Rights Watch avec le Colonel Mounié Donzo, commandant du BASP, Conakry, 16 mars 2007.

33Le centre ville et la zone commerciale de Conakry sont situés sur une péninsule longue et étroite. Ils abritent le quartier d’affaires de Conakry, et la majorité des habitants appartiennent au groupe ethnique des Soussous, le groupe ethnique dominant dans les régions côtières du sud de la Guinée . Lorsque cette péninsule s’élargit à sa base, elle abrite les banlieues de Conakry, où les quartiers sont dominés par d’autres importants groupes ethniques de Guinée : les Peul et les Malinké. Il y a des poches de richesse et de larges zones de pauvreté dans tout Conakry.

34Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 31 janvier 2007. Human Rights Watch a interrogé ce témoin tandis qu’il gisait prostré sur le sol de sa maison, et dont la jambe gravement blessée était maintenue par des attelles de carton usagé. Le témoin a dit à Human Rights Watch que la balle avait traversé la cuisse et fracassé le fémur.

35 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 29 janvier 2007.

36 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 29 janvier 2007.

37Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 29 janvier 2007.

38Voir, par exemple, “Les syndicats de Guinée lèvent lamise, le gouvernement traite la grève d’'Insurrection',” Agence France-Presse, 21 janvier 2007.

39Entretien de Human Rights Watchs avec des professionnels des services de santé, Conakry, 7 février. Deux professionnels des services de santé interrogés par Human Rights Watch ont affirmé qu’il y avait eu plus de 70 personnes tuées le 22 janvier à Conakry, et au moins 150 blessés.  

40 Entretiens de Human Rights Watch avec de multiples manifestants, Conakry, Janvier-février 2007.

41Entretien de Human Rights Watch avec un manifestant, Conakry, 29 janvier 2007.

42Entretiens de Human Rights Watch avec de multiples manifestants, Conakry, Janvier-février 2007.

43Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des journalistes, et des manifestants, Conakry, Janvier-février 2007.

44Entretiens de Human Rights Watch avec de multiples manifestants, Conakry, Janvier-février 2007. Le Parti de l’Unité et du Progrès (PUP) est le parti au gouvernement auquel appartient le Président Conté.

45 Un quartier dans les banlieues éloignées de Conakry.

46 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 6 février 2007.

47Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, Conakry, 29 janvier et 6 février 2007.

48 Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, Conakry, 29 et 30 janvier et 6 février 2007.

49 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 6 février 2007. Bellevue est un quartier au centre de Conakry.

50Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 30 janvier 2007.

51Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires, Conakry, 29 et 30 janvier, et 6 février 2007. Durant son séjour en Guinée, Human Rights Watch a visionné plusieurs vidéos prises par des manifestants le 22 janvier 2007, qui montrent des groupes importants de policiers qui préfèrent battre en retraite devant les manifestants qui avancent pacifiquement.

52 Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates et des témoins oculaires, 29 et 30 janvier et 5 et 6 février 2007.

53Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, Conakry, janvier et février 2007.

54Entretiens de Human Rights Watch avec de multiples témoins oculaires, Conakry, 29 et 30 janvier et 5 et 6 février 2007. Il existe des informations persistantes selon lesquelles certains des soldats participant à la répression, et en particulier au pont du 8 Novembre le 22 janvier, n’étaient pas en fait des Guinéens, mais un mélange de soldats envoyés de la Guinée-Bissau voisine, et de mercenaires libériens recrutés par le régime de Conté. “Fighters Cross Border,” IRIN, 22 janvier 2007. Les gouvernements impliqués ont nié ces allégations. Entretien de Human Rights Watch avec le Colonel Mounié Donzo, leader du BASP, Conakry, 16 mars 2007. “Bissau Army Denies Sending Troops to Conakry,” IRIN, 23 janvier 2007. Human Rights Watch n’a pas pu vérifier ces informations. Cependant, beaucoup de témoins ont dit à Human Rights Watch qu’ils avaient entendu des soldats parlant portugais et anglais le 22 janvier et qu’ils avaient vu des soldats portant des uniformes qu’ils n’avaient jamais vus auparavant. Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires et des journalistes, Conakry, 29 janvier et 1er et 8 février 2007.

55Entretiens de Human Rights Watch avec des journalistes, des organisations humanitaires et du personnel médical, Conakry, 1 et 7 février et 8 et 16 mars 2007.

56Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 5 février 2007.

57Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 6 février 2007.

58 Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires, Conakry, 29 et 30 janvier et 5 février 2007. Camp Boiro est un ancien camp de détention célèbre de style goulag où Sékou Touré a emprisonné des milliers de dissidents politiques. Aujourd’hui, il n’est plus utilisé comme installation pénitentiaire, mais pour loger des membres de l’armée guinéenne et d’autres forces de sécurité.

59Les gendarmes, tout comme les militaires ordinaires guinéens, portent des bérets verts. Quand nous l’avons interrogée, la victime n’était pas sûre du groupe auquel appartenaient ses assaillants, bien qu’il soit probable que les Bérets Verts en question étaient des gendarmes car les militaires de l’armée régulière guinéenne étaient confinés dans leurs baraquements pendant les premières semaines de grève. Entretien de Human Rights Watch avec un diplomate, Conakry, 30 janvier 2007.

60Entretien de Human Rights Watch avec une victime, Conakry, 30 janvier 2007. La victime avait de grosses croûtes partout sur les bras et les fesses, résultant selon lui des coups reçus.

61 Un quartier des banlieues éloignées de Conakry.

62Le Géneral Kerfalla Camara est chef d’état-major de l’armée guinéenne. Il a une maison dans le centre de Conakry. Human Rights Watch a interrogé plusieurs témoins  qui rapportent que le 22 janvier, des membres de la garde présidentielle, ou Bérets Rouges, ont tiré sur les manifestants près de la maison du Général Kerfalla, faisant cinq morts. Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires, Conakry, 30 janvier 2007.

63 Fin 2000 et début 2001, le gouvernement libérien, aidé par les combattants rebelles de Sierra Leone et les dissidents guinéens, a lancé une série d’attaques transfrontalières en Guinée, accusant la Guinée d’abriter et d’aider un groupe rebelle libérien, les Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie (LURD).

64 Entretien de Human Rights Watch avec un professionnel des services de santé, Conakry, 1er février 2007.

65Entretien de Human Rights Watch avec un professionnel des services de santé, Conakry, 1er février 2007.

66Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 31 janvier 2007. Human Rights Watch a observé les contusions sur le dos et la tête de la victime, ainsi que son dossier médical décrivant le traitement suivi pour des problèmes oculaires. La porte de la victime présentait des marques claires d’entrée forcée et l’intérieur de sa maison avait été dévalisé.

67Au sein de la police, il y a une unité consacrée aux interventions rapides connue sous le nom de Compagnie Mobile d’Intervention et de Sécurité (CMIS), entraînée spécialement au contrôle de foule et équipée pour le contrôle des émeutes. Entretien de Human Rights Watch avec le ministre de la Sécurité alors en fonction, Fodé Shapo Touré, Conakry, 7 février 2007.

68Les Soussous sont l’un des principaux groupes ethniques de Guinée, représentant environ 20% de la population, et dont le plus grand nomber habite les régions côtières du sud de la Guinée. C’est le groupe ethnique du Président Conté et de nombreux membres importants du gouvernement et de l’armée.

69Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 29 janvier 2007. Pendant la visite de Human Rights Watch, la porte de la victime présentait des marques claires d’entrée forcée et l’intérieur de sa maison avait été dévalisé.

70Donka est le nom de l’un des principaux hôpitaux de Conaky, situé dans le centre de Conakry. Cameroun désigne à la fois un quartier et un cimetière proches de l’hôpital Donka et aussi du pont du 8 novembre.

71Le quartier général de la CMIS n’est pas très éloigné de l’hôpital Donka, ni de Cameroun.

72Pour des détails sur les arrestations de syndicalistes, voir ci-dessous : Harcèlement, arrestations et mauvais traitements contre des membres de la société civile.

73 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Conakry, 29 janvier 2007.

74Un prospectus élaboré pour la manifestation du 15 janvier par le CNOSCG présentait l’événement comme un “rassemblement de citoyens pour une prière publique pacifique pour toutes les confessions religieuses,” devant se tenir devant l’Assemblée Nationale. 

75Entretien de Human Rights Watch avec des membres du CNOSCG, 1er et 5 février 2007.

76Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins oculaires et des leaders de la société civile, Conakry, 1er et 5 février 2007.

77Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders de la société civile, Conakry, 5 février 2007. Voir aussi “Guinea police break up demo, arrest dirigeants syndicaux behind strike,” Agence France-Presse, 17 janvier 2007.

78 Entretien de Human Rights Watch avec un leader de la société civile, Conakry, 5 février 2007.

79Situé au centre de Conakry, le siège de la CNTG, connu sous le nom de La Bourse du Travail, abrite l’un des plus gros syndicats de Guinée, la CNTG, ainsi que plusieurs syndicats de moindre importance.

80Entretien de Human Rights Watch avec des syndicalistes et d’autres témoins oculaires, 5 et 6 février 2007.

81Aboubacar Somparé est le président de l’Assemblée Nationale de Guinée.

82Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders syndicalistes, Conakry, 5 février 2007.

83Entretien de Human Rights Watch avec des syndicalistes, Conakry, 5 et 6 février 2007.

84 l’Intercentrale-syndicale CNTG-USTG, Info 31, 18 janvier 2007.

85 Chantal Cole est une conseillère du Président Conté. Fodé Bangoura était ministre aux Affaires présidentielles, mais il devait être révoqué peu après cette rencontre. Kerfalla Camara est le Chef d’état-major de l’armée de Guinée.

86Entretiens de Human Rights Watch avec un leader syndicaliste, Conakry, 5 février 2007.

87Entretiens de Human Rights Watch avec un leader syndicaliste, Conakry, 5 février 2007.

88Dans des interviews à la radio et des déclarations aux médias, Ousmane Conté a nié toute implication dans l’incident, prétendant qu’il ne se trouvait pas à Conakry à ce moment-là.

89Le Camp Koundara est une base militaire qui se trouve à peu de distance du siège de la CNTG, et c’est le quartier général du BASP, désigné parfois sous le nom de garde présidentielle, ou Bérets rouges. Entretiens de Human Rights Watch avec des syndicalistes, Conakry, 5 et 6 février 2007.

90 Entretiens de Human Rights Watch avec des syndicalistes, Conakry, 5 et 6 février 2007.

91Les personnes interrogées par Human Rights watch n’ont pas remarqué la présence de Ousmane Conté au cours du second assaut.

92Entretiens de Human Rights Watch avec des syndicalistes, Conakry, 6 février 2007.

93Ibrahima Fofana, leader de l’USTG, et Rabiatou Diallo, leader de la CNTG, sont les deux principaux dirigeants syndicaux qui ont mené la grève.

94Entretiens de Human Rights Watch avec des syndicalistes, Conakry, 5 février 2007.

95Entretien de Human Rights Watch avec un syndicaliste, Conakry, 5 et 6 février 2007.

96 En 2004, l’Union européenne a suspendu son aide au développement à la Guinée à cause de préoccupations relatives aux droits humains. Une condition imposée pour la reprise du financement était que des licences soient accordées pour la première fois de l’histoire de la Guinée à des stations de radio privées. Quatre licences ont été accordées en 2006 et fin 2006 des stations de radio privées ont commencé à diffuser pour la première fois.

97 Constitution de la République de Guinée (la Loi Fondamentale), Titre II, Article 7. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966, G.A. Res. 2200A (XXI), 999 U.N.T.S. 171 (entré en vigueur le 23 mars 1976 ; ratifié par la Guinée en 1978), Article 19.

98Entretiens de Human Rights Watch avec des journalistes, Conakry,1 et 8 février, et 15 mars 2007.

99“Minister Censors All Private Radio Stations,” Communiqué de presse de la Media Foundation for West Africa, 24 janvier 2007.

100Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste, 1er février 2006.

101Voir, “Guinea: The Killings Must Stop Immediately,” Communiqué de presse d’Amnesty International , AFR 29/001/2007, 26 janvier 2007, http://www.amnestyusa.org/regions/africa/document.do?id=ENGAFR290012007 (consulté le 4 avril, 2007); "Guinea: Strike violence spreads nationwide," IRIN, 17 janvier 2007; Alexandre Grosbois, "Guinea unions up ante, govt calls strike 'insurrection'," Agence France-Presse, 21 janvier 2007; "Two dead in southern Guinea as violence spreads," Reuters, 20 janvier 2007.

102 Entretiens de Human Rights Watch avec Abou Chéri Camara, le gouverneur de Labé, des personnalités de la société civile, et des manifestants, Labé, 3 février 2007.

103Entretiens de Human Rights Watchs avec Abou Chéri Camara, le gouverneur de Labé, des personnalités de la société civile, et des manifestants, Labé, 3 février 2007.

104Dubréka est une préfecture en Basse Guinée près de Conakry. Le préfet de Dubréka est originaire de Labé où il a construit une grande maison. Les manifestants rapportent qu’ils ont dévalisé la maison du préfet de Dubréka à cause des déclarations en faveur de Conté qu’il avait faites au cours de la première semaine de la grève. Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, Labé, 2 février 2007.

105Entretiens de Human Rights Watch avec des manifestants, Labé, 2 février 2007.

106Entretiens de Human Rights Watch avec le gouverneur de Labé, Abou Chéri Camara, des personnalités de la société civile et des manifestants, Labé, 3 février 2007.

107Entretien de Human Rights Watch avec le gouverneur de Labé, Abou Chéri Camara, Labé, 3 février 2007.

108 Dans un entretien avec Human Rights Watch, des dirigeants du groupe de jeunes ont qualifié cela de “tactique psychologique.” Des leaders du mouvement ont dit à Human Rights Watch qu’ils avaient reçu par la suite un message d’un officier militaire de Labé indiquant que l’armée avait pris la ferme décision qu’il n’y aurait pas d’autres manifestants tués. Entretiens de Human Rights Watch avec des leaders du mouvement des jeunes, Labé, 3 février 2007.