Rapports de Human Rights Watch

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II. Contexte

Le père de l’indépendance de la Guinée, Sékou Touré, dirigea le pays depuis l’indépendance obtenue de la France en 1958 jusqu’à sa mort en 1984.3 Embrassant une idéologie combinant panafricanisme et marxisme, Touré transforma la Guinée en une dictature à parti unique (avec une économie fermée, socialisée) où la liberté d’expression et l’opposition politique furent impitoyablement réprimées. Il  mit en place ce qui, par essence, devint un Etat policier. Les noms donnés à ses camps de type goulag réservés aux dissidents politiques, tel que le Camp Boiro, où des milliers de personnes furent emprisonnées, devinrent synonyme de torture, de faim et de mort.

En raison du climat de paranoïa et de répression qui règna à l’èpoque de Sékou Touré, des milliers d’intellectuels guinéens fuirent le pays, n’y retournant (pour ceux qui le firent) qu’après le décès de Sékou Touré en 1984. Selon certaines estimations, jusqu’à un million de Guinéens auraient trouvé refuge dans les pays voisins, notamment en Côte d’Ivoire.4

Lorsque Touré meurt en 1984, l’armée s’empare rapidement du pouvoir et le Col. Lansana Conté, président actuel du pays, émerge pour assumer le contrôle. Le nouveau gouvernement déclare que la protection des droits de l’homme est l’un de ses objectifs premiers, il libère les prisonniers politiques et encourage la diaspora guinéenne en exil à revenir au pays. En 1991, le multipartisme est autorisé et les premiers partis d’opposition voient le jour.

Lansana Conté continue ensuite sur sa lancée, remportant les élections de 1993 et 1998 que les observateurs internationaux considèrent entachées d’irrégularités en raison des accusations de truquages, des perturbations de meetings électoraux organisés par l’opposition et de l’arrestation et détention de personnalités de l’opposition.5 Conté est réélu pour un troisième mandat en 2003 après l’adoption d’un amendement à la constitution permettant au président de se représenter pour un nombre illimité de mandats.6 La plupart des partis de l’opposition boycottent les élections de 2003 et Conté remporte la victoire face à un seul autre candidat, relativement peu connu.

Bien que beaucoup de Guinéens assurent que les conditions sur le plan des droits de l’homme se sont améliorées depuis la période Sékou Touré, le régime Conté affiche un bilan médiocre en la matière, caractérisé par des exactions et une répression, notamment l’arrestation et la détention de leaders et de partisans de l’opposition, la torture des personnes en garde à vue accusées de délits de droit commun et le harcèlement des journalistes.7




[3] La Guinée a obtenu son indépendance de la France en 1958, après avoir été le premier et seul pays francophone d’Afrique de l’Ouest à dire « non » au référendum lancé par le Général Charles de Gaulle, optant pour une indépendance totale sans intégration dans la Communauté française.

[4] Département d’Etat américain, Bureau des affaires africaines, “Background Note: Guinea,” mai 2006, http://www.state.gov/r/pa/ei/bgn/2824.htm.

[5] Département d’Etat américain, Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail, “Country Reports on Human Rights Practices – 1999: Guinea,” 23 février 2000, http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/1999/250.htm; “Country Reports on Human Rights Practices – 1994: Guinea,” février 1995, http://dosfan.lib.uic.edu/ERC/democracy/1994_hrp_report/94hrp_report_africa/Guinea.html.

[6]  Cet amendement ainsi que la prolongation du mandat présidentiel de cinq à sept ans ont été approuvés lors d’un référendum national en 2001.

[7] Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des représentants de l’ONU, des organisations internationales non gouvernementales, des journalistes, des défenseurs locaux des droits de l’homme et des dirigeants de la société civile, Conakry, avril et juin 2006.


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