Africa - West

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VI. TRAITE DES GARÇONS TOGOLAIS HORS DU PAYS

A la différence des filles, les garçons interrogés par Human Rights Watch n'ont pas été victimes de la traite pour travailler comme domestiques ou sur les marchés. De même, aucun d'entre eux n'a été victime de la traite au Togo même. A l'exception d'un enfant victime de la traite pour travailler dans une usine en Côte d'Ivoire169, ils ont plutôt été victimes de la traite à destination du Bénin ou du Nigeria où ils ont travaillé pendant de longues heures, à des tâches agricoles difficiles et non rémunérées. Comme dans le cas des filles, ces pratiques s'apparentent à de l'esclavage170. Les garçons interrogés par Human Rights Watch ont raconté de façon typique qu'ils ne pouvaient se permettre d'aller à l'école et qu'ils avaient peu d'opportunités pour des apprentissages ou un travail rémunéré au Togo. Sur la promesse de biens très tentants tels que bicyclettes, radios, tôles pour toiture, ils ont facilement succombé aux offres de trafiquants d'enfants et dans certains cas, ont encouragé leurs amis à les accompagner à l'étranger. Ce n'est qu'après des mois, voire des années, de difficile labeur, caractérisé par des coups, une nourriture insuffisante et une utilisation obligatoire d'un équipement dangereux que ces garçons ont réalisé qu'ils avaient été dupés. Human Rights Watch a trouvé peu de preuves de l'intervention de l'Etat pour protéger les garçons victimes de la traite, à quelque stade que ce soit du processus de traite. Au contraire, les entretiens ont révélé que les patrouilles aux frontières acceptaient parfois des pots-de-vin de trafiquants emmenant un nombre important d'enfants au Bénin et que des soldats armés arrêtaient parfois les garçons dans leur voyage de retour chez eux, depuis le Nigeria et leur demandaient des pots-de-vin pour les laisser passer.

Recrutement
La plupart des garçons interrogés par Human Rights Watch n'ont pas été recrutés par le biais d'un arrangement passé entre leurs parents et un intermédiaire. Ils ont plutôt été approchés directement par un trafiquant et séduits par la perspective d'un travail rémunéré, d'une formation professionnelle ou de récompenses matérielles. « J'ai pensé que si j'allais au Nigeria et devenais riche, je pourrais revenir et apprendre un métier, » a expliqué Etse N., victime de la traite à destination du Nigeria en 2001, alors qu'il avait dix-sept ans. « On était pauvre et on n'avait pas d'argent ... et je ne faisais rien171. » Etse N. était encore plus tenté par la pensée de revenir chez lui avec une radio, une bicyclette et d'autres biens de luxe qu'il avait tant admirés chez ses amis. « Certains ont même rapporté des mobylettes d'occasion, » a-t-il dit. « Ils m'ont dit qu'ils étaient allés au Nigeria, qu'ils avaient travaillé dans les champs et avaient gagné beaucoup d'argent172 ».

Human Rights Watch a recueilli des informations sur de nombreuses stratégies utilisées afin de recruter les garçons pour des travaux à l'étranger. « [Les garçons] commencent par traîner autour des gares [de bus] et les trafiquants vont les chercher là-bas, » a raconté un éducateur local173. Tchaa N., victime de la traite à destinaiton du Nigeria où il est resté neuf mois s'est ainsi souvenu : « Quelqu'un de mon village m'a approché dans la rue et m'a dit que si j'allais avec lui, je pourrais acheter tout ce dont j'avais besoin174. » Tchaa a dit qu'il avait emmené son cousin avec lui, un garçon de neuf ans qui venait de débuter sa quatrième année d'école. Pratiquement tous les garçons victimes de la traite interrogés par Human Rights Watch ont mentionné une offre de bicyclette, de radio ou d'autres biens par les trafiquants. Un enfant victime de la traite avec son demi-frère il y a quatre ans a raconté :

Un homme est venu dans nos deux maisons. C'était quelqu'un que nos familles connaissaient. Il nous a parlé du travail qu'on pourrait avoir au Nigeria. A la fin, souffrir c'est souffrir. On devait faire quelque chose. J'ai essayé de me faire embaucher avec un pousse-pousse mais ça n'a pas marché. Mais cet homme, Mr M. ... --qui est maintenant décédé - a dit qu'on pourrait travailler et qu'on aurait des radios et une bicyclette. J'avais besoin des deux175.

Sur les trente-et-un garçons victimes de la traite interrogés par Human Rights Watch, seize ont affirmé qu'ils étaient partis sans informer leurs parents et plus encore, que leurs parents n'auraient pas approuvé leur départ. Dans d'autres cas, le degré avec lequel les parents ont anticipé un bénéfice personnel du fait du travail de leurs enfants, loin de la maison, est apparu ambigu. Une mère, furieuse que son enfant soit parti au Nigeria sans sa permission aurait également exprimé sa déception quand l'enfant est revenu sans tôle pour le toit de sa maison. Un autre aurait interdit à son enfant de partir mais aurait dit qu'il pourrait partir quand il serait plus grand.

« Un père qui envoie son enfant au Gabon ou en Côte d'Ivoire avec l'intention de faire travailler l'enfant et qu'il rapporte de l'argent à la maison ne veut pas la mort de son enfant, » a affirmé à Human Rights Watch le Juge Emanuel Edorh, magistrat en chef au Tribunal pour enfants du Togo. « Il veut seulement promouvoir l'éducation de l'enfant parce qu'il est dans une situation très difficile et qu'il pense qu'il peut l'améliorer176. » Victoire Lawson, directrice de projet pour la branche togolaise du Bureau International Catholique de l'Enfance (BICE) spéculait que les parents étaient plus disposés à laisser partir les filles que les garçons parce que les parents accordent une plus grande importance à l'éducation des garçons. « Quand un garçon est victime de la traite des enfants, il y a plus de chance que les parents le dénoncent, » a déclaré Lawson177. Certaines autorités locales étaient plus cyniques. « Les parents veulent les tôles pour leur toit et ils semblent penser que si leur enfant continue et réussit à l'école, il faudra encore attendre pour leur toiture, » a déclaré Zakar T. Nambiema, préfet de Bafilo. « Je n'ai jamais entendu un parent se plaindre que son enfant ait disparu, pas une seule fois. C'est la preuve de leur complicité178. »

Le père de Wiyao A., douze ans a affirmé à Human Rights Watch qu'un trafiquant s'était présenté aux funérailles de sa femme et avait offert de prendre l'un de ses seize enfants pour l'emmener en Côte d'Ivoire, dans un centre de formation pour charpentiers. « L'homme n'a pas dit combien il gagnerait d'argent, ni ce que serait le travail, » a raconté le père. « Je n'avais pas peur parce que je pensais que l'homme était honnête. Je le connaissais depuis longtemps et je pensais qu'il voulait m'aider179. » Quand Wiyao est arrivé à Abidjan, la capitale économique de Côte d'Ivoire, il a dit qu'il avait été conduit à un atelier de charpentier où travaillaient six autres garçons, trois originaire d'Abidjan et trois du Togo, comme lui. « On devait se lever à 4 heures du matin, nettoyer l'atelier et commencer à travailler à 6 heures, » a-t-il dit. « Des fois, on travaillait jusqu'à 8 ou 9 heures, ils avaient des lampes pour qu'on puisse travailler la nuit.180 »

Pour les orphelins, l'absence de soutien parental les expose à être victimes de la traite à plusieurs reprises. Atsou S. a d'abord été victime de la traite à destination du Nigeria à l'âge de onze ans et quand il est rentré chez lui, il n'y avait personne pour s'occuper de lui. « Je suis resté au Togo pendant deux semaines puis j'ai dû repartir, » a-t-il dit à Human Rights Watch. « Il n'y avait rien pour moi à la maison, alors j'ai pensé que ça serait mieux de repartir et de trouver du travail181. » Il a dit que son second patron était plus gentil que le premier ce qui l'avait incité à repartir. « La troisième fois, » a-t-il dit, « Je suis parti à Balanka et j'ai rencontré un groupe. J'y suis resté une année puis j'ai acheté une autre bicyclette et une radio et je suis rentré. J'ai maintenant vendu les deux bicyclettes et il me reste une radio182. » Dans tous ces cas, Atsou a été emmené par un intermédiaire qui a profité de son travail. Atsou a dit qu'il allait dépenser l'argent gagné en vendant ses bicyclettes pour sa grand-mère malade. « Si je pars encore, il n'y aura personne pour s'occuper d'elle, » a-t-il dit. « Ici, je peux travailler dans les fermes des gens et faire 500 CFA (U.S.75 cents) par jour de travail. Mais ils n'ont besoin de moi que pendant la saison des pluies et il n'y a pas encore eu de pluie cette année. J'attends la pluie183. »

Transport
Une fois recrutés, les garçons doivent supporter de longs et parfois dangereux voyages vers leurs pays de destination. Les garçons victimes de la traite du Togo au Nigeria ont dit à Human Rights Watch qu'ils avaient été transportés à travers le Bénin et dans le sud ouest du Nigeria. Chaque voyage a débuté avec un trafiquant fixant une heure et un lieu pour retrouver l'enfant dans son village, parfois tard le soir, presque toujours à une certaine distance de la maison de l'enfant. Au point de rendez-vous, l'enfant est typiquement rejoint par d'autres enfants de son village, tous destinés à travailler à l'étranger. Après avoir assemblé un petit groupe d'enfants, soit le trafiquant emmène les enfants directement au Nigeria dans une voiture, soit il les garde du côté togolais de la frontière entre le Togo et le Bénin et attend d'autres enfants. De ces villes frontalières - Pagouda, Tchamba, Balanka, Kambolé - de larges groupes de garçons entrent au Bénin et voyagent par la terre pendant plusieurs jours jusqu'à atteindre le Nigeria.

Les enfants interrogés par Human Rights Watch ont décrit des voyages sur des routes diverses et dans des groupes de tailles différentes. Dans un cas, deux garçons ont dit qu'ils avaient voyagé de Sotouboua, une ville proche de la frontière occidentale du Togo, à l'est de Sokodé et ensuite vers la ville de Tchamba où ils ont rejoint quarante-trois autres garçons. Là, les quarante-cinq garçons sont montés dans un camion de quinze places et ont passé trois jours à voyager jusqu'au Nigeria. Dans un autre cas, un garçon de Dereboua a dit qu'il avait voyagé avec deux autres jusqu'à Kambolé, en soi un voyage indirect, et ensuite jusqu'à Tchamba où il avait retrouvé huit autres enfants. Un autre point de transit fréquemment mentionné au Togo est Balanka, un village juste au nord de Kambolé sur la frontière avec le Bénin. Plusieurs garçons de la préfecture d'Elavagnon ont rapporté avoir fait de longs voyages jusqu'à Balanka où ils ont traversé la frontière avec le Bénin et retrouvé un important contingent - parfois jusqu'à 250 enfants - de l'autre côté. L'un d'entre eux a ainsi décrit son voyage :

De l'autre côté, un autre camion nous attendait. Il n'avait pas de sièges. On devait se tenir debout dans le camion. On était 250 dans un camion, tous debout. Il faisait chaud et on se tombait dessus. Le camion s'est tellement rempli que certains garçons ont dû s'asseoir sur le bord. Les garçons sur le bord se cognaient parfois contre un arbre et tombaient. Un garçon est tombé du camion et s'est cassé la jambe. Il n'y avait pas d'hôpital parce qu'on était en brousse. On l'a juste ramassé et remis dans le camion. On a conduit dans ce camion pendant sept jours, en prenant des détours pour éviter les soldats. Des fois, on prenait la même route qui est utilisée pour surveiller le bétail entre le Nigeria et le Bénin. La nuit, on descendait du camion et on dormait en brousse184.

A la frontière entre le Bénin et le Nigeria, les garçons auraient reçu différentes instructions de leurs trafiquants sur la façon d'éviter les responsables de la police et des services d'immigration. Pas une seule fois un enfant interrogé par Human Rights Watch ne s'est souvenu d'être passé par un véritable point de contrôle. Les enfants ont en revanche témoigné qu'ils avaient dû descendre des camions à la frontière, ramper à travers les buissons et emprunter de multiples détours. « Il y avait des soldats là-bas, » a raconté l'un d'entre eux, « et la personne qui nous a emmenés a dit qu'on pourrait être renvoyé si on ne se cachait pas. Alors on est sorti et on a marché dans les champs pour qu'ils puissent dire qu'on était juste des paysans dans les champs185. » Dans la plupart des cas, les garçons ont témoigné avoir évité les patrouilles aux frontières en étant envoyés un par un de l'autre côté des rivières et à travers la brousse, parfois avec l'aide d'un complice rémunéré.

Certains témoignages ont révélé l'existence d'une collusion entre trafiquants et patrouilles aux frontières. « On nous a dit d'acheter les gardes si on était pris, » a dit un garçon qui voyageait avec environ cinquante autres enfants. « Le trafiquant nous a donné de l'argent et nous a dit de les acheter186. » L'un des garçons du groupe de quarante-cinq enfants transportés dans un camion de quinze places (voir ci-dessus) a affirmé qu'un officiel avait dit à son trafiquant de payer une « surcharge187 ». Human Rights Watch a interrogé un seul enfant arrêté à la frontière alors qu'il se dirigeait vers le Bénin. Après avoir ramené l'enfant chez lui, la police a arrêté le trafiquant et le père de l'enfant qui aurait consenti à la traite188. Le père de l'enfant a dit à Human Rights Watch qu'il avait été emprisonné pendant vingt-cinq jours. Selon le garçon, le trafiquant était toujours en prison au moment de la visite de Human Rights Watch.

Des voyages en camions comme celui décrit plus haut pouvaient durer jusqu'à huit jours, selon si la route était directe ou non et si le camion tombait fréquemment en panne ou non. Atsou S., quatorze ans, a dit à Human Rights Watch que la première fois qu'il avait été victime de la traite, l'arrière du camion s'était physiquement détaché de l'avant :

Mon ami et moi, on marchait vers Balanka et on est monté dans un camion qui allait au Nigeria. Quand le camion traversait la brousse, l'arrière s'est partagé en deux et on est tous tombé. On a dû attendre pendant un jour un deuxième camion. Il y avait à peu près 200 enfants dans ce camion. Quand on est arrivé à la frontière, on est descendu et quelqu'un nous a aidés à traverser jusqu'à un endroit où attendait un autre camion. On a mis huit jours pour arriver au Nigeria189.

Il est de notoriété publique que le voyage par la terre, dans la région, est dangereux, la plupart des routes étant étroites, accidentées et faites de sable damé190. Traverser le Bénin d'ouest en est implique de traverser jusqu'à trois rivières - le Couffo au sud, le Zou et l'Ouémé à l'est. Les enfants interrogés par Human Rights Watch ont rapporté avoir traversé des rivières à la nage, avoir poussé des véhicules dans des eaux peu profondes et avoir traversé dans de petits bateaux ou canoës. Un enfant a décrit la traversée de la rivière comme « sauvage ». Un autre a décrit avoir dû traverser la frontière de nuit et empêcher le camion de verser dans la rivière :

Il faisait nuit quand je suis arrivé à Balanka. On est parti à 6 heures du soir et on est arrivé à la frontière avec le Bénin vers 10 heures du soir. Quand on est arrivé à la frontière, il y avait beaucoup de routes qu'on pouvait prendre. On est descendu du camion et on est passé à pied à travers la brousse pour éviter la police. On est passé un par un et on avait un lieu de rendez-vous de l'autre côté. Quand on est arrivé à la rivière, il n'y avait pas de pont alors on a traversé dans le camion en essayant de le garder en équilibre pour qu'il ne verse pas. On n'avait pas de nourriture et le camion était très plein. Quand on passait sous les arbres, il y avait des garçons qui se cognaient la tête contre des branches. Je suis presque tombé par-dessus bord. On a encore passé trois jours sur la route. Des fois, on s'arrêtait dans un petit village pour manger du gari191.

Un petit nombre d'enfants a raconté avoir été victimes de la traite individuellement plutôt qu'en groupe. Wiyao A., douze ans qui a travaillé dans une usine de meubles à Abidjan, a raconté que son trafiquant l'avait d'abord emmené à Atitogon, une petite ville, tout au sud du Togo. Il a dormi dans la maison de l'homme et tous les deux sont partis pour Lomé le lendemain matin. De Lomé, Wiyao a dit qu'avec son trafiquant, ils avaient pris un bus pour le Ghana et avaient ensuite roulé toute la nuit jusqu'à la frontière avec la Côte d'Ivoire. Le lendemain, ils avaient traversé sans parler à personne et avaient pris un bus public jusqu'à Abidjan.

Accueil des enfants et exploitation
La plupart des garçons interrogés par Human Rights Watch ont rapporté avoir travaillé dans des fermes, dans les villes et villages du plateau sud ouest du Nigeria. Le recours au travail des enfants dans cette région ne se limite pas aux garçons victimes de la traite en provenance du Togo mais s'inscrit dans un phénomène plus large impliquant des garçons victimes de la traite en provenance des états d'Akwa Ibom, Cross River et Imo au Nigeria. Un article récent dans le magazine nigérian Insider Weekly identifiait un « triangle nigérian des esclaves » entre Ore dans l'état d'Ondo, Shagamu dans l'état d'Ogun et Lagos, la ville la plus peuplée du Nigeria. Selon l'ancien président du gouvernement local de Yakurr, une région de l'état Cross River qui serait très touchée par le recrutement des enfants pour la traite. Ce commerce repose largement sur des réseaux criminels organisés locaux qui profitent de la vente des enfants à des fermiers locaux pratiquant une agriculture de subsistance.

Les garçons togolais victimes de la traite à destination du Nigeria ont rapporté avoir travaillé sur plusieurs fermes, dans des villages proches d'Ibadan et Ogbomosho, deux villes de l'état d'Oyo. Leurs témoignages à Human Rights Watch ont révélé plusieurs routes de la traite au Nigeria : du nord de Lagos à la ville d'Oyo ; d'Ibadan à Awe et d'Ogbomosho aux fermes de la région voisine. Toutes les régions dans lesquelles les garçons se sont souvenus avoir travaillé étaient situées soit dans l'état d'Oyo, soit dans l'état voisin d'Oshun.

Les garçons ont rapporté que dès le début de la saison sèche, en janvier jusqu'à la fin de la seconde saison des pluies en octobre, ils cultivaient des ignames, du manioc, du riz, des haricots, des cacahuètes, du sorgho, du maïs, du sésame et du millet. Les enfants victimes de la traite à destination du Bénin ont dit qu'ils avaient travaillé sur des cultures d'exportation comme le coton et les noix de cajou.

Pour les garçons interrogés, le travail commençait pratiquement immédiatement après leur arrivée et continuait sans répit. « On est arrivé au Nigeria et on est allé directement au travail, » a raconté un garçon de quinze ans, victime de la traite en 2001. « On a désherbé les champs ... On a planté du manioc, des ignames, du riz et du sorgho192. » Les tâches accomplies par les enfants, parfois à l'âge de sept ans seulement, variaient. Beaucoup ont dit qu'on leur avait demandé de former des rangées de petites buttes de terre pour y planter des pousses de yam ou d'autres graines. « Faire les buttes, c'était le plus dur pour nous, » a dit un enfant, « parce qu'on ne savait pas comment faire193. » Un autre enfant victime de la traite à l'âge de onze ans a affirmé que les monticules étaient préparés, rangée par rangée et que comme il était petit, il avait du mal à suivre le rythme des autres autour de lui. D'autres tâches incluaient sarclage, défricher la brousse, planter des graines et binage.

Selon ces garçons, la plupart des trafiquants trouvaient du travail de courte durée pour leurs recrues dans des fermes locales puis ils collectaient leurs salaires. De cette façon, les trafiquants maximisaient leurs profits en assignant des travaux multiples, sur une courte période. « Quand on avait fini avec un travail, ils nous en trouvaient un autre, » a dit Etse N., qui a débuté à Ogbomosho avec un groupe de neuf autres enfants194. Il décrit ainsi son quotidien :

Si un travail n'était pas assez important pour neuf garçons, le trafiquant nous divisait en petits groupes. J'ai travaillé dans beaucoup de fermes différentes et mon trafiquant cherchait toujours d'autres travaux. J'ai travaillé dans peut-être trente fermes par mois. Mon trafiquant voulait gagner beaucoup d'argent alors il me trouvait des travaux trop importants. On me disait de commencer quelque chose à 5 heures du soir et de ne pas rentrer avant d'avoir fini195.

Un autre enfant a décrit aller d'une ville à l'autre, voyageant souvent sur des distances pouvant atteindre quatre-vingt kilomètres afin de gagner de l'argent pour son trafiquant :

On était environ vingt-cinq. On travaillait de 7 heures du matin jusqu'à 2 heures de l'après-midi. Puis on est allé à Isseyin et on a commencé le travail. On a travaillé de 5 heures du matin à 7 ou 8 heures du soir. On nous a donné du gari le midi. On a désherbé, on a préparé les monticules, tout pour le manioc, les haricots, les cacahuètes et le mil. D'autres garçons venaient pendant la récolte196.

Ce système d'affectation du travail fournissait apparemment aux trafiquants une incitation pour maximiser les profits en faisant travailler les enfants au-delà de leurs limites. « C'était comme de l'esclavage, » a dit Sélom S., dix-sept ans, qui aurait été victime de la traite depuis Fasao suite au décès de ses parents en 1994. « On travaillait de 5 heures du matin à 6 ou 7 heures du soir sans vraiment de pause197. » Les heures que les enfants affirment passées à travailler dans les champs sont excessives d'après toutes les normes envisagées, d'autant plus si l'on considère leur âge. Des enfants ont dit avoir travaillé quinze heures par jour, commençant à 5 heures du matin et finissant à 8 heures du soir. Ils avaient peu ou pas de pauses, en moyenne une heure au déjeuner pour faire la sieste ou manger du gari. Ils ont affirmé qu'ils travaillaient sept jours par semaine et ne prenaient pas de vacances. Un enfant, victime de la traite à l'âge de douze ans, a décrit avoir dû travailler pendant de longues heures afin de garder le même rythme que les autres garçons :

Je devais faire le même travail que des garçons plus âgés. Les garçons plus petits pleuraient parce que le travail était trop dur. On a dit à notre patron que le travail était trop dur mais il a dit qu'on devait continuer. Si on ne finissait pas notre travail du jour, il nous faisait nous lever à 3 heures du matin le lendemain au lieu de 5 heures. On avait une pause au déjeuner et on travaillait jusqu'à 8 heures du soir198.

De nombreux garçons ont décrit les conditions d'un travail serviles ou des conditions de servitude afin de rembourser une dette. « [Mon patron] a dit qu'il allait payer pour le voyage et que je rembourserais en travaillant, » a dit Mawuena W., victime de la traite quand il avait onze ans. « On travaillait de 6 heures du matin jusqu'à 6 heures 30 le soir et à midi, ils nous donnaient du gari et des pois d'Angola199. » D'autres ont décrit devoir payer afin d'obtenir les informations pour rentrer chez eux, une fois la saison des pluies terminée. « Le patron a embauché quelqu'un pour nous montrer la route de retour à la maison et on a dû le payer aussi, » a-t-il dit. « Il nous a laissés au Bénin. » A la question de savoir pourquoi ils n'avaient pas pris la fuite plus tôt, les enfants ont évoqué la peur d'être dans un pays étranger, le fait qu'ils n'avaient pas d'argent pour rentrer chez eux et l'espoir que le prochain travail serait plus facile que le précédent. « Je ne savais pas où aller, » a dit Mawuena W. « Je ne connaissais pas l'endroit où on était et l'homme disait tout le temps que si je voulais une bicyclette, je devais travailler200. »

Exposition aux dangers et aux abus
La plupart des garçons interrogés par Human Rights Watch ont rapporté avoir souffert de blessures physiques au travail. Certaines avaient été causées par des châtiments corporels infligés par leurs employeurs. « Si on ne travaillait pas bien ou pas assez vite, ils nous punissaient, » a dit un enfant.  « On devait aller tirer et transporter de l'eau toute la journée ou on était battu avec un bâton. J'ai été battu dix fois201. » Un autre enfant a dit que les enfants plus jeunes supportaient le plus gros des coups. « Notre patron nous attaquait si on se plaignait ou battait les enfants plus jeunes avec un bâton s'ils ne travaillaient pas assez dur, » a-t-il dit. Resté en contact avec certains des enfants plus jeunes avec lesquels il avait travaillé, cet enfant a affirmé que ces derniers portaient encore les cicatrices des coups qu'ils avaient reçus202.

D'autres blessures provenaient de l'utilisation obligatoire d'un équipement dangereux. Quelques garçons ont dit qu'ils avaient utilisé des machettes pour couper les branches des arbres, ce qui entraînait parfois des blessures physiques. « C'est seulement quand quelqu'un avait une coupure sur la jambe à cause d'une machette ou de quelque chose d'autre et qu'ils pouvaient voir le sang qu'ils vous laissaient vous arrêter de travailler, » a dit un enfant à Human Rights Watch203. D'autres n'étaient pas autorisés à cesser de travailler s'ils étaient blessés. « Je me suis presque coupé le doigt avec une machette. Ma main était complètement enflée après deux jours, » a dit un garçon. « J'ai montré au patron et il a dit, `C'est rien, tu es trop paresseux pour travailler.' 204» Wiyao A., dont le travail consistait à scier et poncer du bois pour des meubles s'est coupé deux fois avec une scie, une fois à chaque main205. « Notre patron nous emmenait jamais à l'hôpital, » a dit Wiyao lorsqu'il était interrogé sur ses blessures. « Quand on disait qu'on était malade, il nous accusait de mentir206. »

La peur d'être malade ou blessé et donc de devoir rattraper le temps perdu ou de subir des châtiments est un thème récurrent dans les entretiens de Human Rights Watch avec les garçons victimes de la traite. « Parce que je suis tombé malade et que je ne pouvais plus travailler, je n'ai pas eu de radio, » a dit un enfant, qui aurait travaillé sur une ferme pendant huit mois207. Mawuena W., victime de la traite quand il avait onze ans, a raconté une histoire similaire. « Une fois je suis tombé malade avec le palu et j'ai dû allé à l'hôpital, » a-t-il dit. « A la fin, j'ai eu une bicyclette mais ils m'ont pas donné une radio parce que j'avais été malade et que j'avais manqué au travail208. » D'autres ont dit qu'ils n'avouaient pas leurs maladies, craignant même d'être privés de nourriture. « Si vous êtes malade et que vous ne pouvez pas travailler, » a dit l'un d'entre eux, « vous êtes forcé ou vous ne pourrez pas manger209. »

Retour
Les garçons qui travaillaient dans l'agriculture au Nigeria ont raconté avoir passé entre huit mois et deux ans à l'étranger, après lesquels ils ont été libérés par leurs trafiquants210. Typiquement autour d'octobre ou novembre, selon eux, ils recevaient une bicyclette ou une autre forme de compensation comme une radio ou de la tôle pour les toitures et il leur était ordonné de rentrer chez eux. Certains garçons se sont souvenus avoir reçu de l'argent liquide pour la nourriture ou le transport alors que d'autres ont dit qu'ils avaient été confiés à des complices qui leur faisaient payer les informations nécessaires à leur retour. Dans un cas, trois garçons ont dit qu'ils avaient trouvé un travail temporaire rémunéré au Nigeria après avoir été libérés par leurs trafiquants. De nombreux garçons ont dit qu'ils avaient tout vendu sauf leur bicyclette afin de payer pour la nourriture, les directions ou les pots-de-vin. Les bicyclettes étaient souvent vendues à l'arrivée.

Comme détaillé plus bas (voir Section VII : Réponse de l'Etat), le gouvernement togolais a pour politique d'aider les enfants victimes de la traite à rentrer chez eux, en toute sécurité et de traduire en justice les responsables de tels actes. Dans les entretiens avec Human Rights Watch cependant, les garçons ne se sont pas souvenus avoir reçu une aide de l'Etat dans leur voyage de retour chez eux, soit de la part des autorités togolaises, soit des autorités étrangères. Les enfants victimes de la traite à destination du Nigeria ont décrit des voyages, livrés à eux-mêmes en bicyclette du Nigeria à leur village, pouvant durer jusqu'à neuf jours. Ils ont dit avoir été volés, forcés à payer des soldats et avoir passé plusieurs journées consécutives sans nourriture. « On nous a renvoyés chez nous avec trois bols de gari et 6 000 CFA (U.S.$9), » a dit un garçon parti avec deux amis. « Sur le chemin entre le Nigeria et le Bénin, on a dû acheter les soldats avec 100-200 CFA (U.S.15-30 cents) pour qu'ils nous laissent passer211. » Son ami a ainsi poursuivi le récit. « Après avoir épuisé notre nourriture, on volait du manioc dans une ferme et on le mangeait cru, comme les cochons. On a fait ça pendant trois jours212. » Des garçons ont dit à Human Rights Watch que leur argent avait été volé par des bandits sur la route. « Des fois, on était arrêté par des gens qui nous menaçaient de prendre nos bicyclettes, » a dit un garçon. « Ils nous interceptaient et nous demandaient 500 CFA (U.S.75 cents) ou nous forçaient à vendre nos radios à prix bas213. »

A la question sur la situation des garçons rentrant du Nigeria au Togo, Suzanne Aho a affirmé à Human Rights Watch que certains n'étaient pas arrivés jusque chez eux. « Il y a des cas de garçons morts sur la route du retour, » a-t-elle dit. « Si quelqu'un voit le cadavre, tout ce qui peut être fait, c'est de l'enterrer. Ces garçons ont payé de leur vie214. »

Wiyao A., ouvrier d'usine à Abidjan, a dit à Human Rights Watch qu'il avait fui avec un ami deux ans après avoir été victime de la traite, quand il a appris la nouvelle de la mort de sa mère dans un accident de camion. Comme les garçons victimes de la traite à destination du Nigeria, Wiyao et son ami n'ont reçu aucune assistance de l'Etat par le biais des autorités ivoiriennes. Au contraire, un étranger les a conduits au Bureau International Catholique de l'Enfance (BICE) à Abidjan, qui les a hébergés temporairement, a pris les dispositions pour un transport par un bus du gouvernement jusqu'à Lomé et les a réunis avec leurs familles. Une fois chez eux, les choses ont apparemment empiré pour l'ami de Wiyao. « Quand on était à Abidjan, il toussait beaucoup, » se souvient Wiyao, « mais notre maître n'y prêtait pas attention. Chaque fois qu'on se plaignait d'être malade, il nous disait qu'on était paresseux et qu'on voulait juste éviter de travailler215. » Peu de temps après son retour chez lui, l'ami de Wiyao serait mort de tuberculose. « Ils ne l'ont pas détecté suffisamment tôt, » a dit Wiyao. « Il est allé à l'hôpital et il est mort, il y a presque un an216. »

Alors que de nombreux garçons victimes de la traite ont dit qu'ils avaient été encouragés à revenir travailler la saison suivante, beaucoup ont affirmé que l'expérience n'en valait pas la peine. « La bicyclette, c'était pas assez pour tout le travail que j'ai fait, » a dit l'un d'entre eux. « Si je pouvais trouver un travail ici, je pourrais acheter trois bicyclettes pour tout le travail que j'ai fait217. » En même temps, les garçons ont évoqué le peu d'opportunités chez eux. « Quand je suis arrivé chez moi, je n'avais rien à manger alors j'ai cherché un petit travail, » a dit un garçon, qui aurait été victime de la traite quand il avait douze ans. « J'allais chez le réparateur de vélos et je l'aidais en échange de nourriture. Avant de partir pour le Nigeria, j'étais en quatrième année à l'école mais maintenant, je ne vais plus à l'école218. » D'autres ont témoigné d'un manque similaire de perspectives. « Mes parents font attention et ils ne me laisseront pas partir, » a dit l'un d'entre eux. « Mais je suis revenu dans la même situation, je n'ai pas d'argent pour acheter de l'engrais et je ne peux pas décrocher un travail pour le gouvernement219. » Ceux qui ont essayé de persuader leurs amis de ne pas aller au Nigeria ont raconté avoir obtenu un succès mitigé. « Une fois, on connaissait cinq personnes qui partaient, » a dit l'un d'entre eux, « et on a essayé de les arrêter. Mais ils ont dit à tout le monde qu'on avait des vélos et qu'on ne voulait pas que les autres garçons en aient aussi comme nous220. »

169 En comparaison, l'étude par pays du BIT-IPEC sur la traite des enfants au Togo concluait que les garçons étaient « principalement envoyés au Nigeria et en Côte d'Ivoire ». Abalo, « Trafic des enfants au Togo », p. xv. Le fait qu'un seul enfant interrogé par Human Rights Watch ait été victime de la traite pour aller travailler en usine en Côte d'Ivoire ne signifie pas que le phénomène soit rare. Human Rights Watch n'a conduit des entretiens qu'avec des enfants anciennement victimes de la traite, vivant actuellement au Togo. Ceci a pu exclure des groupes entiers d'enfants vivant et travaillant encore en Côte d'Ivoire ou dans quelque autre pays « de destination ». Le fait que tant de garçons aient rapporté avoir travaillé dans l'agriculture au Nigeria peut refléter le fait que ces garçons avaient reçu pour instruction de leurs trafiquants de rentrer chez eux, au Togo, après une certaine période de travail.

170 Une discussion plus détaillée se trouve dans la Section VIII : « Protection légale contre la traite des enfants », ci-dessous.

171 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

172 Ibid.

173 Entretien conduit par Human Rights Watch avec des villageois, Bafilo, 2 mai 2002.

174 Entretien conduit par Human Rights Watch, La Binah, 3 mai 2002.

175 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bassar, 3 mai 2002.

176 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Emanuel Edorh, magistrat en chef, Tribunal pour enfants, Lomé, 13 mai 2002.

177 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Victoire Lawson, coordinatrice de projet, BICE-Togo, Lomé, 14 mai 2002.

178 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Zakar T. Nambiema, préfet de Bafilo, 2 mai 2002.

179 Entretien conduit par Human Rights Watch avec le père de Wiyao A., Vo, 16 mai 2002.

180 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Wiyao A., Vo, 16 mai 2002.

181 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

182 Ibid.

183 Ibid.

184 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

185 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

186 Entretien conduit par Human Rights Watch, La Binah, 3 mai 2002.

187 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

188 Entretien conduit par Human Rights Watch, Tchamba, 2 mai 2002.

189 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

190 Voir par exemple, Département d'Etat américain, « Benin-Consular Information Sheet » (20 février 2001) à http://travel.state.gov/benin.html (consulté le 9 juillet 2002).

191 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

192 Entretien conduit par Human Rights Watch, La Binah, 3 mai 2002.

193 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bassar, 3 mai 2002.

194 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

195 Ibid.

196 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

197 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

198 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

199 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

200 Ibid.

201 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bassar, 3 mai 2002.

202 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

203 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

204 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

205 Entretien conduit par Human Rights Watch, Vo, 16 mai 2002.

206 Ibid.

207 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

208 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

209 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

210 Les durées les plus fréquentes étaient neuf mois, onze mois et un an. Deux garçons ont rapporté avoir travaillé à l'étranger pendant deux ans.

211 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

212 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

213 Ibid.

214 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Suzanne Aho, Lomé, 6 mai 2002.

215 Entretien conduit par Human Rights Watch, Vo, 16 mai 2002.

216 Ibid.

217 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

218 Entretien conduit par Human Rights Watch, Elavagnon, 10 mai 2002.

219 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bassar, 3 mai 2002.

220 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

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