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VI. LES ENFANTS SANS PARENTS : DES VICTIMES D'ABUS ET D'EXPLOITATION

L'un des effets les plus dévastateurs du génocide et de la guerre au Rwanda sont peut-être ces centaines de milliers d'enfants restés orphelins ou sans protection parentale depuis 1994. Pendant le génocide et ses suites dans les camps de réfugiés et déplacés, ces enfants ont dû se débrouiller seuls face aux atrocités qui se commettaient autour d'eux et pour rester en vie. Aujourd'hui, ils luttent pour reconstruire leur vie avec peu d'aide de la part d'une société qui a été complètement dévastée. Beaucoup vivant en état de pauvreté, ils sont chaque jour confrontés au défi de trouver à se nourrir, s'abriter, se vêtir, essayer de suivre l'école ou de gagner leur vie. En outre, des milliers d'enfants vulnérables sont exploités dans leur travail ou leurs droits de propriété et se voient dénier leur droit à l'éducation.

En 1992, l'Analyse de la situation au Rwanda effectuée par l'UNICEF montrait qu'il n'était plus possible d'attendre de la famille élargie qu'elle étende son traditionnel filet de sûreté pour les orphelins.232 Depuis, l'ampleur de la crise des enfants sans parents a dépassé les pires prévisions. Il n'y a désormais plus assez d'adultes pour assumer le rôle de parents. Un instituteur de Kibungo a estimé que, sur soixante personnes ayant suivi un enseignement universitaire dans sa commune en 1994, dix seulement étaient toujours en fonction. « Les autres sont morts, en prison ou ne sont jamais rentrés des camps de réfugiés. »233

Si la difficile situation économique et sociale de ces nombreux enfants des collines rwandaises ne manque pas d'inspirer de la pitié, il est pourtant relativement facile pour une majorité de personnes de considérer que les droits de l'enfant ne constituent pas une priorité, compte tenu des insurmontables problèmes auxquels les Rwandais doivent faire face. Se satisfaire de cette situation, de plus en plus répandue, fait que le Rwanda ne se presse pas de prendre des mesures pour protéger les droits des enfants.

Les enfants livrés à eux-mêmes pendant les événements de 1994-1997
Jusqu'en 1996, le Comité international de la Croix rouge (CICR) a enregistré plus de 120.000 mineurs non-accompagnés en conséquence du génocide mais, selon certains observateurs et le Gouvernement rwandais, jusqu'à 400.000 enfants se sont trouvés non-accompagnés d'une façon ou d'une autre.234 Certains ont été séparés de leurs parents ou les ont perdus pendant le génocide, d'autres lors de l'exode hors du Rwanda. Le conflit armé et les déplacements de populations s'étant poursuivis sur les trois années suivantes, un nombre croissant d'enfants ont été séparés de leurs familles. Un flot d'enfants, parmi eux de nombreux blessés, a déferlé sur un centre de Butare après que les troupes de l'APR eurent massacré des milliers de personnes dans le camp de déplacés de Kibeho en 1995.235 Des milliers d'autres se sont trouvés séparés lors des rapatriements forcés de réfugiés depuis Bukavu en août 1995 et décembre 1996, des rapatriements massifs du Burundi en juillet 1996 ou de la dispersion par la force des camps de réfugiés de Bukavu, Uvira et Goma en octobre et novembre 1996 et de la fermeture forcée des camps de réfugiés en Tanzanie en décembre 1996.236 Le CICR a enregistré plus de 28.000 mineurs non-accompagnés pour le seul mois de novembre 1996.237 Le personnel humanitaire s'est également trouvé face à un problème sans précédent, celui des « mères non-accompagnées », à savoir des filles seules qui avaient accouché dans les camps, parfois après des viols.238

Dès août 1994, le nouveau Gouvernement rwandais et les agences humanitaires établissaient que les enfants non-accompagnés seraient mieux dans des familles que dans des centres ou des orphelinats. La politique officielle face à ces enfants, conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant, mettait l'accent sur le « tracing » (qui permet de retracer le parcours de l'enfant), la réunion familiale et le placement dans des familles d'accueil.239 Ceci s'est formalisé en 1995 quand le gouvernement a promu la politique « un enfant, une famille » destinée à renvoyer le maximum d'enfants dans leurs familles d'origine et à placer les autres.

Néanmoins, des dizaines de milliers d'enfants ont atterri dans des orphelinats ou des centres pour enfants non-accompagnés, parfois parce qu'ils n'avaient nul autre endroit où aller. Dans certains cas, des parents désespérés avaient eux-mêmes envoyés leurs enfants dans ces centres, espérant qu'ils y seraient mieux nourris, soignés et éduqués que chez eux. A Butare, un assistant social a confié aux chercheurs de Human Rights Watch qu'une de ses collègues avait elle-même adressé ses deux enfants à un centre, « parce que leur famille ne pouvait en aucun cas en prendre aussi bien soin. »240

Les conditions d'accueil des enfants dans ces centres variaient beaucoup. Certains centres étaient surpeuplés et abritaient deux fois plus d'enfants que leur capacité ne les y autorisait, étaient mal gérés et manquaient de personnel qualifié. Selon un assistant social, par exemple, les enfants étaient parfois laissés nus pour que les employés n'aient pas à laver leurs vêtements.241 Des conflits sont apparus entre des enfants Tutsis arrivés dans l'un des centres de Butare en 1994 et des enfants Hutus arrivés plus tard.242 Dans les centres, les experts ont constaté que les enfants se sentaient complètement coupés de la société et qu'ils avaient des difficultés à s'imaginer de retour dans leurs familles.243 En même temps, certains employés disaient qu'ils avaient peur de rendre ces centres trop confortables parce que les enfants vivant dans un environnement « embelli » étaient souvent réticents à regagner leur foyer quand leur famille était localisée. Enfin, certains centres auraient retardé la réunion des enfants avec leur famille de crainte de voir se tarir leurs sources de financement.244

Au total, les organismes humanitaires ont été capables de placer dans des familles d'accueil 62.569 enfants non-accompagnés sur 122.664 enregistrés.245 Retrouver la trace des familles de ces enfants s'est avéré extrêmement difficile, surtout pour les enfants très traumatisés ou très jeunes qui ne pouvaient se rappeler ni de leur nom ni d'où ils venaient. L'insécurité a également entravé ces efforts246 Deux fillettes rentrées seules au Rwanda après que leur mère eut été tuée au Congo ont erré sans dans le sud-ouest du Rwanda, finissant par atterrir dans les rues de la ville de Butare. Là, en 2000, elles ont indiqué à une assistante sociale qu'elles pensaient être de la province de Gikongoro. L'assistante sociale a raconté à Human Rights Watch qu'elle voulait commencer à rechercher des traces de leurs familles mais qu'elle manquait de moyens pour le faire. De toutes façons, a-t-elle ajouté, les chances d'une réunion rapide étaient minces avec si peu d'informations et après tant de temps.247 Les assistants sociaux et le personnel humanitaire ont en outre fait valoir que mêmes les enfants réunis avec leurs propres parents faisaient souvent face à d'énormes difficultés sur les collines, difficultés essentiellement liées à la pauvreté.

Un nombre incalculable d'enfants qui n'ont jamais fait l'objet de placement formel ont par ailleurs été absorbés par des familles qui n'étaient pas les leurs, dans ce qu'il est convenu d'appeler un placement spontané. Le cas de Jacques G., tel que raconté en 1996 par un homme qui lui est venu en aide, est à cet égard exemplaire:

Le 5 juillet 1994, pendant la guerre, c'était le chaos, sur une colline de la commune de Gishamvu, vers 20H00, une femme est arrivée très doucement et a déposé non loin de nous un petit garçon qui devait avoir six ans. Elle a profité du calme qui régnait, craignant d'être découverte par les soldats de l'APR qui, de fait, auraient pu nous tuer. L'enfant portait une très vieille veste. Personne n'a fait attention à lui. Aussi ce n'est que le lendemain qu'on s'est rendu compte que l'enfant avait été abandonné!

Au matin du 6 juillet, nous avons décidé de nous approcher de lui pour lui donner à boire et à manger avec nos propres (enfants). Quand nous avons voulu savoir où se trouvait sa mère, l'enfant a dit qu'il ne savait pas. Pas plus qu'il ne connaissait son identité. Apparemment, il n'avait rien mangé depuis longtemps. Nous l'avons gardé avec nous jusqu'à ce que, deux semaines plus tard, une famille a accepté de l'adopter. Le chef de famille qu'on appelait Balthazar et qui était âgé de 55 ans n'avait plus de petits enfants à la maison. Cet enfant a été surnommé « mayibobo » ou enfant de la rue.248

Bien que jamais formellement adopté, l'enfant est passé sous la responsabilité de Balthazar et, plus tard, quand Balthazar a été arrêté, sous celle de sa femme pour laquelle le garçon travaillait. La famille n'a jamais reçu la moindre aide du gouvernement ni d'aucune organisation non gouvernementale (ONG) travaillant avec les enfants non-accompagnés.

Des adultes se présentaient pour proposer de prendre des enfants, parfois par pitié, parfois par intérêt. Certaines familles entendaient ainsi recevoir une aide parce qu'elles prenaient un enfant en charge ou tout simplement pour profiter d'une paire de bras supplémentaires. Un coordonnateur chargé du « tracing » a observé: « Après Kibého, les familles étaient vraiment à la recherche d'un enfant à garder. »249 Un autre agent humanitaire travaillant avec de jeunes rescapés du génocide qui avaient fui vers le Burundi a ajouté: « Les familles prenaient les enfants sans aucune formalité. C'était comme un supermarché. »250

Les enfants ainsi absorbés dans des familles - avec des membres de la famille élargie, des voisins ou d'étrangers complets - peuvent être invisibles, pouvant passer pour des enfants biologiques ou des domestiques.251 Les organismes impliqués dans la réunification des familles ont reconnu qu'ils manquaient de ressources pour suivre les enfants qu'ils ont placés, une tâche quasi-impossible étant donné le nombre d'enfants concernés, répartis autour des camps de réfugiés et à l'intérieur du Rwanda. La Fédération Save the Children - USA a tenté d'assurer ce suivi avec des filles qu'elle-même avait officiellement réunies avec des « oncles » - qui n'étaient en fait que des parents éloignés - dans une vingtaine de secteurs où ses ONG étaient présentes, soit une tentative reconnue comme strictement limitée dans le temps et géographiquement.252 Il y a peu de programmes visant à vérifier le sort des enfants qui ont été emmenés sans l'intervention officielle d'une organisation humanitaire. Comme détaillé ci-dessous, beaucoup d'entre eux continuent d'être la cible d'abus et exploités. Certains préfèrent une vie indépendante dans les rues, malgré les risques auxquels ils sont confrontés.

Par ailleurs, des milliers d'enfants furent évacués vers des pays tiers pendant le génocide. Ironie de l'affaire, bien que les autorités du gouvernement génocidaire aient dirigé et encouragé le massacre des enfants, elles ont autorisé en plusieurs occasions, pour raisons de sécurité, de milliers d'enfants afin d'impressionner favorablement la communauté internationale. Les responsables par intérim du Ministère de la défense, par exemple, ont autorisé l'organisation humanitaire suisse Terre des hommes à évacuer 700 orphelins, dont beaucoup étaient Tutsis.253 Ceux qui organisèrent alors les évacuations consacrèrent toute leur énergie à sauver la vie de ces enfants et, ce n'est guère surprenant, ne songèrent guère à leur éventuel retour au Rwanda. Quand il devint plus tard possible pour ces enfants de rentrer au pays, beaucoup d'entre eux et des familles d'accueil s'opposèrent à un tel retour. Et ceux qui rentrèrent eurent du mal à se réacclimater à la vie au Rwanda.254 Le Gouvernement rwandais continue de réclamer le retour des enfants qui furent évacués vers l'Europe, dont certains ont été adoptés par des familles européennes et ont vécu des années en Europe. Des responsables de haut-niveau, y compris le Président Kagame, ont particulièrement insisté en 2000 sur le retour de quarante et un enfants adoptés en Italie sans le consentement de membres de leurs familles ou du Gouvernement rwandais.255

Au moins 30.000 enfants rwandais réfugiés dans l'est du Congo voisin ont été absorbés par des familles locales.0 Save the Children-UK (Royaume Uni) avait identifié environ 1.500 de ces enfants en 2001 qui, pour la plupart, avaient fui l'insécurité dans le nord-ouest du Rwanda en 1997 et 1998. La majorité de ces enfants avaient été exploités par leurs familles d'accueil, les filles étant particulièrement vulnérables aux abus sexuels, et tous sont victimes de l'insécurité qui règne dans l'est du Congo. Plus de 60 % d'entre eux ont indiqué qu'ils préfèreraient être rapatriés au Rwanda.1

Toujours seuls: Ces enfants aujourd'hui

Qui sont-ils?
Quelque 400.000 enfants, plus de dix pour-cent du total des enfants rwandais, seraient orphelins à ce jour selon les estimations.2 La plupart ont perdu leurs parents pendant le génocide ou la guerre, mais un nombre accru sont devenus orphelins à cause du SIDA, lui-même résultant parfois de viols commis pendant le génocide. Certains de ces enfants vivent dans des familles d'accueil, d'autres ont généré des foyers dirigés par un enfant et beaucoup d'autres ont gagné les rues des villes où ils essaient de se débrouiller seuls. Quel que soit le facteur qui les a conduits à leur situation actuelle, ils ont tous un point en commun : le manque de protection.3

Les rescapés du génocide qui sont devenus orphelins en 1994 constituent le groupe le plus visible. Ils figurent parmi les enfants les plus vulnérables du monde : nombre d'entre eux ont été les témoins d'atrocités indicibles comme le meurtre de membres de leurs familles ou ont échappé eux-mêmes de peu à la mort et en sont restés profondément traumatisés. Beaucoup de ceux qui ont survécu vivent aujourd'hui dans la misère, manquant souvent de l'éducation et des soins médicaux les plus basiques.4 Des rescapés en vue ont dénoncé le gouvernement qui laisse ces enfants survivre dans une telle misère, en particulier parce qu'il s'est présenté comme un gouvernement de victimes afin d'attirer une aide étrangère substantielle.5

Ce qui fait de ces enfants et jeunes gens des êtres à part est leur statut de victimes du génocide; ils ont survécu à une campagne systématique du gouvernement de l'époque pour les éliminer en tant que membres d'un groupe ethnique. Ceci mis à part, ils ne sont pas les seuls dans cette situation difficile. Des dizaines de milliers d'autres enfants ont aussi perdu un ou deux parents lors de massacres ou de conflits armés et de nombreux autres ont été séparés de leurs parents pendant les exodes, comme on l'a vu plus haut. Tandis que la plupart ont fini par être intégrés à des structures familiales, peu ont réintégré leurs familles originelles. Tous restent extrêmement vulnérables à l'exploitation pour leur travail ou pour leurs biens et à par la négation de leur droit à l'éducation ainsi que nous allons le montrer ci-dessous.

L'épidémie de SIDA - largement amplifiée par la violence sexuelle pendant le génocide et dans les camps de réfugiés, ainsi que par l'exploitation sexuelle des foyers dirigés par des femmes - est une autre cause majeure du décès des parents.6 En 2000, ONUSIDA estimait que 270.000 enfants au Rwanda avaient perdu leurs mères ou leurs deux parents à cause du SIDA avant l'âge de 15 ans.7 Leurs rangs vont continuer de gonfler dans les années qui viennent. On estime à 400.000 le nombre de Rwandais infectés par le virus, dont environ 30 % des femmes enceintes à Kigali et près de dix pour-cent d'entre elles dans les zones rurales.8 Les enfants dont les parents sont morts du SIDA pâtissent souvent du fait d'être considérés comme « contaminés » par le virus, qu'ils soient ou non eux-mêmes infectés. Ils sont victimes d'ostracisme de la part de la société et moins à même d'être pris en charge par des proches ou des familles d'accueil. Ils ne souffrent donc pas seulement d'avoir perdu leurs parents mais aussi du détournement de leurs biens et de l'exploitation de leur travail et de la négation de leur droit à l'éducation.9

En outre, un nombre non précisé d'enfants dont les parents ont été accusés de crimes de génocide souffrent en silence. Non seulement ils manquent du soutien et de l'attention de l'un de leurs parents, généralement le père, mais aussi bien souvent, les parents incarcérés dépendent d'eux pour leur survie. Leurs mères, quand elles sont en vie, luttent pour le maintien du foyer et l'éducation des enfants, cultivent les champs et vendent leur récolte au marché en plus de se rendre fréquemment à la prison pour y porter à manger. Ces familles comptent particulièrement sur le travail des enfants pour survivre et nombre d'entre elles ne rêvent même pas de trouver les moyens de les envoyer à l'école.

Dans de nombreuses communautés, ces enfants souffrent d'être associés avec le membre de leur famille connu comme coupable de crime de génocide. Le plus souvent les parents détenus n'ont pas encore été jugés pour leurs crimes supposés.10 Une femme âgée a expliqué comment les adultes, évoquant des enfants livrés à eux-mêmes, avaient déclaré : « Vous pouvez le voir dans leurs yeux que leurs parents étaient des assassins » ou, « Ces enfants vont grandir pour devenir des assassins. »11 Une autre femme, qui vit à Kigali Rural, a expliqué que les rescapés du génocide dans son district harcèlent ceux dont ils savent qu'ils ont leurs pères en prison en scandant « Vous allez nous tuer, exactement comme vos pères l'ont fait.»12 Un assistant social à Butare a tenté d'organiser pour les enfants des rues la visite de leurs pères en prison. Les autorités ont découragé ses efforts en lui demandant pourquoi lui, un Tutsi, il voulait aider les Interahamwe.13 Une autre assistante sociale dans la même ville a déclaré aux chercheurs de Human Rights Watch qu'elle s'était occupée d'enfants qui refusaient d'aller voir leurs parents en prison de peur d'être stigmatisés. « On ne devrait pas punir l'enfant pour le comportement de son père » a-t-elle soupiré. « Mais la société n'est pas capable de faire la distinction dans la pratique. »14

Un assistant social de Kigali a raconté que souvent les enfants vont très loin pour se dissocier de leurs parents emprisonnés, pour devenir invisibles. Elle en a donné un exemple typique puisé dans son expérience. Deux garçons vivant dans le centre d'enfants non-accompagnés à Kigali où elle travaille avaient échangé leurs identités : chacun gardait son nom mais endossait l'adresse de l'autre. L'un s'est mis très en colère quand l'assistante sociale lui a annoncé qu'elle avait réussi à retrouver la trace de sa famille. Il a explosé de rage dans son bureau et a refusé d'aller chez lui. Il ne voulait pas retourner dans son foyer désigné comme celui d'accusés de crimes de génocide.15

La politique du gouvernement ne classe pas les enfants de prisonniers (à l'exception des très jeunes, encore allaités et incarcérés avec leur mère) comme «  enfants vivant dans des circonstances exceptionnellement difficiles. »16 Par conséquent, ils ne sont pas nécessairement habilités à percevoir de l'aide. Aucun effort systématique n'a été mené pour identifier ces enfants ni les contacter. Les programmes d'aide visent surtout à aider les enfants rescapés du génocide ou vulnérables, mais pas particulièrement les enfants de prisonniers. Charles K., dont la mère s'est battue pour qu'il puisse rester à l'école, s'est plaint d'être resté à l'écart quand l'école de Kigali a distribué l'aide aux enfants nécessiteux. Il a levé sa main quand le professeur a demandé aux enfants sans père de se signaler, mais le professeur lui a dit de la baisser. Sa mère a confié à Human Rights Watch qu'elle avait été surprise que quelqu'un à l'école sache que son mari était en prison, car elle avait conseillé à son fils de ne le dire à personne. « Il ressent la discrimination » a-t-elle soupiré.17

Qui s'en soucie ?
En raison de la mise en oeuvre agressive de la politique « un enfant, une famille », il reste relativement peu d'orphelins ou d'enfants séparés dans les centres d'accueil. On compte maintenant vingt-six centres pour enfants non-accompagnés au Rwanda, abritant un peu moins de cinq mille enfants -moins qu'avant le génocide.18 Ceux qui ont été séparés des leurs en 1994 et se trouvent toujours dans des centres sont généralement considérés comme les plus difficiles à intégrer dans une famille d'accueil. Une assistante sociale qui travaille dans un centre accueillant une centaine d'enfants non-accompagnés a expliqué à Human Rights Watch que ces adolescents qu'on n'avait pas réussi à réunir avec leurs familles depuis 1994 étaient devenus très indépendants et difficiles à gérer, ce qui réduisait encore les perspectives de les intégrer dans des familles à l'avenir.19 Toutefois, elle et d'autres ont souligné qu'un nombre disproportionné d'enfants dans les centres pour mineurs non-accompagnés sont des enfants de prisonniers ou dont les parents sont morts du SIDA ; ceux dont la société veut le moins. La majorité de ceux qui ont été récemment admis dans les centres étaient des orphelins du SIDA.

Conformément à leur politique de « un enfant, une famille », les responsables du gouvernement ont découragé les organisations non-gouvernementales internationales d'apporter leur aide aux centres pour enfants non-accompagnés. « Ce n'est pas humain pour tous ces enfants d'être dans des centres, » a expliqué le représentant du Ministère du gouvernement local à Ruhengeri.20 Un agent humanitaire européen s'est interrogé sur le bien-fondé de cette attitude, dans la mesure où ceux qui restent dans les centres n'ont nulle part ailleurs où aller. Il a déclaré à un chercheur de Human Rights Watch qu'il avait le sentiment qu'il s'agissait d'une tentative délibérée de la part du gouvernement de détourner l'aide au profit d'enfants, souvent Tutsis, considérés comme plus méritants - et de l'écarter de ces deux groupes marginalisés qui constituent aujourd'hui la population des centres pour enfants non-accompagnés.21

La majorité des enfants qui se sont retrouvés orphelins ou non-accompagnés au plus fort des troubles vivent maintenant dans des familles et non dans des centres. L'UNICEF a rapporté en 2001 que quelque 1.200 enfants avaient été placés par le biais de programmes organisés, tandis que plus de 100.000 avaient été spontanément accueillis au Rwanda par des membres de la famille élargie, amis de la famille ou voisins, voire étrangers.22 La plupart de ces familles ont accueilli ces enfants nécessiteux, souvent sans aucun lien avec elles, dans leurs maisons avec les meilleures intentions et en pensant à l'intérêt de l'enfant. Et si la plupart des enfants sont dans une bien meilleure situation quand ils vivent avec des familles, beaucoup de familles d'accueil, elles-mêmes en situation économique difficile, ont aussi trouvé leur avantage à prendre des enfants chez elles. Ironie du sort, certains enfants ont pu découvrir que les membres de leurs familles les exploitaient plus que de parfaits étrangers qui les avaient pris en pitié.

Même si beaucoup de ces enfants comptent des membres de leur famille élargie à proximité, ils se sentent isolés, exploités et ignorés. Les Rwandais assurent fréquemment qu'avant la guerre, c'était dans leurs traditions de s'occuper des enfants vulnérables. Mais les enfants, eux, rapportent des histoires d'oncles qui leur ont volé leur terre, de tantes qui leur ont tourné le dos ou de cousins qui ont réclamé d'être payés en échange de leur aide.23

Dans certains cas, des proches appauvris ont accepté la garde d'enfants dans l'espoir d'en tirer un bénéfice matériel, une aide des ONG par exemple. Les chapitres qui suivent montrent comment des enfants placés ont été victimes d'abus et d'exploitation de la part de leurs familles d'accueil. Certains considèrent les enfants sous leur garde comme des domestiques à demeure, gratuits et interchangeables. Les ressources étant limitées, les enfants placés sont alors souvent les derniers à manger, à être soignés ou à fréquenter l'école. Beaucoup de familles d'accueil ont exploité les propriétés des enfants. L'agence rwandaise d'information a rapporté en 2001 que certaines familles d'accueil affichaient «une insupportable exploitation, discrimination, tortures et tourments » à l'encontre des enfants dont elles avaient la garde.24 Quant à ceux qui ont été réunis avec leurs familles, beaucoup ont ensuite choisi d'emménager chez d'autres ou dans des foyers dirigés par des enfants, afin d'échapper aux abus et à l'exploitation dont ils étaient victimes chez leurs tuteurs. Faute d'intervention du gouvernement pour empêcher ces formes d'exploitation, nombre d'enfants placés grandissent sans éducation, privés de leurs biens et avec le sentiment d'être des citoyens de seconde zone, comme expliqué ci-dessous.

C'est la raison pour laquelle il est tellement important de veiller à la protection des enfants même après leur placement dans une famille. Béatrice M., née au Burundi où sa famille vivait en exil, est arrivée au Rwanda en 1995 à l'âge de quinze ans. Avec ses frères et s_urs, elle est venue chez un oncle paternel à Kibungo. L'année suivante, un oncle maternel a invité Béatrice M. à venir vivre avec lui à Kigali Rural et offert de payer ses frais de scolarité pour le secondaire. Elle en est rapidement venue à le considérer comme son mari même si, comme elle le notait elle-même, « il s'agissait plutôt de concubinage. » Elle lui a donné deux enfants et a abandonné l'école pour les élever. Après trois ans, en décembre 1999, il l'a jetée à la rue avec ses enfants pour épouser une autre femme. Béatrice M. est allée en justice pour l'obliger à reconnaître la paternité de ses enfants et à verser une pension pour leur garde.25

De surcroît, les enfants placés ne sont pas correctement enregistrés sur les cartes d'identité de leurs tuteurs ou sous le nom de leurs parents et certains ne sont pas enregistrés du tout. Les familles d'accueil ne disent pas toujours à l'enfant qu'il ou elle vient d'une autre famille. Dans certains cas, ceci aide l'enfant à se sentir partie intégrante de cette famille. Mais cela peut aussi lui rendre plus compliqué de faire valoir ses droits de propriété.26

Face à l'exploitation dans les familles d'accueil, un nombre important de frères et s_urs, ou d'enfants sans lien entre eux, ont préféré rester ensemble et se débrouiller par eux-mêmes. L'UNICEF a estimé en 1998 que quelque 65.000 familles, représentant plus de 300.000 enfants, étaient dirigées par un enfant. 27 Les chiffres du gouvernement américain indiquent qu'au moins 85.000 foyers sont dirigés par des enfants.28 Une étude conduite en 2001 par l'Agence pour la coopération et la recherche en développement (ACORD) a estimé que davantage encore, plus de 13 % des foyers, soit 227.500 familles dans le pays, étaient dirigées par des enfants.29 Le génocide, d'autres massacres plus tardifs, l'emprisonnement et le SIDA, ont contribué à l'escalade du phénomène. Les orphelins du SIDA, marginalisés par leur famille élargie, sont encore plus enclins que d'autres orphelins à vivre sans adultes.30

Les enfants résidant au sein de foyers dirigés par un mineur ont une vie particulièrement précaire. 95 % d'entre eux n'ont pas accès à la scolarité ni aux soins médicaux et la plupart vivent dans des abris composés de bâches en plastique ou dans des logements infâmes.31 Plus de 60 % survivent grâce au produit de leur agriculture, dont les trois-quarts sur un terrain de moins d'un hectare et le dernier sans terre du tout. Le revenu moyen de ce type de foyer excède rarement 2.500 Francs rwandais par mois (5 dollars US).32 Quand ils ont besoin d'aide ou de protection, ils dépendent de la pitié de leurs voisins, de leurs familles et des responsables locaux, mais en même temps ils sont marginalisés ou ignorés, en partie en raison des litiges liés à l'héritage que leur ont laissé leurs parents.33 L'UNICEF a ainsi relevé cette «volonté à double tranchant qu'ont ces foyers d'enfants d'être autosuffisants.... Leur contribution à la communauté grâce à leur travail est probablement plus importante que la contribution de la société à leur égard.»34

Dans ces foyers dirigés par des enfants, ceux d'entre eux qui sont plus âgés renoncent à ce qui fait l'enfance pour se conduire comme des adultes envers les plus jeunes. Malgré tout, les plus jeunes souffrent de l'absence de soin et de protection parentale. « On tombe souvent malade. On reste à la maison jusqu'à ce qu'on aille mieux; il faut payer pour se soigner mais nous n'avons pas d'argent, » a expliqué une fille de Byumba âgée de treize ans qui vivait dans un abri de fortune fait de bâches en plastique avec quatre jeunes enfants. « C'est une trop lourde charge pour moi, je suis fatiguée. Je me sens mal, parfois, avec un terrible mal de tête qui me donne le vertige. Peut-être que ces enfants dont je m'occupe pourraient devenir intelligents à l'école, mais moi je ne me vois pas devenir autre chose. En fait, je n'aime pas penser à l'avenir. »35

Les foyers qui sont dirigés par des filles - environ les trois-quarts des foyers privés d'adultes - sont les plus exposés. Un assistant social basé à Kigali a expliqué à Human Rights Watch que les grandes s_urs sont fréquemment obligées de faire commerce de leur corps pour payer les frais de scolarité des plus jeunes36 Une étude en 1997 a montré que 80 % des filles chefs de ménage avaient été sexuellement abusées ou contraintes de repousser des abus sexuels. Une autre étude, en 2001, a montré que le sexe jouait un rôle si important dans la façon dont vivent les enfants livrés à eux-mêmes que c'est devenu une « partie intégrante et presque tolérée de la société rurale. »37 L'exploitation sexuelle de ces filles fait rarement l'objet de poursuites. « Elles sont condamnées au silence parce que personne ne va prendre leur défense ; au contraire, elles devraient supporter l'ostracisme de la société. »38 Si une fille « chef de famille » tombe enceinte, il est peu probable que le père acceptera d'assumer ses jeunes frères et s_urs. Par conséquent, elle est confrontée à un choix impossible au moment de donner la vie: abandonner les enfants dont elle s'occupe et essayer d'épouser le père de l'enfant à naître, s'occuper du nouveau-né en même temps que de ses frères et s_urs, ou abandonner le bébé après sa naissance.39

Les autorités nationales et provinciales et évoquent souvent le problème de ces foyers d'enfants comme un problème trop vaste, trop difficile à régler et comme « un fardeau de plus que la société ne peut endosser. »40 Certains de ces enfants se sont rassemblés et ont fondé une association pour la défense de leurs intérêts, se plaignant de ce que les autorités locales ne les intègrent pas aux programmes d'aide notamment à l'habitat ou aux distributions de nourriture.41 Des ONG internationales comme World Vision ou l'International Rescue Committee ont tenté pour leur part d'étendre la portée de leurs programmes d'aide et de développement à ces foyers d'enfants. Mais ces efforts ne sont pas suffisants.

Dans la pratique, le Gouvernement rwandais a fait peu pour apporter efficacement aide et protection à ces enfants:

Le soutien et les services offerts aux enfants vulnérables se limitent souvent limités au plan national, à un niveau général auquel la question des droits des enfants et leur protection relève des politiques de développement calquées sur des accords internationaux, comme la Convention internationale relative aux droits de l'Enfant. Toutefois, ces initiatives ne parviendront certainement pas à fournir les soins nécessaires aux enfants sans un soutien des communautés de base.42

Au niveau local, les communautés n'ont pas été à la hauteur de la tâche. D'un côté, l'extrême pauvreté à laquelle sont réduites de nombreuses familles rwandaises empêche les adultes de consacrer des ressources à autre chose que la survie de leur familles proches. D'un autre, le climat de méfiance et de suspicion entre certaines communautés - composées, selon un groupe de parents interviewés par l'UNICEF, de « survivants du génocide, de parents de victimes du génocide et de parents de personnes emprisonnées pour des actes de génocide » - a érodé la solidarité entre voisins dans certaines communautés. Une autre personne ayant répondu à l'enquête a indiqué que si un adulte prend l'initiative de venir en aide à un enfant marginalisé, ses voisins pourraient lui demander pourquoi.43

Les fonctionnaires locaux n'ont pas montré l'exemple et n'ont pris aucune mesure pour s'assurer que les citoyens respectent les droits de ces enfants. Une résidente de Kigali Rural a expliqué la tolérance généralisée envers les atteintes aux droits de ces enfants par le fait que les officiels débattent rarement des problèmes des enfants vulnérables dans les réunions publiques. Selon elle, les membres de sa communauté ont interprété ce silence comme le signe qu'aux yeux des autorités le calvaire de ces enfants était acceptable et en ont tiré les conséquences.44

Exploitation Domestique
La forme la plus commune (et la plus dissimulée) d'exploitation des enfants est le travail domestique. De nombreux Rwandais, y compris parmi les classes urbaines éduquées, emploient des enfants comme domestiques. Certains employeurs les traitent durement sans même vraiment y penser. Les enfants peuvent être amenés à travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre en échange de rien ou de presque rien. Leurs employeurs peuvent leur interdire d'aller à l'école, les battre à la moindre erreur et les traiter comme des animaux. Les plaintes les plus communes de la part d'enfants domestiques interrogés par des chercheurs de Human Rights Watch sont qu'ils ne reçoivent aucun salaire. Louise N. explique:

Je cherchais un emploi de domestique. J'ai travaillé pendant trois mois sans être payée alors je suis partie et je suis allée vivre dans la rue. Ils ne me donnaient jamais ni viande, ni frites, bien que je les préparais moi-même pour le reste de la famille. Je ne mangeais que des patates douces. Leurs enfants dormaient sur des matelas, mais moi je dormais à même le sol.45

Les filles sont extrêmement vulnérables aux abus physiques et sexuels de la part de leur employeurs ou de personnes de passage dans la maison où elles travaillent. Mais peu se plaignent, ignorantes de leurs droits et n'imaginant pas qu'elles aient d'autres choix. Le point de vue d'enfants vivant dans des centres pour mineurs non-accompagnés ou des foyers dirigés par un enfant, interrogés dans le cadre d'une étude de l'UNICEF, est éloquent : la plupart expliquaient qu'ils ne pensaient pas que les abus sexuels soient un problème pour une domestique car, comme disait l'une d'elles, « elle a d'autres soucis et ne se préoccupe pas de ça. »46

Comme mentionné ci-dessus, les familles d'accueil acceptent souvent de prendre des enfants avec en tête l'idée d'avoir ainsi un domestique à demeure. Alphonse K. est arrivé à Kigali pendant le génocide alors qu'il avait dix ans. Au début, il est resté dans un centre pour mineurs non-accompagnés à l'église St. Paul de Kigali. Puis un soldat de l'APR a emmené Alphonse K. vivre et travailler comme domestique dans sa famille. « Peut-être a-t-il eu pitié de moi. » Mais pourquoi le soldat l'avait-il emmené chez lui? « J'étais en bonne santé alors que beaucoup d'autres enfants à St. Paul avaient été blessés. »47

Parfois les enfants eux-mêmes négocient ce type d'arrangements, approchant un adulte et proposant de travailler chez lui comme domestique en échange d'un endroit où dormir, peut-être à manger ou même un petit salaire. Jean-Damascène B. par exemple, a expliqué à Human Rights Watch qu'il avait gagné Kigali après que ses parents eurent été tués par des soldats l'APR lors de l'insurrection dans le nord-ouest. Après plusieurs mois passés dans les rues, il a rencontré un ami de ses parents et l'a convaincu de le garder avec lui en échange de quelques travaux domestiques. Mais il a quand même dû continuer d'assurer des petits boulots dans la rue afin de pouvoir acheter à manger.48

Il n'existe aucun recours pour les enfants domestiques dont les droits sont violés, malgré les obligations contractées par le Rwanda au travers de la Convention relative aux droits de l'enfant et des conventions pertinentes sur le travail des enfants.49 L'application de la loi protégeant les enfants des abus sexuels et d'autres formes d'exploitation est inexistante quand il s'agit d'enfants domestiques. Malgré quelques déclarations ponctuelles du gouvernement sur le sujet, peu d'initiatives ont été prises pour protéger les enfants de ces pratiques abusives.

Le travail domestique des enfants peut entraîner de graves violations des droits des enfants partout dans le monde. Mais le problème est pire au Rwanda en raison du nombre sans précédent d'enfants sans protection parentale ou en situation d'extrême désespoir. Les enfants, leurs employeurs et les responsables gouvernementaux peuvent franchement croire que les enfants se trouvent mieux à être domestiques parce qu'ils ont au moins un endroit où dormir. Pour beaucoup il n'y a pas, en réalité, d'alternative.

La négation du droit à l'éducation
Selon l'UNICEF; quelque 67 % des garçons en âge d'aller à l'école primaire et 68 % des filles étaient inscrits en 2001.50 Mais ces chiffres peuvent être trompeurs et donner une image trop favorable de la situation. La qualité de l'enseignement primaire est souvent médiocre dans la mesure où 54 % des instituteurs n'ont pas les qualifications requises.51 Parmi ceux qui étaient inscrits, certains risquaient d'être expulsés faute de pouvoir payer leur scolarité, généralement moins de 5 dollars US par an dans les régions rurales. D'autres, dont un nombre disproportionné de filles, allaient manquer leurs cours en raison d'une surcharge de tâches en dehors de l'école. Le taux d'enfants ayant achevé leur année scolaire ne s'élevait en 1997-1998 qu'à 23 %.52 Et seulement 6 % accédaient à un enseignement secondaire.53

Exploitation sociale
Les familles rurales qui dépendent des enfants pour leur labeur peuvent rarement se permettre de les envoyer tous à l'école, aussi les enfants placés sont-ils les derniers de la liste. Le cas de Bosco R., un orphelin de Gitarama âgé de quinze ans, est à cet égard typique. Après la mort de son père, son oncle maternel était d'accord pour le prendre avec lui, mais attendait clairement du garçon qu'il gagne ses frais de garde. L'oncle avait également pris possession du champ de Bosco R. Ce dernier voulait absolument continuer d'aller à l'école mais son oncle le lui avait refusé, arguant que l'école ne profiterait qu'à Bosco R. et ne lui rapporterait rien à lui-même. Bosco R. a déclaré à un chercheur de Human Rights Watch que son oncle lui avait ordonné de cultiver le champ, « parce que ton école, ça ne me donne rien'. » Aussi, Bosco R. a-t-il préféré gagner Kigali et tenter de se débrouiller par lui-même dans les rues.54

Des enfants interrogés pour une étude de l'UNICEF ont indiqué que, parmi toutes les catégories d'enfants en difficulté, ceux vivant dans des foyers dirigés par un mineur étaient ceux qui avaient le plus de mal à faire prévaloir leur droit à l'éducation. Une analyse plus poussée de leurs réponses montrait toutefois qu'ils ne considéraient pas la négation de ce droit comme un problème pour ceux dont le père était en prison ou dont la mère avait le SIDA. Ces enfants, disaient-ils, n'étaient pas concernés pas les problèmes d'éducation car ils avaient d'autres ou simplement n'avaient plus aucun espoir.55 Comme indiqué ci-dessus, l'enfant qui se retrouve chef de famille éprouve les pires difficultés à trouver l'argent pour payer les scolarités de ses frères et s_urs, aussi les aînés imaginent rarement pouvoir étudier eux-mêmes. Le directeur d'une école primaire de Nyakizu, dans la préfecture de Butare, a déclaré qu'aucun des enfants inscrits dans son établissement n'était pris en charge par des frères et s_urs le fréquentant eux-mêmes.56 L'étude d'ACORD concluait pour sa part que ceux qui vivent dans des foyers dirigés par un enfant « ont peu d'ambitions... Ecrasés de misère, (ils) se sentent inférieurs à ceux qui vivent dans des familles, surtout à ceux qui fréquentent l'école. »57

Rosette M. se bat pour faire vivre ses jeunes frères et s_urs dans un petit abri de fortune à Kinigi, dans la province de Ruhengeri. Leurs parents ont été tués pendant l'insurrection. Sept oncles paternels vivent dans le même village, l'un d'eux fait même partie des autorités locales, mais ils lui apportent peu d'aide. Elle a expliqué qu'ils avaient eux-mêmes du mal à assumer leurs familles et que donc elle n'attendait rien de leur part. Agée de quinze ans, Rosette M. a déclaré aux chercheurs de Human Rights Watch qu'elle avait essayé d'économiser un peu d'argent pour permettre à quelques-uns uns de ses frères et s_urs d'aller à l'école, mais qu'elle n'escomptait pas elle-même pouvoir étudier. Comme on lui demandait pourquoi elle ne recevait aucune aide du gouvernement, elle a répondu qu'elle pensait que seuls les orphelins du génocide y avaient droit. Les autorités locales, responsables de sa protection, ne l'ont pas informée qu'un fond gouvernemental permettait de l'envoyer à l'école ainsi que ses frères et s_urs.58

L'argent est un obstacle majeur au respect du droit à l'éducation ; pour cette raison, la Convention relative aux droits de l'enfant demande de tous les Etats qu'ils assurent un enseignement primaire gratuit.59 L'école primaire en zone rurale au Rwanda coûte approximativement 500 Francs rwandais (à peine plus d'un dollar) par trimestre, ou 1.500 Francs rwandais par an. Certaines écoles réclament moins aux orphelins, quelque 300 Francs rwandais voire rien du tout. Dans les écoles publiques comme privées, les enfants doivent aussi acheter les uniformes, les cahiers et les stylos et les familles doivent parfois aussi contribuer à divers frais, comme les réparations des bâtiments ou les dépenses du professeur. Nombre de familles qui dépendent de l'agriculture de subsistance pour survivre ont d'énormes difficultés à assumer ces frais. « On est habitué à se priver » a avoué Aloysie R., une élève de Butare âgée de 11 ans. Elle a expliqué que sa famille parfois se privait de manger le soir pour pouvoir payer ses frais de scolarité qui s'élèvent à 900 Francs rwandais par an.60

Après avoir achevé les six années d'école primaire, les élèves peuvent se présenter à l'examen national. Ceux qui le réussissent peuvent s'inscrire en secondaire s'ils peuvent payer les frais. Ceux qui obtiennent les meilleures notes sont admis dans les écoles publiques où le montant de la scolarité s'élève à environ 30.000 Francs rwandais par an. Les autres se battent pour trouver des places dans des écoles privées, où les frais sont 90.000 Francs rwandais et davantage. Le plus souvent, les enfants fréquentent des écoles secondaires éloignées de leur domicile et vivent dans des dortoirs où ils doivent apporter leur matelas et leurs fournitures, acheter les tickets de bus pour rentrer chez eux aux vacances et payer des frais à l'école pour le dortoir et la pension. Tout compris, un élève de secondaire dans le privé peut payer jusqu'à 300 dollars US par an ; tout à fait hors de portée d'une famille qui se bat pour payer les frais du primaire.

L'aide du gouvernement arbitrairement refusée
Straton Nsanzabaganwa, Directeur de la prévoyance social et de la protection des groupes vulnérables au Ministère du gouvernement local et des affaires sociales, a expliqué que le Gouvernement rwandais apportait son aide aux élèves du secondaire orphelins ou nécessiteux par deux canaux. Aucune assistance officielle n'est prévue pour les frais de scolarité en primaire. Un fond administré par le Ministère du gouvernement local et des affaires sociales fournit une aide partielle aux enfants orphelins ou nécessiteux fréquentant le secondaire. Conformément à la politique gouvernementale de décentralisation, le Ministère du gouvernement local devait, en 2002, déléguer la gestion de ce fond aux autorités des provinces puis, en 2003, aux 106 districts rwandais. Il existe en outre le Fond pour l'assistance des rescapés du génocide (FARG), une agence semi-officielle qui aide les rescapés à couvrir leurs besoins de base et prend en charge la totalité des frais de scolarité.61 En plus de l'aide gouvernementale, le fond des rescapés reçoit de l'argent des donateurs internationaux. Ce fond ne s'occupe pas d'indemnisation; les proches des victimes de massacres durant le génocide peuvent être dédommagés en tant que parties civiles lors de procès. En 2000-2001, le Ministère du gouvernement local a dépensé 802 millions de Francs rwandais, un peu moins de 2 millions de dollars US, en frais d'inscription scolaire provenant des fond gouvernementaux. Le fond des rescapés, d'un autre côté, selon M. Nsanzabaganwa, a bénéficié de « milliards » de francs rwandais pour un nombre moins élevé d'enfants. Néanmoins, les requêtes adressées aux deux organismes ont excédé les ressources disponibles.

Par ailleurs, le gouvernement ne paie qu'une fraction des frais qu'occasionne un enfant en secondaire. Le fond ministériel paiera un maximum de 20.000 Francs rwandais par an pour les écoles publiques et de 30.000 par an pour les écoles privées. Le plafond pour chaque élève en secondaire subventionné par le Fond des rescapés est trois fois supérieur, jusqu'à 90.000 Francs rwandais par an. Selon M. Nsanzabaganwa, le gouvernement a pris la décision politique de mieux financer les rescapés du génocide.62

Bien qu'un Hutu puisse être classé comme rescapé (définition qui concerne ceux qui furent traqués pendant le génocide, ont perdu un membre de leur famille ou dont les biens ont été détruits), le Fond pour les rescapés finance essentiellement des Tutsis. Ce que de nombreux Hutus, surtout dans le nord-ouest, considèrent comme discriminatoire.63 Même les rescapés du génocide se sont plaints de cette politique injuste qui leur rappelle la discrimination anti-Tutsi avant le génocide. En juin 2000, une jeune fille de 17 ans, Joséphine O. dont le père a été assassiné durant le génocide, est devenue si déprimée qu'elle ne pouvait plus étudier. Joséphine O. a expliqué à sa mère qu'elle se sentait coupable de bénéficier du fond pour les rescapés bien que sa famille soit relativement aisée, alors qu'une autre fille de son âge, dont les parents avaient été tués pendant l'insurrection à Ruhengeri, devait travailler et ne pouvait s'offrir d'études. Elle a menacé de laisser tomber les siennes, puis finalement a donné son accord pour aller jusqu'au diplôme à la condition que sa mère paie les études de l'autre64

Dans la pratique, les deux fond d'aide n'ont pas les ressources suffisantes pour aider tous ceux qui en ont besoin. En raison de coupes budgétaires, le Ministère du gouvernement local a toujours versé les aides scolaires en retard et finalement n'a réglé qu'un tiers des frais sur lesquels il s'était engagé. En novembre 2000, le Fond gouvernemental avait payé pour une poignée seulement des bénéficiaires théoriques inscrits sur sa liste, rédigée à la main et qu'un chercheur de Human Rights Watch a pu voir, des enfants nécessiteux de Ruhengeri.65 Pendant l'année scolaire 2000-2001, les difficultés financières du Fond des rescapés ont également entraîné des retards de paiements dans les scolarités. Les écoles privées, qui doivent payer leurs professeurs sans le soutien du gouvernement, ont été les plus touchées et ont dû se battre pour garder leurs portes ouvertes mais tous les établissements ont souffert. Quand les administrations des pensionnats manquent de liquidités, elles ne peuvent plus fournir aux enfants leur nourriture et de l'eau potable. Une école privée de Rusumo, par exemple, accueillait l'an dernier 230 élèves dont 109 devaient bénéficier de l'aide du fond gouvernemental et 101 de celui des rescapés, donc il ne restait plus qu'une vingtaine d'enfants à payer eux-mêmes leur scolarité. Mais les deux fond étaient tous deux en retard d'au moins une année sur leurs versements quand les chercheurs de Human Rights Watch ont visité l'école en octobre 2000.66 La moitié des 732 étudiants d'une école de Ruhengeri devaient normalement bénéficier de l'aide de l'un ou l'autre fond. Celui des rescapés avait pratiquement une année de retard dans ses versements et celui du gouvernement devait deux ans d'arriérés, quand Human Rights Watch a visité l'école en décembre 2000.67

Il est arrivé à certains moments que les écoles renvoient des enfants bénéficiant de l'un ou l'autre fond parce que ces organismes n'avaient pas payé leurs frais de scolarité. Le Ministère de l'Education a publié un avis interdisant aux écoles de renvoyer les enfants figurant comme bénéficiaires de l'un ou l'autre fond pour non-paiement, mais les directeurs des écoles ont fait valoir qu'il n'y avait pas d'autres choix s'ils ne peuvent nourrir les enfants.68 Les chercheurs de Human Rights Watch ont vu une notice placardée dans une école le 7 novembre 2000 prévenant que les enfants dont les frais d'inscription n'étaient pas à jour ne pouvaient plus assister aux cours même si l'un des deux fond devait payer pour eux. La tutrice de trois enfants renvoyés chez eux ce jour-là a déclaré à nos chercheurs qu'elle ne pouvait rien y faire : elle s'occupait d'une maison pleine d'enfants et n'avait tout simplement pas le premier sou pour payer l'école.69 Paula I., seize ans, originaire de Nyanza, a exprimé devant le chercheur de Human Rights Watch sa colère et sa frustration à ce propos. Elle était régulièrement renvoyée de l'école parce que l'allocation du gouvernement était en retard. Le professeur l'autorisait à rester en classe mais quand l'administration vérifiait qui avait payé, elle était exclue. L'école lui a permis de passer ses examens pendant les deux premiers trimestres mais a conservé son bulletin scolaire jusqu'au paiement de ses frais de scolarité. Vers la fin de l'année, le préfet des études l'a exclue ainsi que deux autres élèves et elle n'a pas pu terminer son année.70 Dans d'autres cas, les écoles qui comptent beaucoup de candidats mais peu de places disponibles ont refusé d'inscrire des enfants dépendant de bourses, privilégiant plutôt ceux capables de payer leur scolarité.71 « Parfois, quand nous devons renvoyer un enfant, nous l'envoyons au Ministère ou au [Bureau du fond des rescapés], pour leur rafraîchir la mémoire », a indiqué un ecclésiastique qui dirige des écoles à Kibungo.72

Les rescapés ont jugé scandaleux que leur fond n'ait pas été en mesure de couvrir leurs frais d'éducation. Une frêle veuve de Kibungo a déploré que son fils ait été obligé d'abandonner l'école deux ans avant son diplôme de fin d'études parce que le fond avait payé la scolarité, mais pas la chambre ni les frais de pension.73 Un ancien membre du Parlement a déclaré à un chercheur de Human Rights Watch qu'un groupe de jeunes rescapés avait préparé une manifestation publique pour attirer l'attention sur leurs difficultés à la mi-2001, mais que les responsables gouvernementaux les avaient convaincus de l'annuler.74

Un autre problème est que trop d'enfants qui semblent correspondre aux critères requis pour bénéficier du fond d'assistance du Gouvernement s'en retrouvent en fait exclus. Les autorités locales préparent des listes d'enfants dont elles pensent qu'ils satisfont aux critères, des orphelins (ceux qui ont perdu au moins un parent) ou des enfants indigents.75 Pourtant, Human Rights Watch a reçu des dizaines d'informations montrant que des enfants avaient été arbitrairement écartés. Selon Patricie U., une orpheline de Kigali âgée de dix-sept ans, les autorités lui ont assuré que seuls les « orphelins du génocide » avaient droit à l'aide (du gouvernement). Sans moyen de vérifier que cette assertion sur la politique gouvernementale était fausse, elle a pris un emploi de domestique non rémunéré plutôt que de poursuivre ses études. Lors de son entretien avec Human Rights Watch, elle portait un uniforme scolaire sans âge: elle a expliqué que, n'étant pas payée pour son travail, elle ne pouvait se permettre d'acheter des vêtements. Le vieil uniforme était un don d'une amie qui en avait acheté un neuf.76 Claire N., une orpheline de Gitarama, voulait être « infirmière, non, docteur. » A la place, elle s'est retrouvée à travailler comme domestique, sans rémunération, pour un oncle éloigné qui abusait d'elle et après avoir été, elle aussi, déboutée par le fond gouvernemental.77

Pour les enfants et leur famille, s'assurer que l'enfant nécessiteux figure bien sur la liste des responsables locaux peut s'avérer un processus pesant. Les juristes qui aident les enfants dans ces procédures pour bénéficier d'une aide scolaire ont déclaré à des chercheurs de Human Rights Watch que ce processus est parfois si lent qu'il ne sert le plus souvent à rien.78 Jean Paul L., qui avait la garde de sa petite soeur, n'a même pas essayé :

J'ai pensé obtenir ces documents pour prouver que nous sommes orphelins. Mais ça me coûterait aussi de l'argent. Il faudrait que j'aille (dans la commune de Kigali) où nous sommes nés, ce qui me coûterait déjà 600 Francs rwandais et ensuite de (la commune de Kigali) à l'endroit où nous vivons maintenant. Si je n'ai pas les 400 Francs rwandais pour l'école (de ma s_ur), comment pourrais-je trouver 1.000 Francs rwandais pour le transport? En plus, il me faudrait encore deux ou trois mois avant d'avoir tous les documents et j'aurais sans doute à y retourner après un moment. Je n'ai pas étudié. Elle ne peut pas étudier. Vous voyez comme ça nous fait souffrir?79

Frank K., seize ans, dont le père est mort et la mère est handicapée, a indiqué qu'il s'était adressé aux autorités de Kigali pour obtenir un peu d'aide. Les responsables lui ont demandé d'apporter la preuve du décès de son père auprès des autorités locales puis de revenir, ce qu'il a fait, uniquement pour s'entendre dire que la liste pour le fond d'assistance du gouvernement était déjà close.80

Pour que les enfants soient enregistrés sur les listes du fond du Gouvernement comme orphelins ou indigents, ils doivent apporter la preuve du décès de leurs parents ou que leur famille est pauvre. Les bureaux des districts délivrent généralement les documents nécessaires moyennant paiement, en général autour de 50 Francs rwandais, mais peuvent parfois réclamer des pots-de-vin plus élevés ; ce qui ne manque pas de cynisme quand il s'agit d'attester d'un manque de moyens.81 « Ca se négocie » remarquait ainsi un habitant de Gisenyi qui avait vu des responsables réclamer 600 Francs rwandais pour un certificat. « Si vous êtes réellement pauvre, vous ne pouvez pas en obtenir. »82 Des habitants d'une commune de Byumba ont raconté que leurs voisins s'étaient mis très en colère quand l'enfant d'un rescapé aisé, qui n'avait pas besoin d'aide et, en tout cas, aurait dû recevoir celle du fond des rescapés, a été inscrit sur la liste du fond gouvernemental alors que des orphelins et des enfants nécessiteux en ont été écartés.83

Parfois, les responsables gouvernementaux ont tout simplement refusé de fournir les documents requis. Des défenseurs des droits des femmes à Kigali ont indiqué que des femmes dont les maris étaient morts dans les camps de réfugiés en Tanzanie ou au Congo ou lors de l'insurrection avaient éprouvé de grosses difficultés à obtenir les certificats de décès.84 La veuve d'un ancien bourgmestre qui aurait été tué par les soldats de l'APR en novembre 1997 s'est vu refuser un certificat de décès par le nouveau bourgmestre. Les autorités communales ont détenu deux autres veuves de Gisenyi dans les cachots communaux, en 1999 et en 2000, alors qu'elles étaient venues réclamer des certificats de décès. L'une, qui avait laissé ses enfants en bas âge chez elle, aurait été accusée de faire une fausse déclaration.85

Quatre veuves de Bulinga, préfecture de Gitarama, ont effectué des démarches répétées pour obtenir les certificats de décès de leurs maris exécutés sommairement en 1998 par l'APR après avoir été libérés du cachot local pendant une attaque de combattants armés. Les veuves ont même soulevé le problème lors d'une réunion publique en 1999 avec Aloisea Inyumba, alors directeur de la Commission pour l'unité nationale et la réconciliation. L'une d'elle a confié à un chercheur de Human Rights Watch que les responsables de la commune avaient reconnu, en privé, que leurs maris étaient morts mais ont quand même refusé de signer les certificats, en partie de crainte que leurs assassins - qui auraient agi sur ordre du bourgmestre de l'époque - soient poursuivis. Une autre a tenté d'obtenir une injonction du tribunal obligeant la commune à délivrer les certificats, mais a dit qu'elle avait été renvoyée chez elle les mains vides. Après avoir reçu des menaces à plusieurs reprises, les veuves ont abandonné leur croisade pour obtenir une aide du fond gouvernemental ou toucher la sécurité sociale à laquelle les salaires de leur mari leur ouvraient droit. Elles ont décidé de consacrer leur énergie à trouver d'autres moyens de payer la scolarité de leurs enfants.86 Selon les juristes, les familles auraient eu à attendre huit à dix ans avant que les tribunaux ne délivrent les certificats de décès pour les maris tués, beaucoup trop tard pour aider aux études des enfants.87

Ceux qui ont réussi à obtenir les documents nécessaires des autorités locales peuvent encore se voir refuser, arbitrairement, les aides gouvernementales telles que la sécurité sociale ou une pension. Des juristes qui ont aidé des veuves dont les maris avaient été tués en exil se plaignent de ce que la Caisse sociale du Gouvernement classe indéfiniment leurs requêtes sans suite, refusant de verser les pensions des maris.88 Un homme de Kigali qui s'occupe de plusieurs orphelins s'est rendu à la Caisse sociale pour y faire valoir leurs droits. Le fonctionnaire lui a répondu que les enfants n'avaient pas droit à une pension parce que leurs parents étaient morts au Congo. Il a alors abandonné, réalisant que ça allait lui prendre plus de temps et d'argent de faire valoir leurs droits théoriques que d'utiliser ses propres deniers pour payer leur scolarité. Il avait également peur d'attirer l'attention sur lui-même et de peut-être déclencher des accusations selon lesquelles il aurait participé au génocide.89

La logique évidente derrière cette politique du gouvernement est qu'il juge difficile de savoir si ces hommes sont réellement morts ou s'il ne sont pas plutôt en train de combattre avec les rebelles hutus au Congo. Des juristes qui ont aidé des veuves à faire valoir leurs droits ont indiqué à un chercheur de Human Rights Watch que ce que craint le gouvernement, c'est que de fausses veuves puissent envoyer cet argent à leurs maris à l'étranger pour soutenir une rébellion armée.90 Il est vrai que de nombreuses femmes ont été séparées de leurs maris pendant les bombardements sur les camps de réfugiés et les rapatriements forcés et ne sont pas toujours assurées de leur sort. Ainsi, une femme de Kibungo pensait que son mari, un soldat des ex-FAR, était mort. Après avoir passé plus de deux ans sans aucune nouvelle de lui, elle a reçu un message en 2000 disant qu'il était toujours vivant et vivait bien en Angola.91 Comme mentionné plus haut, toutefois, des dizaines de milliers de réfugiés sont morts de maladie dans les camps ou ont été tués par les forces gouvernementales rwandaises et leurs familles veulent aujourd'hui voir leur perte officiellement reconnue.

Il est arrivé que des veuves se voient refuser toute aide gouvernementale quand bien même elles avaient pu prouver avec certitude le décès de leurs maris. Une femme âgée qui s'occupe de ses deux petits-enfants en âge scolaire s'est battue pour réclamer la pension de son mari depuis 1997. Fonctionnaire à la retraite, ce dernier était décédé de dysenterie dans un camp de réfugiés en Tanzanie en présence de nombreux témoins. Sa veuve a réussi à obtenir un certificat de décès mais la Caisse sociale l'a renvoyée. On lui a dit qu'il fallait qu'elle obtienne des déclarations d'au moins dix personnes qui avaient vu son mari mourir et avaient aidé à l'enterrer, ce qu'elle a réussi à faire plus d'un an plus tard. « J'étais réellement fière », a-t-elle raconté. « J'allais enfin pouvoir avoir mon argent et commencer d'aider (ma famille). » Mais l'agent de la Caisse n'était toujours pas satisfait. « Tout le monde peut le faire » a-t-il dit. « Votre mari est en train de se battre avec les Interahamwe et Kabila. » Elle a persisté, est revenue, a écrit des lettres, mais sans succès. « Il est mort, c'était un vieil homme... Il est impossible de penser qu'il pourrait être en train de se battre dans la forêt ! » s'est-elle plainte. « Je ne sais pas ce qu'ils veulent de moi. »92

Les droits de propriété bafoués
Un nombre inconnu d'enfants se voient dénier leurs droits de propriété et d'héritage sur des biens familiaux par des adultes sans scrupules qui profitent de leur fragilité. Sans leur terre, nombre d'entre eux n'ont plus nulle part où aller, aucun moyen de s'assumer et aucun lien qui les relie à leur histoire familiale.

Claudia U., de Kigali, a survécu au génocide en se cachant chez des proches à Ruhengeri quand elle avait treize ans. Plus tard, elle est revenue seule dans la maison familiale, près de l'aéroport de Kigali, pour y trouver un soldat installé dedans. Les voisins lui ont conseillé de ne pas réclamer sa maison par crainte que le soldat ne la menace. Alors Claudia U. a abandonné sa maison et est allée vivre avec une tante maternelle. Trouvant la vie difficile avec sa tante, qui n'avait pas les moyens de l'assumer, elle s'est rendue dans un centre pour mineurs non-accompagnés loin du domicile familial.93 Un autre jeune rescapé du génocide de la commune de Taba, préfecture de Gitarama, a déclaré aux chercheurs de Human Rights Watch qu'il n'osait pas retourner dans la maison parentale parce qu'il pensait que les Interahamwe s'y trouvaient toujours et allaient le tuer.94 Frédéric S. avait trente ans quand il est venu conter aux chercheurs de Human Rights Watch les violations de ses droits de propriété, avec son frère et sa s_ur de dix et treize ans. Il a confié qu'il se sentait lui-même comme un « enfant » à la tête d'un foyer dans la culture rwandaise en dépit de son âge avancé, parce qu'il était incapable de se marier et de fonder sa propre famille tant qu'il avait la responsabilité de ces enfants. Il se battait pour pouvoir payer les frais de scolarité, mais disait que ce ne serait pas un problème s'il pouvait retrouver les quatre maisons de ses parents à Kigali et les louer. Leur mère était en prison, accusée de génocide et leur père a été tué par le FPR. « Nous avons peur » a-t-il avoué. « Des gens sont morts pour des maisons. D'autres ont disparu. »95

Les enfants seuls sont des proies faciles. Une femme est venue et a chassé Anita M. de sa maison et de sa terre à Gikongoro en faisant valoir des dettes contractées par le père de la fillette. Son avocat a indiqué que l'affaire avait été réglée quand on a découvert que la femme avait contrefait les signatures et inventé les dettes impayées en pensant que l'enfant serait aisément manipulable. Anita M. fut l'une des rares assez chanceuses pour bénéficier d'une assistance juridique pour faire valoir ses droits.96

Dans certains cas, les enfants n'ont pas de tuteur adulte qui puisse intervenir en leur faveur. Dans d'autres, ce sont leurs tuteurs qui profitent d'eux pour leur propre bénéfice. Comme mentionné plus haut, les familles sont souvent d'accord pour accueillir un enfant placé dans l'espoir de récupérer ses biens. Un juriste qui a représenté de nombreuses femmes dans des litiges fonciers a déploré que la famille paternelle soit allée dans certains cas jusqu'à chasser la veuve pour pouvoir être désignée comme tutrice des enfants et confisquer leurs biens.97 Human Rights Watch a enquêté sur plusieurs cas dans lesquels les enfants vivaient dans la rue tandis que leur soi-disant tuteur occupait ou louait leur propriété. Un assistant social à Butare a raconté à des chercheurs de Human Rights Watch comment deux tantes qui se bagarraient pour obtenir la garde de leur nièce en fait ne cherchaient qu'à mettre la main sur la propriété de la fillette. Celle-ci vivait dans la rue, mendiant et faisant les poubelles pour manger tandis qu'elle était régulièrement l'objet d'abus sexuels.98

Samuel Z. affichait une mine extrêmement mélancolique pour un garçon de quinze ans quand il a parlé à Human Rights Watch. Orphelin, il vit avec sa tante maternelle et la famille de celle-ci à Kigombe, province de Ruhengeri. Le mari de sa tante le considère comme une charge et voulait le chasser de la maison mais la tante a refusé. Elle a dit qu'elle n'avait pas le choix, qu'elle avait voulu envoyer le garçon vivre avec sa famille paternelle mais que celle-ci n'avait pas voulu du garçon: « Je l'ai amené là-bas au moins cinq fois » a-t-elle dit, "mais ils ont refusé de le prendre. »99 Samuel Z. se rend en ville tous les jours pour y vendre du pain cuit par sa tante et lui donne le produit de la vente. Il explique qu'il n'a pas d'amis parce qu'il n'a pas le temps de rencontrer d'autres enfants, occupé qu'il est à vendre du pain le jour, aux travaux domestiques le soir et à dormir la nuit. Il ajoute qu'il a beaucoup réfléchi à ses problèmes mais qu'il n'a personne avec qui en parler. Sa tante est allée devant les tribunaux pour être officiellement désignée comme sa tutrice, espérant ainsi récupérer les terres héritées par Samuel Z. de la famille de son père. L'oncle paternel du garçon accuse en retour la tante de vouloir récupérer les propriétés à son propre profit. Quant à Samuel Z., il a confié aux chercheurs de Human Rights Watch qu'il aimerait autant être son propre maître. Car même s'il réussissait à faire valoir ses droits de propriété, il n'aurait d'autres choix que de continuer de mener cette « mauvaise vie », si sa tante était désignée comme sa tutrice.100

Comme indiqué précédemment, quelque deux millions de réfugiés essentiellement hutus ont fui en exil après le génocide, pour la plupart vers ce qui était alors le Zaïre et la Tanzanie. Dans le même temps, des centaines de milliers d'anciens réfugiés tutsis qui avaient passé toute une génération en exil sont rentrés massivement au Rwanda. Le nouveau gouvernement a encouragé tous ces « vieux exilés de retour » à occuper des maisons et des terres laissées vacantes par ceux qui étaient morts ou avaient fui le pays. En 1997, un nombre important de « nouveaux » rapatriés, ceux qui avaient pris la route de l'exil en 1994, sont rentrés en peu de temps sur la foi des promesses du gouvernement selon lesquelles ils pourraient réclamer les propriétés laissées derrière eux. Cependant, les responsables gouvernementaux ont parfois manqué à leurs promesses. Ceux qui ont essayé de réclamer leurs biens se sont vus accuser de génocide, parfois à tort.101 Et ceci a concerné les enfants comme les adultes. François Xavier H., seize ans au moment du génocide, est rentré du Zaïre en 1997 pour trouver une femme qu'il ne connaissait pas occupant sa maison. Quand il a essayé de récupérer sa maison, la femme l'a accusé de crime de génocide. Il a été arrêté et jeté dans le cachot communal, les autorités ont confisqué les papiers qu'il avait obtenus de ses voisins attestant qu'il n'était pas impliqué dans le génocide et il a attendu des mois avant d'être interrogé.102 Puis la politique du Gouvernement a changé en 2000 et les autorités ont commencé à faire pression sur les « vieux exilés de retour » pour qu'ils vident les maisons illégalement occupées si le propriétaire originel persistait à vouloir les récupérer. Pour la plupart des enfants toutefois, la notion de persistance était de trop pour espérer quoi que ce soit.

Mohamed T., alors âgé de douze ans et son grand frère sont rentrés tous seuls du Zaïre en 1997. Les garçons ont découvert qu'une autre famille occupait leur maison à Kigali et se sont plaints aux autorités locales. Celles-ci leur ont conseillé de se montrer patients mais, trois ans plus tard, Mohamed T. attendait toujours. Il y a un petit appentis en bordure de la propriété familiale où lui-même et son frère - tous deux se débrouillent tout seuls dans les rues de Kigali - dorment parfois. Si les nouveaux occupants de leur maison les découvraient, ils les jetteraient dehors et les menaceraient. Quand cela s'est produit, Mohamed T. a dû aller dormir sous un pont. Mohamed T., un adolescent qui semble avoir été endurci par sa vie dans les rues, pleurait en racontant sa situation. « Imaginez devoir dormir sous un pont sans être autorisé à rentrer chez vous » se lamentait-il. « Ce n'était pas si dur quand nous avions nos parents. Ce n'est pas juste. »103

Les deux groupes de rapatriés se sont aussi affrontés sur des droits de propriété de terres datant d'avant 1959. La loi rwandaise et la politique officielle n'ont pas su définir de règles claires sur ces terrains disputés. Les vieux exilés de retour, revenus au pouvoir, ont profité de la situation pour mettre la main sur des terres et, une fois de plus, les enfants en ont fait les frais.104 Un habitant de Kamembe, dans la préfecture de Cyangugu, a signalé à Human Rights Watch un cas typique affectant une famille dans cette province rurale. Des descendants des propriétaires d'avant 1959, escortés par des soldats de l'APR, ont contacté un membre de la famille connu pour avoir des problèmes d'alcool ; ils lui ont demandé de restituer les terres et il a cédé à leur pression. La terre en question était censée appartenir à deux orphelines qui étudiaient dans un pensionnat, mais elles n'auront plus d'héritage désormais, a conclu ce témoin. Les membres de la famille qui ont eu vent de l'histoire trop tard n'ont même pas cherché à porter plainte auprès des autorités locales parce qu'elles s'étaient montrées « pires que passives » dans d'autres affaires similaires. Le conseiller local est lié aux descendants des précédents propriétaires.105

Dans le même temps, certains vieux exilés sont rentrés à Cyangugu sans qu'on leur donne de la terre pour survivre et quelques-uns uns mouraient [seraient morts ?] de faim en mars 2000. Un vieillard sans terre, incapable de nourrir sa famille se lamentait : « Ce qui fait le plus mal, ce sont les orphelins qui sont avec nous. On ne sait pas quoi faire, où les emmener? Nous devons les garder. Mais quand nous mourrons, ils vont devenir des enfants des rues. Ils ne savent même pas où leurs parents ont vécu .»106

La discrimination sexospécifique prévaut également dans la société rwandaise, en particulier concernant les droits de propriété. Une loi importante qui garantit aux filles le droit d'hériter est entrée en vigueur en 1999.107 Cette loi a été amplement saluée par la communauté internationale comme un grand pas en avant.108 Sur les collines toutefois, l'égalité est encore loin. La loi elle-même, bien qu'elle constitue un progrès évident, n'est pas sans défaut. Par exemple, elle ne protège pas les enfants illégitimes - notamment ceux, et ils sont nombreux, qui ont contracté un mariage traditionnel mais pas de mariage civil - à moins qu'ils n'aillent en justice et arrivent à prouver leur ascendance.109

Dans la pratique, les familles et les autorités locales continuent d'appliquer les normes coutumières plutôt que la nouvelle loi.110 Les grands-parents paternels ou les oncles confisquent régulièrement la terre, évinçant les enfants survivants. Les femmes chefs de famille - qu'elles soient veuves ou que leurs maris soient en prison - sont également souvent contraintes de devenir des secondes épouses de leur beau-frère ou sont renvoyées chez leurs parents conformément aux pratiques traditionnelles. Femmes et enfants se plaignent rarement, le plus souvent parce qu'ils ne connaissent guère la nouvelle loi ou parce qu'ils pensent que faire valoir leurs droits de propriété nuirait à leurs intérêts dans la mesure où ils dépendent de la famille du père ou du mari. Quant à ceux qui osent se plaindre aux autorités locales, ils obtiennent rarement satisfaction. « Les autorités locales sont les premières à ne pas comprendre cette nouvelle loi », a déploré un juriste qui a conduit des séminaires pour expliquer aux responsables locaux ce qu'elle signifie dans la pratique. « Si ni les femmes ni les officiels ne connaissent cette loi, il est évident qu'elle n'a aucune chance d'être appliquée.»111

De la loi à la pratique
Un agent humanitaire international, expert en droits de l'enfant, a déploré « le vide total » des institutions pour protéger les droits de propriété des enfants.112 Quand bien même il s'agit d'une exagération - les tribunaux et les autorités locales font valoir les droits de propriété des mineurs dans de nombreux cas - le système est en effet terriblement inadéquat. Mais il y a encore moins de protection contre d'autres formes d'abus et d'exploitation, notamment le viol du droit à l'éducation ou la négation des droits des enfants servant comme domestiques.

La législation, sur le papier...
En 2001, l'Assemblée nationale de transition a adopté une loi sur la protection de l'enfance qui tient compte de nombreuses dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. La loi oblige le Ministère du gouvernement local et des affaires sociales à définir des normes en vertu desquelles les organisations et les familles qui en ont la charge assurent le bien-être des enfants. Elle garantit que tout enfant a le droit à des parents adoptifs ou à un tuteur officiel. Elle rend l'école gratuite et obligatoire et interdit les travaux dangereux. Elle oblige également les parents, les tuteurs et autres responsables à respecter les droits des enfants placés sous leur garde « dans la mesure de leurs possibilités » et autorise le Ministère du gouvernement local à surveiller l'application de ces mesures. La loi mandate encore la Commission nationale des droits de l'homme pour vérifier que les droits des enfants sont bien respectés.113 A la lumière des abus décrits dans ce rapport, la mise en oeuvre de la loi semble toutefois rester un lointain v_u pieux.

Tout en constituant un pas dans la bonne direction, la loi n'est pas suffisante pour mettre en pratique les dispositions garanties dans la Convention relative aux droits de l'enfant. La loi criminalise les formes extrêmes de violence, de négligence et d'exploitation des enfants, dont le viol, l'abandon ou la torture. Mais elle ne propose aucun remède aux abus communément répandus comme les violations du droit à l'éducation, à celui de ne pas être exploité comme domestique ou au droit de posséder et d'hériter d'un bien foncier.114 Même si la loi stipule que l'Etat doit apporter son assistance juridique aux enfants sans protection adulte et engagés dans une affaire de justice, elle n'oblige pas les autorités à intervenir dans la majorité des cas qui n'iront jamais devant un tribunal pour des raisons évoquées plus haut. En novembre 2002, le Ministère du gouvernement local a rendu public un projet en faveur des orphelins et des enfants vulnérables et entamé le dialogue avec la société civile pour définir sa stratégie.115

En juin 1995, le Gouvernement rwandais a entrepris de réviser sa législation pour ce qui a trait aux familles d'accueil (il s'agit d'une loi différente de celle que nous venons d'évoquer) ; mais à la fin 2002, elle n'était toujours pas achevée.116 En l'absence d'un tel cadre légal, il y a peu de recours pour ceux qui cherchent à protéger les intérêts des enfants placés, leurs droits à l'héritage, ou l'accès à la nourriture, à l'éducation et aux soins médicaux. Social Services International (SSI), une ONG internationale qui place les enfants dans des familles et surveille leur situation, a rédigé un projet de « Commandement des familles d'accueil » : SSI requiert de la part des familles qu'elles y adhèrent avant d'accueillir des enfants placés et surveille qu'elles s'y conforment. Toutefois, il ne s'agit pas de dispositions légales et elles ne s'appliquent qu'à un millier d'enfants placés et suivis par SSI- soit une infime fraction. Comme on lui demandait quelles mesures avaient été prises par la Préfecture de Butare pour protéger les enfants placés, par exemple, le sous-Préfet chargé des affaires sociales a tenté de justifier la nature spontanée des placements en indiquant seulement : « C'est africain ».117

Le Code Civil prévoit des critères présidant à désignation de tuteurs et à leur suivi. Les tuteurs officiels doivent gérer les biens des enfants conformément à l'intérêt de ces derniers et leur restituer ces biens une fois la période de garde achevée ; ils peuvent aussi être sanctionnés s'ils manquent à ces obligations.118 Toutefois, peu suivent les procédures légales pour être désigné tuteur et peu de garde-fous empêchent les tribunaux de désigner des tuteurs qui vont exploiter les enfants qui leur sont confiés, comme ce fut le cas de Frédéric Z. cité ci-dessus. Un juriste qui a travaillé sur de nombreuses affaires concernant les droits des femmes et des enfants remarquait que les conflits sur la garde d'un enfant proviennent pratiquement toujours du fait que celui-ci a une propriété foncière.119 Une autre loi nationale régule l'adoption mais peu d'enfants sont formellement adoptés.120 Le Code Civil ne prévoit aucune disposition pour ceux qui se sont vus dénier leur droit à l'éducation ou ont été exploités sous quelque forme que ce soit.

Dans tous les cas, une protection légale adéquate ne constitue que le premier pas. Comme ce fut le cas pour la loi de 1999 garantissant aux femmes et aux filles le droit d'hériter, tout nouvelle loi sur le papier sera difficile à faire appliquer sans des campagnes d'information prolongées, à la fois à destination de ceux à qui elle s'adresse et de ceux qui sont chargés de son application.

...et dans la Pratique
La plupart des enfants que les chercheurs de Human Rights Watch ont interrogés, qui étaient exploités dans leur travail ou leurs biens ou dont les droits à l'éducation étaient bafoués, acceptaient leur sort sans même envisager une possibilité d'y remédier. Plus ils sont jeunes et vulnérables, moins ils sont capables de protéger leurs intérêts. Des enfants vivant dans les rues de Butare ont déclaré qu'ils attendaient leur majorité pour revenir réclamer leurs biens. La plupart se trouvaient à la rue en partie parce que leurs propriétés étaient occupées par d'autres. Il n'y avait aucun moyen, assuraient-ils, qu'un enfant l'emporte sur le système.121

Jean Paul L. avait décidé de ne pas porter plainte quand une tante paternelle s'est appropriée ses biens et sa maison à Kigali. « Les voisins m'ont conseillé de me taire » a-t-il raconté. A ce moment là, il était capable de subvenir à ses besoins et à ceux de sa petite s_ur parce qu'il avait un travail dans un restaurant à Kigali. Mais après qu'il eut été recruté contre son gré pour être membre des Forces de Défense locale à la fin 1999, il ne lui a plus été possible de joindre les deux bout du mois. 122

Les juristes qui représentent des femmes et des enfants dans des litiges de propriétés rapportent qu'une victime qui n'est pas très appréciée de ses voisins ni des autorités locales a peu de chances de l'emporter. Dans certaines communautés, les minorités de rescapés du génocide sont les plus vulnérables, mais dans d'autres ce sont les familles de ceux qui sont accusés de génocide qui sont les plus marginalisées. Quatre enfants de Kigali, par exemple, vivent répartis dans différentes familles amies. Leur mère a été emprisonnée il y a plusieurs années sous l'accusation de génocide. Leur père a été arrêté en août 1999 et aurait été battu à mort au cours de sa détention à Kigali. Un homme qui s'occupait de l'un des enfants a déclaré à un chercheur de Human Rights Watch que les amis de la famille avaient tenté de récupérer leur maison pour les enfants mais qu'ils avaient dû y renoncer quand ils se sont heurtés à une sévère résistance. Ces enfants n'étant pas les leurs, leur marge de man_uvre était d'autant plus limitée. En outre, les tuteurs risquaient de se porter tort à trop attirer l'attention sur leurs contacts avec la famille de présumés coupables d'actes de génocide.123

Les litiges immobiliers impliquant des enfants arrivent rarement jusqu'en justice. Ceux impliquant des adultes non plus d'ailleurs et de nombreux Rwandais ne savent même pas qu'il leur est possible de déposer un recours légal.124 Un représentant du Ministère du gouvernement local à Ruhengeri n'avait eu à s'occuper que de deux affaires de ce type impliquant des enfants au cours de l'année écoulée, a-t-il déclaré à Human Rights Watch à la fin 2000, ce qui l'a amené à la conclusion que les orphelins n'étaient pas confrontés à de graves difficultés dans ce domaine.125 Une juriste de Gisenyi a également indiqué qu'elle n'avait représenté que deux enfants dans des cas de litiges fonciers et, en fait, ses deux clients avaient déjà dix-huit ans quand ils étaient venus la trouver.126 L'ancien Ministère des femmes et des affaires sociales avait envoyé plusieurs assistants judiciaires dans les Préfectures. Ils ont ensuite été transférés au Ministère des femmes et de la promotion féminine lors d'un remaniement ministériel quand le porte-feuille des femmes a été séparé de celui des affaires sociales ; le mandat des assistants judiciaires ne concerne donc désormais plus que les femmes, pas les enfants.127 Plusieurs associations locales de femmes emploient également des assistants judiciaires, à Kigali et dans les grandes villes de province, pour aider les femmes et les enfants à résoudre leurs problèmes légaux. Mais peu de ceux qui sont concernés, qui habitent souvent loin et ne peuvent s'offrir le transport, connaissent l'existence de ces services.

Les enfants qui n'ont pas de tuteur légal pouvant déposer un recours en justice en leur nom doivent d'abord en obtenir un à travers une procédure légale. Mais une victime futée peut se contenter de demander une « émancipation » légale afin de mener la procédure en son nom propre.128

La plupart des enfants interrogés dans le cadre d'une étude ont déclaré qu'ils pensaient que les autorités locales, qui généralement s'occupent des litiges de propriétés et autres litiges locaux, sont les plus indiqués pour intervenir quand les droits des enfants ne sont pas respectés.129 Beaucoup se plaignaient toutefois que ces autorités, dans la pratique, résolvent rarement les affaires en faveur des enfants. Lucille B., une jeune orpheline, a indiqué qu'elle avait rendu des visites répétées à son conseiller de secteur local et au responsable de sa cellule pour qu'ils l'aident à récupérer sa propriété occupée par sa belle-mère, mais qu'ils n'ont jamais répondu à ses demandes. Elle a fini par abandonner et s'est retrouvée à la rue.130 Patrick N., de Ngoma dans la province de Butare, a déclaré qu'il pensait avoir épuisé les recours locaux quand, finalement, le bourgmestre a accepté de l'aider à retrouver sa propriété occupée par des squatters. Mais entre-temps, il a entendu dire que son champ avait été vendu ; et quand il est revenu dans la commune, ce fut pour constater qu'un nouveau bourgmestre avait été désigné. Ce nouveau bourgmestre lui a dit de retourner voir son conseiller, qui a refusé de l'aider. Dépassé, le garçon a laissé tomber et s'est rendu aux rues de Kigali.131 Le conseiller du secteur de Musaza, à Rusumo, a déclaré à Human Rights Watch qu'il ne pouvait rien faire pour une fratrie d'enfants qui vivaient dans un abri de fortune, en terre sèche et bâches de plastique. Sous la supervision du conseiller et suivant les directives du gouvernement, un village a été construit sur une portion du terrain familial et les enfants doivent désormais marcher une vingtaine de kilomètres aller-retour pour atteindre la petite parcelle qui leur a été allouée en échange.132

La corruption est parfois aussi un obstacle au respect des droits de propriété des enfants et les adultes sont généralement plus aptes à verser des pots de vin que ne le sont les enfants. Un juriste spécialisé en la matière a expliqué :

Les dirigeants locaux ne sont pas du tout coopératifs. Certains essaient de l'être mais d'autres ne sont préoccupés que d'intérêts personnels au détriment de celui de leurs administrés. Alors les gens sont obligés d'aller au-delà pour obtenir que quelque chose soit fait. Un petit blocage au niveau local sur une broutille - le responsable veut quelque chose que vous n'avez pas - et il vous envoie au diable. Cela se produit surtout aux échelons les plus bas. Les responsables traitent les gens comme s'ils n'avaient pas tous les mêmes droits, même s'ils sont dans la même position. C'est lié à la pauvreté, ils ne sont pas payés alors ils ont besoin de gagner de l'argent.133

Vincent K., un jeune rescapé du génocide originaire de Gitarama a été victime de cela. Il a contacté son conseiller de secteur quand des voisins occupaient sa propriété. Le conseiller lui a dit de négocier avec eux un partage de la terre. Puis le conseiller et la population sont venus et ont observé la négociation inégale sans intervenir. Evidemment, Vincent K. a perdu. Et finalement, à l'âge de dix-sept ans, il est allé vivre avec le conseiller, comme domestique.134

232 UNICEF, Recovering Childhood, 1995, p. 14.

233 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kibungo, 10 mai 2001.

234 Agences des Nations Unies au Rwanda, Common Country Assessment 1999-2000, Paper 11, Child Protection, p. 6; Women's Commission for Refugee Women and Children, Rwanda's Women and Children: The Long Road to Reconciliation, New York, Septembre 1997.

235 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butare, 5 mars 1996.

236 IRIN, Great Lakes : Special Feature - Unaccompanied Children, 30 juillet 1997, para. 3.

237 Sur ce nombre, 87 % avaient été réunis avec des proches à la fin 1998. Comité international de la Croix rouge, Annual Report 1998: Rwanda.

238 Unaccompanied Children, IRIN, para. 14.

239 Voir, Regulations for Orphans and Separated Children's Centres, Gouvernment du Rwanda, Kigali, 1994. Voir Articles 20 et 22(2), Convention relative aux droits de l'enfant.

240 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butare, 23 mars 1996.

241 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 21 mars 1996.

242 Entretien conduit par Human Rights Watch avec un assistant social au centre, Butare, 23 mars 1996.

243 Unaccompanied Children, IRIN, para. 17; Women's Commission for Refugee Women and Children, Rwanda's Women and Children, pp. 23-25.

244 Entretiens conduits par Human Rights Watch avec des représentants d'organisations internationales de protection de l'enfance, Gikongoro, 5 mars 1996 et Butare, 5 et 14 mars 1996.

245 Rwanda Country Programmes, Report of the 6th Inter-Agency Regional Meeting on Separated Children in the Great Lakes Region, 18-19 August 1999, Kigali, Rwanda.

246 Comité international de la Croix rouge, War and family links: The ICRC's Rwandan Unaccompanied Children programme (1994-2000), http://www.icrc.org (vérifié le 1er mai 2002).

247 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butare, 20 Octobre 2000.

248 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butare, 7 mars 1996.

249 Entretien conduit par Human Rights Watch, Gikongoro, 5 mars 1996.

250 Lindsay Hilsum, « Children flee to Burundi Camps », Guardian (Londres) 5 juillet 1994.

251 UNHCR, Refugee Children : Guidelines for Protection and Care, Genève, p. 54.

252 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 21 mars 1996.

253 Entretien téléphonique avec Human Rights Watch, Lausanne, 28 avril 1998; A. Briquet, Délégué de Terre des Hommes, à M. le Premier Ministre du Rwanda, 27 mai 1994, joignant le Protocole d'accord (Préfecture de Butare); Sylvain Nsabimana, "The Truth About the Massacres in Butare", manuscrit non daté (fourni par Sylvain Nsabimana).

254 Entretien conduit par Human Rights Watch avec un ancien travailleur humanitaire qui s'était occupé d'enfants ainsi rentrés de l'étranger; Kigali, 20 février 2002; Unaccompanied Children, IRIN, para. 13.

255 "The Right over Rwanda's Lost Children," Newsweek International, 13 novembre 2000; "Rwanda Wants Children Orphaned in 1994 Genocide Back Home," Associated Press, 15 août 2000.

0 Ministère du gouvernement local, UNICEF et Save the Children Alliance, Umwana wanjye ni uwawe ni uwacu, My child is your child, is our child: The Rwandan experience of foster care for separated children, Kigali, 2001, p. 14.

1 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Steve Morgan, Représentant de Save the Children Fund-Royaume Uni, Kigali, 3 octobre 2001.

2 Agences des Nations Unies au Rwanda, Common Country Assessment 1999-2000, Paper 11, Child Protection, p. 6. Le Gouvernement rwandais et les institutions de l'ONU citent fréquemment le chiffre de 400.000, mais il est difficile d'évaluer la précision de ce nombre. L'UNICEF définit l'orphelin comme un enfant de moins de quinze ans qui a perdu sa mère ou ses deux parents. Plus de 65.000 des quelque 120.000 enfants enregistrés comme non-accompagnés dans les camps de réfugiés après le génocide ont été finalement réunis avec leurs familles, mais seule une partie de ces proches sont véritablement les parents. Les experts estiment que 120.000 à 200.000 enfants ont été spontanément accueillis dans des familles et que jusqu'au 300.000 autres vivent dans des foyers dirigés par des enfants (voir plus bas), dont beaucoup ont depuis atteint l'âge de la majorité.

3 Pour une analyse détaillée, voir Ministère du Gouvernement local et UNICEF, Struggling to Survive: Orphans and community dependent children in Rwanda, Kigali, 2001.

4 Martien Schotsmans, A l'écoute des rescapés, Rwanda, décembre 2000, pp. 26-7 et 61-64.

5 Human Rights Watch, "The Search for Security and Human Rights Abuses," p. 4.

6 Sur un groupe de 491 femmes interrogées par Avega Agahozo, première association de veuves du génocide, 66,7 % se sont déclarées infectées par le virus du SIDA. Cette étude attribue ce taux alarmant au nombre des viol perpétrés pendant le génocide. Avega Agahozo, Survey on Violence Against Women in Rwanda, Kigali, Décembre 1999, p. 24. Voir également Human Rights Watch/Africa, Shattered Lives.

7 ONUSIDA/ Organisation Mondiale de Santé, Rwanda : Fiche épidémiologique sur le VIH/SIDA et les infections sexuellement transmissibles, Mise à jour 2000 (révisée), décembre 2000, p.3.

8 Ibid.

9 Voir Ministère du Gouvernement local et UNICEF Struggling to Survive, Chapitre 6: "The HIV/AIDS Pandemic: Implications for the situation of orphans in Rwanda," pp. 74-93.

10 A la mi- 2001, un peu plus de 5.000 des plus de 100.000 prisonniers accusés de génocide avaient été jugés. Environ 20 % avaient été acquittés. LIPRODHOR, Quatre ans de procès de génocide, Kigali, 2001.

11 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butare, 10 mars 1995.

12 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 6 novembre 2000.

13 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butare, 25 août 2000.

14 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butare, 19 octobre 2000.

15 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 28 juillet 2000.

16 Ces catégories regroupent officiellement les orphelins, les enfants vivant dans des foyers dirigés par des mineurs et les enfants en prison. Entretien conduit par Human Rights Watch avec Straton Nsanzabaganwa, Directeur du planning social et de la protection des groupes vulnérables au Ministère du gouvernement local et des affaires sociales, Kigali, 3 octobre 2001.

17 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 11 décembre 2000.

18 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Straton Nsanzabaganwa, Kigali, 3 octobre 2001. Au moment de l'entretien, on comptait vingt-sept centres mais le centre de Kibuye a fermé le 26 décembre 2001 et placé les trente-huit enfants qu'il accueillait dans des familles. Bulletin d'informations de Radio Rwanda, 26 décembre 2001.

19 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 28 juillet 2000.

20 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Eduard Munyakazi, Représentant du Ministère du Gouvernement local à Ruhengeri, 21 novembre 2000.

21 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Kigali, 4 mai 2001 et 7 novembre 2000.

22 Pour une analyse détaillée, voir Ministère du gouvernement local, UNICEF et Save the Children Alliance, My child is your child, is our child.

23 Women's Commission for Refugee Women and Children, Rwanda's Women and Children, p. 31.

24 « Rwanda: Adopted orphans "exploited and tormentede », IRIN, 2 avril 2001.

25 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Béatrice M. et un juriste la représentant dans une affaire de reconnaissance en paternité, Ruhengeri, 8 décembre 2000. Bien qu'âgée de plus de dix-huit ans, Béatrice M.a dû d'abord déposer une demande d'émancipation légale auprès du Ministère de la Justice pour agir en son nom propre, l'âge de la majorité légale étant de vingt et un ans. Sinon, l'oncle qu'elle poursuivait en justice aurait pu être désigné comme tuteur légal.

26 Ministère du gouvernement local, UNICEF et Save the Children Alliance, My child is your child, is our child, p. 63. Généralement, les enfants rwandais ne portent pas le nom de leurs parents, donc le nom que l'enfant adopté va porter n'est pas un problème en soi.

27 World Vision / UNICEF, Qualitative Needs Assessment of Child-Headed Households in Rwanda, Kigali, 1998, p. 3. Même une fois que les chefs de famille ont atteint l'âge de la majorité, ils se considèrent toujours comme des enfants, incapables de se marier ou d'avancer dans leur propre vie tant qu'ils sont responsables de leurs plus jeunes frères et s_urs. Bien que cette étude datant de 1998 soit souvent citée, certains analystes ont mis en cause le chiffre de 300.000 et une nouvelle étude serait nécessaire pour établir de nouvelles données.

28 Département d'Etat américain, « Rwanda » Country Reports on Human Rights Practices 2001, mars 2002, Section 5.

29 Agence pour la coopération et la recherche en développement, Research into the Living Conditions of Children who are Heads of Households in Rwanda, mars 2001. Quelques 2.411 enfants chefs de famille de vingt-quatre communes ont participé à l'étude. Le rapport ne précise pas quels critères les chercheurs ont retenu pour définir l'enfance.

30 Ministère du gouvernement local et UNICEF, Struggling to Survive, p. 37.

31 World Vision / UNICEF, Qualitative Needs Assessment of Child-Headed Households in Rwanda.

32 Agence pour la coopération et la recherche en développement, Research into the Living Conditions of Children who are Heads of Households in Rwanda.

33 Ibid.

34 Ministère du gouvernement local et UNICEF, Struggling to Survive, p. 49.

35 World Vision / UNICEF, Qualitative Needs Assessment of Child-Headed Households in Rwanda, p. 18.

36 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 28 juillet 2000.

37 Ministère du Gouvernement local et UNICEF, Struggling to Survive, p. 82. Voir également Women's Commission for Refugee Women and Children, Rwanda's Women and Children, p. 31; et World Vision / UNICEF, Qualitative Needs Assessment of Child-Headed Households in Rwanda, p. 5-6.

38 Agence pour la coopération et la recherche en développement, Research into the Living Conditions of Children who are Heads of Households in Rwanda, p. 3.

39 Ministère du gouvernement local et UNICEF, Struggling to Survive, p. 35.

40 World Vision / UNICEF, Qualitative Needs Assessment of Child-Headed Households in Rwanda, p. 20; entretien conduit par Human Rights Watch avec Ancille Kagabo, Sous-Préfet de Butare, Butare, 25 avril 2001.

41 Schotsmans, A l'écoute des rescapés.

42 Ministère du gouvernement local et UNICEF, Struggling to Survive, p. 51.

43 Ibid, p. 67.

44 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 6 novembre 2000.

45 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butamwa, 4 août 2000.

46 Ministère du gouvernement local et UNICEF, Struggling to Survive, p. 46.

47 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 15 novembre 2000.

48 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 21 juillet 2000.

49 Convention internationale relative aux droits de l'enfant, Art.23; Organisation internationale du travail (OIT) Convention No 182 concernant l'interdiction des pires formes du travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination, 1999 (ratifiée par le Rwanda le 23 mai 2000). Voir le chapitre consacré ci-dessous aux Règles du droit international.

50 UNICEF, Statistiques par pays: Rwanda, voir: http://unicef.org/statis/Country-1Page145.html (vérifié le 2 mai 2002). La loi rwandaise rend l'éducation primaire obligatoire. Mais elle ne spécifie pas à partir de quel âge cette obligation s'applique. En raison de la guerre, des déplacements et des difficultés économiques, les enfants peuvent mettre jusqu'à dix années pour accomplir les six ans d'école primaire.

51 Nations Unies, Rwanda: United Nations Development Assistance Framework 2002-2006, Kigali, octobre 2001, p. 13.

52 Ibid.

53 Comité technique et Ministère du gouvernement local,  "Projet de programme politique pour les orphelins et autres groupes d'enfants vulnérables au Rwanda," 12 novembre 2002, p. 2.

54 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butamwa, Kigali Rural, 30 août 2000.

55 Ministère du gouvernement local et UNICEF, Struggling to Survive, pp. 44-45.

56 Entretien conduit par Human Rights Watch, Nyakizu, Butare, 20 octobre 2000.

57 Agence pour la coopération et la recherche en développement, Research into the Living Conditions of Children who are Heads of Households in Rwanda, p. 4.

58 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kinigi, Ruhengeri, 19 novembre 1999.

59 Art. 28.

60 Entretien conduit par Human Rights Watch, Nyakizu, Butare, 20 octobre 2000.

61 Le gouvernement alloue des fond sur le budget national et par le biais du Ministère du gouvernement local pour le Fond des rescapés du génocide et le Ministère du gouvernement local supervise la gestion de ce Fond. Entretien conduit par Human Rights Watch avec Straton Nsanzabaganwa, 3 octobre 2001.

62 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 3 octobre 2001.

63 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Kigali, 10 décembre, 29 juillet et 28 septembre 2000. Les rapatriés Tutsis qui sont rentrés au Rwanda après le génocide de 1994 ne peuvent pas recevoir d'aide du Fond d'assistance aux rescapés.

64 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 28 juillet 2000.

65 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Eduard Munyakazi, Ruhengeri, 21 novembre 2000.

66 Entretien conduit par Human Rights Watch interview, Rusumo, 30 octobre 2000.

67 Entretien conduit par Human Rights Watch, Ndusu, Ruhengeri, 7 décembre 2000.

68 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Tare, Kigali Rural, 7 novembre 2000.

69 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Ndusu, Ruhengeri, 7 décembre 2000, Tare, Kigali Rural, 7 novembre 2000; Rusumo, Kibungo, 30 octobre 2000.

70 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 9 août 2000.

71 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 9 août 2000.

72 Entretien conduit par Human Rights Watch, Rwamagana, Kibungo, 10 mai 2001.

73 Entretien conduit par Human Rights Watch, Muhazi, Kibungo, 13 septembre 2001. Il avait dix-huit ans révolus, mais ne se trouvait que dans sa quatrième année d'école secondaire.

74 Entretien conduit par Human Rights Watch, Boston, 9 novembre 2001.

75 Entretiens conduits par Human Rights Watch avec Straton Nsanzabaganwa, Kigali, 3 octobre 2001 et avec Eduard Munyakazi, Ruhengeri, 21 novembre 2000. Le « responsable de cellule », qui dirige la plus petite division administrative (la cellule), prépare une liste de tous les enfants indigents sous sa juridiction. Le « conseiller de secteur » compile ensuite les listes des différentes cellules de son secteur. Enfin, le maire du district (auparavant appelé le bourgmestre de la commune) prépare la liste de l'ensemble de son district.

76 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 8 août 2000.

77 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 9 août 2000.

78 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 5 décembre 2000.

79 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 30 septembre 2000.

80 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 8 décembre 2000.

81 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 19 août 2000.

82 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 16 octobre 2000.

83 Entretien conduit par Human Rights Watch, Ruhango, Gitarama, 19 octobre 2000.

84 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 5 décembre 2000.

85 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Kigali, 19 août 2000 et Gisenyi, 16 octobre 2000.

86 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Kigali, 28 décembre 2000; Bulinga, 13 février 2001. Des habitants Hutus de Bulinga ont commencé à réclamer que l'ancien bourgmestre soit poursuivi pour ces tueries. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Kigali, 3 octobre 2001 et Bulinga, 5 octobre 2001.

87 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 5 décembre 2000.

88 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 5 décembre 2000.

89 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 28 juillet 2000.

90 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 5 décembre 2000.

91 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 8 septembre 2000.

92 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 8 décembre 2000.

93 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 25 février 1998.

94 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 25 février 1998.

95 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 11 août 2000. Voir Human Rights Watch, "The Search for Security," p. 19.

96 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 5 décembre 2000.

97 Entretien conduit par Human Rights Watch , Kigali, 28 septembre 2000.

98 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butare, 20 octobre 2000.

99 Entretien conduit par Human Rights Watch, Ruhengeri, 20 novembre 2000.

100 Entretien conduit par Human Rights Watch, Ruhengeri, 20 novembre 2000.

101 Voir Human Rights Watch, Uprooting the Rural Poor (New York: Human Rights Watch, 2001), pp. 8-10; Human Rights Watch, "The Search for Security," p.19. Le Gouvernement rwandais a fait valoir à juste titre que le fait que quelqu'un soit arrêté alors qu'il essayait de récupérer sa propriété ne signifie pas que les accusations à son encontre soient sans fondement. Toutefois, certains ont été à l'évidence arrêtés sur la base d'accusations fallacieuses. République du Rwanda, Réponse au Rapport de Human Rights Watch intitulé "Rwanda: The Search for Security and Human Rights Abuses," Kigali, juin 2000, http://www.gov.rw/government/newsupdate.htm .

102 Entretien conduit par Human Rights Watch, cachot de Rutonde, Kibungo, 19 février 1998.

103 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 8 août 2000.

104 Human Rights Watch, Uprooting the Rural Poor, pp. 7-8 et 46-50.

105 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 16 novembre 2000.

106 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kamembe, Cyangugu, 17 mai 2000.

107 Lois no. 22/99 du 12/11/1999 du Supplement Book I of the Civil Code and to Institute Part Five Regarding Matrimonial Regimes, Liberalities, and Successions (version anglaise).

108 Voir : Special Representative on Children and Armed Conflict Welcomes Rwandan Law Allowing Girls to Inherit Property, Communiqué de presse HR/4465, 20 mars 2000.

109 Entretiens conduits par Human Rights Watch avec des experts en droits des femmes, Kigali, 24 et 28 septembre et 5 décembre 2000. Voir également Jennie E. Burnett and Rwanda Institute for Sustainable Development, Culture, Practice, and Law: Women's Access to Land in Rwanda, Kigali, juillet 2001.

110 Voir Burnett and Rwanda Institute for Sustainable Development, Women's Access to Land in Rwanda.

111 Entretien conduit par Human Rights Watch Kigali, 28 septembre 2000.

112 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 24 juillet 2000.

113 Loi relative aux droits et à la protection des enfants contre la violence (version anglaise).

114 Convention relative aux droits de l'enfant, Art. 19, 28, 32, 34 et 36.

115 Comité technique et Ministère du gouvernement local, Projet de programme politique au profit des orphelins et autres groupes d'enfants vulnérables au Rwanda", 12 novembre 2002.

116 Ibid, p.12. Voir également Ministère du travail et des affaires sociales, Children: The Future of Rwanda, no. 3, 30 septembre 1995, p.14; entretien conduit par Human Rights Watch avec Straton Nsanzabaganwa, Kigali, 3 octobre 2001.

117 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Ancille Kagabo, Butare, 25 avril 2001.

118 Loi relative à la personne et la famille en droit civil rwandais, 27 octobre 1988, Art. 361, 385, 387 et 388. Voir également Juristes Sans Frontières, « Droits et devoirs pour prendre en charge un enfant non-accompagné, » Montpellier (France), 1995. Voir aussi Ministère du gouvernement local, UNICEF et Save the Children Alliance, My child is your child, is our child, pp. 29-39 pour quelques repères généraux sur le cadre légal et politique.

119 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 28 septembre 2000.

120 Juristes Sans Frontières, « Droits et devoirs. »

121 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butare, 19 octobre 2000.

122 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 30 septembre 2000. Des sources qui le connaissent bien estiment qu'il n'avait que seize ans quand il a été recruté par les Forces de défense locale, mais lui pense qu'il pouvait en avoir dix-huit.

123 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 26 juillet 2000.

124 Voir Human Rights Watch, Uprooting the Rural Poor, p. 53.

125 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Edward Munyakazi, Ruhengeri, 21 novembre 2000.

126 Entretien conduit par Human Rights Watch, Gisenyi, 15 décembre 2000.

127 Entretien conduit par Human Rights Watch avec un assistant judiciaire du Ministère de la Femme et de la promotion féminine, Ruhengeri, 21 novembre 2000.

128 Loi relative à la personne et la famille en droit civil rwandais, 27 octobre 1988, Art. 361, 385, 387 et 388. See also Juristes Sans Frontières, « Droits et devoirs. »

129 Ministère du gouvernement local et UNICEF, Struggling to Survive, p. 65.

130 Entretien conduit par Human Rights Watch, Butare, 24 août 2000.

131 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 11 mars 1998.

132 Entretien conduit par Human Rights Watch, Rusumo, Kibungo, 29 octobre 2000.

133 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kigali, 28 septembre 2000.

134 Entretien conduit par Human Rights Watch, Taba, Gitarama, 11 février 1998.

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