Rapports de Human Rights Watch

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Abus commis par les forces du government Tchadien dans le contexte de l’attaque du 13 avril

Le 9 avril, les rebelles tchadiens basés au Darfour ont lancé des attaques contre Am Timan, Abou Deia et Haraz-Mangueigne, au Sud-Est du Tchad, près de la frontière avec la République centrafricaine. Ces attaques annonçaient une invasion plus vaste lancée par les rebelles tchadiens FUCD sous commandement de Mahamat Nour. Le 10 avril, le FUCD a écumé le camp de réfugiés de Goz Amer, tuant un garde de sécurité et volant des équipements de communication. Le 12 avril à 15 heures, une colonne FUCD a atteint Mongo, à 320 kilomètres à l’Est de N’dajema.

Le 13 avril, 1 200 à 1500 soldats répartis en 56 camions pick-up ont atteint N’djamena. Des affrontements importants se sont également produits à Adré, sur la frontière entre le Tchad et le Soudan et dans la ville de Sarh au Sud du pays. Les combats à N’djamena ont duré de 5 à 11 heures du matin et ont impliqué des véhicules blindés de transport de troupes, des véhicules techniques (quatre x quatre équipés d’armes lourdes) et des chars. Les combats se sont concentrés dans les banlieues du Sud-Est et au Palais des Quinze, le parlement tchadien.

Des enquêtes supplémentaires sont nécessaires mais les civils à N’djamena ne semblent pas avoir été spécifiquement pris pour cibles ou attaqués sans distinction par le gouvernement tchadien ou les forces rebelles, lors des combats du 13 avril à N’djamena, à quelques exceptions près décrites plus bas. Human Rights Watch est toutefois préoccupé par des rapports non confirmés faisant état d’actions de représailles possibles lancées par les forces du gouvernement tchadien – notamment des détentions arbitraires et d’autres abus – contre des civils sur une base ethnique, tant à N’djamena que dans d’autres lieux au Tchad.

Traitement des combattants rebelles

Les rebelles soupçonnés d’appartenir au FUCD capturés lors de la tentative de coup du 13 avril étaient détenus, au moment de la rédaction de ce rapport, à la gendarmerie nationale de N’djamena, dans une concession sans enceinte avec une cour de terre battue et deux blocs de cellules. Ces installations de détention sont de toute évidence inadaptées pour les 250 détenus environ qui emplissaient la cour et étaient contraints de dormir en position repliée, dans les blocs de cellules parce qu’ils ne disposaient pas de place suffisante pour se tenir allongés.33

A l’exception de deux prisonniers ayant reconnu être impliqués dans une tentative de coup en novembre 2005, les chercheurs de Human Rights Watch n’ont pas reçu ni enregistré de preuves montrant que ces détenus étaient soumis à des actes de torture ou des traitements volontairement cruels. Sur les deux personnes soumises à des traitements cruels, un homme affirmant être le chef d’état-major des rebelles, a eu une broche de métal de 25 centimètres enfoncée dans le genou, perpendiculairement à l’axe du pied, afin selon lui, d’empêcher sa fuite.34 L’autre détenu, qui a affirmé être le second chef d’état-major des rebelles, portait des menottes et des fers aux pieds. Il a dit avoir été ainsi immobilisé depuis son arrivée le 8 janvier 2006.35 Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Tchad est un état partie, interdit l’administration de traitements cruels, inhumains ou dégradants en toute circonstance et le statut de détenu ou le crime présumé ne peuvent justifier un traitement inhumain ou dégradant.



[33] Le Tchad est un état partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 10, paragraphe 1 du Pacte prévoit que toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. L’Article 10 et les normes appropriées des Nations unies relatives au traitement des prisonniers, notamment l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations unies s’appliquent au traitement des rebelles détenus. Voir l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, qui s’est tenu à Genève en 1955 et qui a été approuvé par le Conseil économique et social dans sa résolution 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai  1977.

[34] Le détenu a également affirmé qu’il s’était fracturé la jambe en tentant d’éviter d’être capturé. Il semble que la broche ait été insérée dans son genou lorsqu’il avait la jambe en extension et qu’elle ait ensuite été maintenue pour entraver ses mouvements. Human Rights Watch a contacté un médecin qui a affirmé qu’une broche d’extension ne remplissait aucun objectif médical si elle n’était pas reliée à un appareil d’extension. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Tchad, avril 2006.

[35] Entretiens conduits par Human Rights Watch, N’djamena, Tchad, 26 avril 2006.


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