Rapports de Human Rights Watch

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Abus commis par les groupes rebelles dan l‘Est du Tchad

Plus de 200 000 réfugiés du Darfour sont actuellement logés dans douze camps de réfugiés de l’Est du Tchad. Les réfugiés ont fui les abus commis par les forces du gouvernement soudanais et celles des milices Janjaweed au Darfour en 2003 et 2004. A cause de la proximité des camps avec la frontière et du fait que de nombreux membres des mouvements rebelles du Darfour ont des liens ethniques et familiaux avec les camps, une activité rebelle potentielle dans les camps est une préoccupation constante depuis leur établissement.36

S’il était clair que les rebelles disposaient de liens avec des individus dans les camps, il y a eu, jusqu’au début de l’année 2006, peu de signes flagrants indiquant que les groupes rebelles recrutaient activement ou affectaient d’une quelconque autre façon le caractère civil des camps.37 Cependant, dans le contexte de la détérioration des relations entre le Tchad et le Soudan – et la politique de plus en plus manifeste du Président Déby de soutien aux groupes rebelles face aux menaces des rebelles tchadiens contre son gouvernement – les affaires de recrutement, notamment d’enfants et de mauvais traitements de réfugiés sont devenues de plus en plus criantes.38

Une enquête menée par Human Rights Watch dans l’Est du Tchad a examiné un incident grave de recrutement forcé, du 17 au 19 mars, dans les camps de Bredjing et Treguine ainsi que d’autres abus liés au commandant SLA, Khamis Abdullah. Bien que ces exemples ne soient très probablement pas les seuls impliquant un recrutement forcé ou d’autres abus perpétrés par les mouvements rebelles du Darfour, Human Rights Watch n’a pas été en mesure, par manque de temps, de vérifier indépendamment tout autre récit faisant état d’un recrutement forcé.

Lors de l’épisode de recrutement forcé du 17 au 19 mars, le personnel du HCR n’était pas présent dans les camps de Bredjing et Treguine – la plupart des travailleurs humanitaires quittent les camps le weekend et le soir après 17 heures. Cette pratique offre une fenêtre d’opportunité prévisible et répétitive aux groupes rebelles soudanais pour opérer hors de toute surveillance internationale dans les camps, une fenêtre pleinement exploitée entre le 17 et le 19 mars.

Par un accord avec le HCR, les gendarmes tchadiens sont supposés assurer la sécurité et doivent être présents 24 heures sur 24 dans les camps de réfugiés. L’enquête de Human Rights Watch sur les évènements du 17 au 19 mars dans les camps de Bredjing et Treguine a permis de recueillir des preuves cohérentes et irréfutables sur la complicité du gouvernement tchadien dans les activités des groupes rebelles soudanais, légales et illégales, dans les camps de réfugiés qu’il a l’obligation de protéger. De nombreuses sources, notamment des réfugiés, des responsables de camps de réfugiés, des travailleurs humanitaires nationaux et internationaux, des responsables des Nations unies, des experts en matière de renseignements, des responsables du gouvernement local et national, des gendarmes et surtout, les rebelles eux-mêmes, ont décrit la manière par laquelle  le gouvernement du Tchad – du plus haut niveau jusqu’au plan local – a excusé, permis et facilité les opérations des rebelles soudanais dans les camps de réfugiés. Des témoins ont vu des gendarmes tchadiens accompagner des rebelles dans les camps lors de l’épisode de recrutement et avec l’aide des responsables CNAR, sélectionner et enlever de force des réfugiés des camps. Un témoignage de première main a décrit des responsables du gouvernement local agissant comme facilitateurs, recourant aux outils étatiques pour étendre l’impunité aux actions des rebelles. Des sources bien placées ont nommé des personnalités de haut rang dans l’administration Déby comme étant les architectes de la politique du gouvernement tchadien qui a excusé les activités de recrutement des rebelles soudanais et a donné pour instruction aux responsables du gouvernement local de permettre et de faciliter ces activités.39

En réponse aux préoccupations de plus en plus pressantes relatives à la protection des réfugiés suite à l’épisode de recrutement forcé de mars, le HCR a passé contrat avec le gouvernement du Tchad pour qu’il fournisse davantage de gendarmes dans chaque camp40 et il a entrepris de vastes campagnes pour éduquer réfugiés et rebelles sur la nature civile des camps et sur les dangers de leur militarisation.

Recrutement forcé de réfugiés

Le commandant SLA, Khamis Abdullah et ses associés41 sont responsables d’une importante affaire de recrutement forcé dans les camps de Bredjing et Treguine, à partir du vendredi 17 mars et jusqu’au dimanche 19 mars dans l’après midi, une période où la présence du personnel humanitaire est limitée.42 Les camps sont situés à environ 50 kilomètres à l’Ouest d’Adré et ont une population combinée de 42 793 personnes, à 100 pour cent Masalit ou presque, la même ethnie que celle de Khamis Abdullah.

Le recrutement de mars semble avoir été lié aux efforts de Khamis Abdullah pour refaire ses troupes au sol suite à des pertes sur le champ de bataille et au  préalable des attaques des forces rebelles tchadiennes. Des réfugiés recrutés de force ont systématiquement fourni les mêmes noms d’hommes comme étant les responsables de cette vague de recrutements : Bechir Djabir,43 sous-commandant SLA qui semble jouer un rôle actif dans les efforts de recrutement44 et son officier supérieur, le commandant SLA, Khamis Abdullah.45 Un réfugié de cinquante-quatre ans du camp de Bredjing a exprimé la confusion ressentie dans les camps après les actions du plus haut rebelle Masalit qui aurait joui d’un vaste soutien dans le camp de réfugiés entièrement masalit.

Il y a un homme, Khamis qui fait le recrutement forcé. Son nom complet est Khamis Abdulla Abakar. [Ses soldats] prennent les gens dans les camps et les traitent très mal. Au départ les gens dans les camps soutenaient la rébellion mais certains ont été forcés de la rejoindre et ils ont pris des gens et maintenant les gens pensent que c’est la politique du [Président soudanais] Omar Bashir de maltraiter les gens dans les camps pour qu’ils ne soutiennent plus la rébellion. Cela fait partie de la stratégie d’Omar Bashir pour éliminer la rébellion. Avant, on devenait rebelle uniquement par choix.

Selon les chiffres du HCR, environ 4 700 réfugiés ont été recrutés dans les deux camps, entre le 17 et le 19 mars,46 la plupart en provenance de Bredjing, qui est situé 10 kilomètres plus près de la frontière avec le Soudan que Treguine. Si le HCR rapporte que des certaines des personnes ayant rejoint les rebelles l’ont fait volontairement,47 l’enquête de Human Rights Watch a révélé que la vague de recrutements était par nature forcée et dans certains cas, violente.

Le HCR a élaboré une liste partielle de 104 réfugiés qui ont été recrutés mais dont on demeure sans nouvelles, 61 en provenance de Bredjing et 43 de Treguine.48 Le HCR estime que le nombre total de réfugiés manquants est compris entre 300 et 400.49 Si ce chiffre s’avérait exact, cela pourrait représenter un apport humain considérable pour les forces SLA.50

100 rebelles soudanais au moins sont descendus sur les camps de Bredjing et Treguine dans l’après midi du 17 mars, s’arrêtant d’abord dans les écoles qui étaient encore ouvertes. Des centaines d’élèves ont été rassemblés et emmenés ce premier jour, nombre d’entre eux étant mineurs.51 Au cours du weekend du 18-19 mars, les rebelles ont parcouru brutalement Bredjing et Treguine, choisissant des hommes et des garçons aptes au combat dans les marchés et se livrant à des recherches maison par maison et tente par tente dans les camps, battant ceux qui résistaient et avertissant les proches, apeurés, de ne pas s’interposer.

Des réfugiés ont raconté comment des hommes en uniforme militaire (ou partiellement en uniforme) armés de fouets et de bâtons les avaient rassemblés dans les écoles, dans les marchés et dans leurs maisons. Certains réfugiés ont rapporté avoir eu les membres liés même si cela ne fut pas le cas pour la plupart. Néanmoins, un professeur de 26 ans enlevé en compagnie d’un collègue et de quatre élèves le 17 mars a affirmé qu’il avait clairement compris qu’il n’avait pas d’autre option que de se plier aux ordres.

Ils n’avaient pas de fusils mais ils avaient des couteaux et des chicottes. Je voulais rassembler mes affaires mais ils ont dit : ‘Laisse tes affaires ici ; tu ne prends rien avec toi.’ J’en avais un de chaque côté. Ils m’ont pris par le bras et ils ont dit : ‘On y va.’ Je n’avais pas d’autre choix que de les suivre.52

Les réfugiés ont été entassés dans des camions pick-up et conduits à un wadi hors des camps où les attendaient des hommes armés. A noter que systématiquement, les réfugiés se sont souvenus d’une longue marche vers Arkoum, une ville tchadienne à 20 kilomètres au sud-est de Bredjing où les rebelles soudanais avaient établi un camp d’entraînement.

A leur arrivée à Arkoum, les hommes ainsi recrutés ont été informés qu’ils faisaient maintenant partie des rebelles soudanais et que leur mission consistait à libérer leur pays. Toutefois, ces recrues ne pouvaient elles-mêmes partir puisque des gardes armés patrouillaient le périmètre du camp jour et nuit.

Recrutement d’enfants

Human Rights Watch s’est entretenu avec quatre réfugiés recrutés de force à Bredjing qui ont affirmé avoir moins de 18 ans. Une cinquième recrue n’était pas certaine de son âge mais semblait avoir 13 ou 14 ans.

Un réfugié âgé de 15 ans, recruté de force dans le camp de Treguine s’est souvenu avoir vu de nombreux enfants dans le camp d’entraînement d’Arkoum :

J’ai vu de nombreux gosses dans le camp d’entraînement, certains pas plus vieux que 12 ans. Les gosses n’en pouvaient plus alors ils en ont laissé partir 100 et ils sont rentrés à pied [à Tréguine]. Ils ne supportaient pas le manque de sommeil, d’eau, de nourriture et le travail très dur. Ils étaient trop jeunes.

Human Rights Watch s’est entretenu avec un recruteur SLA dans le camp de Djabel qui a affirmé qu’il n’y avait pas d’âge minimum fixé pour une recrue bien que 15 ans soit un minimum pour qu’un soldat puisse combattre efficacement, « 14 ans si c’est un grand gosse. »53

Le commandant SLA, Bechir Djabir, largement impliqué dans les activités de recrutement, a nié avoir recruté des enfants mineurs et a affirmé que trois recrues ayant rejoint ses forces dans le camp de Djabel étaient trop jeunes pour combattre et seraient renvoyées dans le camp.54

Le HCR a interrogé un garçon de 17 ans dans le camp de Djabel qui a affirmé avoir rejoint le SLA volontairement, avoir été formé à Changaya au Soudan et avoir été déployé dans un camp SLA près d’Adé au Tchad avant d’être renvoyé à Djabel parce qu’il n’était pas majeur.55

Des réfugiés et d’autres sources à Bredjing et dans le camp de Djabel ont rapporté que des professeurs faisaient partie des recruteurs les plus agressifs. Il est à craindre que les professeurs violent la relation de confiance qui les lie à leurs élèves et que certains recrutements se font par la force même s’il ne s’agit pas d’une force physique.56 Lors de la campagne de recrutement forcé à Bredjing et Treguine, les écoles étaient des lieux de recrutement de premier plan et des dizaines de réfugiés ont été pris dans les écoles dont les élèves incluaient des enfants de huit ans. Plusieurs réfugiés ont rapporté que des enfants de dix ans avaient été recrutés de force même si de tels rapports n’ont pas été confirmés. Dans un cas où un réfugié, recruté de force, aurait été âgé de dix ans, Human Rights Watch a interrogé la personne en question et découvert qu’il avait en fait 25 ans.57

L’interdiction du recours à des enfants soldats

Le Tchad est un état partie au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d’enfants dans les conflits armés (généralement connu sous le nom de Protocole relatif aux enfants soldats)58 qui fixe à 18 ans l’âge minimum pour une participation directe aux hostilités, pour un recrutement obligatoire et pour tout recrutement ou utilisation dans des hostilités par des groupes armés irréguliers.59 Le Tchad est obligé de prendre toutes les mesures faisables pour prévenir une telle situation. Le Tchad est également partie à la Charte régionale africaine sur les droits et le bien-être de l’enfant qui exige des états qu’ils prennent toutes les mesures pour qu’aucun enfant ne participe directement aux hostilités.60 Le Tchad et le Soudan ont tous les deux pour obligation selon la principale Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant de protéger les enfants contre toutes les violations du droit international humanitaire et d’aider au rétablissement et à la réintégration sociale des enfants victimes d’un conflit armé.61


Torture et autres mauvais traitements contre les recrues réfugiées

Une fois recrutées et conduites à Arkoum, les recrues réfugiées ont été soumises à la violence physique des commandants SLA. Des témoignages de réfugiés ont universellement identifié des rebelles soudanais parmi les individus qui les détenaient mais de nombreuses recrues ont clairement affirmé que des Tchadiens étaient également présents et ont aidé à la gestion des camps. L’arabe du Tchad diffère de façon significative de l’arabe soudanais et de nombreuses recrues ont évoqué avoir entendu la version tchadienne parlée à Arkoum. De plus, certains réfugiés ont reconnu des uniformes tchadiens dans le camp. « Toute l’armée était tchadienne, » a déclaré une recrue.62

L’entraînement comportait des exercices difficiles à exécuter, notamment certains exercices peut-être censés être douloureux. Un réfugié âgé de 16 ans du camp de Bredjing a montré aux chercheurs de Human Rights Watch de larges blessures où la peau était partie pour cause de « marche sur les coudes ».63 Ce garçon enlevé le 17 mars avec quatorze autres enfants de son école avait également des marques de coups de fouet sur les avant-bras.

Un réfugié âgé de 25 ans, du camp de Treguine, a montré aux chercheurs de Human Rights Watch son oreille d’où un morceau de chair avait été arraché à l’aide d’une pince – un châtiment normalement réservé aux personnes prises en train de tenter de fuir le camp. Dans ce cas, il avait eu l’oreille mutilée pour avoir demandé la permission de quitter le camp.

Après quatorze jours d’entraînement, la souffrance était terrible – il n’y avait pas de nourriture, pas d’eau – et j’étais malade et affamé et fatigué alors j’ai dit aux chefs du camp que je voulais partir, que je ne devais pas être ici au camp d’entraînement. Ils m’ont dit : ‘Si tu parles comme ça, c’est sûr que tu vas combattre.’ Ils ont lié mes bras derrière mon dos et m’ont enterré dans le wadi pendant dix jours. J’étais enterré jusqu’à la poitrine. Il y avait huit autres personnes au même endroit, les bras liés et enterrées dans le sol. Un homme du nom de Saleh m’a frappé avec un bâton et m’a donné des coups de pied jusqu’à ce qu’il soit fatigué. J’avais tellement mal que je ne pouvais dormir.64

La contrainte et la violence physique étaient choses fréquentes à Arkoum et dans certains cas, elles semblent avoir conduit au décès des recrues réfugiées. Plusieurs sources indépendantes ont cité le nom d’un réfugié, Mohammad Yahia Abakar et affirmé qu’il était mort à Arkoum. Human Rights Watch s’est entretenu avec l’épouse d’Abakar, âgée de vingt-cinq ans. Celle-ci a déclaré que trois jours après l’enlèvement de son mari dans le camp de Treguine, un responsable des réfugiés était venu chez elle lui annoncer la mort de son mari.

Il m’a donné sa chemise. J’ai demandé : ‘Où est-il mort ? Qu’est-ce-qui s’est passé ?’ Je voulais voir le corps. [Le responsable des réfugiés] a dit : ‘Oublie-le. Il est mort.’65

Un réfugié de cinquante-quatre ans à Bredjing dont la connaissance précise des activités SLA et des structures opérationnelles du mouvement suggérait un lien avec la rébellion, dont il se défendait cependant, a affirmé qu’il savait où le corps d’Abakar avait été enterré.66 Avec un autre réfugié recruté de force et évadé du camp d’Arkoum, ils ont de concert exprimé la cause du décès : Abakar avait été frappé à mort.67

Si être pris en tentant de s’échapper avait des conséquences sévères, la sécurité à Arkoum était très lâche, en particulier la nuit et en un mois, la vaste majorité des réfugiés, probablement 4 100 sur le total de 4 700 recrutés de force, fut en mesure de s’échapper et de retourner dans les camps de réfugiés.

Le réfugié qui était resté dans le camp d’entraînement pendant 42 jours a expliqué le fait surprenant que la vaste majorité des personnes enlevées ait pu s’échapper en soulignant que ceux qui étaient restés étaient durs, capables, motivés et ne représenteraient pas un handicap sur le champ de bataille.

« [Les rebelles] veulent des gens qui peuvent se battre, » a-t-il déclaré.68


Complicité des autorités tchadiennes dans les abus commis par les rebelles au Darfour

La responsabilité d’assurer la protection des réfugiés revient au gouvernement tchadien69 mais les témoignages de personnes présentes sur place suggèrent que les responsables tchadiens sont complices des abus commis par les rebelles du Darfour, à l’intérieur et à l’extérieur des camps. Les gendarmes sont censés être présents dans les camps 24 heures sur 24. Plusieurs recrues à Bredjing et Treguine ont rapporté que des gendarmes accompagnaient les rebelles soudanais dans les camps lors de l’épisode de recrutement forcé.70 Des gendarmes auraient également été présents à Arkoum. Selon un réfugié du camp de Bredjing, âgé de vingt-cinq ans, certains des responsables ayant la charge de protéger le camp étaient activement impliqués dans les abus.

Le jour du recrutement, je suis allé au marché. Le commandant de la gendarmerie y était. Les gens du CNAR [l’agence gouvernementale tchadienne en charge des réfugiés] et les gendarmes m’ont trouvé là-bas, au marché. ‘Tu viens au Soudan,’ ils m’ont dit.71

Des responsables du gouvernement local sont fréquemment vus en présence de rebelles soudanais armés et en uniforme72 et ils auraient aidé les opérations rebelles, notamment en les protégeant de la surveillance des travailleurs humanitaires internationaux73 et en libérant les rebelles détenus par la police74 pour avoir transporté des armes dans les camps de réfugiés ou pour des infractions mineures.

Même si le gouvernement tchadien n’est pas complice des activités de recrutement forcé comme beaucoup le suspectent, la capacité des rebelles soudanais d’opérer ouvertement dans les camps de réfugiés équivaut à un grave manquement du Tchad à sa responsabilité de protection des réfugiés. Dans un entretien avec Human Rights Watch, Bechir Djabir du SLA, le lieutenant de Khamis Abdulla a nié toute implication dans des activités de recrutement mais il a effectivement reconnu que la politique du Tchad relative aux opérations des rebelles soudanais sur son territoire avait changé.

Avant, ce n’était pas facile d’entrer au Tchad et ce n’était pas facile d’entrer dans les camps. Mais maintenant, c’est possible d’entrer dans le pays et dans les camps.75



[36] Le HCR a envoyé une équipe d’experts dans les camps début 2005 afin d’évaluer ce potentiel. “Perceptions of refugee security in Chad (based on information received during ESS mission, 12-17 July 2005),” document interne au HCR, juillet 2005.

[37] De façon générale, les différents camps de réfugiés sont maintenant associés à des factions rebelles ou des commandants pris individuellement même si ces affiliations ne sont en aucune façon définitives et sont déterminées par un ensemble de considérations ethniques, politiques et géographiques. Les six camps situés le plus au Nord (Oure Cassoni, Irdimi, Touloum, Am Nabak, Mile et Koundoungo) sont majoritairement zaghawa et les six situés le plus au Sud (Farchana, Gaga, Bredjing, Treguine, Djabel et Goz Amer) sont majoritairement masalit. L’appartenance ethnique est opérationnelle pour déterminer où se situe la loyauté du camp mais elle n’est aucunement décisive. Par exemple, le commandant SLA, Khamis Abdullah qui est Masalit a des relations dans les camps masalit mais le JEM qui recrute essentiellement chez les Zaghawa (clan Kobe) a également des liens avec des individus à Bredjing et Treguine. Les allégeances politiques fluctuent suite aux querelles de pouvoir au sein du SLA qui ont donné naissance à deux factions principales et plusieurs sous-factions se livrant à une compétition féroce pour avoir le plus d’influence. Ceci est particulièrement vrai depuis l’Accord de paix du Darfour du 5 mai qui a suscité des désaccords profonds dans certains des camps.

[38] La protection des réfugiés est régie par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, 189 UNTS 150 et le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, 666 UNTS 267.

[39] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Tchad, avril-mai 2006 et entretiens téléphoniques, Tchad, Genève et Washington, DC, avril-juin 2006.

[40] L’accord passé entre le HCR et le gouvernement tchadien sur la sécurité dans les camps exige un gendarme pour chaque groupe de 1000 réfugiés.

[41] Abakar Tula et Adam Muhammad Said sont les adjoints de Khamis Abdullah. Entretiens conduits par Human Rights Watch avec des réfugiés, des rebelles SLA et des responsables occidentaux du renseignement, Tchad, avril-mai 2006.

[42] En novembre 2005, après avoir été averti de la présence de véhicules militaires la nuit dans les camps de Breidjing et Treguine, le HCR a commencé à mener des campagnes de sensibilisation au caractère civil des camps.

[43] Bechir, un Zaghawa soudanais (clan Wagi), possédait et dirigeait SOGEC, une entreprise de construction à N’djamena jusqu’à ce qu’il occupe une position de commandement au SLA, sous Khamis Abdullah. Il est fréquemment mentionné que Bechir, identifié par des soldats sous son commandement comme étant colonel, maintient des liens étroits avec le régime Déby. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Tchad, avril-mai 2006.

[44] Entretiens conduits par Human Rights Watch, Tchad, avril-mai 2006.

[45] Parmi les nombreux autres noms mentionnés lors des entretiens avec des personnes recrutées de force, celui de Habashir Bara Abakar ou « Habashir », un Masalit est systématiquement cité. Human Rights Watch n’a pas été en mesure d’identifier ni de localiser cet individu. Entretiens conduits par Human Rights Watch avec des réfugiés, Tchad, camps de Bredjing et Treguine, avril 2006.

[46] “UNHCR expresses alarm over continuing reports of forced recruitment in Chad refugee camps,” HCR.

[47] “Sudan/Chad Situation Update 53,” UNHCR, 30 mars 2006 [en ligne] http://www.reliefweb.int/library/documents/2006/unhcr-sdn-30mar.pdf.

[48] Human Rights Watch, communication électronique avec un responsable du HCR au Tchad, 15 juin 2006.

[49] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un responsable des Nations unies, Tchad, 23 mai 2006.

[50] Un réfugié masalit âgé de 16 ans recruté de force à Bredjing a déclaré que 162 réfugiés recrutés de force à Bredjing et Treguine, lui y compris, avaient été déployés dans la base de Khamis Abdullah, à Changaya, dans l’Ouest du Darfour. Entretien conduit par Human Rights Watch, Tchad, 2 mai 2006.

[51] Un élève n’est pas, par définition, un mineur puisque de nombreuses écoles africaines ont parmi leurs élèves des jeunes de presque 20 ans ou de plus de 20 ans.

[52] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un réfugié, Bredjing, Tchad, le 1er mai 2006.

[53] Entretien conduit par Human Rights Watch, Tchad, 11 mai 2006.

[54] Entretien conduit par Human Rights Watch, Tchad, 14 mai 2006.

[55] Entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch avec un responsable HCR dans l’Est du Tchad, New York, 30 mai 2006.

[56] Parmi les personnes recrutées de force se trouvaient des professeurs mais d’autres occupaient des postes élevés de commandement dans les camps. Entretien conduit par Human Rights Watch, Tchad, avril à mai 2006.

[57] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un réfugié, Bredjing, Tchad, 2 mai 2006.

[58] Adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies le 25 mai 2000, A/RES/54/263 du 25 mai 2000, entré en vigueur le 12 février 2002.

[59] Article 4 du Protocole facultatif.

[60] OAU Doc. CAB/LEG/24.9/49 (1990), entrée en vigueur le 29 novembre 1999. Le Tchad a adhéré à la Convention en mars 2000. L’Article 22 prévoit que les Etats parties (i) s'engagent à respecter et à faire respecter les règles du droit international humanitaire applicables en cas de conflits armés qui affectent particulièrement les enfants ; (ii) prennent toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce qu'aucun enfant ne prenne directement part aux hostilités et en particulier, à ce qu'aucun enfant ne soit enrôlé sous les drapeaux ; (iii) doivent, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire, protéger la population civile en cas de conflit armé et prendre toutes les mesures possibles pour assurer la protection et le soin des enfants qui sont affectés par un conflit armé. Ces dispositions s'appliquent aussi aux enfants dans des situations de conflits armés internes, de tensions ou de troubles civils.

[61] Convention relative aux droits de l’enfant, articles 38 et 39, adoptée le 20 novembre 1989 (entrée en vigueur le 2 septembre 1990), ratifiée par le Soudan le 3 août 1990 et par le Tchad le 2 octobre 1990.

[62] Entretien conduit par Human Rights Watch, Bredjing, Tchad, 2 mai 2006.

[63] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un réfugié, Bredjing, Tchad, 30 avril 2006.

[64] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un réfugié, Treguine, Tchad, 30 mai 2006.

[65] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un réfugié, Treguine, Tchad, 30 avril 2006.

[66] Ibid.

[67] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un réfugié, Tchad, 2 mai 2006.

[68] Ibid.

[69] Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, 189 UNTS 150 et Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, 606 UNTS 267.

[70] Entretiens conduits par Human Rights Watch, camps de Bredjing et Treguine, 29 avril-5 mai 2006.

[71] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un réfugié, Bredjing, Tchad, 1er mai 2006.

[72] Les chercheurs de Human Rights Watch ont été témoins d’une telle scène lorsqu’ils prenaient le thé avec le sous-préfet de Farchana, près des camps de Bredjing et Treguine et qu’ils ont été rejoints par un groupe de rebelles du Darfour. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Tchad, avril-mai 2006.

[73] Entretien conduit par Human Rights Watch avec un travailleur humanitaire international, Est du Tchad, 16 mai 2006.

[74] Entretiens conduits par Human Rights Watch avec des réfugiés, Est du Tchad , avril-mai 2006.

[75] Djabir a poursuivi en suggérant que sa liberté de mouvement était la conséquence directe de la relation de travail existant entre son mouvement rebelle et le gouvernement du Tchad. « Il n’y a pas d’accord formel, » a-t-il déclaré. « Mais nous avons un lien fort avec l’armée tchadienne et si le Tchad est attaqué, nous avons l’obligation de répliquer. » Entretien conduit par Human Rights Watch, Goz Beida, Tchad, 12 mai 2006.


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