Rapports de Human Rights Watch

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 3. LES VIOLATIONS COMMISES PAR LE GOUVERNEMENT ET LES FORCES PRO-GOUVERNEMENTALES

Au cours du conflit interne qui a eu lieu de septembre 2002 à janvier 2003, et lors de l'impasse politique qui s'est ensuivie, les forces de sécurité de l'Etat ivoiriennes et d'autres forces pro-gouvernementales, notamment les mercenaires libériens recrutés par le gouvernement, ont fréquemment, et parfois systématiquement, exécuté, arrêté et attaqué les partisans présumés des forces rebelles sur base de leur appartenance ethnique, nationale, religieuse et politique. Les milices, tolérées si pas encouragées par les forces de sécurité de l'Etat, ont largement pris pour cible la communauté immigrée, particulièrement les ouvriers agricoles burkinabés établis dans les villages à l'ouest du pays.

Les violations des droits humains et du droit humanitaire commises par les forces de sécurité de l'Etat et leurs milices alliées comprenaient des exécutions sommaires, des assassinats politiques, des actes de torture, des viols et autres violences sexuelles, des violations de la neutralité médicale, la destruction gratuite de biens civils, des agressions physiques et une répression à l'encontre de la presse ainsi que l'utilisation d'enfants soldats.4   

Depuis 2000, le gouvernement s'appuie de plus en plus sur les milices pro-gouvernementales pour maintenir l'ordre et, depuis 2002, également pour combattre la rébellion. Lors du conflit de 2002-2003, la politique du gouvernement ivoirien a été d'encourager les civils à former des comités d'autodéfense et de participer à des tâches de sécurité telles que la surveillance aux postes de contrôle et de ne pas les poursuivre pour les exactions commises, ce qui a contribué au développement et à l'impunité de ces groupes à Abidjan et dans les campagnes. Composés principalement de jeunes partisans du FPI, ces groupes constituent un moyen à peine déguisé d'intimider et d'agresser les membres de l'opposition politique et ceux qui, en raison de leur religion, appartenance ethnique et/ou nationalité, sont présumés s'opposer au gouvernement (surtout les musulmans, les populations du nord et les immigrés ouest-africains originaires pour la plupart du Burkina Faso, du Niger, du Mali et de Guinée).

Depuis 2002, des milliers de jeunes activistes, dont la majorité appartiennent au groupe ethnique Bete de Gbagbo, se sont enrôlés au sein des forces de sécurité de l'Etat, notamment la gendarmerie, la police et l'armée. Les membres les plus extrémistes de ces institutions refusent simplement d'obéir aux ordres de leurs supérieurs. Cela conduit à une situation assez confuse car il est difficile de déterminer qui, au sein des forces de sécurité, est responsable des récentes exactions, étant donné que les auteurs de ces actes ne portaient pas d'insignes permettant de les identifier. Leur nombre, estimé à plusieurs dizaines de milliers, pourrait facilement dépasser le nombre de soldats de l'armée nationale ou de combattants des Forces Nouvelles.5

Plusieurs atrocités importantes auraient été commises par les forces de sécurité ivoiriennes et autres forces pro-gouvernementales:

  • Au cours d'une opération menée par la police en octobre 2002 à Dalao, plus de cinquante civils immigrés et du nord auraient été exécutés par la Brigade Anti-Emeute (BAE).
  • Lors d'une attaque menée par les forces gouvernementales sur Monoko Zohi en novembre 2002, au moins cent civils, principalement des immigrés ouest-africains, ont été tués et enterrés dans des fosses communes.
  • Pendant l'occupation de Man par le gouvernement en décembre 2002, des dizaines de partisans de l'opposition et de partisans présumés des rebelles ont été exécutés en guise de représailles.
  • En 2002-2003, les forces de sécurité gouvernementales ont mené des attaques tantôt ciblées, tantôt pas, sur les civils, tuant au moins cinquante personnes dans l'ouest du pays en utilisant des hélicoptères de combat.
  • Des Libériens provenant des camps de réfugiés ivoiriens et de la faction rebelle du Mouvement pour la Démocratie au Libéria (MODEL) ont participé à des dizaines de meurtres, viols et autres actes de violence à l'égard des civils, dans et autour de Toulepleu, Bangolo et Blolékin. Au moins soixante civils ont été tués dans le pire incident isolé répertorié à Bangolo en mars 2003.
  • Entre le 24 et le 26 mars 2004, au moins 105 civils ont été tués, 290 ont été blessés et une vingtaine de personnes ont “disparu” après avoir été arrêtées par les forces de sécurité (militaires, gendarmes et policiers), les milices pro-gouvernementales et les activistes du FPI au moment d'une manifestation anti-gouvernementale programmée par les groupes d'opposition.


[4] Voir le rapport de Human Rights Watch , “Trapped Between Two Wars: Violence Against Civilians in Western Côte d'Ivoire,” août 2003.

[5] Entretien de Human Rights Watch avec une source militaire française, New York, le 19 juillet 2004.


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