« Mon coeur est coupé »

Violences sexuelles commises par les forces rebelles et pro-gouvernementales en Côte d’Ivoire

«Mon coeur est coupé»

Violences sexuelles commises par les forces rebelles et  pro-gouvernementales en Côte d'Ivoire

Glossaire des acronymes
Résumé exécutif
Recommandations
Méthodologie
Contexte général du conflit en Côte d'Ivoire
Violence sexuelle pendant la crise politico-militaire ivoirienne
Conséquences des violences sexuelles pour les survivantes et besoins en matière de services
L'impunité115
Le droit international interdisant les violences sexuelles140
Remerciements149
Annexe: Définitions des termes150

 

Au marché de Tiapleu… ils [les rebelles] ont voulu forcer mon frère à me violer et il a refusé alors ils l'ont tué. Ils m'ont amenée et pendant une semaine ils m'ont violée tout le temps, ils m'enfermaient dans une maison… On était peut être dix ou quinze filles là, qui étaient violées. Quand ils ne me violaient pas je devais juste rester là. Ils m'avaient attachée avec mes jambes écartées et mes bras derrière, pour me violer. Ils étaient trois ou quatre dans la nuit. Ils mettent leurs fusils à côté de toi et si tu refuses ils te tuent. Ils ont tué une de mes amies et on a dû l'enterrer.
-Témoignage d'une victime, recueilli par Human Rights Watch

Glossaire des acronymes

SIDA

Syndrome de l'immunodéficience acquise

UA

Union africaine

BAE

Brigade Anti-Émeute

CECOS

Centre de commandement des opérations de sécurité

CEDAW

Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes

CEDEAO

Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest

FAFN

Forces Armées des Forces Nouvelles

FANCI

Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire

FDS

Forces de Défense et de Sécurité

FESCI

Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire

FN

Forces Nouvelles, rebaptisées FDS-FN, ou Forces de Défense et de Sécurité des Forces Nouvelles en 2006

FPI

Front populaire ivoirien

VIH

Virus de l'immunodéficience humaine

CPI

Cour pénale internationale

IDP

Personne déplacée à l'intérieur de son propre pays

JP

Jeunes patriotes (appelés aussi «Congrès panafricain des jeunes patriotes» ou COJEP)

IST

Infections sexuellement transmissibles

LIMA

Groupe de libériens armés combattant avec les forces pro-gouvernementales en Côte d'Ivoire, dont le nom/acronyme demeure un mystère

MILOCI

Mouvement ivoirien pour la libération de l'ouest de la Côte d'Ivoire

MJP

Mouvement pour la justice et la paix

MPCI

Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire

MPIGO

Mouvement populaire ivoirien pour le grand ouest

MSF

Médecins Sans Frontières

ONG

Organisation non gouvernementale

ONUCI

Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire

PDCI

Parti démocratique de la Côte d'Ivoire

RDR

Rassemblement des républicains

ONU

Organisation des Nations Unies

                     

                     

Résumé exécutif

Depuis l'irruption d'un conflit armé en 2002 entre le gouvernement ivoirien et des groupes rebelles basés au nord et à l'ouest du pays, de nombreuses filles et femmes ont été victimes de violences sexuelles brutales en Côte d'Ivoire, commises par des hommes armés des deux camps.

Human Rights Watch a documenté des cas de violences sexuelles en Côte d'Ivoire tels que des viols individuels et en groupe, l'esclavage sexuel, l'inceste forcé, et l'agression sexuelle insigne. De nombreux combattants ont violé des femmes assez âgées pour être leurs grand-mères, des enfants n'ayant pas plus de six ans, des femmes enceintes, et des mères allaitant. Des femmes furent violées devant leurs parents, et parfois même violées par des membres de leurs familles sous peine de mort. Certaines femmes et filles ont eu des fusils, des bâtons, des crayons, et autres objets insérés dans leur vagin. D'autres ont été enlevées pour servir d'esclaves sexuelles, ou ont été enrôlées de force dans les rangs des combattants. Les femmes et les filles enlevées ont souvent été obligées de devenir les esclaves sexuelles de leurs ravisseurs («maris»), et subirent des sévices sexuels pendant de longues périodes. Certaines esclaves sexuelles et survivantes du viol ont donné naissance à des enfants conçus par leurs violeurs. Par surcroît, la victimisation sexuelle des filles et des femmes s'est souvent accompagnée d'autres violations générales des droits humains à leur encontre, contre leurs familles et leurs communautés, et les hommes armés des deux camps ont massacré, tué, torturé, agressé et kidnappé des civils innocents.[1]

Certaines victimes sont mortes suite aux violences sexuelles qui leur ont été infligées. Beaucoup de survivantes furent violées de façon si violente qu'elles en subirent des hémorragies graves, des déchirures de la région génitale, de l'incontinence, et de graves infections. Tandis que certaines femmes enceintes ont fait une fausse couche et que d'autres sont devenues stériles à la suite des violences sexuelles qu'elles avaient subies, d'autres encore ont connu le traumatisme de grossesses non désirées résultant du viol. Les femmes avec qui nous nous sommes entretenues souffraient psychologiquement aussi bien que physiquement. Au cours de leurs entretiens avec Human Rights Watch, elles ont évoqué leur angoisse, leur honte, leur colère et leur dépression - et leur courage face à une souffrance inimaginable.

Déterminer l'ampleur totale du problème des violences sexuelles est une tâche compliquée, rendue plus complexe encore en vertu des difficultés de documentation, vu la peur de représailles que peuvent ressentir les victimes ou les témoins, le manque d'intérêt de la part des autorités, et les risques sécuritaires énormes qu'encourent les enquêteurs et les défenseurs des droits humains. La sous-estimation de ces violences pose un grave problème et reflète en partie le statut inférieur des femmes et des filles en Côte d'Ivoire, les tabous culturels sur la question des violences sexuelles, et la peur qu'ont les victimes d'être rejetées par leurs familles ou leurs communautés au moment ou elles on le plus besoin de soutien moral et social.

 

Causes et criminels : la responsabilité des forces rebelles et pro-gouvernementales

Le conflit armé qui a éclaté en 2002 a déclenché les pires violences sexuelles que le pays ait connu, quoique la crise politique nationale de 2000 ait déjà déclenché bon nombre de violences sexuelles. Les exactions se sont produites à travers le conflit armé de 2002 à 2003 ont particulièrement sévit dans les régions âprement contestées de l'ouest, la partie de la Côte d'Ivoire qui a connu le plus de combats. Des groupes composés de libériens et de sierra léonais, combattant dans l'ouest du pays en tant que mercenaires aussi bien du côté des forces gouvernementales que des forces rebelles, se sont rendus coupables de violences sexuelles particulièrement flagrantes et largement répandues.

Toutefois, même après la fin des hostilités actives, à partir de 2004 et au delà, les violences sexuelles sont restées un problème important dans toutes les régions, qu'elles soient détenues par les Forces Nouvelles ou par le gouvernement.

Les rebelles en Côte d'Ivoire ont perpétré des violences sexuelles contre des femmes et des filles dans les zones se trouvant sous leur contrôle, à savoir le viol, le viol en groupe, les tortures sexuelles, les fausses couches forcées et l'inceste forcé. Les différentes factions rebelles ont pris certaines femmes pour cible à cause de leur appartenance ethnique ou de leur affiliation présumée pro-gouvernementale, souvent parce que leur mari, leur père ou un autre homme de la famille travaillait pour l'État. Beaucoup d'autres ont été la cible d'agression sexuelle sans raison apparente.

Des filles et des femmes ont subi des violences sexuelles chez elles, pendant qu'elles se réfugiaient en brousse, aux barrages, dans leurs fermes, et même dans des lieux de culte. Les violences sexuelles ont été souvent accompagnées de violences physiques tels que des coups, tortures, meurtres, mutilations, ou des actes de cannibalisme.

De nombreuses filles et femmes ont été enlevées et soumises à l'esclavage sexuel dans des camps rebelles, où elles ont subi des viols successifs pendant de longues périodes. Celles qui résistaient étaient souvent punies de façon atroce, voire même tuées. Les chefs rebelles ont fait pas ou peu de tentatives pour sanctionner les violeurs dans leurs rangs, ni pour empêcher les violences sexuelles, en particulier à l'ouest et pendant les périodes de combats et tensions accrues.

Les forces pro-gouvernementales, y compris des membres de la gendarmerie, de la police, de l'armée et des milices, ont aussi perpétré des actes de violence sexuelle. Les viols et autres abus sexuels commis par les forces gouvernementales ont été particulièrement répandus dans la région disputée de l'ouest et dans les zones de combats, notamment les zones qui chargèrent de mains à plusieurs reprises. Les forces pro-gouvernementales ont aussi pris pour cible des filles et des femmes soupçonnées de soutenir les rebelles. Dans cette optique, ils ciblèrent des femmes des groupes ethniques venant du nord de la Côte d'Ivoire aussi bien que des femmes originaires des États voisins, tels que le Burkina Faso, le Mali, et la Guinée ; des musulmanes ; et des femmes issues des milieux politiques d'opposition. En particulier, les forces pro-gouvernementales ont pris pour cible des femmes affiliées au parti d'opposition principalement musulman dénommé le Rassemblement des républicains (RDR). Les forces de l'ordre, les membres des milices, et d'autres forces pro-gouvernementales ont abusé des femmes à des barrages, dans leurs habitations au cours de descentes, dans des prisons temporaires, et dans des marchés. Les violations commises par les forces pro-gouvernementales semblaient augmenter pendant les périodes de tension politique accrue, au cours des quatre années d'impasse politique de 2004 à 2007.

Le statut inférieur des femmes et des filles dans les lois et les coutumes traditionnelles accroît leur vulnérabilité dans le domaine de la violence sexuelle. La récurrence prédominante des violences sexuelles impliquant des femmes (plutôt que des victimes du sexe masculin) souligne une dynamique d'inégalité persistante de genre et de subordination, inégalité qui semblerait être profondément ancrée dans de multiples attitudes sociales.

Pour les victimes, pas de justice et peu de services

Les autorités rebelles et gouvernementales semblent avoir directement ou indirectement autorisé les violences sexuelles depuis le début de la guerre en 2002. L'impunité qui prévaut pour ces crimes ne fait qu'encourager les criminels et les commanditaires à tous les niveaux.

Tout au long du conflit en Côte d'Ivoire, le gouvernement ivoirien et les autorités rebelles n'ont fait que des efforts limités pour enquêter ou poursuivre les auteurs des crimes, y compris ceux des plus ignobles violences sexuelles. Cette lacune a contribué à un environnement d'illégalité dans lequel prévaut une impunité flagrante. Plusieurs facteurs importants soutiennent cet état néfaste. Figure ici en premier lieu la destruction du système judiciaire dans le nord du pays, contrôlé par les rebelles. Les hostilités actives et les actions des rebelles ont démantelé le système judiciaire déjà insuffisant. Pour les survivantes de viols, où aller pour trouver justice? Deuxièmement, au sud contrôlé par le gouvernement, une grande partie des forces de l'ordre et du personnel judiciaire font preuve d'incompréhension ou même d'indifférence relatives à la violence sexuelle. Dans la zone gouvernementale, les lois sont mal appliquées ou parfois pas appliquées du tout dans les cas de violence sexuelle, ce qui permet à maints criminels d'échapper à la justice. Troisièmement, bien des femmes et des filles en Côte d'Ivoire sont soumises à une discrimination structurelle dans le domaine des droits coutumier, qui offrent d'habitude une protection défectueuse aux survivantes de viol. En résulte que les victimes de violence sexuelle en Côte d'Ivoire souffrent en silence face aux coupables, eux encore en liberté.

Les quelques efforts qu'ont faits les acteurs ivoiriens et internationaux ont été manifestement insuffisants jusqu'à présent pour protéger les femmes en danger ou pour procurer aux survivantes un soutien social, psychologique et médical. Peu de programmes ont été mis en place pour les filles et les femmes qui ont subi des violences sexuelles, même celles qui ont subi un esclavage sexuel. Les survivantes luttent souvent seules contre les graves conséquences physiques et mentales des exactions qu'elles ont endurées.

Si toutefois quelques acteurs locaux et organismes d'aide internationale mettent en œuvre des programmes louables et importants, leurs efforts ne peuvent pas compenser l'absence de stratégies nationales adoptées par les autorités ivoiriennes pour répondre aux différents besoins des survivantes. De plus, les attaques et les menaces des groupes armés pro-gouvernementaux ou rebelles à l'encontre des organisations non gouvernementales (ONG) locales et internationales ont abouti à des fermetures ou des restrictions de certains programmes.

La situation peut et doit s'améliorer. Le droit international relatif au droit international humanitaire et aux droits humains exige des autorités ivoiriennes qu'elles mettent immédiatement fin à l'impunité pour les coupables et qu'elles fournissent des services appropriés aux survivantes.

Il incombe aux rebelles des Forces Nouvelles(FN) et au gouvernement ivoirien d'endosser leurs responsabilités pour mettre fin à l'impunité relative aux abus passés et pour freiner les abus qui continuent à sévir. Il leur faudra reconnaître les abus sexuels passés commis par leurs partisans, les condamner, enquêter sur les crimes présumés, et punir les coupables de violence sexuelle. Des unités spécialisées habilitées à gérer les violences sexuelles devraient être créées au sein des forces de sécurité pour freiner les abus. Autrement, il faudrait un recrutement ciblé et des formations supplémentaires pour améliorer la capacité du personnel judiciaire et des forces de l'ordre pour répondre à ce problème.

Le gouvernement ivoirien devrait immédiatement autoriser le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) à conduire une mission en Côte d'Ivoire afin de déterminer s'il faut y ouvrir une enquête. Pour sa part, le Conseil de sécurité des Nations Unies doit immédiatement publier du rapport de 2004 de la Commission d'enquête internationale sur les violations des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, envoyée par le Haut Commissaire des Nations Unies pour enquêter sur les allégations de violations des droits humains commises depuis 2002, et se réunir pour débattre de ses conclusions et recommandations. Il importe que le Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies active des sanctions supplémentaires économiques et sur les déplacements contre les individus identifiés comme responsables de violations graves du droit international humanitaire et des droits humains en Côte d'Ivoire.

Assurer la justice demeure une préoccupation majeure a l'échelle internationale tant que nationale. Cependant, la justice seule ne peut pas alléger les souffrances des survivantes. Les Forces Nouvelles, le gouvernement et les organismes d'aide doivent améliorer l'aide médicale, fournir des certificats médicaux gratuits aux victimes de viol, lancer une campagne d'information nationale sur la relation entre les violences sexuelles et les infections sexuellement transmissibles y compris le VIH/SIDA (sur la prévention, le conseil, le contrôle et le traitement), et donner la priorité à la mise en place de programmes sur la santé sexuelle et reproductive au niveau national. Les femmes elles-mêmes devraient pouvoir jouer un rôle prépondérant dans la formulation et à la mise en œuvre de ces programmes.

Recommandations

Aux Forces Nouvelles et au gouvernement de Côte d'Ivoire

  • Reconnaître et condamner les abus sexuels commis par vos agents, ainsi que les violations du droit international humanitaire et des droits humains, telles que les exécutions extrajudiciaires, la torture, les mauvais traitements et l'extorsion de civils.
  • Enquêter de manière approfondie sur toutes les allégations de violence sexuelle et poursuivre les individus contre lesquels il existe suffisamment de preuves de tels abus, en accord avec les normes internationales de procès équitable.
  • Améliorer la réponse des forces de sécurité face aux violences sexuelleset basées sur le genre. Recruter et former davantage de femmes chargées de faire appliquer la loi afin de répondre aux besoins des victimes de violence sexuelleet basée sur le genre. Former d'avantage les membres des forces de sécurité sur le droit international humanitaire et des droits humains, plus particulièrement sur les droits des femmes et les crimes basés sur le genre. Créer des unités spécialisées au sein des forces de défense et de sécurité pour répondre aux violences sexuelleset basées sur le genre.
  • Améliorer la réponse du système judiciaire à la violence sexuelleet basée sur le genre, en recrutant et en formant davantage de personnel judiciaire féminin. Créer des équipes spécialisées pour la violence sexuelleet basée sur le genre. Donner des formations sur les droits des femmes et la violence sexuelleaux membres de l'appareil judiciaire dans les régions contrôlées par le gouvernement, et aux autorités des Forces Nouvelles chargées de juger des affaires dans les régions détenues par les Forces Nouvelles.
  • Créer la position d'Ombudsman pour l'exploitation sexuelle des enfants pour enquêter sur les cas signalés d'abus sexuels ou d'exploitation des enfants, et pour contrôler les réactions appropriées judiciaires et disciplinaires.
  • Autoriser immédiatement le Bureau du Procureur de la CPI à conduire une mission en Côte d'Ivoire pour recueillir les informations nécessaires, afin de déterminer la possibilité d'ouvrir une enquête sur les crimes graves qui y furent commis y compris les abus sexuels commis par toutes les parties au conflit. Apporter à la CPI toute la coopération nécessaire pour faciliter cette mission.
  • Coopérer avec les ONG et avec l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) pour les enquêtes sur la violence sexuelle. Soutenir, créer et coopérer avec un environnement favorable à la surveillance indépendante des droits humains.
  • Aider le groupe de travail interministériel national pour l'élimination des violences faites aux femmes à mettre en œuvre plus efficacement son mandat. Le Comité national de lutte contre les violences faites aux femmes (CNLVFF) a été fondé en juillet 2000, et est chargé de coordonner les initiatives du gouvernement pour répondre à la violence sexuelle, et pour fournir de meilleurs services légaux, médicaux et sociaux aux victimes de la violence sexuelleet basée sur le genre.
  • Lancer une campagne publique de sensibilisationà l'échelle nationale sur les violences sexuelles et basées sur le genre pour souligner l'étendue du problème, les conséquences pour les survivantes, les stratégies pour réduire l'exploitation sexuelle, et les conséquences judiciaires pour les auteurs d'exploitation et d'abus sexuels ; pour changer les attitudes sociales négatives vis-à-vis des victimes de violences sexuelles ; et pour éduquer la population sur les droits humains des femmes.
  • Respecter pleinement les obligations de la Côte d'Ivoire au regard de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW). Mettre en œuvre le Plan d'action du Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales de 2006, afin de renforcer toutes les protections légales accordées aux femmes. Prendre les mesures nécessaires pour révoquer ou réviser les lois discriminatoires par rapport au genre, et s'assurer qu'elles correspondent aux normes internationales des droits humains. Former le personnel judiciaire et les forces de sécurité sur ces nouvelles lois.
  • Renforcer la participation des femmes dans la planification et de la mise en œuvre du processus de paix, de reconstruction et de réhabilitation. Assurer aux femmes les moyens d'action pour élaborer des réponses aux violences sexuelleset basées sur le genre, et pour formuler des programmes de prévention de la violence.
  • Ordonner aux combattants de relâcher toutes les femmes et les filles enlevées durant le conflit armé qui sont toujours détenues. Donner à ces femmes et ces filles les options économiques et sociales nécessaires pour leur permettre de rompre ces relations où elles sont souvent maltraitées, voire brutalisées.
  • Décréter des lois permettant aux femmes d'avoir accès à des interruptions de grossesse volontaires et sûrs. Ces mesures devraient comporter l'abrogation des provisions du code pénal qui criminalisent l'avortement, en particulier celles qui punissent les femmes qui ont interrompu leurs grossesses. Afin de permettre de bénéficier réellement du droit d'accès à un avortement légal et sûr, l'État devra peut-être procurer des services gratuits d'avortement pour certaines femmes et filles. Ceci devrait certainement être le cas pour les survivantes de viol ou d'inceste.

Aux prestataires de services médicaux

(Le Ministère de la Santé et de l'Hygiène publique, les autorités de santé des Forces Nouvelles, et les prestataires de services médicaux indépendants)

  • Eliminer les coûts d'obtention de certificats médicaux pour les victimes de viol.
  • Le Directeur du programme national pour la santé de la reproduction et le Planning familial (DCPNSR/PF) doit diffuser un protocole pour le traitement des victimes de viol auprès de tous les centres de soins, qui devrait comporter une éducation aux traitements prophylactiques et une formation sur la gestion clinique du viol.
  • Créer des cliniques de soins gynécologiques dans tout le pays qui puissent donner des informations sur les tests, les conseils volontaires et le traitement du VIH/SIDA et aussi pour d'autres infections sexuellement transmissibles. Prévoir des équipes de santé mobiles si les infrastructures de soins ne sont ni disponibles ni appropriées.
  • Former les guérisseurs traditionnels au traitement des violences sexuelles.

Au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)

  • Apporter l'aide nécessaire aux victimes de violence sexuelle qui ont fui leurs foyers en Côte d'Ivoire et qui vivent dans la sous région. Donner aux femmes et aux filles qui sont retenues en esclavage sexuel des options économiques et sociales pour leur permettre de quitter ces relations, si elles se trouvent encore avec leurs ravisseurs.

A l'ONUCI et à la «Licorne», la force française de maintien de la paix

  • Autoriser les enquêteurs de l'ONUCI des droits humains à ouvrir une enquête exhaustive sur la violence sexuelle et sur les droits des femmes, en allouant des fonds et de l'aide supplémentaires nécessaires.
  • Renforcer le nombre et la capacité des observateurs militaires de l'ONUCI ainsi que leur division des Droits de l'Homme, leur permettant de mettre plus d'accents sur la violence sexuelle et les droits des femmes.
  • S'assurer que toute diminution ou retrait des forces de maintien de la paix ne se fera qu'après avoir vérifié que les forces ivoiriennes sont en mesure de garantir la protection des civils, dans les régions où une diminution ou un retrait est envisagé.

Au Conseil de sécurité des Nations Unies

  • Renforcer et accélérer le travail du Comité de sanctions de l'ONU et activer les sanctions économiques et sur les déplacements contre d'autres individus identifiés comme étant les auteurs des plus graves violations du droit international humanitaire et des droits humains. L'Afrique du Sud, la Chine et la Russie doivent revoir leurs positions qui ont favorisé l'impunité jusqu'ici, sans pour autant avoir un impact positif clair sur la promotion de la paix.
  • Accélérer la publication du rapport 2004 de la Commission d'enquête de l'ONU sur les violations des droits humains commises depuis 2002, et se réunir pour débattre de ses conclusions et recommandations.

A la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et à l'Union africaine (UA)

  • La CEDEAO dans son ensemble, et les États membres limitrophes de la Côte d'Ivoire, doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les ex-combattants relâchent toutes les filles et femmes enlevées en tant qu'esclaves sexuelles durant le conflit armé et qui sont toujours détenues.
  • La CEDEAO et l'UA devraient sans équivoque condamner les violencessexuelles commis par toutes les parties, appeler à des enquêtes et des poursuites judiciaires, et appeler au respect de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et au Protocole à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples relatif aux Droits des Femmes en Afrique.

 

Au Bureau du procureur de la Cour pénale internationale

  • Continuer à faire pression pour conduire une mission en Côte d'Ivoire afin d'obtenir les informations nécessaires pour évaluer la possibilité d'une enquête de la CPI.
  • Emettre par un message public sans équivoque, primo que la CPI observe et réprouve les abus commis en Côte d'Ivoire y compris la violence sexuelle, deuxio que les coupables de crimes graves au regard du droit international doivent rendre des comptes, et tertio que les autorités nationales devraient rapidement entamer des poursuites nationales appropriées pour les crimes graves.

Aux ONG et aux agences des Nations Unies

(telles que le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), et le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM))

  • Améliorer la collaboration des partenaires travaillant sur la violence sexuelleet basée sur le genre, y compris les représentants du gouvernement, les ONG internationales et locales. Organiser des réunions régulières pour toutes les institutions actives, afin de partager les informations et de coordonner les programmes.
  • Mettre en place des services pour les survivantes de la violence sexuelle, comprenant des programmes de réhabilitation tant médicale que sociale. Réaliser des évaluations de besoin pour déterminer les compétences, les connaissances et le niveau des services fournis aux victimes de violence sexuelle, en identifiant tous les partenaires locaux potentiels. Optimiser le soutien psychologique et social et le conseil aux survivantes. Soutenir les centres sociaux gérés par les ONG locales (en particulier les centres pour les femmes rejetées par leurs familles). Favoriser les opportunités économiques et génératrices de revenus pour les victimes de violence sexuelle.

Méthodologie

Human Rights Watch a interrogé pour ce rapport 176 survivantes et témoins de violence sexuelle, dont 35 ont été interrogées en petits groupes, les autres ayant été interrogées individuellement. De plus, Human Rights Watch a interrogé plus de 100 représentants d'ONG, des prestataires de services médicaux, des membres des forces de maintien de la paix françaises et des Nations Unies, des diplomates, des membres des Forces Nouvelles, et des représentants du gouvernement, entre autres. Dans le but de garantir une représentation ethnique et régionale équilibrée des victimes et des témoins, la recherche de terrain pour ce rapport a balayé différentes régions de Côte d'Ivoire (Abidjan et ses environs, Guiglo, Duékoué, Man, Danané, Korhogo), le Burkina Faso, le Libéria, le Mali, et le Sénégal. Les recherches se sont déroulées d'août en octobre 2006. De nombreux rapports et études ont aussi été rassemblés et analysés comme matériel de fond.

Pour Human Rights Watch, les abus sexuels sont largement sous-estimés du fait de plusieurs défis méthodologiques, tels que la possibilité de représailles de la part des criminels, la peur de l'ostracisme de la part des familles et des communautés, et les tabous culturels. Les groupes locaux de défense des droits humains ont unanimement signalé que la stigmatisation attachée aux victimes de viol empêchait probablement beaucoup de femmes d'aborder ouvertement ces violations avec une personne étrangère.

La situation sécuritaire tendue, en particulier dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, n'a pas facilité les déplacements de Human Rights Watch et a intimidé les partenaires locaux et internationaux. Des attaques contre des ONG locales et internationales, telles que les attaques contre et les incendies de leurs bureaux et des logements de leur personnel, ont aussi entraîné des ruptures d'enregistrement. Ceci a rendu difficile la consultation de la documentation des ONG concernant les cas passés de violence sexuelle.

Des précautions ont été prises auprès des victimes pour s'assurer que leurs entretiens n'allaient pas accroître leurs traumatismes, ni les mettre en danger. Tout en cherchant à recueillir autant d'informations que possible dans chaque entretien, le souci du bien-être de la personne interrogée était toujours primordial. Certains entretiens ont été écourtés de ce fait. Les entretiens ont été essentiellement menés en français, ou dans une des langues locales et traduits en français par une interprète. Dans la plupart des entretiens, seules des femmes étaient présentes.

Les noms de tous les témoins et de la plupart des membres du personnel des organisations humanitaires nationales et internationales ont été dissimulés afin de protéger leur identité, leur vie privée et leur sécurité. Des détails des témoignages ont été supprimés là où ils auraient pu aider les criminels à identifier les personnes qui ont eu le courage de s'exprimer.

Human Rights Watch a identifié les victimes et les témoins avec l'aide de nombreuses organisations et a examiné de nombreuses études réalisées par divers partenaires sur le terrain en Côte d'Ivoire, dont beaucoup ont demandé que leurs identités et leurs rapports restent confidentiels. Les consultations auprès de ce large éventail d'acteurs ont permis une compréhension plus complète du phénomène de la violence sexuelle en Côte d'Ivoire.

Contexte général du conflit en Côte d'Ivoire

L'«ivoirité» et le début de la crise en 2000

Depuis près de sept ans, la Côte d'Ivoire - considérée autrefois comme un pilier de stabilité en Afrique de l'Ouest - souffre d'une crise politique et militaire enracinée dans des luttes de pouvoir économique, politique, religieux et ethnique.

En un premier temps, de l'indépendance du pays en 1960 jusqu'aux années 90, la Côte d'Ivoire a connu une stabilité économique et une harmonie relatives. Elle devint une puissance économique clé en Afrique de l'Ouest, leader mondial de la production du cacao et dans une moindre mesure du café, et de ce fait, attira une main d'œuvre immigrée qui finit par représenter environ 26 pour cent de sa population. Sous la longue présidence de Félix Houphouët-Boigny, catholique et appartenant à l'ethnie Baoulé, plus de 60 groupes ethniques coexistèrent avec plus de 3 millions d'immigrés de la sous région ouest africaine.

   

Suite au décès de Houphouët-Boigny en 1993, et à la détérioration progressive de l'économie, quelques hommes politiques mirent un nouvel l'accent sur la question de la nationalité et développèrent la notion de l'«ivoirité» - un discours politique ultranationaliste qui marginalisait les personnes considérées comme étrangères et leur refusait la citoyenneté.[2] Ces hommes politiques exploitèrent des divisions ethniques pour évincer leurs rivaux politiques aux élections. À cette fin, ils instrumentalisèrent l'appareil de l'État pour réprimer leurs opposants et incitèrent à la peur ou à la haine des populations qui avaient vécu en relative harmonie pendant des décennies.

C'est en 2000 que les candidats aux élections présidentielles ont ouvertement joué la carte de l'ivoirité. Ce choix s'avéra explosif. La ferveur nationaliste désormais alimentée par les politiques retourna le sentiment populaire dans certaines circonscriptions contre les «étrangers», les musulmans et les ivoiriens du nord. Deux vagues de violence sans précédent se déferlèrent, faisant plus de 200 morts.[3] Les tueries et les abus de tout type de cette année-là choquèrent les ivoiriens comme les membres de la communauté internationale, et soulignèrent le danger que présente la manipulation des solidarités ethniques et des préjugés latents. Ce processus déboucha sur des élections soldées par la victoire contestée de l'actuel Président Laurent Gbagbo.

Le conflit armé et l'impasse politico-militaire

Le 19 septembre 2002, des hommes armés attaquèrent Abidjan, la capitale commerciale et de facto de la Côte d'Ivoire, ainsi que les villes de Bouaké et Korhogo au nord. Par la suite, la rébellion engendra plusieurs groupes à l'ouest qui vinrent finalement se souder aux premiers rebelles. Ceux-ci proclamaient que leurs objectifs étaient de revoir les récentes réformes militaires, de mettre un terme à l'exclusion politique des et la discrimination contre les ivoiriens du nord, d'organiser de nouvelles élections, et de renverser le Président Gbagbo, dont la présidence était considérée comme illégitime du fait d'irrégularités dans les élections de 2000.[4]

Bien qu'ils n'aient pas réussi à s'emparer d'Abidjan, les rebelles rencontrèrent peu de résistance au nord et parvinrent rapidement à occuper et contrôler la moitié nord du pays. Rapidement rejoints par deux autres factions rebelles à l'ouest,[5] ils formèrent une alliance politico-militaire appelée les Forces Nouvelles. Leur progression fut alimentée et facilitée par la circulation d'armes et de mercenaires du Libéria voisin, et par le bon vouloir du Burkina Faso à apporter son soutien aux forces rebelles - dimensions du conflit ivoirien qui soulignèrent la fragilité de la sous région et entraînèrent la Côte d'Ivoire dans un bourbier régional complexe.[6]

Accords de paix

Les tentatives pour résoudre le conflit entre le gouvernement au sud et les Forces Nouvelles au nord se sont soldées par une série d'accords de paix bafoués,[7] par la mise en place de plus de 11.000 soldats des forces de maintien de la paix étrangères sur le terrain pour empêcher une guerre totale et pour protéger les civils, et par l'imposition d'un embargo de l'ONU sur les armes, ainsi que quelques rares sanctions onusiennes économiques et de déplacement. Le 27 février 2004, le Conseil de sécurité des Nations Unies a mis en place une mission de maintien de la paix en Côte d'Ivoire. Cette force, déployée le 4 avril 2004, comportait environ 8.000 soldats de maintien de la paix de l'ONU («casques bleus») et près de 1.000 officiers de police, et elle était appuyée par les 3500 soldats français plus lourdement armés appartenant à l'Opération Licorne. Ces soldats de maintien de la paix contrôlèrent une zone tampon appelée la «Zone de confiance» qui traversait le pays d'est en ouest et séparait les forces ivoiriennes opposées. La mission de maintien de la paix de l'ONU en Côte d'Ivoire a été chargée d'aider le gouvernement à mettre en œuvre un plan national de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR), ainsi que de protéger les civils se trouvant sous la menace imminente de violences physiques, selon ses capacités et ses zones de déploiement. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a aussi imposé à la Côte d'Ivoire un embargo sur les armes en novembre 2004, et en février 2005 nomma un panel d'experts pour contrôler cet embargo.

Les accords de paix et la mission de maintien de la paix de l'ONU appuyée par la France entraînèrent une cessation des hostilités actives sans apporter la paix ni l'unité. Le résultat fut une impasse, une situation de «ni paix, ni guerre,» dans laquelle les Forces Nouvelles refusèrent le désarmement parce qu'ils ne faisaient pas confiance au gouvernement pour organiser des élections libres et équitables dans lesquelles les ivoiriens du nord et ivoiriens d'origine immigrée seraient autorisés à voter. Pendant plus de quatre ans, la Côte d'Ivoire est donc restée divisée entre le sud contrôlé par le gouvernement et le nord contrôlé par les rebelles, avec une zone tampon au milieu patrouillée par les forces de maintien de la paix françaises et des Nations Unies.

Un nouvel accord de paix signé le 4 mars 2007 à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, («L'Accord de Ouagadougou»), puis approuvé ensuite par l'Union africaine et le Conseil de sécurité des Nations Unies,[8] constitue la plus récente tentative négociée pour réunifier le pays et mettre un terme au conflit. Contrairement aux accords de paix précédents, l'Accord de Ouagadougou est le fruit de négociations directes entre le président ivoirien Laurent Gbagbo et les Forces Nouvelles. L'Accord décrit six dispositions clés : un nouveau gouvernement de transition, la reprise d'un processus interrompu d'identification des citoyens qui conduira à l'inscription sur les listes électorales et à l'octroi de cartes nationales d'identité, le désarmement des combattants Forces Nouvelles dans le nord et des milices pro-gouvernementales dans le sud, la création d'un nouveau centre de commandement militaire intégré pour les armées rebelle et gouvernementale, le redéploiement du personnel administratif au nord, et l'élimination progressive de la zone tampon, la sécurité y étant désormais assurée par des forces ivoiriennes plutôt que les forces onusiennes ou françaises.

Bien que nombre d'observateurs politiques estiment que l'Accord de Ouagadougou présente le meilleur espoir jusqu'ici pour la résolution de la crise ivoirienne, il n'est pas exempt de risques ni d'imperfections. En particulier, l'Accord de Ouagadougou ne prévoit pas de compensation ni de services pour les victimes de la guerre. Il n'établit pas non plus de plan pour exiger des comptes aux responsables des violations des droits humains. En fin de compte, l'Accord pourrait laisser les civils sans la protection des soldats de maintien de la paix français et de l'ONU, tandis que l'appel à la fin de l'embargo pourrait conduire à la prolifération des armes et à de nouvelles violences.

Au moment de la rédaction de ce rapport, plusieurs dispositions de l'Accord ont été mises en application, entre autres le démantèlement initial de la zone tampon patrouillée précédemment par les soldats de maintien de la paix français et de l'ONU, et la création d'un centre de commandement militaire intégré. Cependant, on n'a vu que peu ou pas de progrès sur les points essentiels du désarmement, de l'inscription sur les listes électorales, ou de l'identification.[9] Selon le programme fixé originellement par l'Accord, les élections étaient prévues environ dix mois après la signature. Toutefois, du fait de retards dans la mise en œuvre, il est probable que les élections seront repoussées d'au moins plusieurs mois, voire même plus. Peu des problèmes au cœur du conflit ivoirien ont été résolus - tels que l'éligibilité à la citoyenneté de millions d'habitants d'origine immigrante et les problèmes fonciers entre «allogènes» (terme péjoratif utilisé pour désigner les étrangers) et «autochtones» dans l'ouest instable.

Impact de la guerre et de l'impasse ultérieure : atteintes aux droits humains et déplacement massif des populations

Les retombées de la crise en matière de droits humains pour les personnes ordinaires vivant au nord comme au sud ont été et sont toujours dévastatrices. L'agitation politique et l'impasse qui ont suivi le conflit armé de 2002-2003 entre le gouvernement et les rebelles basés dans le nord ont été ponctuées d'atrocités et de graves violations des droits humains imputables aux deux côtés, à savoir des exécutions extrajudiciaires, des massacres, des disparitions forcées et de nombreux cas de torture.

Les rebelles en Côte d'Ivoire se livrèrent à des abus largement généralisés contre des civils dans certaines régions sous leur contrôle. Ces abus comprenaient des exécutions extrajudiciaires, des massacres, des actes de torture, de cannibalisme, des mutilations, le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats, ainsi que des violences sexuelles telles que le viol, le viol collectif, les tortures sexuelles, l'inceste forcé, et l'esclavage sexuel. Des combattants libériens luttant aux côtés des groupes rebelles ivoiriens se sont rendus souvent coupables des pires crimes. Toutefois, même après leur départ, diverses formes de violence ont continué.

Parallèlement, en réponse à la rébellion, les forces gouvernementales et les mercenaires libériens recrutés par le gouvernement ont eux aussi fréquemment exécuté, détenu et attaqué des personnes soupçonnées de soutenir les forces rebelles du fait de leur appartenance ethnique, nationale, religieuse et politique. Le sud-ouest de la Côte d'Ivoire en particulier fut durement touché, quoique les forces pro-gouvernementales commèrent des abus dans toutes les zones sous leur contrôle. Les milices civiles, tolérées sinon encouragées par les forces de sécurité gouvernementales, se livrèrent à des attaques fréquentes contre la communauté «étrangère», en particulier contre les ouvriers agricoles Burkinabés habitant à l'ouest du pays. Le conflit déclencha également une forte escalade de la violence intercommunautaire et interethnique dans l'ouest et ailleurs, dressant souvent des groupes supposément non natifs, tels que les Burkinabés, les Maliens, ou les Dioulas,[10] désignés de façon péjorative comme «allogènes» contre les groupes supposément indigènes (appelés «autochtones»), tels que les Guérés, les Bétés ou les Krous.

Même après la fin des hostilités actives, les forces de sécurité de l'État, renforcées par des milices soutenues par le gouvernement telles que les Jeunes Patriotes (ou JP), ont régulièrement harcelé et intimidé la population. En particulier, ils ciblèrent les personnes considérées comme sympathisantes des Forces Nouvelles ou de l'opposition politique. Les forces de sécurité dans les zones gouvernementales extorquèrent et maltraitèrent régulièrement des musulmans, des personnes originaires du nord et des immigrés d'Afrique de l'Ouest, souvent sous le prétexte de contrôles de sécurité aux barrages routiers.

La violence exercée par les hommes armés de tous bords a déclenché des déplacements massifs des populations et un bouleversement économique. Au moins 700.000 personnes sont déplacées uniquement dans une partie des régions contrôlées par le gouvernement et on estime à 1,7 million les personnes déplacées à l'intérieur du pays à l'échelle nationale.[11] Une évaluation conservatrice d'autres déplacements de populations mentionne qu'au moins 350 000 personnes ont fui le sud contrôlé par le gouvernement pour se réfugier au Mali, pays dans lequel beaucoup d'entre elles n'étaient jamais allées.[12] Environ 450 000 personnes d'origine Burkinabé seraient dans une situation similaire, s'étant réfugié au Burkina Faso.[13] Nombre de ces personnes sont des travailleurs immigrants maliens ou Burkinabés, tandis que beaucoup d'autres sont des immigrés de la seconde ou troisième génération. Des dizaines de milliers d'autres ont fui la Côte d'Ivoire pour d'autres pays de la sous région et au delà.

La Côte d'Ivoire demeure une nation divisée, plongée dans la crise politique et militaire la plus grave de son histoire depuis l'indépendance. La violence sexuelle liée au conflit s'est produite et continue à se produire dans ce contexte d'instabilité, de violence, et d'impunité.

Violence sexuelle pendant la crise politico-militaire ivoirienne

Prévalence de la violence sexuelle en Côte d'Ivoire

Ni les autorités des Forces Nouvelles, ni les autorités gouvernementales ont établi des statistiques officielles fiables sur les agressions sexuelles perpétrées par leurs forces, ou sur les niveaux de violence sexuelle dans les zones sous leur contrôle. Les comptes-rendus et les plaintes enregistrées par la police sont au mieux contradictoires, et au pire inexistants. Malheureusement, les ONG internationales ont également été dans l'incapacité de mener des enquêtes sur une base suffisamment large pour déterminer le pourcentage de femmes et de filles ayant subi des violences sexuelles liées au conflit en Côte d'Ivoire. Ne disposant pas d'étude fiable au moment de la rédaction de ce rapport, il était impossible de déterminer précisément le pourcentage de femmes et de filles qui avaient subi un ou plusieurs cas de violence sexuelle liée au conflit.

Toutefois, sur la base des entretiens avec de nombreuses survivantes et témoins, ainsi qu'avec multiples ONG ivoiriennes et internationales, Human Rights Watch estime que des centaines sinon des milliers de femmes et de filles ont subi un ou plusieurs cas de violence sexuelle commises par des membres des groupes armés. La cohérence des nombreux témoignages et signalements reçus traduit le caractère massif de la violence sexuelle, en particulier dans l'ouest de la Côte d'Ivoire.

Ce point de vue est corroboré par de nombreux rapports compilés par des organisations humanitaires. Par exemple, un rapport de 2004 d'un groupe local de défense des droits humains dans la région des 18 Montagnes (province de l'ouest durement frappée par la crise) a pu établir que de novembre 2002 à juin 2004, 122 cas de viol leur avaient été signalés par des éléments armés. De plus, ce rapport comportait aussi des évaluations selon lesquelles, parmi les femmes interrogées au cours d'une enquête de terrain dans une vingtaine de villages sur les abus commis contre la population civile, deux sur cinq femmes interrogées avaient été victimes d'abus sexuel.[14] D'autres ONG locales ont fait état de chiffres pareillement élevés jusqu'à la fin de 2004.[15] Par exemple, une ONG active à l'ouest de la Côte d'Ivoire dans les zones contrôlées aussi bien par les Forces Nouvelles que par le gouvernement, a enregistré plus de 2700 personnes qui cherchaient des informations et de l'aide en 2005 pour des victimes de violences sexuelles, entre autres pour des traumatismes résiduels liés à des violations commises entre 2002 et 2003 par des hommes armés.[16]

De plus, le Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales a un programme Genre[17] et une Direction de la réglementation et de la protection, responsable de l'accueil des victimes de violence et de l'orientation des victimes vers les services spécialisés. Au moment de la rédaction de ce rapport, ce comité aurait recueilli des informations sur 473 cas de violence sexuelle. Par ailleurs, au sein du Ministère de la Solidarité et des victimes de guerre, le programme national de prise en charge des personnes déplacées de guerre a constaté qu'un tiers des cas qu'il traitait étaient des victimes de violence sexuelle.[18]

Une étude de 2005 réalisée par une organisation internationale a documenté les violences sexuelles à l'encontre des enfants dans l'ouest contrôlé par les Forces Nouvelles et par le gouvernement. Elle s'appuie sur une enquête concernant 147 enfants qui ont été associés à un groupe armé. 56 pour cent des cas de violence sexuelle signalés dans cette étude ont eu lieu pendant les combats actifs, mais 35 pour cent se sont produits depuis la fin des hostilités actives. Selon cette étude, un pourcentage élevé de filles ont vécu et vivaient toujours dans la peur d'être sexuellement agressées. Un pourcentage tout aussi élevé de mères partageait cette préoccupation pour leurs filles. A la question «[quels] sont les problèmes de sécurité que rencontrent les femmes et les enfants dans la communauté ?», les réponses ont révélé que la peur des violences sexuelles était classée avant l'extorsion, le travail forcé, les meurtres, les menaces, ou d'autres formes de violence physique. «Les hommes armés» (souvent non identifiés) étaient le plus souvent désignés comme les coupables de viol. L'étude a constaté que 56 pour cent des cas de violence sexuelle contre les enfants déclarés dans l'enquête concernaient des enfants de 13 à 18 ans. Les enfants de 5 à 12 ans auraient été victimes de 41 pour cent des cas déclarés, et les enfants de moins de 5 ans victimes de 3 pour cent des cas déclarés.[19]

Au moment de la rédaction de ce rapport, il a été impossible de déterminer précisément le nombre ou le pourcentage de femmes et de filles qui ont été enlevées et réduites à l'esclavage sexuel, ou de celles qui ont été victimes d'abus sexuels après avoir été «recrutées» par des groupes armés. Le nombre de celles qui restent sous le contrôle de leurs «maris» ou qui sont retournées dans leur village d'origine est également incertain. Toutefois, une indication de ce qui est arrivé aux femmes et aux filles capturées par des groupes armés ressort d'une étude non publiée qu Human Rights Watch a pu obtenir.[20] Cette étude, réalisée par une ONG qui aidait les enfants associés à un groupe armé, a calculé que 35 pour cent environ des enfants qui se sont démobilisés eux-mêmes (au lieu d'attendre un programme officiel de démobilisation) dans l'ouest étaient des filles. Parmi ces filles qui avaient fui les groupes armés ou elles étaient, 30 pour cent ont signalé avoir été violées et 35 pour cent qu'elles avaient témoigné du viol d'autres filles.[21] Le rapport de l'étude a noté que la proportion de mères adolescentes était extrêmement élevée, allant de 28 pour cent à 75 pour cent dans différentes communautés.[22] Bien que toutes les filles mères n'aient pas mentionné ouvertement le viol, il est fort probable que beaucoup d'entre elles soient tombées enceintes à la suite de relations sexuelles non consensuelles avec des hommes appartenant aux groupes armés - rebelles, milices, ou soldats du gouvernement.

Abus sexuels commis par les groupes rebelles ivoiriens

Les rebelles en Côte d'Ivoire ont commis d'atroces abus sexuels contre les femmes et les filles dans les zones sous leur contrôle, tels que le viol, le viol collectif, les tortures sexuelles, les fausses couches forcées et les incestes forcés. Des femmes et des filles ont subi des violences sexuelles chez elles, à la recherche d'un refuge, en brousse, aux barrages, dans leurs fermes, et même dans des lieux de culte. Ces violences sexuelles se sont souvent accompagnées d'autres actes de violence tels que des coups, torture, meurtres, mutilations, ou des actes de cannibalisme. Nombre de femmes et de filles ont été enlevées et réduites à l'esclavage sexuel dans des camps rebelles, où elles subirent souvent de nombreux viols pendant de longues périodes. La résistance se soldait fréquemment par des punitions effroyables, voire même la mort.

Les informations disponibles laissent supposer que les formes les plus flagrantes de violence sexuelle ont été commises pendant la période d'hostilités actives et les mois qui s'ensuivirent : depuis l'éclatement du conflit armé en septembre 2002 jusqu'à mi 2003. Durant cette période, les combattants libériens qui se battaient aux côtés des groupes rebelles ivoiriens étaient les auteurs les plus fréquemment impliqués. Par la suite, les quatre années d'impasse politique et militaire ont vu une certaine diminution des niveaux de violence sexuelle – mais elle continue néanmoins. Depuis le déclenchement des hostilités, aucune faction rebelle n'a à aucun moment fait d'efforts significatifs pour traduire en justice les coupables.

Analyse des trois factions rebelles impliquées dans des abus sexuels

Au début des hostilités en 2002, les individus auteurs de ces actes faisaient partie de trois factions rebelles différentes : le Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), le Mouvement pour la justice et la paix (MJP), et le Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO).

Le MPCI était surtout composé de groupes ethniques originaires du nord, bien que ses membres tant au niveau de la troupe que des hauts responsables politiques appartenaient à la plupart des groupes ethniques ivoiriens, renforcés par quelques recrues Burkinabés et maliennes, et les «Dozos[23] Le MPCI formait le groupe rebelle le plus organisé, discipliné et idéologique en Côte d'Ivoire.

 

En novembre 2002, deux nouveaux groupes rebelles sont apparus : le MJP et le MPIGO. Ils ont ouvert un nouveau front militaire à l'ouest, ou ils se sont rapidement emparés des principales villes, telles que Man, Danané, Toulepleu, et Blolequin. Human Rights Watch a documenté de nombreuses agressions sexuelles qui ont eu lieu pendant les premières offensives militaires importantes du MPJ et du MPIGO, qui commencèrent le 28 novembre 2002. En 2003, ces deux nouveaux groupes formèrent une alliance politico-militaire avec le MPCI et prirent le nom collectif de Forces Nouvelles (ou FN).

Bien que le MJP et le MPIGO aient affirmé être ivoiriens, les deux groupes comprenaient des centaines de combattants libériens et, dans une moindre mesure, sierra léonais. Nombre des combattants libériens s'étaient battu précédemment avec des groupes armés liés au président libérien d'alors, Charles Taylor, et nombre des sierra léonais avaient été membres du groupe rebelle sierra léonais, le Front uni révolutionnaire (Rebel United Front, ou RUF).

Des trois groupes rebelles, le MPCI était de loin le plus organisé et discipliné ; il fut aussi impliqué dans moins d'atrocités que ne l'étaient les combattants du MPJ ou du MPIGO. Ces deux derniers groupes basés dans l'ouest commirent des abus systématiques et à grande échelle à l'encontre de civils dans toutes les zones se trouvant sous leur contrôle. D'après le Secrétaire national des Forces Nouvelles aux Communications, les atrocités commises par le MPJ et le MPIGO se sont aggravées jusqu'à devenir un handicap politique pour le MPCI.[24] Guillaume Soro, le dirigeant politique des Forces Nouvelles, effectua une visite dans l'ouest de la Côte d'Ivoire en mars 2003 qui l'aurait convaincu que les combattants libériens et sierra léonais devaient être expulsés de Côte d'Ivoire. Après cette visite, Soro aurait réuni les chefs militaires dans la capitale rebelle de Bouaké et leur aurait dit que ce dont il avait été témoin dans l'ouest devait cesser, que les abus à l'encontre des victimes civiles entraîneraient des problèmes, que le conflit menaçait d'embraser une grande partie de l'Afrique de l'Ouest, et qu'il voulait des volontaires pour expulser les combattants libériens et sierra léonais de Côte d'Ivoire. Par conséquent, en début 2003, les dirigeants du MPCI ont déployé des troupes depuis leur capitale rebelle de Bouaké vers l'ouest pour expulser ou tuer les combattants libériens et sierra léonais et leurs chefs, Félix Doh et Sam Bockarie. L'expulsion massive des ces hommes par les dirigeants du MPCI a mis progressivement fin aux pires violences sexuelles liées au conflit dans l'ouest rebelle.

L'utilisation de drogues pour encourager des rebelles à violer et à maltraiter des civils

Des victimes et des témoins ont noté que bon nombre des atrocités sexuelles et autres étaient commises par des combattants sous l'influence de drogues ou de l'alcool. Par exemple, une jeune femme qui a été enlevée et violée successivement par des rebelles ivoiriens, libériens et sierra léonais dans un camp de rebelles non loin de la frontière du Libéria, déclara à Human Rights Watch qu'elle pensait que l'usage de drogues était un facteur qui favorisait la violence sexuelle. Elle a décrit la façon dont les rebelles violaient des femmes alors qu'ils étaient sous l'emprise de drogues.

Quand ils nous ont prises nous étions dans leur camp, nous les avons vus et souvent ils prenaient des drogues. Et c'est sous l'influence des drogues qu'ils étaient comme ça. Et vraiment, c'est tellement terrible que vraiment, nous ne savons pas… Chaque fois ils prenaient des femmes quand ils reviennent de la guerre, du combat, les femmes sont rassemblées dans une chambre et ils viennent, ils se jettent sur nous, ils font tout ce qu'ils veulent. Ils nous violent malgré nos cris, malgré nos pleurs, vraiment, ça ne leur dit rien. [25]

En plus des nombreuses survivantes qui ont décrit le rôle de l'usage de drogues, deux hommes qui ont été enrôlés de force par les rebelles ont témoigné à Human Rights Watch que leurs commandants les avaient obligés à consommer des drogues, qu'ils appelaient parfois des «médicaments.» Un jeune homme a raconté comment il avait lutté contre ses ravisseurs qui l'ont forcé à prendre des drogues et ensuite à manger de la chair humaine et violer une femme en fin 2002 ou début 2003.

Ils m'ont forcé. Je ne voulais pas le prendre. Ils ont commencé à me battre, à me frapper. De gauche à droite, partout. Et sur le champ ils m'ont donné cette chose que je ne connaissais pas, ils appellent ça de la drogue. Ils l'ont mis dans ma bouche par la force, avec violence. Avec des liquides. Des feux inconnus. Quand ils mont fait prendre cela, je me suis trouvé dans un autre monde. Ma conscience avait changé. Une esclave de guerre était assise à côté, plus particulièrement une femme. Ils m'ont demandé de la monter et la violer. J'ai dit non. Ils m'ont frappé dans mon dos. Ils m'ont mis sur elle. Je ne savais pas exactement ce qui se passait, je ne comprenais pas. Et j'ai exécuté ce qu'ils ont dit. Ce qu'ils ont dit de faire.[26]

Les femmes et les filles considérées comme partisanes du gouvernement prises pour cible

Human Rights Watch a documenté de nombreux cas où les épouses, filles, sœurs, et mères de membres du parti au pouvoir, le FrontPopulaire Ivoirien (FPI), et des forces de sécurité pro-gouvernementales, à savoir des membres de la police, de la gendarmerie et de l'armée, ont été agressées sexuellement à cause de la fonction occupée par un homme de leur famille. Ces agressions furent souvent précédées ou suivies d'attaques brutales contre d'autres membres de la famille. Plusieurs survivantes de viol interrogées par Human Rights Watch ont raconté comment les rebelles les avaient sélectionnées ainsi que d'autres femmes liées aux policiers, membres du parti au pouvoir, et autres organismes pro-gouvernementaux. Elles ont signalé que certains rebelles les traitaient de traîtresses et leur disaient explicitement qu'elles étaient punies à cause des fonctions occupées par un ou plusieurs membres de leur famille. Pareillement, des travailleurs humanitaires et sociaux actifs à l'ouest en 2002-2003 révélèrent à Human Rights Watch qu'ils avaient documenté de nombreux cas dans lesquels des femmes et des filles semblaient avoir été prises pour cible de la même manière.

Une femme raconta à Human Rights Watch comment en 2002 elle avait été prise pour cible par quatre rebelles parce que son père était gendarme. L'agression a eu lieu à Danané, une ville à l'ouest de la Côte d'Ivoire :

Papa était dans la gendarmerie, alors nous avons tous été traqués, avec toutes les familles de ceux en tenue. Le jeudi que la guerre est venue chez nous, mon papa revenait du service, il se reposait à la maison, il était allongé. J'étais dehors. Puis tout d'un coup j'ai vu six [hommes] qui arrivaient de partout vers la maison, on a entendu beaucoup de tirs et le camp s'est rempli de rebelles. Ils sont entrés dans la maison si vite qu'on ne les a même pas vus venir. Et ils ont traîné mon papa dehors. Ils l'ont tué devant moi. Et quatre m'ont violée. Devant le corps de papa.[27]

La fille d'un policier a raconté à Human Rights Watch comment peu après que les rebelles aient pris Danané en 2002, elle avait été violée successivement par plusieurs rebelles qui n'arrêtaient pas de lui demander où se trouvait son père :

Mon papa qui était policier…travaillait. J'ai entendu des tirs et j'ai couru vite pour le trouver au camp mais il n'était pas là. Alors j'ai attrapé les enfants que je pouvais trouver et mes sœurs qui avaient couru à la maison… J'ai entendu des rumeurs que mon grand frère a été tué et que papa a été attaché et arrêté. Jusqu'à présent personne ne sait ce qui lui est arrivé… En brousse, mon [autre] frère [X] et moi nous avons caché la famille qu'on a trouvée… et nous sommes allés sur la route pour essayer de trouver à manger et des informations. C'est là que les rebelles nous ont trouvés. Des rebelles ivoiriens montraient du doigt les gens aux rebelles libériens et leur disaient qui était avec la police. Ils nous ont montrés et les libériens nous ont presque tués sur le champ. Ils ont frappé mon frère très, très dur, ils ont commencé à le battre. J'ai reconnu le jeune ivoirien qui nous a indexés. C'est lui qui disait «où est ton père? » Ils ont tellement battu [mon frère] que je pleurais et je leur demandais pardon, je les suppliais d'arrêter, et ils m'ont traînée sur mes genoux et mes genoux étaient complètement écorchés, ils me traînaient – et puis ils m'ont violée. [Mon frère] a été obligé de tout voir. Puis ils ont fini de me violer et ils m'ont tellement battue que je criais. Ils ont cassé le bras de mon frère. Son os sortait même. Ils ont essayé de me traîner dans leur pick-up, et ils me demandaient «où est ton père? » Ils m'ont battue encore. A la fin ils sont rentrés dans leur voiture et ils nous visaient avec leurs fusils comme ça, tout le temps. On est restés couchés par terre et on faisait semblant d'être morts.[28]

Une femme dont le mari était soupçonné d'être un espion du gouvernement à Bouaké a raconté avoir été enlevée, violée par multiples rebelles, torturée, affamée, et gardée comme esclave sexuelle dans une prison contrôlée par les rebelles à Bouaké d'octobre 2003 à novembre 2004, à titre de punition pour les activités supposées de son mari. Son mari a «disparu» pendant cette même période et ses enfants restent introuvables.

Je veux oublier. Parfois j'ai des crises. Je suis seule mais je parle à moi-même. En 2002 la guerre a commencé. J'étais mariée… Les rebelles sont venus et ils ont tiré dans toute la maison. Ils ont dit [à mon mari] «tu es un espion et tu donnes des messages à Gbagbo.» … Ils l'ont emmené. J'ai attendu et je suis restée à la maison pendant une semaine. Puis les rebelles sont revenus et ils ont dit «Où est ton mari?» Ils ont de nouveau tiré dans toute la maison. J'ai dit«Mais c'est moi qui devrais vous demander où il est, vous êtes ceux qui l'ont amené la semaine passée.» Alors ils étaient très fâchés avec moi et ils m'ont amenée à [une prison rebelle]. J'ai trouvé les chefs rebelles là et ils m'ont encore demandé «où est ton mari» et j'ai répondu encore «pardon, je ne sais pas.» Ils [les rebelles] m'ont battue tous les jours et ils me violaient à tout moment. Regarde, j'ai des marques partout sur mes cuisses et mes jambes. Ils m'ont attachée et ils m'ont gardée nue et ils m'ont frappée avec des couteaux et des fusils… Ils m'ont trop violée.[29]

Cette femme a dit à Human Rights Watch qu'elle aurait non seulement été agressée physiquement et sexuellement, mais elle aussi forcée d'être témoin d'actes de torture, d'exécutions extrajudiciaires, et de massacres (au cours desquels plusieurs prisonniers auraient été abattus à la mitraillette). Elle a affirmé avoir été interrogée, emprisonnée, et agressée sexuellement par des officiers et haut gradés des Forces Nouvelles.

Des femmes ont également été prises pour cible d'abus sexuels sur la base de leur appartenance à un groupe ethnique. Entre autres, Human Rights Watch a documenté le cas de plusieurs femmes de l'ethnie Yacouba, groupe essentiellement originaire de l'ouest généralement considéré comme soutenant l'ancien président Robert Guei. Une femme Yacouba d'un certain âge a décrit cinq rebelles l'ont agressée en fin 2002 :

J'ai fui au Libéria mais en route les rebelles m'ont battue. Je suis Yacouba et ils m'ont dit «tu étais pour le président»… Puis cinq rebelles m'ont attrapée et ils m'ont enfermée dans une maison et ils m'ont violée. Ils m'ont fait très, très mal. Il y a eu de la souffrance chez nous en Côte d'Ivoire.[30]

Violence sexuelle contre des femmes enceintes

Human Rights Watch a documenté plusieurs cas dans lesquels les rebelles - en particulier ceux du MPJ et du MPIGO - ont commis des violences sexuelles particulièrement graves contre des femmes enceintes, y compris celles qui étaient proche de leur terme. Des femmes enceintes ont été violées, violées collectivement, menacées d'éviscération, poursuivies, et frappées au ventre dans le but semble-t-il de provoquer des accouchements ou des fausses couches. D'autres ont été sexuellement agressées ou mutilées. Une femme enceinte de neuf mois au moment des faits a décrit une de ces agressions, commise dans une ville à l'ouest par un groupe mixte de rebelles libériens, sierra léonais et ivoiriens en septembre 2002 :

L'attaque à [X] m'a trouvée chez mon père. Il était représentant du FPI à [X]. J'étais presque prête à accoucher. On a entendu des tirs et on a couru chez nous… Mais les rebelles sont venus à nos portes et ils ont beaucoup frappé. Ils parlaient l'anglais libérien et sierra léonais mélangé, et puis le Yacouba libérien et le Yacouba de chez nous [ivoirien], et un peu de français, alors ils étaient mélangés. Ils disaient dans le Yacouba de chez nous que papa était un traître. Je me suis cachée sous le lit mais ils m'ont trouvée. J'étais avec mes grandes sœurs et ma maman et ils ont pris mon papa et ils l'ont mis à genoux parce que ses genoux ne sont pas bons, il ne marche pas bien. Puis ils nous ont dit aux trois filles de se déshabiller devant papa. Je me suis déshabillée. Ils m'ont fait faire des choses honteuses… Ils m'ont forcée à me balader devant eux avec mon ventre [enceinte]… Ils se moquaient de moi, ils m'insultaient, ils disaient «elle va faire garçon, non elle va faire fille, elle va faire garçon, non elle va faire fille,» et puis ils ont dit «il faut t'asseoir tu vas accoucher. Pousse!» Je ne pouvais pas! J'ai dit «pardon, je ne peux pas.» Ils ont commencé à me frapper avec leurs pieds, même dans mon sexe, ils nous frappaient. Mon père ne pouvait plus voir ça et il a accouru pour nous protéger, ils l'ont frappé avec leurs fusils, il est tombé. Ils sont tombés sur mes sœurs et ils ont commencé à violer nos grandes sœurs devant nous tous. Mes sœurs criaient et pleuraient. Ils tiraient en l'air et ils fumaient des drogues et ils riaient. Après ils ont terminé de violer mes sœurs. Et puis ils ont commencé à me dire qu'ils voulaient voir si je porte un garçon ou une fille et ils ont dit «pousse, POUSSE! Tu dois accoucher!» Et ils m'ont battue. J'ai essayé mais je ne pouvais pas accoucher et ils m'ont tellement donné des coups de pieds, ça faisait trop mal. Ils ont commencé à mettre leurs mains dans mon sexe, ils ont dit ils vont sortir l'enfant. Je pleurais. Et ils m'ont obligée à me mettre à genoux et ils ont commencé à me violer. Je me suis évanouie. Quand je suis revenue [à moi] j'étais dehors, sans personne de ma famille. [31]

D'autres femmes qui n'étaient pas visiblement enceintes ont dit aux rebelles qu'elles étaient enceintes et ont supplié à être épargnées et de ne pas subir de viol et d'autres formes d'abus sexuel. Une de ces femmes a raconté à Human Rights Watch comment elle avait supplié les rebelles du MPIGO de ne pas la violer parce qu'elle était enceinte, mais ils lui ont quand même fait subir un viol collectif. Cette agression a eu lieu en 2002 dans la ville de Danané, dans l'ouest du pays :

J'étais enceinte d'un mois. Ils m'ont dit que tu dois [coucher avec nous]. J'ai dit je ne veux pas, j'ai un homme et je suis enceinte. Mais il y a un qui m'a prise. Et puis chaque fois qu'il partait je devais être la femme des autres. Ils m'ont beaucoup violée. Tomate est un chef du MPIGO et il me donnait un peu à tous ses hommes. Et c'était dur d'accoucher à cause de tous les viols. Ils ont dit que je pouvais mourir. Mon copain a entendu que j'avais été la femme des rebelles et il m'a abandonnée, et il a dit qu'il ne veut plus de moi, ou même notre bébé. Je suis là avec son enfant mais je suis seule.[32]

Selon plusieurs sages-femmes interrogées par Human Rights Watch, nombreuses femmes ont accouché dans des conditions excessivement difficiles par suite de déchirures vaginales et autres conséquences du viol,[33] ou ont fait des fausses couches à cause des abus sexuels subis, ou parce qu'elles avaient été frappées au ventre.[34]

Viols forcés et incestes forcés commis par les hommes sous la menace de torture et de mort

Des civils ont été punis pour avoir voulu protéger des femmes, et furent aussi contraints à violer des femmes, sous la menace de torture et de mort. Un homme recruté de force par les rebelles fin 2002 ou début 2003 a dit à Human Rights Watch comment il avait été forcé de violer une femme le jour même où il avait été enlevé. Certains hommes qui ont été contraints de violer des femmes en souffrent encore psychologiquement. L'épouse de l'ex-combattant cité ci-dessus a décrit l'anxiété de son mari :

Je crois que ce qu'il a vécu est quelque chose très, très – qui fait mal. Même moi qui suis là, même moi j'ai vu que ce qu'il a vécu c'est pas bon. Pendant la nuit s'il dort, souvent il crie. Souvent je le réveille et je lui demande «on dit quoi?» Il explique les choses qui se sont passées. Il a des problèmes maintenant. Même si je pense à ce qu'il a vécu, ça me fait mal. [35]

Human Rights Watch a documenté plusieurs cas d'inceste forcé. Des hommes ont été contraints à violer des membres de leur propre famille forcés sous la menace de la torture et de la mort. Un homme d'un certain âge a décrit un incident de ce type survenu dans un camp rebelle dans l'ouest en 2002 :

Ils [les rebelles] m'ont demandé de coucher avec ma sœur. Et après ça ils nous ont mis dans leur véhicule et nous ont amenés à leur camp. Ils ont commencé à nous battre encore. Ma sœur était entre leurs mains. Ils faisaient tout ce qu'ils voulaient avec elle. Puis ils m'ont pris, ils m'ont demandé de coucher avec elle encore, publiquement, et j'ai été obligé [de le faire].[36]

Des membres de la famille qui refusèrent de prendre part au viol ou de torturer leurs sœurs, épouses, ou filles, ont été punis, et même tués. Une jeune femme raconta comment son frère avait été tué pendant la guerre, à Tiapleu, après avoir refusé de la violer.[37]

Des personnes contraintes à témoigner d'actes de violence sexuelle

Beaucoup de femmes et de filles ont été violées sous les yeux de membres de leur famille. Ceci aggrava leur supplice psychologique mais servit à punir leurs parents. Human Rights Watch a documenté de nombreux cas de maris, de pères, de mères et d'enfants qui ont dû assister aux agressions sexuelles contre leurs épouses, leurs filles et leurs mères, impuissants, sans pouvoir réagir. Un homme témoigna à Human Rights Watch comment il avait été forcé d'assister aux viols de sa femme et de sa sœur par des rebelles fin 2002.

Une nuit les rebelles sont arrivés chez moi, dans ma cour, avec des armes lourdes, et ils ont cassé la porte. Ils sont rentrés dans ma maison. Ma femme était au salon. Ils ont commencé à la violer. Et les cris que j'entendais… J'ai sauté, je suis descendu. Ils m'ont terrassé car j'étais un peu corpulent. Ils ont pris mon fils, ils ont pris ma sœur. Ma femme était entre leurs mains. Avec cette force qu'ils ont, nous étions forcés… Ils nous ont battus. Vous pouvez voir les cicatrices. Elles sont noires sur ma peau. Sur mon dos. Et même mon fils. Et ma sœur, ils la violaient. Je n'ai jamais vu ma femme depuis que j'ai quitté la Côte d'Ivoire. Après ça, on était entre leurs mains.[38]

Des hommes, des femmes et des enfants ont été forcés d'assister aux actes de violence sexuelle comme punition, apparemment dans le but de les terroriser. Une fille de douze ans a raconté à Human Rights Watch comment elle avait été forcée d'assister au viol de plusieurs femmes alors qu'elle n'avait que huit ans.

Quand cette guerre est venue en 2002 à Danané j'étais [assise] dans le marché. Sans mes parents. Je faisais la couture. J'avais huit ans. Quand ils ont commencé à tirer partout je tremblais. J'avais très peur. Tout le monde criait. Les gens m'ont dit «calme-toi» mais ils tiraient partout, c'était pire même. Un groupe courait. Chacun se cherchait…Je suis partie avec eux. En route, les rebelles nous ont fatigués et ils disaient «on est là pour vous aider, venez là.» J'avais peur de pas obéir. Ils ont dit de venir et j'avais très, très peur alors je suis allée. Ils ont obligé les familles à continuer et ils ont gardé les jeunes [dames dans une maison] et des vieilles aussi. Les plus grandes, les rebelles les ont violées devant moi. Les plus vieilles [femmes] avaient 30 ou 45 [ans] peut-être. Quatre ont été violées. J'étais avec les autres enfants, on voyait ça. J'ai caché mes yeux. J'ai jamais vu [quelque chose comme] ça avant. Je ne connais pas l'homme ou quelque chose comme ça [le sexe]. Mais ils m'ont obligée [à regarder]… Depuis ça, quand je dors, mon cœur s'arrête. Je me sens très, très – pas bien quand je pense à ça. Aux vieilles dames qui étaient abusées. La plus vieille est morte là même. Ils ont laissé le corps avec nous dans la chambre. Pendant quatre jours. Depuis ça, quand je vois les vieilles personnes je me sens trop mal. Je m'inquiète que ça va leur arriver aussi. Ça me mélange trop dans ma tête… J'ai des cauchemars, je vois ces dames qui sont violées. Je vois la violence. Je crois qu'ils vont venir me prendre.[39]

Des enfants ont été violées sous les yeux de leurs parents et dans certains cas, des mères et leurs enfants ont été violées par le même groupe de criminels. La mère d'une fillette de dix ans décrit comment en 2002 trois rebelles les ont violées, elle et sa fille, dans leur maison à Danané :

Trois rebelles sont entrés et ils ont cassé la porte et ils ont dit «où est ton mari?» Trois sont venus avec des fusils. Ils m'ont trouvée. Ils m'ont frappée avec leurs couteaux et je me suis défendue. Et après, il y a deux m'ont violée et l'autre a violé ma petite [fille] de dix ans. Ils ont tout volé. Ils ont brûlé la maison. Je saignais, ma fille avait très mal. Je pleurais tellement. J'ai pris mes enfants et on a couru en brousse.[40]

Des femmes violées sous les yeux de leurs maris souffrirent ensuite l'éclatement de leurs familles et d'autres liens communautaires. Certains maris quittèrent leur femme à cause de la honte infligée par le tabou associé au viol. Une jeune femme de 22 ans expliqua à Human Rights Watch comment son mari l'avait divorcé et abandonnée avec leur petite fille après que les rebelles l'aient violée devant lui près de la frontière libérienne en 2002. Elle n'avait que 18 ans quand les rebelles l'ont violée, entraînant la désintégration de sa famille.

J'étais à Danané avant la guerre, en 2002. J'ai fui et on est arrivés vers le début de Logouatou avec mon mari et ma fillette de cinq mois. J'avais 18 ans. On a rencontré les rebelles pendant qu'on fuyait. Ils m'ont violée devant mon mari. Mon mari ne veut plus de moi. Il dit que c'est une abomination dans notre culture. Il m'a divorcée. Je vis dans des conditions très difficiles.[41]

Des hommes violés

Certains hommes et garçons ont été forcés de violer des femmes ou d'être témoins de viols, et d'autres encore furent violés ou agressés sexuellement par des combattants. Pourtant, jusqu'à présent, il n'y a malheureusement peu ou pas de données disponibles sur les agressions sexuelles à l'encontre des hommes. Peu de survivants sont prêts à parler des agressions qu'ils ont souffert, en grande partie du fait des tabous culturels. Toutefois, une femme qui travaille dans une ONG a parlé à Human Rights Watch des viols commis contre des hommes dans son village natal :

Beaucoup d'hommes ont été maltraités. Les rebelles les ont forcés à travailler comme des esclaves et ils ont violé quelques-uns des hommes. Pas des garçons. Non, je crois qu'ils avaient entre 18 et 35 ans, par là. J'ai entendu que les hommes ont été violés parce que quand les libériens ont attaqué, on avait déjà terminé de récolter le riz. Tout[e la nourriture] était [stockée] au village. Alors il fallait qu'on aille au village pour trouver à manger, quand on se cachait en brousse. Des hommes sont allés pour nous. Et cinq ou six [d'entre eux] ont été violés. Il y en a qui sont morts. D'autres sont toujours là.[42]

Des ONG ont aussi fait état de cas de tortures sexuelles infligées à des hommes et des garçons. Par exemple, à Sangouiné, une organisation a interrogé un groupe de pères, qui décrivirent le cas d'un garçon qui avait été attaché par le pénis et traîné sur près de deux kilomètres par les Forces Nouvelles.

De plus, des hommes ont été humiliés sexuellement, tout comme l'ont été nombreuses femmes. Une jeune fille a dit à Human Rights Watch combien cela avait été destructeur psychologiquement pour son grand-père d'être humilié sexuellement:

Les rebelles… ont pris mon grand-père et ils l'ont frappé et ils l'ont mis complètement nu. C'était très honteux. Il pleurait.[43]

Viols avec objets

Plusieurs témoins ont raconté la façon dont les rebelles inséraient des objets tels que des morceaux de bois et des fusils dans les vagins des femmes. Une femme raconta à Human Rights Watch comment les rebelles l'avaient battue et violée, ainsi que ses deux filles adolescentes, puis avaient enfoncé des morceaux de bois dans le vagin des deux filles.[44] Cette agression particulièrement brutale a eu lieu fin 2002 dans la ville de Logoualé ou à proximité, dans l'ouest du pays.

Moi et mes deux filles, ils nous ont violées. Ils nous ont beaucoup frappées. Franchement, je ne sais pas comment je vais faire… Ils ont pris [des morceaux de] bois pour mettre dans le vagin de mes [deux] filles… Ils ont pris [du] bois pour le pousser dans leurs vagins. Quand ils ont sorti ça ils ont mis leurs mains. Vraiment, ils ont gâté mes enfants. Le sang coulait. Quand le sang coulait ils m'ont dit d'essuyer ça. Du bois, des mains… quand ils ont fini ils ont battu mes filles encore. Ils ont dit ils vont nous tuer. Je devais nettoyer le sang de mes filles. [45]

Une autre femme a dit à Human Rights Watch comment, alors qu'elle fuyait les combats entre les rebelles et les troupes gouvernementales près de Man en 2002, elle avait été témoin d'un viol anal perpétré sur une jeune femme par un rebelle, près d'un village appelé Biankouma, dans l'ouest du pays :

En 2002, on était à Man, mais on a couru quand les loyalistes sont arrivés [en ville]. C'est eux qui prenaient tout. Une femme a accouché sur la route avec des jumeaux et les rebelles l'ont tuée, elle et ses bébés… J'ai vu ça avec mes propres yeux. Et j'ai même vu trois groupes à côté de la route qui violait des filles. J'ai vu une dame qu'ils violaient en brousse, un était en train de la violer derrière [dans son anus] avec [son] fusil.[46]

Autres violations des droits humains associées aux violences sexuelles

Human Rights Watch a constaté que nombreuses violences sexuelles se déroulèrent dans le contexte d'autres violences brutales, tels que le meurtre, le cannibalisme, la torture, les agressions, l'enlèvement, l'enrôlement forcé, la détention arbitraire, le travail forcé, et le déplacement forcé.

Une ONG internationale a réalisé une enquête portant sur 489 personnes dans la région des 18 Montagnes à l'ouest rebelle, et dans la région gouvernementale de Moyen Cavally. L'étude évalua les expériences des jeunes filles qui avaient été associées aux groupes armés, en tant qu'enfants soldats féminines, cuisinières, porteuses, esclaves sexuelles, ou dans une combinaison de ces rôles.[47] L'étude a constaté que tandis qu'elles se trouvaient avec les forces rebelles et pro-gouvernementales, les jeunes filles subissaient non seulement des viols et des viols collectifs ou en étaient témoins, mais étaient aussi victimes de fréquents harcèlements psychiques, d'humiliations et de menaces de mort.[48] Elles étaient aussi témoins d'actes de torture, de meurtres, de coups et blessures, et d'ingestion forcée de drogues. Les filles décrivirent les camps comme des environnements violents et terrifiants, marqués par des bruits quasi-incessants de coups de feu.

Des atrocités plus rares mais plus terrifiantes telles que le cannibalisme ont aussi été liées au viol. Les actes de cannibalisme semblaient complètement terroriser les filles et les femmes qui y furent exposées. Plusieurs femmes qui ont été enlevées par des factions rebelles décrivirent à Human Rights Watch comment elles avaient été témoins d'actes de cannibalisme, ou forcées de cuire, et dans certains cas, de manger de la chair humaine.

Une jeune femme, qui avait près de vingt ans lorsqu'elle fut détenue comme esclave sexuelle dans un camp rebelle, a raconté la terreur qu'elle éprouva quand des rebelles lui coupèrent un morceau de sa chair et le mangèrent devant elle en 2003.

Ils m'ont amenée, et pendant une semaine ils m'ont violée tout le temps, ils m'enfermaient dans une maison…Quand ils ne me violaient pas je devais juste rester là... Ils m'avaient attachée avec mes jambes écartées et mes bras derrière, pour me violer. Ils étaient trois ou quatre dans la nuit. Ils mettent les fusils à côté de toi et si tu refuses ils te tuent. Ils ont tué une de mes amies et on a dû l'enterrer. On était peut être dix ou quinze filles là, qui étaient violées. Ils nous donnaient pas à manger. Ceux qui étaient gentils nous donnaient à manger mais si on les voyait on les tuait… Ils [les rebelles] ont coupé un petit morceau de ma jambe et ils ont fait la même chose à deux autres filles. Ils ont braisé ça devant nous et ils ont mangé. Ils disaient [qu']ils veulent goûter la chair humaine. Et ils ont mis un bout de pagne [tissu] dans ma plaie et ça s'est refermé là-dessus [en guérissant] mais ça s'est tellement infecté, avec du liquide qui sortait. Jusqu'à présent parfois quand je pose mon pied comme ça, ça fait mal.[49]

Sanctions en cas de résistance

Des femmes qui tentèrent de résister aux agressions, et les amis ou parents essayèrent de secourir les victimes de violences furent souvent punis sévèrement, et parfois tués. Un membre d'un groupe ivoirien de défense des droits humains a dit à Human Rights Watch que son organisation avait interrogé de nombreux hommes punis pour avoir tenté de libérer leurs épouses de l'esclavage sexuel qu'elles subissaient. Il a décrit des exactions dont il avait été témoin ainsi que celles que son organisation avait documentées en 2002-2003 dans l'ouest rebelle :

Le Chef Zana envoyait ses hommes [dans des descentes] pour aller arracher des femmes de chez elles et les amener aux «commissariats.» Quand les maris sont venus se plaindre, on les a obligés de s'allonger par terre et regarder le soleil, regarder ça fixement. Si tu ne le fais pas, on te bat. Ils ont battu deux maris à mort. Moi-même j'ai vu les hommes qu'ils obligeaient à se coucher au soleil toute la journée. Ces maris étaient exposés, nus, toute la journée. Les femmes étaient des esclaves pour préparer [à manger], pour tout… Ces abus ont duré peut-être entre quatre et huit mois.[50]

Une femme qui fut enlevée à Danané en fin 2002 et gardée par la suite comme esclave sexuelle pendant plus d'un an raconta à Human Rights Watch comment les rebelles ont mitraillé le jambe de son petit frère quand il essaya de la sauver. Son père fut battu et probablement tué pour avoir tenté d'empêcher l'enlèvement de sa petite sœur de quatorze ans :  

Mon papa a été battu et ils l'ont amené dans une prison probablement pour le tuer. Tout ça c'est parce que papa essayait de sauver ma petite sœur. J'ai entendu que ma sœur est toujours [otage] à Bin-Hounien. Et je n'ai pas de nouvelles [d'elle]. Elle avait 14 ans quand ils l'ont prise. Ce qui s'est passé c'est qu'ils m'ont prise à Danané et ils ont commencé à abuser de moi. Et ils m'ont amenée à Bin-Hounien pour chercher mes affaires. C'est là qu'ils ont vu ma petite sœur. Ils ont essayé de la prendre tout de suite. J'ai dit «pardon, non, pardon, s'il vous plait, elle est trop petite, vous pouvez me garder.» Mais ils m'ont frappée et ils ont pris mon papa qui a essayé de les arrêter. J'ai entendu qu'ils l'ont amené à la gendarmerie de Zouan-Hounien. Mon petit frère a essayé de me défendre mais ils ont mitraillé sa jambe, tellement qu'il fallait la couper après, sa jambe pendait quoi, on était tous en train de crier, crier. J'ai entendu qu'il est toujours là tout seul, handicapé. On m'a prise, on a pris ma sœur, on a pris mon père, ils ont brûlé la maison. Ils ont tué sept personnes dans ma famille. Qui va s'occuper de mon petit frère maintenant qu'il peut plus marcher? [51]

Les victimes de violence sexuelle qui tentèrent elles-mêmes de résister subirent des coups et blessures, des tortures, et d'autres violations en plus du viol. Une femme enceinte a raconté comment elle avait été sexuellement mutilée près de Man fin 2002 ou début 2003 à cause de son refus initial à être violée.

Sur la route de Man les rebelles ivoiriens m'ont trouvée. Ils m'ont violée et m'ont déchiré le sexe parce qu'ils m'ont violé très fort. J'étais enceinte de trois mois et j'ai perdu ma grossesse. Ils m'ont coupée aussi avec leurs couteaux sur les bras et les jambes, et ils m'ont battue, parce que je refusais de coucher avec eux.[52]

Une jeune femme de Danané raconta comment les rebelles rendus furieux par sa résistance l'avaient battue et torturée avec des fourmis en fin 2002 :

 

Ils passaient dans les cours pour prendre [des] soldats. Mes frères ont dit «non.» Ils ont demandé aux filles de se battre aussi. J'ai dit non, pardon, j'ai dit à mes frères et mes sœurs de refuser. Ils étaient fâchés avec moi. Ils m'ont attrapée et ils m'ont prise et j'ai crié à ma famille de s'enfuir et de se cacher. J'ai crié que si je meurs ça va mais sauvez au moins mes enfants. Les rebelles m'ont amené dans leur pick-up. Mon village est à entre la frontière [libérienne] et [Danané]. Ils m'ont amenée dans la brousse et ils m'ont violée là. Ils étaient cinq. Puis ils m'ont battue, et après qu'ils m'ont violée et battue ils m'ont amenée dans une case où ils gardaient d'autres filles prisonnières aussi. Quand ils ont essayé de m'enfermer là, d'abord j'ai résisté. Et alors ils m'ont mise toute nue et ils m'ont jetée sur des fourmis qui m'ont mangée, je ne pouvais presque plus sentir ma peau. Ils m'ont déshabillée. Puis ils m'ont jetée dans la prison avec les autres filles. Ils nous ont violées.[53]

Harcèlement sexuel, fouilles, humiliations sexuelles, et nudité forcée

Du fait des formes brutales et extrêmes de violence sexuelle éprouvées par les femmes en Côte d'Ivoire, des formes moins graves de harcèlement sexuel semblent être presque ignorées. Par exemple, le harcèlement, les fouilles à nu, l'humiliation sexuelle et la nudité forcée semblent avoir si peu d'importance relative que la plupart les personnes interrogées les mentionnent rarement si elles n'y sont pas spécifiquement invitées – pourtant, une fois questionnés, toutes les personnes interrogées citèrent des cas.

Des femmes ont dit à Human Rights Watch qu'elles ne savaient jamais où et quand elles pourraient être harcelées, déshabillées, humiliées sexuellement, ou menacées sexuellement: dans leur village, en voyageant, au travail, ou bien chez elles. Une femme qui a été déshabillée en mars 2003 dans une prison rebelle provisoire dans la région des 18 Montagnes, a raconté son épreuve :

En mars 2003, j'ai été arrêtée sous prétexte que j'étais une espionne. Ils m'ont tellement battue que je pensais que j'allais mourir. Ils m'ont amenée à la préfecture et m'ont accusée de donner des informations [à quelqu'un qui était apparemment employé du gouvernement], quand j'étais professeur. Ils ont menacée de me tuer. Ils m'ont laissée nue toute une journée, de 13 heures jusqu'à 17 heures le lendemain… J'ai pleuré, j'ai prié, j'avais très peur. Ils m'ont gardée au Palais de Justice où ils avaient leur quartier général. Ils m'ont battue. Ça a même laissé des traces. La mission de l'ONU est venue et a pris une photo des marques terribles dans mon dos. Ils m'ont presque gâté un œil.[54]

Esclavage sexuel 

L'esclavage sexuel est défini comme la condition d'une personne sur laquelle s'exercent les attributs du droit de propriété ou certains d'entre eux, y compris l'accès au sexe (souvent par le viol ou d'autres formes de violence sexuelle), et comprend la plupart des formes, sinon toutes, de la prostitution forcée. En Côte d'Ivoire, des femmes et des filles ont été enlevées pour faire du travail forcé ainsi que des hommes. En outre, nombre des femmes et des filles enlevées sont devenues les esclaves sexuelles des rebelles. De nombreux rebelles ont contracté des «mariages» avec ces femmes enlevées qu'ils forçaient à être leurs «femmes ». Les rebelles changeaient aussi fréquemment de «femmes» quand ils se fatiguaient d'elles ou quand leurs «femmes» s'enfuyaient, tombaient malades, ou mouraient.

La plupart des enlèvements et des cas d'esclavage sexuel documentés par Human Rights Watch se sont produits dans les zones rebelles à l'ouest de la Côte d'Ivoire, en particulier dans la région des 18 Montagnes.

Après avoir été capturées, de nombreuses femmes et filles ont été violées, violées collectivement au cours d'incidents isolés, et violées successivement sur de longues périodes. Elles ont été forcées de vivre avec leurs ravisseurs pendant des périodes allant de plusieurs jours à plus d'un an. Certaines ont été contraintes à prendre une part active aux combats. Tandis que certaines esclaves sexuellesétaient utilisées dans les camps pour du travail forcé comme chercher de l'eau, cuisiner, nettoyer, et accomplir d'autres tâches domestiques traditionnellement féminines, d'autres furent incarcérées dans de petits espaces confinés où elles étaient prisonnières juste pour les relations sexuelles, et même parfois attachées. Certaines survivantes ont raconté qu'elles étaient considérées comme la «propriété» d'un combattant, qui semblait assurer un certain degré de protection contre des crimes comme le viol collectif. Suite à leur enlèvement et leur esclavage sexuel, des femmes et des filles ont subi des sévices brutaux, et ont dû supporter des coups, blessures, humiliations, et d'autres peines au-delà de la violence sexuelle.

Plusieurs anciennes esclaves sexuellesinterrogées par Human Rights Watch ont dit avoir vécu dans une peur quasi constante, ou des coups de feu, des violences, des atrocités, et des châtiments corporels devirent leur réalité quotidienne. La plupart d'entre elles se rappelaient avec une angoisse particulière le tourment de leur souffrance solitaire, sachant qu'elles étaient sans famille ni amis, séparées de tous ceux qu'elles aimaient. Une femme enlevée en 2002 par des soldats du MPIGO alors qu'elle était adolescente, et prisonnière pendant des mois, décrivit:

Passer d'un garçon à l'autre, c'est très dur. C'est très triste. J'en suis presque morte plusieurs fois. Le rebelles prenaient des filles dans presque tous les villages près de là où j'étais. On voyait de nouvelles filles arriver dans le camp. Et les garçons parlaient de ça. Ils en étaient fiers. On était quatre filles dans ma maison [qui était] dans un des camps. J'ai rencontré beaucoup de filles de toute la région, même celles qui étaient de loin, comme de villages près de Bangolo et Logouatou et près de Man.[55]

Human Rights Watch a parlé avec des femmes et des filles qui ont été retenues comme esclaves sexuelles et qui ont dit avoir été enlevées alors qu'elles étaient enfants. Par exemple, une jeune fille de dix-sept ans raconta à Human Rights Watch comment elle avait été enlevée dans la rue à Danané en fin 2002, alors qu'elle n'avait que 13 ans.

Quand la guerre est arrivée, les rebelles sont venus de partout… Un grand commandant rebelle, Samson, conduisait une grosse voiture et il a dit «monte dans la voiture ou on te tues.» J'ai dit «Pourquoi tu vas me tuer ? Qu'est-ce que j'ai fait ?» Il a dit «Monte.» Ils m'a amené à une maison, il m'a violée, il m'a prise, il me prenait tout le temps… La maison avait trois chambres et un salon. On était beaucoup de filles là-dedans. Au moins dix filles. Chaque fois que je veux sortir ou essayer de refuser ils me bat. Toujours il me punit parce qu'il pense que je vais m'échapper. Chaque fois que je disais «Je veux rentrer à la maison,» il disait «Non, fais ce que je veux ou je te tues.» Je disais, «Non je veux rentrer à la maison maintenant.» Il disait «Non, tu es ma femme maintenant.» Je disais «Non» et il me battait. Pendant une année je crois… Samson, il m'a fait si mal, il me prenait brutalement.[56]

Certaines femmes et filles ont été enlevées dans les rues, sur des routes de campagne, ou en brousse. D'autres ont été arrachées à leur propre maison, sous les yeux de leur famille et de leurs voisins impuissants. Une fille a dit à une ONG internationale:

J'ai été recrutée de force à Zeaglo. Mon père refusait que je les suive. Ils l'ont tué sous mes yeux. Mon père est mort à cause de moi.[57]

Un leader de la société civile, travaillant à l'ouest contrôlé par les rebelles fin 2002 début 2003, a documenté beaucoup de cas où des femmes et des filles ont été enlevées à des barrages des rebelles et lors de descentes lancées sur des villages à proximité de la ville de Man. Il expliqua :

J'enseignais dans cette zone et je connaissais beaucoup de gens et ils me parlaient, ils me faisaient confiance. C'était les militaires, les responsables. Les FAFN, libériens et ivoiriens tous mélangés. Surtout le MJP mais aussi le MPIGO et certains étaient avec le MPCI… Il y avait surtout des viols collectifs. Quand des femmes [ou des filles] allaient au marché les soldats [rebelles] les kidnappaient sur la route, aux barrages. Il y a avait aussi des cas de descentes fréquentes où des soldats [rebelles] prenaient des filles [ou des femmes] et des marchandises, puis les groupes de patrouille revenaient au camp avec les femmes [ou les filles]. Après les barrages et les descentes, les femmes [ou les filles] restaient dans les camps facilement une, deux, ou trois semaines, parfois davantage. Quand les maris allaient chercher leurs femmes et pour payer des rançons, ils étaient battus. Cinq jeunes femmes ont été retenues pendant trois mois, tellement longtemps que les familles pensaient que les petites étaient déjà mortes. Quand les familles ont essayé de rencontrer le chef [des rebelles], c'était impossible. Souvent ils enlevaient des filles à leurs familles.[58]

Un jeune homme a raconté l'enlèvement de sa cousine en 2003 par des sierra léonais combattant avec les forces du MPIGO ou du MPJ dans la ville de Danané.

Une de mes cousines a été prise par un chef de guerre sierra léonais nommé Idrissa. Il l'a vue dans une discothèque. Elle est très belle. Elle ne voulait pas sortir avec lui mais il est venu dans la cour avec tous ses hommes, ils tiraient en l'air, vraiment tout le monde paniquait. Il terrifiait tout le monde. Il était sadique : il criait que si la fille ne l'accepte pas il y aurait un massacre. Ils ont débarqué dans la cour en tirant. Les gardes étaient sauvages. Tout le quartier s'est réveillé. La famille avait si peur qu'ils ont poussé la fille à aller avec lui. Ils m'ont même demandé d'intervenir et de lui dire qu'elle devait se sacrifier pour sauver le reste de la famille. La mère est venue me demander d'intervenir, elle a dit que sa fille devait l'accepter pour nous sauver tous de la barbarie de cet homme. Le cas de ma cousine fait vraiment pitié… Sa maman est morte, parce qu'elle était malade avant et les soucis pour sa fille l'ont tuée.[59]

Tandis que quelques esclaves sexuelles interrogées par Human Rights Watch ont fait des récits poignants et héroïques d'évasion, beaucoup d'autres ont été forcées en 2003 d'accompagner leurs «maris» combattants libériens ou sierra léonais au Libéria quand ces derniers battaient en retraite. Même si la période d'hostilités est révolue, nombreuses femmes et de ces filles sont restées avec leurs ravisseurs, à la fois de peur des représailles et de peur d'être rejetées par leurs familles. Certaines femmes ont expliqué à Human Rights Watch qu'elles restaient avec leurs ravisseurs parce qu'elles craignaient que leurs familles leur reprochent d'avoir été enlevées et violées ; d'autres restaient parce qu'elles avaient donné naissance à leurs enfants, ou parce qu'elles étaient dépendantes de la drogue.

Celles qui veulent rompre les liens avec leurs ravisseurs ont peu d'alternatives économiques ou sociales, et demeurent très vulnérables. En Côte d'Ivoire comme au Libéria, les esclaves sexuelles qui ont pu échapper à leurs ravisseurs se retrouvent démunies et abandonnées, sans autre choix que de se livrer au sexe de survie, ou de survivre péniblement en travaillant pour un maigre salaire dans l'économie informelle. Plus de la moitié des anciennes esclaves sexuelles ivoiriennes interrogées par Human Rights Watch au Libéria ont à moment échangé le sexe contre de la nourriture – parfois juste une assiette.

Les esclaves sexuelles évadées que Human Rights Watch interrogea, ainsi que certains responsables des réfugiés ivoiriens au Libéria, estiment que nombreuses femmes et filles ivoiriennes restent avec leurs anciens ravisseurs au Libéria et dans une moindre mesure en Côte d'Ivoire.[60] Un travailleur humanitaire a dit à Rights Watch :

Il y a beaucoup de filles de Bangolo capturées par des libériens, qui ont été trouvées à Bin-Hounien et réunies avec leurs familles. Elles ont été prisonnières, épouses, mais forcées. Ca pouvait durer trois ans même, elles passaient des rebelles libériens aux ivoiriens. Et beaucoup d'autres filles sont allées au Libéria et ne sont pas revenues. Souvent ils ont pris des filles à leurs familles, et maintenant elles vivent toujours avec eux au niveau des barrages et dans des maisons comme leurs femmes. Ces filles ne savent pas comment revenir, quelquefois elles ont des enfants avec ces hommes maintenant ou elles se droguent.[61]

Plusieurs anciennes esclaves sexuelles interrogées par Human Rights Watch au Libéria ont expliqué combien il leur avait été difficile d'échapper à leurs ravisseurs, aussi bien matériellement que psychologiquement. Certaines ont dit qu'elles vivaient toujours dans la peur d'être retrouvées et punies, ou même tuées pour avoir eu la témérité de s'échapper.

Meurtres d'esclaves sexuelles

Tandis que certaines esclaves sexuelles et de «femmes» des rebelles s'échappaient ou restaient avec leurs ravisseurs, d'autres ont été tuées. Human Rights Watch a interrogé plusieurs témoins de ces meurtres. Des femmes et des filles ont été tuées, en particulier au cours de la lutte interne pour le pouvoir entre le MPCI et les forces libériennes et sierra léonaises issues du MPJ et du MPIGO en début 2003, qui a abouti à l'extermination ou l'expulsion des combattants libériens et sierra léonais de la région ouest contrôlée par les rebelles. Même si ce refoulement des libériens et des sierra léonais a éventuellement entraîné la fin progressive des pires formes de violence sexuelle liée au conflit dans l'ouest rebelle, dans l'immédiat le refoulement a donné naissance à une montée brève mais brutale de la violence contre les femmes.

D'après des entretiens avec des responsables locaux de la société civile, le personnel d'ONG sociales et humanitaires, d'anciennes esclaves sexuelles, et un ancien porte-parole des rebelles sous le commandement du chef rebelle Félix Doh, nombre de femmes et de filles enlevées par des combattants libériens et sierra léonais entre 2002 et 2003 furent tuées pendant ou peu après l'expulsion de leurs ravisseurs étrangers de Côte d'Ivoire.[62] Ces meurtres ont eu lieu dans plusieurs contextes.

 

Premièrement, pour des raisons qui restent confuses, les libériens et les sierra léonais ont tué bon nombre de leurs propres esclaves sexuelles.

Deuxièmement, les forces du MPCI impliquées dans l'expulsion des combattants libériens et sierra léonais ont tué beaucoup des «femmes » ivoiriennes des rebelles libériens et sierra léonais à titre de représailles.

Des rebelles libériens et sierra léonais tuèrent leurs propres «femmes»

Des femmes qui avaient déjà connu le traumatisme de l'enlèvement et de l'esclavage sexuel ont fait part à Human Rights Watch de leur panique quand les meurtres ont commencé. De nombreux meurtres ont été signalés entre Man et Danané près de la frontière libérienne quand des combattants libériens en fuite ont tué certaines de leurs propres captives. Quatre anciennes esclaves sexuelles différentes ont expliqué à Human Rights Watch comment elles avaient été témoins du meurtre de beaucoup de «femmes» des combattants libériens et sierra léonais, lors de différents massacres qui ont eu lieu en début 2003. Une ancienne esclave sexuelle a fait part à Human Rights Watch de sa propre expérience, terrifiante et presque mortelle, aux mains de ses ravisseurs rebelles libériens dans la brousse près de Logouatou, au cours de cette période troublée :

Ils ont tué quatre filles ivoiriennes devant moi. C'était dans la brousse près de Logouatou. J'ai dit «pardon, pardon, je vous en supplie, laissez-les vivre, elles sont mes soeurs.» J'ai essayé d'intervenir mais elles ont été tuées. C'était des filles de Danané. Je connaissais deux. Je ne connaissais pas les deux autres mais toutes les quatre ont dit qu'elles étaient de Danané. Nous ne les avons pas enterrées. Je voulais le faire mais je n'ai pas pu les enterrer. Quelques-uns des libériens voulaient me tuer moi aussi. Ils ont dit que toutes filles devraient être tuées. Mais les cinq hommes qui me violaient tout le temps ont dit «Non, c'est notre femme.» J'ai entendu qu'il y avait eu beaucoup, beaucoup d'autres filles tuées vers la frontière.[63]

Une femme enlevée fin 2002 et réduite en esclavage par ses ravisseurs,dans plusieurs camps rebelles de la région des 18 Montagnes, déclara : «Quand les libériens ont quitté la Côte d'Ivoire, ils ont tué beaucoup, beaucoup de filles qu'ils avaient enlevées, depuis Danané jusqu'à la frontière. J'ai vu des exécutions de mes propres yeux et d'autres filles comme moi m'ont parlé de choses qu'elles avaient vues aussi.» [64] Cette femme a estimé que sur une période de plusieurs semaines elle seule avait vu tuer au moins une dizaine de femmes enlevées, sans compter les cas dont elle avait simplement entendu parler. Une autre esclave sexuelle évadée décrivit son expérience aux mains de ses ravisseurs rebelles qui l'a mené au seuil de la mort :

Après deux jours ils nous ont prises, nous étions neuf femmes, la plupart dans les vingt et trente ans. Ils nous ont mises à l'arrière de leur pick-up et ils nous ont mis des bandeaux sur les yeux. On était nues. On s'est arrêtés. Ils nous ont dit de descendre. Ils ont dit qu'ils allaient tirer et que quand ils tirent en l'air il faut courir sinon ils nous tuent. Mais on ne savait pas qu'on était au bord d'une rivière. Sans le savoir à cause des bandeaux sur nos yeux. Ils ont tiré et on a couru sans voir la rivière. Cinq jeunes femmes au moins se sont noyées comme ça. L'eau m'a emportée. Je me suis accrochée à un arbre et j'ai réussi à enlever mon bandeau. La rivière m'a amenée jusqu'au Libéria. J'ai réussi à sortir et à ramper dans la brousse où il y avait des femmes qui travaillaient dans les champs. J'étais toute nue, et je tombais parce que je n'avais presque plus de force. Les rebelles nous avaient laissées sans manger pendant trois jours. Je suis tombée dans les champs. Elles croyaient que j'étais morte. Mais elles m'ont emmenée et lavée et nourrie et donné de l'eau, elles m'ont habillée. Ces femmes libériennes étaient gentilles. C'était à côté du village de Bohepleu. J'ai passé une semaine dans ce village.[65]

Des rebelles du MPCI tuèrent des «femmes» des libériens et des sierra léonais à titre de représailles

De plus, les rebelles ivoiriens du MPCI impliqués dans l'élimination des combattants libériens et sierra léonais auraient tué de nombreuses filles associées à ces derniers. Selon un ancien porte-parole des rebelles ayant des informations dignes de foi sur le sort de ces femmes, le nombre des femmes tuées ainsi durant l'expulsion en 2003 de libériens et de sierra léonais pourrait être même au-delà de 50 à 100 :

Quand les ivoiriens ont poussé les libériens dehors, toutes les filles qui étaient laissées en arrière ont été tuées. Si quelqu'un montrait votre cour et disait que vous étiez sortie avec un chef de guerre libérien ou même un simple combattant, ils vous tuaient, ils ne veulent rien savoir. Ces filles qui ont été tuées étaient si nombreuses… trop nombreuses. Je ne peux pas donner de chiffre exact, mais j'ai vu une dizaine de corps de filles ivoiriennes tuées seulement à Danané, de mes propres yeux. Et à cause de ma fonction, j'ai entendu parler de beaucoup d'autres.[66]

Les femmes et les filles enlevées par des rebelles libériens et sierra léonais sierra léonais et ayant entendu parler de ces meurtres en représailles étaient terrifiées. D'anciennes esclaves sexuelles ont dit à Human Rights Watch que ces meurtres en représailles rendaient encore plus dangereux leurs efforts pour s'échapper à leurs «maris» et rester en arrière en Côte d'Ivoire, voire retrouver leur famille.[67]

Violence sexuelle aux barrages des Forces Nouvelles

Depuis le début de la guerre et tout au long de la crise jusqu'au moment des enquêtes effectuées pour de rapport en fin 2006, les nombreux barrages répartis dans les zones rebelles (d'ailleurs comme de nombreux barrages en zone gouvernementale) ont constitué des points névralgiques pour des violences de type, et des comportements de prédateurs sexuels. Les exactions au niveau des barrages comprennent le viol, le viol collectif, l'exploitation sexuelle, le harcèlement sexuel, et d'autres crimes tels que le vol, l'extorsion, l'intimidation, les coups et blessures, les tortures, les meurtres, et les disparitions forcées. Des survivantes d'abus sexuels, des responsables de la société civile, et des chauffeurs d'autobus et de «bana bana» décrivirent pour Human Rights Watch comment des rebelles forçaient des femmes de descendre des véhicules de transports en communs pour les retenir en arrière, tandis que d'autres passagers pouvaient passer, suite à quoi ils abusaient d'elles. Ce phénomène était particulièrement répandu à l'ouest sous contrôle rebelle.

Human Rights Watch et d'autres organisations ont documenté de nombreux cas de viol, de viol collectif, d'humiliation sexuelle, de mauvais traitements physiques et de harcèlement sexuel perpétrés par des combattants rebelles aux barrages tenus par des rebelles. Un responsable de la société civile qui a fait des recherches en 2002 et 2003 sur les abus commis dans 20 villages à l'ouest rebelle, affirma à Human Rights Watch que son organisation avait documenté au moins 40 cas de viol, dont la plupart s'étaient produits à des barrages. Une employée d'une ONG ivoirienne qui voyageait fréquemment dans l'ouest a décrit ce qu'elle avait vu :  

Je devais voyager tout le temps, et j'ai vu des filles sorties des bus [bana bana] au moins 10 fois, peut-être plutôt 15. Je me rappelle même une fois où les parents étaient là et ils criaient et pleuraient et la mère suppliait les soldats à genoux et alors à la fin les rebelles ont laissé la fille remonter dans le bus. Mais ça [laisser aller les jeunes femmes] c'était rare.[68]

Certaines routes dans la région des 18 Montagnes étaient particulièrement périlleuses pour les femmes et les filles, bien après que le conflit armé ait cessé jusqu'au mois ou Human Rights Watch effectua ses enquêtes. Un responsable local de la société civile a signalé qu'en novembre 2006 une fillette de dix ans avait été violée à un barrage près de Bloalé.[69] Une représentante d'ONG a décrit ce qu'elle avait vu à un barrage près de l'entrée de Logoualé :

Quand une fille plaît à un rebelle là, elle doit rester en arrière, cuisiner, et être une esclave sexuelle. Dans beaucoup d'endroits. Le barrage à l'entrée de Logoualé est mauvais, ils bloquaient beaucoup de filles là. Une femme que je connais était commerçante et chaque fois qu'elle devait passer le barrage elle était obligée de rester et elle était violée chaque fois. Son mari est venu avec elle une fois et ils l'ont prise même devant lui.[70]

Des témoins, dont plus d'une dizaine de conducteurs de minibus qui passent quotidiennement par bon nombre de barrages, ont dit à Human Rights Watch que de 2002 à 2004 ils voyaient souvent des femmes contraintes de rester en arrière tandis que le reste des passagers du bus était autorisé à continuer. Les chauffeurs ont décrit comment les plus belles jeunes passagères étaient couramment forcées de descendre des véhicules de transport public. Ce phénomène était particulièrement répandu durant le conflit actif, mais a continué jusqu'au moment où les enquêtes pour ce rapport a été effectuées en fin 2006. Comme l'a dit un chauffeur:«Aux barrages, ils gardent les filles jeunes et jolies, et les autres peuvent passer.» [71] Des chauffeurs d'Abidjan à Man, de Man à Danané, et de Guiglo vers plusieurs destinations ont tous signalé à Human Rights Watch des cas où des femmes et des filles avaient été emmenées de cette façon par des hommes de diverses factions armées. Deux jeunes femmes ont dit à Human Rights Watch qu'elles avaient été violées à des barrages par des combattants rebelles en 2003 et 2004, l'une dans une région proche de Bouaké et l'autre non loin de Bangolo.[72] Un groupe de trois chauffeurs a expliqué à Human Rights Watch qu'ils avaient observé des jeunes femmes s'habillant avec des vêtements déchirés peu attrayants pour s'enlaidir le plus possible, ou même se travestissant en jeunes hommes, afin d'éviter le harcèlement et l'exploitation sexuelle prévisibles aux barrages.[73]

Par exemple, une des survivantes de ce type de violence a raconté à Human Rights Watch comment elle avait été kidnappée à un barrage, battue, déshabillée, et violée par un officier des Forces Nouvelles à Danané en fin janvier 2006, apparemment à titre de représailles pour son soutien supposé au gouvernement. Elle pense avoir été prise pour cible parce qu'elle voyageait en provenance d'Abidjan, et elle a été donc accusée d'être une espionne du gouvernement :  

Je suis restée à Abidjan quand la guerre est arrivée. Je n'avais pas de contact avec mes parents et mes deux enfants. Je me faisais tellement de souci pour eux… Finalement en 2005 j'ai décidé de quitter Abidjan et je suis partie le 26 janvier 2006, et arrivée le 27 janvier. Les rebelles me harcelaient beaucoup aux barrages et ils me demandaient de l'argent et ils disaient que mes papiers n'étaient pas propres et quelques-uns voulaient que je reste avec eux. Malgré ça, j'ai réussi à arriver presque jusqu'à Danané…et là encore ils m'ont demandé mes papiers. Les rebelles disaient:«Tu esune espionne, on connaît les gens comme toi. Tu es une menteuse, ce papier est la preuve.» Ils m'ont enfermée dans une case et toute la journée ils m'ont maltraité et frappé et menacé…Puis à 18 heures, ils m'ont envoyée à la ville de Danané dans le quartier de Belleville au Chef de Poste… Je lui ai dit que je ne suis pas espionne, je viens d'être opérée et je ne voulais pas mourir sans voir ma mère et mes enfants. Mais il a déchiré mes vêtements et il m'a frappée très fort et je disais «Pardon, pardon, je viens d'avoir une opération» et j'essayais de lui montrer ma cicatrice mais il m'a violée quand même. C'était la première fois que j'avais eu des relations sexuelles depuis mon opération et ça faisait très mal, il m'a forcée très brutalement. Je me suis évanouie. Et je me suis réveillée et j'ai vu qu'il m'avait laissée par terre, nue, et je l'ai entendu parler aux hommes dehors, puis je l'ai entendu dire «On l'amène en brousse, préparez-vous.» Alors j'avais très peur et j'ai poussé une chaise contre une fenêtre et j'ai sauté par la fenêtre toute nue. Et j'ai rampé et je suis arrivée à une maison et ils m'ont donné un pagne [un tissu que les femmes enroulent autour d'elles] et après un moment je me suis enfuie.[74]

Presque tous les 15 membres d'ONG et responsables de la société civile interrogés séparément et indépendamment par Human Rights Watch à l'ouest sous contrôle des Forces Nouvelles ont confirmé que la violence sexuelle continue aux barrages. Ils ont remarqué que les femmes sur les marchés étaient particulièrement vulnérables, du fait de la nature de leur travail qui les obligeait à voyager pour vendre leurs marchandises. Selon les membres d'ONG et les responsables de la société civile ainsi que les chauffeurs d'autobus, les femmes travaillant sur les marchés se voient systématiquement rackettées aux barrages. Celles qui ne peuvent pas payer les pots-de-vin réclamés sont souvent retenues et exposées aux abus sexuels, y compris le viol.

Différences chronologiques: violence sexuelle pendant la période «ni paix ni guerre» 2004-2007

Quand les troupes françaises et de l'ONU ont commencé à patrouiller la zone tampon entre les Forces Nouvelles au nord et les forces du gouvernement au sud, les combats actifs se sont interrompus, et l'impasse politique et militaire de 2004-2007 a commencé. Cette période a souvent été décrite comme «ni paix, ni guerre,» qui a épargné au pays les affrontements militaires de 2002-2003 sans pour autant voir naître une paix durable. Si les abus contre les civils étaient plus concentrés dans la période d'hostilités actives auparavant, de graves violations ont cependant continué à se produire pendant cette phase de tension et de militarisation accrue, telles que des massacres, des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture, de harcèlement, de pillage, et d'intimidation.[75]

Human Rights Watch a documenté moins de cas d'abus sexuels commis par les Forces Nouvelles pendant la période 2004-2006 que ce n'était le cas pendant la guerre de 2002-2003, ou dans la périodes suivant les combats actifs. En dépit de leurs préoccupations face aux abus continus, bon nombre des représentants de la société civile et d'ONG actifs dans la zone contrôlée par les Forces Nouvelles Cette constatèrent également une amélioration.[76]

En l'absence de données plus exhaustives et scientifiques sur les tendances et la fréquence de la violence sexuelle, il est impossible d'être sûr des raisons de la diminution des attaques sexuelles et autres depuis 2004. Cependant, les observateurs locaux et les membres de la société civile attribuent la diminution des agressions sexuelles d'abord et surtout au départ en 2003 des combattants libériens et sierra léonais (qui furent les plus notoires agresseurs sexuels) ; deuxièmement à l'impact des forces françaises de maintien de la paix chargées de contrôler une zone tampon connue sous le nom de «Zone de confiance» et qui effectuaient des patrouilles régulières ; troisièmement à l'arrivée des troupes de l'ONUCI qui faisaient de même[77]; et quatrièmement à quelques efforts de la part de certains chefs rebelles pour traiter le problème. Par exemple, après les sanctions imposées par l'ONU contre le commandant rebelle Martin Kouakou Fofié pour violations majeures des droits humains en février 2006, le dirigeant des Forces Nouvelles, Guillaume Soro, a ordonné une réduction numérique des barrages, peut être en partie en reconnaissance des nombreux cas d'atteintes aux droits humains qui s'y produisaient.[78]

Le porte-parole des Forces Nouvelles Sidiki Konaté a déclaré le 26 mai 2006 lors d'une conférence de presse que les Forces Nouvelles étaient responsables pour les crimes commis dans les zones sous leur contrôle. Il a déclaré : «Chacun répondra de ses actes, des atteintes aux droits humains… cette crise finira un jour, mais les crimes ne pourront pas être effacés. Il faut faire attention et comprendre qu'avant, c'est différent de maintenant. Il y a des choses qu'on pouvait faire parce que la communauté internationale n'était pas là. Il faut désormais arrêter car les temps ont changé avec la présence de la communauté internationale. Les FN vont continuer la sensibilisation de l'ensemble des autorités des FN et de leurs éléments sur le terrain.»[79]

Cependant, des abus sexuels continuent à se produire. Human Rights Watch a documenté et reçu de nombreux rapports sur des abus sexuels dans la partie de la Côte d'Ivoire contrôlée par les Forces Nouvelles entre 2004 et 2006, surtout des viols et des viols collectifs. Bien que les représentants de la société civile aient unanimement constaté que la situation s'était considérablement améliorée depuis la fin des hostilités actives, ils ont été catégoriques sur le fait que la violence sexuelle demeurait un réel problème. Une responsable d'une ONG locale des droits des femmes a déclaré à Human Rights Watch à l'automne 2006 :

Nous constatons de la violence sexuelle jusqu'à aujourd'hui, vous savez. Comme à Vavoua, une jeune fille était victime d'un mariage forcé avec son cousin et elle s'est enfuie. Elle est allée chercher de l'aide auprès de l'autorité locale, qui était un chef rebelle. Il l'a forcée à devenir sa femme… Il y a un mois.[80]

De même, la Division des Droits de l'Homme de la Mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (ONUCI) a documenté des dizaines de cas de violence sexuelle commis par des combattants rebelles de 2004 à 2006.[81] Certains de ces cas, qui ont eu lieu dans toutes les zones sous contrôle des Forces Nouvelles, comportent des viols, des viols collectifs et des agressions sexuelles à l'encontre de femmes et de filles à Vavoua, Bouaké, Konankankro, Ibodokro, Korhogo, et d'autres localités du nord.

Différences régionales dans les abus sexuels commis par les rebelles

Les abus sexuels commis par les rebelles n'ont pas eu la même intensité ni la même fréquence dans toutes les zones sous contrôle des Forces Nouvelles. La mesure dans laquelle les commandants ont toléré, encouragé ou participé à la violence sexuelle semble avoir influencé la prévalence de la violence sexuelle dans certaines zones rebelles.

Dés le début du conflit ivoirien, des différences régionales pouvaient être constatées. Les territoires du centre et du nord, contrôlés par le MPCI, ont été épargnés par la violence sexuelle largement répandue qu'ont connue les civils à l'ouest sous contrôle du MPJ et du MPIGO.[82] Depuis l'expulsion en 2003 des mercenaires libériens et sierra léonais, l'ouest a été contrôlé plus étroitement par les dirigeants du MPCI à Bouaké, mais les commandants locaux des Forces Nouvelles à Man et Danané semblent rester relativement indépendants par rapport au contrôle centralisé.

Quand Human Rights Watch a menédes recherches en 2003, les civils qui vivaient dans les zones du centre et du nord sous contrôle du MPCI (y compris certains qui n'étaient pas des sympathisants de la cause des rebelles) ont témoigné que le MPCI respectaient généralement davantage les civils dans les villes dont ils s'emparaient dans le nord, organisant des réunions avec la population civile, expliquant leurs objectifs, et disant aux civils qu'ils n'étaient pas là pour s'attaquer à eux.[83] Une raison plausible de ce type de comportement est que le MPCI se considérait initialement comme un mouvement de libération et voulait maintenir sa réputation comme tel dans le centre nord, en particulier là où les membres du MPCI ressentaient des affinités ethniques ou autres avec la population, ayant subi les mêmes discriminations aux mains des forces de sécurité majoritairement sudistes.

Néanmoins, malgré ces rapports positifs et les efforts du MPCI pour réprimer les atrocités du MJP et du MPIGO, les membres du MPCI du centre nord se sont rendus coupables de nombreuses violations flagrantes des droits humains, qui rappellent celles commises par leurs alliés à l'ouest. Par exemple, quand les rebelles ont pris Bouaké en septembre 2002, ils ont arrêté une centaine de gendarmes et les ont détenus dans les casernes de la 3ème Bataillon de la Gendarmerie. Plusieurs semaines plus tard, le 6 octobre 2002, entre 90 à 131 corps ont été découverts dans une fosse commune au cimetière communal de Dar Es-Salaam à Bouaké, dont beaucoup auraient été liées à la gendarmerie. On pense que les morts auraient été sommairement exécutés par le MPCI.

Les meurtres n'ont pas été les seuls châtiments infligés par le MPCI aux personnes soupçonnées de soutenir le gouvernement ; la violence sexuelle a aussi été utilisée. Des groupes locaux de défense des droits humains ont fait état de cas de violence sexuelle où les rebelles du MPCI ont pris pour cible des femmes dont des membres de la famille étaient affiliés à la police et à d'autres responsables gouvernementaux, des femmes affiliées au FPI (le parti au pouvoir), et certains groupes ethniques considérés comme étant fidèles au gouvernement ou simplement hostiles aux Forces Nouvelles.[84] La plupart de ces cas se sont produits au cours des premiers mois de la rébellion, de septembre à décembre 2002, période durant laquelle les atrocités des rebelles du MPCI autour de Bouaké ont terrifié les civils et déclenché un déplacement massif des populations.[85] Un leader de la société civile d'une ville du nord a décrit cette dynamique à Human Rights Watch :

Bouaké avait beaucoup de Baoulés et d'autres personnes originaires du sud, mais aussi des gens originaires du nord. Les Baoulés et les gens du sud soutenaient les loyalistes et le gouvernement, et donc beaucoup d'entre eux ont fui Bouaké quand les rebelles ont gagné. Ngatakro, Aouniansou et d'autres quartiers Baoulés et de gens du sud sont presque vides depuis que les rebelles sont arrivés, alors que Koho et Dar Es-Salaam sont très animés et pleins de vie, parce qu'ils ont toujours été Dioulas. Les quartiers se sont vidés parce que les gens ont subi des exactions. Ils ont été pillés et aussi il y a eu des violences sexuelles.[86]

Quand les populations principalement Baoulés ont fui, elles sont descendues vers le sud dans le territoire sous contrôle du gouvernement, en particulier à Yamoussoukro et à Abidjan. Des sages-femmes et des travailleurs sociaux basés à Yamoussoukro ont dit à Human Rights Watch qu'en novembre et décembre 2002, ils avaient soigné des dizaines de femmes qui avaient été violées par les rebelles.[87]

Quand ils furent sur le terrain à ce moment, Amnesty International documenta des cas dans lesquels les rebelles du MPCI ont violé des parentes d'agents gouvernementaux à Bouaké. Par exemple, dans un des cas documentés, les rebelles ont fait subir un viol collectif à la femme d'un fonctionnaire du ministère des Finances lorsqu'ils ont pris Bouaké en septembre 2002. Cette femme Baoulé qui avait la quarantaine a subi un viol collectif par des rebelles du MPCI dans sa maison, devant son mari et ses enfants.[88]

En plus des agressions contre des civils comprenant le viol ou le viol collectif des femmes, les rebelles du MPCI ont aussi réduit des femmes à l'esclavage sexuel. Par exemple, Amnesty International a rapporté un cas dans lequel trois sœurs âgées de 17, 16 et 12 ans ont été «gardées comme épouses» dans leur propre maison par des rebelles occupants du MPCI en septembre 2002. Si les deux sœurs plus âgées ont selon le compte-rendu réussi à s'échapper, la plus jeune est morte en chemin.[89] Les rebelles du MPCI ont aussi recruté des femmes sous la contrainte pour prendre part aux hostilités actives, et presque toutes ont été violées ou ont subi une autre forme de violence sexuelle, selon Amnesty International.[90] Une jeune femme de vingt-deux ans a raconté à Amnesty International comment elle avait été enlevée à Bouaké par le MPCI en septembre 2002 ainsi que de nombreuses autres jeunes femmes, comment elle et beaucoup d'autres avaient été frappées à coups de barres de fer et de bâtons, et comment celles qui refusaient de porter l'uniforme auraient été tuées. Elle a aussi décrit la façon dont elle et les autres furent violées à partir du premier jour de leur captivité. Pendant les deux premiers jours, les rebelles violaient toutes les captives sans distinction, suite à quoi attribuèrent une femme à chaque rebelle pour qu'elle lui serve d'esclave sexuelle.[91]

De plus, au fur et à mesure que le temps passait et que les salaires et les provisions à disposition des rebelles ivoiriens diminuaient, la conduite des soldats du MPCI s'est détériorée même dans la zone nord, avec plus d'incidents de pillage et de viol signalés dans le territoire sous contrôle du MPCI en 2003.

Tout comme les soldats du MPCI dans le centre du pays autour de Bouaké, les rebelles dans la zone nord commettaient aussi des viols et autres violations des droits humains pendant le conflit. Par exemple, Amnesty International a documenté comment dans la région de Korhogo, non loin de la frontière avec le Mali, les rebelles du MPCI auraient violé plusieurs femmes qui fuyaient vers le Mali, et tranché la gorge d'un homme accusé d'appartenir à une force pro-gouvernementale.[92]

Les préoccupations relatives à la violence sexuelle et à d'autres crimes contre l'humanité ont fait partie des raisons de la mise en œuvre des sanctions économiques et d'interdiction de voyager prises par les Nations Unies à l'encontre du commandant de Korhogo, Martin Kouakou Fofié.[93] Selon la déclaration du Comité des sanctions de l'ONU du 7 février 2006 : les forces sous son commandement se sont livrées au recrutement d'enfants soldats, à des enlèvements, à l'imposition du travail forcé, à des sévices sexuels sur les femmes, à des arrestations arbitraires et à des exécutions extrajudiciaires, contraires aux conventions des droits de l'homme et au droit humanitaire international.[94]

Etant donné que la mission de Human Rights Watch ne comportait pas d'enquête de terrain aux environs des villes du nord-ouest de Odienné ou de Touba, il est impossible à l'heure actuelle de décrire les caractéristiques des violences sexuelles dans ces régions. De plus, du fait en partie des problèmes de sécurité et de restrictions de financement, les agences d'aide et les ONG locales n'ont pas pu réaliser un travail solide sur la violence sexuelle dans les vastes parties du nord rural. Une spécialiste de la violence basée sur le genre travaillant en Côte d'Ivoire a déploré:

Ces régions [comme Odienné] sont un grand trou noir. Nous n'avons aucune information. Qui sait ce qui s'est passé là ? C'est probablement mieux que ce qui s'est passé dans l'ouest, mais ça pourrait être plutôt mauvais. Nous ne le savons pas.[95]

Abus sexuels commis par les forces pro-gouvernementales

Depuis 2000, les forces pro-gouvernementales se sont rendues coupables de nombreuses violences sexuelles à l'encontre de femmes et de jeunes filles, tels que le viol, le viol collectif, les actes de torture sexuelle, et l'esclavage sexuel. Les abus sexuels commis par les forces pro-gouvernementales ont commencé au début de la crise politique en 2000, ont atteint leur apogée pendant les hostilités armées de 2002-2003, mais continuèrent par la suite (2004-2006), en particulier pendant les périodes de forte tension politique.

 

Nombre d'abus sexuels commis par les forces pro-gouvernementales semblaient politiquement motivés, et furent commis à l'encontre de femmes et de filles considérées comme soutenant les rebelles basés au nord ou l'opposition politique. Les plus vulnérables aux attaques étaient des femmes liées au parti d'opposition, le Rassemblement des républicains (RDR), surtout celles dans les familles des responsables de ce parti ; des femmes appartenant à des groupes ethniques venant principalement du nord comme les «Dioulas» (le terme Dioula est souvent utilisé pour désigner non seulement des ivoiriens mais aussi des personnes originaires du nord ou de l'étranger en général); et des femmes originaires d'autres pays ouest africains, surtout le Burkina Faso et le Mali.

La période la plus intense de violences sexuelles commises par les forces pro-gouvernementales s'est déroulée dans le contexte des hostilités actives, de septembre 2002 à mi 2003, alors que le gouvernement et les rebelles luttaient pour le contrôle de la Côte d'Ivoire, surtout à l'ouest.[96] Certaines des pires violences sexuelles au cours de cette période semblent avoir été commis par des libériens mercenaires progouvernementaux. Les crimes sexuels flagrants commis par les forces pro-gouvernementales étaient souvent accompagnés d'autres atrocités graves, telles que des massacres, tortures, mutilations, recrutements forcés d'enfants et d'adultes.[97]

Même suite à la cessation du conflit armé actif en 2003, les forces pro-gouvernementales continuèrent à commettre des abus sexuels graves contre des femmes et des filles dans tous les territoires sous leur contrôle. Les sévices sexuels dans cette période - de fin 2003 à 2006 - étaient souvent associés aux développements militaires et politiques clés en Côte d'Ivoire, tels que des émeutes, des marches, des affrontements interethniques, et d'autres moments propices à la violence à large échelle. Par exemple, sur 15 cas de violence sexuelle documentés par Human Rights Watch pendant cette époque Abidjan, six ont eu lieu en période de crise politique ou sécuritaire. La plupart de ces cas concernaient des femmes qui semblaient avoir été choisies sur la base de leur appartenance ethnique, de leur nationalité, ou leur affiliation réelle ou présumée aux groupes rebelles et d'opposition.

Les différentes forces pro-gouvernementales impliquées dans les exactions

Les forces impliquées dans des violences sexuelles comprennent des membres des forces armées officielles et des institutions chargées de l'application de la loi, ainsi que des nombreuses milices armées pro-gouvernementales et de groupes informels de jeunes progouvernementaux.

Forces de sécurité officielles

Les forces de sécurité associées aux violations des droits humains comprennent les gendarmes, chargés de faire respecter la loi et de maintenir l'ordre dans un district (essentiellement dans les zones rurales) ; la police, qui doit maintenir l'ordre et faire respecter la loi dans les villes ; et les Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI, qui regroupent l'armée, les forces aériennes, et la Marine). D'autres unités fonctionnent comme des unités paramilitaires attachées à des forces différentes, comme le Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS), la Brigade anti-émeute (BAE), la Garde Présidentielle (GP), le Groupement de Sécurité Présidentielle (GSP), et la Garde Républicaine (ou GR).[98]

Milices

Depuis l'irruption des hostilités armées en 2002, les milices urbaines et rurales ont joué un rôle de plus en plus actif dans les questions de sécurité nationale, comme la gestion de barrages sur les routes principales dans les zones contrôlées par le gouvernement, les vérifications d'identité des civils, et de façon générale la prise en charge de tâches remplies habituellement par les forces de sécurité gouvernementales en uniforme. Les dirigeants des milices affirment qu'ils sont à l'avant-garde des forces qui défendent le gouvernement, en compensation d'une armée qui a été partagée selon des lignes régionales et ethniques depuis la rébellion de 2002.[99] Des diplomates aussi bien que des fonctionnaires ivoiriens font référence aux milices comme à des «forces de sécurité parallèles.»[100] Ces milices ont été instrumentalisées par les responsables du gouvernement pour violemment réprimer les manifestations de l'opposition, intimider les dissidents critiques envers le gouvernement, museler la presse, fomenter de violents sentiments xénophobes, et attaquer des villages dans les zones productrices de café et de cacao situées à l'ouest.

Les milices urbaines opérant surtout à Abidjan comprennent entre autres les Jeunes Patriotes ; le Groupement des Patriotes pour la Paix (GPP) ; un groupe étudiant progouvernemental radical appelé la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI) ; le mouvement de jeunesse du FPI (le parti au pouvoir) ; et des groupes plus petits comme par exemple les Scorpions à Yamoussoukro.[101]

De nombreuses autres milices pro-gouvernementales opèrent au sud-ouest autour de Toulepleu, Duékoué et Guiglo, la plus importante étant les Forces de Libération du Grand Ouest (FLGO).[102] D'autres milices à l'ouest sont, entre autres le Mouvement pour la libération de l'ouest de la Côte d'Ivoire (MILOCI); l'Alliance Patriotique Wê (AP-Wê); et l'Union des Patriotes pour la Résistance du Grand Ouest (UPRGO). D'autres milices plus petites opèrent aussi à travers l'ouest, comme par exemple le Front de sécurité du centre ouest (FSCO) et la Solidarité Africaine (SOAF). La plupart des recrues de ces milices de l'ouest viennent des groupes ethniques Guéré, Bété, Attie, Abeys, Dida, Wê, et Krou.

Mercenaires libériens

Depuis 2002, le gouvernement a recruté et utilisé des mercenaires libériens, y compris des enfants, pour combattre aux côtés des milices et des forces armées gouvernementales, surtout au sud-ouest. Beaucoup des forces libériennes invitées et soutenues par le gouvernement, ont des liens avec les groupes rebelles libériens notoires pour les exactions commises par leurs éléments tels que les Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie («Libérians United for Reconciliation and Democracy» ou LURD) ou le Mouvement pour la Démocratie au Libéria («Movement for Democracy in Libéria» ou MODEL). Nombreux combattants libériens souvent désignés comme les forces «Lima» ont combattu avec le Front de libération du grand ouest (FLGO).[103] Que ce soit le fruit d'une politique organisée telle quelle ou d'un manque de contrôle du gouvernement, le fait est que les libériens sont devenus les autorités de facto dans certaines de «leurs» zones, agissant souvent en collaboration avec les membres des comités d'autodéfense ivoiriens comme par exemple des milices Guérés.

Loyalistes

Les victimes et les témoins interrogés par Human Rights Watch n'ont pas toujours été capables d'identifier avec précision le groupe armé responsables d'abus sexuels, qui furent souvent commis dans des situations extrêmement chaotiques, par des hommes armés en civil ou en uniformes non conformes et dépareillés, voire même des uniformes sans insigne identifiable. Par surcroît, des mercenaires libériens, des milices civiles et des forces de sécurité officielles coopérèrent pour reprendre aux rebelles des villes et des territoires et donc apparaissaient souvent en groupes mixtes, surtout en 2002 et 2003. Human Rights Watch a reçu des informations récurrentes selon lesquelles depuis le début de la guerre, nombre de gendarmes et de policiers revêtirent des tenues militaires de camouflage.

Sans uniformes, souvent sans direction ni hiérarchie claires, caractérisés par des liens obscurs au gouvernement, l'identité de nombreux hommes armés pouvait être difficile à déterminer. De ce fait, beaucoup de victimes et de témoins interrogés dans le cadre de ce rapport ont seulement pu décrire leurs assaillants comme des «corps habillés », « hommes du gouvernement», ou «loyalistes».

Abus sexuels commis pendant les hostilités actives, 2002-2003

La période la plus intense d'abus sexuels commis à l'encontre des femmes et des filles par les forces pro-gouvernementales a eu lieu pendant la période d'hostilités actives de septembre 2002 jusqu'en mi 2003, et dans les zones où les batailles étaient les plus féroces, essentiellement à l'ouest et autour de la ligne séparant le sud gouvernemental et le nord rebelle. Des troupes gouvernementales et des milices ethniques ont été impliquées, quoique les mercenaires libériens fussent les combattants progouvernementaux les plus souvent associés avec les plus graves violations, y compris les abus sexuels particulièrement atroces.

Témoignant des violences sexuelles commis par les forces pro-gouvernementales dans la bataille pour la ville de Man, dans l'ouest du pays, la présidente d'une association de femmes, qui était aussi une guérisseuse traditionnelle et avait soigné de nombreuses femmes victimes de viols et de viols collectifs commis par les forces pro-gouvernementales, s'est exprimée sur la violence utilisée par ces groupes. Les exactions qu'elle a soulevées auraient été commises entre le 1er et le 18 décembre 2002, lorsque les forces gouvernementales ont repris Man aux rebelles.[104]

Mon mari est mort dans la guerre avec mon enfant de 4 ans… Mon neveu a eu une balle tirée dans le pied… Ils sont venus dans ma cour, à Man. Ils ont tiré en l'air tellement que tout le monde était terrifié et depuis ça, un de mes enfants ne va pas bien dans sa tête à cause de la peur. Il y a eu tellement de meurtres que nous avons dû enterrer mon enfant dans la cour. Ce sont les loyalistes qui ont fait ça. Quand ils ont repris la ville de Man, ils ont violé beaucoup de femmes, presque toutes ces femmes étaient des Dioulas … Beaucoup de femmes … sont venues me voir pour la violence sexuelle, parce que je suis une guérisseuse traditionnelle et aussi parce que je suis la présidente [d'une association de femmes]. J'ai soigné personnellement au moins 30 femmes, mais beaucoup d'autres viennent et j'ai entendu parler de plus de 100 cas [dans la guerre]. Je ne peux pas les aider toutes.[105]

Des sages-femmes, des infirmières et des travailleuses sociales ont transmis à Human Rights Watch des informations portant sur des dizaines de viols et d'autres formes d'agressions sexuelles perpétrés par les troupes pro-gouvernementales en 2002 et 2003. Leurs informations renforçaient des rapports confidentiels que des ONG locales et internationales opérant dans les villes de Man, Blolequin et Toulepleu, situées à l'ouest ont montré à Human Rights Watch. [106]

Selon les victimes, les témoins et les travailleurs sociaux, les milices Guérés - actives au sud-ouest autour de Guiglo - auraient été impliqués dans de nombreux abus. Les violences sexuelles qu'ils commirent ainsi que d'autres forces pro-gouvernementales ont souvent eu lieu dans le contexte d'autres violations flagrantes des droits humains. Les personnes interrogées ont décrit pour Human Rights Watch la façon dont ces hommes armés ont perpétré des violences sexuelles en même temps que d'autres exactions, à savoir l'extorsion, le harcèlement, les coups et blessures, la torture, et les meurtres.

Les milices Guérés semblent avoir pris spécialement pour cibles les individus d'origine ouest africaine, en 2002 et 2003, dont ceux du Burkina Faso et du Mali. Par exemple, une femme musulmane d'origine Burkinabée a expliqué à Human Rights Watch que dès le début de la guerre, sa communauté, près de la ville frontalière de Zouan-Hounien, avait subi nombre d'atrocités y compris des violences sexuelles de la part des «Loyalistes».

Ma mère et mon père ont été tués à Miadatou, près de Zouan-Hounien. Ce sont les loyalistes qui ont fait ça … Ils sont arrivés, ils tiraient en l'air, tout le monde criait et criait et courait et puis ils ont tranché la gorge à quatre personnes là, devant moi. Quand ils ont fini de les tuer, ils ont battu les autres, alors nous avons fui dans la brousse. Tout le village a été brûlé. Il n'est resté que trois maisons. Après ça nous avons fui… Je suis partie parce qu'il y avait trop de coups de feu alors je me suis enfuie… Nous ne savons même pas où est le reste de la famille. Quand on était encore au village, les loyalistes ont attrapé des jeunes filles et les ont mises dans une maison, et ils ont dit qu'ils les tueraient si elles refusaient. Les loyalistes qui sont allés dans la maison pour se servir des filles étaient nombreux, je ne pourrais pas les compter. Une fille avait 12 ans, une avait cinq ans, une autre sept. J'ai vu ça de mes propres yeux. Nous savons tous qu'elles ont été violées. Elles étaient très petites. Ces filles pleuraient… Je me sens très traumatisée après tout ça.[107]  

Beaucoup de violences sexuelles semblent avoir eu lieu durant des campagnes de violence organisées par les forces pro-gouvernementales, conçues pour forcer les «allogènes» (les étrangers) à quitter les terres qu'ils cultivaient. De ce fait, pour nombre de victimes et de témoins, les violences sexuelles faisaient souvent partie d'un contexte de souffrances et de perte plus générale éprouvées : villages ou maisons incendiés, possessions volées, familles et amis tués. Toutefois, il est apparu que les conflits interethniques et les attaques contre les plantations dans le sud-ouest étaient davantage caractérisés par une extrême violence physique que par une violence spécifiquement sexuelle.[108] Beaucoup de victimes et de témoins ont décrit des actes de violence collective, de harcèlement, d'intimidation, de tortures, de massacres, de la destruction de villages, mais ont déclaré n'avoir jamais vécu ni été témoin de violence sexuelle.[109] Dans une étude sur les problèmes fonciers et les conflits entre foyers Bétés et Burkinabés dans la région forestière du centre ouest de la Côte d'Ivoire, l'historien Joshua Strozeski a constaté une augmentation de 500% des conflits physiques après le vote d'une loi foncière discriminatoire contre les étrangers, mais il n'a pas découvert de pics aussi choquants de la violence sexuelle.[110]

De plus, tous les chefs locaux et les milices des territoires contrôlés par le gouvernement ne se sont pas livrés au même titre à des violences sexuelles ou autres contre les «étrangers» et les musulmans. En fait, certains dirigeants locaux ont résisté à la vague de xénophobie qui a balayé les zones contrôlées par le gouvernement et ont refusé de se joindre aux persécutions fondées sur l'appartenance ethnique ou religieuse, ou de les autoriser. Une femme a expliqué à Human Rights Watch qu'elle croyait que sa communauté avait été épargnée par les violences interethniques et les agressions sexuelles contre les femmes Burkinabés et autres immigrantes, grâce au refus du chef de son village de laisser commettre de tels abus.

Dans les palabres avec mes amies, beaucoup de gens parlaient des viols. Ça arrivait souvent… [mais] où j'étais, le chef de village n'était pas d'accord avec la violence contre les allogènes.[111]  

Femmes prises pour cibles du fait de leur origine Dioula

Les politiciens au pouvoir, du Président Bédié au Président Gbagbo, ont développé et véhiculé un discours sur l'ivoirité, utilisant souvent la propagande pour manipuler l'imagination sociale et creuser les divisions entre deux groupes : les ivoiriens soi-disant de souche et dont la citoyenneté ne faisait aucun doute, et les individus dont la citoyenneté ivoirienne était douteuse, qui pouvaient même être reclassés comme «étrangers». Au début, cette distinction aurait eu pour but d'écarter de la vie politique des rivaux politiques actuels ou futurs. Cependant, au fil des années, la notion d'ivoirité devint plus forte et renforça les clivages entre les groupes ethniques. À partir de 2000, les partisans du parti politique du RDR ont progressivement été pris pour cibles comme ennemis du gouvernement, de même que ceux considérés comme leurs sympathisants : les gens originaires du nord, les musulmans, les Dioulas, et les personnes d'origine étrangère, en particulier d'origine burkinabée et malienne. Après l'éclatement de la guerre en 2002, cette polémique a adopté une nouvelle interprétation relative à la sécurité nationale, selon laquelle les individus mentionnés ci-dessus étaient perçus comme étant potentiellement des traîtres et partisans des rebelles.

L'ancien Chef de cabinet du Directeur de la police, qui est actuellement le Préfet de police de Korhogo, a parlé à Human Rights Watch de nombreux cas d'agressions sexuelles contre des femmes Dioulas, musulmanes et étrangères, commis par des officiers de police commis même avant l'explosion des hostilités armées de 2002. Il a expliqué comment ses tentatives pour sanctionner des officiers de police accusés de viol entre 1999 et 2001 avaient échoué, et comment, à sa connaissance, aucun des coupables présumés au sein de la police n'avait jamais été puni :

J'étais dans la police pendant 28 ans à Abidjan… J'avais sous mes ordres des hommes originaires du sud qui ne m'obéissaient pas…Ils commettaient des crimes contre les gens du nord, y compris des viols et du harcèlement contre des femmes parce qu'elles étaient musulmanes ou parce qu'elles s'appelaient «Ouattara» par exemple. Toutes sortes de crimes… J'ai constitué des dossiers sur ça et essayé de sanctionner les gens, mais ça n'est jamais allé nulle part. Tout ça a commencé même sous Bédié. Par exemple en 2001, j'ai préparé un rapport sur un collègue pour viol, pour le faire virer, mais à cause de la crise ils ont abandonné l'affaire. Le défaut de sanctions était une façon d'encourager plus de violence sexuelle… et vers la fin mes collègues admettaient que le viol arrivait en périodes de tensions, pendant des descentes.[112]

Depuis 2000 et jusqu'aujourd'hui, les abus commis aux barrages par les forces pro-gouvernementales ont transformé des déplacements en cauchemar pour bon nombre de femmes. Bien que l'extorsion d'argent et les violences physiques soient restées les formes les plus courantes d'abus, des hommes armés aux barrages progouvernementaux ont soumis des femmes et des filles à de multiples formes d'abus sexuels, comme les fouilles à nu, les humiliations sexuelles, le viol, le viol collectif et autres exactions. Une jeune femme a décrit comment elle a vu des gendarmes humilier sexuellement et maltraiter une femme Dioula en 2002 à un barrage à Abidjan, l'accusant de soutenir les rebelles :

Un jour, juste devant moi, je faisais du commerce à Guédiawaye pour revendre mes marchandises à Abidjan ; j'étais avec une femme Dioula. Ils l'ont faite descendre du bus, la police, et ils l'ont forcée à ramper sur les genoux. Elle était enceinte. Ils ont touché ses seins et la fouillaient et ils l'ont déshabillée et ils la maltraitaient. C'était en 2002 pendant la crise.[113]

La jeune femme a dit à Human Rights Watch que les policiers criaient à leur victime qu'elle était une Dioula, et que la guerre «est la faute de ton peuple».

 

Plusieurs femmes dirigeantes du parti d'opposition du RDR ont déclaré à Human Rights Watch qu'elles recevaient régulièrement des plaintes de femmes du RDR (dont la plupart ont des noms à consonance musulmane) par rapport aux harcèlements sexuels, dénigrements, et menaces verbales faisant référence à leur identité nationale ou ethnique. Les dirigeantes estimaient que les fouilles à nu, les humiliations sexuelles, ou les fouilles vaginales avaient lieu plus fréquemment aux barrages se trouvant dans des quartiers principalement musulmans à Abidjan et Yamoussoukro.[114]

De nombreuse victimes, témoins et femmes leaders Dioulas ont dit à Human Rights Watch qu'elles vivaient dans la peur des violences physiques et sexuelles de la police, des gendarmes, et des autres forces pro-gouvernementales. Un témoignage d'une femme Dioula qui vivait à Abidjan et qui a subi un harcèlement sexuel physique et verbal, et peut-être des abus sexuels, illustre cette peur :

Je vendais des choses à Abidjan et les gendarmes nous fatiguaient. Ils nous chassaient et ils ont gâté ma marchandise… Le harcèlement [sexuel] arrivait souvent… même à moi. Mais j'ai trop honte pour en parler. Ça arrivait à beaucoup de femmes au marché… Si je vous dis ce qui m'est arrivé, je vais pleurer. Je ne peux le dire à personne. Au marché, si tu es une femme Dioula, ils nous amènent au poste de police. Ils nous gardent et ils t'enferment et beaucoup d'eux te violent. Si un a fini, les autres viennent et il n'y a pas assez de femmes alors ils passent sur toi…[115]

Beaucoup de viols se sont produits au cours des attaques par le gouvernement contre des «quartiers précaires», surtout ceux occupés par des milliers de personnes d'origine immigrante et de Dioulas. La Croix-Rouge a découvert que du 21 au 24 septembre 2002, 12.000 personnes environ ont été déplacées hors des quartiers avec une forte présence de Dioulas à Abidjan.[116] Durant ces opérations, d'octobre 2002 jusqu'en décembre 2002 et même après, les forces gouvernementales soi-disant à la recherche d'armes et des rebelles ordonnaient souvent aux habitants de partir et brûlaient ou démolissaient leurs logements, se livrant à de multiples atteintes aux droits humains, comme l'extorsion, les arrestations et les détentions arbitraires, les «disparitions,» les exécutions sommaires, le déplacement de milliers de personnes, et les abus sexuels.[117]

Femmes prises pour cibles parce qu'elles étaient «étrangères»

Human Rights Watch et plusieurs autres ONG nationales et internationales ont documenté une tendance claire à ce que des forces pro-gouvernementales harcèlent des femmes d'origine ouest africaine, les prenant souvent pour cible d'abus sexuels de tous types. Parfois, les violences sexuelles commis contre des femmes d'origine ouest africaine se sont déroulés dans le contexte d'attaques contre des campements ou des quartiers majoritairement «Maliens» ou «Burkinabés» . D'autres fois, les forces de sécurité ciblaient des femmes d'origine ouest africaine, par exemple dans les transports en commun au niveau des barrages.

Human Rights Watch a documenté toutes sortes de crimes commis contre les femmes Burkinabés et maliennes, allant des fouilles vaginales jusqu'au viol collectif. Une ONG a documenté des violences sexuelles commises à l'encontre de plus de 100 femmes et filles Burkinabés à l'ouest de la Côte d'Ivoire sous contrôle gouvernemental dans la zone de Moyen Cavally, au plus fort du conflit fin 2002 et début 2003. L'ONG a établi qu'elles avaient été violées ou agressées sexuellement surtout par des hommes armés appartenant à divers groupes progouvernementaux.[118] La zone où les agressions ont eu lieu est un bastion des milices pro-gouvernementales. Un représentant de l'organisation a dit à Human Rights Watch que beaucoup des attaques sexuelles avaient été commises dans le contexte de fouilles au corps pour découvrir de l'argent caché, et que la plupart de ces femmes avaient fui par la suite au Burkina Faso : [119]

Beaucoup des femmes Burkinabés qui ont été violées sont parties au Burkina Faso. Nous avons fait une recherche avec des groupes de travail… Les femmes disaient que le viol était fréquent. Elles étaient agressées et fouillées pour trouver de l'argent. Si elles n'avaient pas d'argent, alors elles étaient violées. Ça a commencé parce qu'il y avait une rumeur selon laquelle les femmes Burkinabés cachaient l'argent de leurs maris dans leurs sous-vêtements. Elles étaient violées à partir de l'âge de 16 ans jusqu'à la quarantaine.[120]

Une femme Burkinabée a parlé à Human Rights Watch de l'expérience de sa sœur, victime des sévices sexuels infligés par des éléments des forces pro-gouvernementales dans une communauté du sud-ouest, non loin de la frontière libérienne. Dans un premier temps, les milices Guérés et les loyalistes ont attaqué et violé des civils dans sa communauté lorsque la guerre faisait rage, et par la suite, en 2005, deux de ses sœurs âgées de 12 et 13 ans ont été violées collectivement par des miliciens. De plus, elle a été témoin d'un viol collectif commis par les loyalistes :

Nous sommes d'un campement [communauté rurale] avec surtout des Burkinabés. Nous avons souffert. Ils nous font peur, ils veulent qu'on parte. Ils volent nos affaires et nous disent «rentrez chez vous ou on vous tue.» [Des miliciens] ont violé deux de mes petites sœurs en 2005. Dans la soirée, elles étaient allées voir leur grande sœur et les miliciens les ont prises, les filles avaient peur, une avait seulement 12 ans et l'autre 13. Les miliciens les ont fait boire. Les filles ne savaient pas quoi faire ou comment chercher de l'aide. Puis les hommes ont tous violé mes sœurs. On pleurait tous. Nous les avons envoyées à Danané pour les faire soigner. Je suis partie alors je ne sais même pas si elles vont bien maintenant. Je me fais du souci pour elles. Aussi une fille qui venait du marché à Zouan-Hounien, elle a été violée devant moi par des loyalistes… Je les ai vus qui la harcelaient et la prenaient et alors je me suis enfuie et je me cachais et je l'ai entendue crier «pardon, pardon »… Ils savaient qu'elle était Burkinabée à cause de son nom sur sa carte d'identité.[121]

Beaucoup de cas d'abus sexuels à l'encontre de femmes originaires d'Afrique de l'Ouest concernaient des victimes fouillées à nu, contraintes de se déshabiller ou soumises à des fouilles vaginales dans le but apparent de les humilier. Une ONG basée à Abidjan a parlé à Human Rights Watch de trois cas de fouilles vaginales des femmes Burkinabés, à des barrages gérés par des gendarmes à Abidjan entre 2003 et 2005.[122] Une autre organisation a documenté de nombreux cas de fouilles vaginales sur des femmes Burkinabées et maliennes à des barrages autour de la ville de Guiglo au sud-ouest, ville contrôlée par des milices pro-gouvernementales.[123] Les victimes venues chercher des soins et de l'aide auprès d'ONG locales ou internationales ont décrit ces expériences comme étant profondément humiliantes et traumatisantes.

Une femme ivoirienne musulmane a expliqué comment elle avait vu de nombreuses femmes attaquées par des miliciens progouvernementaux Bétés sur un marché essentiellement musulman à Abidjan en automne 2002. Les femmes qui y étaient considérées comme étant d'origine étrangère furent déshabillées totalement ou en partie, dans des actes d'humiliation sexuelle.

C'est arrivé devant moi à Abobo. Ils sont arrivés, ils ont pris tout le monde, ils nous battaient, ils en ont déshabillé beaucoup et battu, battu et battu les gens : des Maliennes, des Guinéennes, des Burkinabées, mais pas beaucoup de Dioulas. Des jeunes hommes Bétés ont fait ça. J'ai vu trois femmes qu'ils ont battues et déshabillées devant moi. J'ai eu de la chance parce qu'une femme ivoirienne nous a cachées. C'était quand la guerre était chaude.[124]

Dans certains cas, les fouilles vaginales et les humiliations sexuelles ont pu anticiper des formes bien plus graves d'abus sexuels. Par exemple, une femme malienne prise pour cible d'abus sexuels a expliqué comment un policier l'avait accusée d'être une rebelle du fait de sa nationalité malienne, puis l'avait déshabillée, avait introduit ses doigts dans son vagin, l'avait battue, puis violée vaginalement et analement en juin 2005, sur la route du sud conduisant à la ville de Duékoué à l'ouest :

J'avais caché mes [papiers maliens] dans une des poches de mes vêtements. Parce qu'au Mali tout le monde m'avait dit que si on donnait ces documents sur le territoire ivoirien on risquait des abus du FDS. Puis, à un barrage au sud de Duékoué, on m'a demandé mes papiers. J'ai dit à l'agent que je n'en avais pas et il m'a amenée à une maison près du passage. Il a fouillé mes poches et il a trouvé mes papiers. Puis il a fouillé mes affaires. D'après lui, il cherchait des drogues que je cachais. Puis il m'a ordonné d'enlever mes habits, il m'a forcée à me mettre nue. Puis il a mis ses doigts dans mon sexe et les a remués sous prétexte qu'il cherchait des drogues, avant de les enlever et de m'ordonner de m'habiller. Il s'est mis à me frapper avec un bâton. Un de ses amis est arrivé et a demandé pourquoi j'étais là. Il a répondu que j'étais une amie des rebelles, et qu'en plus de ça je faisais du trafic de drogues. Pas besoin de dire que j'ai nié toutes ces accusations. Il n'arrêtait pas de dire que j'avais refusé de lui donner mes papiers pour ne pas être identifiée. Alors son ami a [aussi] commencé tout de suite à me battre. Puis le premier agent de police m'a embarquée dans une voiture blanche, sous prétexte que le commissaire de police me faisait demander au poste de police. En route, il m'a dit que j'irais en prison comme femme des rebelles et que le danger pour moi en prison c'est que je serais avec des hommes qui n'avaient pas fait l'amour depuis des années. Aussi ils me violeraient. Il m'a demandé si je pouvais coucher avec cinq ou six hommes l'un après l'autre. J'ai dit «Non,» et j'ai dit «Je ne peux pas, et je ne veux pas.» Il a dit que je devais choisir entre lui et les prisonniers… Il m'a amenée jusque dans une cour… il est venu me demander de coucher avec lui, et j'ai dit «Non, pardon, je ne peux pas faire ça» alors il m'a poussée et je suis tombée et il a abusé de moi. Puis il a mis ses doigts dans mon sexe et il les faisait bouger dans tous les sens. Ces mouvements faisaient très mal. Puis il m'a retournée et il m'a sodomisée. Avant de commencer ces choses, il a posé son arme sur la table.[125]

Ce policier l'a gardée en captivité pendant une nuit et un jour, durant lesquels il l'a forcée à sucer son pénis, l'a battue à nouveau et l'a violée vaginalement et analement encore, et a répété plusieurs fois qu'elle était «une amie des rebelles».[126]   

Human Rights Watch a recueilli des informations sur nombreux autres viols et documenté trois autres cas de viol similaires perpétrés par des forces pro-gouvernementales contre des femmes d'origine burkinabée et malienne. Une dirigeante d'une ONG a expliqué à Human Rights Watch comment elle avait apporté son aide dans des multitudes de violences sexuelles contre des femmes maliennes et Dioulas. Elle a dit à Human Rights Watch qu'elle pensait que des policiers violaient régulièrement les femmes «allogènes» (étrangères) et Dioulas, qu'ils arrêtaient pour diverses raisons. Par exemple, un cas parmi d'autres qu'elle évoqua, datant des premiers mois du conflit armé, concernait le viol d'une femme malienne d'un certain âge qui vivait dans un quartier d'Abidjan majoritairement musulman. Cette femme aurait expliqué à dirigeante qu'elle avait quitté la maison malgré le couvre-feu pour chercher son fils, parce qu'elle avait entendu des coups de feu dehors. En chemin, elle a été embarquée dans un véhicule avec 12 gendarmes ainsi que deux autres femmes, toutes violées avant d'être déposées au poste de police. La dirigeante de l'ONG, qui avait été prévenue de l'arrestation de cette femme, est allée la prendre au poste de police, où elle l'a trouvée débraillée et sanglotante. La dirigeante de l'ONG a cité neuf autres cas impliquant des victimes d'origine Burkinabée, Malienne ou Dioula présentant des particularités comparables, et elle a affirmé avoir documenté bien d'autres cas.[127]

De multiples cas de violence sexuelle contre des femmes Dioulas et d'origine ouest africaines ont eu lieu pendant des descentes dans les quartiers majoritairement Dioulas par des forces de défense et de sécurité. Par exemple, des sources dignes de foi ont documenté un cas en novembre 2003 dans lequel deux jeunes femmes maliennes ont été violées, et une femme enceinte a été battue si brutalement qu'elle a fait une fausse couche, pendant une attaque violente lancée sur le quartier d'Adjamé à Abidjan.[128] Une femme d'origine malienne, vivant dans un quartier d'Abidjan majoritairement musulman, a raconté comment elle avait été violée par des soldats devant son mari, le 25 mars 2004. L'agression a eu lieu pendant la répression du gouvernement faisant suite à une manifestation du RDR :

Pendant la crise après la manifestation de l'opposition, j'ai été abusée par les militaires vers 20 heures. Ils sont rentrés chez nous. Mon mari était dans le salon et mes trois enfants étaient dans leurs chambres. Les soldats ont enfermé les enfants. Je venais juste de sortir de la douche. Ils ont obligé mon mari à s'asseoir et à regarder pendant qu'ils me violaient sous la menace de leurs fusils. Cette honte m'empêche de regarder mon mari aujourd'hui. Je veux revenir au Mali parce que je souffre trop de la honte.[129]

Il y a eu des cas encore plus graves de viols ou de viols collectifs accompagnés de meurtres et d'actes de torture. Une commerçante d'origine Burkinabée a expliqué à Human Rights Watch comment fin 2002 ou début 2003 des hommes portant des uniformes militaires et des civils d'ethnies Baoulé, Bété et Agni l'avaient agressée ainsi que d'autres étrangères, dont une qu'elle a vue se faire violer et tuer. L'incident s'est déroulé sur la route d'Abidjan allant à Lomé, au Togo.

J'étais avec une amie qui est guinéenne et une amie malienne. Je suis Burkinabée. Je vendais des choses entre Lomé et Abidjan. Un jour, nous sommes parties pour Lomé. Sur le chemin du retour, des bandits nous ont arrêtées. Ils ont tué beaucoup de gens ce jour-là : des hommes, des femmes. Ils ont tué un jeune homme qui était avec nous. On avait très peur. Ce jour-là, plusieurs gens ont été tués, beaucoup même. J'ai vu qu'ils tuaient quatre hommes et trois femmes. Les bandits portaient des habits militaires, les soldats de Gbagbo. Il y avait des soldats et des civils mélangés. On nous tuait parce qu'on est des étrangers… c'est ce qu'ils nous ont dit. Ils ont dit que nous devions rentrer chez nous. Les Baoulés, les Bétés, les Agnis maltraitaient les étrangers et on nous tuait. La police ne faisait rien. Un de nos voisins dans ce voyage, sa fille a été violée. Il allait au Niger. Ils ont pris un couteau et découpé son pantalon. Elle a été violée par un premier. Puis un second voulait la violer et elle a résisté. Il l'a tuée.[130]

Certaines violences sexuelles contre des femmes originaires des pays voisins d'Afrique de l'Ouest se sont produits dans le contexte de conflits fonciers interethniques, en particulier au sud-ouest. Le sud-ouest de la Côte d'Ivoire reste vulnérable aux violences et tensions interethniques, caractérisées par la présence des milices et de groupes armés qui attaquent des villages, détruisent des maisons, des écoles, des puits et des centres de santé, entraînant des cycles de déplacement.[131] Des massacres, des viols et quelques massacres ont continué à se produire jusqu'à l'écriture de ce rapport, longtemps après la fin des hostilités actives, et même à l'intérieur de la Zone de confiance quand elle existait encore.

Femmes prises pour cibles parce qu'elles étaient françaises ou blanches

Des femmes étrangères d'origine non africaine ont aussi été la cible de violences sexuelles pour des motifs politiques. Plusieurs femmes blanches, probablement françaises, ont été violées au cours des émeutes et des attaques antifrançaises qui ont secoué Abidjan du 6 au 12 novembre 2004. Ces attaques se déroulèrent suite à une crise militaire entre le forces armées françaises et ivoiriennes : en début novembre 2004, des avions ivoiriens ont rompu un cessez-le-feu et bombardé une base française à Bouaké, tuant neuf soldats français. Les français ont immédiatement riposté en détruisant toute l'aviation militaire ivoirienne, ce qui a déclenché des émeutes antifrançaises, des violences à large échelle à Abidjan et ailleurs, et l'évacuation de 8.000 étrangers (des Français pour la plupart).

Selon des officiers de l'armée française, plusieurs femmes blanches ont été violées ; le Général français Henri Poncet, alors commandant de l'opération Licorne (forces françaises de maintien de la paix en Côte d'Ivoire), a déclaré: «Je confirme qu'il y a eu des viols… Il y a eu des exactions, des tragédies pour de nombreuses femmes. Je ne ferai pas d'autre commentaire, par respect.»[132] Le Général Henri Bentégeat, Chef d'état-major de l'armée qui commandait toutes les forces françaises opérationnelles à cette époque, n'a pas hésité à caractériser de «violeurs» les auteurs des pillages de résidences françaises à Abidjan et des agressions contre des citoyens français.[133] Henri Aussavy, alors porte-parole de la Licorne, ainsi que Hervé Ladsous, alors porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Paris, ont confirmé qu'il y avait réellement eu des viols en novembre 2004.[134] Le 12 novembre 2004, la Présidente de l'Union des Français de l'étranger à Abidjan, Catherine Rechenmann, a fait allusion à trois femmes européennes qui avaient été violées et seraient rentrées en France.[135] Human Rights Watch n'a pas pu obtenir d'informations concrètes sur le nombre total de viols, ni d'informations permettant de contacter les victimes, même celles peu nombreuses ayant entamé une action en justice à Paris.[136]

Femmes prises pour cibles à cause de leur affiliation au parti d'opposition, le Rassemblement des Républicains (RDR)

Avant même l'irruption des hostilités en 2002, et dès 2000, des femmes en Côte d'Ivoire ont été prises pour cibles par les forces pro-gouvernementales à cause de leur affiliation - réelle ou supposée - au parti politique d'opposition du RDR. Dans de nombreux cas, ces actes ont terrorisé des familles et des communautés entières, peut-être dans une tentative d'affaiblir leur soutien au parti d'opposition. Certaines femmes ont été violées individuellement ou collectivement à cause des activités politiques d'un mari, d'un père, d'un frère, ou d'un autre parent - même si elles n'avaient jamais pris part elles-mêmes à une activité politique quelconque.

Une vague d'abus sexuels à l'encontre de femmes affiliées à l'opposition a eu lieu en 2000, deux ans avant l'éclatement des combats actifs. Pendant les violences qui caractérisèrent les élections parlementaires et présidentielles de 2000, des policiers, des gendarmes, des soldats et autres forces pro-gouvernementales ont commis de nombreux viols et tortures sexuelles à l'encontre de partisans réels ou supposés du RDR.[137] Les auteurs de ces actes ont souvent commis ces crimes sexuels dans des centres de détention où les détenus aussi bien hommes que femmes étaient victimes d'humiliations et d'abus sexuels, alors qu'ils se trouvaient sous la garde des gendarmes et de la police, ou par des partisans du FPI en présence des forces de sécurité. Les parties génitales des hommes ont subi des coups et blessures, ont été torturées, ont été brûlées, et des détenus ont reçu l'ordre d'avoir une érection et de violer des femmes détenues. Des femmes furent dépouillées de leurs vêtements, battues, menacées d'agression sexuelle, violées, violées collectivement, pénétrées avec des objets, frappées sur les parties génitales, ou humiliées sexuellement. Certains viols ont eu lieu dans les locaux d'un institut technique à Cocody, à l'Ecole nationale de police, et à la gendarmerie de Youpougon.[138]

En dépit de l'indignation nationale et internationale soulevée par ces abus sexuels de 2000, des atrocités contre des membres du RDR et leurs familles se sont poursuivis, ressurgissant en 2002 quand la guerre a éclaté, et continuant tout au long du conflit. A partir de 2002, des femmes associées au RDR ont continuées à être agressées sexuellement par les forces pro-gouvernementales, parfois dans un contexte d'intimidation des membres du RDR en général.

Quant à ce contexte, une Commission d'enquête des Nations Unies,[139] chargée d'enquêter sur les atteintes aux droits humains en Côte d'Ivoire de 2002 à 2004, a produit un rapport bloqué aux Nations Unies et n'a pas été publié. Dans une version non officiellement divulguée de ce rapport, la Commission d'enquête faisait état de nombreux assassinats politiques de dirigeants du RDR. Un groupe éminent de défense des droits humains, le Mouvement Ivoirien des Droits de l'Homme, a documenté environ 300 assassinats de militants du RDR pour la seule période qui a suivi la rébellion.[140] Les entretiens menés par Human Rights Watch avec des victimes, des témoins et des leaders du RDR laissent penser que ces attaques étaient parfois accompagnées d'agressions sexuelles contre des partisans du RDR et les membres féminins de leurs familles. Human Rights Watch a reçu de nombreux rapports et documenté sept cas de 2002 à 2006 dans lesquels des victimes d'abus sexuels semblent avoir été prises pour cibles du fait de leur affiliation au parti du RDR, ou de celle d'un membre de leur famille.

Par exemple, une femme dont la famille était active au RDR a raconté la façon dont des mercenaires libériens et des gendarmes ivoiriens l'avaient violée collectivement devant son mari et puis l'avait tué, après l'avoir accusé d'être un «traître.» L'agression a eu lieu fin 2002 quand les forces pro-gouvernementales ont repris la ville de Daloa aux rebelles. Selon la Commission d'enquête des Nations Unies, de nombreux partisans du RDR ont été pris pour cibles à cette époque, pendant un massacre commis par les forces pro-gouvernementales à Daloa. La survivante du viol a dit à Human Rights Watch qu'elle avait vu de nombreux corps d'autres personnes tuées et qu'elle pensait que d'autres femmes avaient été violées comme elle, du fait de leur affiliation au RDR ou de leur soutien présumé aux rebelles.

J'étais à Daloa quand les rebelles sont arrivés. On était du RDR et on est sortis pour applaudir [les rebelles quand ils ont pris la ville] parce qu'on pensait qu'ils se battaient pour nous. Les gens de Gbagbo ont fait une liste[141] de tous les gens qui sont sortis pour accueillir les rebelles, de tous ceux qui avaient applaudi comme nous. Et plus tard, Gbagbo a envoyé les mercenaires libériens [et d'autres forces pour reprendre Daloa]. Ils sont venus chez nous. Ils [les libériens] parlaient anglais, mélangés avec les gendarmes qui parlaient français. Ils ont frappé mon mari. Quand j'ai protesté et crié, ils m'ont battue terriblement et ils m'ont violée. Devant mon mari. Je ne sais pas combien m'ont violée. Je me suis évanouie et je ne pouvais pas supporter la douleur. Et après je me suis réveillée et j'ai vu qu'ils avaient tué mon mari. Son corps était devant moi. Ils ont surtout tué des hommes et violé les femmes. Mais si vous n'as pas de chance, ils te violent et puis ils te tuent aussi.[142]

Human Rights Watch a documenté deux cas particulièrement graves dans lesquels des femmes dont les beaux-parents étaient des responsables du RDR sembleraient avoir été prises pour cibles d'abus sexuels. Dans les deux cas, au moins un partisan du RDR dans leur famille avait été assassiné. La première femme a raconté à Human Rights Watch comment au début de la guerre elle avait été détenue illégalement, emprisonnée et violée collectivement à plusieurs reprises par huit hommes armés à Abidjan qu'elle n'a pas pu identifier. Elle pensait qu'ils la punissaient à cause de l'activisme politique de son beau-père au RDR :

Le père de mon mari était un gros planteur et il était à la tête [d'un groupe] du RDR. Un jour de la guerre ils sont allés l'attaquer et le tuer, et il est mort. J'étais au marché. Et ils cherchaient mon mari pour le tuer aussi. Ils sont venus me chercher au marché. Ils ont cassé mon magasin où je vends du tissu et ils ont tué des gens devant le magasin. Ils m'ont prise et mise dans une prison. J'ai passé trois jours en prison. J'ai moi-même été violée. J'ai été violée. C'était très dur. Ils nous ont attrapées, dans cette histoire de la politique, nous sept femmes. Si j'en parle, je sens que ça me touche trop et mon cœur est coupé. C'est trop dans mon coeur. Ils passaient sur nous l'un après l'autre. En une heure, ils pouvaient coucher avec moi trois fois dans une heure. Ils nous ont beaucoup violées. Ils sont allés nous mettre dans un endroit comme une maison loin dans la brousse…J'ai vu des corps des femmes mortes. Nous avons trouvé des cadavres de femmes là, dans la maison abandonnée. Je n'avais jamais vu [de] corps comme ça de mes propres yeux avant.[143]

La deuxième femme -dont le beau-père et deux beaux-frères ont été tués- a aussi été détenue dans une prison officieuse, clandestine, semblable. Elle a expliqué comment elle avait été attaquée, battue, kidnappée, incarcérée et violée collectivement pendant trois jours, tandis que son mari fut blessé et que ses jeunes enfants durent se débrouiller par eux-mêmes.

Plusieurs personnes interrogées ont dit que des femmes avaient été violées dans leurs maisons et surtout dans des quartiers du RDR, en même temps que les hommes avaient été emmenés pour être tués. Une femme qui résidait dans un bastion du RDR à Abidjan a raconté à Human Rights Watch une descente chez elle fin 2002, peu après que Bouaké a été pris par les rebelles. Au cours de cet évènement traumatique, des forces pro-gouvernementales portant des uniformes de treillis ont arrêté et «disparu» son mari qui était un membre actif du RDR, ont violé plusieurs femmes, dont une qui était enceinte, et ont blessé ou tué des voisins, aussi militants du RDR :

Mon mari et moi étions du RDR et nous menions des campagnes ensemble…Ils sont arrivés dans notre cour à Anyama. Quand ils sont entrés, ils ont tué un vieil homme et blessé un jeune et lancé une grenade. Puis ils sont rentrés dans la pièce des femmes pour violer les femmes. Ils ont pris mon mari parce qu'ils ont dit qu'il était du RDR…Je ne peux pas revenir à Abidjan à cause de ce que j'y ai vu. C'est arrivé après que Bouaké a été pris. Les hommes qui ont fait ça portaient [du] treillis et [des] fusils. Ils ont tout pris. Les femmes qu'ils ont violées, une était enceinte. La femme enceinte a avorté là. Oui, les filles criaient. Et quand les hommes sont partis et que la femme enceinte a avorté, elle pleurait, pleurait, et elle a parlé des viols. Ils ont battu à mort le mari de la femme enceinte.[144]

Les violences sexuelles commis à l'encontre de parents de membres importants du RDR semblent avoir été conçus pour punir et terroriser des familles et des communautés toutes entières, peut-être pour tenter d'affaiblir leur soutien au parti d'opposition. Une autre survivante, dont la famille était musulmane et dont certains des parents étaient d'origine malienne, a raconté l'attaque menée contre sa famille par des forces pro-gouvernementales en uniforme à Daloa dans le but de découvrir l'endroit où se trouvait leur frère, militant du RDR. Au cours de l'attaque, sa sœur aînée a été violée par sept «loyalistes» et elle-même a été menacée de viol, frappée à coups de fusil et elle a eu le bras cassé.

Mon grand frère était membre politique au RDR… Ils sont venus le chercher. Nous [mes sœurs et moi] avons dit «Il est sorti.» Ils ont dit alors «Nous vous tuerons toutes les trois si vous ne l'appelez pas pour le faire venir.» Ils ont trouvé un carnet d'adresses avec le numéro de…mon grand frère et ils l'ont appelé. Ils ont dit qu'ils vont tuer ses trois sœurs s'il ne vient pas. Il a dit «J'arrive, prenez juste de l'argent, pardon, ne leur faites pas mal.» Ils ont dit «On va les violer toutes les trois.» Ils m'ont prise et frappée avec un fusil et ils m'ont cassé le bras, ils ont giflé ma grande soeur. Ils nous ont enfermées toutes les deux [filles plus jeunes]. Puis ils ont pris ma sœur aînée qui est si belle et ils l'ont attachée et ils l'ont beaucoup violée. Puis ils sont venus nous chercher [les deux petites] et ils nous ont battues encore. Puis après ça il y a eu une deuxième attaque des forces pro-gouvernementales. Et quelque temps plus tard ont s'est échappé et on a pris un bus pour venir au Mali. On a su plus tard qu'ils avaient tout brûlé et tout cassé et volé toutes nos affaires. Alors on est ici au Mali sans rien. Ma vie est misérable ici. Chaque jour je pleure. Je ne sais pas quoi faire. Ma grande sœur qui a été violée est mariée ici maintenant… Ma grande sœur est triste et elle sent la douleur pour toujours. Il y en avait beaucoup qui l'ont violée, sept loyalistes… Quand je vois des hommes maintenant, j'ai peur et je me sens mal.[145]

Des représentants du RDR, des membres de la société civile, et des ONG locales et internationales ont dit à Human Rights Watch qu'ils pensaient que les femmes et les filles appartenant à des groupes considérés comme partisans des rebelles ou de l'opposition politique étaient particulièrement vulnérables aux violences sexuelles de la part des forces de sécurité et de leurs partisans pendant les crises politiques.[146] Beaucoup de ces attaques ont eu lieu dans les quartiers d'Abidjan de Sadiba, Adjamé, Abobo, Youpougon et Treichville, qui ont d'importantes populations de Dioulas, de musulmans, et de personnes d'origine étrangère, et sont de ce fait considérés à tort ou à raison par la plupart des acteurs du conflit ivoirien comme des bastions du parti RDR et comme sympathisants des Forces Nouvelles.

Femmes prises pour cibles par la FESCI

Human Rights Watch a documenté plusieurs cas d'abus sexuel et d'exploitation sexuelle perpétrés par le groupe étudiant militant progouvernemental de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI). La FESCI est devenu de plus en plus violente avec l'aggravation de la crise ivoirienne à la fin des années 90 et est férocement loyale à présent au gouvernement du Président Gbagbo. Entre autres, la FESCI fut dirigée d'antan par le leader des Jeunes patriotes, Charles Blé Goudé (un des trois individus en Côte d'Ivoire à avoir été sanctionné par les Nations Unies), et par Guillaume Soro (chef des Forces Nouvelles, et occupant actuellement le poste de Premier Ministre). Des étudiants, journalistes, diplomates, et défenseurs des droits humains ont dit à Human Rights Watch qu'en plus de répandre la terreur, la FESCI est devenue de fait une «mafia» qui utilise la violence pour contrôler l'activité économique sur le campus universitaire, avec une main mise absolue sur l'attribution de logements et de marchés sur le campus, apparemment sans crainte de devoir rendre de comptes.[147]

Dans des rapports précédents, Human Rights Watch a documenté comment la FESCI s'était livrée à des actes fréquents de harcèlement, d'intimidation et de violence contre les étudiants et autres groupes jugés par elle comme étant des partisans de l'opposition ou des Forces Nouvelles sur les campus universitaires et ailleurs à Abidjan.[148] Ces pratiques ont réduit à la clandestinité l'association étudiante rivale, l'Association générale des élèves et étudiants de la Côte d'Ivoire (AGEE-CI). Des membres de l'AGEE-CI ont affirmé à Human Rights Watch que bien qu'ils signalent régulièrement les incidents de harcèlement et d'abus à la police, aucun fesciste n'a été poursuivi ou puni pour ces crimes jusqu'ici. Dans un entretien de juillet 2005, le leader de la FESCI, Serge Koffi Yao, a justifié les attaques en prétextant que «l'AGEE-CI n'est pas une organisation étudiante et nous ne pouvons pas les laisser se réunir sur le campus. C'est une organisation rebelle créée dans la zone rebelle et qui cherche à étendre ses tentacules jusqu'à l'université.»[149]

 

Plusieurs organisations locales des droits humains ont déclaré à Human Rights Watch qu'elles avaient peur de donner suite et de rendre publics les signalements de violences sexuelles et autres agressions sur le campus perpétrées par la FESCI, pour des raisons de sécurité. [150] Si Human Rights Watch a documenté plusieurs cas d'abus sexuels de la part de membres de la FESCI, nous pensons que le nombre et la fréquence des abus sexuels commis par ces individus est probablement très sous-estimé en raison des tabous comme de la peur des représailles.

Les entretiens de Human Rights Watch indiquent que des membres de la FESCI, dont au moins un «général» de la FESCI, ont été impliqués dans des actes de violence sexuelle. Par exemple, en juin 2005, une étudiante de l'AGEE-CI a été violée collectivement et brutalement sur le campus de Cocody à Abidjan, explicitement du fait de son militantisme à l'AGEE-CI.

J'ai été kidnappée par les mêmes membres de cette FESCI qui avaient torturé Habib Dodo à mort. Après m'avoir traînée dans tout le campus, à la recherche d'un «général» qui était censé leur dire quoi faire, ils sont finalement allés sur le vieux campus. Peu de temps après, ils m'ont fait subir un interrogatoire. Leurs questions essayaient de me faire avouer la collaboration de l'AGEE-CI avec les rebelles, et d'obtenir des informations sur les dirigeants. J'ai essayé de dire que je ne savais rien…Ils m'ont dit que j'étais fichue. Ils m'ont aussi donné des informations sur ma maison, ma vie privée, pour me montrer qu'ils savaient beaucoup de choses sur moi et que je ne pouvais pas leur échapper. Quand ils ont parlé [des membres de ma famille]…j'ai eu des frissons…Puis mon interrogateur leur a demandé «d'être efficaces» en m'enfermant avec quatre d'entre eux, et il leur a dit «Faites du boulot propre…» Ils m'ont battue. Ils m'ont dit qu'ils étaient entraînés pour tuer et qu'ils me tueraient si je ne parlais pas. Ils m'ont montré des tâches de sang sur le sol… et ils m'ont dit que c'était le sang de mes camarades qui avaient été torturés là peu de temps avant. Puis…un d'entre eux a insisté pour qu'ils me déshabillent de force et me fassent allonger, ce qui a été fait. J'ai compris tout de suite que c'était pour accomplir un plan diabolique. L'un d'eux m'a frappé la tête contre un mur, les autres me frappaient et me touchaient. J'ai hurlé jusqu'à me casser la voix mais c'était inutile…Mon violeur a pris sa place, me serrant la gorge à deux mains. Il m'étranglait…Il m'a couvert le visage avec un bout de chiffon et il m'a pénétrée. Tandis qu'il me violait j'essayais de lutter et de hurler, mais les autres me tenaient les pieds…Mon violeur me faisait mal. J'étais dégoûtée, j'avais mal et j'étais impuissante… [Après qu'ils m'ont laissée partir] ils m'ont interdit de retourner sur le campus et ils m'ont dit que mes études étaient finies…sous peine de mort.[151]

Une organisation locale des droits humains a documenté le viol collectif d'une autre étudiante militante d'un parti d'opposition par deux membres de la FESCI (dont un qu'elle a pu identifier) près de chez elle à Abidjan, peu après avoir participé à une manifestation antigouvernementale le 25 mars 2004. Cette étudiante a fait une déposition écrite et détaillée auprès de l'ONG, et que Human Rights Watch a vue. L'ONG a confirmé qu'il n'y avait eu aucune suite policière ou judiciaire de cette affaire.[152]

 

Trois étudiantes ont affirmé à Human Rights Watch qu'elles sont fréquemment victimes de harcèlement sexuel et d'intimidation de la part de la FESCI, et ont dit qu'elles pensaient que beaucoup d'autres femmes subissaient les mêmes menaces et les mêmes abus, surtout celles qui sont particulièrement belles.[153] Cette affirmation a reçu l'écho d'un responsable du syndicat étudiant d'opposition, l'AGEE-CI.[154] Selon les trois étudiantes interrogées individuellement par Human Rights Watch, et un entretien de groupe avec sept étudiantes, la FESCI est aussi impliquée dans une pratique généralisée d'exploitation et du harcèlement sexuel des étudiantes sur le campus. Les étudiantes ont dépeint un système de domination de la FESCI étendue à tout le campus, dans lequel des étudiantes peuvent être contraintes ou induites à avoir des relations sexuelles avec des représentants de la FESCI. Elles ont expliqué que l'impunité pour ces agressions est alimentée par le contrôle de la FESCI sur la distribution des chambres à la résidence universitaire. Les étudiantes interrogées ont aussi expliqué que les étudiantes les plus belles couraient le plus de risques : «Si tu esvraiment jolie et ils teveulent, c'est difficile de refuser…ils peuvent tecréer beaucoup de problèmes,» a dit une étudiante qui a refusé de dire son nom ou son âge.[155] Le Réseau intégré d'information régionale de l'ONU a cité une étudiante en droit déclarant «Dès qu'une fille leur plaît, ils envoient leurs types la chercher. Si elle refuse de se soumettre à eux, elle est expulsée de la résidence et empêchée d'aller sur le campus pour suivre ses cours.» [156]

Quand Human Rights Watch a demandé à un groupe d'étudiantes comment elles pouvaient contacter l'administration de l'école pour obtenir une protection, contre des harcèlements sexuels, ou comment elles pouvaient signaler un pareil comportement pour obtenir des sanctions, les étudiantes interrogées se sont toutes mises à rire, et l'une d'elles a déclaré à Human Rights Watch: «Vous plaisantez ! L'université ne fera rien.» [157] De fait, les membres de la FESCI peuvent attaquer non seulement les étudiantes, mais aussi des professeurs et des cadres administratifs en toute impunité. Entre autres, un professeur a été défiguré lors d'une agression de la FESCI, ce qui a poussé ses collègues à arrêter le travail pendant deux semaines.[158] Un autre exemple: en février 2007, le directeur de l'Université de Cocody nouvellement nommé et désigné par le ministère, a été battu par des membres présumés de la FESCI le jour même où il devait prendre ses fonctions, et a été gravement blessé à la tête.

Abus sexuels généraux facilités par l'impunité et le conflit

La nature prolongée de la crise politico-militaire ivoirienne a accru la vulnérabilité des femmes et des filles à de diverses formes de violence sexuelle et d'exploitation, y compris le viol par les civils, la prostitution des enfants, les abus sexuels commis par des enseignants, le mariage précoce et forcé, et les violences domestiques. De nombreuses femmes et filles ont expliqué à Human Rights Watch qu'elles avaient été amenées à faire le commerce du sexe ou à subir des relations abusives du fait de la pauvreté accrue causée par le conflit.

Les viols où les criminels sont inconnus et semblent être des civils ou des hommes armés sans affiliation évidente gouvernementale ou rebelle, sont semble-t-il de plus en plus élevés depuis la crise. De nombreux cas d'agression et d'exploitation sexuelles semblent avoir été facilités par l'effondrement du système juridique, la prolifération des armes, et le climat d'impunité générale.

Les déplacements et la pauvreté entraînés par le conflit en Côte d'Ivoire ont alimenté une augmentation importante de la prostitution, de l'exploitation sexuelle, et des abus sexuels à l'encontre des femmes et des enfants les plus vulnérables. On estime que la guerre a déplacé environ 1,7 million de personnes au sein du pays, et des centaines de milliers d'autres à l'étranger, souvent dispersant des familles, endommageant les réseaux qui les protègent traditionnellement et laissant les femmes ou les enfants se débrouiller subvenir seuls aux besoins des enfants qui sont souvent à leur charge, avec la responsabilité financière de la gestion des ressources du ménage. Les personnes déplacées à l'intérieur comme à l'extérieur du pays semblent être particulièrement vulnérables aux abus sexuels et à l'exploitation sexuelle.

Avec des taux de croissance économique moyens d'environ 7 pour cent pendant les 20 premières années de son indépendance, la Côte d'Ivoire faisait l'envie des pays du monde en développement.[159] Cependant, son économie a été gravement endommagée par la guerre et par d'autres causes, appauvrissant des millions d'ivoiriens.[160] De nombreuses femmes et filles se sont donc livrées au sexe de survie (sexe contre de l'argent, de la nourriture ou des services pour leurs familles ou pour elles-mêmes).

Une adolescente, qui avait 11 ans quand la guerre a commencé, a expliqué qu'après avoir été séparée de sa famille pendant la guerre, elle est devenue dépendante d'un homme qui a fini par devenir son «mari.»

Quand la guerre est arrivée, je me suis enfuie en brousse. J'avais 11 ans. J'ai perdu ma famille. Et en route un jeune m'a aidée, il m'a sauvée parce que je ne savais pas où aller. Alors depuis çà, je vis avec lui comme sa femme. La vie est dure.[161]

Les représentants d'organisations humanitaires nationales et internationales ont reconnu à l'unanimité qu'il y a une augmentation spectaculaire du sexe de survie et de l'exploitation sexuelle, qu'ils estiment être la conséquence directe de la pauvreté croissante et des déplacements massifs de populations.[162] Plusieurs organisations de défense des droits de l'enfant ont fait état de l'augmentation du nombre d'enfants concernés par le commerce du sexe, et ont identifié des filles qui le pratiquent régulièrement à partir de 12 ans, et certaines ayant à peine 8 ans. Un représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) a souligné que les personnes déplacées étaient particulièrement vulnérables, même après leur déplacement initial.[163]

En échange contre le sexe, beaucoup de femmes et de jeunes filles reçoivent de près petites sommes d'argent (1000 CFA,[164] ou 2 $US) ou des denrées alimentaires, par exemple un paquet de biscuits, ou une assiette de nourriture. D'autres reçoivent des vêtements, des téléphones portables, du parfum ou des montres. Un représentant d'OCHA basé dans la ville de Man à l'ouest du pays a expliqué que certaines femmes et jeunes filles vendaient leur corps pour aussi peu qu'un repas : «Des femmes et des adolescentes vont passer la nuit avec un homme contre un plat de atchéké [un plat à base de manioc]».[165]

Une femme qui a subi un viol collectif en 2002 commis par des forces pro-gouvernementales qui ont aussi assassiné son mari, se livre maintenant au sexe de survie :

J'ai fui au Mali. Nous nous sommes cachés pour nous échapper, dans un gros camion. Je vis seule dans ma chambre, chez une famille malienne, je paie quand je peux…Je dois me prostituer pour manger. Beaucoup de filles font ça, mais elles ne le disent pas. Je veux me tuer, je veux me suicider.[166]

Conséquences des violences sexuelles pour les survivantes et besoins en matière de services

Presque toutes les survivantes de violences sexuelles interrogées par Human Rights Watch ont fait état de sentiments de profonde anxiété, de honte, de colère, de dépression et de peur. Trois femmes ont dit à Human Rights Watch qu'elles envisageaient régulièrement le suicide. D'autres ont évoqué des problèmes psychosomatiques fréquents, par exemple des maux de tête, des insomnies et des cauchemars. Beaucoup ont conservé des séquelles de l'agression sexuelle, sous forme de graves handicaps physiques, parfois incapacitants. Human Rights Watch a interrogé des femmes qui ont été violées avec tant de violence qu'elles ne pouvaient pas marcher pendant les mois qui ont suivi leur épreuve. Pour d'autres, le simple fait de s'asseoir et de se pencher pour accomplir des tâches ménagères courantes entraînait une douleur extrême. Des femmes se sont plaintes couramment de saignements, de profondes douleurs au ventre, et de sensations de brûlures quand elles urinaient ou tentaient d'avoir des relations sexuelles avec leurs partenaires. Des médecins et autres professionnels de santé ont dit avoir soigné de nombreuses survivantes dont les tissus reproductifs et génitaux avaient été déchirés et lésés, ou qui avaient fait des fausses couches, ou d'autres encore qui avaient eu des difficultés pour accoucher du fait des agressions sexuelles subies. D'autres souffraient des suites d'avortements illégaux ratés, qu'elles avaient faits après être tombées enceintes à la suite de leur supplice.

Pas une seule des survivantes interrogées par Human Rights Watch n'a mentionné que les criminels avaient utilisé un préservatif quand ils les avaient violées, leur faisant courir des risques élevés de contracter des infections sexuellement transmissibles (IST), y compris le VIH/SIDA. Les traitements médicaux disponibles pour le VIH/SIDA et autres IST étaient tout à fait insuffisants pour les victimes de viol, de même que presque tous les services médicaux gynécologiques, de santé de la reproduction et psychologiques.

Bien trop souvent, les familles et les communautés ont rejeté ou sanctionné les survivantes de viol, en particulier celles qui ont parlé ouvertement des exactions subies. Si les ONG ont fait preuve de courage dans le feu de l'action, elles n'ont pas pu faire face aux besoins de santé et de soutien de ces survivantes.

Ce témoignage d'une personnalité de la société civile sur son travail avec des survivantes de violences sexuelles résume les multiples conséquences physiques et psychologiques de l'agression :

Les filles venaient nous voir toutes déchirées, battues, traumatisées, effrayées par les hommes… Il y avait une fille qui était gravement blessée. Elle avait été prise à la gare de bus de Logoualé sur la route de Man, enlevée par des Libériens, attachée, violée, droguée… elle avait vu des gens se faire tuer et égorger. Son vagin était terriblement abîmé, elle ne pouvait pas marcher. Elle devait porter des couches… Personne ne voulait manger avec elle ; tout le monde pensait qu'elle avait le SIDA.[167]

Impact physique du viol

Traumatismes subis par les organes reproductifs

Les femmes particulièrement gravement blessées du fait du viol avaient du mal à marcher, et présentaient des saignements et des pertes dans la région génitale. La plupart des femmes interrogées ont ressenti des douleurs intenses pendant des semaines, des mois, voire des années après le viol, surtout dans l'abdomen et le vagin.

Des femmes ayant subi d'autres types d'atteintes à leur intégrité physique ont également éprouvé des souffrances du fait des tortures ou des coups reçus. Une femme qui avait été violée pendant plus d'un an par des rebelles à Bouaké durant la guerre a décrit la terrible condition physique dans laquelle elle se trouvait après avoir réussi à s'échapper :

Je pouvais à peine marcher, je saignais tout le temps. Je n'avais pas d'argent pour acheter des tissus pour arrêter les saignements, ni même pour la nourriture… J'ai souvent envie de me suicider. Un jour j'ai décidé vraiment de me tuer… J'étais si malade, ils m'ont chassée de l'hôpital. Mes conditions de vie étaient horribles, je sentais mauvais, je ne pouvais pas dormir, je rampais comme un bébé parce que je ne pouvais pas marcher, je me sentais si mal, je n'avais personne pour m'aider.[168]

Une femme a expliqué que ses deux filles étaient au supplice après avoir subi un viol collectif de la part des rebelles, et que ceux-ci leur avaient enfoncé des bouts de bois dans le vagin, pendant la guerre dans la région des 18 Montagnes. Elle a dépeint le sang formant littéralement une flaque sur le sol en dessous ses enfants.

Les docteurs travaillant auprès des victimes de viol ont mentionné certaines des conséquences physiques les plus graves comme étant les saignements internes et externes, les pertes, et les prolapsus utérins, quand l'utérus descend dans le vagin ou au delà.[169]

Décès à l'accouchement, fausses couches, et difficultés à accoucher

Les professionnels de santé, aussi bien dans les zones rebelles que gouvernementales de la Côte d'Ivoire, ont remarqué que les abus sexuels infligés aux femmes auraient eu des conséquences graves pour la santé des mères, conséquences souvent aggravées les déplacements de population, la pauvreté croissante liée à la guerre, et la destruction des centres de santé et des hôpitaux. Ils ont signalé que de nombreuses femmes avaient donc fait une fausse couche, ou bien étaient mortes pendant l'accouchement.[170]

D'autres ont souffert de complications liées au viol pendant la grossesse ou au moment de l'accouchement. Une femme a raconté qu'elle avait failli mourir après un viol collectif perpétré par des rebelles dans la ville de Danané, dans l'ouest du pays, alors qu'elle était enceinte de neuf mois :

[J'ai] marché vers le Libéria pendant trois jours et trois nuits…Et je saignais beaucoup par en bas. Ça faisait si mal que je pouvais à peine marcher ; ils m'ont fabriqué une canne…J'ai vu que j'allais accoucher, je suis arrivée à la frontière et mon cas devenait très grave. Ils m'ont portée à la clinique à Logouato. J'ai eu des contractions pendant deux semaines mais je ne pouvais pas accoucher, il y avait du sang et du pus qui sortaient mais pas les eaux. Une jeep de Save the Children m'a amenée au camp de Campleu…Je ne pouvais toujours pas accoucher. L'ONU m'a apportée à Monrovia et ils m'ont fait une césarienne. J'ai accouché de jumelles, mais ensuite je suis tombée sans connaissance comme dans un coma. Je suis sortie du coma et j'étais seule, sans connaître personne.[171]

Une sage-femme à Danané a raconté à Human Rights Watch qu'en 2002-2003 elle avait aidé à mettre au monde les enfants de nombreuses femmes qui avaient été contraintes de fuir leurs maisons et leurs villages durant les périodes d'hostilités actives.

Pendant la guerre, quand les femmes fuyaient, beaucoup d'entre elles ont dû accoucher sans aide, et même dans la brousse. Beaucoup sont mortes, et leurs bébés aussi. Alors on a créé le Comité des sages-femmes. Nous avons fait des formations et aussi nous avons donné à nos membres des kits d'accouchement. J'ai aidé à des accouchements au milieu de la brousse, il n'y avait rien, c'était un miracle que les bébés et les mères ont vécu.[172]

La recrudescence et les dangers des avortements illégaux

Depuis le début du conflit armé, des professionnels de santé ont noté une recrudescence des avortements, en dépit du fait que cette pratique est illégale. La plupart des gynécologues et des sages-femmes traditionnelles interrogées par Human Rights Watch ont déclaré avoir soigné un grand nombre de femmes et de filles qui avaient tenté de se faire avorter, suite à quoi elles avaient eu des complications. Les médecins et les sages-femmes traditionnelles ont tous évoqué une recrudescence des cas d'avortements illégaux ratés leur parvenant dans une condition médicale déplorable, depuis que le conflit a commencé.

 

D'après leurs conversations avec leurs patientes, beaucoup pensent que cette augmentation est liée au conflit armé et aux pratiques croissantes de violence sexuelle, d'exploitation sexuelle, et de sexe de survie, ainsi qu'aux pressions économiques liées à la guerre qu'un enfant non désiré exercerait sur des familles qui luttent déjà pour survivre.[173] Une sage-femme d'un hôpital de Guiglo a dit à Human Rights Watch à quel point les demandes d'avortements et les urgences résultant d'avortements mal pratiqués avaient augmenté considérablement dans son hôpital au moins, depuis le début de la guerre :

[Il y a] tant de cas d'avortements maintenant. Le conflit a fait monter ça, beaucoup même. Ça arrivait un peu avant, mais maintenant c'est beaucoup. Des filles sont violées et le père est inconnu, ou bien elles vendent leur sexe pour de l'argent. Elles ont peur d'être rejetées par leur famille, et ne peuvent pas faire face aux dépenses pour un enfant. J'ai 15 à 20 filles par semaine qui demandent un avortement, ou qui viennent ici après des avortements ratés où elles se sont mutilées. Ça arrive parce qu'il n'y a plus d'éducation sexuelle pour les filles. Elles se disent entre elles des choses vraiment trop bêtes et elles essaient de s'avorter elles-mêmes. [174]

Le Code Pénal prévoit dix ans d'emprisonnement pour les personnes qui pratiquent des avortements et pour celles qui les aident, ainsi que des amendes allant d'environ 300 US$ à 16 000 US$.[175] Les femmes qui se font avorter encourent aussi des peines de prison et des amendes. Le Dr Lassina Sanogo, médecin généraliste dans la ville de Bouaké sous contrôle rebelle, a remarqué queles avortements clandestins ont atteint la côte d'alerte dans les hôpitaux durant ces quatre années de crise, tant du côté rebelle que gouvernemental.[176]

Les femmes qui cherchent à se faire avorter illégalement par des praticiens non qualifiés courent des risques sérieux, par exemple la stérilité, des infections, des déchirures génitales et la mort. Une étude menée en 2005 par une organisation locale non gouvernementale a révélé que sur les 2400 femmes interrogées pour l'enquête, 34 pour cent avaient avorté au moins une fois. D'après l'étude, 30 pour cent des femmes et des filles parmi celles qui voulaient avorter dans le nord étaient obligées de recourir à des pratiques clandestines qui entraînaient souvent des complications, dont certaines étaient fatales.[177] Dans ce contexte, il est crucial de réformer les lois de la Côte d'Ivoire sur l'avortement.

Infections sexuellement transmissibles, en particulier le VIH/SIDA

L'un des problèmes les plus courants associés à la violence sexuelle est la vulnérabilité aux infections ; les survivantes du viol présentent un risque particulièrement élevé de contracter des infections sexuellement transmissibles (IST), dont le VIH/SIDA, qui peuvent entraîner des complications majeures de la santé de la reproduction, ou même la mort. Un rapport de 2005 de Médecins Sans Frontières (MSF) a décrit le cas d'une enfant qui est morte de IST dans leur hôpital:
 
Une patiente arrive presque inconsciente à l'hôpital de Danané, dans le nord-ouest de la Côte d'Ivoire, avec des douleurs abdominales et une tension artérielle indécelable. La sage-femme qui s'en occupe a dit que les parois vaginales de la patiente sont incrustées d'un dépôt épais, solide, et que c'était l'un des pires cas d'IST qu'elle ait vu au cours de ses 20 ans d'expérience. Malgré une prise en charge immédiate par le personnel de l'hôpital, la patiente fait un arrêt cardiaque et meurt de choc septique. Elle avait 13 ans.[178]

De nombreuses survivantes de viol ont parlé à Human Rights Watch de troubles physiques qui sont typiques des IST : pertes, malaises, manque de contrôle des mictions, impossibilité d'être enceinte, et autres symptômes qui perturbent leurs vies et leur occasionnent une terrible anxiété.

Les praticiens de MSF ont constaté des taux élevés alarmants de IST dans les cliniques qu'ils gèrent dans l'ouest de la Côte d'Ivoire : dans certains endroits, environ 20 pour cent des adultes qui fréquentent leurs cliniques sont infectés. Les équipes sont convaincues que la véritable prévalence est plus élevée et que beaucoup de IST, y compris le VIH/SIDA, sont rarement diagnostiquées ou soignées. Comme beaucoup d'autres prestataires de soins médicaux, MSF fait cette analyse de la situation: «Les séparations familiales et l'afflux de soldats ont rendu beaucoup de femmes et de filles vulnérables à la violence sexuelle, à la prostitution, aux grossesses non désirées et aux IST.» [179]

Déjà grave par lui-même, le taux élevé de IST accompagne une augmentation parallèle de la prévalence du VIH/SIDA dans toute la Côte d'Ivoire, rendant les efforts de prévention et de traitement d'autant plus urgents. La prévalence approximative du VIH/SIDA est évaluée entre 7 et 10 pour cent, ce qui signifie que la Côte d'Ivoire est considérée comme ayant une épidémie généralisée de VIH et la prévalence de VIH la plus élevée en Afrique de d'Ouest.[180] Ces chiffres ont probablement augmenté depuis le début de la guerre, étant donné son impact destructeur sur le système de santé.[181] Selon l'ONUCI, la pandémie du VIH en Côte d'Ivoire est de plus en plus féminisée, avec 300 000 femmes contaminées en 2005.[182]

Le risque de contamination par le VIH/SIDA augmente quand un viol blesse une femme si gravement que ses tissus génitaux sont déchirés ou saignent. Évidemment, les déchirures des tissus vaginaux au cours de viols répétés ou collectifs augmentent grandement les risques que les violeurs contaminent leurs victimes avec des IST. Il est très probable que de nombreuses femmes et filles violées par des soldats et autres hommes armés aient contracté le VIH/SIDA, en particulier du fait que la prévalence de la contamination par le VIH parmi les militaires est en général supérieure au taux moyen de contamination de la population dans beaucoup de conflits, et que les agressions violentes augmentent le risque de contamination par les déchirures et lésions des tissus génitaux.[183]

Impact psychologique du viol

Le viol ainsi que d'autres formes d'agressions sexuelles provoquent souvent des effets sociaux et psychologiques dévastateurs, non seulement sur les victimes, mais aussi sur leurs familles et leurs communautés. Quasiment toutes les survivantes du viol interrogées par Human Rights Watch ont éprouvé des douleurs psychosomatiques (maux de tête, d'estomac, apathie, et insomnies), ainsi que des sentiments de profonde anxiété, des attaques de panique, de la honte, de la colère, de la dépression, une perte d'estime de soi, et la peur des hommes ou du sexe. L'un des aspects les plus tragiques de l'anxiété psychologique de ces femmes est que beaucoup d'entre elles souffrent seules, sans avoir accès à un soutien ou de la compréhension. Terrifiées par l'éventualité du divorce, de l'ostracisme, de la contamination par le VIH/SIDA, ou d'être abandonnées par leur famille et leur communauté, les survivantes du viol luttent de leur mieux pour affronter leurs problèmes de santé mentale dans le silence et l'isolement.

Une femme violée par les rebelles pendant la guerre dans la région de 18 Montagnes a déclaré qu'elle pouvait à peine vivre avec la colère qui la rongeait.

Je ne peux pas oublier tant que je suis dans la souffrance. Je ne peux pas oublier… Avec ce que je vis aujourd'hui, je ne peux pas. Je suis en colère. Oui, même je vois des hommes je veux leur sauter dessus, toujours parce que mon cœur n'est pas en paix, mon cœur n'est même pas en paix, je ne suis pas en paix à l'intérieur de moi.[184]

Encore plus que de la colère, les survivantes du viol ont exprimé un désespoir et une anxiété extrêmes. Une femme ivoirienne vivant dans un camp de réfugiés au Libéria a expliqué ce qu'elle ressentait après avoir été violée par des rebelles en Côte d'Ivoire :

Mon cœur ne va pas bien maintenant. Quelquefois je vois des gens et mon cœur fait boum. Mon cœur même quelquefois commence à, même commence à, commence à…Je pense que je deviens folle…Je dis que mon cœur brûle. Je ne sais pas quoi faire. Même si des gens parlent seulement, je veux aller me cacher en brousse. Vous voyez. Alors mon cœur n'est pas à sa place…J'ai ma vie ici mais c'est tout changé, changé, changé. C'est pas juste pour moi, je dis que c'est la même chose pour d'autres femmes, on est dans la même chose. Je n'ai plus de bonheur dans ma vie.[185]

De nombreuses survivantes d'agressions sexuelles se sont senties prises au piège par leur passé, incapables d'aller de l'avant. Une femme violée par des rebelles pendant la guerre a dit :

Ma vie n'est vraiment pas libre. Je suis toujours gênée, comme si j'étais en prison, je ne suis pas libre. Je suis gênée et j'ai honte, quand j'y repense, quand je pense au passé, quand je pense à mon histoire.[186]

Plusieurs personnes interrogées, comme cette jeune femme qui a été violée par des rebelles dans la région des 18 Montagnes, ont dit qu'elles envisageaient sérieusement de commettre le suicide.

Je veux me tuer. Je veux me tuer. Je ne peux pas m'en sortir. Je n'étais pas comme ça avant. Je souffre. Je veux me tuer. Je veux me tuer [sanglotant]. Je suis assise ici, je ne fais rien, j'ai des idées, des mauvaises idées qui viennent dans mon coeur. Je veux me tuer. Parce que je ne peux rien faire.[187]

De nombreuses survivantes ont dit à Human Rights Watch que leur honte, leur dépression, et leur peur les empêchaient d'avoir des relations sexuelles normales, et plusieurs ont exprimé une anxiété extrême par rapport au fait que leur mari pourrait les quitter à cause de cela.

D'autres ont connu des dépressions causées par une stérilité, parfois temporaire, qu'elles pensaient serait liée à l'agression sexuelle qui leur avait été infligée. Les règles des survivantes de viol ont souvent été interrompues soit par le traumatisme physique du viol, soit par les IST contractées durant les rapports non protégés avec leurs violeurs. Certaines femmes et filles qui ont été violées se sont retrouvées incapables d'être à nouveau enceintes, ce qui a entraîné une terrible angoisse psychologique dans une culture où la fertilité est considérée comme vitale et détermine une certaine «valeur» sociale.

Impact social du viol : Rejet familial et social

Une étude réalisée en 2005 par une ONG internationale en Côte d'Ivoire a établi que 58 pour cent des victimes d'agression sexuelle étaient blâmées et rejetées par leur famille ou leur communauté à la suite de l'agression. Seulement 35,9 pour cent des victimes interrogées ont qualifié la réaction de leur famille ou de leur communauté de réconfortante.[188]

A la suite d'une agression sexuelle, des victimes de viol ont souvent été rejetées par leur famille, en particulier quand elles dénoncent le criminel ou cherchent à obtenir justice pour l'agression dont elles ont été l'objet. Certaines ont été quittées par leur mari, ou, si elles n'étaient pas mariées, n'ont pas pu trouver un mari. Une femme de vingt-cinq ans qui a été violée collectivement à Abidjan en 2005 a expliqué qu'elle avait été abandonnée par sa famille après avoir parlé ouvertement contre ses violeurs :

L'oncle chez qui je vivais avant n'a pas voulu m'accueillir après. Il m'a reproché d'en avoir parlé ouvertement [d'avoir été violée]. C'était pareil avec tous mes amis et ma famille… Sans le soutien de ma famille, le danger a grandi autour de moi… Je suis allée me cacher chez une famille que je ne connaissais pas. Mais ils n'étaient pas gentils avec moi: quand ma tutrice m'a mise dehors ; aucun membre de la famille ne voulait de moi…J'étais à la rue, seule et malade.[189]

La situation des femmes et des filles qui se sont retrouvées enceintes suite au viol peut être encore plus terrible. Celles qui ne peuvent pas ou ne veulent pas se faire avorter luttent pour trouver des moyens de vivre avec des enfants nés du viol, en particulier si elles sont rejetées ainsi que leurs enfants par la famille, ce qui est souvent le cas.

 

Une fois qu'une famille a rejeté une victime de violence sexuelle, il peut s'avérer difficile de permettre sa réinsertion dans l'unité familiale. Un travailleur social communautaire explique :

Nous avons fait des recherches tout autour de Man dans les villages et nous avons trouvé des endroits pour loger les filles traumatisées qui sont venues nous voir, et leurs enfants - des enfants illégitimes des rebelles habituellement. 90 pour cent [des enfants des filles mères que nous aidons] sont des enfants des rebelles. Certaines [des mères] sont elles-mêmes des enfants. Dès l'âge de neuf ou dix ans, c'est déjà courant de voir des filles être victimes de viol – d'inceste ou à l'école aussi, pas seulement les rebelles…Nous aidons les filles qui n'ont pas de maison ou qui sont rejetées par leur famille. Nous allons dans les maisons, souvent nous sommes humiliés, mais nous parlons quand même à la famille, ou nous apportons quelque chose, parce que notre mission c'est la réinsertion familiale et sociale. C'est difficile parce que les filles qui ont couché avec les rebelles sont souvent rejetées par des familles qui les voient comme des rebelles elles aussi. Et il est vrai que de nombreuses filles sont traumatisées et très agressives. Mais ensuite les familles voient que les filles changent de nouveau et les parents finissent par être contents de les garder. C'est dur quand même. Nous devons passer beaucoup d'appels dans les maisons. Au moins cinq interventions par fille pour les réinsérer dans les familles.[190]

L'impact social et culturel serait nocif non seulement pour les victimes de violences sexuelles, mais aussi pour les familles et les communautés au sens plus large. La plupart des femmes et des hommes interrogés pour ce rapport ont évoqué ou révélé un trouble profond quand ils étaient questionnés à propos du viol, révélant et disaient la répugnance culturelle entourant la question des violences sexuelles. La plupart ne pouvaient pas désigner clairement le mot «viol» dans un langage local. Les personnes interrogées ont utilisé des mots pour décrire le viol qui reflétaient non seulement la nature violente, «révoltante» et «embarrassante» du crime et son effet destructeur sur la survivante, mais aussi l'impact négatif sur la famille et la communauté de la survivante dans son ensemble.

De nombreux Ivoiriens francophones utilisent l'expression «gâter l'enfant» (gâter, comme dans «détruire»). A Guiglo, des hommes Guérés ont utilisé le terme O Pkaké, qui signifie «forcée,» pour désigner le viol…renvoyant à la notion de force physique. Les femmes ont préféré le terme O Kôhô, qui signifie «abîmée» ou «souillée,» et qui souligne les notions de rupture et de destruction de la personne violée. En Yacouba, dans la région des 18 Montagnes, un terme fréquemment utilisé est Yanshiyi quand il s'agit du viol d'une enfant, et Yene Whompi quand une femme est violée. Les deux termes renvoient à la destruction et à la violence.[191]

Services médicaux et psychologiques inexistants ou insuffisants

La pauvreté, les services médicaux inexistants ou coûteux, et la stigmatisation des victimes de viol semblent avoir empêché nombre des personnes ayant subi des agressions sexuelles de se faire soigner et, de ce fait, les exposent à un plus grand risque d'infection et de souffrance psychologique.

Les travailleurs sociaux et de santé interrogés estiment que la majorité des survivantes de violences sexuelles ne reçoivent que peu ou pas de soins médicaux à la suite de leur agression.[192] C'était certainement le cas pour les victimes de violences sexuelles interrogées par Human Rights Watch. La plupart d'entre elles se sont plaintes de problèmes physiques et psychologiques liés aux viols mal soignés ou pas soignés.[193] Le défaut de soins médicaux pour les victimes d'agressions sexuelles semble pouvoir être attribué à plusieurs facteurs.

Premièrement, la pauvreté et le coût élevé des services médicaux empêchent certaines survivantes d'agressions sexuelles de se faire soigner et, de ce fait, les exposent aux risques élevés d'IST et donc de souffrance psychologique. Seules quelques-unes peuvent payer les coûts de transport dans une clinique.

Deuxièmement, le système de santé en Côte d'Ivoire a été ravagé par le conflit armé, en particulier dans le nord sous contrôle rebelle. Déjà en 1998, environ 30 pour cent de la population ivoirienne seulement avait un accès assuré aux services de santé de base.[194] Avec le déclenchement des combats en 2002-2003 beaucoup d'infrastructures médicales dans le nord ont été pilléeset partiellement détruites. Au moins 90 pour cent du personnel de la santé publique travaillant dans les territoires sous contrôle des Forces Nouvelles auraient été réaffectés dans le sud du pays contrôlé par le gouvernement. De nombreuses survivantes du viol, en particulier celles qui vivent dans des zones rurales, n'ont donc pas pu avoir accès aux services médicaux même élémentaires.

Troisièmement, la stigmatisation sociale liée au viol empêche les femmes de se faire soigner, de peur qu'une visite médicale ne fasse connaître leur viol publiquement. Par exemple, quasiment tous les leaders locaux, le personnel médical local, et les travailleurs humanitaires interrogés dans la ville de Guiglo, dans le sud-ouest du pays, pensaient que les femmes et les filles venues faire soigner des problèmes gynécologiques cachaient le fait qu'elles avaient été violées parce qu'elles avaient honte.[195]

Quatrièmement, de nombreuses femmes préfèrent les guérisseurs ou guérisseuses traditionnels au personnel médical occidental mal connu. De nombreux professionnels de santé reconnaissent que bon nombre de survivantes de violences sexuelles ne viennent se faire soigner dans des cliniques ou des hôpitaux qu'en cas d'urgence, préférant plutôt se taire ou consulter un guérisseur traditionnel.[196] La plupart des guérisseurs traditionnels sont des femmes qui ont une assez bonne connaissance de l'anatomie féminine et des plantes locales. Toutefois, elles n'ont que peu ou pas de connaissances, ni d'accès, en matière de médecine moderne. Par exemple, aucune des guérisseuses traditionnelles interrogées par Human Rights Watch n'avait jamais entendu parler du traitement court et abordable par les anti-rétroviraux connus sous le nom de prophylaxie post-exposition (PPE). L'administration rapide de la PEP réduit le risque de transmission du VIH. La PPE peut être administrée en même temps qu'une contraception d'urgence, qui réduit fortement le risque qu'une femme qui a été violée sans préservatif soit enceinte.

Les services médicaux inexistants, insuffisants ou coûteux mettent les survivantes d'agressions sexuelles en danger. Elles encourent d'habitude sans assistance des graves problèmes médicaux, en particulier dans le cas de survivantes de viol qui ont contracté le VIH.  

Malgré les taux élevés de prévalence estimée du VIH en Côte d'Ivoire, peu d'efforts sont faits pour le combattre en dehors des principaux centres urbains. Vu l'état de délabrement du système de santé, même dans les endroits où les bâtiments sont encore intacts, il y a une pénurie de médicaments, d'équipement et de personnel pour fournir les services, quand ils ne sont pas complètement absents.

Etant donné les signalements de violence sexuelle et les conséquences dévastatrices de la contamination par le VIH/SIDA, les cliniques médicales devraient rechercher systématiquement les possibilités de violence sexuelle ; traiter les signalements de violence sexuelle ; et fournir systématiquement des informations aux patientes sur la transmission, le dépistage volontaire, l'aide psychologique et le traitement du VIH/SIDA. Il est vital de développer l'éducation, la prévention, et le traitement des IST, ainsi que la prévention de la transmission mère enfant du VIH, le traitement des maladies opportunistes, et le traitement du SIDA par un traitement médical efficace.

De plus, il y a peu d'abris pour des urgences, et pratiquement aucun abri pour l'accueil de survivantes de violences sexuelles en danger, de centres pour l'accueil de femmes victimes de violences conjugales, ni de numéros d'urgence pour le viol.

Des dizaines d'organisations humanitaires ivoiriennes et internationales comme MSF, l'International Rescue Committee (IRC), et Save the Children ont tenté d'intervenir pour combler ces lacunes. Elles oeuvrent dans tout le pays et fournissent des services aux survivantes de violences sexuelles, à savoir un soutien psychologique, une aide juridique, des soins médicaux, et des tests de dépistage du VIH/SIDA. Cependant, malgré leurs efforts louables et souvent importants, ces groupes manquent de capacités financières, logistiques et autres pour faire face à l'ampleur et au degré de gravité des cas locaux. Par exemple, un centre de santé d'Abidjan qui fournissait des tests de dépistage du VIH et du soutien psychologique, a fermé en 2006par manque de fonds. Confrontées à des contraintes de ressources, des menaces de restrictions budgétaires, et des menaces de la part de groupes armés, bon nombre d'organisations humanitaires ne peuvent donc pas octroyer les services aux grands nombres de femmes et de filles qui en ont besoin.

L'impunité

 

Depuis le début de la crise, ni le gouvernement ivoirien ni les dirigeants des Forces Nouvelles, comme la communauté internationale d'ailleurs, n'ont fait d'efforts conséquents pour traduire en justice les criminels responsables des violences sexuelles et d'autres violations sérieuses du droit humanitaire international et des droits de l'homme – y compris ceux des plus ignobles violences sexuelles. Ces lacunes ont contribué à un environnement d'illégalité dans lequel prévaut une impunité flagrante et où les violences faites aux femmes demeurent un sérieux problème.

En dépit des demandes d'information auprès des autorités et de recherches avec des représentants de l'ONU, les ONG ivoiriennes tant qu'internationales, Human Rights Watch n'a pas pu découvrir d'informations sur une seule poursuite en justice qui se serait soldée par une conviction dans un cas de violence sexuelle commis par un membre d'un groupe armé – dans les tribunaux du gouvernement au sud tant que dans les zones sous l'administration des Forces Nouvelles.

La Commission d'enquête internationale mandatée par les Nations Unies pour investiguer des allégations de violations des droits humains en Côte d'Ivoire de 2002 à 2004 ont produit un rapport très critique sur les abus sérieux et généralisés. Le rapport final fut étouffé aux Nations Unies, mais une version a été diffusée clandestinement. Dans ce rapport, la Commission nota, «tous ceux ayant commis des crimes de sang, qu'ils soient putschistes, soldats gouvernementaux, gendarmes, policiers et autres, n'ont pas vu les poursuites pénales engagées à leur encontre ou, pour celles qui ont été engagées, menées à leur terme. » La Commission souligna que «cela a entraîné immanquablement la frustration des victimes à qui justice n'a pas encore été rendue, cependant qu'elles voient tous les jours les auteurs jouir d'une totale impunité.» [197]

L'absence de poursuites en justice paraît découler de plusieurs facteurs y inclus la réticence ou l'incapacité des victimes de poursuivre leurs cas; l'effondrement du système légal au nord ; l'inefficacité et la corruption of du système légal au sud ainsi que l'absence de volonté politique ; et dernièrement, des attitudes culturelles qui négligent le sérieux de la violence sexuelle et marginalisent ses victimes.

De surcroît, une addition à ces entraves profondes à la justice, Président Laurent Gbagbo a signé en avril 2007 une loi d'amnistie pour les crimes contre l'état, soi-disant dans le contexte de l'Accord de paix de Ouagadougou et les autres initiatives récentes pour réunir le pays.[198] Cette loi n'amnistie pas les crimes économiques et les crimes selon le droit pénal ivoirien sauf quand des individuels commirent des crimes contre la sécurité de l'État et la défense nationale (surtout applicable aux forces rebelles) ou là ou des individus commirent des crimes en défendant les institutions républicains (applicable surtout aux forces gouvernementales).

Chose choquante, l'amnistie ne mentionne pas l'impossibilité d'amnistier des crimes de guerre ou crimes contre l'humanité. L'amnistie pourrait potentiellement être interprétée de façon trop large, pour blanchir d'innombrables abus à l'encontre des civils. Un corpus grandissant des traités et des lois internationales, qui interdisent les amnisties pour les violations qui pourraient qualifier de crimes contre l'humanité, crimes de guerre, et d'autres abus sérieux des droits humains. Ceci amène logiquement à un questionnement pour voir si une telle amnistie pourrait être légale. L'opposition de Human Rights Watch à de telles amnisties est sans équivoque, les considérant comme étant une flagrante violation de la responsabilité de l'État d'enquêter, poursuivre en justice, et punir en matière des sérieuses violations du droit international humanitaire et des droits humains.

La réticence des victimes à poursuivre leurs cas

Les survivantes des violences sexuelles ne veulent souvent pas poursuivre leurs bourreaux pour les voir punis dans un tribunal officiel. Des entretiens de Human Rights Watch avec des survivantes suggère que ceci pourrait être du à plusieurs facteurs.

En premier lieu, de nombreuses survivantes ont honte de ce qui leur est arrivé et se blâment elles-mêmes – une perception renforcée par multiples secteurs différents de la société ivoirienne. Une victime de viol est souvent perçue comme étant une disgrâce pour sa famille entière. Elles hésitent donc à s'exprimer, de peur d'amener la honte sur leur famille et de se retrouver rejetées par la suite dans leurs communautés. Les attitudes vis-à-vis de la violence sexuelle et le statut subordonné des femmes et des filles créent des pressions considérables qui les empêchent poursuivre leurs cas. Une survivante de viol dont la fille fut également violée par des rebelles dans la région de 18 Montagnes à l'ouest dit a Human Rights Watch, «Je n'ai jamais dit à personne que j'avais été violée et ma fille aussi. Tu es la seule personne à qui j'ai dit ça. J'ai peur. C'est une honte.» [199] Quelques unes de ces filles et femmes veulent tout simplement oublier la violence qu'elles ont subi, et simplement de reprendre leurs vies.

Deuxièmement, des filles et des femmes qui ont souffert des crimes de violence sexuelle ont des besoins médicaux et psychologiques auxquels il faut répondre, à la fois pour soulager la détresse dans laquelle elles se trouvent dans l'immédiat et pour leur donner la force d'aller en justice pour réclamer réparation. Une personne qui souffre, qui est incontinente ou déprimée est peu susceptible de porter une affaire devant un tribunal.

 

Troisièmement, les filles et les femmes ont peur de représailles des auteurs. Etant donné le climat général d'impunité et de forte militarisation, bon nombre des personnes interviewées ont exprimé leur peur que leurs violeurs leur feraient mal ou s'en prendraient à leurs familles. Par exemple, des rebelles à Man ont violé une fillette de neuf ans en 2006, disloquant son bassin, ce qui l'a incapacité au point ou elle ne pouvait pas marcher ou uriner normalement. Après l'attaque, les rebelles ont menacé de la tuer ainsi que ses parents si ils emmenaient l'enfant à l'hôpital, encore moins poursuivre justice pour cette attaque.[200]

Quatrièmement, rares étaient les survivantes de violence sexuelle interviewées qui avaient confiance au système pénal ou du droit coutumier, en ce qui concernait leur capacité de procurer une certaine justice. Nombreuses femmes interrogées dirent à Human Rights Watch qu'elles pensaient que leurs bourreaux ne seraient jamais punis – ou que s'ils l'étaient, cela ne se ferait que si la victime avait les moyens de soudoyer la police, les procureurs, les juges, les commandant rebelles, ou autres autorités.

Cinquièmement, les victimes n'ont pas connaissance de leurs droits. Ceci est le résultat entre autres des taux élevés d'analphabétisme, d'attitudes sociales courantes envers la violence sexuelle, et du statut inférieur des femmes dans la société. De plus, bon nombre de femmes en milieu rural ne savent même pas comment elles pourraient poursuivre leurs bourreaux en justice.

L'effondrement du système judiciaire au nord

Les dirigeants des rebelles ne paraissent faire pratiquement aucun effort pour enquêter ou punir des violences sexuelles supposément commises par des combattants rebelles ou des civils dans les zones sous contrôle rebelle. De nombreuses survivantes ont dit à Human Rights Watch comment elles n'avaient presque aucun espoir de voir une justice pour les crimes de violences sexuelles commises contre elles. Des victimes, leurs familles, et les représentants d'ONG les assistant, décrivirent leur peur d'amener ces crimes à l'attention des autorités rebelles, ou leur expériences ou elles furent intimidées pour laisser tomber leurs démarches pour traduire en justice les auteurs. D'autres décrivirent comment ils se sentirent mal a l'aise car ils craignaient que dans les rares cas ou une dénonciation pourrait aboutir, elle pourrait être entraîner une punition extrême comme un lynchage extrajudiciaire.

Les efforts limités des Forces Nouvelles de punir les présumés auteurs sont souvent caractérisés par leur nature arbitraire et le manque de garanties pour un procès équitable qui respecterait les normes internationales.[201] Les rares cas ou Human Rights Watch documenta des sanctions contre des auteurs ne se conforment même pas de loin aux principes même de base du droit international: en effet, ces rares punissions furent excessives (passages à tabac, lynchages, exécutions extrajudiciaires), ou velléitaires (auteurs incarcéréspendant quelques jours ou au plus quelques mois, puis relâchés).

Problèmes généraux avec la justice dans le nord rebelle

L'impunité reste la norme pour beaucoup de crimes au nord rebelle, y compris les crimes de violence sexuelle. Il n'y a point de système judiciaire capable d'assurer des garanties pour un procès équitable qui respecterait les normes internationales.

Le système judiciaire officiel au nord s'effondra suite à l'irruption des hostilités armées de fin 2002. Maintes prisons, tribunaux, et autres bâtiments furent saccagés ou détruits et la plupart du personnel judiciaire s'est enfui au sud, entre autres les avocats et juges. Ils laissèrent derrière eux un vide ou le système judiciaire et carcéral avait opéré. Après que la rébellion ait consolidé son contrôle sur la partie nord du pays, le Président Gbagbo donna des instructions aux fonctionnaires de l'État – y compris les représentants du système judiciaire – d'évacuer le nord et venir aux territoires contrôlés par le gouvernement au sud.

Dans la période qui suivit l'irruption des hostilités et le départ des autorités judiciaires, les exécutions et d'autres «méthodes extrajudiciaires» devinrent les méthodes principales pour faire respecter la loi ou la volonté des autorités sur place.[202] Les problèmes de cette période poussèrent les Forces Nouvelles à établir un système judiciaire et carcéral ad hoc géré principalement par les commissaires de police des Forces Nouvelles, dont la plupart furent des policiers au sein du gouvernement avant le conflit armé.

Le chef de la police des Forces Nouvelles est un membre du Haut commandement des Forces Nouvelles.[203] Selon le système judiciaire et carcéral ad hoc, les territoires des Forces Nouvelles sont divisés en dix districts militaires, avec un commissaire de police des Forces Nouvelles à la tête de la force policière dans chaque district.[204] Cette police, qui ne reçoit aucune supervision du gouvernement ivoirien, a une juridiction sur tous les crimes dans cette région, y compris ceux commis par les soldats des Forces Nouvelles.[205]

Il y a de nombreux problèmes avec la «justice» dans ce système ad hoc. D'abord, les commissaires de police individuels servent en réalité comme enquêteurs, procureurs, juges, et jury. Deuxièmement, un inculpé ne bénéficie pas de défense légale durant les enquêtes, y compris la détermination de culpabilité ou de la peine.[206] Troisièmement, quelques commissaires oeuvrent pour imposer des peines qui correspondent aux normes émises par le code pénal ivoirien pour une offense particulière tandis que d'autres placent simplement des auteurs présumés en détention pour une période indéterminée jusqu'à ce qu'ils sentent qu'il ou elle ait été suffisamment puni.[207] Quatrièmement, les commissaires de police peuvent être soumis à des pressions de la part des hauts dirigeants rebelles, ce qui peut aboutir à l'abandon d'une enquête.[208] Dernièrement, il manque au système de éléments indépendants judiciaires pour contrebalancer ou équilibrer le pouvoir des commissaires de police.[209]

Par conséquent, le système judiciaire dans les zones contrôlées par les Forces Nouvelles opère de façon peu prévisible, irrégulière, dans laquelle se constatent souvent des arrestations arbitraires, l'imposition de «peines» basées sur une autorité légale douteuse, et un manque d'adhésion aux garanties internationales d'un procès équitable. L'arrestation et l'emprisonnement, les cas ou des présumés coupables ont été relâchés, les déclarations de non culpabilité, sont tous rendus avec peu de respect pour les droits des victimes comme les droits des inculpés. Les processus de paix ne requièrent pas spécifiquement que les Forces Nouvelles établissent des institutions judiciaires performantes ou même adéquates dans les zones sous leur contrôle. Cependant, le droit humanitaire international coutumier octroie des protections aux civils vivant dans des conflits armés internes comme celui de la Côte d'Ivoire.

Les rebelles ont négligé des plaintes, voire puni ceux qui se plaignaient de violence sexuelle

Des ONG ivoiriennes comme internationales, avec des représentants des Nations Unies, des experts universitaires, et des diplomates, ont tous noté auprès de Human Rights Watch qu'il paraît y avoir peu de volonté politique au sein des Forces Nouvelles de punir des abus commis par leurs propres membres. Des représentants de l'unité Droits de l'Homme de l'ONUCI dirent à Human Rights Watch qu'en fin 2006, ils n'avaient pas encore documenté un cas de violence sexuelle commis par un rebelle aurait été enquêté, jugé, et puni selon les normes internationales.[210]  

De plus, les demandes d'information relatives aux cas de violence sexuelle se soldent souvent par un démenti ou une tentative esquiver les questions difficiles relatives au crime.[211] Selon une ONG travaillant avec les Forces Nouvelles sur de nombreuses formations relatives aux droits humains au niveau des barrages et casernes dans la région de 18 Montagnes à l'ouest du pays, de tels cas n'ont jamais été officiellement poursuivis et punis par les autorités rebelles selon les normes internationales à l'ouest, depuis le début du conflit.

Un membre de la société civile travaillant à l'ouest du pays relata sa frustration relative au manque de justice pour les victimes de violence sexuelle commises par les civils et les combattants rebelles:

Quant il y a un viol, les FN tabassent l'auteur, et parfois ils l'enferment quelque part pendant quelques jours. Après ça ils le laissent repartir et il sort fâché. Et ils ne font presque rien quand c'est leurs propres soldats. Ils sont encore plus tolérants quand c'est leurs soldats à eux qui violent les filles.[212]

Une membre de la société civile raconta à Human Rights Watch «Une fillette de huit ans a été violée par un soldat en fin 2004. Elle est morte. Le rebelle a été mis en prison pendant deux mois et puis ils l'ont relâché.» [213] La même femme déplora: «On a essayé de gérer un cas d'un garçon FAFN qui est un violeur; on l'a dénoncé plusieurs fois. C'est un récidiviste. Il viole beaucoup dans les villages différents. Mais il n'y a aucune réponse.»[214] Un autre leader de la société civile donna également voix à ce type de frustration :

Il n'y a pas de justice pour les violences sexuelles. Pas de jugement. Parfois il y a des règlements à l'amiable, et le commanditaire donne de l'argent ou quelque chose. Parfois il va en prison pendant quelques jours. Ce n'est rien, les viols ne sont pas vraiment punis. C'est une question de relations. Si c'est un viol commis par un corps habillé tu peux oublié ta justice.[215]

Quelques survivantes, des membres de leurs familles, et des membres d'organisations revendiquant la justice pour des abus sexuels commis par des combattants des Forces Nouvelles ont été battus, intimidés, ou ont souffert d'autres représailles aux mains des auteurs ou de leurs commandants. Par exemple, un membre d'une organisation humanitaire à Man a parlé avec Human Rights Watch des représailles commis en 2006 à Danané contre ceux qui demandaient justice pour le viol d'une fille de quatorze ans par un combattant rebelle, quand elle fut détenue à un barrage. Le rebelle aurait non seulement mis feu à la maison d'une femme active dans la communauté quand elle assista la fille, mais serait aussi allé au village de la fille pour menacer sa famille et les intimider de façon à ne pas poursuivre le cas.[216]

 Leurs efforts demeurent inadéquats malgré quelques mesures prises par les Forces Nouvelles pour prévenir les violations. Ces mesures comprennent des déclarations émis par certains commandants qu'ils ne tolèreraient pas d'abus à l'encontre des civils, la création d'une commission de restitution pour rendre les biens confisqués, le fait d'avoir accepté de former quelques commandants et troupes aux notions des droits humains,[217] et même l'expulsion tardive des libériens et sierra léonais de l'ouest par le MPCI.

Les rares cas ou des rebelles ou civils vivant au nord sous le contrôle des Forces Nouvelles ont été punis se caractérisent par un manquement total du respect des normes légales appropriées. Au lieu d'être enquêtés, détenus, jugés, et condamnés, quelques rares rebelles présumes coupables de viol furent lynchés ou tués, tandis que d'autres furent simplement passés à tabac avant d'être relâchés.

Dans des entretiens de Human Rights Watch avec de nombreux travailleurs sociaux de neuf organisations ivoiriennes et internationales soutenant des survivantes de violence sexuelle. Collectivement, ces douzaines de personnes n'avaient connaissance que de sept cas de violence sexuelle impliquant des rebelles ou les autorités rebelles s'impliquèrent. Aucuns de ces cas n'a vu un procès équitable de l'auteur présumé, selon les normes internationales. Dans ces sept cas, les auteurs présumés furent passés à tabac, torturés, ou tout simplement exécutés.[218]  

Il est possible pour les Forces Nouvelles d'améliorer leur réponse à l'impunité que pour les violences sexuelles commises par les groupes armés. Les dirigeants des Forces Nouvelles doivent renforcer les règles accrues de surveillance et de discipline envers leurs effectifs.

Les abus à l'encontre des civils étaient si fréquents et si publics qu'ils ont du être commis avec la connaissance des commandants des commandants à haut niveau - peut-être même avec leur autorisation - et certainement sans la moindre menace réelle de punition. Étant donné la nature généralisée et systématique de la violence sexuelle qui a sévit en Côte d'Ivoire (surtout pendant certaines périodes); la coordination militaire relativement forte des troupes ; et leur organisation politique cohérente, décrites à Human Rights Watch entre autres par un ancien porte parole des rebelles à l'ouest, il y a des preuves que les rebelles haut placés savaient ou possédaient des informations leur permettant de conclure, dans les circonstances du moment, que leurs subordonnés commettaient ou allaient commettre des violences sexuelles sévères. Maints témoignages de survivantes et de leaders de la communauté confortent cette analyse. En particulier, l'ancien porte parole des rebelles raconta à Human Rights Watch comment des femmes et filles furent ouvertement prises sur les rues à l'ouest au temps ou la crise battait son plein, enlevées par des rebelles à pied ou en voiture; il a même admis qu'il y avait beaucoup de filles dans le camp de Félix Doh (un des plus grands chefs rebelles à l'ouest à ce moment). L'ancien porte parole a dit qu'il croyait que certaines de ces filles étaient venues volontairement ou par nécessité économique, mais qu'il y en avait d'autres là qui avaient été prises de force, à la connaissance.[219] Des témoins et victimes racontèrent à Human Rights Watch comment des commandants rebelles de rang intermédiaire enlevèrent et violèrent des femmes et des filles. La culpabilité des officiers supérieurs pour les atrocités commises par leurs subordonnés est souvent dénommée la responsabilité de commandement.[220]

Partout ou un commandant ou dirigeant rebelle a autorisé ou ordonné des violences sexuelles, cet individu est légalement responsable pour les crimes. De surcroît, les commandants ou dirigeants rebelles peuvent être tenus coupables de ne pas avoir empêché ou puni des crimes commis par leurs subordonnés, et pour ne pas avoir pris des mesures adéquates pour enrayer les abus commis par leurs troupes. Ils peuvent être poursuivis selon le droit international tant que l'on peut prouver qu'ils savaient ou possédaient des informations leur permettant de conclure, dans les circonstances du moment, que leurs subordonnés commettaient ou allaient commettre des violences sexuelles sévères, et n'ont pas pris toutes les mesures pratiquement possibles en leur pouvoir pour empêcher ou réprimer ces infractions.

L'absence de justice dans les zones gouvernementales au sud de la Côte d'Ivoire

Dans les zones sud de la Côte d'Ivoire contrôlées par le gouvernement, les cas de violences sexuelles de tous types sont rarement suivis d'une enquête et plus rarement encore poursuivies en justice. Il en résulte une impunité quasi totale, surtout pour les violences sexuelles liées au conflit, commises par les forces armées pro-gouvernementales. De même, les progrès sont maigres, voire non existants même dans les rares cas de violences sexuelles médiatisées ou des survivantes courageuses ont parlé ouvertement des supplices qu'elles ont vécu, et se sont engagés pour faire les commanditaires soient poursuivis en justice. De fait, au moment de la rédaction de ce rapport, il semblait qu'aucun membre d'un groupe armé progouvernemental n'avait été jugé pour un crime de nature sexuelle.

Plusieurs facteurs contribuent à restreindre l'efficacité du système judiciaire la justice au sud du pays. Citons entre autres, l'intimidation et le harcèlement des victimes et membres du système judiciaire oeuvrant pour poursuivre en justice des cas de violence sexuelle joue un rôle important. Pareillement, le manque de volonté politique, la corruption, les coûts excessivement élevés des procès, et le prix exorbitant des certificats médicaux (sans lesquels les forces sécuritaires refusent généralement d'entamer une démarche policière) font obstacle à la justice. De plus, la discrimination basée sur le genre à l'intérieur même du système judiciaire, et l'attention inadéquate aux violences faites aux femmes, constituent des entraves considérables.

Le manque de volonté politique pour poursuivre les cas

L'entrave principale à la justice dans la zone gouvernementale, au sud, semblerait être le manque de volonté politique pour poursuivre des membres des forces sécuritaires soupçonnées d'abus sexuels. Lors d'une une conférence organisée le 2 août 2006 par la Division droits de l'homme d'ONUCI, Ange Kessi Kouamé, le Commissaire du Gouvernement et Procureur de la république devant le Tribunal Militaire a parlé du statut de plusieurs cas de viol impliquant des membres des services sécuritaires, dans lesquels il y aurait soi-disant des enquêtes en cors. Cependant, M. Kouamé n'a pas pu citer un seul cas ou un violeur parmi les forces sécuritaires aurait été sujet d'une enquête, jugé, et condamné – et ne donna des informations que sur trois cas ou des policiers ou membres de CECOS devaient être jugés devant le Tribunal Militaire à une date ultérieure.[221]

Le refus ou l'incapacité apparente de l'Etat de poursuivre des cas seraient flagrants dans un cas d'une femme malienne qui fut vaginalement palpée, battue, menacée, obligée à sucer le pénis d'un policier, avant d'être vaginalement et analement violée multiples fois en juin 2005 près de Duékoué – tout ceci par un policier qu était selon des sources dignes de foi un récidiviste notoire. Quoiqu'il soit officiellement renvoyé de sa position, cet homme n'a toujours pas été arrêté, ni jugé. De fait, la police a activement découragée la victime, essayant de pousser la victime et ses représentants consulaires à abandonner leur plainte et de laisser tomber ce cas.[222]

En poursuivant courageusement ce cas et d'autres du même genre, l'ONG Mouvement Ivoirien des Droits Humains, ou MIDH, initia un projet dénommé «SOS Femmes Violées» en 2006, pour revendiquer la justice dans 25 cas de femmes et filles violées par des homes armés. Cependant, aucun de ces cas n'ont été jugé jusqu'à présent et aucune information n'est disponible sur le statut des enquêtes.

Le manque de volonté judiciaire relatif aux cas de violences sexuelles fut évident avant même l'irruption des conflits armés en 2002. Pendant que la crise nationale ivoirienne s'approfondissait dans les années précédant l'explosion des violences politiques de 2000 (et en particulier après le coup militaire du Général Robert Guei avec l'effritement de l'état de droit qui s'ensuivit) les violences sexuelles furent déjà prévalents, sans pour autant que les autorités ne traduisent en justice les commanditaires au sein des forces gouvernementales. Ainsi, par exemple, aucun policier ou autre home armé n'a été sanctionné pour les abus sexuels pourtant très bien documentés, qui furent commis à l'intérieur même de l'École de police à Abidjan en 2000. Entre autres, c'est bien dans cette École de police que des homes et des femmes furent violés et sexuellement tortures à cause de leur supposée ethnie ou affiliation politique.[223]

L'ancien Chef de Cabinet du Directeur de la Police qui est actuellement le Préfet de Police de Korhogo, révéla à Human Rights Watch que ses collegues et subordonnés ont souvent abusés sexuellement des femmes Dioula, musulmanes, et d'origine étrangère en jouissant d'une impunité totale – même quand il tenta de sanctionner son personnel ou de porter plainte de façon interne au sein de la police.[224]

Intimidation et harcèlement des victimes et des membres du système judiciaire

Les victimes et les avocats tentant de poursuivre des crimes commis par les milices pro-gouvernementales ont du faire face a des instances d'intimidation et de harcèlement de forces pro-gouvernementales diverses et variées.

En exemple percutant de l'intimidation des victimes concerne un cas d'une femme qui a subi un viol collectif par des membres de la FESCI à Abidjan en 2005. Cette femme articula son indignation face aux échecs des tentatives de justice auprès des forces sécuritaires, judiciaires, et universitaires qui n'ont pas osé faire face au crime qu'elle a survécu. Elle dévoila aussi leur inaction inadmissible face au menaces de mort qu'elle a reçu après avoir essaye de poursuivre son cas.

Le silence coupable des autorités m'indigne et m'effraie. Mon future semble hypothéqué et la FESCI continue ses rapts et ses abus en impunité totale…rien n'a été fait jusqu'a aujourd'hui pour découvrir les faits et rendre justice. Je veux que la vérité brille et que justice soit faite, Je veut du fond du Coeur qu'ils arrêtent d'infliger ces types de souffrances… parce que ça pourri ta vie et te remplit d'humiliation et de honte. J'ai besoin d'avoir confiance en moi de nouveau, pour savoir que je ne suis pas celle qui a tort. Que ce sont mes tortionnaires qui sont les coupables. Ca serait déjà une victoire pour moi …[225]

Une éminente NGO des droits humains qui suit ce cas confirma qu'il n'y a eu aucun suivi policier de la plainte qu'elle a déposé. De même ces plaintes déposées auprès de l'université, du Ministère de la Justice, et du Ministère des Droits de l'homme sont restées sans suite.

La FESCI n'est pas du tout le seul groupe qui semble bénéficier d'une protection absolue contre les poursuites en justice – même dans les cas des crimes les plus graves. Par exemple, à l'heure ou fut rédigé ce rapport, Human Rights Watch n'avait pas pu découvrir une seule instance ou un mercenaire libérien ou membre d'une milice pro-gouvernementale au sud-ouest aurait été traduit en justice pour un crime de violence sexuelle.

Coûts excessifs des procédures juridiques

La corruption judiciaire est un phénomène généralisé, et constitue une entrave supplémentaire dans les rares cas ou une violence sexuelle est amenée à l'attention des autorités judiciaires. Les victimes d'une agression sexuelle, du moment ou elles ont déposé une plainte avec la police, doivent faire face aux pratiques corrompues des officiers de la loi et du système judiciaire – facteurs qui garantissent presque que les cas ne seront pas poursuivis jusqu'au bout.[226] Le Bureau du Représentant des Etats-Unis d'Amérique pour le Commerce (Office of the United States Trade Representative) écrivit en 2004 que la corruption en Côte d'Ivoire avait déjà un grand impact sur la justice, et que "c'était fréquent que des juges ouverts aux influences financières puissent déformer le cours d'une procédure des cas."[227] Par exemple, une victime de viol par des membres de la FESCI en 2005 décrivit comment la corruption judiciaire bloqua son dossier:

La plainte que j'ai déposée [sur le viol collectif que j'ai survécu] n'a pas reçu de suivi car on nous a demande de payer 50,000 CFA [US$100] avant que le procureur ne regarde le cas. Nous n'avions pas suffisamment d'argent et donc le cas a été négligé.[228]

Au delà des pots-de-vin que l'on demande trop fréquemment pour faire évoluer une poursuite judiciaire, des frais légaux légitimes peuvent également constituer une entrave incontournable à la justice pour les victimes démunies. Selon de nombreux entretiens de Human Rights Watch avec des victimes, le coût excessif d'un certificat médical empêche bon nombre de femmes de poursuivre leurs cas. Après qu'elles aient porté plainte à la police pour un viol ou autres sévices sexuels, les forces de l'ordre font souvent pression sur les survivantes pour qu'elles aillent elles-mêmes chercher un certificat médical et "prouver" le viol. De fait, le certificat médical est pratiquement considéré comme étant indispensable pour tout suivi policier ou juridique à l'encontre des commanditaires de violences sexuelles. Le prix de ce certificat médical - 25,000 à 30,000 CFA (US$60) - est une somme que peu de femmes en Côte d'Ivoire peuvent réunir. Il est souvent difficile de demander cet argent à un mari ou un père, dans les cas de femmes qui dépendent financièrement des hommes dans leurs familles, et qui craignent d'être blâmées ou rejetées par leur famille entière suite au viol.

Par exemple, une femme travaillant pour une ONG qui avait assisté le père d'une fille violée par des civils durant la guerre a affirmé que le père a dépensé plus de 100,000 CFA (US$200) pour des frais légaux et médicaux, et que le procès a duré deux ans avant même que les violeurs présumés ne soient poursuivis.[229] La Division de l'état de droit de l'ONUCI trouva dans sa revue du système judiciaire ivoirien que de façon procédurale, les cas de viols sont souvent effectivement très longs, chose qui décourage les victimes – tant et tellement que quelques magistrats correctionnalisent des cas de viols, c'est-à-dire les re-classifient comme étant des crimes moindres (par exemple des attentats à la pudeur) afin d'éviter des procédures interminables.[230] Les délais et le manque d'efficacité frustre souvent les victimes qui se retrouvent a court d'argent, de patience, et de temps.

La discrimination basée sur le genre et l'attention inadéquate aux violences faites aux femmes

Selon les ONG féminines ivoiriennes, les autorités enquêtent et jugent de façon inadéquate même les cas de violences sexuelles qui ne sont pas directement liées au conflit et aux groupes armés, et par conséquence potentiellement moins difficiles à traiter.[231] Les ONG maintiennent que les attitudes qui prévalent en Côte d'Ivoire minent le sérieux des poursuites et ont tendance a blâmer les victimes elles-mêmes pour les violences sexuelles qu'elles on subi.[232] Un rapport par le Département d'état des États-Unis d'Amérique rédigé en 2005 a caractérisé le problème ainsi:

Les tribunaux et la police perçoivent les violences conjugales comme étant un problème familial, sauf si des coups et blessures sérieuses ont été infligé ou si la victime a déposé une plainte, dans quel cas ils peuvent initier une poursuite en justice. Le viol demeurait un problème, quoique son étendue fût inconnue car le gouvernement ne récoltait pas de statistiques sur le viol ou les autres violences faites aux femmes. Des organisations féminines de plaidoyer continuaient de récuser l'indifférence des autorités face aux violences faites aux femmes; mais même alors, les femmes qui déposaient des plaintes pour viol ou violence conjugale auprès de la police étaient souvent ignorées.[233]

L'indifférence des décideurs au plus haut niveau en Côte d'Ivoire et des membres du gouvernement sont comme un écho de l'indifférence du système judiciaire et influe les discours publics sur ce thème. Cette indifférence est évidente dans les commentaires d'Hubert Oulaye, alors Ministre de la Fonction Publique, de l'Emploi et de la Réforme Administrative en 2004 par rapport aux viols à Guiglo de dix jeunes femmes dans la communauté Guéré: Constance Yai, alors Ministre de la Famille, de la Femme et des Affaires sociales, évoqua le cas et fit pression pour une poursuite, mais Oulaye répondit qu'il y avait trop de cas réellement importants pour pouvoir gérer ce dossier, et commenta que ce n'était qu'une «histoire de femme» et que cela ne valait «pas la peine de s'inquiéter.» [234]

Des membres du barreau ivoirien décrivirent certains dossiers du Tribunal d'Abidjan à Human Rights Watch pour analyser la réponse du système judiciaire aux violences sexuelles, et trouvèrent que bon nombre des membres du système judiciaire minimisent l'importance des violences sexuelles, font preuve d'une indulgence déplacée voire même illégale envers les violeurs – y compris dans des cas routiniers n'impliquant point les groupes armés gouvernementaux – et questionnent souvent les victimes de violences sexuelles de façon inappropriée.[235] Cette attitude permissive envers les violeurs est particulièrement flagrante dans le cas d'un professeur qui a été adjugé coupable en 2006 d'avoir violé huit fillettes âgées de quatre à douze ans. Il n'a été condamné qu'à un mois en prison, en dépit des normes légales ivoiriennes, qui mandatent une peine bien plus sévère. Un travailleur social qui a suivi le cas de près et qui assistait les familles des victimes se lamenta:

Comment peuvent-ils condamner cet homme pour juste un mois ? Il a violé tellement de fillettes. Elles sont très petites. Il les a vraiment traumatisées, tu sais. Qu'est ce qui arrivera a ces enfants maintenant? Ils vont lui permettre de retourner et d'enseigner de nouveau à d'autres enfants, et il le refera. D'ailleurs il y avait même d'autres filles qu'il a violées en dehors de celles qui étaient au tribunal, mais elles ne sont pas venues au tribunal avec les autres parce que leurs parents ne voulaient pas. Je pense que ça n'a pas été bien décidé. Je ne crois plus à la justice.[236]

Le viol, le viol collectif, l'esclavage sexuel, l'inceste forcé, et le mariage forcé sont des graves violations des droits fondamentaux des femmes. À sa louange, le gouvernement de la Côte d'Ivoire a ratifie multiples des instruments internationaux clés garantissant l'égalité aux femmes ainsi que le droit de vivre libres de violences[237] et a passé bon nombre de lois nationales prohibant les violences basées sur le genre.[238] Malheureusement, les autorités ont le plus souvent négligé leurs obligations internationales légales: leur historique de déboires/défaillances en matière de prévention, d'enquêtes, et de poursuites en justice des violences faites aux femmes mentionnées dans notre rapport en est la preuve.

Des pratiques et des lois coutumières nocives dominent les vies des femmes victimes de violences sexuelles

La loi coutumière est invoquée dans la vaste majorité des disputes légales qui devraient en principe être jugées dans les tribunaux de l'État, selon le droit ivoirien. Par exemple, une étude d'une ONG internationale à l'ouest de la Côte d'Ivoire révéla que 85 pourcent de toutes les disputes étaient adjugées par un Chef du village ou un Chef de terre.[239] Des leaders, des victimes, des témoins, et des ONG dans les autres régions constatent une utilisation pareillement élevée de la justice traditionnelle ou coutumière à travers tout le pays. Ajoutons que certaines analyses juridiques suggèrent que la popularité de la justice traditionnelle ne fait que croître depuis l'irruption du conflit en Côte d'Ivoire, surtout à cause de l'ébranlement des institutions judiciaires officielles. Sur l'ensemble de l'étendue du territoire national, maints policiers eux-mêmes réfèrent des crimes aux chefs traditionnels pour un «règlement à l'amiable» – y inclus les abus sexuels.[240]

Les lois coutumières ne constituent pas un monolithe. Il peut y en avoir autant qu'il y a de groupes ethniques en Côte d'Ivoire. Cela dit, la majorité des systèmes ivoiriens de droit coutumier minimisent les punitions pour les violences sexuelles ou négligent la protection des victimes de viol. Ce faisant, ces lois reflètent des attitudes sociales qui prévalent a travers le pays et qui nient la gravité des violences sexuelles a l'encontre des femmes et des filles.

Par exemple, selon bon nombre de coutumes ivoiriennes, seul le viol d'une vierge est considère comme étant un grave crime, tandis que le viol d'une femme mariée par son mari ou parfois même le viol d'une femme qui n'est pas vierge n'est point considère comme relevant de la criminalité sérieuse.

La notion que "des règlements à l'amiable" constituent une solution appropriée pour des violences sexuelles est répandue chez de nombreux groupes ethniques ivoiriens. Dans des cas ou l'identité du violeur est connue, la famille (ou les supérieurs) du commanditaire essayeront souvent d'arriver à un «règlement à l'amiable» avec la famille de la fille, règlement qui pourrait comprendre une demande de pardon, un accord que le violeur épouse sa victime, ou le paiement d'une somme ou un sacrifice d'un mouton ou d'une chèvre blanche envers la famille de la victime. Un cas qui illustre ce type de règlement fut décrit à Human Rights Watch par une membre d'une organisation humanitaire internationale oeuvrant entres autres dans une communauté non loin de la ville de Guiglo au sud-ouest du pays :

A un moment en automne 2006 une jeune fille a été violée par deux hommes qui sont de là. La fille était enceinte et elle leur a supplié de ne pas la violer mais ils l'ont fait quand même. Les deux hommes sont des ex-combattants. Au départ la famille voulait poursuivre le cas en justice. Apres, ils ont du accepter un règlement a l'amiable. A la fin, ils ont juge que le viol n'était pas le problème. L'autorité [coutumière] qui a fait la médiation pour le règlement à l'amiable a dit que ce qui est grave, c'est que l'acte [sexuel] a eu lieu dehors, à l'ouvert. Les hommes étaient supposés donner une chèvre. Et la famille a subi des pressions pour laisser tomber leur plainte officielle. On leur a dit clairement que s'ils continuaient, toute la famille serait bannie. Finalement, le papa a dit qu'on peut pas mettre quelqu'un un prison pour [une] histoire de femme.[241]

Parfois, les «règlements à l'amiable» sont accompagnés par des rituels pour la communauté, organisés en général par la famille et gérés par le chef du village. Tout le village serait concerné par le viol parce que le viol touche à son identité collective – surtout lorsqu'il s'agit du viol d'un enfant. Selon quelques traditions ivoiriennes, les ancêtres ou esprits du village seraient courroucés quand un viol est commis. Des croyances indiqueraient que ceci peut amener la malchance au village entier et endommager sa prospérité et son bien-être. Pour éviter ce sort, des rituels seraient nécessaires, impliquant souvent une chèvre ou un mouton blanc, de l'eau courante, ou des noix de kola (utilisées dans des rituels dans certains endroits en Afrique). Des rituels communautaires plus larges paraissent moins concentrés sur l'aide aux victimes et plus axés sur le besoin d'apaiser des esprits ou des ancêtres. Rebâtir l'ordre spirituel dans les communautés peut être important tout comme la mortification publique des commanditaires, mais cependant l'importance d'écouter et de conforter les survivantes est souvent laissée pour compte. De surcroît, il n'y a presque pas de notion de confidentialité dans de tels mécanismes traditionnels pour gérer des cas de violences sexuelles.

Maintes survivantes de violence sexuelle d'origine Burkinabée (Moré ou Dagari) sont retournées dans leurs villages ou villes d'«origine» afin être purifiée dans des rites qui requièrent une consultation avec des fétiches. Des fétiches - objets pensés être d'une puissance et signifiance rituelle particulière - ne peuvent pas être bougés la plupart du temps, donc c'est au survivantes de se déplacer. Selon quelques leaders communautaires Burkinabés, des filles Burkinabées qui auraient été violées avaient besoin de retourner au Burkina Faso pour être purifiées dans leurs familles comme pré-condition indispensable pour retrouver une vie normale. Une femme Burkinabée témoigna:

Même si tu es dans un pays de l'autre côté du monde, si quelqu'un t'a violée, tu dois rentrer au pays pour faire des sacrifices. Autrement tu es rejetée par la famille. Si tu ne le fais pas et tu tombes enceinte ton père et tes frères peuvent mourir si tu leur parles.[242]

Des réponses internationales inadéquates pour combattre l'impunité

La communauté internationale a systématiquement négligé de prendre des initiatives pour combattre l'impunité en Côte d'Ivoire en ce qui se rapporte aux violences sexuelles, en toute probabilité de peur de faire chavirer des efforts de négociations pourla paix.[243] Ainsi, la communauté internationale fit preuve d'indécision fatale au Conseil de Sécurité des Nations Unies pourtant sensée sanctionner les personnes impliquées dans les plus graves abus des droits humains. Pareillement la communauté internationale est restée passive au blocage de la publication du Rapport de la Commission d'enquête du Haut commissariat des droits de l'homme des Nations Unies. Elle n'a pas non plus démontrée de fermeté ou de détermination en matière des poursuites en justice qui devraient pourtant être exigées. De leur côté, la communauté CEDEAO et l'Union Africaine ont fait preuve d'une grande velléité, refusant de condamner les graves abus commis par les gouvernements régionaux. Cette faiblesse est probablement due en partie au passé parfois douteux de nombres des gouvernements quant aux droits humains dans leurs propres pays.

Les sanctions des Nations Unies

Les Nations Unies ont souvent menacé d'imposer des sanctions contres des ivoiriens qui bafoueraient des droits humains, violeraient l'embargo des armes, se prêteraient aux discours xénophobes ou racistes violents, ou créeraient des entraves au processus de paix. Cependant, jusqu'à présent, le Conseil de Sécurité des Nations Unies n'a imposé des sanctions économiques et de voyage que contre trois individuels: Charles Blé Goudé et Eugène Djué de la galaxie patriotique, et Martin Kouakou Fofié, le commandant des Forces Nouvelles à Korhogo.[244]

Les sanctions imposées le 7 février 2006 furent en large partie motivées par les attaques de janvier 2006 contre le personnel des Nations Unies.[245] Quoique les initiatives internationales pour freiner les abus et combattre l'impunité sont bienvenus et même nécessaires, il est regrettable que ces mesures ne soient prises qu'après l'attaque à l'encontre du personnel des Nations Unies et des intérêts matériaux onusiens, plutôt que ceux des civils vulnérables ivoiriens.

Des efforts qui s'en sont suivis en 2006 pour imposer des sanctions contre d'autres individuels - entres autres Affi N'Guessan et Mamadou Coulibaly, tous deux leaders dans le parti FPI du président Laurent Gbagbo - furent bloqués par la Chine et la Russie au niveau du Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies.[246] Durant toute l'année 2006, l'Afrique du Sud - sous le leadership du Président Thabo Mbeki, qui était a ce moment le médiateur de l'Union Africaine dans le conflit ivoirien - a aussi crée une entrave sérieuse a l'utilisation plus large et plus cohérente des sanctions. Ceci se fit a travers un plaidoyer persistent et vigoureux contre la justice, argumentant que l'application des sanctions porterait une sérieuse atteinte au processus de paix déjà entamé.[247]

Jusqu'à présent, aucune sanction supplémentaire n'a été octroyée. Human Rights Watch estime que la logique qui diffère indéfiniment la justice et les autres mécanismes de restreinte, afin de privilégier une solution finale incertaine et élusive nie le droit des victimes de voir ceux qui sont responsables des plus graves crimes contre les droits humains jugés. De fait, la stratégie mentionnée ci-dessus semblerait même avoir encouragé les commanditaires de graves crimes, alimentant ainsi l'intransigeance des criminels au sein du gouvernement ivoirien et des Forces Nouvelles.[248]

En 2007, même le peu de progrès que constituent les trois sanctions en vigueur, si faible qu'il soit, pourrait encore être menacé. Dans les accords récents de Ouagadougou, les deux parties ont exprimé leur intention de chercher la fin des sanctions individuelles imposées jusqu'alors, qui doivent être revues le 31 octobre 2007.[249]

La Commission d'enquête du Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l'Homme

De même que les sanctions individuelles, d'autres mesures qui auraient pu combattre l'impunité et freiner les abus en Côte d'Ivoire ont apparemment été différées indéfiniment. Rappelons par exemple, que suite à une requête de toutes les parties de l'accord de Linas Marcoussis pour que soient investiguées les violations sérieuses des droits humains et du droit humanitaire en Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002, le Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l'Homme a envoyé en Côte d'Ivoire la «Commission d'enquête internationale sur les allégations de violations des droits de l'homme en Côte d'Ivoire».

Cette Commission écrivit un excellent rapport relatif aux violations sérieuses des droits humains et du droit humanitaire depuis le19 septembre 2002, et le rendit au Secrétaire Général des Nations Unies en novembre 2004, qui fut transmis par la suite au Conseil de Sécurité des Nations Unies le 23 décembre 2004. La publication de ce rapport et un débat relatif à ses recommandations aurait pu (et pourrait encore) générer une discussion essentielle sur les solutions possibles à l'impunité prévalente en Côte d'Ivoire.

Cependant,le Conseil de Sécurité n'a toujours pas publié le rapport ni débattu ces conclusions – encore moins réagi par rapport a ses recommandations. Cet échec envoie précisément le mauvais message aux responsables des nombreux crimes commis en Côte d'Ivoire.

La Cour pénale internationale (CPI)

L'intervention de la CPI pourrait être une façon importante de lutter contre l'impunité en Côte d'Ivoire. Cependant, la résistance des autorités ivoiriennes à une mission éventuelle de la CPI rend aléatoire cette opportunité capitale. Par ailleurs, le procureur de la CPI a manqué des opportunités de promouvoir la justice pour les crimes sérieux commis en Côte d'Ivoire.

La Côte d'Ivoire n'est pas une partie à la CPI, mais a néanmoins elle aussi accepté en 2003 la juridiction de la CPI pour les crimes commis sur son territoire depuis le 19 septembre 2002. Ainsi, le 28 janvier 2005, le procureur Luis Moreno Ocampo, annonça que la CPI avait l'intention d'envoyer une équipe en Côte d'Ivoire pour établir la possibilité d'ouvrir une investigation. Plus tard, le 28 novembre 2005, le procureur a de nouveau indiqué que la CPI visiterait la Côte d'Ivoire. Cette visite, sensée avoir lieu début 2006, devait accomplir plusieurs objectifs essentiels : 1) récolter des informations pour savoir si les crimes commis en Côte d'Ivoire étaient suffisamment graves pour tomber sous la juridiction de la CPI ; 2) récolter des informations pour comprendre si le système judiciaire ivoirien a la capacité et la volonté de faire face a de tels crimes; et 3) évaluer l'impact possible d'une investigation de la CPI en Côte d'Ivoire. Cependant, le gouvernement n'a toujours pas rendue possible une mission de la CPI en Côte d'Ivoire.

Il est crucial que le gouvernement ivoirien permette immédiatement à la CPI de faire une mission en Côte d'Ivoire afin d'obtenir les informations nécessaires pour évaluer la possibilité d'y ouvrir une investigation. Le gouvernement ivoirien devrait aussi fournir à la CPI toute coopération nécessaire pour une telle mission.

La situation en Côte d'Ivoire mérite aussi un engagement plus proactif de la part du procureur de la CPI. Jusqu'à présent le procureur n'a fait que quelques remarques publiques anodines, et n'a pas non plus promu des poursuites en justice domestiques ou internationales. Human Rights Watch estime que les communications publiques et privées indiquant intérêt de la CPI à la justice pour les abus commis en Côte d'Ivoire pourrait contribuer à freiner les abus actuels qui continuent toujours. En particulier, la CPI devrait émettre un message sans équivoque qu'elle s'est engagée à la surveillance rigoureuse des abus commis en Côte d'Ivoire, et que les commanditaires des pires crimes doivent être traduits en justice.

Le droit international interdisant les violences sexuelles

Les violences sexuelles sont depuis longue date un facteur intégrant des guerres, ainsi qu'une réalité généralisée même en dehors des conflits. Les viols à large échelle furent documentés pendant la seconde guerre mondiale comme dans les conflits récents dans des pays divers et variés, comme par exemple l'ex-Yougoslavie, le Rwanda, le Sierra Leone, et la République Démocratique du Congo.[250] D'antan, les violences sexuelles furent souvent considérées comme un fruit inévitable des conflits armés, et donc faussement caractérisés par les dirigeants militaires et politiques comme des crimes privés, ou comme des comportements regrettables d'éléments incontrôlés ou renégats. Cependant, de nos jours, le viol est de plus en plus reconnu comme une arme de guerre – et non pas un crime privé ou accidentel.

En tant qu'arme de guerre, le viol sert une fonction stratégique et agit comme une partie intégrante de tactiques sensées accomplir des objectifs militaires et politiques. Ce n'est point un simple acte de violence qui relève une certaine sexualité. Au contraire, cela subjugue et humilie souvent les femmes et les hommes des communautés ciblées. De surcroît, le viol n'est généralement pas commis en isolation. La plupart du temps, les victimes sont assujetties a de multiples violations des droits humains qui servent à les traumatiser d'avantage. Dans les conflits ou les civils sont les cibles principales, la violence sexuelle est devenue une arme de guerre d'autant plus délibérée et insidieuse.

La violence sexuelle comme crime de guerre

Depuis plus d'un siècle, le droit international prohibe le viol et les autres formes de violences sexuelles en temps de conflit armé.[251] Le droit International humanitaire, aussi connu sous la rubrique lois de la guerre, élabore les protections des civils, des prisonniers de guerre, et d'autres non-combattants pendant les conflits armes internationaux et internes.[252] En fonction du contexte plus large dans lequel les crimes furent commis, les commanditaires peuvent être jugés pour le viol et d'autres violences sexuelles en tant que crimes de guerre, crimes contre l'humanité, ou actes de génocide.[253] Les quatre Conventions de Genève et leurs deux Protocoles additionnels condamnent explicitement et implicitement le viol et autres violences sexuelles comme étant des graves violations du droit humanitaire des conflits internationaux tant qu'internes. Dans les conflits armés internationaux, de tels crimes sont des infractions graves des Conventions de Genève et considérés comme crimes de guerre. De plus, pendant les conflits internes, les violations impliquant des attaques directes contre des civils sont de plus en plus reconnus comme étant des crimes de guerre.

L'article 3 commun aux quatre aux Conventions de Genève s'applique a tous les groupes impliqués dans un conflit armé interne, y compris les groupes armés d'opposition et des rebelles. A travers sa prohibition des «les outrages à la dignité personnelle, en particulier les traitements humiliants et dégradants,» l'article 3 interdit implicitement la violence sexuelle. La quatrième Convention de Genève sur la protection des civils dans les conflits armés internationaux permet de définir les protections indiquées dans l'article 3. L'article 27 sur le traitement des personnes protégées note que «les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur, et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à leur pudeur.» [254] L'article 147 spécifie que tout acte de torture ou traitement inhumain et le fait de «Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé» constituent des graves violations des conventions.[255] Selon le Comité International de la Croix Rouge, (CICR) le viol et d'autres formes de violences sexuelles sont considérées de graves violations. Même un acte individuel de violence sexuelle peut constituer un crime de guerre.[256] L'article 4 du Protocole II, qui régit les conflits armés internes et s'applique directement au conflit en Côte d'Ivoire, interdit expressément «les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles» et les « les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur» ainsi que « l'esclavage et la traite des esclaves sous toutes leurs formes.» [257]

La violence sexuelle comme crime contre l'humanité

Contrairement aux crimes de guerre, les crimes contre l'humanité peuvent être commis en temps de paix et en périodes qui ne sont pas suffisamment graves pour pouvoir êtres qualifiées de conflit armé. La définition de et la prohibition contre les crimes contre humanité a été incorporée en bon nombre de traités internationaux et dans les statuts des tribunaux pénaux internationaux, y compris le Statut de Rome de la CPI.[258] Il n'y a pas un seul traité particulier qui émet une définition concluante ou décisive contre les crimes contre humanité, mais de tels crimes sont généralement considérés comme étant des actes inhumains et sérieux commis pendant une attaque généralisée contre une population civile, en temps de guerre ou de paix. Les statuts du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie et du Tribunal Pénal International pour le Rwanda décrivent de façon explicite le viol comme un crime contre l'humanité quand il est commis en partie intégrante d'une une attaque généralisée contre la population civile.[259]

Tous deux tribunaux ont joué un rôle important en créant une jurisprudence relative aux poursuites des violences sexuelles liées aux conflits, en particulier en articulant des définitions et des éléments de maints crimes liés au genre.[260] Pareillement, le statut de la CPI identifie sans équivoque les actes de viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée, ou toute autre forme de violence de gravité comparable comme des actes qui peuvent être des crimes contre humanité[261] Les crimes contre l'humanité, en tant que crimes sérieux internationaux, peuvent aussi être sujette à la juridiction universelle. Ceci veut dire que les tribunaux nationaux peuvent avoir la juridiction de juger quelqu'un soupçonné de crimes contre humanité même au cas ou ni l'inculpé ni la victime sont des citoyens du pays ou le tribunal se situe, et même si le crime a été commis en dehors de ce pays. Les actes de violence sexuelle commis en tant qu'attaques généralisées contre les civils en Côte d'Ivoire peuvent être classifiés comme crimes contre humanité et traduits en justice en tant que tels.

La violence sexuelle comme une forme de torture

Les instruments internationaux des droits humains octroient des protections aux femmes et aux filles à tout moment, y compris en période de conflit. Ceci comprend la protection contre le viol et les attaques sexuelles en tant que forme de torture ou autre mauvais traitement interdit, l'esclavage, la prostitution forcée, et la discrimination basée sur le genre. Des groupes d'opposition armés, surtout ceux qui contrôlent un territoire sont de plus en plus considérés comme étant sous l'obligation de respecter les droits humains internationaux.[262]

La Côte d'Ivoire est partie au Pacte international des droits civils et politiques (le Pacte), Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (la CCT) et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Charte), qui interdisent tous la torture et les autres traitements cruels, inhumains, ou dégradants commis par un fonctionnaire ou toute autre personne agissant de par sa capacité officielle.[263] La Convention relative aux droits de l'enfant émet le droit à être exemptes de la torture, l'exploitation sexuelle, et les abus tant bien la liberté et la sécurité de la personne.[264] Le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la Torture a reconnu que le viol peut constituer une torture,[265] comme l'a fait le TPIY[266] et le TPIR.[267]

Sous le Pacte, la Charte, et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes («Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women,» ou CEDAW), l'esclavage sexuel et la prostitution forcée en temps de conflits armes constituent une violation fondamentale du droit à la liberté et la sécurité de la personne.[268] De surcroît, l'interdiction de l'esclavage est une norme jus cogens qui ne permet aucune dérogation, et qui est d'ailleurs interdit sous l'article 8 du Pacte (qui interdit aussi le travail forcé), tant que par la Convention relative à l'esclavage de 1926.[269]

La violence sexuelle comme une forme de discrimination: une violation du droit international des droits humains

En général la violence sexuelle viole le droit des femmes à être libres de la discrimination basée sur le genre, garantie par le Pacte.[270] L'article 1 de CEDAW[271] définit la discrimination comme comprenant «toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes…sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de l'homme et des libertés fondamentales.» [272] Le Comité CEDAW a énuméré une longue liste d'obligations qu'ont les États de mettre fin aux violences sexuelles, y compris assurer le traitement approprié pour les victimes dans le système judiciaire, l'écoute, les services de soutien, les traitements médicaux, et l'assistance psychologique.[273] Dans une résolution en 1993, l'Assemblée Générale des Nations Unies déclara que le fait d'interdire la discrimination basée sur le genre comprend l'élimination des violences basées sur le genre. De plus l'Assemblée Générale déclara que les Étatsdevraient poursuivre une politique pour éliminer les violences faites aux femmes sans délai, avec tous les moyens appropriés à leur disposition.[274] La Convention relative aux droits de l'enfant stipule aussi la liberté contre la discrimination sur la base du genre (article 2). La Charte stipule que L'État a le devoir de veiller à «l'élimination de toute discrimination contre la femme et d'assurer la protection des droits de la femme et de l'enfant» [275] ainsi que le droit à l'intégrité de la personne, et le droit d'être libre de « toutes formes d'exploitation et d'avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants.» [276] En février 2004, la Côte d'Ivoire signa le protocole à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (CADHP), qui est entré en vigueur en novembre 2005, dont les articles 11 sur le conflit armé et 14 sur l'avortement illégal sont particulièrement importants pour ce rapport.[277]

La responsabilité criminelle pour la violence sexuelle

Des actes Individuels de viol ou d'autre violence sexuelle peuvent être poursuivis en justice en tant que crimes. Cependant, un cas individuel de violence sexuelle sérieuse peut aussi être poursuivi comme un crime contre l'humanité si le crime fut commis en tant que partie intégrante d'une attaque généralisée et systématique contre la population civile.[278] Chaque type d'acte énumère tel que le meurtre, la torture, ou le viol, n'a pas besoin d'être commis de façon généralisée ou systématique - ce n'est que l'attaque qui doit être généralisée ou systématique.

La responsabilité Individuelle criminelle pour un crime contre l'humanité ou une grave violation des droits humains ou du droit international peut être établie quand l'on peut prouver qu'un inculpé a planifié, instigué, ordonné, commis ou autrement aidé, incité ou encouragé à commettre le crime.

Les officiers supérieurs peuvent aussi être tenus responsables pour les crimes par leurs subordonnés grâce au principe de la responsabilité de commandement.[279] Quoique ce principe aie ses origines dans la loi militaire, il comprend à présent la responsabilité des autorités civiles pour les abuse commis par des personnes sous leur autorité réelle. Les acteurs étatiques et ceux qui ne le sont pas (comme par exemple des dirigeants de groupes armés rebelles) peuvent être tenus coupables à partir du concept de responsabilité de commandement, entre autres pour les crimes contre l'humanité.[280]Selon la doctrine de la responsabilité de commandement, les commandants ou autres supérieurs peuvent être coupable de ne pas prévenu ou puni des crimes commis par leurs subordonnés. Un supérieur est responsable des crimes de ses subordonnés quand: primo, il savait – ou avait lieu de savoir – que les actes criminels furent commis, ou même qu'ils étaient sur le point être commis ; deuxio, il n'a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher le crime; tertio, il n'a pas pris les nécessaires et raisonnables pour punir les commanditaires.[281] Le supérieur doit avoir une connaissance des actes criminels, ou dans le cas contraire, avoir des informations à sa disposition qui lui permettraient être saisi des faits.[282] Il incombe de noter que le supérieur n'a aucune responsabilité d'enquêter pour s'acquérir ces faits, et que le simple fait de ne pas acquérir ces faits ne peut pas établir la culpabilité d'un ou une supérieur(e).[283] Toutefois, il ne peut pas volontairement négliger des informations qui lui sont disponibles.[284] La responsabilité d'empêcher et/ou de punir naît dés qu'un supérieur acquiert l'information que ses subordonnés vont commettre un crime ou l'ont déjà commis.

Un commandant peut donc être adjugé coupable de violence sexuelle s'il ou elle est resté passif pendant que ses subordonnés commettaient des violences sexuelles. En Côte d'Ivoire, si les commandants militaires et les fonctionnaires civils savaient ou avaient raison de savoir que leurs subordonnées commettaient des violences sexuelles, et n'utilisèrent pas toutes les mesures nécessaires et raisonnables à leur disposition pour empêcher et punir ses abus, ils peuvent aussi être adjugés coupables de violence sexuelle.[285]

Remerciements

Ce rapport fut écrit par Etelle Higonnet, une Bernstein Fellow à Human Rights Watch, à partir des entretiens qu'elle fit en Côte d'Ivoire, au Libéria, au Mali, et au Burkina Faso d'août en octobre 2006.

Le rapport fut édité par Corinne Dufka, Directrice de l'équipe pour l'Afrique de l'Ouest et Dustin Sharp, Chercheur pour l'Afrique de l'Ouest francophone; Aisling Reidy avec la Division légale; et Iain Levine du Bureau Programmatique. Il fut également revu par la Division des Droits des femmes ainsi que celle des Droits des enfants, et la Division de la justice internationale. Celeste Robinson, l'Associée administrative dans la Division Afrique assura la production et le travail logistique avec l'aide d'Andrea Holley, la Directrice des publications et de Fitzroy Hepkins, le Manager du courrier.

Nous voudrions profiter de cette opportunité pour remercier toutes les organisations et les personnes qui ont été interviewées pour ce rapport. Leurs témoignages et leurs analyses ont été d'une importance prépondérante. Presque tous ceux qui participèrent aux entretiens où donnèrent leurs rapports à Human Rights Watch ont demandé l'anonymat. Nous avons respecté leurs préoccupations sécuritaires. Nous saluons le courage des organisations qui oeuvrent en Côte d'Ivoire pour mettre fin aux violences faites aux femmes. Ils documentent les abus, encadrent des formations même auprès des groupes armés aux barrages et jusque dans les casernes, octroient des services indispensables médicaux et psychosociaux aux survivantes des violences sexuelles; et facilitent la réinsertion des victimes de viol dans leurs communautés.

Par-dessus tout, nous remercions les victimes et les témoins de violences sexuelles qui ont partagé leurs expériences avec nous. Ces personnes ont surmonté leur peur, la honte, les intimidations auxquelles elles peuvent faire face, et les traumatismes qu'elles ont soufferts. Leur dignité et leur héroïsme nous inspirent tous

Annexe: Définitions des termes

Discrimination à l'encontre les femmes : l'article 1 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes définit la discrimination à l'encontre des femmes comme comprenant «toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.»

Violence conjugale : Dénommée également «violence familiale» la violence conjugale se réfère aux abus physiques, sexuels, psychologiques, et économiques qui peuvent sévir dans le contexte d'une relation intime, y inclus le mariage. La violence conjugale est une des plus courantes formes des violences basées sur le genre. Ce phénomène est souvent caractérisé par un comportement abusif et un élément de dominance.

Violence basée sur le genre : La violence basée sur le genre est définie comme étant une violence dirigée a l'encontre d'une personne, basée sur son sexe ou son genre. Cette violence comprend des actes qui infligent une souffrance physique, mentale, or sexuelle, des menaces proférées relatives a ces souffrances, la contrainte, et les privations de liberté. Entres autres, les violences basées sur le genre peuvent comprendre les violences sexuelles, conjugales, les abus psychologiques et émotifs, le trafic humain, la prostitution forcée, le harcèlement sexuel, et les pratiques traditionnelles néfastes (comme par exemple la mutilation génitale féminine, les mariages forces, ou le lévirat).

Viol : Le viol est défini par la chambre d'appel du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) dans le Jugement Kunarac, par. 460 : «l'élément matériel du crime de viol est constitué par : la pénétration sexuelle, fut-elle légère : a) du vagin ou de l'anus de la victime par le pénis du violeur ou tout autre objet utilisé par lui ; ou b) de la bouche de la victime par le pénis du violeur, dès lors que cette pénétration sexuelle a lieu sans le consentement de la victime. Le consentement à cet effet doit être donné volontairement et doit résulter de l'exercice du libre arbitre de la victime, évalué au vu des circonstances. L'élément moral est constitué par l'intention de procéder à cette pénétration sexuelle, et par le fait de savoir qu'elle se produit sans le consentement de la victime».[286] La chambre d'appel a rejeté la notion qu'une certaine «résistance» est indispensable – argument proféré par la défense – en concluant que la résistance n'est ni nécessaire selon la loi ni selon les faits, et que l'utilisation physique de la force en soi n'est pas un élément nécessaire d'un viol. Ces circonstances de forte pression peuvent rendre impossible un consentement des victimes. Cette définition souligne le fait que le viol est une attaque a l'intégrité physique de la femme, et que la définition de comprend pas une attaque contre son honneur ou l'honneur de sa famille ou sa communauté. Le TPIY a émis une décision qu'une violence sexuelle peut constituer non seulement un crime contre l'humanité, et un crime de guerre, mais peut aussi constituer une torture, un esclavage, une blessure grave, ou d'autres crimes, si toutefois les éléments clés de ces crimes sont présents au moment de l'acte de violence sexuelle.

Exploitation sexuelle : L'exploitation sexuelle est n'importe quel abus de position de vulnérabilité, de pouvoir différent, ou de confiance à des fins sexuels; ceci comprendrait le fait de profiter financièrement, socialement, ou politiquement de l'exploitation sexuelle d'une autre personne.[287] Par exemple, l'exploitation sexuelle peut advenir quand les adultes ont des relations sexuelles avec des enfants en échange pour de l'argent, de la nourriture, ou toute autre bien. La prostitution entre adultes n'est pas interdite selon le droit international mais l'exploitation sexuelle des mineurs l'est – c'est-à-dire toute personne ayant moins de dix-huit ans.

Esclavage sexuel : L'esclavage, définit par la Convention relative a l'esclavage de 1926 et le Protocole de 1953 amendant cette même convention, se réfère à l'état ou à la condition d'un individu sur lequel s'exercent les attributs du droit de propriété ou certains d'entre eux. L'esclavage sexuel comprend des droits de propriété de nature sexuelle à travers le viol ou d'autres formes de violence sexuelle.[288] Le Statut de la Cour Pénale Internationale (CPI) comprend le trafic des femmes et des enfants dans sa définition de l'esclavage.[289]

Violence sexuelle : Dans ce rapport, la violence sexuelle est utilisée de façon englobante pour décrire toute violence, physique ou psychologique, commise par le biais d'une action sexuelle ou en ciblant la sexualité.[290] La violence sexuelle comprend (1) l'esclavage sexuel, (2) le viol commis par quelqu'un du sexe opposé, (3) le viol commis par quelqu'un du même sexe, (4) l'introduction d'objets dans l'anus ou le vagin, (5) le viol collectif, (6) un attentat à la pudeur, (7) forcer la commission d'actes sexuels autres que le viol comme par exemple forcer une personne de se déshabiller publiquement, (8) forcer deux victimes de commettre des actes sexuels ensemble ou de se blesser l'un ou l'autre de façon sexuelle, (9) coups et blessures sur les parties génitales d'une personne ou les seins d'une femme, (10) les fouilles au corps par les membres du sexe opposés, et (11) battre une femme enceinte sur son estomac.

[1]Un débat est en cours sur l'emploi des termes «victime» et «survivante.» Certains proposent que le terme «victime» soit écarté parce qu'il implique la passivité, la faiblesse et une vulnérabilité inhérente et qu'il ne reconnaît pas la réalité de l'action et de la résistance des femmes. Pour d'autres, le terme «survivante» est problématique parce qu'il nie la sensation de victimisation ressentie par les femmes qui ont été la cible de crimes violents. Notre rapport emploie les deux termes.

[2] A la mort de Houphouët-Boigny en 1993, Henri Konan Bédié est devenu le second président de Côte d'Ivoire. Après avoir assumé la présidence pendant quelques années et remporté les élections programmées en 1995, Bédié et ses conseillers ont inversé la « politique de portes ouvertes» aux immigrants de Houphouët-Boigny, pour la remplacer par la philosophie de «l'ivoirité», lançant cette nation autrefois terre d'accueil des immigrants dans une spirale descendante de discrimination ethnique. On peut trouver une analyse succincte de cette période dans l'ouvrage de Thomas Hofnung, La Crise Ivoirienne: Dix clés pour comprendre (Paris: La Découverte, 2005), pp. 29-31 (Dix clés).

[3] Les élections parlementaires et présidentielles en Côte d'Ivoire en octobre et décembre 2000 ont été marquées par des violences politiques qui ont fait plus de 200 morts et des centaines de blessés. Human Rights Watch, Côte d'Ivoire – Le nouveau racisme : La Manipulation politique de l'ethnicité en Côte d'Ivoire, vol. 13, no.6 (A), Août 2001, http://www.hrw.org/reports/2001/ivorycoast/.

[4] Un argument crucial en faveur de son illégitimité était que les élections de 2000 avaient été truquées parce que 14 sur les 19 candidats présidentiels avaient été exclus.

[5] Le Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) a été rejoint par deux groupes de l'ouest : le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP) et le Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO).

[6] L'analyse de la situation dans ce paragraphe s'appuie sur un rapport publié antérieurement : Human Rights Watch, Pris entre deux guerres : Violence contre les civils dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, août 2003, vol. 15, no. 14 (A), http://www.hrw.org/reports/2003/Côtedivoire0803/.

[7] Accords de Linas-Marcoussis négociés par le gouvernement français en janvier 2003 ; Accords de Accra III négociés par les pays ouest africains et par le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, en juillet 2004 ; et l'Accord de Pretoria négocié par le Président sud-africain Thabo Mbeki au nom de l'Union africaine et signé en Afrique du Sud le 6 avril 2005.

[8] «La situation en Côte d'Ivoire», Déclaration présidentielle du Conseil de Sécurité des Nations Unies, 28 mars 2007 S/PRST/2007/8 (2007).

[9] Environ 3 millions d'Ivoiriens n'ont pas de documents de nationalité ou de cartes d'électeurs. Voir, «Côte d'Ivoire: le processus pré électoral crucial d'identification retardé » ("Côte d'Ivoire: Key pre-electoral identification process delayed"), IRIN, 31 mars 2006, http://www.irinnews.org/report.asp?ReportID=52549&SelectRegion=West_Africa. Cette question a fini par être considérée par beaucoup comme la raison d'être de la rébellion, selon les responsables des Forces Nouvelles interrogés par Human Rights Watch à Abidjan et Bouaké en mars 2006, entre autres.

[10] Le terme «Dioula» renvoie à une simple description d'une ethnicité se trouvant essentiellement dans la partie nord-est de la Côte d'Ivoire. Toutefois, il peut aussi être quelque peu péjoratif et au cours des dernières années, le terme «Dioula» a fini par signifier plus qu'un quelconque groupe ethnique, comme celui des «Baoulé» . Maintenant, il désigne souvent des personnes du nord tels que les Malinké, Sénoufo et autres ethnicités, aussi bien que des étrangers et des personnes d'origine étrangères comme des ivoiriens d'origine Burkinabé et malienne. Dans ce rapport, Human Rights Watch utilise le terme Dioula tel qu'il est couramment employé par beaucoup d'ivoiriens : pour désigner des ivoiriens qui, même s'ils habitent dans le sud, appartiennent à l'origine aux groupes ethniques du nord Mande et Gur, y compris des membres des groupes ethniques Malinké, Sénoufo et Bambara.

[11] Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires humanitaires (United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, OCHA). «Urgences - Côte d'Ivoire» (Emergencies - Côte d'Ivoire), http://ochaonline.un.org/webpage.asp?Page=2355; publication commune du Ministère de la Solidarité et des victimes de guerre, de l'École Nationale Supérieure de Statistique et d'Économie Appliquée (ENSEA), et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), «Conditions de vie des personnes déplacées et des familles d'accueil en zone gouvernementale de la Côte d'Ivoire – résultats de l'enquête», janvier 2007, («Conditions de vie des personnes déplacées» MSVG/ENSEA/UNFPA).

[12] Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[13] Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[14] Rapport d'une organisation locale [nom et détails dissimulés par Human Rights Watch], Côte d'Ivoire, 2004.

[15]Entretien de Human Rights Watch avec un responsable d'une organisation humanitaire locale qui a été actif dans de nombreuse associations locales, Danané, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[16] Ibid.

[17] Le Décret 2000-133 du 23 février 2000 relatif à l'organisation du Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales a créé un Comité national de lutte contre la violence à l'égard des femmes et des enfants.

[18] Entretiens de Human Rights Watch avec des activistes locaux des droits des femmes qui ont assisté à des présentations du Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales et du Ministère de la Solidarité et des victimes de guerre, Man, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[19] Ibid.

[20] Les Accords de paix de Marcoussis et d'Accra ont réduit le conflit armé en Côte d'Ivoire, et des hommes et des femmes ont commencé peu après à s'auto démobiliser.

[21] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une organisation humanitaire internationale, Man, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[22] Ibid. Les chiffres les plus bas sont enregistrés à Blédi Deya avec 28 pour cent de mères adolescentes parmi les filles interrogées. Les autres chiffres sont les suivants : Danané, 37 pour cent ; Zeaglo, 53 pour cent ; Bloléquin, 70 pour cent ; et Toulepleu, 75 pour cent.

[23] La fraternité des dozos n'a pas d'équivalent dans le monde occidental. La personne d'un dozo chevauche plusieurs rôles: chasseurs, guérisseurs, magiciens, il inspire la crainte et fait partie d'une confrérie prestigieuse. Le rôle des dozos a une tradition centenaire, mais s'est quelque peu estompé pendant la construction des États post-coloniaux. L'importance des dozos émergea de façon plus prononcée à travers la sous région avec les guerres brutales des 1990s. Au Libéria et au Sierra Léone, les kamajors - qui ressemblent de près au dozos - se transformèrent en groupe armé incontournable durant les guerres de ces pays respectifs.

[24] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Alain Lobognon, Secrétaire National à la Communication, le 10 avril 2007 ; Entretiens de Human Rights Watch avec un ancien porte parole : Aux alentours du mois de mars 2003, les leaders du MPCI à Bouaké ont envoyé des troupes pour expulser ou tuer les combattants libériens et sierra léonais à l'ouest, ainsi que leurs chefs «Félix Doh» (Ndri Koffi N'Guessan) et Sam Bockarie, soi-disant parce que ces forces étaient responsables pour de nombreuses violations graves qui étaient devenus une influence négative sur l'image des Forces Nouvelles. Le MPCI aurait mobilisé la Compagnie Guépard venue du nord sous le commandement de leur chef de guerre Chérif Ousmane pour aller à l'ouest ou ils expulsèrent et tuèrent les combattants étrangers du MPJ et MPIGO, assassinant même leur leader Félix Doh. Guillaume Soro aurait apparemment accompagné Ousmane à Danané, pour présenter Ousmane à la population, et demander le soutien des habitants.

[25] Entretien enregistré en vidéo [archivé par Human Rights Watch], Libéria, Octobre 2006.

[26] Ibid.

[27] Entretien de Human Rights Watch et correspondance électronique, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

[28] Entretiens de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

[29] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

[30] Entretien de Human Rights Watch, Comté de Nimba, Libéria, Octobre 2006.

[31] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

[32] Entretien téléphonique de Human Rights Watch, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[33] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec des sage femmes, Danané, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[34] Ibid.

[35] Ibid.

[36] Entretien de Human Rights Watch, Libéria, Octobre 2006.

[37] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

[38] Entretien de Human Rights Watch, Libéria, Octobre 2006.

[39] Entretien de Human Rights Watch, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[40] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

[41] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

[42] Entretien de Human Rights Watch, Man, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[43] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Septembre 2006.

[44] Ibid.

[45] Entretien de Human Rights Watch, Comté de Nimba, Libéria, Octobre 2006.

[46] Entretien de Human Rights Watch, Bamako, Mali, Octobre 2006.

[47] Rapport d'une organisation humanitaire internationale, qui a préféré garder l'anonymat, fondé sur une étude de mars à juin 2006 sur la réinsertion dans la communauté de filles ayant été associées à différents groupes armés dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, document non publié [ci-après, "Réinsertion d'anciennes filles soldats," archivé par Human Rights Watch].

[48] Ibid.

[49] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

[50] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une organisation humanitaire internationale, Man, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[51] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

[52] Entretien de Human Rights Watch, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[53] Entretien de Human Rights Watch, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[54] Entretiens de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une organisation humanitaire locale, Man, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[55] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

[56] Entretien de Human Rights Watch, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[57] Ibid.

[58] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une organisation humanitaire locale, Man, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[59] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien porte-parole des rebelles , Monrovia, octobre 2006.

[60] Entretiens de Human Rights Watch avec des responsables de réfugiés ivoiriens, Libéria, Octobre 2006.

[61] Entretien de Human Rights Watch avec plus d'une dizaine de membres du personnel d'une organisation humanitaire internationale, Man, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[62] Les rapports sur d'autres meurtres de femmes et de filles enlevées par des forces fidèles au président libérien d'alors, Charles Taylor, méritent plus ample investigation. Ces rapports suggèrent que beaucoup de femmes et de filles enlevées ivoiriennes et autres pourraient avoir été tuées dans la ville libérienne de Ganta, quand les forces gouvernementales libériennes, agissant semble-t-il sur les ordres du président libérien d'alors Charles Taylor, ont assassiné son ancien allié.

[63] Entretien de Human Rights Watch et correspondance email, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

[64] Entretien de Human Rights Watch, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[65] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Septembre 2006.

[66] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien porte-parole des rebelles, Monrovia, Liberia, October 2006.

[67] Entretien de Human Rights Watch, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[68] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une organisation de femmes locale, Danané, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[69] Entretiens de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une organisation locale, Man, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[70] Entretiens de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une organisation locale, Man, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[71] Entretien de Human Rights Watch avec Joseph Djitro, membre du personnel du Haut commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (UNHCR), Guiglo, Côte d'Ivoire, 29 septembre 2006.

[72] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[73]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[74] Entretien de Human Rights Watch, Comté de Nimba, Libéria, Octobre 2006.

[75] ONUCI, Division des Droits de l'Homme, Situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport n° 6, mai – juin – juillet - août 2006, publié en 2007. Ce rapport nota que la situations des droits humains est particulièrement alarmante dans la Zone de confiance, où les violences intercommunale et interethnique "continuent de plonger la population dans une insécurité rampante," avec des criminels, des hommes armés, des milices appelées "Cocos taillés", des Dozos, et d'autres groupes armés agissant dans une impunité totale. L'ONUCI a signalé des assassinats, des meurtres, des extorsions et des vols, des enlèvements, des disparitions, et autres atteintes à l'intégrité physique dans la Zone de confiance, qui continuent à déclencher le déplacement forcé des populations. Dans les zones rebelles, l'ONUCI a constaté de fréquentes exécutions sommaires et détentions d'espions supposés, et a reçu des signalements de viols.

[76] Entretien de Human Rights Watch avec des représentants de la société civile et des travailleurs humanitaires actifs dans la partie de la Côte d'Ivoire sous contrôle des rebelles, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[77] L'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) a remplacé la Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire (MINUCI) le 4 avril 2004.

[78] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Alain Lobognon, Secrétaire national des Forces Nouvelles aux Communications, 10 avril 2007.

[79] ONUCI, Division des Droits de l'Homme, Situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport n° 6, mai – juin – juillet - août 2006, publié en 2007, p. 21.

[80] Entretiens de Human Rights Watch avec la responsable d'une organisation locale des femmes, Abidjan, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[81] ONUCI, Division des Droits de l'Homme, Rapport sur la Situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, janvier – février – mars – avril 2006, publié en juin 2006. pp. 31-36; ONUCI, Division des Droits de l'Homme, Rapport sur la Situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, août – septembre – octobre – novembre – décembre 2005, publié en février 2006, pp. 27-29; ONUCI, Division des Droits de l'Homme, Rapport sur la Situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, mai – juin – juillet 2005, publié en octobre 2006, pp.29-33.

[82] Human Rights Watch, Pris entre deux guerres, pp 24-25.

[83]Ibid, p. 24.

[84] Les groupes ethniques considérés comme fidèles au gouvernement ou simplement hostiles aux Forces Nouvelles pouvaient inclure les Baoulés, les Bétés, les Guérés, ou les Krous.

[85] Au cours de la prise de contrôle par les rebelles du nord et du centre de la Côte d'Ivoire en septembre et octobre, de nombreuses atrocités ont été commises. Le nombre de violations des droits humains reste difficile à calculer. Les rebelles auraient arrêté et tué de grands nombres et peut-être des centaines de personnes affiliées à la police et au gouvernement. Les forces pro-gouvernementales ont alors brièvement repris la ville de Bouaké et la région environnante, procédant à des exécutions sommaires de nombreux partisans présumés des rebelles, brûlant et exposant leurs corps dans les rues. Quelques jours plus tard, le 8 octobre 2002, quand les rebelles ont repris définitivement Bouaké, ils ont commis des exécutions similaires en représailles, prenant pour cible aussi bien les forces pro-gouvernementales armées que les civils qui avaient montré leur soutien au gouvernement. Ces atrocités ont déclenché un déplacement massif de population. On évalue à environ  200 000 au moins le nombre de personnes qui ont fui la seule ville de Bouaké, beaucoup appartenant au groupe ethnique des Baoulés ou à d'autres groupes originaires du sud, qui ont fui en partie de peur que les rebelles, appartenant surtout aux Sénoufous ou à d'autres groupes ethniques du nord, ne commettent des exactions contre eux. Voir Human Rights Watch, Pris entre deux guerres.

[86] Entretien de Human Rights Watch avec un responsable d'une organisation humanitaire locale, Korhogo, Côte d'Ivoire, octobre 2006.

[87] Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec des sages-femmes et des travailleurs sociaux qui avaient été basés à Yamoussoukro, septembre 2006-mars 2007.

[88] Amnesty International, «Côte d'Ivoire – Les femmes, victimes oubliées du conflit,» AI Index: AFR 31/001/2007, 15 mars 2007, http://web.amnesty.org/library/Index/ENGAFR310012007.

[89] Ibid.

[90] Ibid, p. 10.

[91] Ibid.

[92] Ibid.

[93] Un crime particulièrement flagrant attribué au commandant Fofié est le massacre bien documenté en juin 2004 de plus de 100 personnes, des combattants rebelles dissidents pour la plupart, dont il a été établi qu'une soixantaine sont morts de suffocation, après avoir été enfermés dans des containers de marchandises pendant plusieurs jours, sans eau ni nourriture. Voir, Commission d'enquête internationale sur les allégations de violations des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport sur la situation des droits de l'homme en République de Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002 jusqu'au 15 octobre 2004 conformément aux dispositions de l'annexe VI de l'Accord de Linas-Marcoussis et à la Déclaration du Président du Conseil de Sécurité du 25 mai 2004, (PRST/2004/17), p. 38. (dorénavant cité comme «Commission d'enquête, Rapport sur la situation des droits de l'homme").

[94] «Côte d'Ivoire : Profils de trois ivoiriens faisant face aux sanctions onusiennes» ("Côte d'Ivoire: Profiles of three Ivorians facing UN sanctions,") IRIN, 8 février 2006, disponible à http://www.globalsecurity.org/military/library/news/2006/02/mil-060208-irin04.htm.

[95] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une organisation humanitaire locale, Abidjan, Côte d'Ivoire, 16 janvier 2007.

[96] Les zones qui ont été le plus durement touchées dans l'ouest et le sud de la Côte d'Ivoire semblent être les régions administratives des 18 Montagnes, Moyen Cavally, Bas-Sassandra, et Haut-Sassandra, et les villes de Duékoué, Guiglo, Blolequin, Toulepleu, Tai, Tabou, Vavoua et Daloa.

[97] Human Rights Watch, Pris entre deux guerres, p. 7-8. Human Rights Watch et d'autres ont documenté bon nombre de ces crimes, par exemple le massacre de plus de 60 civils par des mercenaires libériens et des troupes gouvernementales à Bangolo début mars 2003, le massacre de plus de 50 civils à Daloa en octobre 2002, et le massacre d'une centaine de civils à Monoko Zohi en novembre 2002.

[98] Human Rights Watch, Côte d'Ivoire : Le coût de l'impasse politique pour les droits humains, Décembre 2005, disponible en ligne à http://hrw.org/backgrounder/africa/Côte1205/index.htm.

[99] Ibid.

[100] Ibid.

[101] Human Rights Watch a déjà documenté la prolifération des milices pro-gouvernementales, ainsi que leur rôle et leur pouvoir croissant, dans des recherches antérieures. Voir, Human Rights Watch, Côte d'Ivoire – Les milices commettent des abus en toute impunité, 27 novembre 2003, disponible en ligne à http://hrw.org/english/docs/2003/11/27/cotedi6541.htm.

[102] Human Rights Watch, Le coût de l'impasse politique pour les droits humains.

[103] Le nom « Lima» vient peut-être du fait que Lima est le code dans l'alphabet radio pour la lettre «L» utilisée pour désigner les libériens.

[104] Une combinaison de forces rebelles s'est emparée de Man le 28 novembre 2002. Le gouvernement a contre-attaqué et a réussi à reprendre Man le 30 novembre 2002. Les forces loyalistes ont alors tenu Man pendant deux semaines au moins, jusqu'à ce que la ville soit reprise par les rebelles le 19 décembre 2002.

[105] Entretien de Human Rights Watch avec la présidente d'une association de femmes, Bamako, Mali, Octobre 2006.

[106] Entretiens de Human Rights Watch avec des travailleurs humanitaires et sanitaires, Man, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[107] Entretien de Human Rights Watch, Comté de Nimba, Libéria, Octobre 2006.

[108] Human Rights Watch, Parce qu'ils ont les fusils…il ne me reste rien: Le prix de l'impunité persistante en Côte d'Ivoire, Volume 18 No. 4 (A), mars 2006.

[109] Entretiens de Human Rights Watch avec un échantillon pris au hasard de 14 femmes Burkinabés qui ont fui la Côte d'Ivoire à différents moments de la guerre et de la crise, Burkina Faso, Octobre 2006.

[110] Joshua A. Strozeski, «Le rôle des conflits fonciers dans les conflits entre communautés Bétés et Burkinabées dans la région forestière du centre ouest de la Côte d'Ivoire», ("The Role of Land Ownership in Localized Conflicts Between Bété and Burkinabé Households in the Central Western Forest Regions of Côte d'Ivoire") (Washington, D.C.: Thèse rendue au Département d'études africaines de l'Université de Howard), (Faculty of the Graduate School of Howard University Department of African Studies) document non publié reçu par Human Rights Watch, mai 2006, p. 142. Cette thèse est basée sur des études entreprises à Gboghue, Yokorea, Gripazo, Niapoyo/Koneadougou, Sorohio, à Valua, ainsi qu'à Abidjan, et ailleurs dans la sous région).

[111] Entretien de Human Rights Watch, Burkina Faso, Octobre 2006.

[112] Entretien de Human Rights Watch avec Koné Nabalassé, Préfet de police de Korhogo, Korhogo, Côte d'Ivoire, Octobre 2006.

[113] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[114] Entretien de Human Rights Watch avec plusieurs leaders du parti RDR, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[115] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Bamako, Mali, octobre 2006.

[116] Human Rights Watch, Côte d'Ivoire : le gouvernement prend les civils pour cibles, vol. 14, no.9(A), novembre 2002, note de bas de page 20: "Informations provenant d'agences humanitaires a Abidjan."

[117] Human Rights Watch, Côte d'Ivoire : le gouvernement prend les civils pour cibles, vol. 14, no.9(A), novembre 2002; «Des centaines de soldats ont investi hier des bidonvilles», Le Jour, 12 décembre 2002, p. 2; Human Rights Watch, Pris entre deux guerres, pp. 9-10.

[118] Rapport anonyme non publié par une organisation internationale humanitaire, archivé par Human Rights Watch. (Violence sexuelle dans les 18 Montagnes).

[119] Entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d'une organisation humanitaire internationale, Guiglo, Côte d'Ivoire, 29 septembre 2006.

[120] Ibid.

[121] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Comté de Nimba, Libéria, octobre 2006.

[122] Entretien de Human Rights Watch avec la présidente d'une organisation locale, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[123] Entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d'une organisation humanitaire internationale, Abidjan et Guiglo, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[124] Déclaration non publiée d'une victime auprès d'une organisation locale de défense des droits humains, archivée par Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, octobre 2005.

[125] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[126] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources demandant l'anonymat, des représentants d'un groupe local de défense des droits humains impliqué, et la déposition du témoin, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006. Les officiers consulaires ont dit à Human Rights Watch que le policier impliqué dans cette agression était un récidiviste notoire, qui avait été impliqué dans de nombreux viols alors qu'il était en service.

[127] Entretiens par téléphone et en personne de Human Rights Watch avec la présidente d'une organisation locale des droits humains, Bamako, Mali, octobre 2006.

[128] Entretiens de Human Rights Watch avec une source voulant rester anonyme, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[129] Entretien de Human Rights Watch avec quatre femmes responsables d'une organisation des femmes, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[130] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Burkina Faso, octobre 2006.

[131] Strozeski, Conflits fonciers, pp. 142.

[132] Meera Selva, « Des émeutiers violent des européennes qui fuyaient la Côte d'Ivoire»("Rioters Rape Europeans As They Flee From Ivory Coast"), The Independent (UK), 13 novembre 2004; Marie-Amélie Lombard-Latune et Christophe Cornevin,«Des plaintes pour viol déposées en justice,» Le Figaro, 13 novembre 2004.

[133]«Entretien avec le Général Henri Bentégeat,» Europe-1, 12 novembre 2004.

[134] Selva, « Des émeutiers violent des européennes qui fuyaient la Côte d'Ivoire»et Lombard, «Des plaintes pour viol déposées en justice».

[135] Nouvelles à la radio France-Inter, 12 novembre 2004.

[136] Deux cent trente-sept plaintes ont été enregistrées au tribunal français de Bobigny (Seine-Saint-Denis, près de l'aéroport Roissy Charles-de-Gaulle) le 1er février 2005, dont trois pour viol et une pour tentative de viol. Les affaires ont été traitées et étaient en cours au moment de la rédaction de ce rapport.

[137] Human Rights Watch, Le nouveau racisme.

[138] Ibid.

[139] Commission d'enquête, Rapport sur la situation des droits de l'homme, p. 52.

[140]Ibid, pp. 36-37.

[141]Pour une discussion sur les listes de noms, voir Human Rights Watch, Pris entre deux guerres. Ce rapport de Human Rights Watch nota que le fait de prendre pour cibles les sympathisants de l'opposition politique et les sympathisants présumés des rebelles a parfois été accompli avec préméditation et planification. De nombreux témoins ont affirmé à Human Rights Watch qu'il existait des listes de noms circulant entre les unités des forces armées gouvernementales à Daloa, Guiglo, Vavoua et ailleurs. Dans plusieurs cas, des témoins ont pris la fuite après avoir été avertis de l'existence de ces listes par des contacts amicaux qu'ils avaient dans le gouvernement. Dans la plupart des cas, ces listes semblent avoir été créées avec l'aide de villageois locaux et de citadins favorables au gouvernement. Dans certains cas cependant, les noms sur les listes ont pu provenir d'Abidjan." 

[142] Entretien de Human Rights Watch, Bamako, Mali, octobre 2006.

[143] Entretien tourné en vidéo au Mali et archivé par Human Rights Watch, octobre 2006.

[144] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Bamako, Mali, Octobre 2006.

[145] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Bamako, Mali, octobre 2006.

[146] Entretien de Human Rights Watch avec des sources voulant rester anonymes, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[147] Human Rights Watch, Parce qu'ils ont les fusils, Note de bas de page 41: Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des journalistes et des défenseurs des droits humains, Abidjan, septembre - octobre 2005.

[148] Human Rights Watch, Le coût de l'impasse politique pour les droits humains; Human Rights Watch, Parce qu'ils ont les fusils.

[149] «Côte d'Ivoire: Le campus universitaire divisé par des violences politiques» ("Côte d'Ivoire: University Campus Polarized by Political Violence"), IRIN, 29 juillet 2005.

[150] Entretien de Human Rights Watch avec des organisations ivoiriennes de défense des droits humains, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[151] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[152] Entretien de Human Rights Watch avec des représentants d'une organisation locale des droits humains], Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[153] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[154] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable du syndicat étudiant d'opposition AGEE-CI, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[155] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[156] «Côte d'Ivoire: Violence sur le campusuniversitaire » ("Côte d'Ivoire: Violence on University campus,") IRIN, 23 février 2007.

[157] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[158]«Côte d'Ivoire: Violence sur le campusuniversitaire », IRIN, 23 février 2007.

[159] Jean-Claude Berthelemy et François Bourguignon, Le développement et la crise en Côte d'Ivoire, (Growth and Crisis in Côte d'Ivoire) (Washington DC: The World Bank Press, 1996).

[160] Les autres causes sont la chute du prix du cacao sur le marché mondial, la corruption (Hofnung, Dix clés, p. 9.), et la déforestation la plus rapide dans aucun pays du monde depuis le milieu des années 50 (M. P. E. Parren et N. R. de Graaf, The Quest for Natural Forest Management in Ghana, Côte d'Ivoire and Libéria, (Wageningen: Wageningen Agricultural University Press, 1995), p. 29., selon lequel le taux moyen annuel de déforestation, en pourcentage de la forêt restante, est passé de 2,4 pour cent en 1956 – 65 à 7,3 pour cent en 1981 – 85, soit plus de dix fois la moyenne tropicale globale de 0,6 pour cent.

[161] Entretiens de Human Rights Watch avec une mineure victime d'exploitation sexuelle, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[162] La quasi-totalité des dizaines de représentants d'ONG nationales et internationales, interrogés individuellement à propos de la prostitution et de l'exploitation sexuelle, ont dit à Human Rights Watch qu'ils estimaient que toutes deux avaient augmenté de façon spectaculaire en 2002, avec le début du conflit, conséquence directe de la pauvreté et des déplacements massifs de population.

[163] Entretien de Human Rights Watch avec Joseph Djitro, membre du personnel du Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (UNHCR), Guiglo, Côte d'Ivoire, 29 septembre 2006.

[164] Le franc CFA (ou plus familièrement appelé simplement "franc") est une devise utilisée dans 12 pays africains autrefois sous domination française, ainsi qu'en Guinée-Bissau (ancienne colonie portugaise) et en Guinée équatoriale (ancienne colonie espagnole).

[165] Entretien de Human Rights Watch avec Boni M'Paka, membre du personnel du Bureau de la Coordination des affaires humanitaires (OCHA), Man, Côte d'Ivoire, 24 septembre 2006.

[166] Entretiens de Human Rights Watch, Bamako, Mali, octobre 2006.

[167] Entretien de Human Rights Watch avec une personnalité de la société civile, Man, septembre 2006.

[168] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, octobre 2006.

[169] Entretiens de Human Rights Watch avec le directeur intérimaire de Médecins Sans Frontières - Belgique (MSF-B), le directeur de MSF-B, et d'autres membres de MSF-B, Abidjan et Man, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[170] Entretien de Human Rights Watch avec des professionnels de santé, tant dans les zones de Côte d'Ivoire sous contrôle des rebelles que du gouvernement, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[171] Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, septembre 2006.

[172] Entretien de Human Rights Watch avec une activiste des droits des femmes, Danané, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[173] Entretiens de Human Rights Watch avec des gynécologues et des sages-femmes traditionnelles, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[174] Entretiens de Human Rights Watch avec une professionnelle de l'hôpital de Guiglo, Guiglo, Côte d'Ivoire, 29 septembre 2006.

[175] L'avortement est toujours illégal en Côte d'Ivoire. Notamment, l'Article 366 stipule que quiconque, par des aliments, des boissons, des médicaments, des pratiques chirurgicales, des violences, ou tout autre moyen, procure ou tente de procurer un avortement d'une femme enceinte, avec ou sans son consentement, sera puni d'une peine d'emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 150 000 à 1 500 000 francs CFA ((238,78 à 2387,81 US$). Une femme qui se procure l'avortement à elle-même ou tente de se le procurer, ou qui consent à faire usage des moyens administrés à cet effet, est passible d'une peine de prison de six mois à deux ans, et d'une amende de 30.000 à 300.000 francs CFA (47,76 à 477,56 US$). Les personnes exerçant une profession médicale ou une profession relative à la santé publique qui favorisent ou procurent les moyens de provoquer un avortement, sont passibles d'une peine de un à 10 ans de prison et d'une amende de 150.000 à 10.000.000 francs CFA (238,78 à 15.918,75 US$). Ces personnes peuvent aussi se voir interdire l'exercice de leur profession. (Code Pénal, Art. 366). La seule situation dans laquelle un avortement est légal est quand il est nécessité par la sauvegarde de la vie de la mère. (Code Pénal, Art. 367.)

[176] Aly Ouattara, Séguéla, «Côte d'Ivoire : L'avortement - Illégal, recherché, parfois mortel», Inter Press Service (Johannesburg), 23 août 2006. («Avortement» ).

[177] "Objectif santé", étude non publiée 2005.

[178] Médecins sans frontières, Rapport d'activité international 2005, Côte d'Ivoire: Violence renouvelée approfondit la crise, (International Activity Report 2005, Ivory Coast: Renewed violence deepens crisis), 2005, [traduction de Human Rights Watch] disponible en ligne à http://www.doctorswithoutborders.org/publications/ar/i2005/ivorycoast.cfn.

[179] Médecins sans frontières, «Les dix urgences humanitaires laissées pour contre de 2005: la crise s'aggrave en Côte d'Ivoire» ("Top 10 Most Underreported Humanitarian Stories of 2005: Crisis Deepening in Ivory Coast," 2005 [traduction de Human Rights Watch], disponible en ligne à http://www.doctorswithoutborders.org/publications/reports/2006/top10_2005.html#ivorycoast, et Médecins sans frontières, Violence renouvelée.

[180] Pour une évaluation de 7 pour cent, voir le rapport de l'Organisation mondiale de la santé sur le VIH/SIDA par pays : http://www.who.int/countries/civ/en/. Voir aussi, Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) Profil par pays pour la Côte d'Ivoire : http://www.unaids.org/en/Regions_Countries/Countries/côte_d_ivoire.asp. Pour une évaluation de 10 pour cent, voir Médecins sans frontières, Violence renouvelée. Les Centres pour le contrôle des maladies (Centers for Disease Control ou CDC) du Département de la Santé des Etats-Unis, «Le plan d'urgence pour la Côte d'Ivoire» ("The Emergency Plan in Côte d'Ivoire,") http://www.cdc.gov/nchstp/od/gap/countries/Côte d Ivoire.htm, [traduction de Human Rights Watch].

[181] Organisation mondiale de la Santé, Côte d'Ivoire, Résumé de profil par pays pour l'évaluation du traitement du VIH/SIDA, Décembre 2005, p. 2. «La crise politique et militaire en Côte d'Ivoire a limité la capacité nationale à répondre à l'épidémie de VIH/SIDA ces dernières années. Le personnel de santé qualifié manque, et la situation a été aggravée par le déplacement des ressources humaines existantes vers les régions non occupées. Les interventions existantes relatives au VIH/SIDA sont largement concentrées à Abidjan et dans quelques autres grandes villes. Les prix des médicaments sont prohibitifs pour la plupart des gens qui viennent dans les centres accrédités. Les installations pour le contrôle en laboratoire sont insuffisantes.» [traduction de Human Rights Watch]. Voir aussi, Betsi NA, Koudou BG, Cisse G, Tschannen AB, Pignol AM, Ouattara Y, Madougou Z, Tanner M, Utzinger J., «Effet d'un conflit armé sur les ressources humaines et les systèmes médicaux en Côte d'Ivoire: Prévention et soins pour les personnes vivant avec le VIH/SIDA» ("Effect of an armed conflit on human resources and health systems in Côte d'Ivoire: prevention of and care for people with VIH/SIDA," AIDS Care, Mai 2006; 18(4), pp. 356-65, [traduction de Human Rights Watch].

[182] ONUCI, Division des Droits de l'Homme, Situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport n° 4.

[183] Human Rights Watch, RDC – La guerre au sein de la guerre : Violence sexuelle contre les femmes et les filles à l'est du Congo, Juin 2002, http://www.hrw.org/reports/2002/drc/CoONG0602.pdf, p. 77; Pieter Fourie (Conférencier en politique à l'université Rand Afrikaans, Johannesburg) et Martin Schönteich (Chercheur principal pour le Programme de justice criminelle à l'ISS), «La nouvelle menace sécuritaire planant sur l'Afrique: Le VIH/SIDA et la sécurité humaine au sud de l'Afrique» ("Africa's New Security Threat: VIH/SIDA and Human Security in Southern Africa"), African Security Review Vol. 10 No 4, 2001, http://www.iss.co.za/Pubs/ASR/10No4/Fourie.html, [traduction de Human Rights Watch]; Timothy Docking, «Le SIDA et les conflit violents en Afrique» ("AIDS and Violent Conflit in Africa"), United States Institute of Peace Special Report No. 75, 15 octobre 2001, http://www.usip.org/pubs/specialreports/sr75.html, [traduction de Human Rights Watch].

[184] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[185] Entretien de Human Rights Watch, Comté de Nimba, Libéria, octobre 2006.

[186] Entretien de Human Rights Watch, Comté de Nimba, Libéria, octobre 2006.

[187] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[188] ONG anonyme, Violence sexuelle dans les 18 Montagnes,.

[189] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[190] Entretien de Human Rights Watch avec un leader de la société civile, Man, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[191] ONG anonyme, Violence sexuelle dans les 18 Montagnes.

[192] Entretiens de Human Rights Watch avec des professionnels de santé et membres d'ONG, Côte d'Ivoire, septembre 2006. Un atelier animé par une ONG internationale en 2006, à l'attention de 20 ONG locales travaillant dans le domaine des droits de l'enfant, a constaté qu'il n'existe pas de système formel pour aider les victimes de violences sexuelles en ce qui concerne les services médicaux, psychosociologiques ou juridiques, non plus que de système de coordination ni de plan national.

[193] Entretiens de Human Rights Watch, Côte d'Ivoire, Libéria, Mali, Burkina Faso, septembre - novembre 2006.

[194] Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), L'État de la Population Mondiale, (The State of World Population), (FNUAP: 1998), p. 70.

[195] Entretiens de Human Rights Watch avec des responsables locaux, des professionnels de santé locaux et des travailleurs humanitaires, Guiglo, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[196] Entretiens de Human Rights Watch avec des représentants de Médecins Sans Frontières - France, Médecins Sans Frontières- Belgique, et Médecins Sans Frontières - Hollande, Abidjan, Côte d'Ivoire, Septembre 2006.

[197] Commission d'enquête, Rapport sur la situation des droits de l'homme,.

[198] Ordonnance n° 2007 457 du 12 avril 2007, «Portant amnistie», Loucoumane Coulibaly, «La Côte d'Ivoire émet une amnistie tandis que le processus de paix avance» ("Ivory Coast grants amnesty as peace plan advances"), Reuters, Abidjan, le 13 avril 2007.

[199] Entretien de Human Rights Watch avec une victime de viol, Monrovia, Libéria, octobre 2006.

[200] Entretien de Human Rights Watch avec un docteur à l'hôpital de Man, Man, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[201] Human Rights Watch, Parce qu'ils ont les fusils .

[202] Ibid.

[203] Ibid, note de bas de page numéro 90: Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants des Forces Nouvelles, Abidjan et Bouaké, mars 2006. Les représentants des Forces Nouvelles disent qu'avant il y a eu des frictions entre les commissaires de police des Forces Nouvelles et les commandants militaires, qui souvent refusaient d'accepter l'attestation de leurs hommes. Le fait de placer un officier militaire à la tête de la police des Forces Nouvelles aurait été une «solution politique» sensée apaiser les tensions entre la police de Forces Nouvelles et les forces militaires.

[204] Ibid, note de bas de page numéro 88: Entretiens de Human Rights Watch avec des représentants des Forces Nouvelles et sources des Nations Unies, Bouaké, mars 2006.

[205] Ibid, note de bas de page numéro 89: De surcroît, en août 2005, 537 policiers volontaires ont bénéficié d'une formation de 45 jours avec l'aide d'ONUCI. Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies et des dirigeants des Forces Nouvelles, Abidjan et Bouaké, mars 2006.

[206] Ibid, note de bas de page numéro 92.

[207] Ibid, p. 31.

[208] Entretiens de Human Rights Watch avec des activistes des droits humains et dirigeants des Forces Nouvelles, Abidjan et Bouaké, mars 2006.

[209] Human Rights Watch, Parce qu'ils ont les fusils, note de bas de page numéro 92.

[210] Entretien de Human Rights Watch avec des membres de l'unité des Droits de l'homme d'ONUCI, novembre 2006, qui dirent à Human Rights Watch qu'au moment de la demande d'information en fin 2006, ils n'avaient toujours pas documenté un cas de violence sexuelle commise par un rebelle qui aurait été enquêté, jugé, et puni selon les normes internationales.

[211] Ibid.

[212] Entretien de Human Rights Watch avec un membre d'une organisation de développement ivoirienne, Korhogo, Côte d'Ivoire, octobre 2006.

[213] Entretien de Human Rights Watch avec un leader de la société civile, Man, Côte d'Ivoire, octobre 2006.

[214] Entretien de Human Rights Watch avec un leader de la société civile, Man, Côte d'Ivoire, octobre 2006.

[215] Entretien de Human Rights Watch avec un membre d'une organisation de développement ivoirienne], Korhogo, Côte d'Ivoire, octobre 2006.

[216] Ibid.

[217] ONUCI, Division des Droits de l'Homme, Situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport n° 6, mai – juin – juillet - août 2006, publié en 2007.

[218] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres de neuf organisations ivoiriennes et internationales, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[219] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien porte-parole des rebelles, Monrovia, Libéria, octobre 2006.

[220] L'analyse légale dans ce paragraphe est basée sur une analyse se trouvant dans une analyse déjà publiée dans un rapport Human Rights Watch sur la responsabilité de commandement, Soudan– L'impunité sévit : La responsabilité du gouvernement pour les crimes internationaux commis au Darfour (Sudan – Entrenching Impunity Government Responsibility for International Crimes in Darfur), décembre 2005, vol. 17, no. 17(A), http://hrw.org/reports/2005/darfur1205/. Les commandants de groupes armés rebelles ne sont pas exclus de la responsabilité de commandement, un principe bien établi et fondamental du droit international coutumier. De fait, ils sont directement responsables d'ordres contraires à la loi.

[221] Correspondance électronique de Human Rights Watch avec Françoise Simard, Chef de l'Unité État de droit, ONUCI, mars 13, 2007. En dehors de sa discussion de la victime de viol malienne, M Kouamé a soulevé deux autres cas: 1) une jeune fille supposément violée par un policier à Yamoussoukro, qui serait son sixième cas de viol. Le policier en question aurait été déplacé sur Abidjan soi-disant pour être traduit en justice par le Tribunal militaire. 2). À Alépé, une étudiante fut violée par un groupe de membre de CECOS (une force gouvernementale composée de police, gendarmes, et militaires, et chargée de maintenir l'ordre public). Les forces de CECOS qui sont concernées auraient eu leurs salaires suspendus et sont soi-disant en attente d'un procès devant le Tribunal militaire.

[222] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources ayant demandé l'anonymat, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[223] Amnesty International, « Femmes ciblées » .

[224]Entretien de Human Rights Watch avec Koné Nabalassé, Préfet de police de Korhogo, Korhogo, Côte d'Ivoire, 28 octobre 2006.

[225] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[226] Département de l'État des États-unis d'Amérique, Bureau pour la of Démocratie, les droits de l'homme, et le droit du travail, Côte d'Ivoire: Rapport par pays sur la situation des droits de l'homme- 2005, publié le 8 mars 2006. http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2005/61565.htm; U4 Anti-Corruption Resource Centre, La corruption chez et le manque de confiance en la Police en Côte d'Ivoire : Un problème profondément enraciné (Corruption and Distrust in the Côte d'Ivoire Police: A Deep-rooted Problem), Special Focus Brief, http://www.u4.no. La Côte d'Ivoire termina 151eme dans 163 pays selon l'Indexe des perceptions sur la corruption de Transparency International (Corruptions Perceptions Index), qui juge les pays sur les perceptions de la corruption dans la communauté des affaires et d'autres les analystes. Les notes varient de 10 (très peu de corruption) et 0 (beaucoup de corruption), et Transparency International donna un 2.1 à la Côte d'Ivoire. Transparency International, Corruptions Perceptions Index2005,

http://www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/cpi/2005.

[227] Bureau du Représentant des Etats-Unis d'Amérique pour le Commerce (Office of the United States Trade Representative), Côte d'Ivoire, Rapport annuel 2004, http://www.ustr.gov/assets/Document_Library/Reports_Publications/2004/2004_National_Trade_Estimate/2004_NTE_Report/asset_upload_file537_4746.pdf

[228] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[229] Entretien de Human Rights Watch avec un membre d'une ONG humanitaire internationale, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[230] Human Rights Watch correspondance électronique avec Françoise Simard, Chef de l'Unité État de droit, ONUCI, 13 mars, 2007.

[231] Entretiens de Human Rights Watch avec les leaders de ONG féminines, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[232] En 2005, il n'y avait que quatre femmes parmi les 41 juges siégeant dans la Court Suprême. Voir, Département de l'État des États-unis Amérique, Rapports par pays sur la situation des droits de l'homme : Côte d'Ivoire 2005, publié en 2006. Ce rapport souligne aussi le manque d'activité judiciaire vis-à-vis des violences faites aux femmes. Pour un survol supplémentaire des attitudes discriminatoires chez le personnel du système judiciaire, voir Département de l'État des États-unis Amérique, Rapports par pays sur la situation des droits de l'homme : Côte d'Ivoire 2002; Rapports par pays sur la situation des droits de l'homme: Côte d'Ivoire 2003; Rapports par pays sur la situation des droits de l'homme : Côte d'Ivoire 2004.

[233] Ibid. Ce rapport souligne aussi la velléité des activités judiciaires à l'encontre des violences faites aux femmes, notant que le gouvernement ne récolte pas de statistiques sur le viol ou les autres violences faites aux femmes, n'a pas de politique claire à l'égard des violences conjugales au delà de ce qui se trouve dans le Code civil. La loi interdit, réprouve, et pénalise les mariages forcés et précoces et le harcèlement sexuel, mais ne dit rien sur les violences conjugales. Pour des sources supplémentaires révélant des attitudes discriminatoires judiciaires, voir les rapports cités dans la note ci-dessus.

[234] Entretien de Human Rights Watch avec l'ancienne Ministre Constance Yai, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 14, 2006.

[235] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres du barreau, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[236] Entretiens téléphoniques, électroniques, et en personne de Human Rights Watch avec Berte Zanga, leader d'une organisation ivoirienne luttant pour les droits des enfants, Abidjan, Côte d'Ivoire, du 14 au 20 septembre 2006.

[237] Côte d'Ivoire ratifia la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes le 20 décembre 1995.

[238] L'article 354 du Code Pénal de 1982 interdit spécifiquement le viol; la loi n°98/757 du 23 décembre 1998 interdit les mutilations sexuelles assimilées aux violences basées sur le genre; la loi n°98/756 du 23 décembre 1998 interdit le harcèlement sexuel, le travail forcé, et les mariages forcés ou précoces.

[239] Rapport anonyme non publié par une organisation internationale humanitaire, archivé par Human Rights Watch. (Problèmes des communautés rurales en 18 Montagnes).

[240] ONG anonyme, Violence sexuelle dans les 18 Montagnes.

[241] Entretien de Human Rights Watch avec une membre d'une ONG internationale humanitaire, Guiglo, Côte d'Ivoire, 29 septembre, 2006.

[242] ONG anonyme, Violence sexuelle dans les 18 Montagnes.

[243] Pour une analyse de Human Rights Watch de la faiblesse et le manque de volonté de la communauté internationale de faire face au problème croissant de l'impunité, voir, Human Rights Watch, Le coût de l'impasse politique pour les droits humains. Pour une analyse de Human Rights Watch des impacts sur les droits humains de la prolifération des milices et de l'instrumentalisation par le gouvernement des rhétoriques xénophobes incitant à la violence, voirHuman Rights Watch, Côte d'Ivoire – Un pays au bord du gouffre : La précarité des droits humains et de la protection Civile en Côte d'Ivoire, vol. 17, no. 6 (A), May 2005, http://hrw.org/reports/2005/cdi0505/.

[244] Selon la résolution 1572, des personnes constituant, inter alia, une menace a la paix et au processus de réconciliation nationale en Côte d'Ivoire ou toute autre personne reconnue comme responsable pour des violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire en Côte d'Ivoire peuvent être visées par le Comité de Sanctions. Voir, Résolution 1572 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, S/RES/1572 (2004). Ces éléments furent renouvelés en fin 2006 par la Résolution 1727 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, S/RES/1727 (2006).

[245] Human Rights Watch, Parce qu'ils ont les fusils.

[246] Entretien de Human Rights Watch avec un diplomate dans une mission permanente des Nations Unies, New York, 10 janvier 2007.

[247] Ibid.

[248] Human Rights Watch, Côte d'Ivoire – Rapport annuel, chapitre sur la Côte d'Ivoire, septembre 2006, http://hrw.org/englishwr2k7/docs/2007/01/11/Coted'Ivoire14956.htm

[249] Résolution 1727 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, para. 1, S/RES/1727 (2006).

[250] Voirpar exemple Human Rights Watch, Bosnie-herzégovine – un endroit sombre et étroit: Les abus passés et présents à Foca. (Bosnia and Herzegovina – A Closed, Dark Place: Past and Present Human Rights Abuses in Foca), vol. 10, no. 6 (D), juillet 1998, http://www.hrw.org/reports98/foca/; Human Rights Watch et la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, Vies détruites: Violence sexuelle pendant le génocide rwandais et la période qui s'ensuivit), septembre 1996, http://www.hrw.org/reports/1996/Rwanda.htm; Human Rights Watch, RDC – La guerre dans la guerre: Violence sexuelle contre les filles et les femmes a l'est du Congo (DRC –The War Within the War: Sexual Violence against Women and Girls in Eastern Congo), juin 2002, http://www.hrw.org/reports/2002/drc/.

[251] Des exemples de l'évolution des lois interdisant les viols lies aux conflits comprennent le travail de l'avocat italien Lucas de Penna oeuvrant au treizième siècle pour faire punir le viol en temps de guerre aussi sévèrement que le viol en temps de paix. De plus, Hugo Grotius évoqua au seizième siècle la position que la violence sexuelle commise en temps de guerre était un crime justiciable. Les articles 44 et 47 du Code Lieber de 1863, qui servirent par la suite comme base pour d'autres codes de conduite en temps de guerre, cite également les viols commis par les forces armées comme crime de guerre méritant la peine de mort. Voirle Code Lieber de 1863, Correspondance, Ordres, Rapports, et Retours des Autorités de l'Union, du 1 janvier au 31 décembre 1863.--#7, O.R- Series III - Volume III [S# 124], Ordres Généraux No. 100., Dept. De la Guerre, Bureau de l'Adjt. Général, Washington, 24 avril 1863. L'article 4 de la Convention de la Haye (1907) émet une interdiction générale contre la torture et les abus commis à l'encontre des combattants et des non-combattants. L'article 46 de la même Convention énonce que l'honneur de la famille et ses droits doivent être respectés, ce qui se prête à une interprétation qui couvrirait le viol. Voir, la Convention Concernant les Lois et Coutumes de la Guerre sur Terre, avec les Régulations annexes (Convention de la Haye IV) du 18 octobre 1907, 36 Stat. 2277, T.S. No. 539 (entrées en vigueur le 26 janvier 1910). Voir Kelly D. Askin et Dorean M. Koenig (éditrices), Les Femmes et le Droit International des Droits de l'Homme (Women and International Human Rights Law) (Ardsley, NY: Transnational Publishers, Inc., 1999), Volume 1, p. 50.

[252] Voirles quatre Conventions de Genève de 1949 et les deux Protocoles Additionnels de 1977 aux Conventions de Genève. D'autres sources de droit international humanitaire sont la Convention de la Haye de 1907 et les Règles et décisions des tribunaux internationaux et du droit coutumier international.

[253] Le viol et d'autres formes de violence sexuelle peuvent être définies comme éléments constituant un génocide. Le génocide est défini selon la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide comme étant « l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux.» Le génocide a atteint un statut de jus cogens (une norme qui prône sur les autres) et qui est interdit en tant que tel ainsi qu'en tant que crime contre l'humanité.

[254] Convention de Genève IV, Article 27 (2). Article 76 du Protocole I donne cette protection à toutes les femmes. Protocole I, Article 76.

[255] Convention de Genève IV, Article 147.

[256] Theodor Meron, «Le viol comme crime dans le cadre du droit international humanitaire» ("Rape as a Crime Under International Humanitarian Law"), American Journal of International Law (Washington D.C.: American Society of International Law, 1993), vol. 87, p. 426, citant le Comité International de la Croix Rouge, Aide Mémoire, 3 décembre 1992.

[257] Protocole II, Article 4 (2) (a), (e) et (f). La Côte d'Ivoire ratifia le Protocole II le 20 septembre 1989.

[258] Le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, 2187 U.N.T.S. 3, entera en vigueur le 1 juillet 2002.

[259] Article 5 du Statut du TPIY cite le viol comme crime contre l'humanité. VoirStatut du TPIY (adopté 25/5/93) à http://www.un.org/icty/basic/statut/statute-con.htm. L'article 3 du Statut du TPIR cite aussi le viol comme crime contre humanité. Voir Statut du TPIR (adopté 8/11/94) à http://www.ictr.org.

[260] Jugement Akayesu; Procureur v. Tadic; Procureur v. Delalic, et al., IT-96-21-A, 16 novembre 1998; Procureur v. Anto Furundžija, Jugement, 10 décembre 1998; Procureur v. Blaskic, IT-95-14, Jugement, 3 mars 2000; Procureur v. Kvocka et al., Jugement, IT-98-30-T, 2 novembre 2001. Procureur v. Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic (Cas Foca), Jugement de la chambre d'appel, 12 juin 2002, IT-96-23 et IT-96-23/1. En général, cependant, le TPIY et le TPIR ont un passé mixte relatif aux enquêtes et aux poursuites en justice des crimes de violence sexuelle. Le TPIR continue à faire preuve d'un manque de rigueur dans son inclusion des violences sexuelles dans les procès menés, et n'a pas inclus ces éléments ou cherché à amender les plaintes originelles ou le Bureau du Procureur a pourtant des témoins ou preuves par rapport aux violences sexuelles. Ces faits furent confirmés par une source digne de foi du TPIR, interview de Human Rights Watch, Freetown, 8 novembre 2002.

[261] L'article 7 (1) (g) du Statut de la CPI énumère les crimes contre l'humanité comme étant des actes commis pendant des attaques généralisées ou systématiques conte les populations civiles ayant connaissance de l'attaque: viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée, ou tout autre forme de violence sexuelle de gravité comparable; Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, ouverte pour les signatures le 17 juillet 1998, Article 7, réimprimé en 37 I.L.M. 999 (1998).

[262] Nigel S. Rodley, «Les groupes armés d'opposition peuvent-ils violer les droits de l'homme»? ("Can Armed Opposition Groups Violate Human Rights?") dans P. Mahoney et K. Mahoney (eds.), Human Rights in the 21st Century: A Global Challenge (Dordrecht: Martinus Nijhoff, 1993), pp. 297-318, et International Council on Human Rights Policy, «Les cas difficiles : Traduire en justice les violeurs des droits de l'homme à l'étranger - un guide pour la juridiction universelle," ("Hard Cases: Bringing Human Rights Violators to Justice Abroad-A Guide to Universal Jurisdiction") (Genève: International Council on Human Rights Policy, 1999), p. 6.

[263]Pacte international des droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966, Résolution de l'A.G. 2200A (XXI), 21 U.N., GAOR Supp. (No. 16) à 52, U.N. Doc. A/6316 (1966), 999 U.N.T.S. 171, entrée en vigueur le 23 mars 1976.La Côte d'Ivoire accéda au Pacte le 26 mars 1992. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CCT), adoptée le 10 décembre 1984, Résolution de l'A.G. 39/46, annexe, 39 U.N. GAOR Supp. (No. 51) à 197, U.N. Doc. A/39/51 (1984), entrée en vigueur le 26 juin 1987, ratifiée parla Côte d'Ivoire le 18 décembre 1995. Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, adoptée le 27 juin 1981, OUA Doc. CAB/LEG/67/3 rev. 5, 21 I.L.M. 58 (1982), entrée en vigueur le 21 octobre 1986, ratifiée par la Côte d'Ivoire le 6 janvier 1992.

[264]La Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989, Résolution de l'A.G. 44/25, annexe, 44 U.N. GAOR Supp. (No. 49) à 167, U.N. Doc. A/44/49 (1989), entrée en vigueur le 2 septembre 1990, ratifiée parla Côte d'Ivoire le 4 février 1991. L'article 34 de la Convention relative aux droits de l'enfant protège l'enfant de l'exploitation et des abus sexuels. L'article 37 émet la liberté de la torture et d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants et punitions ainsi que la liberté et la sécurité de la personne.

[265] Nations Unies, Rapport du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la Torture, M. Nigel S. Rodley, soumis selon la Résolution de la Commission des Droits de l'Homme 1992/32, E/CN.4/1995/34, Paragraphe 19, le 12 janvier 1995.

[266] Procureur v. Anto Furundžija, Jugement, IT-95-17/1-T, le 10 décembre 1998, para. 171.

[267] Procureur v. Jean-Paul Akayesu, Jugement, ICTR-96-4-T, le 2 septembre 1998 («Akayesu Trial Chamber Judgment»), para. 687. La cour émis l'opinion que comme la torture, le viol est instrumentalisé pour intimider, dégrader, humilier, discriminer contre, punir, contrôler ou détruire une personne. Tout comme la torture, le viol est une violation de dignité personnelle, et le viol constitue en fait une torture quand il est infligé par un représentant de l'autorité ou d'une personne agissant dans une capacité officielle (ou suite à la requête d'une telle personne, ou avec son consentement ou acquiescence.

[268] L'article 9 du Pacte international des droits civils et politiques interdit l'arrestation, la détention ou l'exil arbitraire, tandis que l'article 23 interdit le mariage forcé. Selon l'article 6 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, les états doivent prendre toutes les mesures appropriées, y inclus la législation, l'abolition de toutes formes de trafic des femmes et d'exploitation de la prostitution des femmes. L'article 5 de la Charte Africaine interdit toutes les formes d'exploitation et de dégradation de l'homme, surtout l'esclavage et la traite.

[269] Convention relative à l'esclavage, Nations Unies, Treaty Series, vol. 212, p. 17, le 7 juillet 1955. Voir aussi Nations Unies, Les formes contemporaines de l'esclavage: Le viol systématique, l'esclavage sexuel, et les pratiques apparentées à l'esclavage pendant les conflits armés (Contemporary Forms of Slavery: Systematic Rape, Sexual Slavery and Slavery-like Practices during Armed Conflict), Rapport Final soumis par Mme Gay J. McDougall, Rapporteur Spécial (New York: United Nations, 1998), E/CN.4/Sub. 2/1998/13.

[270] Voirle Pacte international des droits civils et politiques, articles 2 (1) et 26.

[271] Adopté et ouvert pour les signatures, ratifications, et accession par l'Assemblée Générale des Nations Unies 34/180 le 18 décembre l979. Entré en vigueur le 3 septembre l981 selon l'article 27(1). La Côte d'Ivoire ratifia la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes le 20 décembre l995. La Côte d'Ivoire a aussi adoptéla Résolution 48/104 de l'Assemblée Générale des Nations Unies Contre les Violences Faites aux Femmes.

[272] Women, Law and Development International, Violences basées sur le genre: Les crimes de guerre cachés (Gender Violence: The Hidden War Crimes) (Washington D.C.: Women, Law and Development International, 1998), p. 37.

[273] Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, "Violence against Women," Recommandation générale no. 19 (onzième session, 1992), Document ONU CEDAW/C/1992/L.1/Add.15., Human Rights Watch, janvier 2002, vol. 15, no. 1 (A)

[274] L'Assemblée Générale des Nations Unies, «Déclaration sur l'Élimination des violences faites aux femmes», A/RES/48/104, le 20 décembre 1993 (issu le 23 février 1994). Voir l'article 4, en particulier.

[275] Article 3 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, adoptée le 27 juin 1981, Organisation de l'Unité Africaine Doc. CAB/LEG/67/3 rev. 5, 21 I.L.M. 58, 1982.

[276] Articles 4 et 5 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

[277] Protocole à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples sur les Droits des Femmes en Afrique, http://www.africa-union.org/root/au/Documents/Treaties/Text/Protocol%20on%20the%20Rights%20of%20Women.pdf

[278] Selon le jugement émis par le TPIY dans le cas de Kunarac, il suffit de montrer que l'acte a eu lieu dans le contexte d'une accumulation d'actes de violence qui, individuellement, peuvent varier énormément en leur nature et leur gravité. («Kunarac Trial Chamber Judgment»), para. 419.

[279] La responsabilité de commandement est un principe bien établit dans le droit international coutumier. Voir, Procureur v. Delalic et al. (Cas Celebici), Cas No. IT-96-21-A, TPIY AC, le 20 février 2001, para. 195. La responsabilité de commandement a été incorporée dans les statuts des cours pénales internationales, y inclus les cours ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, La Cour Spéciale pour le Sierra Leone, et le Statut de Rome de la CPI. Voir e.g. Statut de Rome, article 28.

[280] Procureur v. Hadzihasanovic («Bosnie Centrale»), Cas No. IT-01-47-AR72, le 16 juillet, 2003, para. 29–31.

[281]Kordic et Cerkez, Jugement (Chambre d'Appel), para. 839.

[282]Blaskic, Jugement (Chambre d'Appel) paras. 56-57, 62.

[283]Delalic, Jugement (Chambre d'Appel) para. 226.

[284]Blaskic, Jugement (Chambre d'Appel r) para. 406.

[285] Procureur v. Halilovic, Cas No. IT-01-48-T, ICTY TC, le 16 novembre, 2005, para. 73.

[286] Procureur v. Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic (cas Foca), Jugement de la Chambre d'appel, le 12 juin 2002, IT-96-23 and IT-96-23/1, paras. 127-133.

3 Procureur v. Jean-Paul Akayesu, Jugement, ICTR-96-4-T, le 2 septembre 1998, para. 688.

[287] Bulletin du Cabinet du Secrétaire général des Nations unies, Mesures spéciales pour la protection de l'exploitation sexuelle et des abus sexuels, ST/SGB/2003/13, le 9 octobre 2003.

[288] Nations unies, Formes contemporaines d'esclavage: rapport sur les viols systématiques, l'esclavage sexuel et les pratiques esclavagistes lors de conflits armés, Rapport final soumis par Mme Gay J. McDougall, Rapporteur spécial (New York: Nations Unies, 1998), E/CN.4/Sub. 2/1998/13, p. 9.

[289] L'article 7 (1) (g) nomme l'esclavage comme crime contre l'humanité avec la définition émise dans l'article 7 (2) (c). Le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, ouverte à la signature et à la ratification le 17 juillet 1998, Article 7, réimprimé dans 37 I.L.M. 999 (1998). Le Statut de Rome entra en vigueur le 11 avril 2002 et la CPI a l'autorité de poursuivre en justice les pires crimes à partir du 1 juillet 2002.

[290] Nations Unies, Formes contemporaines d'esclavage, pp. 7-8.

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