“Parce qu’ils ont les fusils … il ne me reste rien."

Le prix de l’impunité persistante en Côte d’Ivoire

I. Résumé

Nation divisée, la Côte d'Ivoire connaît toujours la crise militaire et politique la plus grave de son histoire depuis l'indépendance. Depuis plus de trois ans et demi, la Côte d'Ivoire est de fait partagée entre le sud du pays contrôlé par le gouvernement et le nord tenu par les rebelles, avec une zone tampon entre les deux patrouillée par les forces de maintien de la paix des Nations Unies et par les soldats français. La paix s'est avérée fugitive et une succession d'accords politiques n'ont pas réussi à dépasser une impasse de "ni paix ni guerre." Il y a eu des signes récents de détente politique, comme la première rencontre entre les cinq principaux dirigeants de la politique ivoirienne -le Président Laurent Gbagbo, le Premier ministre Charles Konan Banny, le leader des Forces Nouvelles Guillaume Soro, et les dirigeants de l'opposition Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara- sur le sol ivoirien depuis le début de la crise.[1] Mais les retombées de la crise en matière de droits humains pour les citoyens ordinaires qui vivent des deux côtés de la séparation politico-militaire restent dévastatrices.

L'impunité est profondément enracinée dans la terre ivoirienne. Ni le gouvernement, ni les dirigeants des rebelles des Forces Nouvelles, ni la communauté internationale n'ont pris de mesures significatives pour traduire en justice les responsables de violations graves du droit humanitaire et des droits humains internationaux en Côte d'Ivoire. Cet échec a fourni un environnement favorable à une anarchie croissante bien enracinée dans laquelle prévaut l'impunité.[2]

Ce rapport décrit les atteintes aux droits humains commises contre des civils par les forces de sécurité gouvernementales, les forces des milices et par les Forces Nouvelles entre novembre 2005 et mars 2006, et sert à illustrer le coût humain de l'échec à aborder l'impunité et l'anarchie en Côte d'Ivoire.

Dans le Sud contrôlé par le gouvernement, de récents incidents de tension politique accrue ont produit une répétition du modèle d'abus, habituel depuis le début de la crise actuelle de la Côte d'Ivoire, selon lequel les personnes originaires de pays voisins et les Ivoiriens du nord du pays sont la cible d'abus de la part des forces gouvernementales ou des milices progouvernementales, parce que soupçonnés de soutenir les rebelles du nord. Après une attaque menée par des assaillants non identifiés contre une base militaire à Abidjan au début du mois de janvier 2006, les forces de sécurité ont pris des dizaines de personnes originaires du nord, les ont sérieusement battus pendant trois jours, puis les ont relâchés sans aucune poursuite judiciaire ni explication concernant leur détention. Au cours d'un autre incident à peu près au même moment, trois personnes du Burkina Faso auraient été sommairement exécutées par des membres des forces de sécurité ivoiriennes. Au cours des émeutes qui ont eu lieu à Abidjan une quinzaine de jours plus tard, les forces de sécurité gouvernementales ont pris, détenu et torturé au moins sept personnes originaires du Mali et du nord de la Côte d'Ivoire. L'une des victimes a été torturée à mort.[3]

Dans le sud, les forces de sécurité gouvernementales sont appuyées par les milices qui reçoivent le soutien du gouvernement, telles que les Jeunes Patriotes, qui harcèlent et intimident régulièrement la population, en particulier les personnes soupçonnées de sympathiser avec les rebelles des Forces Nouvelles ou avec l'opposition politique. En janvier 2006, ces milices ont exercé leur violence contre les installations et le personnel humanitaire des Nations Unies, entraînant des pertes matérielles lourdes et la paralysie presque totale d'Abidjan. La violence et les incitations associées ont également forcé les travailleurs humanitaires et des Nations Unies à se retirer de ces parties de l'ouest de la Côte d'Ivoire où, du fait de la présence de milliers de personnes déplacées et de réfugiés, la protection des civils est la plus nécessaire.

C'est un phénomène courant, dans les zones contrôlées par le gouvernement, que des membres des forces de sécurité s'attaquent aux personnes en extorquant, volant et parfois en battant les civils qu'ils sont censés protéger. Ces abus se produisent en général sous couvert de contrôles de sécurité de routine pendant lesquels la police et les gendarmes vérifient les papiers d'identité des personnes qu'ils arrêtent à des points de contrôle, sur les marchés ou autres lieux publics. Si ce phénomène affecte l'ensemble des personnes qui voyagent dans le sud, son impact pèse surtout sur les communautés soupçonnées de soutenir les rebelles. Dans le nord tenu par les rebelles, un phénomène similaire mais moins ciblé prévaut, avec les Forces Nouvelles qui continuent à extorquer de l'argent aux civils à tous les niveaux de la société par la menace, l'intimidation, ou le recours ouvert à la force.

De plus, sans système judiciaire opérationnel au sein de la zone administrée par les rebelles, les arrestations arbitraires et l'imposition des "condamnations" à la prison sous une autorité juridique douteuse continuent à se produire dans le nord sans contrôles judiciaires et exécutifs indépendants.

La communauté internationale a régulièrement mis de côté les initiatives conçues pour combattre l'impunité en Côte d'Ivoire sans doute de peur d'entraver les tentatives de négociation visant à mettre un terme à l'impasse politique et militaire. Par exemple, la communauté internationale s'est montrée tiède dans l'application d'une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies prévoyant des sanctions contre les personnes impliquées dans des atteintes aux droits humains, et en dans l'exigence de poursuites. Si le Conseil de Sécurité a récemment activé des sanctions économiques et des interdictions de voyager à l'encontre de trois individus appartenant aux Jeunes Patriotes et aux Forces Nouvelles, cela s'est produit seulement après que les Nations Unies elles-mêmes aient fait l'objet d'une attaque en janvier 2006. Le rapport de la Commission d'enquête des Nations Unies sur les violations des droits humains et du droit humanitaire depuis le 19 septembre 2002, a été soumis au Conseil de Sécurité des Nations Unies en décembre 2004, et il attend pourtant encore d'être publié ou débattu par le Conseil de Sécurité. La publication du rapport et le débat portant sur ce rapport, en particulier sur ses recommandations, pourraient générer la discussion nécessaire sur la façon de faire échec à l'impunité en Côte d'Ivoire.

Les violations continuelles comme celles qui sont décrites dans ce rapport, et l'impunité qui les sous-tend, soulèvent de graves inquiétudes quant à la possibilité d'élections paisibles plus tard cette année. Si des mesures pour combattre l'impunité ne sont pas prises maintenant, il pourrait y avoir une répétition de l'expérience vécue au cours des élections parlementaires et présidentielles de 2000, où les violences ethniques, religieuses et politiques ont fait des centaines de morts et de blessés.[4] De telles mesures, y compris l'application plus large de sanctions économiques et sur les voyages, ainsi que l'envoi rapide d'une mission en Côte d'Ivoire par la Cour Pénale Internationale, enverraient un signal fort que l'ère de l'impunité en Côte d'Ivoire doit prendre fin et que d'autres violences et abus, y compris pouvant être commis dans la période pré électorale, ne resteront pas impunis.

Ce rapport est basé sur des entretiens de Human Rights Watch en Côte d'Ivoire en mars 2006 avec des victimes et des témoins oculaires d'atteintes aux droits humains, ainsi qu'avec des responsables des forces de sécurité ivoiriennes, des responsables de l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), des chefs des Forces Nouvelles, des responsables gouvernementaux locaux, des dirigeants des milices, des représentants d'organisations non gouvernementales locales et internationales, des journalistes, et des diplomates.

II. Historique

Le 19 septembre 2002, des rebelles du Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) ont attaqué des cibles stratégiques à Abidjan, la capitale commerciale et de facto du pays, ainsi que les villes de Bouaké et de Korhogo dans le nord du pays. Bien qu'il n'ait pas réussi à s'emparer d'Abidjan, le MPCI, avec l'aide de deux autres groupes rebelles -le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP) et le Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO)- ont finalement réussi à occuper et contrôler la moitié du territoire ivoirien. Les trois groupes ont constitué ultérieurement une alliance politico-militaire sous le nom de Forces Nouvelles.[5]

Les objectifs déclarés des dirigeants des rebelles étaient la fin de la discrimination ethnique contre les personnes originaires du nord et le retrait du Président Laurent Gbagbo, dont la présidence était considérée comme illégitime du fait d'élections truquées en 2000, desquelles quatorze des dix-neuf candidats au mandat présidentiel avaient été exclus. La rébellion était aussi considérée par certains comme la manifestation du sentiment largement répandu parmi les habitants du nord selon lequel depuis 1990 au moins ils avaient été régulièrement exclus du pouvoir politique du fait de leur identité et de leur appartenance ethnique.[6]

La Côte d'Ivoire étant réellement divisée en deux, les tentatives pour résoudre le conflit entre le gouvernement et les Forces Nouvellesont reposé sur une succession d'accords de paix non respectés (les accords de Linas-Marcoussis, Accra III et Pretoria).[7] Bien que ces accords aient entraîné et maintenu jusqu'ici une cessation de la guerre civile, ils n'ont apporté au pays ni la paix ni l'unité. L'échec des parties à mettre complètement en application le dernier des trois accords, celui de Pretoria, a conduit le gouvernement en septembre 2005 à annuler les élections programmées pour octobre 2005.

Pour éviter une crise constitutionnelle résultant de l'expiration du mandat du Président Gbagbo le 30 octobre 2005, l'Union Africaine (U.A.) a publié un communiqué le 6 octobre 2005, réaffirmant que les accords de Linas-Marcoussis, Accra III, et Pretoria étaient le "cadre de travail approprié" pour résoudre la crise en Côte d'Ivoire. L' U.A. a réclamé une prolongation d'un an du mandat de Gbagbo à la tête de l'état ; la création d'un nouveau gouvernement de partage du pouvoir et la désignation d'un nouveau Premier ministre qui aurait la "pleine autorité" sur le cabinet ; et la continuation des efforts pour mettre en œuvre les dispositions prévues dans le cadre des accords précédents.[8] Le plan établi dans le communiqué demandait aussi la création d'un Groupe de Travail International (GTI) -comprenant des responsables de pays africains ainsi que de l'U.A. et du groupe régional ouest africain ECOWAS, et également des Etats-Unis, de la France, du Royaume Uni et de la Banque mondiale- pour contrôler la mise en œuvre du plan par le biais de réunions mensuelles. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a avalisé le plan le 21 octobre 2005, dans la Résolution 1633, et a appelé à la tenue d'élections crédibles au plus tard le 31 octobre 2006.[9]

Le 4 décembre 2006, Charles Konan Banny, le gouverneur de la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), a été nommé Premier ministre de la République de Côte d'Ivoire conformément à la Résolution 1633 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui appelait à choisir un Premier ministre "acceptable pour tous."[10]

Les premiers mois du Premier ministre Banny à son poste ont été tumultueux, caractérisés par une agitation civile et politique. Le 2 janvier 2006, les tensions politiques ont été exacerbées lorsque des assaillants non identifiés ont attaqué l'une des principales bases militaires ivoiriennes dans la région d'Abidjan, et à nouveau deux semaines plus tard quand les bases des Nations Unies et les locaux d'organisations humanitaires ont été attaqués après un communiqué controversé où le IWG semblait mettre en question la continuation du parlement. Les violations des droits humains commises dans le contexte de ces événements sont décrites ci après.

Depuis les événements de janvier et leurs suites, il y a eu des signes de détente politique, tels que des contacts et des dialogues accrus entre des responsables clés militaires et politiques ivoiriens. Après avoir d'abord refusé de venir à Abidjan pour des raisons de sécurité, le chef des Forces Nouvelles Guillaume Soro, qui a été désigné par le Premier ministre Banny comme ministre de la Reconstruction, participe maintenant à des réunions ministérielles à Abidjan. Le candidat de l'opposition Alassane Ouattara est revenu en Côte d'Ivoire après plus de trois ans d'exil pour commencer sa campagne pour les élections présidentielles. La Commission électorale indépendante, qui était paralysée depuis des mois à cause des désaccords sur sa composition, a finalement été constituée sur la base d'un compromis obtenu entre les principaux partis politiques.[11]

Malgré ces développements encourageants, qui ont dépassé les progrès antérieurs vers une stabilité politique, les mesures concrètes exigées pour les élections, telles que le désarmement, l'établissement de documents d'identité appropriés pour les citoyens ivoiriens qui se sont vu jusqu'ici refuser des documents d'identité, et l'inscription des personnes pouvant voter, doivent encore être prises.[12] Peu, pour ne pas dire aucun, des problèmes qui sont au cœur du conflit ivoirien -comme l'accession à la citoyenneté pour des millions d'immigrants résidents et la compétition pour la terre entre les communautés "indigènes" et immigrantes dans la région instable de l'ouest- ont été résolus.[13]

III. Violences récentes commises par les forces gouvernementales et pro gouvernementales contre des opposants présumés

Emeutes de janvier 2006 et violences et abus associés

Il y a eu deux épisodes de tension politique qui ont produit des violences au cours du mois de janvier 2006. Dans les deux épisodes, des membres des communautés malienne et burkinabé, ainsi que des Ivoiriens originaires des régions du nord du pays tenues par les rebelles, semblent avoir été désignés aux abus commis par des agents de la force publique tels que la police, des gendarmes et des membres du Centre de Commandement des Opérations de Sécurité (CECOS) une force d'élite de réaction rapide créée par décret présidentiel en juillet 2005 et chargée de combattre le crime à Abidjan.[14]

L'attaque contre la base militaire de Akouédo déclenche la violence et des abus dans tout Abidjan

Le 2 janvier 2006, des assaillants non identifiés ont attaqué l'une des principales bases militaires dans la région d'Abidjan, appelée Camp Akouédo. L'attaque semble être partie de l'intérieur même du camp militaire. Bien qu'il n'y ait pas encore eu à ce jour de rapport officiel sur l'identité des assaillants ou sur la motivation de l'attaque, certains observateurs politiques pensent qu'elle était programmée par un groupe de soldats gouvernementaux comme un acte de protestation contre le non paiement de salaires.[15]

Quelle que soit la motivation de cette attaque, les forces de sécurité gouvernementales, dont des gendarmes et des membres du CECOS, ont riposté en commettant de nombreux abus graves dans Abidjan, principalement contre des immigrés ouest africains et des Ivoiriens originaires du nord. Selon les entretiens menés avec des victimes, des témoins, des groupes locaux de défense des droits humains, et des responsables des Nations Unies, ces abus comportaient des arrestations arbitraires, des détentions illégales, des tortures et des exécutions sommaires.

Un cas présumé d'exécution illégale a été signalé par des responsables d'un groupe local de défense des droits humains et par des habitants du village de M'Badon près de Akouédo. Ils ont dit à Human Rights Watch que dans la matinée du 6 janvier 2006, trois hommes du Burkina Faso qui travaillaient au ramassage des ordures dans les environs ont été encerclés par des jeunes de la communauté locale et accusés d'avoir participé à l'attaque d'Akouédo. Les jeunes ont appelé les forces de sécurité, qui auraient exécuté sommairement les trois hommes avec des fusils.[16] Les personnes interrogées par Human Rights Watch n'ont pas été témoins des exécutions présumées, mais l'un des habitants a montré aux enquêteurs des photographes des trois hommes morts qu'il assurait avoir prises peu après l'incident.

Rapport de torture à l'École de la Gendarmerie

Parmi les entretiens menés par Human Rights Watch concernant les abus au moment de l'attaque d'Akouédo, les enquêteurs de HRW ont parlé avec deux travailleurs manuels burkinabé qui ont été soumis à trois jours de coups et de torture à l'École de la Gendarmerie et à plusieurs autres jours de détention avant d'être finalement relâchés sans explication sur le motif de leur détention.[17] Ils ont tous deux déclaré avoir vu au moins soixante-quatre autres personnes -des Maliens, des Burkinabé et quelques Ivoiriens- qui avaient été pareillement détenues au sein de l'École de la Gendarmerie. Les deux victimes interrogées par Human Rights Watch avaient des dizaines de grandes cicatrices récentes tout le long du dos. L'un d'eux a expliqué son calvaire comme suit :

Le 3 janvier, vers 13h, j'ai entendu des coups de fusil dans la cour à l'extérieur de ma maison. A ce moment-là, quelques amis burkinabés étaient venus chez moi et nous étions donc sept dans la maison. Nous avons entendu des hurlements dehors et une voix a dit: "Si vous n'ouvrez pas, nous allons enfoncer la porte," alors j'ai ouvert la porte. Un groupe de soldats est entré. Ils nous on dit de fermer les yeux et que chacun de nous tienne la ceinture de l'autre. Ils nous ont obligés à marcher comme ça. Ils nous poussaient et disaient qu'ils allaient nous tuer. Ils criaient que c'était nous qui avions attaqué le camp. Ils nous ont dit de monter à l'arrière d'un camion. Nous étions environ trente dans le camion.
Nous avons roulé pendant environ trente minutes, et puis ils nous ont poussés hors du camion et à l'intérieur d'une pièce. Vers 18h, ils sont venus nous dire d'enlever tous nos vêtements et de les mettre dehors. Puis ils sont revenus plus tard prendre nos noms. Nous étions soixante-six dans cette pièce. Le lendemain matin, ils ont permis aux gens de mettre leurs sous-vêtements et leurs pantalons. Ils sont venus prendre un groupe de prisonniers pour les faire sortir, et puis un autre. J'ai été amené dehors dans le dernier groupe. Ils nous ont amenés dans une petite pièce. Quand nous sommes arrivés, les deux premiers groupes étaient déjà là. Il n'y avait pas de soldats dans la pièce d'abord, mais ensuite une dizaine sont entrés. Ils ont commencé à nous battre avec des cordes et des tuyaux en plastique orange. Ils nous ont aussi frappés avec le plat d'une machette. Ils me frappaient sur le dos. J'ai encore des cicatrices partout. Ce groupe de soldats est parti et puis un autre est venu nous battre. Ça a continué toute la journée avant qu'ils nous ramènent dans la première pièce où nous avions dormi. Plus tard, ils nous ont amenés dans la même pièce et ils nous ont encore battus. Ils ont mis de l'eau sur les blessures de nos dos et ça brûlait -je ne sais pas ce qu'il y avait dans l'eau. Le troisième jour, la même chose est arrivée.
Le quatrième jour, j'ai été amené dans un autre camp. Là, ils ne nous battaient plus. Nos parents ont pu apporter de la nourriture. J'y ai passé six jours. Pendant tout ce temps, ils ne m'ont jamais rien demandé. Seule la Croix Rouge est venue poser des questions. Le jour où la Croix Rouge est venue, nous avons été libérés. Dix-huit autres ont été libérés le même jour que moi. D'autres avaient été libérés plus tôt. Je n'ai reçu aucune explication des autorités concernant ma libération ou mon arrestation. Je n'ai pas déposé plainte parce que j'ai peur des conséquences. Si j'avais assez d'argent, je retournerais au Burkina Faso.[18]

Attaques anti Nations Unies et émeutes et sectarisme associés

Un deuxième pic de tension s'est produit à la mi-janvier lorsque des groupes de milices pro gouvernementales, notamment les milices des Jeunes Patriotes, ont attaqué les bases des Nations Unies à Abidjan, Daloa, Guiglo et San Pedro.[19] Les violences ont commencé après que le Groupe de travail international ait publié un communiqué controversé disant que le mandat de l'Assemblée nationale ivoirienne, devant expirer le 16 décembre 2005, n'avait pas été prolongé. Ceci a été interprété par les milices pro gouvernementales et d'autres partisans du Président Gbagbo comme une tentative injustifiée de pousser à la dissolution de l'Assemblée et de saper le parti au pouvoir.[20]

A Abidjan, des milliers de membres des milices des Jeunes Patriotes sont descendus dans les rues, jetant des pierres et, dans un cas, des bombes incendiaires contre les installations des Nations Unies, brûlant des pneus, prenant le contrôle de la station de télévision nationale, et attaquant des véhicules et des bâtiments des Nations Unies et d'organisations humanitaires internationales.

A Guiglo, des centaines de protestataires des sections locales des Jeunes Patriotes et de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI-voir aussi ci-dessous), ont manifesté devant la base de l'ONUCI . Si les manifestations étaient initialement pacifiques, le 18 janvier aux environs de 16h il y a eu une confrontation entre les manifestants et les forces de maintien de la paix des Nations Unies qui protégeaient la base. La confrontation a fait cinq victimes parmi les manifestants et trente-neuf blessés, y compris le dirigeant local des Jeunes Patriotes, Cyprien Maho, qui a été blessé au menton par une balle.[21]

Des questions demeurent quant à savoir si la réponse mortelle des forces de maintien de la paix était proportionnée et appropriée au niveau de menace qu'ils auraient affronté. Les Nations Unies doivent encore rendre publics les résultats d'une enquête sur l'incident qui pourrait faire la lumière sur les circonstances ayant entraîné l'incident. Un témoin oculaire interrogé par Human Rights Watch a signalé qu'avant la fusillade un individu au moins avait réussi à pénétrer dans le camp et avait grimpé sur le toit de l'un des véhicules blindés des Nations Unies à l'intérieur du camp.[22] Des personnes avec lesquelles s'est entretenu Human Rights Watch ont également signalé la présence dans la foule de personnes vêtues de ce qui semblait être un uniforme militaire, et aussi dit avoir vu des pierres et des poches plastiques remplies d'urine jetées sur les soldats du maintien de la paix.[23] Toutes les personnes interrogées par Human Rights Watch ont dit que bien que trois tirs de semonce aient été tirés en l'air, les forces de maintien de la paix n'avaient pas eu recours aux gaz lacrymogènes ni à d'autres formes de force non mortelle avant d'ouvrir le feu.[24] Parmi les cinq victimes, trois étaient membres des Jeunes Patriotes et deux, âgés de quatorze et seize ans, étaient membres de la FESCI.[25]

En réponse aux personnes tuées par coups de feu, le maire de Guiglo a lancé un appel sur la station de radio la Voix de Guiglo "à toutes [les] populations des villages de descendre sur la ville pour venger la mort des nôtres, tombés sous les balles assassines."[26] Quelques moments plus tard, des dirigeants des Jeunes Patriotes à Guiglo ont utilisé la même station de radio pour inciter à la violence contre les Nations Unies et les organisations humanitaires, appelant tous les Jeunes Patriotes à "attaquer . . . tout ce qui est agence humanitaire, ONG [organisations non gouvernementales], et symboles des Nations Unies." Le même jour, après que le personnel humanitaire et des Nations Unies ait été forcé de se retirer de la région, leurs bureaux ont été brûlés, une vingtaine de voitures ont été très endommagées ou complètement brûlées et des biens allant des équipements de bureau tels que des ordinateurs et des générateurs électriques à des produits alimentaires de l'aide humanitaire (dont près de 700 tonnes de céréales) ont été mis à sac et pillés, les dommages se montant à 1,8 million U.S.$.[27] Les forces de sécurité ivoiriennes basées à Guiglo n'ont pas tenté d'arrêter ou de contenir le pillage et la destruction.[28]

Les soldats du maintien de la paix sont restés absents de Guiglo et d'autres endroits de la partie ouest instable du pays pendant plusieurs mois, leur retour étant initialement compliqué par les conditions mises par les responsables ivoiriens locaux et par les milices pro gouvernementales qui gardent le contrôle réel de cette zone.[29] Cependant, des améliorations du climat politique ont conduit au retrait de ces conditions, et à la fin du mois d'avril 2006 des soldats du maintien de la paix du Bangladesh et du Bénin se sont redéployés avec succès à Guiglo et dans les villes de Duékoué, Toulepleu et Bloléquin.

En février, le Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan a envoyé au Président Gbagbo une facture pour les dommages consécutifs à la destruction des propriétés des Nations Unies pendant les incidents de janvier, estimés à 3,5 millions U.S.$.[30]

Attaques sectaires et incitation à Abidjan et Guiglo

Pendant que les émeutes anti Nations Unies paralysaient Abidjan, selon des récits rassemblés par Human Rights Watch, les forces de sécurité fermaient clairement les yeux, quand elles n'excusaient pas les activités violentes des milices.[31] Des témoins et des représentants d'organisations locales des droits humains, ainsi que des rapports de journalistes locaux et étrangers et de responsables de l'ONUCI, décrivent les forces de sécurité ivoiriennes comme faisant peu de choses pour réfréner les émeutes et les destructions de propriété, ou pour rétablir l'ordre.[32] Les forces de sécurité auraient fourni de la nourriture et de l'eau aux milices des Jeunes Patriotes et auraient aidé à les transporter à différents endroits dans Abidjan.[33] Les Jeunes Patriotes ont mis en place des centaines de points de contrôle, parfois exactement aux endroits où les forces de sécurité ivoiriennes avaient tenu un point de contrôle la veille.[34]

Au cours d'un incident pendant les émeutes, un membre de la communauté malienne a été brûlé vif par des membres des milices des Jeunes Patriotes. Un témoin a raconté à Human Rights Watch :

Vers 7h du matin, j'ai quitté ma maison pour aller à Abobo [un quartier d'Abidjan], mais en chemin j'ai vu que la situation était très tendue. On m'a dit que les Jeunes Patriotes tenaient les rues. J'ai décidé de rentrer à la maison mais comme les taxis ne fonctionnaient pas j'ai dû marcher.
Entre 8h et 9h, je suis arrivé à l'endroit où les Patriotes tiennent toujours leurs réunions -ils l'appellent "le Parlement." A environ 120 mètres j'ai vu un grand nombre de Patriotes qui bloquaient la route et avaient formé un cercle autour de quelqu'un. Certains des Patriotes avaient le drapeau ivoirien enroulé autour de la taille. C'était tendu et des voitures faisaient demi tour pour sortir de là. J'avais peur et je voulais sortir de la route principale aussi je me suis caché dans un petit garage d'où je pouvais voir ce qui se passait au point de contrôle.
Quelques minutes plus tard, j'ai vu les jeunes lancer un liquide sur le jeune qu'ils avaient encerclé et puis j'ai vu l'un d'eux jeter quelque chose sur lui. Puis j'ai vu une grande flamme [jaillir]. Quand c'est arrivé les gens autour de lui ont soudain reculé et j'ai vu la flamme qui recouvrait l'homme. Il a lutté contre le feu pendant de longues minutes mais ensuite il s'est effondré. Plus tard j'ai vu son corps calciné. La plupart des brûlures se trouvaient sur la partie supérieure du corps.
Plus tard je suis allé dans une petite mosquée et j'ai demandé à une femme ce que l'homme avait fait. Elle a expliqué que la veille, les Patriotes avaient volé la bicyclette de l'homme et qu'il était revenu ce matin-là pour leur demander de la rendre. Je n'ai su que plus tard qu'il était Malien.[35]

Les entreprises appartenant à des Ivoiriens originaires du nord ou à des citoyens maliens ou burkinabés ont aussi été attaquées par les Jeunes Patriotes. Un médecin malien interrogé par Human Rights Watch a décrit comment le 16 janvier, des Jeunes Patriotes et des militants d'un groupe étudiant pro gouvernemental l'avaient attaqué et battu à l'intérieur de la petite clinique qu'il dirige à Abobo. Il a dit que les jeunes, dont quelques-uns étaient armés d'armes automatiques, avaient volé des médicaments et des fournitures médicales pour un montant de 500 000 CFA (environ 952 U.S.$).[36] Le 19 janvier, des Jeunes Patriotes à Abobo auraient attaqué un parc de stationnement et brûlé une dizaine de taxis et de minibus appartenant à des immigrés ouest africains et à des Ivoiriens du nord.[37]

A Guiglo, l'émission de radio des dirigeants des Jeunes Patriotes incitant à la violence contre les Nations Unies et les organisations humanitaires, mentionnée ci-dessus, comportait également cet appel: "Celui que vous trouverez à la maison, brûlez-le, qu'il soit Ivoirien ou pas. Et tous ceux qui s'opposent à ce que vous allez faire, brûlez-les. Nous en assumerons les responsabilités."[38] Ce message faisait écho à un tract anonyme qui avait circulé en janvier juste avant les émeutes. Signé par "Le Guide," le tract appelait tous les Ivoiriens "à mener des actions de violences, des action terroristes contre les ressortissants de tous les pays membres du GTI (sauf l'Afrique du Sud), de l'ONUCI, et de la France. Il faut les charcuter, les brûler, les égorger, les manger, les violer et détruire tous leurs biens. Ceci est la voix du peuple, ceci est ta voix. Le nationalisme est en marche."[39]

L'absence de l'ONUCI et des organisations humanitaires à Guiglo et dans les environs à la suite des événements de la mi janvier a été profondément ressentie par des communautés telles que les Burkinabé et les Ivoiriens originaires du nord. Un responsable de communauté qui a parlé à Human Rights Watch en mars a noté une augmentation du banditisme depuis leur départ.[40] Des membres de la communauté burkinabé, tout comme ceux qui vivent dans un camp de près de quatre mille personnes près de Guiglo, ont exprimé leur vive préoccupation qu'il n'y ait plus personne qui serve de tampon entre eux et les membres des milices pro gouvernementales et des groupes de jeunes, qui leur ont été hostiles par le passé. Un dirigeant au sein du camp a décrit sa préoccupation comme suit :

Depuis que l'ONUCI s'est retirée nous ne nous sentons pas du tout en sécurité. Les soldats du maintien de la paix passaient par le camp chaque jour. Depuis qu'ils sont partis il y a deux mois environ, des membres de l'armée ivoirienne sont venus seulement trois fois. Si nous n'étions pas soutenus par les ONG, ils seraient encore en train de nous jeter dehors même depuis ici. Mais avec le départ des Nations Unies, nous savons que nous ne pouvons pas compter sur eux maintenant. Les Jeunes Patriotes sont les enfants de ceux qui nous ont chassés de nos terres en premier lieu, alors ce sont les mêmes. S'ils peuvent même chasser des gens comme l'ONUCI qui ont des fusils, qu'est-ce qui va nous arriver ? C'est comme si nous étions dans un trou et nous ne savons pas combien de temps ça va durer …. Nous sommes ici comme des prisonniers.[41]

Autre rapport de torture à l'École de la Gendarmerie

Human Rights Watch s'est entretenu avec cinq Maliens et Ivoiriens qui se trouvaient parmi les sept qui ont été détenus par les forces de sécurité à la suite des violences anti Nations Unies à Abidjan et qui ont été torturés à l'École de la Gendarmerie; l'un des sept aurait été torturé à mort. La raison de leur arrestation n'est pas complètement claire. Des sources des Nations Unies ont signalé que c'est peut-être parce que des partisans du parti d'opposition le Rassemblement des Républicains (RDR), y compris au moins une des sept victimes, avait tenté d'empêcher les Jeunes Patriotes d'installer un point de contrôle dans leur quartier, mais les victimes avec lesquelles Human Rights Watch s'est entretenu ont dit qu'elles ne comprenaient pas pourquoi ils avaient été détenus.[42] Certaines victimes ont dit que les gendarmes les avaient accusés d'être des "rebelles" ou de "recruter des rebelles." L'une des victimes, un Ivoirien originaire du nord, a décrit à Human Rights Watch ce qui lui était arrivé :

Le 20 janvier, j'étais chez moi et je dormais. Je me suis réveillé en entendant frapper à la porte. Ils ont dit que c'était la gendarmerie. Quatre soldats sont entrés dans ma chambre et ils m'ont amené dehors. L'un d'eux portait un uniforme sombre. Son chapeau portait l'emblème d'une épée. Il avait une kalach [fusil d'assaut Kalachnikov] et un gilet pare-balles avec un talkie-walkie attaché sur la poitrine. Tous ceux qui étaient dans la cour étaient accroupis sur le sol dehors. Les soldats avaient leurs fusils pointés sur nous. Ils ont pris certains d'entre nous et ils nous ont mis dans des véhicules stationnés dehors et marqués CECOS 01 et 02.[43] Nous avons roulé pendant une vingtaine de minutes. Un soldat tenait son pied contre mon cou. J'ai levé les yeux et j'ai vu que nous allions à l'École de la Gendarmerie.
Quand nous sommes arrivés, ils nous ont dit de sortir et un soldat frappait chacun de nous quand nous descendions. Nous étions sept en tout. On nous a dit de tous nous asseoir par terre. Ils avaient un seau rempli d'eau et ils le versaient sur nous. Ça me brûlait les yeux et le nez. Puis ils ont commencé à nous battre. Ils se servaient d'une ceinture et frappaient avec la boucle. Puis ils nous ont tous mis dans une petite pièce et cinq soldats sont entrés pour continuer à nous battre. Il y avait un vieil homme, le père. Ils n'ont pas frappé le vieil homme. Ils l'ont mis à part. Ils nous ont fait sortir pour nous battre encore avant de nous jeter à nouveau dans la petite pièce. Le fils du vieil homme avait été sévèrement battu et disait qu'il lui fallait de l'eau. Le vieil homme a frappé à la porte pour dire que nous avions besoin d'eau et d'aller aux toilettes. Un soldat a crié que nous n'avions qu'à lui uriner dans la bouche. Le fils du vieil homme a commencé à se tordre de douleur. Et puis il a arrêté de bouger. Le vieil homme a dit: "Il est mort."
Vers 9h le lendemain matin, ils nous ont fait sortir le corps. Un petit peu plus tard ils ont ouvert la porte et nous ont dit de nous allonger à l'arrière d'un camion et de ne pas lever la tête. Ils nous emmenaient à la Brigade de Recherche, ce que j'ai appris plus tard.[44] Je n'allais pas bien parce que j'avais été durement battu, et donc ils m'ont envoyé ensuite dans un hôpital militaire peu après mon arrivée. A l'hôpital, on m'a dit que même si c'était un hôpital militaire, je devais payer pour être soigné. Mon frère est venu et il a payé en tout 30 000 CFA [environ 57 U.S.$]. Après six jours d'hôpital, j'ai été libéré et je suis rentré chez moi. Cependant, le 13 février, j'ai été rappelé à la Brigade de Recherche pour répondre à des questions. Ils voulaient savoir si je faisais partie de la rébellion et j'ai dit que non.[45] Quelques jours plus tard, un gendarme est venu à pied chez moi et m'a dit de ne pas témoigner. Je n'ai jamais compris pourquoi ça m'est arrivé.

Attaques par un groupe étudiant pro gouvernemental et défaut de réponse policière

Au cours de l'année 2005, la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI) s'est livrée à des actes fréquents de harcèlement, d'intimidation, et en plusieurs occasions de violence à Abidjan contre des étudiants et contre d'autres groupes qu'ils soupçonnaient de soutenir l'opposition ou les Forces Nouvelles.[46]La FESCI est d'une loyauté féroce au gouvernement de Gbagbo, et semble agir sans aucune crainte de se voir demander des comptes pour les actes violents perpétrés contre leurs présumés opposants.[47]

Les membres d'un syndicat étudiant rival, l'Association Générale des Élèves et Étudiants de Côte d'Ivoire (AGEECI), sont particulièrement vulnérables aux attaques, car la FESCI les accuse de soutenir les Forces Nouvelles.[48] A plusieurs occasions en 2005, des membres de l'AGEECI ont été violemment agressés et battus par des membres de la FESCI.[49] Beaucoup de membres de l'AGEECI ne peuvent plus assister aux cours à cause du harcèlement dont ils sont l'objet.[50] Des membres de l'AGEECI ont dit à Human Rights Watch que bien qu'ils signalent régulièrement les incidents de harcèlement et d'abus à la police, jusqu'ici personne n'a été poursuivi ou puni pour ces crimes. Le récit suivant fait par une victime d'un incident de décembre 2005 est un exemple récent de l'absence d'intervention des autorités locales pour protéger contre les violences conduites par la FESCI :

Je suis étudiant de deuxième année en histoire, mais je ne peux plus suivre les cours. En décembre 2005, je travaillais avec des lycéens dans leur école pour créer un comité de l'AGEECI. Vers 1h cet après-midi là, plusieurs voitures sont arrivées devant l'école. Nous étions cinq membres de l'AGEECI dans la salle de classe à ce moment-là. Trois sont allés voir ce qui se passait et ne sont jamais revenus. Puis un groupe de membres de la FESCI a fait irruption dans la classe. Ils se sont mis à nous frapper, les deux qui restions, avec des gourdins et le plat de machettes. Puis ils nous ont mis dans un taxi. Avant que nous démarrions, quatre policiers sont arrivés dans un camion. Nous pensions qu'ils allaient intervenir pour nous sauver, mais la FESCI a dit à la police que nous étions des rebelles et des assaillants. La police a dit que si c'était le cas, ils n'avaient qu'à continuer et nous tuer. La police est partie et nous avons démarré.
Alors que nous roulions près du port, nous avons été arrêtés à un point de contrôle par deux policiers. Les gens dans la voiture se sont identifiés comme membres de la FESCI et sont sortis parler avec la police. Ils sont remontés dans la voiture et nous sommes partis. Nous avons commencé à rouler vers une zone abandonnée. J'avais peur que si c'était là qu'ils nous amenaient, ça voulait dire la mort. Ils nous ont emmenés dans un bâtiment et ils m'ont mis dans une petite pièce, où un groupe d'entre eux s'est mis à me frapper avec des gourdins et des frondes. Puis je me suis évanoui. Quand je suis revenu à moi, ils ont commencé à me demander si je travaillais pour la rébellion, pour Ouattara, ou pour Soro.[51] Puis ils ont dit qu'ils nous emmenaient à la plage pour nous noyer. La plage n'était pas loin et ils nous y ont amenés à pied, ce qui a commencé à attirer l'attention. Ils nous ont jetés à l'eau. Un surveillant de baignade est venu et les FESCI se sont mis à le menacer. Une foule a commencé à se former et les gens se sont mis à poser des questions. Finalement la foule est devenue assez nombreuse pour que les membres de la FESCI partent. Le surveillant de baignade a appelé une ambulance et ils nous ont emmenés à l'hôpital.
Depuis lors, j'ai été menacé si souvent sur mon téléphone portable que j'ai dû changer de numéro. J'ai dû quitter Abidjan pendant quelque temps pour me protéger. Si j'essaie de déposer une plainte contre un membre de la FESCI, ça n'ira nulle part. Ce sont eux qui ont porté le président au pouvoir. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent. Je me sens mal de ne plus pouvoir aller à l'école. Nos parents sont illettrés. Ils comptent sur les étudiants qu'ils envoient à l'école.[52]

IV. Intimidation, harcèlement et extorsion des civils au sud tout comme au nord

Situation dans le sud

Dans tout le sud contrôlé par le gouvernement, les instances gouvernementales d'application de la loi telles que la police, les gendarmes, et le Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS) continuent à perpétrer de graves violations des droits humains telles que l'extorsion, la confiscation illégale de biens civils, et des raclées. Ces violations se produisent le plus souvent au cours des fréquentes contrôles des cartes d'identité et des permis de conduire aux points de contrôle et dans d'autres endroits. Selon des dirigeants de communautés, des organisations de la société civile et des victimes interrogées par Human Rights Watch, ces "contrôles de sécurité" semblent souvent être seulement un prétexte pour l'extorsion de fonds et tant le niveau d'extorsion que la violence qui lui est associée dépassent de loin ce que l'on savait se produire avant la guerre civile.[53]

Si ce phénomène affecte tous ceux qui voyagent dans le sud, il touche plus profondément les personnes porteuses de cartes d'identité du Burkina Faso, du Mali, et autres pays voisins, et les Ivoiriens dont le nom de famille les identifie comme membre d'un groupe ethnique originaire du nord tenu par les rebelles.

Passagers et piétons

Pour beaucoup de cultivateurs burkinabés qui vivent et travaillent dans l'ouest, le niveau d'extorsion aux points de contrôle le long de la route est devenu si élevé qu'ils sont presque devenus des prisonniers dans leurs campements et dans leurs villages, incapables de supporter le coût du voyage jusque dans les villes.[54] D'autres choisissent de braver les routes, mais ils doivent être prêts à payer un montant élevé en pots-de-vin. Un témoin burkinabé a expliqué à Human Rights Watch les frais qu'il a payés au cours d'un voyage récent dans l'ouest :

Je suis rentré de ma destination hier soir. Vous avez toujours des problèmes avec vos papiers quand vous voyagez. Si vous avez une carte d'identité burkinabé, il vous faudra payer. Il y a huit points de contrôle entre ici et là où je suis allé. Ma sœur a dû payer 14 000 CFA [l'équivalent de 27 U.S.$] en pots-de-vin et 4000 CFA [environ 7.60U.S.$] pour le billet de transport. Mais j'ai une carte de l'ONG où je travaille, et donc j'ai dû seulement payer le billet. Les Libériens dans la voiture ont dû payer. Les Ivoiriens avec des papiers n'ont pas à payer de supplément. Si vous vous trouvez à court d'argent en route, ils vous disent de descendre et vous devez marcher jusqu'à votre destination.[55]

Selon un dirigeant de la communauté burkinabé interrogé par Human Rights Watch, ceux qui retournent au Burkina Faso pour une visite préfèrent le faire avec des grands autobus utilisant une escorte militaire armée fournie par l'armée ivoirienne, car cela garantit qu'ils n'auront besoin de négocier qu'un seul prix à l'avance pour passer en sécurité, plutôt que d'être soumis aux caprices de chaque officier de sécurité à chaque point de contrôle.[56] Un chauffeur d'autobus travaillant sur la ligne Bouaké-Abidjan a signalé qu'il évitait parfois de transporter des passagers burkinabés parce qu'il connaît les problèmes qu'ils vont rencontrer en chemin. Le même chauffeur a aussi signalé que sa compagnie est régulièrement obligée d'abandonner des passagers burkinabés à des points de contrôle quand les négociations avec les forces de sécurité n'avancent pas.[57]

Les étrangers, ou les personnes appartenant à un groupe ethnique originaire du nord, sont également visés au cours des contrôles d'identité de routine des documents de piétons, ce qui peut se produire à n'importe quel moment. Des victimes interrogées par Human Rights Watch ont décrit deux incidents de ce type au cours desquels elles ont dû monter dans des véhicules de gendarmerie, ont été conduites dans des endroits isolés, et puis volées. Un incident survenu le 3 février 2006 concernait une quinzaine d'hommes qui se sont fait voler leur argent.[58] Au cours d'un autre incident, un homme d'affaires malien de quarante-huit ans a décrit comment il s'était fait voler en novembre 2005 par un groupe de huit gendarmes :

Ce jour-là, j'étais allé acheter des médicaments pour un ami. Alors que je marchais, j'ai été arrêté par un groupe de gendarmes qui m'ont demandé mes papiers d'identité. Tous mes documents étaient en règle mais ça ne faisait rien. Les gendarmes m'ont ordonné de monter dans le camion. Quand j'y suis entré j'ai vu qu'il y en avait deux autres comme moi - j'ai su plus tard que l'un était du Ghana et l'autre du Nigeria. Les gendarmes nous ont dit de garder la tête baissée et ils ont commencé à rouler. Chaque fois que nous essayions de lever la tête ils nous frappaient sur la tête et le dos. Après avoir roulé pendant plusieurs minutes ils ont mis les mains dans les poches du Nigérien, ont volé son argent, puis ont arrêté le véhicule, et ils lui ont ordonné de descendre.
Ils ont recommencé à rouler et au bout de plusieurs minutes ils ont fait la même chose avec l'homme du Ghana. Plusieurs minutes plus tard ils m'ont fait pareil. Un gendarme a mis la main dans ma poche et s'est emparé des 35 000 CFA [environ 67 U.S.$] que j'avais. Celui qui a volé mon argent l'a donné ensuite à son camarade qui l'a mis dans un sac noir. J'imagine que c'est là qu'ils gardent le fruit de leurs larcins de la journée. Après qu'ils aient fait ça, j'ai dit: "Bon…vous m'avez demandé ma pièce d'identité, je vous l'ai donnée. Maintenant vous me prenez tout mon argent. Qu'est-ce que vous voulez vraiment ?" Alors l'un d'entre eux a dit: "Tais-toi ! Tu veux finir avec une balle dans la tête ?" Puis il m'a dit de m'en aller et il m'a poussé hors du véhicule.[59]

Chauffeurs

Les forces de sécurité confisquent régulièrement les permis des chauffeurs et leur carte d'identité s'ils ne sont pas satisfaits de l'argent qu'une personne peut ou veut payer.[60] Le fait de ne pas avoir de documents rend alors les chauffeurs encore plus vulnérables aux extorsions de la police la prochaine fois qu'ils sont arrêtés, car les forces de sécurité gouvernementales vont vraisemblablement réclamer des sommes encore plus importantes à ceux qui n'ont pas de permis de conduire ou de carte d'identité.[61] Pour beaucoup de chauffeurs de véhicules de transport public, la confiscation d'un permis signifie la perte d'emploi, car beaucoup ne veulent pas risquer les graves répercussions qui peuvent découler du fait d'être arrêté sans permis.

Si les chauffeurs de tous les groupes ethniques sont victimes d'extorsions de la part des forces de sécurité gouvernementales, les Ivoiriens originaires du nord, qui ont traditionnellement joué un rôle dominant dans le secteur du transport en Côte d'Ivoire, signalent qu'ils sont en butte à du harcèlement et des abus plus graves et doivent payer des pots-de-vin plus élevés que leurs homologues du sud.[62]

Human Rights Watch s'est entretenu avec des dizaines de chauffeurs qui ont été victimes d'extorsion de la part des membres des forces de sécurité gouvernementales. L'expérience de ce chauffeur est typique :

En janvier 2006, j'ai été arrêté d'un coup de sifflet par le CECOS 41.[63] J'avais mon permis de conduire, mais ils ont quand même insisté pour que je leur donne un pot-de-vin de 500 CFA [environ 0.95 U.S.$]. J'ai refusé. Un des soldats m'a frappé à la poitrine avec ses deux poings et j'ai été renversé. Ils se sont alors emparés de mon permis et ils ont refusé de me le rendre. En février, j'ai été encore arrêté par le CECOS 41. J'ai expliqué qu'ils avaient pris mon permis le 10 janvier. Le soldat est allé à sa voiture et a sorti un sac. J'ai regardé dedans et il était plein de permis de conduire et d'autres papiers d'identité. Il devait y avoir au moins une centaine de cartes dedans. Mon permis était dans le sac mais il a refusé de me le rendre. A ce point, il n'y a rien que je puisse faire. Je suis marié et j'ai deux filles et je n'ose pas conduire maintenant que je n'ai pas de permis, alors je ne peux plus travailler.[64]

Un autre chauffeur a expliqué les répercussions de la perte de son permis :

Il y a environ trois mois, je roulais quand la police a sifflé pour que je m'arrête. Ce n'était pas un point de contrôle officiel, juste quelques policiers stationnés au bord de la route. Ils m'ont demandé ma carte d'identité et je la leur ai tendue. Je n'avais pas mon permis de conduire mais j'avais un reçu montrant qu'il avait été saisi par la police deux semaines auparavant. (J'étais allé au poste de police pour payer 5000 CFA [environ 9.50 U.S.$] pour le récupérer, mais on m'a dit que le policier qui l'avait pris l'avait gardé sur lui.) Le policier a pris mon reçu et l'a mis dans sa poche.
J'ai été amené au poste de police à Plateau. J'ai été déshabillé complètement par la police au poste et mis dans une petite pièce sombre. J'étais seul dans la cellule. Plus tard dans la journée, mes parents sont venus avec de la nourriture mais la police a refusé de leur laisser me la donner si ma mère ne payait pas 2000 CFA [environ 3.80 U.S.$]. Le jour suivant, elle est revenue avec de la nourriture, mais ils ont refusé de la laisser me voir. Finalement, elle leur a payé 50 000 CFA [environ 95 U.S.$] et ils m'ont relâché. Depuis, je n'ai pas pu travailler. Je n'ai pas de permis et je n'ai pas de reçu montrant qu'ils l'ont pris. J'ai un enfant qui dépend de moi. Je pourrais payer 35 000 CFA [environ 67 U.S.$] pour obtenir un nouveau permis, mais je n'ai pas l'argent.[65]

D'autres chauffeurs ont été détenus et ont subi de graves abus physiques pour avoir refusé de se soumettre aux extorsions ou pour leur incapacité à payer ce qui leur était demandé. Un chauffeur ivoirien de vingt-huit ans originaire du nord a raconté avoir été sévèrement battu au sein de l'École de la Gendarmerie après avoir été dans l'incapacité de payer un pot-de-vin (de nombreuses cicatrices dont une de cinq centimètres sur la tête et plusieurs cicatrices profondes aux bras et aux jambes ont été constatées par un enquêteur de Human Rights Watch) :

Juste après avoir pris la voiture à 19h30 le 25 janvier 2006, j'ai été arrêté à un point de contrôle tenu par un groupe d'une quinzaine de CECOS. Un officier avec deux 2 V[66] sur son uniforme m'a demandé mes papiers. Je lui ai donné mon permis et les documents de la voiture. Mais ce qu'ils voulaient c'était de l'argent. Je lui ai dit que je venais juste de commencer mon parcours et que je n'avais encore rien gagné. Il s'est mis en colère, a mis mon permis dans sa poche et a dit: "Tu ne vas nulle part." J'ai supplié mais il a répondu: "Vous les Dioulas vous contrôlez le business du transport mais vous ne voulez pas partager votre argent."[67]
Je suis resté là pendant plus d'une heure pendant laquelle j'ai vu les CECOS fouiller une quinzaine d'autres chauffeurs. Chaque fois c'était pareil : ils arrêtaient les taxis, demandaient le permis et après avoir serré la main aux chauffeurs ils glissaient l'argent dans leurs poches.
Vers 20h30 comme ils s'apprêtaient à s'en aller, je leur ai crié: "Vous ne pouvez pas partir avec mon permis, c'est mon gagne-pain." Après avoir discuté un moment, l'un d'eux m'a frappé à la tête par derrière. Je suis tombé en saignant. Puis le CECOS m'a emmené à l'École de la Gendarmerie.
Après être arrivés ils m'ont attaché et emmené dehors. Puis trois gendarmes m'ont battu pendant quarante-cinq minutes, dont celui qui m'avait pris mon permis. Ils me battaient avec une corde en caoutchouc, une barre de fer et certains me marchaient dessus avec leurs bottes.
Après ça, ils m'ont mis dans un entrepôt où j'ai vu une quinzaine d'autres personnes. Pendant la nuit, nous avons parlé et j'ai appris ce qui leur était arrivé. Ils étaient du Burkina Faso, du Mali et certains étaient Ivoiriens. Sept d'entre eux étaient des chauffeurs comme moi qui n'avaient pas pu les payer. Les autres étaient des travailleurs qui n'avaient pas leurs papiers en règle. Tous ont dit qu'ils avaient été battus. J'ai remarqué certaines blessures : un avait une jambe enflée, un autre avait une mauvaise coupure entre les yeux et plusieurs saignaient. Certains disaient que ça faisait deux ou même trois jours qu'ils étaient là.
Le matin ils nous ont répartis en groupes de travail. Certains d'entre nous ont nettoyé les toilettes et d'autres, dont moi, nous avons reçu l'ordre de nettoyer la cour. J'ai travaillé pendant environ quatre heures. Pendant la journée certains d'entre nous ont été libérés mais d'autres -neuf ou dix dont des Maliens et quelques Dioulas- sont entrés. Beaucoup avaient aussi été battus. Je ne les ai jamais vus en train d'être battus, mais on pouvait entendre crier de l'extérieur : "Laissez-moi tranquille, je n'ai rien."
Vers 20h le propriétaire de la voiture a payé 25 000 CFA [environ 48 U.S.$] et j'ai été libéré, mais je dois encore récupérer mon permis. Je suis allé à l'École de la Gendarmerie quatre fois mais ils ne veulent pas me le donner. A cause de ça je ne travaille pas en ce moment.[68]

Pour aider à combattre le problème de l'extorsion, des dirigeants syndicaux représentant les travailleurs du secteur des transports avec lesquels Human Rights Watch s'est entretenu ont expliqué que chaque ligne de transport [69] a un responsable désigné chargé d'interventions rapides au nom des chauffeurs connaissant des problèmes avec les forces de sécurité, et que ces responsables doivent faire entre trois et trente interventions par jour et par ligne. Ces interventions n'ont pas résolu le problème, cependant, et les syndicats des transporteurs ont organisé une grève dans un quartier d'Abidjan le 5 mars 2006, pour protester contre les extorsions et les mauvais traitements.

Au cours d'une visite à un dirigeant de la communauté malien dans un quartier, Human Rights Watch a recensé 115 cartes d'identité maliennes et permis de conduire que le dirigeant de la communauté avait réussi à récupérer auprès des services de police au cours des trois mois précédents.[70]

Situation dans le nord

Le phénomène de l'extorsion et du vol des civils à tous les niveaux de la société continue à être un problème dans tout le territoire contrôlé par les Forces Nouvelles.

Au niveau des villages, Human Rights Watch s'est entretenu avec plusieurs femmes sur un marché dans un petit village proche de Bouaké qui a été occupé par un contingent de quatre ou cinq soldats des Forces Nouvelles en rotation et qui soumettent les villageois à l'extorsion et au vol de façon systématique. En plus d'être forcés à fournir gratuitement de l'eau et de la nourriture aux soldats, tous les villageois doivent payer une "taxe" chaque fois qu'ils sortent où qu'ils rentrent dans leur village. Si la taxe semble relativement modeste -400 CFA (environ 0.75 U.S.$) par personne pour un aller retour- dans certains cas le paiement de cette "taxe" représente la moitié des revenus hebdomadaires d'un villageois.[71] Beaucoup de ces villageois sont des personnes déplacées à l'intérieur du pays, qui ont fui des villes comme Bouaké au déclenchement des hostilités en 2002. Comme l'a expliqué une femme :

Depuis que je suis venue au village, je vais au marché en ville deux fois par semaine pour acheter du poisson séché, que je revends ensuite pour gagner assez d'argent pour nourrir mes enfants, mais les soldats dans le village sont un problème. Ici ils font sortir chaque passager de la voiture pour les payer. Ce qui fait que je dois donner 800 CFA [environ 1.50 U.S.$] par semaine aux soldats. Parce qu'ils ont les fusils, je n'essaie jamais de discuter -je paie. Parfois il ne me reste rien, parfois je perds même de l'argent une fois que j'ai payé les soldats. Mais les rebelles sont juste ici pour diriger le pays. Parce qu'ils ont les fusils, c'est comme ça que ça marche. Tu dois payer. J'aimerais me plaindre ou les attaquer en justice mais on ne peut pas attaquer quelqu'un qui a un fusil. Les gens à Bouaké [capitale administrative pour les Forces Nouvelles] ont les mêmes fusils qu'ici. Ils les ont envoyés, alors ça ne sert à rien de se plaindre.[72]

Selon des dirigeants de communauté interrogés par Human Rights Watch, plusieurs autres villages des environs ont été soumis pareillement à l'extorsion et au vol systématiques par les contingents rebelles qui les occupaient.[73] Si le niveau des vols aux civils a diminué par rapport aux constatations de Human Rights Watch à l'été et l'automne 2005,[74] les soldats des Forces Nouvelles continuent à voler des animaux et autres nourritures dans les villages. Le chef local d'un village près de Bouaké a expliqué :

En septembre et octobre 2005 les rebelles étaient plus agressifs. Ils venaient avec un camion, tiraient en l'air pour nous faire peur, puis ils prenaient presque toutes les chèvres et les moutons. Parfois ils remplissaient complètement un camion avec des marchandises. Maintenant, les choses vont mieux. Ils ne tirent plus avec leurs fusils, mais nous avons encore peur quand ils viennent. Ils viennent toujours prendre des moutons et des chèvres. Mais ils prennent seulement quatre ou cinq chèvres à la fois maintenant.[75]

Sidiki Konaté, le porte-parole des Forces Nouvelles, a reconnu que le vol et l'extorsion qui continuent au niveau des villages reste un problème, et il a dit qu'ils avaient expulsé de nombreux combattants des Forces Nouvelles à cause de leur implication dans des actes criminels et qu'ils ont lancé une campagne d'éducation publique pour traiter ce problème. Cependant, il a tenté de diminuer la responsabilité des dirigeants rebelles en affirmant qu'ils exerçaient un contrôle limité sur les forces rebelles basées dans les villages les plus éloignés.[76]

Dans les villes tenues par les rebelles comme Bouaké et Korhogo, l'extorsion perpétrée par les forces rebelles concerne des sommes d'argent beaucoup plus importantes. Plusieurs entrepreneurs et commerçants ont expliqué à Human Rights Watch comment ils sont périodiquement convoqués aux bureaux des Forces Nouvelles par des officiers supérieurs où on leur dit combien ils devront payer par mois, en liquide ou en nature.[77] Quand on leur a demandé s'il était possible de négocier le montant exigé, trois marchands différents ont expliqué que lorsqu'un de leurs collègues avait essayé de négocier, il avait été enfermé dans une pièce pendant une journée et le prix de sa "taxe" avait été augmenté lorsqu'ils l'ont laissé sortir.[78] L'argent exigé aux entrepreneurs par les chefs rebelles varie, mais des commerçants moyens se voient souvent demander 50 000 CFA (environ 95 U.S.$) par mois.[79] Les chauffeurs de camion qui traversent le territoire contrôlé par les rebelles pour aller au Burkina Faso et au Mali doivent aussi payer des sommes considérables aux rebelles à la frontière, ainsi qu'à différents points de contrôle au sein du territoire contrôlé par les Forces Nouvelles. Plusieurs transporteurs ont témoigné que les sommes exigées par les Forces Nouvelles pour transporter des marchandises au sein du territoire des Forces Nouvelles sont plusieurs fois supérieures à celles demandées avant la guerre.[80]

Les officiers des Forces Nouvelles maintiennent qu'ils ont le droit de prélever des "taxes" comme moyen de générer un trésor public, et ils rejettent l'affirmation selon laquelle les sommes collectées dépasseraient les niveaux d'avant la guerre.[81] Des rapports sur l'extorsion et le vol des civils à tous les niveaux de la société suggèreraient que ce que les rebelles désignent régulièrement comme un système de "collecte de l'impôt" pourrait être mieux décrit comme un système d'extorsion collective, ce qui ne confirme pas les déclarations du porte-parole des Forces Nouvelles à Human Rights Watch selon lesquelles les "taxes" au sein de la zone contrôlée par les Forces Nouvelles seraient informelles et volontaires.[82] Les rapports suggèreraient aussi que les Forces Nouvelles collectent d'importantes sommes d'argent.

Human Rights Watch a remarqué au cours de sa visite que dans quelques zones au moins les Forces Nouvelles font des efforts croissants pour effectuer des travaux publics en réparant des routes et en restaurant quelques bâtiments, surtout à Korhogo. Mais en dépit de l'argent collecté par les Forces Nouvelles, les services publics dans les territoires contrôlés sont en grande partie fournis par des ONG internationales, ou même par le gouvernement installé au sud.[83] Ceci soulève de sérieuses questions quant à savoir où et comment sont dépensées les sommes collectées par les Forces Nouvelles auprès des entrepreneurs, des transporteurs et autres prélèvements à l'import et l'export. De plus, de nombreux soldats subalternes des Forces Nouvelles ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils ne sont pas payés.[84] Si cela n'a pas pu être confirmé, quand on lui a demandé de répondre à l'accusation selon laquelle les soldats rebelles volent régulièrement les villageois, le porte-parole des Forces Nouvelles a fait remarquer que même des soldats "payés" volent dans d'autres parties du monde.[85]

Système judiciaire absent ou arbitraire dans le nord

Au déclenchement des hostilités à la fin 2002, de nombreux bâtiments judiciaires et des prisons dans le nord ont été mis à sac ou détruits. La plupart des juges exerçant dans le nord ont fui, laissant un vide à la place de l'ancien système judiciaire et pénal.[86] Dans la période qui a suivi immédiatement les hostilités, les officiers des Forces Nouvelles ont expliqué à Human Rights Watch qu'en l'absence de ces institutions, les exécutions et autres "méthodes extrajudiciaires" étaient les principaux moyens de faire appliquer la loi.[87]

Les problèmes de cette période, et la crainte que les citoyens se livrent au lynchage en faisant eux-mêmes la loi, ont poussé les Forces Nouvelles à établir un système judiciaire et pénal ad hoc géré principalement par les commissaires de police des Forces Nouvelles. Le territoire contrôlé par les Forces Nouvelles est divisé en dix districts militaires, les forces de police de chaque district ayant à leur tête un commissaire de police.[88] D'après les officiers des Forces Nouvelles, la plupart des commissaires de police opérant actuellement sur le territoire des Forces Nouvelles ont été formés et exerçaient déjà en tant qu'officiers de police avant la guerre, bien que maintenant ils ne seraient pas payés et travailleraient de façon bénévole sans être contrôlés par le gouvernement ivoirien.[89] Les commissaires de police exercent leur juridiction sur tous les délits, y compris ceux qui sont commis par les soldats des Forces Nouvelles. Le chef de la police des Forces Nouvelles est un membre des forces armées.[90]

Dans ce système ad hoc, le commissaire de police sert, en fait, d'enquêteur, de procureur, de juge et de jury. Comme première étape, les commissaires de police mènent l'enquête sur les éventuels délits qui leur sont signalés par des civils ou des officiers des Forces Nouvelles. A la fin de l'enquête et si le commissaire de police a identifié un coupable probable, le même commissaire de police arrive à une conviction personnelle quant à la culpabilité du suspect, basée sur ses propres résultats et conclusions.[91] Enfin, le même commissaire de police détermine la peine y compris, le cas échéant, une peine de prison qui sera appliquée au coupable présumé. Un accusé ne bénéficie du conseil de la défense à aucun moment de l'enquête, ni de la détermination de culpabilité ni d'établissement de la peine.[92]

Pour les personnes décrétées coupables d'un délit et qui sont condamnées à une période d'emprisonnement, certains commissaires essaient d'appliquer une peine correspondant à la gamme prévue par le code pénal ivoirien pour un délit particulier, tandis que d'autres placent simplement un présumé coupable en détention pour une période indéterminée jusqu'à ce qu'ils estiment qu'il ou elle a été suffisamment puni(e).[93] Les responsables des Forces Nouvelles reconnaissent que si certains commissaires comprennent les rudiments du code pénal, d'autres n'ont que peu idée de la façon dont un système juridique est supposé fonctionner.[94] En conséquence, le système judiciaire criminel dans le territoire contrôlé par les Forces Nouvelles fonctionne d'une façon arbitraire et très diversifiée. Comme un observateur des Nations Unies l'a exprimé : "Certains restent trop longtemps en prison, et d'autres sont libérés avant ce qu'il faudrait."[95]

L'injustice fondamentale dans ce système vient du manque total de limites ou de contrôles indépendants sur le pouvoir des commissaires de police. Des représentants locaux des droits humains rapportent que bien que les commissaires de police aient le pouvoir d'engager des poursuites contre des soldats ayant commis des délits, les enquêtes sont souvent influencées par l'armée, et les poursuites sont abandonnées si un chef militaire intervient.[96] L'expérience montre aussi qu'il y a peu d'exemples de volonté politique ou capacité de punir les abus des officiers supérieurs des Forces Nouvelles.[97] Le résultat d'un pareil système est un climat d'anarchie et d'impunité.

Les conditions d'incarcération pour ceux qui doivent exécuter une peine de prison sont déplorables.[98] Cependant, depuis que le Comité International de la Croix Rouge a assumé la responsabilité de l'alimentation des prisonniers à Korhogo après la mort de quatre prisonniers du fait de grave malnutrition en août 2005, il n'y a pas eu d'autre décès constaté.[99]

Selon des sources des Nations Unies, les installations de détention au secret, avec des personnes qui sont gardées au secret continuent à exister.[100] La détention au secret des personnes constitue une "disparition" et c'est une grave violation du droit international des droits humains. Même dans les situations où la détention est reconnue, garder des personnes au secret, en privant les détenus des garanties essentielles contre la privation arbitraire de liberté, la torture ou les traitements inhumains ou dégradants, ou même contre le risque de perdre la vie, constitue aussi une grave violation du droit internationale des droits humains.

Les responsables des Forces Nouvelles interrogés par Human Rights Watch ont été très francs quant aux limites d'une justice obtenue par les commissaires de police, mais ils maintiennent que c'est mieux que la situation qui a précédé le système actuel.[101] Si les accords de paix n'exigent pas que les Forces Nouvelles établissent des institutions judiciaires effectives et opérationnelles au sein du territoire qui est sous leur contrôle, le droit humanitaire international coutumier prévoit des protections pour les civils de conflits armés internes comme en Côte d'Ivoire et interdit la privation arbitraire de liberté et les disparitions. Les responsables des Forces Nouvelles interrogés par Human Rights Watch reconnaissent qu'un redéploiement d'officiers judiciaires dans le nord améliorerait les choses. Cependant, ils maintiennent que le gouvernement ivoirien ne permettra pas un redéploiement d'officiers judiciaires du sud vers le nord tant que les Forces Nouvelles n'auront pas désarmé.[102] Pour le bien-être des citoyens de Côte d'Ivoire, le gouvernement ivoirien et les responsables des Forces Nouvelles devraient travailler ensemble afin d'arriver à un accord pour le redéploiement d'officiers judiciaires, même sur une base limitée, aussitôt que possible. De telles mesures pourraient être un pas important pour commencer à traiter le climat d'impunité dans le nord de la Côte d'Ivoire.

V. Réponse internationale aux abus récents

En réponse aux attaques de janvier 2006 contre le personnel des Nations Unies, le Conseil de Sécurité des Nations Unies, en application de la résolution 1572 du Conseil de Sécurité (2004), le 7 février 2006, a activé une interdiction de voyager et le gel des avoirs contre trois individus : Charles Blé Goudé et Eugène Djué des milices des Jeunes Patriotes, et Fofié Kouakou, un commandant des Forces Nouvelles à Korhogo.[103] Si les initiatives soutenues internationalement et conçues pour maîtriser les auteurs d'abus et combattre l'impunité sont nécessaires et bienvenues, il est malheureux que de telles mesures aient été seulement activées après que le personnel et les intérêts matériels des Nations Unies aient fait l'objet d'attaques.

Les observateurs politiques interrogés par Human Rights Watch ont qualifié d' "inconsistants" les critères retenus pour sélectionner les individus qui seraient soumis aux sanctions des Nations Unies.[104] Un responsable des Nations Unies a remarqué comment, d'un côté, les deux dirigeants des milices pro gouvernementales avaient été choisis sur la base de leur rôle dans les attaques de janvier contre les Nations Unies, alors que le commandant rebelle avait été choisi pour des actes qu'il avait commis en remontant jusqu'en juin 2004.[105] Le fait de ne pas appliquer des sanctions de manière cohérente, et à l'encontre de davantage de responsables d'abus, est seulement un exemple de la façon dont la communauté internationale laisse en suspens les mécanismes pour exiger des comptes pour un règlement final aléatoire.

En plus des sanctions, d'autres mesures qui pourraient freiner les auteurs d'abus et combattre l'impunité dans toute la Côte d'Ivoire semblent avoir été pareillement mises de côté. Par exemple, suivant une requête de toutes les parties à l'accord de Linas-Marcoussis pour enquêter sur les graves violations des droits humains et du droit humanitaire perpétrées en Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002, le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme (HCNUDH) a envoyé une commission d'enquête en Côte d'Ivoire. Cependant, le Conseil de Sécurité des Nations Unies doit encore rendre publics ou débattre les résultats du rapport, qui a été remis au Secrétaire général des Nations Unies en novembre 2004 et transmis au Conseil de Sécurité le 23 décembre 2004. Le fait de ne pas débattre des conclusions du rapport, sans parler de les mettre en action, envoie le mauvais signal aux responsables d'abus.

Bien que le gouvernement ivoirien ait déposé une déclaration en septembre 2003 auprès de la Cour Pénale Internationale (CPI) acceptant la juridiction de la cour sur les crimes commis depuis le 19 septembre 2002,[106] le procureur de la CPI n'a pas déterminé si le Bureau du procureur allait ouvrir une enquête sur la situation là-bas.

Le procureur de la CPI a indiqué qu'il avait l'intention d'envoyer une délégation en Côte d'Ivoire,[107] mais il lui reste encore à le faire. A vrai dire, le procureur de la CPI a jusqu'ici fait très peu de déclarations publiques sur le rôle qu'il envisage pour la CPI pour exiger des comptes aux responsables de crimes en Côte d'Ivoire et il n'a pas manifesté un encouragement actif à des poursuites nationales pour des atteintes aux droits humains.

Human Rights Watch estime qu'un rôle plus dynamique du procureur de la CPI en relation avec la situation en Côte d'Ivoire est justifié. Il est important qu'une mission en Côte d'Ivoire soit envoyée le plus vite possible, non seulement pour évaluer la possibilité d'une enquête de la CPI, mais aussi pour garantir qu'un message clair est envoyé aux responsables de crimes graves et aux principaux dirigeants en Côte d'Ivoire, à savoir que la CPI surveille les abus qui y sont commis. Des communications privées ou publiques indiquant que la CPI fait preuve d'intérêt pour exiger des comptes aux responsables d'abus commis en Côte d'Ivoire, et que les autorités nationales devraient aussi prendre des mesures pour entamer les poursuites nationales appropriées, avec l'assistance internationale appropriée au besoin, pour les crimes graves, pourraient avoir un effet positif en aidant à enrayer les abus en cours.

VI. Futures implications d'une impunité non combattue

Les violations persistantes du type de celles qui sont décrites dans ce rapport, et l'impunité qui les soutient, soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à la possibilité que les élections programmées pour plus tard cette année se déroulent pacifiquement. Malgré les discours croissants d'unité nationale à la radio et la télévision ivoiriennes, et dans les rues, il n'y a pas de doute que la Côte d'Ivoire s'achemine vers ces élections fortement divisée, avec les principaux partis politiques organisés vaguement selon des lignes ethniques et religieuses,[108] et des forces de sécurité, aussi bien dans le nord que dans le sud, souvent perçues comme représentant les intérêts des partis politiques particuliers. Dans le climat actuel où les forces de sécurité et les milices semblent être libres de commettre des abus, de harceler et d'intimider sans encourir de sanction, souvent sur la base de l'identité ou de l'appartenance ethnique, la capacité des personnes à s'associer librement, la capacité des partis politiques et de leurs partisans à s'organiser et à mener campagne, et la capacité de la presse à couvrir librement les développements électoraux semblent hautement douteuses.

De plus, si des mesures pour combattre l'impunité ne sont pas prises maintenant, il pourrait y avoir une répétition des violences qui se sont produites au cours des élections parlementaires et présidentielles de 2000, où des violences politiques, ethniques et religieuses ont entraîné la mort de plus de 200 personnes et ont fait des centaines de blessés.[109] De telles mesures devraient inclure une application plus large des sanctions économiques et de voyager contre les individus identifiés comme responsables de graves violations du droit humanitaire et des droits humains internationaux, ainsi que l'envoi rapide d'une mission en Côte d'Ivoire par la Cour Pénale Internationale pour enquêter sur les personnes suspectées de détenir la plus grande responsabilité pour les crimes graves commis aussi bien par les forces rebelles que gouvernementales. Cela enverrait un signal fort que l'ère de l'impunité en Côte d'Ivoire doit être traitée et que d'autres violences et abus, y compris pouvant être commis dans la préparation des élections, ne demeureront pas impunis.

VII. Conclusions

Les acteurs clés ayant un enjeu dans la résolution de la crise en Côte d'Ivoire -le gouvernement ivoirien, les Forces Nouvelles, les Nations Unies, et l'Union Africaine- doivent développer une stratégie concrète pour combattre la crise actuelle d'impunité. Le problème de l'impunité devrait être considéré comme aussi essentiel au processus de paix que le désarmement, l'émission de cartes d'identité pour les citoyens ivoiriens qui n'en ont pas, et l'inscription des électeurs.

Le fait de ne pas traiter de façon adéquate les violations incessantes commises par tous les côtés et l'impunité dont elles bénéficient pourraient saper les droits civils et politiques fondamentaux dans la préparation et la tenue des élections programmées pour fin 2006. Les acteurs internationaux clés jouant un rôle de médiateurs de la crise doivent reconnaître que remettre à plus tard les mécanismes de dissuasion et d'exigence de rendre des comptes au nom d'un fragile processus de paix servira seulement à compliquer ce processus et n'est pas le meilleur moyen de réaliser une paix durable, qui est essentielle à la stabilité de la sous région tout entière. Ces acteurs doivent prendre sur le champ des mesures concrètes et immédiates pour exiger des comptes pour les violations passées et en cours; ils doivent envoyer un signal fort aux coupables que l'ère de l'impunité en Côte d'Ivoire doit prendre fin et que d'autres abus dans la période pré électorale et au-delà ne seront pas tolérés.

VIII. Recommandations

Au gouvernement de Côte d'Ivoire

  • Reconnaître et condamner les exécutions illégales commises par les forces de sécurité de l'état et par les milices depuis septembre 2002.
  • Reconnaître l'existence de la pratique de l'extorsion contre des civils qui sont arrêtés sous le prétexte de contrôles d'identité, et y mettre un terme.
  • Enquêter et punir en accord avec les normes internationales les crimes commis par les forces de sécurité de l'état en violation du droit international, tels que les exécutions extrajudiciaires, la torture, les mauvais traitements physiques, le harcèlement et l'extorsion des civils.
  • Mettre un terme aux incitations à la haine, à l'intolérance et à la violence des stations gérées par l'état et des journalistes de la presse écrite, et les punir de façon appropriée en accord avec les principes internationaux de procès équitable. Créer un organisme indépendant pour contrôler les discours haineux incitant à la violence.
  • Travailler avec les Forces Nouvelles pour développer les modalités du redéploiement des officiers judiciaires, même si c'est sur une base limitée, aussitôt que possible dans le territoire sous contrôle des Forces Nouvelles.

Aux Forces Nouvelles

  • Reconnaître et condamner les exécutions illégales commises par les forces rebelles depuis septembre 2002.
  • Reconnaître l'existence de la pratique de l'extorsion contre des civils et prendre des mesures pour y mettre un terme.
  • Enquêter et exiger des comptes en accord avec les normes internationales sur les responsables de crimes en violation du droit international commis par les forces rebelles, comme les exécutions extrajudiciaires, l'extorsion et le vol de civils et des biens civils.
  • Travailler avec le gouvernement pour développer les modalités du redéploiement des officiers judiciaires, même si c'est sur une base limitée, aussitôt que possible dans le territoire sous contrôle des Forces Nouvelles.

Au Conseil de Sécurité des Nations Unies

  • Faire avancer le travail du Comité de Sanctions des Nations Unies et activer immédiatement les sanctions économiques et de voyager contre d'autres individus identifiés comme responsables de graves violations du droit humanitaire et des droits humains internationaux, qui violent l'embargo des Nations Unies contre les armes, ou qui incitent publiquement à la haine et à la violence.
  • Procéder à la publication du rapport de la Commission d'enquête des Nations Unies sur les violations des droits humains commises depuis 2002, et se réunir pour débattre de ses résultats et de ses recommandations.
  • Augmenter les ressources de l'UNOCI pour le contrôle des stations de radio et de télévision qui incitent à la haine, à l'intolérance ou à la violence.

A la Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire

  • S'assurer que les forces de l'UNOCI peuvent offrir leur protection à tous les civils dont la sécurité est en péril du fait des tensions dans la communauté ou de menaces de la part de forces armées commettant des abus.
  • Rendre publics les résultats de son enquête sur la mort de cinq civils au cours des manifestations de mi janvier 2006 aussitôt que possible, et s'il y a eu des fautes de conduite identifiées demander des comptes aux responsables.
  • S'assurer que tous les soldats du maintien de la paix en Côte d'Ivoire sont formés pour répondre de manière graduée et proportionnée aux menaces de violence ou à l'intensification de la violence et qu'ils ont les équipements nécessaires pour garantir qu'ils peuvent avoir recours à des méthodes non mortelles de contrôle de la foule.
  • Développer la surveillance des droits civils et politiques, tels que la capacité des personnes à s'associer librement, la capacité des partis politiques et de leurs partisans à s'organiser et à mener campagne, et la capacité de la presse à couvrir librement les développements électoraux, dans la période précédant les élections prévues pour plus tard cette année.

Au Procureur de la Cour Pénale Internationale

  • Envoyer rapidement une mission en Côte d'Ivoire pour évaluer la possibilité d'une enquête de la CPI et indiquer que la CPI surveille les abus qui y sont commis.
  • Emettre un message public clair montrant que la CPI jouera un rôle pour garantir que des comptes seront exigés aux auteurs d'abus en Côte d'Ivoire, et que les autorités nationales devraient aussi prendre des mesures pour entamer les poursuites nationales appropriées pour les crimes graves.

Aux Etats-Unis, à l'Union Européenne et aux autres donateurs internationaux

  • Faire appel publiquement et en privé au gouvernement ivoirien comme aux dirigeants des Forces Nouvelles pour qu'ils enquêtent et, au besoin, pour qu'ils punissent en accord avec les normes internationales les responsables de crimes en violation du droit international commis par les forces de sécurité, comme les exécutions extrajudiciaires, la torture, les mauvais traitements physiques, et le harcèlement et l'extorsion de civils.
  • Faire dépendre l'assistance policière et militaire au gouvernement ivoirien (à l'exception de la formation sur les droits humains) de la menée d'enquêtes et de poursuites contre ceux qui sont accusés de tels abus.
  • Donner un soutien politique, financier et autre à tout mécanisme judiciaire respectant les normes internationales de procès équitable mis en place pour garantir l'exigence de comptes aux auteurs de crimes graves contre le droit international.

[1]Les rencontres ont eu lieu le 28 février 2006, voir "Côte d'Ivoire: Reprise du dialogue entre les principaux leaders ivoiriens à la conférence de Yamoussoukro," IRIN, 1 mars 2006, [online] http://www.irinnews.org/frenchreport.asp?ReportID=6762&SelectRegion=Afrique_de_l_ouest&SelectCountry=C%F4te_d_Ivoire.

[2] Pour les commentaires précédents de Human Rights Watch sur les réticences de la communauté internationale à traiter le problème croissant de l'impunité, voir "Côte d'Ivoire : le coût de l'impasse politique pour les droits humains," un rapport de Human Rights Watch, 21 décembre 2005, [online] http://hrw.org/french/backgrounder/2005/cote1205/. Pour une analyse des coûts en matière de droits humains de la prolifération des milices, et le recours du gouvernement aux discours haineux incitant à la violence, voir "Un pays au bord du gouffre : la précarité des droits humains et de la protection civile en Côte d'Ivoire," un Rapport de Human Rights Watch, Vol. 17, No. 6 (A), mai 2005, [online] http://hrw.org/french/reports/2005/cdi0505/.

[3] Pour une étude des abus généralisés contre les civils qui ont suivi de la même façon une mutinerie de l'armée en septembre 2002, voir Human Rights Watch, "Prise entre deux guerres : violence contre les civils dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire," un rapport de Human Rights Watch, Vol. 15, No. 14 (A), août 2003, [online] http://hrw.org/french/reports/2003/cotedivoire0803/.

[4] Voir Human Rights Watch, "Le nouveau racisme ; la manipulation politique de l'ethnicité en Côte d'Ivoire," un rapport de Human Rights Watch, Vol. 13, No.6 (A), août 2001, [online] http://www.hrw.org/reports/2001/ivorycoast/.

[5] Voir Human Rights Watch, "Prise entre deux guerres."

[6] Ibid.

[7] L'accord de Linas-Marcoussis a été négocié par le gouvernement français en janvier 2003, Accra III a été négocié par les pays ouest africains et le Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan en juillet 2004, et l'accord de Pretoria a été négocié par le Président sud africain Thabo Mbeki au nom de l'Union Africaine et signé en Afrique du Sud le 6 avril 2005.

[8] Voir Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine, "Communiqué des 40th Réunion du Conseil de Paix et de Sécurité," PSC/AHG/Comm (XL), 6 octobre 2006.

[9] Résolution 1633 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, 2005, S/RES/1633 (2005).

[10] Ibid.

[11] "Côte d'Ivoire: Reprise du dialogue entre les principaux leaders ivoiriens à la conférence de Yamoussoukro," IRIN, 1 mars 2006.

[12] On estime que trois millions d'Ivoiriens n'ont pas de documents de nationalité ou de cartes électorales, voir "Côte d'Ivoire: Le processus d'identification tarde à démarrer," IRIN, 3 avril 2006, [online] http://www.irinnews.org/frenchreport.asp?ReportID=6838&SelectRegion=Afrique_de_l_ouest&SelectCountry=C%F4te_d_Ivoire. Cette question est considérée par beaucoup comme la raison d'être de la rébellion, selon des responsables des Forces Nouvelles avec lesquels Human Rights Watch s'est entretenu à Abidjan et Bouaké en mars 2006. La programmation du désarmement et de l'identification devant conduire aux élections a constitué une pierre d'achoppement constante dans les négociations de paix, voir "Côte d'Ivoire: Storms still brewing over disarmament," IRIN, 28 avril 2006, [online] http://www.irinnews.org/report.asp?ReportID=53066&SelectRegion=West_Africa.

[13] La Côte d'Ivoire était l'un des pays les plus stables et prospères de l'Afrique de l'Ouest durant les trente ans qui ont suivi son indépendance de la France en 1960. A cause en partie de la politique d'immigration de portes ouvertes du président Felix Houphouët-Boigny, qui a dirigé la Côte d'Ivoire depuis1960 jusqu'à sa mort en 1993, la Côte d'Ivoire a été le principal pays d'accueil pour les immigrants venus de toute la région, la population de Burkinabés, Maliens, Guinéens et autres immigrés de l'Afrique de l'Ouest étant évaluée au quart de la population totale. Au cours de l'ère Houphouët-Boigny, il n'y avait pas d'obstacles juridiques à l'utilisation de la terre par les immigrés : on cite souvent sa politique qui était que "la terre appartient à celui qui la met on valeur." La présence d'immigrés possédant des terres dans l'ouest de la Côte d'Ivoire est devenue une source de fortes frictions intercommunautaires et a conduit à des demandes selon lesquelles les Ivoiriens indigènes devraient réclamer les terres aux populations immigrées.

[14] Les membres du CECOS sont recrutés dans l'armée, la police et la gendarmerie. Dans des entretiens avec Human Rights Watch, des sources des Nations Unies, des journalistes, et des représentants locaux des droits humains ont déclaré que loin d'assurer la sécurité à Abidjan, le CECOS est fréquemment impliqué dans des crimes et est responsable de violations multiples des droits humains, en particulier dans les quartiers ditsdéfavorisésou autres zones fortement peuplées de partisans de l'opposition politique.

[15] Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste, Abidjan, 5 mars 2006.

[16] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, 6 mars 2006.

[17]D'autres allégations de torture à l'École de la Gendarmerie ont été transmises à Human Rights Watch en relation avec les événements de la mi janvier (voir ci-dessous) : un chauffeur de taxi a raconté avoir été torturé (voir aussi ci-dessous), et des représentants locaux et internationaux des droits humains ont confirmé que ce lieu avait fait l'objet de nombreux signalements récents de torture. Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, mars 2006.

[18] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 22 mars 2006.

[19] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies, des responsables du gouvernement ivoirien, et des membres de la société civile, Abidjan et Guiglo, mars 2006. Voir aussi "Les affrontements avec les casques bleus de l'ONU font cinq morts dans le Grand Ouest," IRIN, 18 janvier 2006, [online] http://www.irinnews.org/frenchreport.asp?ReportID=6661&SelectRegion=Afrique_de_l_ouest&

SelectCountry=C%F4te_d_Ivoire

[20] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies, Abidjan, 2 mars 2006.

[21] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies, des élus locaux de Guiglo, et Cyprien Maho, Abidjan et Guiglo, mars 2006.

[22] Entretien de Human Rights Watch, Guiglo, 10 mars 2006.

[23] Entretiens de Human Rights Watch, Guiglo, 10 mars 2006.

[24]Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies, des élus locaux, et des participants aux manifestations, Abidjan et Guiglo, mars 2006.

[25]Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants des Jeunes Patriotes, des élus locaux, et des participants aux manifestations, Guiglo, mars 2006. Un rapport officiel du Comité de crise du bureau du Maire de Guiglo note l'age des deux membres de la FESCI comme étant de quatorze et seize ans. Des sources des Nations Unies rapportent les ages de dix et onze ans. Alors que les membres des Jeunes Patriotes interrogés par Human Rights Watch soutenaient que leurs membres n'avaient rien à voir avec aucun des groupes de milices armées actives à Guiglo et aux environs, un dirigeant des milices interrogé par Human Rights Watch a déclaré que deux des victimes étaient membres d'une milice locale importante qui, bien que non armée, avait été envoyée à la manifestation pour aider à assurer la sécurité des participants. Entretien de Human Rights Watch avec un dirigeant des milices, Guiglo, 10 mars 2006.

[26] Transcription fournie par des sources des Nations Unies.

[27] "Côte d'Ivoire: Les réfugiés et les déplacés risquent d'être les principales victimes des manifestations contre l'ONU," IRIN, 23 janvier 2006, [online] ttp://www.irinnews.org/frenchreport.asp?ReportID=6672&SelectRegion=

Afrique_de_l_ouest&SelectCountry=C%F4te_d_Ivoire.

[28] Entretien de Human Rights Watch avec un responsable gouvernemental ivoirien, Guiglo, 10 mars 2006.

[29] Selon des sources des Nations Unies, en mars, des dirigeants des milices à Guiglo ont déclaré que le retour des organisations humanitaires était le bienvenu, mais que les soldats de l'ONUCI étaient seulement les bienvenus dans le cas où ils venaient désarmer les rebelles. Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 2 mars 2006.

[30] "Côte d'Ivoire: U.N. Blue Helmets Preparing to Return to West after Janvier Riots," IRIN, 9 mars 2006, [online] http://www.irinnews.org/report.asp?ReportID=52124&SelectRegion=West_Africa&SelectCountry=COTE_D_IVOIRE.

[31] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies et des organisations de la société civile locales, Abidjan, mars 2006.

[32] Ibid.

[33] Ibid.

[34] Ibid.

[35] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 12 mars 2006.

[36] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 12 mars 2006.

[37] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 4 mars 2006.

[38] Transcription fournie par des sources des Nations Unies. Tandis que des sources des Nations Unies attribuent cette déclaration à Clovis Tom Toubaté, secrétaire général adjoint des Jeunes Patriotes à Guiglo, un dirigeant de la communauté interrogé par Human Rights Watch a attribué la déclaration à Cyprien Maho, dirigeant des Jeunes Patriotes à Guiglo. Entretien de Human Rights Watch avec un dirigeant local de la communauté, Guiglo, 9 mars 2006.

[39] Transcription fournie par des sources des Nations Unies.

[40] Entretien de Human Rights Watch, Guiglo, 9 mars 2006.

[41] Entretien de Human Rights Watch, Guiglo, 10 mars 2006.

[42] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, mars 2006.

[43] Le colonel Georges Guiai Bi Point, chef du CECOS, a dit à Human Rights Watch que les véhicules d'intervention du CECOS portaient un numéro à l'extérieur afin d'aider à contrôler les abus. Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 22 mars 2006.

[44] La Brigade de Recherche est un service de la Gendarmerie chargé de mener des enquêtes et des interrogatoires. Selon des représentants locaux des droits humains, des prisonniers arrêtés pour des motifs politiques sont souvent amenés à la Brigade de Recherche pour y être interrogés. Entretien de Human Rights Watch par téléphone, Washington et Abidjan, 17 mai 2005.

[45] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 4 mars 2006.

[46] Human Rights Watch, "Le coût de l'impasse politique pour les droits humains."

[47] Par le passé, la FESCI a été dirigée par Charles Blé Goudé, le dirigeant actuel des Jeunes Patriotes, et Guillaume Soro, maintenant dirigeant des Forces Nouvelles et, dans le gouvernement du Premier ministre Banny, ministre de la Reconstruction.

[48] "Côte d'Ivoire: La violence politique touche le campus universitaire de Cocody," IRIN, 29 juillet 2005, [online] http://www.irinnews.org/frenchreport.asp?ReportID=6213&SelectRegion=Afrique_de_l_ouest&SelectCountry=C%F4te_d_Ivoire.

[49] Human Rights Watch, "Le coût de l'impasse politique pour les droits humains."

[50] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres de l'AGEECI et des représentants des droits humains, Abidjan, 4 mars 2006.

[51] Alassane Ouattara est un ancien Premier ministre et un dirigeant de premier plan du RDR, parti d'opposition. Guillaume Soro est à la tête des Forces Nouvelles, et occupe actuellement le poste de ministre de la Reconstruction.

[52] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 4 mars 2006.

[53] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, mars 2006.

[54] Entretiens de Human Rights Watch avec des membres de la communauté burkinabé dans le sud de la Côte d'Ivoire, mars 2006.

[55] Entretien de Human Rights Watch avec un membre de la communauté burkinabé dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, 10 mars 2006.

[56] Entretien de Human Rights Watch, Guiglo, 9 mars 2006.

[57] Entretien de Human Rights Watch, Bouaké, 16 mars 2006.

[58] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 4 mars 2006.

[59] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 12 mars 2006.

[60] Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants de communauté, des membres du syndicat des transporteurs, des représentants des droits humains et des diplomates, Abidjan, mars 2006.

[61] Entretiens de Human Rights Watch avec des chauffeurs et des dirigeants du syndicat des transporteurs, Abidjan, mars 2006.

[62] Ibid.

[63] Beaucoup de véhicules du CECOS sont clairement numérotés. Les chauffeurs et autres victimes interrogées par Human Rights Watch se réfèrent souvent aux véhicules du CECOS par le numéro inscrit à l'extérieur du véhicule.

[64] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 3 mars 2006.

[65] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 5 mars 2006.

[66] Les membres du CECOS viennent de la police, de la gendarmerie et de l'armée. Il est possible que l'insigne de grade décrit par le témoin soit celui de sergent de la gendarmerie.

[67] Le terme "Dioula" est en réalité un mot Sénoufo qui désigne un marchand. Il désigne aussi un petit groupe ethnique du nord est de la Côte d'Ivoire. Cependant, il est très communément utilisé pour désigner des personnes appartenant à plusieurs groupes ethniques du nord de la Côte d'Ivoire, dont les Malinké et les Sénoupho, qui en fait n'appartiennent pas au groupe ethnique des Dioula. Certaines personnes originaires du nord considèrent que le terme utilisé de façon globale est péjoratif.

[68] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 4 mars 2006.

[69] Une ligne de transport est en général un trajet fixe reliant deux quartiers d'Abidjan, avec des taxis et des microbus partagés qui prennent et déposent des passagers à différents points le long de la ligne.

[70] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 8 mars 2006.

[71] Entretiens de Human Rights Watch, petit village proche de Bouaké, 15 mars 2006.

[72] Entretien de Human Rights Watch, petit village proche de Bouaké, 15 mars 2006.

[73] Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants de la communauté, 15 mars 2006.

[74] Voir Human Rights Watch, "Le coût de l'impasse politique pour les droits humains," pp. 19-21.

[75] Entretien de Human Rights Watch, petit village proche de Bouaké, 17 mars 2006.

[76] Entretien de Human Rights Watch avec Sidiki Konaké, porte-parole des Forces Nouvelles, Abidjan, 21 mars 2006.

[77] Entretien de Human Rights Watch avec des entrepreneurs dans le territoire contrôlé par les Forces Nouvelles, 19 mars 2006.

[78] Ibid.

[79] Ibid.

[80] Par exemple, un chauffeur de camion commercial interrogé par Human Rights Watch a affirmé qu'avant le déclenchement de la guerre il devait payer 25 000 CFA (environ 48 U.S.$) en pots-de-vin pour se déplacer entre deux villes principales du nord, Korhogo et Man, avec ses marchandises. Maintenant, il a signalé qu'il lui fallait au moins 150 000 CFA (environ 286 U.S.$) pour effectuer le même trajet. Entretiens de Human Rights Watch avec des entrepreneurs, des membres de la société civile, des élus locaux et des officiers des Forces Nouvelles, Abidjan, Bouaké et Korhogo, mars 2006.

[81] Entretien de Human Rights Watch avec Sidiki Konaké, porte-parole des Forces Nouvelles, Abidjan, 21 mars 2006.

[82] Ibid.

[83] A Bouaké, par exemple, le ramassage des ordures et l'assainissement sont gérés par l'organisation non gouvernementale internationale CARE, et l'hôpital central est administré par Médecins Sans Frontières. Dans le secteur de l'éducation, les salaires des enseignants sont payés soit par le gouvernement installé au sud, ou sont couverts par des contributions volontaires des parents dans le cas d'enseignants bénévoles. L'eau et l'électricité sont gratuites pour la plupart de la population, et sont en réalité subventionnées par la population du sud. A la prison de Korhogo, une association charitable catholique romaine locale gérée par des soeurs, Sainte Camille, en collaboration avec la Croix Rouge, a jugé nécessaire de prendre la responsabilité de nourrir la population carcérale quand quatre prisonniers sont morts de malnutrition en août 2005. Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies, des organisations internationales non gouvernementales et des organisations de la société civile, Bouaké et Korhogo, mars 2006.

[84] Conversations de Human Rights Watch avec des soldats des Forces Nouvelles, Bouaké et Korhogo, mars 2006.

[85] Entretien de Human Rights Watch avec Sidiki Konaké, porte-parole des Forces Nouvelles, Abidjan, 21 mars 2006.

[86] Entretiens de Human Rights Watch avec des responsables des Forces Nouvelles, Bouaké et Korhogo, mars 2006.

[87] Ibid.

[88] Entretiens de Human Rights Watch avec des responsables des Forces Nouvelles et des sources des Nations Unies, Bouaké, mars 2006.

[89] En outre, en août 2005, 537 policiers volontaires ont reçu une formation de quarante-cinq jours avec l'aide de l'ONUCI. Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies et des dirigeants des Forces Nouvelles, Abidjan et Bouaké, mars 2006.

[90] Des responsables des Forces Nouvelles rapportent que par le passé il existait des frictions entre les commissaires de police des Forces Nouvelles et les chefs militaires des Forces Nouvelles, qui souvent n'acceptaient pas l'arrestation de leurs soldats. Placer un officier militaire à la tête de la police a été une "solution politique" conçue pour alléger les tensions entre la police et l'armée des Forces Nouvelles. Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants des Forces Nouvelles, Abidjan et Bouaké, mars 2006.

[91] Entretiens de Human Rights Watch avec des représentants des droits humains et des dirigeants des Forces Nouvelles, Abidjan, Bouaké et Korhogo, mars 2006.

[92] Ibid.

[93] Ibid.

[94] Entretien de Human Rights Watch avec Sidiki Konaké, porte-parole des Forces Nouvelles, Abidjan, 21 mars 2006.

[95] Entretien de Human Rights Watch, Bouaké, mars 2006.

[96] Entretiens de Human Rights Watch avec des représentants des droits humains et des dirigeants des Forces Nouvelles, Abidjan et Bouaké, mars 2006.

[97] Entretiens de Human Rights Watch avec des représentants des droits humains et des sources des Nations Unies, Bouaké et Korhogo, mars 2006.

[98] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies et des organisations de la société civile locales et internationales, Bouaké et Korhogo, mars 2006.

[99] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies et des organisations de la société civile, Bouaké et Korhogo, mars 2006.

[100] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies, Bouaké, mars 2006.

[101] Entretien de Human Rights Watch avec Sidiki Konaké, porte-parole des Forces Nouvelles, Abidjan, 21 mars 2006.

[102] Ibid.

[103] Selon la résolution 1572, les personnes constituant, inter alia, "une menace sur le processus de paix et de réconciliation nationale en Côte d'Ivoire" ou "tout autre personne qui serait reconnue responsable de violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire en Côte d'Ivoire" peuvent être désignées par le Comité de Sanctions. Une fois qu'un individu est désigné, tous les états doivent prendre les mesures nécessaires pour empêcher l'entrée ou le transit sur leurs territoires d'un individu désigné et geler immédiatement les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur territoire et qui sont possédés ou contrôlés par l'individu désigné. Résolution 1572 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, S/RES/1572 (2004).

[104] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies et des ONG internationales, Abidjan, 2 mars 2006.

[105] Ibid.

[106] Cour Pénale Internationale, "Le greffier confirme que la République de Côte d'Ivoire a accepté la juridiction de la Cour," communiqué de presse, 15 février 2005.

[107] Le 28 novembre 2005, le procureur de la CPI a indiqué que son bureau prévoyait une mission en Côte d'Ivoire au début 2006. Déclaration de Luis Moreno-Ocampo, procureur de la Cour Pénale Internationale, Quatrème Session de l'Assemblée des Etats parties, 28 novembre – 3 décembre 2005, La Haye, 28 novembre 2005.

[108] Par exemple, le RDR, dirigé par Alassane Ouattara, s'appuie fortement sur le soutien du nord largement musulman, tandis que le Front Populaire Ivoirien (FPI) dirigé par Laurent Gbagbo, est composé en grande partie de chrétiens du sud.

[109] Voir Human Rights Watch, "Le nouveau racisme."

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