Résumé
Nous vivons dans ce camp, dans la saleté … et personne ne se souvient de nous.
—Charlise, camp de Delmas 33, Haïti, novembre 2010
Nul n’ignore les conditions extrêmement éprouvantes auxquelles sont confrontés les habitants d’Haïti depuis le séisme : bon nombre de ceux qui vivent aujourd’hui dans des camps informels de déplacés apparus après la catastrophe du 12 janvier 2010 vont se coucher le ventre vide, habitent sous des tentes qui sont déchirées par le vent et prennent l’eau, connaissent le même taux élevé de chômage que les autres Haïtiens, et ne peuvent accéder à l’eau potable et à des installations sanitaires adéquates. Beaucoup risquent d’être expulsés par des acteurs tant publics que privés, et les enfants, malades en raison des mauvaises conditions de vie et souvent non scolarisés vivent sans bénéficier du niveau de sécurité le plus élémentaire.
Mais dans l’Haïti de l’après-séisme, les femmes et les filles font face à des difficultés supplémentaires : manque d’accès à la planification familiale ainsi qu’aux soins prénatals et obstétricaux, nécessité d’accepter des rapports sexuels comme moyen de survie afin d’acheter de la nourriture pour elles-mêmes et pour leurs enfants et violences sexuelles. La crise se reflète dans les taux de grossesse enregistrés dans les camps de personnes déplacées, trois fois plus élevés qu’en zone urbaine avant le tremblement de terre, et dans les taux de mortalité maternelle, parmi les plus élevés au monde.
La situation n’est pas totalement nouvelle : même avant le séisme, la mortalité chez les femmes et les filles pendant la grossesse et l’accouchement atteignait, en Haïti, des plafonds alarmants. Les femmes et les filles étaient aussi confrontées à un niveau élevé de violence domestique et sexuelle, à une pauvreté extrême et à de fortes disparités, par rapport aux hommes, dans le domaine de l’accès à l’éducation. Le tremblement de terre est venu exacerber la vulnérabilité de ce groupe déjà très précaire.
Le présent rapport analyse l’accès des femmes et des filles aux soins reproductifs et maternels dans l’Haïti de l’après séisme, sur la base de recherches effectuées à Port-au-Prince fin 2010 et début 2011 et d’entretiens réalisés avec 128 femmes et filles vivant dans quinze camps de déplacés dans sept des douze communes affectées par le tremblement de terre. Il examine l’impact que l’insécurité alimentaire exerce sur la santé reproductive et maternelle, les rapports sexuels monnayés dont sont devenues dépendantes certaines femmes et filles pour survivre, ainsi que leur vulnérabilité face à la violence basée sur le genre (VBG) et les conséquences de cette violence. Il étudie également les obligations qui incombent au gouvernement d’Haïti en matière de droits humains et le besoin de transparence réciproque entre le gouvernement, les États bailleurs de fonds et les acteurs non-étatiques opérant dans le pays.
Dix-huit mois après le séisme, le rapport révèle que les femmes touchées par la catastrophe n’ont pas eu voix au chapitre dans le processus de reconstruction, alors qu’elles font partie intégrante de l’économie du pays. Par ailleurs, l’optimisme initial ressenti par les agences humanitaires et les bailleurs de fonds internationaux quant à une amélioration de l’accès à la santé maternelle dans les zones affectées par la catastrophe ne s’est pas traduit dans les faits pour toutes les femmes et les filles. Ceci, en dépit de la vague de soutien international et de nouveaux services gratuits gérés par des organisations non gouvernementales (ONG) internationales, lesquelles avaient promis d’éradiquer les barrières géographiques et économiques qui, au cours de l’histoire, avaient empêché les femmes et les filles d’accéder aux soins de santé.
Pour les femmes et les filles interrogées par Human Rights Watch dans les camps, la jouissance des droits humains, tels que le droit à la vie et à la santé, reste limitée (en dépit des avantages nés de l’offre de soins gratuits et de la présence d’experts sur le terrain), et la plupart d’entre elles souffrent d’un manque d’informations élémentaires qui leur permettraient d’avoir accès aux services disponibles. En effet, corroborant des faits largement reconnus, Human Rights Watch a trouvé des éléments mettant en avant trois types de retard qui contribuent à la mortalité liée à une grossesse : le temps pris pour décider de demander les soins médicaux appropriés, le temps nécessaire pour arriver à un centre d’obstétrique et le temps qui s’écoule avant de recevoir les soins adéquats lors de l’arrivée dans l’un de ces centres. Selon les femmes et les filles avec lesquelles nous nous sommes entretenues, ces retards sont survenus parce qu’elles n’ont pas senti les premiers signes de l’accouchement ou ne connaissaient pas bien leur nouveau quartier, parce que les centres de soins où elles se rendaient précédemment avaient été détruits lors du tremblement de terre, à cause de la distance, des problèmes de sécurité ou des frais de transport ou en raison des soins insuffisants dispensés aux centres de consultation.
La plupart des femmes et des filles interrogées par Human Rights Watch ignoraient quelles organisations travaillaient à l’intérieur ou autour de leurs camps, quand et où les services étaient disponibles, et vers qui se tourner pour se plaindre en cas de problème. Elles sont également confrontées à de sérieux obstacles, soit pour accéder aux soins prénatals et obstétricaux ainsi qu’à la planification familiale, soit pour avoir des informations à ce sujet, ce qui les empêche d’exercer un contrôle sur le nombre d’enfants qu’elles ont et sur l’espacement entre les naissances et oblige certaines à recourir à des avortements illégaux pratiqués dans des conditions dangereuses qui menacent leur santé et leur sécurité. Les obstacles existant sur le plan de l’accès aux services sont particulièrement inquiétants lorsqu’il s’agit d’adolescentes, lesquelles courent des risques accrus pendant leur grossesse en raison de leur âge. Bien que les soins prénatals soient souvent gratuits, il arrive parfois que les femmes et les filles indigentes ne soient pas en mesure de payer le transport pour se rendre aux consultations et elles risquent de ne plus se faire soigner si elles n’arrivent pas à payer les examens qui leur sont prescrits, par exemple une échographie. Certaines femmes et filles que nous avons interrogées restent chez elles pour accoucher car elles pensent (à tort) qu’elles ne peuvent pas retourner à l’hôpital sans l’échographie. Les femmes et les filles interrogées par Human Rights Watch ont également rencontré des difficultés d’accès aux soins au moment de l’accouchement. Bien que la plupart aient dit qu’elles voulaient accoucher dans un hôpital, plus de la moitié de celles qui ont donné naissance depuis le séisme l’ont fait dans un endroit autre qu’un centre médical et sans accoucheur qualifié : un nombre considérable de femmes et de filles ont accouché sous une tente de camping ou dans la rue pendant leur trajet à l’hôpital. « J’ai accouché à même le sol », a expliqué Mona, qui vit dans un camp à Delmas 33. « Je n’ai pas eu de médicaments antidouleur pendant l’accouchement. » Elle a finalement consulté un médecin trois jours plus tard ; il lui a donné trois comprimés analgésiques.
L’insécurité alimentaire dans les camps est un autre problème. Certaines femmes et filles enceintes et des mères allaitantes interrogées par Human Rights Watch, ainsi que leurs enfants, ne bénéficient pas d’une alimentation appropriée : une femme, Adeline, a été forcée de nourrir son bébé de trois mois avec de la farine de maïs mélangée à de l’eau car elle n’avait pas suffisamment de lait maternel pour son enfant. D’autres femmes et filles ont confié qu’elles se sentaient faibles en raison d’une sous-alimentation.
La distribution alimentaire générale a pris fin deux mois après le séisme et le taux de chômage dans les camps est très élevé. L’extrême vulnérabilité et la misère qui y règnent ont conduit certaines femmes et filles interrogées par Human Rights Watch à se mettre en couple avec des hommes par souci de sécurité économique, ou à se livrer à des rapports sexuels monnayés pour assurer leur survie. Selon les femmes et les filles avec lesquelles nous nous sommes entretenues et d’après de récentes études menées par d’autres organisations de défense des droits humains, l’échange de faveurs sexuelles pour de la nourriture est fréquent. « Il faut bien qu’on mange », a simplement déclaré Ghislaine, qui vit dans un camp à Croix-de-Bouquets. Sans un accès approprié à la contraception, les femmes et les filles sont encore plus exposées lorsqu’elles survivent en monnayant des rapports sexuels pour de la nourriture. Par ailleurs, beaucoup se livrent à ces pratiques en secret, ce qui les expose à la violence car elles ne bénéficient pas du peu de protection que pourraient leur offrir des réseaux sociaux ou leur communauté.
En Haïti, les femmes et les filles sont également la proie de violences basées sur le genre, un problème qui existait déjà avant le tremblement de terre. Human Rights Watch a constaté que certaines victimes de violence sexuelle vivant dans les camps de personnes déplacées avaient du mal à accéder à des services de prise en charge des victimes de viol, nécessaires pour empêcher une grossesse ou la propagation de maladies sexuellement transmissibles. La stigmatisation sociale et la honte peuvent générer d’autres obstacles qui les empêchent de demander des soins. Six des femmes et filles enceintes qui ont parlé avec Human Rights Watch, dont trois étaient âgées de quatorze ou quinze ans, ont confié que leur grossesse était le résultat d’un viol. Ces chiffres risquent d’être plus élevés que ceux enregistrés ici car nos entretiens portaient sur l’accès aux services de santé, et non sur la violence sexuelle. Les femmes et les filles qui ont dénoncé un viol à Human Rights Watch l’ont fait dans le cadre d’un entretien qui portait sur les soins maternels et reproductifs. Les femmes et les filles enceintes à la suite d’un viol sont confrontées aux mêmes obstacles que les autres sur le plan de l’accès aux soins maternels et reproductifs, mais elles doivent de surcroît subir la stigmatisation et le traumatisme associés au viol.
Bon nombre d’ONG, de bailleurs de fonds et d’experts en santé maternelle ont cherché à répondre aux besoins des femmes et des filles dans l’Haïti de l’après-séisme. Le projet Soins Obstétricaux Gratuits (SOG), en particulier, lancé en 2008, a continué à opérer après le tremblement de terre pour offrir des soins prénatals gratuits aux femmes et aux filles, et il est parvenu à leur permettre un accès à des soins qui n’étaient pas abordables auparavant. Néanmoins, un nombre considérable de femmes et de filles interrogées par Human Rights Watch n’ont toujours pas accès à des centres de consultation ou à des hôpitaux, accouchent sans assistance dans une tente, à même le sol boueux ou dans les rues et les venelles des camps et, désespérées et affamées, elles se livrent à des rapports sexuels en échange de nourriture pour subsister. Nous avons constaté que la violence sexuelle et l’absence de prise en charge des victimes de viol ont débouché sur des grossesses non désirées chez des femmes et des filles qui n’avaient pas plus de quatorze ans.
Le gouvernement, qui devrait exercer une surveillance sur les services de soins maternels fournis, ne dispose pas de données actualisées et détaillées sur les soins maternels apportés aux femmes et aux filles qui vivent dans des camps et ne viennent pas se faire soigner dans l’un des établissements gouvernementaux. Il ne dispose pas davantage de données concernant les femmes et les filles qui interrompent les soins. Sans ces informations, il est impossible d’identifier et de mettre en œuvre des mesures visant à développer des mécanismes de recours où les femmes et les filles peuvent porter plainte ou réclamer réparation, de corriger les failles systémiques ou de reproduire les programmes qui se révèlent efficaces.
Human Rights Watch a constaté que les informations importantes, nécessaires pour que le gouvernement haïtien suive de près les progrès opérés en matière de santé maternelle, ne sont pas enregistrés dans les camps : par exemple, aucun des cinq décès de nourrissons mentionnés par des femmes et des filles interrogées par Human Rights Watch n’ont été rapportés ou enregistrés par une quelconque ONG ou un quelconque organe gouvernemental. Les habitants des camps ont confié à Human Rights Watch que les décès dans les camps, quelle qu’en soit la cause, ne sont généralement pas enregistrés. Dès lors, si des femmes et des filles meurent dans des camps pour des raisons liées à une maternité, leurs décès ne seront pas enregistrés. Ces informations de base sur la mortalité maternelle et infantile sont fondamentales pour déterminer si le gouvernement fait des progrès sur le plan de ses obligations en matière de droit à la santé.
Le gouvernement haïtien est le principal garant des droits humains en Haïti et reste tenu de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits humains des habitants d’Haïti, même après un séisme et même si les mesures qu’il peut prendre sont tributaires des ressources et des capacités limitées dont il dispose. Il a l’obligation d’adopter les mesures nécessaires pour prévenir la violence sexuelle ainsi que la mortalité et la morbidité maternelles, d’aider les femmes et les filles à prévenir une grossesse non désirée et de répondre aux besoins des plus de trois cent mille femmes et filles qui languissent encore dans des camps de déplacés.
Le gouvernement devrait veiller à ce que les femmes et les filles aient accès à un accompagnement et à des informations concernant leur santé, notamment en matière de planification familiale, à ce qu’elles disposent des moyens de décider du nombre d’enfants qu’elles auront et de l’espacement entre les naissances, et à ce qu’elles se voient prodiguer des soins prénatals, obstétricaux et postnatals. Il doit tout particulièrement faire en sorte que les adolescentes puissent avoir accès aux informations et services adaptés à leurs besoins particuliers et veiller à ce que toutes les femmes et toutes les filles jouissent d’une égalité d’accès à la planification familiale et aux services de soins maternels. Il devra sans doute pour ce faire déployer des efforts supplémentaires pour fournir aux femmes et aux filles déplacées par le séisme des informations relatives à l’accès aux soins disponibles, ainsi que pour concevoir des interventions spécifiques visant à offrir un meilleur accès aux services aux femmes et filles vulnérables qui se livrent de façon informelle à des rapports sexuels monnayés. Comme il l’a fait avec les campagnes d’information et de prévention du choléra, le gouvernement pourrait demander l’aide des ONG et des bailleurs de fonds pour diffuser ces informations.
En vertu des traités qu’il a signés, le gouvernement haïtien a également l’obligation d’assurer des soins prénatals aux mères. Il devrait veiller à ce que les femmes et les filles aient accès à des accoucheurs qualifiés et, s’il y a lieu, à des soins obstétricaux d’urgence. Les centres médicaux et les produits et services liés à la santé devraient être de bonne qualité, facilement accessibles et abordables, sans discrimination aucune. Même lorsque les soins sont gratuits, il se peut que le gouvernement doive prendre des mesures visant à garantir qu’il est financièrement possible pour les femmes et les filles les plus vulnérables de se rendre jusqu’aux centres de soins gratuits.
Par ailleurs, au regard du droit international, il incombe au gouvernement haïtien d’empêcher des tiers de mettre en danger la santé sexuelle et reproductive d’autrui par des actes de violence sexuelle. Si de tels actes sont commis, il est tenu d’ouvrir une enquête et d’en punir les auteurs, et il devrait faire en sorte que les victimes de viol aient accès à une prise en charge médicale.
Certes, les éléments recueillis par Human Rights Watch en vue du présent rapport semblent indiquer que le gouvernement n’honore pas ses obligations, mais les réalités politiques et économiques que vit le pays sont telles qu’il serait irréaliste d’exiger qu’à lui seul, il surmonte les obstacles qui entravent la réalisation de ces droits.
Malgré la destruction à grande échelle des infrastructures gouvernementales et la désorganisation des services de protection civile, moins de deux mois après le séisme, Haïti a publié une évaluation des besoins après la catastrophe ainsi qu’un plan de relèvement. Dans ce plan figuraient notamment des efforts en matière de soins maternels et reproductifs et en matière de prévention de la violence basée sur le genre. Cependant, ne disposant pas de suffisamment de fonds propres, le gouvernement est tributaire des bailleurs de fonds, des organisations internationales et de plusieurs milliers d’ONG pour financer et mettre en œuvre son plan et pour fournir toute une série de services sociaux.
Peu après le tremblement de terre, le Ministère de la Santé a établi son propre registre d’ONG avec des critères de soumission de données destinés aux ONG médicales travaillant en Haïti. Le gouvernement haïtien n’a pas la capacité de se rendre systématiquement sur le terrain pour vérifier si les ONG fournissent les services qu’elles affirment fournir, pour voir si les services présentent des lacunes ou pour évaluer si certaines ONG font double emploi. Il ignore également si toute l’assistance apportée a un impact sur la réalisation des droits de la population. Par voie de conséquence, il doit se fier aux informations que lui fournissent les ONG pour évaluer les progrès qui ont été opérés par rapport à son plan de relèvement ou à la réalisation des droits. En l’absence de flux d’informations constants et de données complètes, il est difficile pour les observateurs des droits humains et pour les autorités de contrôler la mise en œuvre du programme de santé et son impact sur la réalisation des droits.
Dans la Déclaration de Paris de 2005 sur l’efficacité de l’aide au développement, complétée par le Programme d’action d’Accra, les pays bailleurs de fonds et les pays bénéficiaires ont reconnu que l’obligation réciproque de rendre des comptes à propos de l’efficacité et de l’utilisation de l’aide, ainsi que la capacité d’évaluer les progrès opérés étaient dans l’intérêt de tous. À cette fin, les pays bénéficiaires et les bailleurs de fonds devraient « établir des cadres convenus d’un commun accord, qui fournissent des évaluations fiables des résultats, de la transparence et de l’obligation de rendre des comptes des systèmes mis en place dans les pays ».
La santé reproductive et maternelle n’est pas un aspect secondaire du processus de reconstruction. Au contraire, pour les femmes et les filles, la réalisation de leurs droits, notamment du droit à exercer un contrôle sur le nombre d’enfants qu’elles auront et à espacer les naissances comme elles le souhaitent, est essentiel à tout effort déployé pour reconstruire leur vie après la dévastation et le désordre causés par le séisme. Cela s’applique à toutes les femmes et toutes les filles d’Haïti, pas uniquement à celles qui vivent dans les camps et font l’objet du présent rapport. Alors qu’Haïti s’efforce d’avancer sur la voie de la reconstruction et de reloger dans des habitations sûres les personnes déplacées par le tremblement de terre, il est important que l’absence d’accès aux soins reproductifs et maternels et la violence basée sur le genre n’aggravent pas la vulnérabilité des femmes et des filles sur le plan économique et de la santé.
Recommandations clés
Au gouvernement d’Haïti
- Élaborer et promouvoir
une politique de genre cohérente au sein de toutes les politiques
ministérielles et gouvernementales. Cette politique devrait
exiger :
- Une attention particulière aux droits des femmes et des filles, notamment leurs droits à la santé reproductive et maternelle ;
- Que toutes les données soient ventilées selon le genre ;
- L’inclusion d’une analyse spécifique pour chaque sexe dans la conception, la mise en œuvre et le contrôle des programmes et des politiques ;
- La création d’indicateurs et de critères concrets spécifiques aux questions de genre ;
- Des pistes claires pour la participation des femmes et des filles.
- Concevoir des programmes pour améliorer l’accès des femmes et des filles aux informations relatives à la disponibilité de soins maternels et reproductifs, de soins à la suite d’un viol, de services médicaux et aux informations générales relatives à l’effort de reconstruction.
- Identifier et mettre en œuvre des mesures pouvant être mises en place afin de garantir une surveillance, un contrôle et une évaluation appropriées des programmes, pour permettre la transparence entre les détenteurs de droits et l’État, ainsi qu’entre l’État et les bailleurs de fonds. Ceci est essentiel pour évaluer si les réponses sur le terrain remplissent effectivement les obligations en matière de droits humains et sinon, quelles sont les actions correctives qui devraient être entreprises pour remplir ces obligations.
Aux agences et É tats bailleurs de fonds, aux agences d’aide bilatérale, aux agences des Nations Unies et aux organisations non gouvernementales
- Élaborer et promouvoir
une politique de genre cohérente dans toute l’organisation ou
l’agence. Cette politique devrait exiger :
- Une attention particulière aux droits des femmes et des filles, notamment leurs droits à la santé reproductive et maternelle ;
- Que toutes les données soient ventilées selon le genre et mises en commun avec les acteurs concernés, notamment les entités gouvernementales ;
- L’inclusion d’une analyse spécifique pour chaque sexe dans la conception, la mise en œuvre et le contrôle des programmes et des politiques ;
- La création d’indicateurs et de critères concrets spécifiques aux questions de genre ;
- Des pistes claires pour la participation des femmes et des filles.
- Concevoir et financer des programmes pour améliorer l’accès des femmes et des filles aux informations relatives à la disponibilité de soins maternels et reproductifs, de soins à la suite d’un viol, de services médicaux et aux informations générales relatives à l’effort de reconstruction.
- Garantir une supervision, un contrôle et une évaluation appropriées des programmes pour permettre la transparence entre donateurs (et ONG chargées de la mise en œuvre) et le gouvernement d’Haïti.
À la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti
- Élaborer et promouvoir
une politique de genre cohérente dans toute la commission et ses
politiques. Cette politique devrait exiger :
- Une attention particulière aux droits des femmes et des filles, notamment leurs droits à la santé reproductive et maternelle ;
- Que toutes les données soient ventilées selon le genre et mises en commun avec d’autres acteurs, notamment les ministères du gouvernement ;
- L’inclusion d’une analyse spécifique pour chaque sexe dans la conception, la mise en œuvre et le contrôle des programmes et des politiques ;
- La création d’indicateurs et de critères concrets spécifiques aux questions de genre ;
- Des pistes claires pour la participation des femmes et des filles.
- Garantir une supervision, un contrôle et une évaluation appropriés des programmes approuvés par la commission.
Méthodolog ie
Le présent rapport est basé sur des recherches effectuées par deux chercheuses de Human Rights Watch dans la région métropolitaine de Port-au-Prince en novembre 2010 et janvier, février et juin 2011.[1]
Human Rights Watch a interrogé 128 femmes et filles vivant dans des camps de déplacés, enceintes ou ayant accouché depuis le séisme du 12 janvier 2010. Les chercheuses ont également mené seize entretiens de groupes ne comprenant que des femmes et onze entretiens de groupes mixtes. Human Rights Watch a interrogé des femmes de quinze camps abritant entre cent et soixante mille personnes dans sept des douze communes affectées par le tremblement de terre, à savoir : Carrefour, Cité Soleil, Delmas, Pétion-Ville, Port-au-Prince, Croix-des-Bouquets et Petit-Goâve.
Human Rights Watch a réalisé des entretiens avec 61 représentants d’ONG opérant dans les domaines de la santé, de la santé des femmes, des droits des femmes et de la violence basée sur le genre. Nous nous sommes également entretenues avec 24 représentants de : la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), la section Droits de l’homme/Haut-commissariat aux droits de l’homme (HCDH), la section Genre de la MINUSTAH, ONU Femmes (l’entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, anciennement UNIFEM), le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), le Bureau de l’envoyé spécial des Nations Unies en Haïti, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), les sous-clusters Violence basée sur le genre et Santé reproductive et le cluster Nutrition.
Dans la plupart des cas, ces entretiens ont été menés en face à face. Dans un nombre réduit de cas, ils ont été menés par téléphone. Human Rights Watch a également interrogé le coordinateur de la Commission nationale chargée de la reconstruction du système de santé ainsi que six représentants de trois hôpitaux publics, tous affiliés au Ministère de la Santé Publique et de la Population. Human Rights Watch avait sollicité des entretiens avec le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes, notamment par le biais de contacts avec le point focal sur le genre du Bureau de l’envoyé spécial de l’ONU, mais n’avait encore obtenu aucun entretien au moment de la rédaction du présent rapport.
Les entretiens ont été menés en créole haïtien, avec l’assistance d’un interprète lorsque cela s’avérait nécessaire. Tous les entretiens ont été réalisés par des enquêteurs féminins et, dans la mesure du possible, avec des interprètes féminins. Pour les entretiens, les chercheuses ont essayé de créer des espaces privés dans des tentes individuelles ou ailleurs dans l’enceinte du camp. La plupart des entretiens ont été réalisés individuellement, hormis quelques cas où les personnes interrogées ont préféré s’exprimer en petits groupes.
Human Rights Watch a adopté une stratégie d’échantillonnage en plusieurs étapes. Tout d’abord, les camps ont été sélectionnés de façon à assurer la représentation d’une variété de catégories (à savoir : gérés, non gérés, petits, grands, facilement accessibles par les routes principales, et moins accessibles). Les critères supplémentaires pour la sélection des camps comprenaient notamment la sécurité et la disponibilité d’interlocuteurs pour nous présenter aux habitants du camp.
Ensuite, dans chaque camp, nous avons
identifié des femmes et des filles qui répondaient aux
critères d’inclusion, à savoir être enceintes au
moment de l’entretien ou avoir donné naissance à un enfant
depuis le tremblement de terre. Nous avons procédé à cette
sélection par le truchement d’interlocuteurs dans le camp ou en
visitant des ménages (tentes) individuels et en demandant si les femmes
et les filles qui répondaient aux critères étaient
disponibles pour un entretien.
Un total de 128 femmes et filles réparties dans quinze camps ont
été identifiées au départ par Human Rights Watch.
Après des entretiens initiaux, 103 personnes (92 femmes et
11 filles) ont été considérées comme
remplissant les critères d’inclusion.
L’élément d’exclusion le plus fréquent a
été d’avoir accouché avant le séisme. Dans
ces cas, les entretiens se sont poursuivis pour obtenir des informations
générales sur les conditions dans les camps, l’accès
à la planification familiale, l’accès des femmes à
des moyens de subsistance, la sécurité et la santé des
femmes.
Sur les 103 femmes et filles qui répondaient aux critères
d’inclusion, 28 étaient enceintes au moment de la sélection
et 75 avaient accouché depuis le tremblement de terre. Onze des
personnes interrogées étaient des filles âgées de 14
à 17 ans, et trois étaient des adolescentes de 18 ans dont la
grossesse avait débuté alors qu’elles avaient 17 ans.
Toutes les participantes ont donné leur consentement verbal, en connaissance de cause, et l’anonymat leur a été garanti. Des pseudonymes ou uniquement des prénoms ont dès lors été utilisés pour chaque personne interrogée. Les personnes ont reçu la garantie qu’elles pourraient mettre fin à l’entretien à tout moment ou refuser de répondre à toute question, sans aucune conséquence négative. Toutes les participantes ont été informées de l’objectif de l’entretien, de sa nature volontaire et de la façon dont les informations seraient recueillies et utilisées.
Aucune personne interrogée n’a reçu de compensation pour les informations fournies. Quatre femmes et filles interrogées par Human Rights Watch ont demandé à être interrogées en dehors du camp dans un souci de plus grande sécurité et elles ont reçu une compensation financière pour les frais de déplacement encourus pour les entretiens. Lorsque cela s’est avéré opportun, Human Rights Watch a fourni les coordonnées d’organisations offrant des services juridiques, sociaux ou de prise en charge psychologique.
Dans le présent rapport, le terme « enfant » se rapporte à toute personne âgée de moins de 18 ans. La Convention relative aux droits de l’enfant précise : « Au sens de la présente Convention, un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. »[2]
I. Contexte
La grossesse n’est pas une maladie, et pourtant des centaines de milliers de cas de mortalité maternelle évitable sont enregistrés chaque année dans le monde.[3] En Haïti, près de trois mille femmes et filles meurent chaque année à la suite de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement.[4]
Haïti luttait déjà contre l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde en dehors de l’Afrique subsaharienne lorsque le séisme de janvier 2010 a causé des dégâts sans précédent dans la capitale du pays et les régions avoisinantes. Pour les femmes et les filles accouchant dans les minutes, les semaines, les mois et maintenant les années qui ont suivi le tremblement de terre, les risques associés à la grossesse sont demeurés entiers, mais s’y sont ajoutés de nouveaux défis suscités par les destructions de l’après-séisme.
Le tremblement de terre a mis à plus rude épreuve encore une population qui souffrait déjà de pauvreté chronique et d’une extrême vulnérabilité à la maladie, aux catastrophes naturelles et à l’insécurité politique. En effet, bon nombre de femmes et de filles souffraient déjà d’une multitude de vulnérabilités sociétales et économiques. L’Agence américaine pour le développement international (United States Agency for International Development, ou USAID) a estimé qu’avant le tremblement de terre, « les facteurs les plus déterminants d’un mauvais état de santé chez les femmes haïtiennes […] [étaient] l’extrême pauvreté, la mauvaise gouvernance, l’effondrement de l’ordre social, le manque d’infrastructures et l’insécurité alimentaire ».[5] Conjugués, ces facteurs « [ont] miné la capacité de l’État haïtien à gérer efficacement et effectivement ses rares ressources pour améliorer l’accès aux services de santé et leur qualité […]. »[6]
Dans les camps de déplacés que Human Rights Watch a visités, ces facteurs restent des obstacles pour les femmes et les filles qui réclament un accès aux services de santé et une amélioration de la situation sanitaire.
La situation juridique et politique des femmes en Haïti
La situation précaire des femmes peut en partie expliquer le taux élevé de mortalité maternelle évitable enregistré en Haïti. La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a déclaré à maintes reprises que « le phénomène de discrimination à l’encontre des femmes en Haïti [est] répandu et toléré, et se fonde sur des perceptions stéréotypées de l’infériorité et de la subordination des femmes qui demeurent profondément enracinées dans la culture. »[7] La CIDH conclut que cette situation, « avec les conséquences civiles, politiques, économiques et sociales de ces désavantages », rend les femmes et les filles vulnérables à une série d’abus tant dans les sphères publiques que privées.[8]
Selon USAID, les femmes en Haïti « continuent d’être des citoyens de seconde zone avec une représentation inégale devant la loi et l’État ».[9] Le viol n’a été criminalisé dans le code pénal qu’en 2005, et le viol conjugal n’est pas encore reconnu en tant que crime.[10] La loi n’érige pas en crime la violence familiale contre des adultes ; ces actes peuvent en revanche être sanctionnés « en vertu des lois réprimant de façon générale les violences et voies de fait, en fonction des circonstances de l'agression et de la gravité des dommages corporels infligés à la victime ».[11] La loi n’interdit pas la violence familiale contre des mineurs. Aucune loi n’interdit le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.[12] Les femmes vivant en concubinage n’ont aucun droit reconnu au sein de leur union.[13]
Avant les élections de 2010, seuls six législateurs sur 129 au Sénat et à la Chambre des députés étaient des femmes et le conseil de 18 ministres ne comptait que trois femmes, alors que les femmes et les filles représentent plus de cinquante pour cent de la population. Aucune femme n’a exercé de fonction à la Cour de Cassation. La participation politique des femmes est restée à la traîne lors des toutes dernières élections, même si une femme, Mirlande Manigat, figurait parmi les candidats de premier plan à la présidentielle.
Le code électoral prévoit des incitations financières pour l’inclusion de femmes : il dispose que les partis politiques qui proposent au moins trente pour cent de candidats de sexe féminin et élisent vingt pour cent de ces candidates recevront deux fois le montant du financement public pour les mêmes postes aux prochaines élections. Parmi la vingtaine de partis politiques existants, aucun n’a rempli ces critères aux élections de novembre 2010.[14]
La santé des femmes et la violence basée sur le genre en Haïti avant le séisme
Les infrastructures de santé d’Haïti étaient en mauvais état avant le tremblement de terre. Le système de santé publique était inefficace et n’offrait qu’une faible couverture et des services inégaux; ses finances étaient désastreuses ; il souffrait d’un manque de décentralisation et d’un dysfonctionnement organisationnel ainsi que d’un « déficit de ressources humaines et [d’] une faible productivité ».[15] A cause de ce délabrement du système de santé et du degré élevé d’inégalité entre les sexes en Haïti les indicateurs de santé pour les femmes et les filles haïtiennes, notamment ceux liés aux soins maternels et reproductifs, étaient désastreux.
La santé maternelle
Haïti enregistre le plus haut taux de mortalité maternelle de l’hémisphère Nord, et accuse un énorme retard par rapport au reste de l’Amérique latine et des Caraïbes. La mortalité maternelle y était de 630 décès pour cent mille naissances vivantes en 2005-06, soit plus que les 523 décès pour cent mille naissances vivantes enregistrés entre 1993 et 2000.[16]Les professionnels de santé ont attribué cette hausse marquée de la mortalité maternelle à la pratique persistante de l’accouchement à domicile et à l’instabilité régnant dans le pays, qui empêchent les femmes et les filles de bénéficier de soins adéquats pendant et après l’accouchement.[17] Haïti n’a pas été en phase avec les avancées obtenues dans les autres pays de la région.[18]
Avant le séisme, les obstacles empêchant les femmes et les filles d’avoir accès aux soins maternels étaient notamment l’absence de services ou des services qui étaient irréguliers, inadaptés et uniquement financés à court terme, les difficultés ou les retards dans l’accès aux services et la peur de la violence sexuelle, qui les empêchait de sortir de chez elles pour se faire soigner.[19] Un rapport publié en 2009 a montré que la prévalence des accouchements à domicile augmentait pendant les crises en Haïti et que « la peur du viol retient souvent les femmes et les filles de réclamer les soins dont elles ont besoin, notamment des accouchements plus sûrs réalisés par un travailleur formé du secteur des soins de santé ».[20] D’autres données montrent que les femmes et les filles continuent à « être exposées à un risque important en raison de la mauvaise qualité des services et de l’insuffisance du matériel et des fournitures mis à disposition », même lors des accouchements dans des établissements de santé et des centres d’urgence obstétricale, tandis que les soins néonatals demeurent en grande partie indisponibles.[21] « Chaque jour est une crise », a déclaré un professionnel de la santé publique en 2008.[22] Avant le tremblement de terre, le système de santé haïtien, sous l’égide du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), avait du mal à mettre en œuvre ne fût-ce que l’Ensemble minimum de services initiaux (MISP) pour la santé reproductive en situation de crise.[23]
Quelques améliorations ont été apportées pour accroître le nombre de femmes et de filles recevant des soins prénatals. En 2005-06, 85 pour cent des femmes et des filles ont eu accès à une forme de soins prénatals, comparé à 68 pour cent une décennie plus tôt.[24] Néanmoins, seule la moitié des femmes et des filles enceintes ont eu les quatre consultations prénatales recommandées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).[25]
Mais les améliorations enregistrées sur le plan de l’accès aux soins prénatals n’ont pas bénéficié de façon égale à toutes les femmes et toutes les filles en Haïti, où l’accessibilité géographique des établissements de santé est un important paramètre pour leur utilisation.[26] Les femmes et les filles vivant dans les communautés rurales et à l’extérieur de la zone métropolitaine de Port-au-Prince ont moins de chances d’avoir accès aux soins prénatals. Malgré cela, avant le tremblement de terre, quelques progrès avaient été effectués avec une augmentation du nombre de femmes et de filles du milieu rural qui avaient bénéficié de soins.[27]
L’accès accru aux soins prénatals ne s’est pas nécessairement traduit par une augmentation du nombre de femmes et de filles qui ont accouché en institution. En 2005-06, moins de 25 pour cent des naissances ont eu lieu dans un établissement de santé.[28] Ces naissances concernaient, à une écrasante majorité, des femmes disposant de revenus plus élevés. Un peu plus de 78 pour cent des accouchements qui se sont déroulés avec l’aide de professionnels de santé concernaient des femmes issues de quintile le plus riche, tandis que seuls 5,9 pour cent concernaient des femmes issues du quintile le plus pauvre.[29] Une étude publiée en 2007 a révélé que les problèmes de sécurité, le coût des transports et d’autres barrières économiques, ainsi que la perspective de soins de piètre qualité dans les établissements publics, expliquent le nombre peu élevé d’accouchements assistés par des professionnels de santé.[30]
La plan ification familiale
La planification familiale joue un rôle important dans la réduction de la mortalité maternelle. Des études montrent que « l’utilisation de méthodes de planning familial permet d’éviter 32 % des décès maternels et presque 10 % des décès infantiles tout en réduisant les taux de pauvreté et de famine ».[31] Tout comme pour le taux de mortalité maternelle, Haïti a enregistré un recul au niveau de la santé reproductive au cours de la dernière décennie. Alors que les données montrent une avancée considérable dans l’usage des contraceptifs en l’espace de quarante ans, en 2005-06, seules 28 pour cent des femmes et des filles en âge de procréer vivant en zones urbaines, et 22 pour cent en milieu rural, ont eu accès à des méthodes contraceptives modernes.[32]
Les données indiquent que l’utilisation des contraceptifs s’est stabilisée entre 2003 et 2008, en partie à cause de l’interruption des financements.[33] La planification familiale demeure un domaine programmatique négligé en Haïti.[34]
Le nombre de femmes disant souhaiter attendre avant d’avoir un autre enfant, ou ne plus avoir d’enfants du tout, est supérieur au nombre de femmes qui déclarent utiliser des contraceptifs : l’on estime que trois femmes sur quatre engagées dans une relation en Haïti est candidate à une planification familiale, ce qui signifie que si elles en avaient la possibilité, ces femmes pourraient utiliser des contraceptifs. [35] Par ailleurs, une adolescente sur dix en Haïti a déjà eu un enfant ou est enceinte à l’âge de 17 ans.[36]
Même si une femme a accès à la planification familiale, elle risque de se heurter à d’autres obstacles sur le plan de son utilisation. La capacité des femmes et des filles à prendre des décisions concernant le nombre d’enfants et l’espacement des naissances peut être limitée par leur partenaire. Selon une étude, moins de la moitié des femmes engagées dans une relation ont signalé être capables de prendre des décisions indépendamment à propos de l’usage des contraceptifs, et 26 pour cent ont indiqué que seul leur partenaire prenait les décisions pour elles à propos de leur santé.[37]
La violence basée sur le genre (VBG)
La violence basée sur le genre est un phénomène courant en Haïti.[38] Au cours des deux dernières décennies, le taux élevé de violence domestique et sexuelle à l’égard des femmes et des filles n’a fait qu’aggraver un degré d’insécurité économique et politique lui-même déjà élevé. Par ailleurs, certains régimes au pouvoir en Haïti ont utilisé la violence sexuelle comme outil de répression. Des éléments semblent indiquer que des violences sexuelles à caractère politique ont été perpétrées sous les dictatures de François et de Jean-Claude Duvalier entre 1957 et 1986.[39] Human Rights Watch et d’autres organisations ont recueilli des informations mettant en avant l’utilisation du viol et de l’agression dans le cadre de l’oppression politique sous le régime Cédras et au cours de la période qui a suivi le coup d’État entre octobre 1991 et mai 1993. En 2000, des bandes criminelles recouraient à la violence sexuelle et aux menaces de violence sexuelle pour terroriser les communautés.[40]
Lors des conflits politiques qu’a connus le pays de 2004 à 2006, « les viols et autres actes de violence généralisée et systématique dont les filles [étaient] la cible » demeuraient préoccupants.[41] L’ONU a estimé que jusqu’à cinquante pour cent des filles vivant dans les zones de conflit à Port-au-Prince avaient été victimes de viol ou de violence sexuelle, les viols collectifs étant, selon certaines sources, généralisés.[42] Une étude portant sur la région métropolitaine a révélé que 3,1 pour cent des femmes et des filles, soit un nombre estimé à 35 000, avaient subi des agressions sexuelles entre février 2004 et décembre 2006 ; plus de la moitié des victimes étaient âgées de moins de 18 ans, et près d’une sur six de moins de dix ans.[43]
Un dispensaire de Médecins Sans Frontières (MSF) à Port-au-Prince a fourni un traitement à cinq cent victimes de viol entre janvier 2005 et juin 2007, soit environ la même prériode. Ses statistiques révèlent également qu’une proportion significative des victimes de violence sexuelle était de jeunes filles : deux pour cent des victimes étaient âgées de moins de cinq ans ; 10,6 pour cent avaient entre cinq et douze ans ; et 27,5 pour cent avaient entre treize et dix-huit ans. MSF a également signalé que 67 pour cent des victimes ne connaissaient pas leurs agresseurs ; 68 pour cent ont déclaré avoir été agressées par plusieurs personnes ; et 66 pour cent ont été menacées au moyen d’un fusil.[44] Le Groupe haïtien d’étude du sarcome de Kaposi et des infections opportunistes (Centre GHESKIO), un centre médical situé à Port-au-Prince, a signalé avoir traité 422 cas de viol en 2005 ; la même année, les organisations de femmes haïtiennes Solidarité Fanm Ayisyen (SOFA) et Kay Fanm ont soigné respectivement 112 et 188 victimes de viol.[45]
L’enquête EMMUS IV 2005-06 révèle que plus d’un quart des femmes et filles haïtiennes ont été victimes de violence physique au moins une fois depuis l’âge de quinze ans, et seize pour cent auraient subi des violences dans les douze mois précédant cet âge.[46] Seul un tiers des femmes ont signalé que leur mari ou partenaire était l’auteur des violences. Dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, 9,9 pour cent des femmes ont déclaré avoir été victimes de violences sexuelles. Les femmes haïtiennes connaissent également un niveau élevé de violence liée à la grossesse, plus d’une sur vingt ayant dénoncé, dans le cadre de l’enquête EMMUS IV, avoir subi des violences physiques pendant leur grossesse : quarante pour cent de ces femmes ont identifié leur mari ou partenaire comme étant leur agresseur.[47]
La violence basée sur le genre a un impact direct sur la santé des femmes. Une étude parue en 2000 a mis en lumière la corrélation entre les violences conjugales et les effets négatifs sur la santé reproductive, définis dans l’étude comme étant le fait de mettre au monde un enfant mort-né, d’avoir une infection sexuellement transmissible (IST) ou les symptômes d’une IST, ou de donner naissance à un enfant non désiré.[48] Une étude réalisée dans les régions rurales d’Haïti en 2005 a dévoilé qu’ « il y a 1,7 fois plus de probabilité que les femmes enceintes dont la grossesse n’a pas été planifiée aient subi des relations sexuelles forcées », définies dans l’étude comme étant un viol, des contraintes sexuelles et autres formes de violence sexuelle.[49] La même étude a établi de fortes corrélations entre les infections sexuellement transmissibles et les relations sexuelles forcées. Il a été constaté que plusieurs symptômes associés aux infections sexuellement transmissibles, notamment une douleur pelvienne chronique, des pertes vaginales excessives, des pertes vaginales décolorées, une sensation de brûlure ou une douleur lors de la miction, et des lésions autour de l’orifice ou dans le vagin, étaient associés à des expériences répétées de relations sexuelles forcées. Les données des études menées en 2005 et 2006 ont corroboré ce fait, révélant que les femmes qui avaient déclaré souffrir d’une infection sexuellement transmissible étaient considérablement plus nombreuses dans la catégorie de femmes qui avaient subi des violences sexuelles.[50] Une étude réalisée en 2009 à propos de jeunes filles âgées de 15 à 24 ans a établi que la violence sexuelle constituait un important facteur à risque sur le plan de la grossesse.[51] Dans un rapport de 2008, Amnesty International a révélé qu’environ vingt pour cent des filles se faisant soigner après un viol dans un centre médical de Port-au-Prince étaient tombées enceintes.[52] Par ailleurs, pour les femmes enceintes, les probabilités d’une interruption de grossesse, définie comme étant un avortement, une fausse couche ou un enfant mort-né, étaient considérablement plus élevées dans le cas des femmes qui dénonçaient des violences infligées par leur partenaire intime.[53]
Face à la menace grandissante de la violence à l’égard des femmes et des filles, le Ministère à la Condition féminine a lancé un Plan national de lutte contre les violences faites aux femmes.[54] Ce plan quinquennal a été élaboré en collaboration avec le Ministère à la Condition féminine, des ONG de femmes et des agences de l’ONU. Cet organisme de coordination tripartite, connu sous le nom de Concertation Nationale contre les violences faites aux femmes (Concertation Nationale), a cherché à développer et à mettre en œuvre une réponse efficace et participative aux violences infligées aux femmes.[55] La Concertation Nationale a enregistré quelques succès importants : elle a notamment contribué à l’adoption du décret de 2005 modifiant le code pénal, érigeant le viol en crime, et a mis en place une politique en vertu de laquelle toutes les victimes d’agression sexuelle peuvent recevoir, dans tout centre médical, un certificat médical attestant des violences sexuelles commises. L’absence de certificat s’est révélé être un obstacle majeur empêchant les femmes de porter plainte en cas de viol.
Les réform es et efforts visant à réduire la mortalité maternelle avant le séisme
Le gouvernement haïtien avait pris un certain nombre de mesures visant à résoudre la crise affectant la santé maternelle et reproductive. Le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) avait inscrit la santé maternelle parmi ses priorités et le gouvernement avait inclus la réduction de la mortalité maternelle parmi les objectifs importants à atteindre dans son Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté en Haïti élaboré en 2007.[56] Le Plan Stratégique National pour la Réforme du Secteur de la Santé, publié en 2005 par le MSPP, avait inscrit la santé maternelle et reproductive dans sa stratégie visant à offrir des services de santé élémentaires intégrés par le canal du système de santé publique haïtien.[57]
Le coût des soins obstétricaux avait été identifié comme étant l’un des facteurs principaux empêchant les femmes et les filles d’avoir accès aux soins, contribuant ainsi au taux élevé de mortalité maternelle en Haïti.[58] En 2008, le MSPP, en collaboration avec l’Organisation panaméricaine de la Santé/Organisation mondiale de la Santé (OPS/OMS) et l’Agence canadienne de développement international (ACDI), a lancé un programme appelé Soins Obstétricaux Gratuits (SOG) dans 49 institutions à travers le pays. Toujours en vigueur, le projet élargit l’accès aux soins prénatals et obstétricaux.[59] Il s’agit d’une composante essentielle de la stratégie nationale visant une maternité plus sûre, financée pratiquement à cent pour cent par des bailleurs de fonds. Rien qu’un mois après le démarrage du projet, le nombre de naissances dans les institutions participantes était passé entre 51 à 224 pour cent.[60] Des données ultérieures semblent indiquer que le taux de mortalité maternelle dans les institutions participantes était près de cinq fois moins élevé que le taux enregistré au niveau national.[61]
Les sages-femmes, ou accoucheuses qualifiées, sont également considérées comme un élément important pour la réduction de la mortalité maternelle. Une école de sages-femmes a ouvert en 2001, formant environ 35 sages-femmes chaque année. Par ailleurs, le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) a apporté son soutien à des programmes de formation pour accoucheuses traditionnelles, femmes qui aident lors des accouchements mais n’ont pas de formation médicale officielle, afin qu’elles deviennent des sages-femmes auxiliaires. Le projet Soins Obstétricaux Gratuits (SOG) comprend un financement visant à rembourser les accoucheuses traditionnellesqui amènent des femmes ayant des grossesses à haut risque dans des établissements médicaux afin qu’elles y accouchent.
Le gouvernement haïtien et les bailleurs de fonds ont identifié d’autres facteurs qui contrecarrent les efforts déployés pour réduire la mortalité maternelle et ils ont mis en place des mécanismes visant à résoudre ces problèmes. Par exemple, l’Agence américaine pour le développement international (United States Agency for International Development, ou USAID) a estimé que la gestion fortement centralisée et médiocre du système de santé par le Ministère de la Santé présentait des problèmes. Le ministère, travaillant en collaboration avec USAID, a cherché à s’attaquer aux problèmes de gestion en mettant sur pied des institutions au niveau central et en renforçant la capacité de planification au niveau départemental.[62]
La santé des femmes et le système de santé après le séisme
Le tremblement de terre dévastateur qui a frappé la capitale haïtienne, Port-au-Prince, le 12 janvier 2010, a décimé le secteur de la santé. Soixante pour cent des établissements de santé ont été endommagés et dix pour cent des professionnels de santé ont été tués ou ont émigré. Le siège du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) a été complètement détruit.[63] Ces dégâts n’ont pas seulement été dévastateurs pour la santé des Haïtiens vivant dans la capitale, mais aussi pour l’ensemble du pays car la majeure partie du système de santé d’Haïti était concentré à Port-au-Prince. Bon nombre des établissements d’enseignement destinés aux professionnels de santé ont également été endommagés ou détruits. L’école pour sages-femmes a subi des dégâts importants et l’école publique d’infirmières s’est effondrée, tuant plus de 150 étudiantes qui appartenaient à la future génération d’infirmières d’Haïti.[64]
Les acteurs de l’aide humanitaire ont réagi rapidement pour combler les vides lors de la phase d’urgence, mettant sur pied des centres de santé gratuits dans l’ensemble des zones affectées. Par le canal de son Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), l’ONU a instauré un système de clusters qui permet de coordonner les acteurs humanitaires dans une variété de secteurs, notamment la protection, la santé, la nutrition, ainsi que l’eau et le système sanitaire. Plus de 400 ONG du secteur de la santé ont participé aux opérations d’urgence à travers le cluster santé. Nombreux sont ceux qui croyaient que, malgré la situation désastreuse provoquée par le tremblement de terre, certains indicateurs de santé connaîtraient une amélioration grâce à l’afflux de professionnels de santé et aux services de santé gratuits. Mais près de neuf mois après le séisme, une étude a établi que seuls vingt pour cent des camps disposaient d’un centre de soins quelconque sur place.[65]
Des associations humanitaires ont identifié le besoin urgent d’offrir des services de planification familiale aux femmes et aux filles dans la foulée du tremblement de terre. Dès le 19 janvier 2010, elles ont commencé à réclamer un accès aux contraceptifs gratuits pour les femmes et les filles.[66] En mai 2010, se fondant sur les normes humanitaires, ces mêmes associations ont appelé tous les prestataires de soins de santé primaires « à veiller à ce que des contraceptifs soient disponibles pour répondre à la demande, entre autres des préservatifs, des pilules, des ampoules injectables, des pilules anticonceptionnelles d’urgence et des stérilets, ainsi que des méthodes à longue durée d’action et des méthodes permanentes, dans le cadre de la phase de relance ».[67]
Certaines ONG médicales opérant dans des camps ont fourni ces services. Le Groupe haïtien d’étude du sarcome de Kaposi et des infections opportunistes (GHESKIO) gère un camp situé en face de son centre. L’un des principaux objectifs de sa stratégie en matière de santé dans le camp a été d’offrir des services visant à réduire la mortalité maternelle et les grossesses non désirées, ainsi que des services destinés aux victimes de violence sexuelle. Au cours des douze premiers mois qui ont suivi le tremblement de terre, GHESKIO a dispensé 57 formations sur la planification familiale, initiant 5 682 personnes qui vivaient dans le camp à l’utilisation de la contraception, à la prévention des IST et au problème de la violence sexuelle.[68] Les services dispensés dans les camps permettent aux femmes et aux filles d’avoir directement accès aux services de santé reproductive dont elles ont besoin.
Ces services sont d’autant plus importants que, comme l’a signalé à Human Rights Watch le Dr. Gadner Michaud de l’organisation pour la santé des femmes PROFAMIL, quitter les camps pour aller se faire soigner s’avère très difficile pour les femmes. « Les vols ont augmenté », a-t-il expliqué. « Les gens ont tout perdu dans le tremblement de terre et il est difficile de quitter les camps pour recevoir des soins parce que les femmes risquent de perdre le peu de biens qu’elles laissent si elles partent. »[69] PROFAMIL a procuré des services dans plusieurs camps pendant près de dix mois après le séisme, mais l’organisation a du mal à dispenser des soins reproductifs de qualité dans les camps. Un des problèmes a été le manque d’intimité et de confidentialité pour les femmes et les filles, problème qu’ont également rencontré les chercheuses de Human Rights Watch.[70] PROFAMIL a quitté les camps pour s’installer dans des centres fixes à proximité, espérant que la meilleure qualité de ses services et la plus grande intimité compenseraient les risques auxquels s’exposent les femmes et les filles qui sortent des camps pour recevoir des soins. Cela va dans le sens du projet de PROFAMIL, soumis à la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti, qui vise à étendre davantage l’accès aux services de soins de santé sexuelle et reproductive essentiels.
En dépit des efforts fournis par certaines organisations humanitaires, quelques femmes et filles ont confié à Human Rights Watch qu’elles n’avaient pas d’informations à propos de la planification familiale ou qu’elles n’avaient pas les moyens de la pratiquer. Le besoin non satisfait de planification familiale en Haïti avant le séisme était proche de quarante pour cent, et le financement des soins reproductifs pendant les crises en Haïti s’était auparavant révélé insuffisant.[71] Des femmes ont expliqué à Human Rights Watch qu’elles n’avaient pas pratiqué la planification familiale jusque-là mais que maintenant, elles souhaitaient avoir accès à la contraception, évoquant leurs conditions de vie difficiles comme principale raison de leur nouvel intérêt. Certains prestataires de services ont également noté que les femmes se montraient moins réticentes à poser des questions sur certains types de contraception, tels que la contraception administrée par injection, et qu’elles s’y intéressaient davantage.[72]
Dans la foulée du tremblement de terre, l’offre de services de santé maternelle et obstétricale a diminué alors que la demande était forte. Les ONG présentes avant la catastrophe ont subi des pertes. Ainsi, l’hôpital d’urgence obstétricale de Médecins Sans Frontières a été complètement détruit.[73] En février 2010, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a estimé que sur environ trois millions de personnes affectées par le séisme, quelque 63 000 étaient des femmes enceintes et 114 000 des mères qui allaitaient. Il a indiqué qu’environ quinze pour cent des femmes enceintes auraient besoin de soins obstétricaux urgents.[74]
En dépit des pertes subies, bon nombre des ONG médicales opérant pendant la phase d’urgence, dont Médecins Sans Frontières, Médecins du Monde, Partners In Health/Zanmi Lasante et Save the Children, ont offert des services médicaux gratuits, notamment des soins maternels. Le projet Soins Obstétricaux Gratuits (SOG) a également continué à opérer, malgré la perte de bureaux et d’ordinateurs, et malgré les dégâts subis par les institutions médicales participantes.[75]
Les professionnels de santé publique ont commencé à noter une « explosion » du nombre de grossesses au cours des trois premiers mois qui ont suivi le tremblement de terre.[76] Une forte augmentation du nombre de grossesses après une catastrophe naturelle n’est pas rare et peut être attribuée à des causes diverses. Les femmes et les filles interrogées par Human Rights Watch ont identifié quelques-uns des facteurs suivants expliquant leur grossesse : un désir de compenser la perte d’un enfant dans le séisme ; l’espoir de consolider une relation avec un nouveau partenaire ; et un manque d’accès aux informations ou aux méthodes de contraception. Un certain nombre de personnes interrogées ont également confié que le viol avait été la cause de leur grossesse.
Une étude publiée en octobre 2010 et financée par l’UNFPA a relevé un taux de grossesse de douze pour cent dans les camps de déplacés, soit trois fois plus que le taux urbain moyen enregistré avant le tremblement de terre.[77] Deux tiers des grossesses n’étaient ni planifiées ni désirées.[78] On ignore le nombre exact de femmes actuellement enceintes qui comptent encore parmi les personnes déplacées par le séisme. Les données montrent clairement qu’un pourcentage élevé de femmes et de filles vivant dans les camps ont besoin d’avoir accès à des soins prénatals, obstétricaux et postnatals.[79]
Les obligations d’ Haïti en matière de droits humains
Le séisme n’a en rien modifié les obligations du gouvernement haïtien en matière de droits humains. Il a toujours le devoir de respecter et de protéger les droits humains, devoir qu’il est tenu de remplir sans discrimination.[80] En ce qui concerne le droit à la santé, ces obligations devraient s’entendre comme incluant une attention spéciale accordée aux besoins des femmes et des filles sur le plan de la santé, à savoir « un accès aux services de santé et une offre de services au moins prioritaires en matière de santé sexuelle et reproductive comprenant des actions pour prévenir la morbidité et mortalité maternelles, prévenir et gérer cliniquement les cas de violence sexuelle […] ; [et] un accès aux services de santé reproductive et de soins spécialisés, notamment à la planification familiale et aux soins d’urgence obstétricale ».[81]
Cependant, la capacité de l’État haïtien à agir en fonction des ressources disponibles, ainsi que le besoin de dépendre de l’assistance et de la coopération internationales, sont des facteurs qui doivent être légitimement pris en considération pour évaluer les mesures que l’on peut raisonnablement attendre de la part d’Haïti.
Haïti est un État partie à plusieurs traités internationaux relatifs aux droits humains qui créent des obligations contraignantes pour le gouvernement en matière d’amélioration de la santé des femmes, notamment en matière de santé maternelle et reproductive, tels que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Convention américaine relative aux droits de l’homme et la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme.[82] Haïti a également signé, mais pas ratifié, le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (Protocole de San Salvador).[83]
La Commission des droits de l’homme de l’ONU (devenue aujourd’hui le Conseil des droits de l’homme) et le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la santé n’ont cessé d’affirmer que le droit à la santé englobe le droit à la santé sexuelle et reproductive, notamment la santé maternelle, le droit aux soins de santé et les déterminants sous-jacents de la santé.[84]
Afin de s’acquitter de ses obligations après le tremblement de terre, le gouvernement haïtien a inclus la santé maternelle dans son plan de relèvement et a cherché à offrir, ou à encourager les acteurs non-étatiques à offrir, des soins prénatals et obstétricaux gratuits. L’élimination des obstacles financiers aux soins de santé constitue une mesure cruciale pour permettre aux indigents et aux groupes vulnérables d’avoir accès aux services de santé.
Human Rights Watch a constaté qu’en dépit des efforts déployés par le gouvernement pour supprimer la principale barrière qui est le coût des soins, il subsiste de nombreux obstacles qui empêchent les femmes et les filles vivant dans les camps de déplacés à Port-au-Prince d’avoir accès aux soins de santé dont elles ont besoin.
II. Obstacles à la santé maternelle et reproductive : l’incapacité à protéger les droits des femmes et des filles
Je ne veux plus d’autres enfants. La vie est trop dure dans les camps.
—Yvonne, camp de Croix-des-Bouquets, 22 janvier 2011
Un plus grand nombre de grossesses non planifiées accroît la pauvreté dans ce camp…
—Magalie, camp de Croix-des-Bouquets, 22 janvier 2011
L’inégalité entre les genres et les violations des droits des femmes et des filles qui existent avant une catastrophe risquent de s’aggraver après la catastrophe. Les femmes enceintes et les mères qui allaitent sont tout particulièrement confrontées à des conditions plus pénibles, à l’instar des femmes en situation de handicap et des femmes âgées, en raison de la mobilité réduite et du besoin plus grand de services de santé, de nourriture et d’eau.[85] Les femmes et les filles rescapées de catastrophes naturelles n’en restent pas moins détentrices de droits, habilitées à faire valoir leurs droits humains fondamentaux.
Le manque d’accès à la planification familiale
Rachelle était une étudiante de 17 ans lorsque le tremblement de terre a frappé Haïti. Terrifiée à la vue des immeubles qui s’effondraient, elle a immédiatement cherché refuge dans les espaces ouverts d’une place publique située devant le Palais présidentiel. Elle est restée dans le camp qui a poussé spontanément à cet endroit et est tombée enceinte alors qu’elle vivait là. Bien qu’elle n’ait pas révélé de détails au sujet de sa relation avec le père de l’enfant, elle a confié :
Oui, je voulais utiliser la planification familiale, mais je n’ai pas pu l’obtenir. Il y avait un service de consultation ici [dans le camp] et ils avaient la planification, mais malheureusement, le service a fermé.[86]
En Haïti, les femmes et les filles comme Rachelle devraient pouvoir décider si elles veulent être enceintes et quand, même si elles vivent dans des camps de déplacés. C’est leur droit de décider du nombre d’enfants qu’elles auront et de l’écart entre les naissances.[87] Les services de santé reproductive et la planification familiale, à travers une variété de méthodes contraceptives, leur permettent, individuellement ou avec leurs partenaires, d’exercer ce droit.[88]
Les travaux de recherche de Human Rights Watch indiquent que certaines femmes et certaines filles vivant dans les camps de déplacés ne sont pas en mesure de faire ce choix les concernant. Parmi les obstacles à l’accès aux services de planification familiale, Human Rights Watch a relevé le manque d’accès à l’information et aux moyens de pratiquer la planification familiale. Les femmes et les filles interrogées par Human Rights Watch se heurtaient à des obstacles supplémentaires lorsqu’elles voulaient réellement utiliser les méthodes contraceptives mises à leur disposition car elles étaient dans l’impossibilité de négocier l’utilisation de la contraception disponible, notamment des préservatifs, avec leurs partenaires.
Le manque d’accès à l’information
Tamara, une mère de 17 ans, vit avec ses parents et son frère dans un camp à Delmas 33. Elle a parfois peur dans le camp parce que des bagarres éclatent souvent entre jeunes gens et des inconnus font irruption dans sa tente lorsqu’il commence à pleuvoir. Tamara est tombée enceinte alors qu’elle vivait dans le camp mais elle s’est montrée réticente à parler des circonstances ayant conduit à sa grossesse. Elle a néanmoins expliqué :
Personne ne m’a parlé de la planification, mais si j’étais au courant de la planification, je l’utiliserais. C’est seulement que je ne sais pas.[89]
En Haïti, les femmes et les filles ont le droit d’accéder aux informations relatives à la santé.[90] Le Comité CEDAW a indiqué que les États parties devaient « garantir, sans préjugé ou discrimination, aux femmes et aux adolescentes, […], le droit à l’information, à l’éducation et aux services en matière d’hygiène sexuelle ».[91] Pour des adolescentes telles que Tamara, l’éducation à la santé comprend l’accès aux informations relatives à la prévention d’une grossesse précoce.[92] Malheureusement, bon nombre de femmes et de filles interrogées par Human Rights Watc h ont signalé qu’elles n’avaient pas eu accès en temps utile à l’information sur la planification familiale. Elles ont expliqué que :
- Il n’y avait pas d’informations disponibles dans les camps où elles vivaient ;
- Les informations sur la planification familiale étaient fournies lors des consultations prénatales et arrivaient dès lors trop tard pour prévenir la grossesse ; et
- Les informations à propos des effets secondaires et de l’utilisation appropriée de la planification familiale postnatale, ainsi que du moment où il convenait de la commencer, étaient soit indisponibles, soit incorrectes.
Ces témoignages coïncident avec les données émanant du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), qui indiquent que 74 pour cent des personnes vivant dans des camps de déplacés ont fait part d’un besoin d’information sur la planification familiale. Dans le groupe d’âge des 25-29 ans, ce chiffre passait à quatre personnes interrogées sur cinq.[93]
Bon nombre de femmes et de filles ont indiqué à Human Rights Watch qu’aucune organisation ne fournissait d’informations sur la planification familiale dans les camps où elles vivaient. Certaines femmes et certaines filles interrogées par Human Rights Watch ont signalé qu’elles avaient accès à des informations, mais dans chaque camp que nous avons visité, d’autres ont déclaré le contraire. Tout comme Tamara, Lovely vit dans un camp à Delmas 33. Elle a deux enfants et vient d’en mettre un troisième au monde. Tenant son nouveau-né dans les bras, elle a confié à Human Rights Watch, « j’aurais préféré ne plus tomber enceinte ».[94] Elle a expliqué qu’elle n’avait pas prévu d’avoir l’enfant qu’elle tenait dans les bras et qu’elle n’avait pas eu d’informations sur la contraception, qu’elle aurait utilisée si seulement elle avait su comment.
Les informations mises à la disposition des femmes et des filles que nous avons interrogées dans les camps sont souvent arrivées trop tard pour prévenir une grossesse non désirée. Jessie, une jeune femme de 27 ans mère de trois enfants, dont un bébé de six semaines, a signalé qu’elle n’avait reçu des informations sur la planification familiale qu’après être tombée enceinte, alors qu’elle s’était rendue dans un centre médical pour des soins prénatals.[95] Ellen, 17 ans, vit seule avec son premier enfant dans un camp de Maïs Gâté et elle a déclaré que dans le camp, les informations relatives à la planification familiale n’étaient fournies qu’à l’espace « ami des bébés », géré par une ONG internationale.[96] Elles n’étaient donc disponibles que pour les femmes et les filles qui étaient déjà enceintes ou venaient d’accoucher.[97]
Human Rights Watch a constaté que bon nombre des femmes et des filles que nous avons interrogées s’étaient fiées aux informations fournies par des réseaux sociaux plutôt que par des professionnels de santé à propos des effets secondaires et de l’usage des différentes formes de planification familiale, souvent parce qu’elles n’étaient pas parvenues à trouver facilement ces informations. Plusieurs femmes ont admis qu’elles n’avaient pas recouru à la planification familiale parce que des amis ou des parents leur avaient dit que cela rendait les femmes malades, provoquait des saignements ou leur faisait prendre du poids. Au moins trois femmes ont signalé à Human Rights Watch qu’elles avaient arrêté d’utiliser les contraceptifs parce qu’ils avaient provoqué des hémorragies qui les inquiétaient. Widney a raconté :
J’avais des hémorragies en janvier après le tremblement de terre [à cause des contraceptifs que j’utilisais] et je me suis rendue à l’hôpital. Ils m’ont donné des cachets [pour arrêter les hémorragies] mais ça n’a servi à rien.[98]
Effrayée, Widney a cessé de prendre un moyen contraceptif oral. Comme deux autres femmes interrogées, elle est tombée enceinte après avoir arrêté la contraception.
Certaines femmes ont également montré à quel point le degré de connaissance de la planification familiale postnatale appropriée pouvait varier. Tesol, une jeune femme de 22 ans qui avait essayé d’avorter lors d’une grossesse précédente, croyait qu’elle ne pouvait pas commencer à utiliser des contraceptifs avant que son bébé ne marche parce que cela aurait un impact négatif sur l’enfant.[99] La désinformation à propos de la planification familiale peut déboucher sur une grossesse non désirée et, plus important encore, avoir un impact négatif sur la santé d’une femme si elle tombe enceinte trop vite après avoir accouché.[100]
Le gouvernement haïtien devrait veiller à ce que les femmes et les filles aient accès à l’information en matière de santé. Cela suppose notamment un accès à des informations et des conseils dans le domaine de la planification familiale et un accès à l’information et à l’éducation nécessaires pour qu’elles soient à même de prendre et d’appliquer des décisions sur le nombre d’enfants qu’elles auront et sur l’espacement des naissances.[101] Il se peut que le gouvernement doive recourir à l’assistance de bailleurs de fonds et d’ONG partenaires pour financer et mettre en œuvre des programmes visant à garantir l’accès à l’information, comme il l’a fait dans le cadre des campagnes d’information sur le choléra.
L’accès à la contraception et le droit de décider du nombre d’enfants et de l’espacement des naissances
Les filles qui n’ont pas de parents, c’est facile qu’elles tombent enceintes. Elles n’ont pas de ressources et doivent avoir des relations avec des hommes pour survivre. […] On peut se procurer des préservatifs mais ils ne les utilisent pas[…].
—Valmie, camp de Maïs Gâté, 23 janvier 2011
Human Rights Watch a relevé que certaines femmes et certaines filles vivant dans des camps de déplacés ne pouvaient pas physiquement accéder à la contraception lorsqu’elles en avaient besoin ou le désiraient. Dans le cas d’autres femmes et filles, lorsque certaines formes de contraception telles que les préservatifs étaient possibles, leurs partenaires refusaient de les utiliser et les femmes et les filles n’arrivaient pas à négocier ou à exiger qu’ils changent d’avis.
L’un des cadres des droits humains requiert que les installations, équipements et services de santé soient disponibles, accessibles, de bonne qualité, et fournis sans discrimination.[102] En ce qui concerne les services de santé sexuelle et reproductive, le rapporteur spécial sur la santé a noté que ces installations et équipements devraient être disponibles en quantité suffisante, accessibles physiquement et abordables économiquement.[103] La plupart des femmes et des filles interrogées à propos de la planification familiale ont signalé à Human Rights Watch qu’elles n’avaient pas physiquement accès à la planification familiale, à laquelle elles recourraient si elles y avaient accès. Un certain nombre de femmes et de filles ont reconnu qu’elles auraient préféré ne pas avoir eu leur dernier enfant ou ne pas être tombées enceintes, et qu’elles auraient utilisé la planification familiale pour prévenir leur grossesse. Rachelle a confié :
Je n’aime pas vivre comme ça. Je suis dans une tente et je n’ai personne pour m’aider. Je voudrais continuer mes études après l’accouchement. Je n’avais pas prévu de tomber enceinte. […] J’étais étudiante mais je n’ai pas eu accès à la planification familiale. Je voudrais devenir infirmière.[104]
Certaines femmes et certaines filles interrogées par Human Rights Watch savaient où accéder à des services de planification familiale en dehors des camps, mais elles ont déclaré que ces services étaient physiquement inaccessibles pour elles car il leur était difficile de partir pour diverses raisons, qu’il s’agisse du coût des transports qui, sans moyens d’existence, sont trop chers même s’ils s’élèvent à moins d’un dollar, ou de la peur que leurs biens soient dérobés si elles laissaient leur tente sans surveillance. Charlotte, une femme vivant dans un camp à Delmas 33, a expliqué qu’elle savait qu’elle pourrait bénéficier de soins gratuits dans un dispensaire installé dans un autre camp, mais « c’est difficile d’y arriver… il faut payer le transport ».[105]
Il est plus facile de se procurer des préservatifs dans les camps, où ils ont apparemment été distribués en quantité immédiatement après le séisme.[106] Les préservatifs constituent un moyen de contraception fiable qui protège contre les infections sexuellement transmissibles (IST). Néanmoins, leur utilisation requiert le consentement des deux partenaires. Human Rights Watch a relevé qu’un grand nombre de femmes et de filles, en particulier les jeunes adolescentes, qui vivent dans la précarité des camps n’avaient pas le pouvoir de négocier l’utilisation du préservatif avec leurs partenaires.
Plusieurs membres des comités des camps ont confirmé que même s’il était possible de s’en procurer, les préservatifs n’avaient pas été beaucoup utilisés.[107] Bon nombre d’hommes interrogés par Human Rights Watch ont affirmé qu’ils préféraient ne pas se servir de préservatifs et comptaient sur leurs partenaires pour se protéger autrement.
Il n’y a pas de contraception dans le camp à l’exception des préservatifs. […] Nous [les hommes] ne voulons pas utiliser [de préservatifs] ; on n’aime pas ça. [Le sexe] n’est pas aussi agréable quand on en utilise. Donc c’est bien que [les femmes et] les filles aient accès [à d’autres modes de contraception].[108]
Les éléments recueillis par Human Rights Watch, qui correspondent avec les informations émanant d’autres sources, indiquent clairement que la fourniture de préservatifs dans les camps comme unique mode de planification familiale ne garantit pas que les femmes et les filles pourront exercer leur droit de décider du nombre d’enfants qu’elles auront et de l’écart entre les naissances. La difficulté que les femmes et les filles rencontrent pour convaincre leurs partenaires d’utiliser des préservatifs n’est pas spécifique au milieu des camps. Il est toutefois important que le gouvernement identifie les mesures qu’il peut prendre en fonction de ses ressources, y compris conjointement avec d’autres acteurs, pour supprimer les obstacles auxquels se heurtent les femmes et les filles dans les camps de déplacés pour avoir accès aux diverses informations relatives à la planification familiale.
L’avortement illégal et non médicalisé pour remédier à l’accès insuffisant à la planification familiale
L’avortement n’est pas légal en Haïti.[109] Néanmoins, avec jusqu’à 66 pour cent de grossesses non désirées ou non planifiées dans les camps de déplacés, certaines femmes et certaines filles recourent à des méthodes traditionnelles et à des infusions connues pour leurs propriétés abortives pour interrompre leur grossesse.[110] Le misoprostol, un médicament utilisé pour les ulcères gastriques et pour provoquer un accouchement, se trouve aussi facilement sur les marchés de rue et peut provoquer un avortement. La façon de l’utiliser est généralement bien connue.[111] Les professionnels de santé interrogés par Human Rights Watch ont tous confirmé qu’ils avaient constaté une augmentation du nombre de cas présentant des complications liées à des avortements provoqués par le misoprostol.[112]
Le directeur médical de l’hôpital public de gynécologie et d’obstétrique a souligné que, même s’il n’était pas en mesure de fournir des chiffres précis, il avait noté une hausse prononcée du nombre de jeunes femmes et de filles qui arrivaient dans son établissement avec des complications, notamment des hémorragies, dues à des avortements illégaux pratiqués dans des conditions dangereuses.[113] Bien que la plupart des cas enregistrés à l’hôpital s’avèrent être des complications dues à des avortements provoqués par la prise d’un médicament tel que le misoprostol, certains cas extrêmes concernent des infections dues à l’introduction d’un objet métallique non aseptisé dans l’utérus dans le but de provoquer un avortement.[114] La Maternité Isaïe Jeanty (Chancerelles) a soigné des filles qui n’avaient pas plus de quatorze ou quinze ans pour des infections et autres complications liées à des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses.[115]
L’infirmière-chef Caillot à Chancerelles a expliqué :
Nous voyons beaucoup [de cas de complications résultant] d’avortements, que ce soit à cause du Cytotec [nom de marque du misoprostol] ou à cause d’instruments. C’est un grand problème pour la santé des femmes. Les femmes arrivent avec des infections qui sont dangereuses.[116]
L’hôpital a également traité des cas de femmes qui avaient déjà plusieurs enfants et avaient tenté d’avorter lors de leur dernière grossesse.[117] Dans bien des cas, ces femmes n’avaient pas eu accès à la planification familiale. L’hôpital offre donc une planification familiale après avoir soigné les complications liées à l’avortement.[118]
L’hôpital n’a pas été en mesure de fournir de statistiques à Human Rights Watch sur le nombre de complications qu’il traite chaque mois et qui sont dues à des avortements, mais l’infirmière accoucheuse chef a indiqué que l’hôpital avait pratiqué environ trois hystérectomies cette année-là sur des femmes qui étaient arrivées avec des infections avancées dues à des avortements non médicalisés.[119] L’Hôpital Universitaire de la Paix (HUP) est un autre hôpital public qui dispense des soins obstétricaux mais traite environ un cinquième du nombre de femmes enceintes que traite Chancerelles. L’HUP a indiqué avoir traité huit cas d’avortements incomplets en décembre 2010, dernier mois pour lequel il pouvait fournir des données.[120] L’Hôpital général (HUEH) ne disposait pas de données d’admission officielles sur les femmes et les filles traitées pour des complications provoquées par des avortements incomplets. Cependant, des membres du personnel de l’hôpital ont signalé à Human Rights Watch qu’à leur avis, depuis le tremblement de terre, l’hôpital avait traité davantage de patientes souffrant de complications liées à des avortements non médicalisés. [121]
Tesol a expliqué qu’elle avait pris le risque de pratiquer un avortement illégal dans des conditions dangereuses parce que sa grossesse n’était pas planifiée et qu’elle n’avait pas les moyens de s’occuper de l’enfant.
J’ai pris beaucoup de médicaments pour avorter de ce bébé. Je l’ai mis au monde parce que ça n’a pas marché avec les médicaments. J’ai pris une bière et des médicaments qui ont coûté 3,15 $US. Je me suis procuré les médicaments dans une pharmacie. C’est une personne, une amie, qui m’en avait parlé… [Puis] j’ai perdu connaissance ; j’étais inconsciente. … Le docteur m’avait dit que si j’avortais, j’aurais un problème parce que j’étais déjà enceinte de quatre mois. Le docteur ne m’a pas aidée à avorter ; il m’a dit que c’était illégal.[122]
Tesol a confié à Human Rights Watch que même après cette expérience et après avoir accouché à l’hôpital, elle avait l’impression de ne pas avoir suffisamment accès à la contraception, s’exposant au risque d’une nouvelle grossesse non désirée.
Avant le séisme, le Comité CEDAW s’était inquiété du fait que l’avortement était fréquemment utilisé en Haïti comme méthode de planification familiale. Il avait appelé le gouvernement à ouvrir largement l’accès aux moyens de contraception et à élaborer des programmes d’éducation sexuelle afin « d’éviter la nécessité pour les femmes de recourir aux avortements illégaux ».[123] Pratiquer des avortements illégaux dans des conditions dangereuses peut, comme l’a noté le Comité des droits de l’homme, mettre en péril « la vie et la santé des mères concernées ».[124] En Haïti, les avortements contribuent de façon significative au taux de mortalité maternelle, l’avortement étant associé à treize pour cent des décès maternels enregistrés dans le pays.[125] Afin d’éviter le recours à cette pratique dangereuse, l’accès à la planification familiale pour les femmes et les filles vivant dans les camps de déplacés s’avère cruciale si le gouvernement veut s’acquitter de l’obligation qui lui incombe de réduire le taux de mortalité maternelle et de garantir le meilleur état de santé susceptible d’être atteint.
Les obstacles pour accéder aux soins obstétricaux
Lorsque les femmes et les filles tombent enceintes en Haïti, elles ont droit aux soins prénatals.[126] Dans les zones affectées par le tremblement de terre, des consultations prénatales sont organisées gratuitement ou à un prix symbolique grâce au plus grand nombre de services dispensés par des organisations telles que Médecins Sans Frontières (MSF), Médecins du Monde et Save the Children, et grâce à l’utilisation accrue des installations du projet Soins Obstétricaux Gratuits (SOG). Néanmoins, Human Rights Watch a noté que des obstacles autres que le coût des visites empêchaient certaines femmes et certaines filles d’avoir accès aux soins prénatals ou de se rendre aux quatre consultations prénatales recommandées par l’OMS. Ces obstacles sont notamment la méconnaissance de la nécessité des soins, l’endroit où ces soins sont accessibles, ainsi que les barrières économiques qui ne sont pas directement associées au coût d’une consultation prénatale, par exemple le coût du transport ou d’une échographie.
Le manque d’accès à l’information
Ellen, une jeune maman de 17 ans vivant dans un camp à Maïs Gâté, a perdu son père et sa mère dans le tremblement de terre. Elle vit avec sa sœur aînée sous tente dans un camp de personnes déplacées près de l’aéroport. Elle est tombée enceinte peu après le séisme. Le père de l’enfant l’a quittée. Elle ne s’est pas rendue aux consultations prénatales et lorsque le travail d’accouchement a commencé, elle est restée dans le camp et a mis son enfant au monde avec l’aide de sa sœur. Elle a déclaré qu’elle ne s’était pas rendue aux consultations prénatales ou à l’hôpital pour accoucher parce qu’il s’agissait de son premier enfant et qu’elle était inexpérimentée.[127]
C’est mon premier enfant et je n’avais personne pour me conseiller de me rendre dans un centre de consultation [pour des soins prénatals]… J’ai accouché dans le camp parce que personne ne m’a dit d’aller à l’hôpital. Personne ne m’a aidée sauf ma sœur.[128]
Ellen n’a eu besoin d’aucune intervention médicale urgente, mais le fait d’ignorer qu’elle devait recevoir des soins aurait pu lui être fatal. Le rapporteur spécial de l’ONU sur la santé a relevé que le manque d’accès à l’information était l’un des facteurs qui aggravaient la vulnérabilité des femmes à la mauvaise santé.[129] Le droit d’avoir accès à l’information et à une éducation relative à la santé est une composante du droit aux soins prénatals, comme c’est le cas avec la planification familiale.[130]
Les grossesses précoces, comme celle d’Ellen, peuvent avoir des effets néfastes sur la santé. Les adolescentes enceintes devraient avoir accès à l’information sur la grossesse, l’accouchement et les services de santé adaptés à leurs besoins spécifiques.[131]
Pourtant, lors d’entretiens avec Human Rights Watch, des femmes et des filles, en particulier des adolescentes enceintes, n’avaient pas bénéficié de soins prénatals ont signalé qu’elles n’avaient pas eu accès à l’information à propos de l’importance des soins et des endroits où elles pouvaient se faire soigner. Le séisme a détruit bon nombre des centres médicaux de proximité où les femmes se faisaient soigner auparavant. Après le tremblement de terre, beaucoup de femmes et de filles se sont installées dans des quartiers de la ville qu’elles ne connaissaient pas et elles ne savaient pas exactement où solliciter des soins. Mardin vit dans le camp de déplacés près de l’aéroport et elle a fait remarquer à Human Rights Watch qu’elle s’était rendue aux consultations prénatales lorsqu’elle attendait ses autres enfants. Lors de sa dernière grossesse, elle n’est pas allée aux consultations prénatales parce que le séisme avait détruit l’hôpital où elle se rendait antérieurement.[132] Un médecin ayant des années d’expérience en Haïti a expliqué :
Le séisme a détruit les systèmes sociaux et bon nombre des points de repère physiques des communautés ont disparu : les écoles, les petits centres de consultation, etc. Les gens se sont installés dans de nouveaux quartiers et la géographie a complètement changé. Ils ne savaient pas ce qui existait auparavant, quels centres de consultation ou quels hôpitaux, ou ce qui est disponible aujourd’hui. Le combat quotidien dans les camps est difficile et les familles ne peuvent pas prévoir les besoins qu’elles auront dans le futur en matière de santé. Lorsque le besoin surgit, les gens ne savent pas où aller. Ils demandent à d’autres personnes, et la plupart ne connaissent que l’hôpital général, qui est trop loin et a la réputation de manquer de médicaments ou de médecins.[133]
Human Rights Watch a également établi qu’un nombre considérable de femmes et de filles interrogées qui n’avaient pas bénéficié de soins prénatals avaient rencontré des difficultés lors de leur accouchement. Setania est tombée malade au septième mois de sa grossesse. Elle compte parmi celles qui ont eu de la chance car elle a pu se rendre jusqu’à l’hôpital et son accouchement a été provoqué. Elle a mis au monde un bébé prématuré et au moment de l’entretien, elle et son nouveau-né se rétablissaient. Micheline, par contre, n’a pas sollicité de soins prénatals et elle a accouché d’un enfant mort-né en mars 2010. Elle n’avait pas eu de problèmes pendant sa grossesse et ne savait dès lors pas qu’elle aurait dû se rendre à des consultations prénatales.[134]
Si l’on veut réduire la mortalité maternelle par le canal de l’assistance prénatale, il est essentiel de fournir une information relative à l’importance des soins prénatals et aux endroits où ils sont accessibles.[135] Le tremblement de terre a modifié fondamentalement le paysage des soins prénatals et forcé certaines femmes et certaines filles à quitter les quartiers où elles connaissaient les services de santé mis à leur disposition. Il faut que le gouvernement identifie les mesures ciblées qu’il peut prendre pour fournir aux femmes et aux filles déplacées par le séisme l’information nécessaire concernant l’accès aux soins disponibles. Cela requerra une certaine coordination avec les ONG et les bailleurs de fonds partenaires, à la fois pour déterminer quels services sont disponibles et pour diffuser des informations exactes à propos des services dont peuvent bénéficier les femmes et les filles.
L’accessibilité économique
Vyola, une jeune femme de 27 ans vivant dans un camp à Delmas 33, a confié à Human Rights Watch que « [c]’était difficile de me rendre aux consultations [prénatales] » parce qu’elle devait s’y rendre à pied.[136] Vyola devait marcher environ trois kilomètres sur une artère principale animée et gravir des collines abruptes pour se rendre aux consultations prénatales. Cela devenait de plus en plus problématique à mesure qu’elle avançait dans sa grossesse. Vyola était toutefois heureuse de recevoir des soins gratuits.
Pour beaucoup de femmes et de filles interrogées par Human Rights Watch, supprimer le coût des consultations prénatales n’a pas suffi pour rendre celles-ci économiquement accessibles. Elles ont au contraire interrompu leurs visites prénatales à cause des obstacles financiers, notamment le coût du transport jusqu’aux établissements de soins de santé et les frais associés à l’échographie prescrite. Leur expérience confirme que pour que les soins de santé soient « abordables » dans la pratique, il faut veiller à ce que « [l]e coût des services de soins de santé ainsi que des services relatifs aux facteurs fondamentaux déterminants de la santé […] qu’ils soient fournis par des opérateurs publics ou privés, soient abordables pour tous, y compris pour les groupes socialement défavorisés » (italique ajouté).[137]
Le coût des transports peut rendre les soins prénatals gratuits économiquement inaccessibles en Haïti. Pour la plupart des femmes et des filles interrogées par Human Rights Watch, les taxis et les mototaxis, qui coûtent quelques dollars américains, étaient trop chers à utiliser pour se rendre aux consultations prénatales. La plupart des femmes et des filles ont expliqué que soit elles parcouraient de longues distances à pied pour se rendre aux consultations, soit elles prenaient des transports semi-publics (tap-taps), qui revenaient moins cher que les taxis.[138] Certaines ont précisé qu’elles n’avaient même pas les moyens de prendre les tap-taps ; d’autres se sont plaintes du fait qu’à mesure qu’elles avançaient dans leur grossesse, il leur était de plus en plus difficile de marcher jusqu’à l’établissement médical ou de circuler en tap-tap. Les femmes et les filles que nous avons interrogées et qui étaient capables de se rendre à pied aux consultations prénatales s’inquiétaient de la manière dont elles pourraient avoir accès aux soins une fois le travail commencé. Anita, une jeune femme de 27 ans vivant près du Champ de Mars, a expliqué :
Je vais à pied à l’hôpital. Cela me fait trois heures de marche jusqu’à l’hôpital. Je n’ai pas d’argent pour payer une voiture. Quand je devrai accoucher, j’espère que quelqu’un paiera pour moi.[139]
Les frais de déplacement sont remboursables dans le cadre du projet Soins Obstétricaux Gratuits (SOG), ce qu’Anita ne savait pas. Une évaluation réalisée en février 2011 analysant les trois mois antérieurs du projet SOG a révélé que moins de huit pour cent des participantes SOG utilisaient cette composante du programme ; seules 0,3 pour cent des participantes recevaient un remboursement à travers le projet SOG pour le transport utilisé jusqu’à l’hôpital universitaire pour les soins prénatals.[140] Les données disponibles semblent indiquer que les femmes et les filles ne sont peut-être pas au courant de ce droit, car celles interrogées par Human Rights Watch ont invariablement déclaré que le transport était un obstacle pour accéder aux soins.
Bon nombre de femmes et de filles que nous avons interrogées ont également signalé que le coût des échographies constituait un obstacle considérable pour continuer à avoir accès aux soins prénatals. Les grossesses à haut risque peuvent certes être diagnostiquées et suivies sans échographies, mais il n’en demeure pas moins que celles-ci s’avèrent utiles pour « diagnostiquer la mort du fœtus à tout âge, évaluer le bien-être du fœtus, estimer le volume du liquide amniotique et diagnostiquer une grande diversité de malformations de l’enfant. »[141]
La plupart des centres de consultation ou des établissements de santé publics ne pratiquent pas d’échographie et les femmes et les filles doivent se rendre à un laboratoire ou un établissement privé pour en faire une. Par ailleurs, le programme SOG n’inclut pas les échographies parmi les soins gratuits.[142]
Human Rights Watch a constaté que les échographies constituaient un obstacle aux soins, non pas parce qu’elles sont une condition préalable et nécessaire pour la santé maternelle, mais parce que beaucoup de femmes et de filles avec lesquelles nous nous sommes entretenues pensaient qu’elles ne pouvaient pas retourner aux consultations suivantes sans les résultats de l’échographie. Certaines sollicitaient des soins prénatals dans plusieurs établissements différents pour éviter de voir le médecin qui leur avait prescrit initialement l’échographie, les poussant à de nouveaux déplacements, plus chers encore.
Plusieurs femmes et filles enceintes ont expliqué à Human Rights Watch qu’elles n’allaient plus à aucune consultation prénatale parce qu’elles ne pouvaient pas payer les échographies. Myrlande, une jeune femme de 22 ans vivant au Champ de Mars, est tombée enceinte après avoir été agressée sexuellement par trois hommes. Elle a commencé à recevoir des soins prénatals mais y a renoncé. Elle a raconté :
[Les médecins de l’hôpital général] m’ont donné un rendez-vous et m’ont dit de revenir avec les résultats de l’échographie. […] Je ne me souviens pas de la dernière fois où je suis allée chez le médecin. […] J’aurais continué à y aller si j’avais eu l’échographie.[143]
Certaines femmes et certaines filles qui ont interrompu les soins comme Myrlande ont également confié qu’il leur arrivait de temps en temps de ressentir de fortes douleurs associées à leur grossesse.[144]
Dans un petit nombre de cas analysés par Human Rights Watch, le coût de l’échographie a même eu un impact sur la décision de la femme de solliciter des soins obstétricaux. Plusieurs femmes et filles interrogées ont déclaré qu’elles pensaient ne pas pouvoir retourner dans le même établissement pour accoucher si elles n’étaient pas en mesure de payer l’échographie. Adeline a expliqué qu’elle avait cessé d’aller aux consultations parce qu’elle ne pouvait pas payer l’échographie et, lorsque le travail a commencé, elle s’est rendue dans un hôpital beaucoup plus éloigné parce qu’elle pensait ne pas pouvoir accoucher dans l’établissement où elle était allée pour les consultations.[145]
Yvonne, une femme de trente ans vivant dans un camp à Croix-des-Bouquets, pensait aussi qu’elle ne pouvait pas accoucher à l’hôpital dans lequel on lui avait demandé de faire une échographie. Elle s’était résignée à donner naissance à son enfant au camp, mais elle a dû recourir à des soins obstétricaux urgents dans un centre médical après avoir eu des problèmes durant le travail.
Je suis allée dans plusieurs hôpitaux différents pour les consultations avant d’accoucher [parce que] […] quand ils me demandaient de faire une échographie, et je n’avais pas d’argent pour l’échographie, je changeais d’hôpital […] Personne ne m’a dit que j’aurais un accouchement difficile […] [mais] j’avais mal quand le travail a commencé. Je suis arrivée à l’hôpital à neuf heures, à dix heures je n’avais pas accouché et à onze heures, on m’a fait une césarienne.[146]
Une autre femme, Benita, ne pouvait pas non plus payer l’échographie qui lui avait été prescrite et elle a interrompu les consultations prénatales. Son bébé est décédé peu après son accouchement dans la tente.
Bien qu’en mettant en place des soins gratuits, le gouvernement haïtien ait pris une importante mesure pour supprimer les obstacles économiques rencontrés pour les soins prénatals, il subsiste certains frais qui empêchent les femmes de recourir aux soins dont elles ont besoin et qui pourraient se révéler vitaux. Human Rights Watch a noté que les frais annexes des soins prénatals continuaient à rendre ces derniers économiquement inaccessibles pour les femmes et les filles les plus vulnérables que les chercheuses ont interrogées, entravant les efforts du gouvernement. Il s’agit d’un problème qui pourrait ne pas concerner uniquement les camps de déplacés, mais auquel se heurtent peut-être bon nombre de femmes et de filles en Haïti. Les femmes et les filles qui ne sont pas en mesure d’avoir accès aux soins prénatals gratuits fournis par l’État parce qu’elles ne peuvent pas payer les dépenses annexes n’ont pas le même accès à ces services que celles qui ont les moyens de payer ces frais.
Les obstacles pour avoir accès aux soins obstétricaux
Lorsque Tamara, l’adolescente de 17 ans qui aimerait avoir accès à la planification familiale, a commencé le travail d’accouchement, elle est restée dans sa tente pour mettre son enfant au monde sans l’aide de personnel médical formé. La tente qu’elle partage avec sa famille ressemble à une vieille tente en toile de l’armée, avec à peine de la place pour un lit de camp. Elle est perchée de façon précaire à flanc de coteau et donne sur une ruelle étroite. Tamara voulait aller à l’hôpital mais lorsque le travail a commencé, il a été décidé qu’elle n’aurait pas le temps d’arriver jusqu’à l’hôpital. Sa mère l’a donc aidée à mettre le bébé au monde dans la tente. Tamara a déclaré d’un ton songeur, sans grande émotion, « [c’]était vraiment difficile d’accoucher ici ».[147]
Les femmes et les filles comme Tamara devraient pouvoir recourir aux services d’un accoucheur qualifié et à des services obstétricaux appropriés, notamment des services obstétricaux d’urgence et des soins postnatals, et bénéficier de services gratuits lorsque cela s’avère nécessaire.[148] Comme l’a noté la Commission interaméricaine des droits de l’homme, « la prestation de services de santé maternelle appropriés et en temps voulu est l’un des principaux moyens » de garantir le droit des femmes à l’intégrité personnelle dans le domaine de la santé.[149]
Human Rights Watch a interrogé 75 femmes et filles qui avaient déjà accouché au moment des entretiens. Plus de la moitié d’entre elles avaient mis leur enfant au monde ailleurs que dans un établissement médical, plus d’un quart ayant accouché dans un camp et d’autres dans la rue en se rendant à l’hôpital, sans l’assistance d’un accoucheur qualifié. À une écrasante majorité, les femmes ont déclaré qu’elles auraient préféré accoucher dans un hôpital. Quatre-vingt-sept pour cent des femmes enceintes vivant dans des camps ont signalé avoir la même préférence au Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA). Pour deux groupes de femmes, celles âgées de 25 à 29 ans et celles âgées de 30 à 34 ans, la proportion atteignait 92 pour cent.[150]
Human Rights Watch a relevé des éléments mettant en évidence les « trois retards » qui, dans de nombreux cas, avaient empêché les femmes et les filles d’avoir accès aux soins obstétricaux appropriés : 1) les femmes n’avaient pas sollicité les soins appropriés car elles manquaient d’informations et n’avaient pas reconnu les premiers signes de l’accouchement ; 2) les femmes ne s’étaient pas rendues dans un établissement dispensant les soins appropriés à cause de la distance, des problèmes de sécurité ou du coût des transports ; et 3) les femmes n’avaient pas bénéficié de soins appropriés lorsqu’elles étaient arrivées à l’établissement parce qu’elles ne pouvaient pas payer les soins ou l’établissement manquait de ressources.[151]
Le manque d’acc ès à l’information sur la façon ou le moment d’accéder aux soins obstétricaux
Founa, 21 ans, a accouché dans sa tente, dans un camp à Pétion-ville. Elle a confié à Human Rights Watch qu’elle n’avait pas eu le temps de se rendre à l’hôpital parce qu’elle avait entamé la phase du travail très vite.[152] « Le médecin ne m’a pas dit comment savoir quand le bébé allait venir », a-t-elle expliqué.[153] Bon nombre de femmes et de filles interrogées par Human Rights Watch ont déclaré qu’elles voulaient accoucher à l’hôpital, mais qu’elles n’avaient pas eu le temps d’arriver à l’établissement de santé une fois que le travail avait commencé. Human Rights Watch a constaté que souvent, le manque de temps était lié au manque d’information sur les premiers signes de l’accouchement ainsi que sur l’endroit où aller et comment y aller. D’autres ont dit avoir parlé au médecin des signes de l’accouchement, mais elles semblaient déconcertées par les informations fournies.
Carlene, une jeune femme de 28 ans vivant dans un camp à Pétion-ville, était en travail depuis près d’un jour lorsqu’elle s’est rendue à l’hôpital pour solliciter des soins :
J’étais dans la phase du travail depuis un jour. D’abord j’étais chez moi, mais j’ai su que je devais aller à l’hôpital quand j’ai eu mal au ventre. Le docteur m’avait parlé des signes de l’accouchement et m’avait dit d’aller à l’hôpital. La tête du bébé était sortie de mon vagin quand je suis arrivée à l’hôpital.[154]
Si Founa, Carlene, ou d’autres femmes et d’autres filles interrogées qui n’avaient pas reconnu les premiers signes de l’accouchement, s’étaient trouvées dans une situation d’urgence obstétricale, le retard pris pour solliciter des soins, dû au manque d’information, aurait pu leur coûter la vie.
Dans le cas de Vania, une femme vivant dans un camp à Maïs Gâté, ce manque d’information a peut-être contribué à la mort de son enfant. Vania a accouché en octobre 2010, dans sa tente à même le sol. Elle se trouvait seule dans sa tente lorsque le travail a commencé. Elle ne savait pas à quelle date elle devait accoucher, mais elle savait qu’elle souffrait d’hypertension. Quand elle a enfin pris conscience qu’elle était dans la phase du travail, il était trop tard pour se rendre à l’hôpital. Une amie de son église l’a aidée à accoucher, mais le bébé est mort peu après. Vania ne sait pas pourquoi le bébé est mort. Elle n’a pas reçu de soins postnatals et n’a pas consulté de médecin depuis l’accouchement.[155]
Human Rights Watch a noté que certaines femmes et certaines filles que nous avons interrogées manquaient d’informations sur l’endroit où elles pouvaient accoucher. Dans l’Haïti de l’après-séisme, élaborer un plan de naissance, notamment savoir où aller au moment de l’accouchement, est important. Quatre-vingt-un pour cent des établissements médicaux interrogés par le Fonds des Nations Unies pour la Population en octobre 2010 dispensaient des soins prénatals, mais seuls 22 pour cent étaient équipés pour fournir des services obstétricaux. La majorité des femmes qui ont accès aux soins prénatals dans un établissement doivent dès lors choisir un établissement différent pour leur accouchement. Rares étaient les femmes ou les filles que nous avons interrogées qui avaient discuté d’un plan de naissance avec leur médecin. [156] Par voie de conséquence, lorsque ces femmes ou ces filles ont commencé la phase de travail ou ont rencontré des problèmes au moment d’accoucher, certaines ne savaient pas où aller pour solliciter des soins gratuits ou urgents.
Human Rights Watch estime d’une part que le manque d’accès à l’information est l’un des principaux facteurs qui font que certaines femmes et certaines filles tardent à solliciter les soins appropriés et, d’autre part, que le gouvernement haïtien devrait identifier les mesures qu’il peut prendre en fonction de ses ressources pour remédier à ce manque d’information. Il devrait également travailler en collaboration avec les ONG et les bailleurs de fonds partenaires pour élaborer et financer des programmes visant à combler les lacunes en matière d’information auxquelles le gouvernement ne peut remédier.
Les obstacles pour accéder aux soins obstétricaux disponibles
Avant le tremblement de terre, Claire avait été aidée par des accoucheurs qualifiés lorsqu’elle a mis au monde ses cinq premiers enfants. Mais elle vivait dans un camp à Delmas 33 lorsque le travail a commencé pour son sixième enfant, et elle a accouché seule dans sa tente. Claire a confié à Human Rights Watch : « La tente cause des ennuis et des maladies. Je n’aurais pas accouché dans la tente [si je n’y avais pas été obligée] ».[157] Le séisme a déplacé Claire dans un nouveau quartier qu’elle ne connaissait pas bien. Elle ne se sentait pas à l’aise à l’idée de sortir du camp à pied la nuit et elle n’avait pas d’argent pour le transport.
Personne ne m’a aidée pour celui-ci. C’est pourtant Dieu qui l’a mis au monde parce qu’il n’y a pas eu de problèmes. Dieu m’a aidée, et je n’ai pas dû quitter le camp la nuit. [Sinon] j’aurais eu besoin d’une voiture ; j’aurais dû payer le transport.[158]
Human Rights Watch a relevé que d’autres femmes et filles comme Claire s’étaient heurtées à des obstacles pour accéder aux soins obstétricaux disponibles, notamment aux soins d’urgence, à cause du coût et de la disponibilité des moyens de locomotion. Dans un petit nombre de cas, des femmes et des filles ont également signalé à Human Rights Watch que l’inquiétude qu’elles ressentaient pour leur sécurité les avait retardées ou empêchées de se rendre à l’hôpital lorsque le travail d’accouchement avait commencé la nuit.[159]
Lorsque Benita, 23 ans, s’est trouvée en travail, elle n’avait pas d’argent pour se rendre à l’hôpital. Elle a accouché dans le camp où elle vivait près de Maïs Gâté : son bébé est décédé moins de 24 heures plus tard.[160] Benita a expliqué :
Les hôpitaux sont gratuits mais vous devez payer le transport, et je n’avais pas ça. […] C’était difficile. J’ai beaucoup souffert… À quatre heures de l’après-midi, le travail a commencé, j’ai accouché à sept heures du soir. Le bébé est mort le lendemain à deux heures de l’après-midi. Tout allait bien … pas de problèmes … et puis il était mort. On n’a pas appelé l’ambulance et on n’est pas allés à l’hôpital. Mais on a fait des funérailles. [Ni la naissance ni la mort du bébé n’ont été enregistrées.] C’était dur pour moi.[161]
À l’instar de Benita, beaucoup de femmes et de filles interrogées par Human Rights Watch qui ont accouché dans les camps n’ont reçu d’autres soins que ceux que pouvait leur procurer un parent ou un ami. Plusieurs femmes ont raconté avoir accouché seules, ne recevant de l’aide qu’au moment de couper le cordon ombilical. Elimsie, une femme de 37 ans vivant dans un camp de Maïs Gâté, a expliqué : « J’ai accouché dans ma tente. […] Au moment où j’ai mis l’enfant au monde, ils ont appelé la sage-femme pour couper le cordon ombilical ».[162] Il n’y avait pas de sage-femme disponible lorsque Virginie a mis son enfant au monde, alors, selon elle, elle a « juste coupé le cordon » elle-même.[163]
Récemment, la sœur de Mona est morte en couches. Elle vivait quelque part à l’extérieur du camp de Delmas 33 où Mona, 36 ans, habitait et venait aussi d’accoucher. Mona a donné naissance à son enfant dans sa tente, sans aucune assistance. « J’ai accouché à même le sol », a-t-elle expliqué. « Je n’avais pas de médicaments contre la douleur pendant l’accouchement. J’ai consulté un médecin trois jours plus tard, et il m’a donné du paracétamol ».[164]
Contrairement à Mona, la plupart des femmes et des filles que nous avons interrogées n’ont pas mentionné avoir eu accès à des soins post-partum. Seules quelques-unes ont indiqué qu’elles avaient vu un médecin après l’accouchement. Rosemarie s’est plainte à Human Rights Watch du fait qu’elle souffrait de douleurs à l’abdomen depuis la naissance. On lui avait dit de retourner chez le médecin, mais elle n’a pas été en mesure de quitter le camp pour solliciter des soins parce qu’elle n’avait pas d’argent pour le transport et avait peur de laisser sans surveillance ce qu’elle possédait.[165] « La principale priorité des personnes vivant dans les camps est de défendre leur espace et de protéger le peu de choses qu’elles possèdent encore », a expliqué un professionnel de santé.[166]
Cinq femmes interrogées par Human Rights Watch ont perdu leur bébé dans les 24 heures qui ont suivi la naissance. Aucune d’elles n’a mentionné avoir eu accès à des soins postnatals.
Human Rights Watch a relevé que certaines femmes et certaines filles interrogées n’avaient pas eu accès aux accoucheurs traditionnels pour les aider pendant l’accouchement. Ces accoucheurs vivent dans pratiquement chaque camp visité par Human Rights Watch et ils dispensent des soins élémentaires aux femmes et aux filles. Néanmoins, l’accès à des accoucheurs non qualifiés ne suffit pas dans bon nombre de cas où une urgence obstétrique survient, et dans la plupart des cas, les accoucheurs seraient incapables de sauver une mère ou un bébé. Demandant jusqu’à trente dollars américains, ils pratiquent souvent des tarifs prohibitifs pour les femmes et les filles indigentes.
Jessie, vivant dans un camp à Croix-des-Bouquets, était seule dans sa tente avec ses deux enfants lorsqu’elle est entrée dans la phase du travail. Une accoucheuse traditionnelle est venue l’aider. Cela fait des mois qu’elle ne peut pas payer les honoraires et l’accoucheuse se rend maintenant chaque jour dans sa tente pour lui réclamer son argent.[167]
Bien que le gouvernement haïtien ait pris des mesures visant à ce que les soins obstétricaux soient économiquement accessibles, les frais complémentaires associés à l’accès physique aux soins empêchent certaines femmes et certaines filles indigentes vivant dans des camps de déplacés d’avoir accès aux soins. Le cas des mères adolescentes et autres femmes enceintes à haut risque obligées d’accoucher dans les conditions déplorables des camps est particulièrement préoccupant. Le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) estime qu’il y a eu une hausse de soixante pour cent des grossesses chez les adolescentes depuis le tremblement de terre.[168] Comme l’a souligné précédemment Human Rights Watch, les adolescentes sont particulièrement exposées au risque d’obstruction du travail, l’une des cinq causes principales de mortalité maternelle dans le monde.[169]
Le gouvernement haïtien est tenu de protéger le droit à la santé des femmes et des filles, ce qui l’oblige à prendre des mesures visant à prévenir le décès de femmes en couches ou pendant la grossesse, notamment en procurant des soins obstétricaux réguliers et d’urgence.[170] Les femmes et les filles confrontées à des urgences obstétricales doivent pouvoir accéder à des soins pour prévenir la morbidité ou la mortalité maternelles. Le gouvernement a non seulement l’obligation de rendre les services de santé économiquement accessibles, mais il devrait aussi identifier et mettre en œuvre les mesures qu’il peut prendre pour veiller à rendre économiquement abordable l’accès aux soins gratuits pour les femmes et les filles les plus vulnérables.
Les obstacles pour accéder à des soins de qualité dans les établissements médicaux
Les femmes et les filles qui sont capables de se rendre dans un établissement médical devraient pouvoir obtenir des soins obstétricaux de qualité. La qualité des soins est importante car elle affecte directement la santé des personnes qui sollicitent les soins, et les soins de mauvaise qualité peuvent d’ailleurs influencer la décision que prendra une femme de se faire soigner ou non.[171] Human Rights Watch a constaté que certaines femmes et certaines filles qui ont accès à des établissements médicaux pour accoucher ne sont pas assurées d’avoir accès à des soins de qualité raisonnable.
Bien que de nombreux établissements de la région métropolitaine de Port-au-Prince dispensent gratuitement des soins obstétricaux d’urgence, Human Rights Watch a rencontré plusieurs femmes et filles qui ne le savaient pas et qui se sont rendues dans des hôpitaux ne participant pas au programme SOG pour solliciter des soins obstétricaux d’urgence. Elles ont eu des difficultés à obtenir un traitement car elles n’étaient pas en mesure de le payer.
Darline a ressenti de terribles douleurs durant le travail et elle a été transportée dans un hôpital pour travailleurs assurés afin de pratiquer une césarienne, mais l’hôpital a refusé de l’admettre car elle n’avait pas les 625 dollars américains nécessaires pour payer l’opération. La famille de Darline connaissait quelqu’un qui travaillait dans l’établissement et est parvenue à négocier un tarif moins élevé, mais qui n’incluait pas les soins postopératoires.[172]
Yvette n’a pas eu autant de chance. Elle s’était rendue aux consultations prénatales comme on lui avait indiqué, mais l’établissement ne dispensait pas de soins obstétricaux. Elle s’est donc rendue dans un autre hôpital pour accoucher. Lorsque le travail a commencé un soir dans un camp près de l’aéroport, elle n’avait pas d’argent pour prendre un taxi et s’est mise en route à pied en direction d’un hôpital situé à huit kilomètres, jusqu’à ce qu’un ami qui avait une voiture la prenne en chemin. Elle est arrivée dans un hôpital privé, mais le gardien n’a pas voulu la laisser entrer. Lorsqu’elle a finalement été admise, le médecin qui l’a examinée n’arrivait pas à repérer les battements de cœur du bébé ; il croyait que le bébé était mort et lui a dit qu’il fallait lui faire une césarienne. Elle ne pouvait pas payer l’opération et s’est vu demander de quitter l’hôpital. Toujours en travail, elle a quitté l’hôpital et a accouché sur le coin de la rue :
Cela a duré de minuit à deux heures du matin, et puis le bébé est né. […] Pendant deux heures, on était sur le coin et j’étais toute seule. J’avais très peur, j’étais terrifiée… [À 2 heures du matin], le médecin de [l’hôpital] m’a coupé le cordon ombilical pour cinquante dollars américains. Quand on m’a coupé le cordon ombilical, je n’avais pas d’argent pour payer… Alors il a pris la voiture de l’ami qui m’avait amenée à l’hôpital [jusqu’à ce que je puisse le rembourser].[173]
Le bébé est né en vie et en bonne santé.
Certaines femmes et filles interrogées par Human Rights Watch qui ont sollicité des soins obstétricaux gratuits dans un établissement participant au programme SOG n’ont pas non plus bénéficié de soins de qualité. Par exemple, Chancerelles est la plus grande maternité publique de la ville. Avant le séisme, elle manquait cruellement de personnel et de ressources.[174] Le tremblement de terre a détruit un hôpital d’obstétrique d’urgence de MSF à Delmas 33.[175] MSF s’est installé à Chancerelles pendant la reconstruction de son hôpital, augmentant sa capacité et la qualité de ses soins.[176] Néanmoins, même avec l’assistance de MSF, Chancerelles n’a pas dispensé à toutes les femmes des soins de grande qualité. Martine, 32 ans, a raconté :
J’ai accouché à Chancerelles, par terre. Je ne fais pas confiance à la sage-femme (accoucheuse traditionnelle) et [...] alors je suis allée à l’hôpital. Tous les lits étaient occupés et donc je n’ai pas eu de place [pour m’allonger pour l’accouchement]. Le médecin n’a fait que couper le cordon ombilical et couper le placenta. Mon mari était là mais il n’a pas vu quand j’ai mis le bébé au monde ; ils l’ont fait asseoir dehors. Ils n’ont rien mis sur le sol pour moi. À dix heures du matin, j’ai commencé le travail ; je suis arrivée à l’hôpital à treize heures. J’ai accouché à 16h50… Ils m’ont renvoyée chez moi à 22 heures… Aucun médecin, aucune infirmière, aucune sage-femme n’était là pour m’aider au moment de l’accouchement. Ils sont seulement arrivés après pour couper le cordon.[177]
Après la naissance, Martine a eu une infection qui a nécessité un traitement, qu’elle a sollicité ailleurs.
L’impact de l'insécurité alimentaire sur la santé reproductive et maternelle
L'insécurité alimentaire dans les camps de déplacés peut avoir un impact sur la santé des femmes enceintes et des mères allaitantes. Human Rights Watch a constaté que l'insécurité alimentaire a conduit certaines femmes et jeunes filles vulnérables que nous avons interrogées à avoir recours à des rapports sexuels monnayés, ce qui aggrave l'impact sanitaire de l'absence d'accès à la planification familiale dans les camps, et contribue à des grossesses involontaires et non désirées.
L'insécurité alimentaire pour les mères enceintes et allaitantes
Beaucoup de femmes et jeunes filles enceintes et de mères allaitantes ont confié à Human Rights Watch que l'insécurité alimentaire constitue pour elles une préoccupation majeure. Pendant la grossesse et l'allaitement, les femmes enceintes et les mères allaitantes ont droit à une alimentation adéquate, qui est un facteur déterminant de la santé.[178]
Avant le séisme, beaucoup de femmes et de filles en Haïti avaient du mal à satisfaire leurs besoins fondamentaux et ceux de leurs enfants : 23,8 pour cent de la population souffrait de malnutrition chronique et 9,1 pour cent de malnutrition aiguë. La situation était meilleure à Port-au-Prince, où le nombre de personnes sous-alimentées était la moitié de celui des zones rurales.[179]
Après le séisme, les organisations humanitaires internationales se sont précipitées pour fournir une aide alimentaire d'urgence : jusqu’à quatre millions de personnes ont reçu une aide alimentaire au cours des six premiers mois.[180] La distribution alimentaire générale s'est terminée autour de mars 2010, environ deux mois après le séisme. Bien que la distribution alimentaire ciblée pour les populations vulnérables a continué, notamment pour les mères enceintes et allaitantes et les enfants de moins de cinq ans, elle a été limitée aux patients présentant déjà des signes de malnutrition. Généralement, pour qu’une femme participe au programme de distribution alimentaire, son tour de bras était mesuré soit dans une clinique, une tente pour bébé, ou tout autre lieu où une femme ou une fille a accès à des professionnels de santé : si cette mesure indiquait l’éventualité qu’elle était sous-alimentée, elle était dirigée vers un centre de nutrition.[181]
Aucune des femmes ou des jeunes filles enceintes ou des mères allaitantes que Human Rights Watch a rencontrées n’a déclaré avoir reçu une aide alimentaire après la fin de la distribution générale. Une enquête systématique menée par le Centre pour les Droits humains et la Justice mondiale (Center for Human Rights & Global Justice, CHRGJ) à la faculté de droit de l’Université de New York a révélé des données qui « suggèrent des niveaux alarmants d’insécurité alimentaire » dans les camps de déplacés internes.[182] Presque toutes les femmes interrogées par Human Rights Watch ont soulevé des préoccupations relatives à leur sécurité alimentaire. « [Ce] n'est pas une bonne façon de vivre », a déclaré Céline, 19 ans, qui vit dans un camp au Champ de Mars. « Nous n'avons pas de nourriture, nous n'avons pas de sécurité. »[183]
Pour les femmes enceintes et les mères allaitantes, ne pas avoir accès à la nourriture peut avoir un impact sur leur santé. L'USAID a révélé que la faim et la malnutrition étaient l'un des principaux problèmes de santé maternelle et infantile auxquels Haïti est confronté. Cette sous-nutrition se reflète dans le fait que quatre pour cent des bébés naissent avec un poids insuffisant à la naissance. Par ailleurs, selon l'USAID, la cause sous-jacente de la mortalité maternelle et infantile élevée en Haïti est la malnutrition chronique.[184]
Au moins trois femmes et jeunes filles enceintes interrogées par Human Rights Watch ont affirmé se sentir extrêmement faibles à cause de la faim. Claudia, une jeune adolescente enceinte, a indiqué qu’un médecin lui avait conseillé de manger mieux, mais qu'elle ne peut pas parce que sa mère, chef de la famille, n'a pas de travail.[185] Tamara a déclaré à Human Rights Watch : « Quand j'ai de l'argent, je mange ; quand je n'en ai pas, je ne mange pas. Mais j'essaye quand même d'allaiter le bébé. »[186] Une autre femme, Adeline, a indiqué que son lait n'était pas suffisant pour son bébé, alors elle a dû arrêter l'allaitement. Pendant les trois derniers mois, elle l’a nourri seulement avec de la fécule de maïs mélangée à de l'eau.[187]
Pour les femmes et les filles comme Tamara et Adeline, une nutrition adéquate est un facteur déterminant pour la santé maternelle et infantile. Le gouvernement a peu de ressources pour répondre immédiatement aux immenses lacunes de la réalisation du droit à l'alimentation en Haïti. Cependant, il devrait s'assurer que les programmes d'aide alimentaire sont conçus, dans la pleine mesure où les ressources le permettent, pour répondre au droit des femmes et des filles à la santé, notamment la santé maternelle.
L'insécurité alimentaire et la vulnérabilité accrue aux grossesses involontaires et non désirées
Human Rights Watch a constaté que l'insécurité alimentaire a aggravé l'impact de l'absence d'accès à la planification familiale. Human Rights Watch a réuni les preuves qu’un grand nombre de femmes et de filles rencontrées ont soit formé des relations avec des hommes afin d’assurer leur sécurité économique ou bien ont eu recours à des relations sexuelles monnayées ou de survie, sans accès adéquat à des méthodes de contraception qui les protègeraient contre les grossesses non désirées.[188]
Les femmes ont moins de possibilités d'emploi que les hommes et un plus grand nombre de femmes sont à leur compte.[189] Beaucoup de femmes et de filles ont expliqué à Human Rights Watch qu'elles travaillaient à leur propre compte avant le séisme, principalement dans le petit commerce, mais avaient perdu leurs ressources dans la catastrophe. Ces femmes et ces filles ont déclaré ne pas avoir accès à des activités génératrices de revenus aujourd'hui. L'insécurité alimentaire et l'instabilité économique ont conduit certaines femmes et filles que nous avons interrogées à adopter des comportements à risque, qui à leur tour ont un impact sur leur santé. L'enquête du CHRGJ a relevé que le commerce du sexe pour assurer les besoins de base était perçu comme une stratégie de survie de plus en plus fréquente pour les femmes et les filles vivant dans les camps de déplacés.[190] Une étude du HCR sur les rapports sexuels monnayés parmi les populations touchées par le tremblement de terre a également constaté des niveaux élevés de relations sexuelles monnayées et de survie chez les femmes et les filles dans les camps de déplacés.[191] Certaines femmes et filles interrogées par Human Rights Watch étaient tombées enceintes à cause de relations formées pour des raisons économiques, ou bien des relations sexuelles monnayées ou de survie. Dans ces cas, la vulnérabilité à laquelle elles avaient cherché à remédier, par le biais de l'amélioration des moyens économiques, n'a fait qu'empirer en raison de la grossesse.
Magalie, membre d'un comité du camp de la Croix-des-Bouquets, a confirmé que de telles relations existent dans son camp :
Cent cinquante bébés sont nés dans ce camp. Quatre-vingt-trois femmes sont enceintes, certaines d'entre elles sont des filles, parce que leurs parents ne prennent pas soin d'elles donc elles cherchent un homme pour survivre [...] mais les hommes ne prennent pas réellement soin d'elles. Dès qu'ils savent que la fille est enceinte, ils l’abandonnent.[192]
L’une des membres d'un comité de femmes dans un camp de Maïs Gâté a remarqué que les adolescentes non accompagnées dans le camp étaient confrontées à des difficultés spécifiques :
Après le tremblement de terre, toutes les jeunes filles ont des hommes adultes sous leur tente, et maintenant elles sont enceintes et certaines accouchent sous la tente — à quatorze, quinze, seize ans, elles sont obligées de faire cela. Elles n'ont pas de parents pour prendre soin d'elles, donc si un homme peut l'aider, elle va faire l'amour et vivre sous sa tente. [...] Ce n'est pas facile quand on a faim.[193]
Le problème ne se limite pas aux adolescentes. Les femmes adultes, déjà mères, ont également affirmé avoir eu des comportements à risque pour se nourrir elles-mêmes ou leurs enfants, notamment l’échange de relations sexuelles contre de l'argent. Ghislaine a déclaré :
Les gens vont essayer de survivre comme ils le peuvent. Les femmes ont des relations avec les hommes afin de pouvoir nourrir leurs enfants. Cela arrive souvent. Ma fille a douze ans et n'a pas d'amis dans les camps, car il arrive que même les jeunes filles subissent des pressions pour avoir des rapports sexuels contre des biens. Je ne travaille pas. Je n'ai pas de parents pour m’aider. Souvent , les femmes tombent enceintes et n'ont personne pour prendre soin d'elles. Alors, pour 0,60 USD ou 1,25 USD seulement, vous avez des relations sexuelles. Malheureusement, les femmes tombent parfois enceintes, mais si nous avions accès à la planification, nous nous protègerions. [...] Ce n'est pas bon de faire de la prostitution, mais qu’est-ce qu’on peut faire ? Il faut manger.[194]
Les femmes et les filles ont déclaré à plusieurs reprises à Human Rights Watch que leur partenaire les avait quittées quand ils ont appris qu'elles étaient enceintes et qu'elles étaient ensuite restées sans accès au travail ou à la nourriture. Certaines ont eu recours à l'échange informel de sexe contre de la nourriture ou de l'argent, avec des hommes qui n'étaient pas leurs partenaires, et sont par la suite tombées enceintes. Dans l'industrie du sexe en Haïti, les hommes paient plus cher pour des rapports sexuels sans préservatif.[195] Dans les échanges informels de sexe pour de l'argent ou de la nourriture qui se produisent dans les camps, les femmes n'ont pas la capacité de négocier l'utilisation du préservatif.
Les femmes et les filles qui ont recours à ces transactions informelles sont souvent désespérées et ont épuisé les autres sources d'aide :
Les gens me disent que je dois arrêter de demander de l'aide, alors maintenant j’échange le sexe contre de l'argent, mais certains d'entre eux ne me donnent pas d'argent après une relation sexuelle. J'ai fait cela depuis que j'ai eu le bébé. Je ne le fais pas très souvent, mais quand j'ai faim, ou par exemple si je n'ai pas de savon pour faire la lessive, je vais le faire. Quand je le fais, je m’en vais loin. Par exemple, quand je vois un vieil homme, je lui demande de l'argent, mais il dit souvent : « Tu es trop jeune, trop belle, mais si tu fais le sexe, je te donnerai de l'argent. ... » Je le fais en secret.[196]
Se livrer secrètement à ce genre de comportement expose les femmes et les filles à des risques accrus de violence, parce qu'elles perdent le peu de protection qui peut être mis à leur disposition par les réseaux sociaux ou la communauté.
Dans les données de l'analyse préliminaire de son étude, le CHRGJ a constaté qu'il y a une corrélation possible entre les niveaux de faim et de vulnérabilité à la violence sexuelle.[197] Dans son rapport, le HCR a constaté une relation entre la participation au sexe de survie ou monnayé et un risque accru de violence fondée sur le genre.[198]
Indépendamment du fait que les femmes et les filles qui échangent le sexe contre de l'argent ou de la nourriture sont davantage exposées à la violence sexuelle, elles encourent le risque de grossesse involontaire ou non désirée et des infections sexuellement transmissibles, et tous les risques sanitaires associés. Le gouvernement d'Haïti devrait prendre des mesures pour concevoir des interventions spécifiques qu'il peut réaliser afin d’améliorer l'accès aux services destinés aux femmes et aux filles vulnérables qui ont recours à des rapports sexuels monnayés.
La vulnérabilité à la violence basée sur le genre
Les femmes et les filles vivant dans des camps ont constamment exprimé à Human Rights Watch leur inquiétude pour leur sécurité et la sécurité de leurs biens. « Parfois, nous devons dormir avec un œil ouvert », a déclaré Rosette, quarante ans.[199] Comme beaucoup de femmes et de filles que nous avons interrogées, elle s'était résignée à ce sentiment. « Non, je ne me sens pas vraiment en sécurité dans le camp », a-t-elle ajouté, en secouant la tête.[200]
Ces craintes sont fondées. Human Rights Watch s'est entretenu avec des femmes et des filles qui avaient survécu à la violence sexuelle dans le camp, pour en fin de compte tomber enceintes suite à l'agression. Cette situation a un impact grave sur leur capacité à réaliser leur droit à la santé. La menace de la violence sexuelle n'est pas nouvelle. Les femmes et les filles étaient confrontées à des niveaux élevés de violence basée sur le genre et sexuelle avant le séisme.[201] Certaines organisations de droits humains et des droits des femmes ont suggéré que le nombre de viols a augmenté depuis le séisme.[202] Bien que l’on ne dispose pas de données statistiques pour le confirmer, il est clair que les femmes et les filles en Haïti demeurent extrêmement vulnérables aux violences sexuelles et autres formes de violence basée sur le genre.
Human Rights Watch a constaté que la vulnérabilité des femmes et des filles à la violence due à un faible statut social, à des protections limitées dans la loi ainsi qu’à un manque d'éducation et de moyens de subsistance a été aggravée par la destruction de leurs maisons, des réseaux familiaux et sociaux, des infrastructures de base et par l'accès limité à la nourriture ou aux moyens de subsistance. Certaines femmes et filles ont perdu leur petit commerce, qui leur donnait une indépendance financière et la sécurité. Elles ont perdu la sécurité offerte par les liens familiaux et communautaires, et le fait d'avoir une maison avec des murs et des portes qui se verrouillent. Il n'y a pas d'électricité ni d'éclairage régulier la nuit, et certaines ont perdu leur mari ou autres soutiens de famille. Elles n'ont aucun moyen de se nourrir, ni de nourrir leurs enfants ou des les envoyer à l'école.
Il n'existe actuellement aucune gestion systématique des cas ou de collecte des données spécifiques à la violence basée sur le genre depuis le tremblement de terre, bien que le sous-cluster sur la violence basée sur le genre et le ministère des femmes travaillent dans cette direction. En l'absence de telles données, les ONG et certaines agences des Nations Unies ont tenté de donner une meilleure idée des taux de violence sexuelle par le biais d’études de taille réduite ou en faisant état du nombre de femmes qui ont recherché un traitement dans leurs installations.
L’ONG Small Arms Survey et l'Université du Michigan ont constaté qu'environ trois pour cent de leur échantillon d'enquête se sont identifiés comme victimes d'agression sexuelle au cours des trois premiers mois qui ont suivi le séisme.[203] Une étude menée sur le camp situé au Parc Jean-Marie Vincent a constaté que 4,1 pour cent des personnes qui avaient répondu à l’enquête ont indiqué qu'elles-mêmes ou quelqu'un qu'elles connaissaient avaient été forcées à avoir des relations sexuelles contre leur gré.[204] Une étude du FNUAP a relevé environ un pour cent de femmes ayant déclaré des violences sexuelles, et jusqu’à 1,7 pour cent dans la tranche d'âge de 20 à 24 ans.[205] Le Centre pour les Droits humains et la Justice mondiale à la faculté de droit de l’Université de New York (CHRGJ) a mené une étude randomisée dans quatre camps et a constaté que « neuf pour cent des répondants interrogés ont rapporté qu’un ou plusieurs membres de leur ménage ont été « violés ou forcés à avoir des rapports sexuels non désirés » depuis le tremblement de terre. »[206] Amnesty International a fourni des données qualitatives convaincantes sur le contexte et les conditions de viol dans les camps dans les mois qui ont suivi le séisme.[207]
Selon le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), la Police nationale haïtienne a procédé à 534 arrestations à Port-au-Prince, liées à la violence basée sur le genre, dans les quatre mois qui ont suivi le séisme, dont : seize pour menaces de mort contre des femmes ; neuf pour viol, trois pour tentative de viol, 35 pour avoir agressé une femme, et deux pour tentative d’assassinat.[208] MSF a rapporté avoir traité 212 patients dans le cadre de violences sexuelles dans les cinq mois qui ont suivi le séisme.[209] Solidarité des femmes haïtiennes (Solidarité Fanm Ayisyen, SOFA) a rapporté avoir traité 718 femmes et filles pour des violences basées sur le genre dans les six mois qui ont suivi le séisme : 114 étaient des victimes de viol.[210] Le groupe de base la Commission des femmes victimes pour les victimes (Komisyon Fanm Viktim pou Viktim, KOFAVIV) rapporte avoir aidé 640 victimes de viol dans l'année qui a suivi le séisme.[211]
Les données de ces groupes montrent également que la violence basée sur le genre a un impact sur la santé reproductive des femmes et des filles. SOFA a rapporté que sur les 114 agressions sexuelles traitées de janvier à juin 2010, 6,36 pour cent ont abouti à une grossesse.[212] Le groupe de base, le Centre d’Appui pour les Femmes Victimes d’Abus Sexuels (CAFVAS), a rapporté que sur les 45 viols qu'il a enregistrés de février à mars 2010, neuf — soit vingt pour cent — ont entraîné une grossesse.[213]
Six des femmes et des filles que Human Rights Watch a interrogées étaient enceintes à la suite de viols qui ont eu lieu après le séisme. Trois d'entre elles étaient adolescentes, âgées de quatorze à quinze ans. Cela suggère que les femmes et les filles n'ont pas accès aux services de santé reproductive et sexuelle dont elles ont besoin après avoir été victimes de violences sexuelles, à savoir l'accès à la contraception d'urgence et la prophylaxie pour les IST, notamment le VIH. Certains groupes de femmes ont indiqué à Human Rights Watch que la contraception d'urgence et autres soins post-viol ont été parfois indisponibles dans les établissements médicaux désignés comme centres de référence pour les victimes de violences sexuelles. Human Rights Watch a constaté au cours des entretiens que les femmes et les filles n'ont pas eu accès en temps opportun aux soins post-viol, parce qu'elles ne savaient pas quoi faire ni où aller pour le traitement, ou qu’elles avaient honte de signaler le viol.
Avant le séisme, une étude a révélé que 26 pour cent des femmes qui ont subi des violences sexuelles en Haïti ont indiqué qu'elles avaient sollicité l'aide de leur propre famille. Selon l'étude, les victimes ont identifié les mères comme la source la plus importante d'aide, suivie par les amis et les voisins. En revanche, seulement deux pour cent des survivantes de violence sexuelle ont déclaré avoir sollicité l'assistance de la police, d’un avocat ou d’un médecin.[214] Le séisme a détruit le réseau social de nombreuses femmes et filles, notamment les relations familiales, les voisins, les écoles, les églises et les cliniques locales, perturbant la capacité des femmes à demander de l'aide après avoir subi des violences sexuelles.
Les femmes et les filles interrogées ont déclaré qu'elles étaient réticentes à demander des soins médicaux en temps opportun après un viol, parce qu'elles étaient timides ou honteuses. Mary Loudy, quinze ans, a attendu huit jours avant d’avouer une agression sexuelle à une cousine adolescente.
Après huit jours, j'en ai parlé à ma cousine parce qu'elle avait également été violée après le séisme. Elle m'a conseillé d'aller au centre GHESKIO (l'acronyme pour le Groupe haïtien d'étude du sarcome de Kaposi et des infections opportunistes). J'avais une infection. Avant de lui parler de mon viol, j'étais très timide mais je me suis dit qu'elle avait été violée donc je pouvais lui parler de ma situation.[215]
En raison de ce délai, elle n'a pas reçu de soins médicaux en temps opportun et a subi une grossesse non désirée. La cousine de Mary Loudy a 17 ans et vit toujours dans le même camp où elle a subi le viol.
Naomi, 25 ans, avait une relation avec un homme qui l'a violée. Après le viol, il lui a donné de l’argent. Naomi est allée à l'hôpital et la police, mais est tombée enceinte. Après l’accouchement, l'homme qui l'a violée a voulu lui prendre le bébé. Elle a refusé et l'homme est venu dans sa tente une nuit avec plusieurs de ses amis. Chacun des hommes a violé Naomi. Après cela, elle avait trop honte pour demander une assistance post-viol.
Je suis allée à l'hôpital et la police après le premier viol, mais pas après le deuxième parce que [...] j'ai honte d’avoir été encore violée. Je suis allée à l'hôpital depuis parce que j'avais rendez-vous pour le planning familial. Je ne leur ai pas dit que j'avais été violée, parce que j'avais honte.[216]
Quand Naomi s’est présentée à un rendez-vous pour la planification familiale après avoir été violée, le professionnel de santé qui s’est occupé d’elle n'a pas reconnu qu'elle avait pu avoir été victime de violence. Elle n’a pas sollicité de soins médicaux pour son second viol.
Human Rights Watch a constaté que les femmes et les filles interrogées ayant des grossesses issues d’un viol étaient confrontées aux mêmes difficultés d'accès aux soins maternels que les autres femmes interviewées, avec un impact similaire sur la santé de ces femmes ou la santé de leurs enfants. Florence a tout juste quinze ans, est enceinte de cinq mois et n'a pas de parents. Elle vivait avec une famille et effectuait des corvées domestiques pour eux. Après le tremblement de terre, elle et cette famille ont déménagé dans un camp à Maïs Gâté. Son employeur l'a violée, puis l'a menacée et lui a dit de ne le dire à personne. Elle est tombée enceinte et quelqu'un dans le camp l'a emmenée à un rendez-vous prénatal. Florence a abandonné les soins prénatals parce qu'elle ne pouvait pas payer les examens complémentaires.
Je suis allée une fois chez le médecin qui m'a donné une ordonnance. Je n'ai pas d'argent pour faire l’analyse de sang et l’échantillon de selles. Le médecin a dit de revenir, mais il m'a conseillé de revenir avec les résultats des tests. [...] Je n'ai pas de mère ou de père, je vis avec une « tante », mais elle ne prend pas soin de moi en ce moment. Maintenant, je vis dans le camp avec quelqu'un d'autre, car j'ai été violée.[217]
Florence présente une grossesse à haut risque en raison de son âge et de sa petite taille et elle n'a aucun accès à des soins médicaux.
Human Rights Watch ne dispose pas de preuves pour établir un lien direct entre le viol et la mauvaise santé maternelle et infantile. Cependant, l'extrême vulnérabilité des femmes et des filles qui tombent enceintes à la suite d'un viol signifie que même celles qui ont accès à des soins de santé semblent être confrontées à de sombres perspectives quant à la grossesse et l'accouchement. Une femme a eu un enfant mort-né. Une autre, Mary Loudy, a perdu son bébé dans les 24 heures qui ont suivi l'accouchement, or elle avait bénéficié d’un meilleur accès aux soins que d’autres femmes et filles que Human Rights Watch a interrogées : des soins prénatals et une échographie gratuite qu'un technicien privé lui a offerte en raison de sa situation. Quand le travail a commencé, Mary Loudy s’est rendue à une clinique d’ONG qui a déterminé qu'elle avait besoin de soins obstétricaux d'urgence. Elle a été transportée gratuitement à l'hôpital général, puis à Chancerelles, où elle a reçu les soins dont elle avait besoin gratuitement. Elle a accouché et a été renvoyée à la maison avec le bébé, qui semblait en bonne santé mais est décédé peu après son retour au camp.[218]
La violence sexuelle est une violation du droit à l'intégrité physique et du droit à la santé. Le droit de contrôler sa propre santé et son corps est inhérent au droit à la santé sexuelle et reproductive.[219] Le viol et autres formes de violences sexuelles constituent de « graves atteintes à la liberté sexuelle et génésique et sont, par nature, incompatibles avec le droit à la santé. »[220] Le gouvernement haïtien a une obligation de « prendre des mesures pour empêcher que des tiers nuisent à la santé d’autrui en matière de sexualité et de procréation, notamment par des violences sexuelles. »[221] Par ailleurs, il a l'obligation de prévenir, enquêter sur, sanctionner et fournir des réparations pour les violations de droits humains.[222]
Même si les actes de violence basée sur le genre peuvent être perpétrés par des acteurs privés, Haïti a l’obligation d’éliminer la discrimination contre les femmes et les filles, y compris par des acteurs privés.[223] Le comité CEDAW a stipulé dans la Recommandation générale N°19 que « les É tats peuvent […] être responsables d’actes privés s’ils n’agissent pas avec la diligence voulue pour prévenir les violations de droits ou pour enquêter sur des actes de violence, les punir et les réparer . »[224] En conséquence, Haïti doit « agir avec la diligence voulue pour prévenir la violence contre la femme, mener les enquêtes nécessaires et sanctionner les actes de violence exercés contre elle » et doit tenir tout particulièrement compte de la vulnérabilité des femmes et des filles déplacées.[225] Cette obligation s'étend à la fois aux actes commis par ses propres agents et à ceux commis par des acteurs non étatiques et privés, si l'État les tolère ou accepte leur commission.[226]
Cela ne change pas dans un cadre post-catastrophe, car comme l’Ensemble minimal de services initiaux (MISP) de santé reproductive dans les situations de crise l’indique clairement, il est nécessaire que l'État prévienne la violence sexuelle et y réponde dans les situations post-catastrophe.[227]
Le manque de transparence dans la réponse à la santé et à la sécurité des femmes et des filles dans les camps de déplacés
Nous n’avons aucun renseignement. Rien. J’aimerais savoir ce qui va nous arriver.
—Vyola, habitante d’un camp situé à Delmas 33, le 11 novembre 2010
Nous sommes prêts à aller de l'avant, mais nous ne savons pas comment ils [le gouvernement et les ONG] vont nous intégrer dans ce processus.
—Claudine, habitante d’un camp à Cité Soleil, le 31 janvier 2011
Nombre d'ONG, de bailleurs de fonds et d’experts de la santé maternelle ont cherché à répondre aux besoins des femmes et des filles durant la période post-séisme en Haïti. Plus particulièrement, Human Rights Watch a constaté que le programme de Soins obstétriques gratuits (SOG) a permis l'accès aux soins à de nombreuses femmes et jeunes filles qui auparavant n’en avaient pas les moyens. Pourtant, pour de nombreuses femmes et filles que Human Rights Watch a interrogées, l'accès aux soins reproductifs et maternels est une question de chance : par exemple, qu'elles relèvent ou non de la zone couverte par un établissement public qui participe au programme SOG, ou une ONG efficace et si elles-mêmes sont informées des services disponibles.
Le manque d'information parmi les femmes et des filles interrogées par Human Rights Watch dans les camps de déplacés a envahi tous les aspects de leurs vies et affecté la réalisation d'un large éventail de leurs droits. Les femmes et les filles ont déclaré à Human Rights Watch qu'elles n’avaient en général aucune information sur les services médicaux qui étaient disponibles à proximité, ou à quel prix. Elles ne savaient également rien des plans spécifiques de santé pour les camps où elles vivaient, ou pour le pays dans son ensemble. Par ailleurs, Human Rights Watch a constaté que de nombreuses femmes et filles avec lesquelles nous nous sommes entretenues n'avaient pas accès aux informations de base nécessaires pour demander des comptes, notamment quelles ONG fonctionnent dans les camps où elles vivaient, les services qu'elles fournissent et à qui s’adresser s'il y avait un problème. Elles manquaient également d’informations nécessaires pour faire un rapport ou demander réparation pour des problèmes liés aux services de santé maternelle ou reproductive.
Le gouvernement, qui devrait superviser la fourniture de soins de santé maternelle, ne dispose pas de données actuelles et complètes sur la santé maternelle des femmes et les filles vivant dans les camps qui ne se rendent pas dans l'une de ses installations pour être soignées, pas plus qu'il ne dispose de données sur les femmes et les filles qui interrompent les soins. Sans ces informations, il n'est pas possible d'identifier, de développer et de mettre en œuvre des mesures de réparation des erreurs ou des réclamations, pour corriger les défaillances systémiques, ou pour reproduire les programmes efficaces.[228]
Human Rights Watch a constaté que les principaux renseignements nécessaires pour que le gouvernement haïtien puisse suivre les progrès liés à la santé maternelle ne sont pas enregistrés dans les camps : par exemple, aucun des cinq décès de nourrissons rapportés par les femmes et les filles interrogées par Human Rights Watch n’ont été signalés ou enregistrés auprès d’ONG ou d’organismes gouvernementaux. Les habitants du camp ont affirmé à Human Rights Watch que les décès dans le camp, quelle qu’en soit la cause, n'ont généralement pas été enregistrés. Ainsi, si les femmes et filles meurent pour des raisons liées à la maternité dans les camps, elles ne seraient pas enregistrées. Ces données de base sur la mortalité maternelle et infantile sont fondamentales pour déterminer si le gouvernement fait des progrès à l’égard de ses obligations liées au droit à la santé.
Le manque de mécanismes de reddition de comptes, soit par le biais des systèmes de règlement des réclamations ou d'autres solutions pour fournir des informations en retour aux acteurs opérant dans les camps, affecte également d'autres droits. Par exemple, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), l'UNPOL et la Police nationale d'Haïti (PNH) ont mis en place des patrouilles régulières dans certains camps à haut risque de violence basée sur le genre. Les femmes et les filles interrogées par Human Rights Watch dans certains de ces camps ont signalé une certaine amélioration de la situation sécuritaire et sont reconnaissantes pour l’instauration des patrouilles ; d'autres disent que ces patrouilles sont devenues trop prévisibles. « [Les bandits] connaissent les heures de patrouille », a déclaré Ani.[229] Ces femmes et ces filles ne savaient pas comment faire état de cette préoccupation.
Les ONG et les agences de l'ONU ont également installé des éclairages afin de prévenir la violence basée sur le genre dans les camps. Un résident dans un camp a indiqué que malgré l’amélioration obtenue immédiatement après l’installation des éclairages, l'ONG qui les a fournis s’est rapidement trouvée à court de fonds pour acheter le combustible nécessaire à leur alimentation. Trois viols sont survenus dans les quatre semaines qui ont suivi la disparition de l'éclairage dans le camp.[230] Pourtant, des groupes de femmes dans le camp ne connaissaient aucun moyen pour obtenir réparation ou assistance pour cette perte de sécurité.
Human Rights Watch a constaté que pour nombre de femmes et filles interrogées, ne pas avoir accès à l'information est un obstacle considérable à la jouissance de leurs droits à la santé maternelle. Une meilleure coordination et l’harmonisation des sources d'information donneraient au gouvernement d’Haïti des outils pour s’assurer que les femmes et jeunes filles disposent d’informations fiables et à jour liées à leurs droits. Human Rights Watch a également constaté que des données manquaient qui permettraient de surveiller la mise en œuvre des droits.
Des systèmes statistiques permettraient le suivi des progrès vers la réalisation de certains droits, notamment les progrès liés à la santé maternelle. Par ailleurs, la planification, la surveillance et les évaluations dirigées par les pays fournissent les données nécessaires pour que le gouvernement puisse corriger les défaillances systémiques et reproduire les programmes qui fonctionnent, en conformité avec le principe des droits humains de la reddition de comptes.
III. Les États bailleurs de fonds et les acteurs non étatiques en Haïti
Le gouvernement haïtien est le principal garant des droits humains en Haïti. Même à la suite d'une catastrophe et confronté à la limitation des ressources qu'elle entraîne, il doit prendre des mesures pour respecter et protéger les droits minimums essentiels des femmes et des filles. Cependant, exiger que le gouvernement seul réponde aux obstacles à la réalisation de ces droits serait ignorer les réalités politiques et économiques auxquelles le pays est confronté.
Conformément à leurs obligations internationales, les États devraient respecter l'exercice du droit à la santé dans d'autres pays et empêcher des tiers, par des moyens politiques ou juridiques, d'interférer avec la jouissance de ce droit.[231] Dans la poursuite de cette obligation, à la fois le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) et le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la santé ont observé que « les États devraient s'assurer que leurs actions en tant que membres d'organisations internationales tiennent dûment compte du droit à la santé. »[232] Le CESCR a également déterminé que « l'assistance et la coopération internationales, notamment économiques et techniques » devraient permettre aux pays en développement de remplir leurs obligations fondamentales et autres.[233] Le rapporteur spécial de l'ONU a indiqué que les États devraient accorder une attention particulière à l’aide à d’autres États pour qu’ils atteignent un niveau minimum de santé.[234]
Les ONG, lorsqu’elles agissent en tant qu’acteurs non étatiques, ne supportent pas les mêmes obligations internationales que les gouvernements au regard du droit international des droits humains.[235] Cependant, elles ne fonctionnent pas dans un vide total de droits humains et devraient exercer leurs activités d'une manière qui promeut les droits humains.[236] Les organismes de droits humains de l’ONU ont exhorté tous les acteurs à adopter une approche de leur travail fondée sur les droits humains. En Haïti, l'Expert indépendant de l’ONU sur les droits humains en Haïti a recommandé que « le rôle des droits humains dans les différentes phases du travail humanitaire devrait […] être réaffirmé et renforcé. »
Une approche fondée sur les droits repose sur les principes et le cadre juridique des droits humains, et exige que le respect des droits humains des personnes touchées par toute activité d’aide ou de développement soit au cœur de la planification et de la mise en œuvre de cette activité. Elle reconnaît les bénéficiaires d'aide comme détenant des droits légitimes et identifie les gouvernements et leurs partenaires comme soumis à des devoirs avec pour obligation corolaire de garantir ces droits. Une approche fondée sur les droits exige une attention particulière aux besoins des groupes vulnérables, à l'impact des programmes sur leurs droits et à l'établissement de procédures pour garantir la transparence ainsi que la participation aux opérations d'une organisation. Elle exige également que les normes en matière de droits humains guident tous les stades de la programmation.[237]
Human Rights Watch a enquêté pour savoir si certaines normes de droits humains liées aux droits des femmes et des filles à la santé ont été respectées dans les camps. Le gouvernement haïtien a l’obligation de garantir les droits en question, mais pour s'acquitter de cette obligation, il s'appuie sur le soutien de la communauté des bailleurs de fonds.
Santé reproductive et maternelle
Le gouvernement d'Haïti a mis au point une évaluation des dommages, pertes et besoins (Post Disaster Needs Assessment, PDNA) et un plan national de relèvement pour répondre aux besoins de la population après le séisme, notamment la santé et la sécurité des femmes et des filles. Le plan national pour le relèvement exige « une concentration des effortssur l'amélioration de l'accès et de la qualité des soins de santé primaire, avec un accent sur des interventions à haut impact et moindre coût ciblant la santé maternelle et infantile […] »[238]
L’évaluation des besoins a déterminé les mesures qui devraient être prises pour « développer des services en matière de santé maternelle et reproductive et de lutte contre la féminisation du VIH / SIDA », « intégrer les protocoles et intrants requis pour la prise en charge médicale des femmes et filles victimes de violences » et pour « répondre aux besoins spécifiques des femmes en matière de santé et assurer un service de proximité approprié. »[239] N’ayant pas les fonds propres suffisants, le gouvernement haïtien est tributaire des bailleurs de fonds, des organisations internationales et des ONG pour pouvoir financer et mettre en œuvre son plan.
Les bailleurs de fonds ont promis des fonds pour la phase humanitaire ou d'urgence par le biais de l’Appel humanitaire pour Haïti de février 2010, et coordonné par le Bureau de l'ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).[240] Cet appel a été renouvelé en novembre 2010, puis avec les Appels consolidés de 2011, qui comprenaient des appels de fonds pour l'épidémie de choléra. En réponse à l'évaluation des besoins et au plan national pour le relèvement, les bailleurs de fonds ont promis des financements pour la reconstruction lors de la Conférence des bailleurs de fonds du 31 mars, en accord avec les priorités du gouvernement haïtien. Les promesses de financements et les projets sont coordonnés par la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH), qui a été créée par l'ex-président Préval et comprend des représentants d’Haïti et des pays bailleurs de fonds.[241]
Par le passé, les bailleurs de fonds ont été réticents à soutenir directement le gouvernement et à travailler en coordination avec lui parce qu'il n'avait pas de plan, mais après le séisme, le ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) a approfondi les conclusions de l'évaluation des besoins et du plan national pour le relèvement et a conçu un plan intérimaire et global pour le secteur de la santé.[242] Celui-ci comportait des objectifs pour le secteur sur une période de 18 mois, et identifiait la santé maternelle comme une priorité.[243] Le gouvernement envisageait un réseau de cliniques mobiles géré par des ONG et des institutions de consultation pour fournir des soins de santé ininterrompus aux personnes vivant dans les camps de déplacés au cours des six premiers mois. Il appelait ensuite à une transition vers des cliniques fixes, avec une augmentation globale de l'accès aux soins primaires. Après six mois, la phase de relèvement cédait la place au développement d’infrastructures et de services plus permanents, situés en dehors des camps.
Le plan du gouvernement haïtien lui a donné une opportunité de remplir ses obligations en matière de santé maternelle et reproductive sur le long terme.[244] Afin de mettre le plan de financement à exécution, les représentants du gouvernement se sont réunis avec les bailleurs de fonds et les ONG et ont partagé des informations sur le plan et le budget.[245] Pourtant, selon certaines personnes qui travaillent avec le gouvernement, il y avait « encore une tendance pour les ONG et les bailleurs de fonds à faire les choses à leur façon. »[246] Par exemple, le gouvernement, en tant que membre du Cluster santé, a essayé de coordonner l'arrivée de nouvelles ONG médicales. Il a créé un formulaire d'inscription en ligne, et a enregistré plus de 400 ONG médicales. Il a également créé pour les ONG des obligations de rendre des comptes ; cependant, à février 2011, sur ces 400 ONG enregistrées, seulement 14 avaient déposé des rapports auprès du ministère de la Santé comme cela était exigé.[247] En août 2011, ce nombre avait augmenté, même si des chiffres précis n’ont pas pu être communiqués à Human Rights Watch. Le ministère de la Planification, toutefois, dispose d’exigences distinctes de compte rendu pour les ONG. En juin 2011, 169 ONG avaient soumis des rapports d’activités pour les exercices fiscaux 2008-2009 et 2009-2010, conformément aux directives de ce ministère.
En l'absence de mécanisme de conformité, le gouvernement haïtien dépend des ONG pour lui fournir des informations sur leurs activités afin d'évaluer les progrès qui ont été accomplis par rapport au plan.[248] Cette tâche est rendue plus difficile par le grand nombre d'acteurs opérant en Haïti. Il n'existe actuellement aucune information précise sur le nombre d'ONG qui opèrent en Haïti, bien que les estimations varient de trois à dix mille, même avant le séisme. En 2009, l'envoyé spécial des Nations Unies en Haïti, l'ancien président Bill Clinton, a déclaré qu’Haïti avait le deuxième plus grand nombre d'ONG par habitant au monde.[249]
Certaines ONG sont déjà engagées dans le suivi et l'évaluation de l'impact de leur travail. Le PSI (Population Services International), par exemple, se concentre sur les résultats mesurables de son travail d'éducation sur la planification familiale et partage cette information avec le ministère de la santé et avec le sous-groupe chargé de la santé reproductive. « La valeur de notre approche est que nous savons si nous réussissons, si les choses s'améliorent », affirme le Dr David Mardel Sherley, directeur de la planification familiale à PSI.[250] Le projet SOG a également mené un travail considérable d’évaluation de la satisfaction des patients dans les établissements participants. Mais toutes les ONG ou les projets financés par des bailleurs de fonds, cependant, ne sont pas équipés pour une évaluation et un suivi rigoureux de leur travail. De plus, le partage des données et des rapports qui se fait en Haïti est parfois limité. « Je n'étais pas préparé à la difficulté à laquelle je serais confronté pour obtenir des informations. Personne ne partage les données. Personne n'évalue son impact et ne modifie son comportement en conséquence. S'ils le font, je n’en vois pas la preuve, les résultats », a confié à Human Rights Watch un membre du personnel d’une agence de l’ONU travaillant afin de coordonner les efforts de santé. [251]
Il y a diverses raisons pour lesquelles certaines ONG ne partagent pas de données avec le gouvernement ni entre elles. Certaines ONG ayant de meilleurs indicateurs de performance ne veulent pas que leurs données soient agrégées et présentées avec des données provenant d'opérations moins efficaces, car cela peut cacher les performances médiocres des autres et biaiser l'image globale. Par exemple, un représentant d'une ONG se présentant comme l'un des groupes les plus efficaces a déclaré à Human Rights Watch que cette ONG était réticente à partager certains types de données. «Le fait que nous nous soyons mobilisés rapidement dans les efforts de relèvement ne doit pas être considéré comme un reflet de la réussite du relèvement mené par les bailleurs de fonds, mais comme celui de notre propre efficacité. »[252] D’autres ONG au contraire ne tiennent certainement pas à rendre publiques leur inefficacité ou leurs lacunes. En outre, le gouvernement n’a pas créé de mécanismes de compte rendu aisés et centralisés, et de ce fait pour les ONG la démarche est complexe et prend beaucoup de temps pour respecter toutes les conditions requise, directives et exigences de compte rendu. Le gouvernement travaille à la création d’un mécanisme rationnalisé pour ce compte rendu, et les réactions initiales des ONG sont qu’elles se conformeraient plus volontiers avec les directives de compte rendu si cela se produisait.
Quelle qu’en soit la raison, la rareté des données transmises au gouvernement fait qu’il est difficile pour l'État et les observateurs des droits humains d’évaluer les progrès dans la mise en œuvre du plan de santé et son impact sur la réalisation des droits. Il est encore plus difficile de savoir qui blâmer lorsque la progression stagne.
En dépit de certaines réussites, il est prouvé que quelques ONG et bailleurs de fonds n’auraient pas donné suite à leurs projets. L'OMS et l'Organisation panaméricaine de la Santé (OPS) ont signalé que de nombreux camps n'avaient toujours pas de services de soins de santé neuf mois après le tremblement de terre, et que dans certains cas, des cliniques mobiles n’étaient rien de plus qu'une tente avec une boîte.[253] Dans un camp situé à Delmas 33, Human Rights Watch a rencontré des résidents du camp sous une tente vide et humide ; certains ont apporté des chaises cassées depuis leurs propres tentes afin que nous puissions nous asseoir et discuter de la situation dans le camp. Edzer, un membre du comité du camp, s’est plaint que les ONG « ont installé cette tente, mais il n'y a pas de clinique. Les médecins, ce sont les mouches que vous voyez. »[254] De fait, Human Rights Watch a visité plusieurs camps comportant des tentes vides qui avaient à un certain moment été désignées comme clinique, mais dont les résidents du camp ont affirmé qu’elles n’avaient jamais joué ce rôle.
Le gouvernement haïtien n'a pas la capacité d'aller sur le terrain pour voir si les ONG fournissent réellement les services indiqués, s’il y a des lacunes dans les services, ou si le travail des ONG fait double emploi. Le gouvernement ne sait pas s'il y a un impact sur la réalisation des droits découlant de toute cette aide. En d'autres termes, il n'y a pas de devoir de rendre des comptes concernant les résultats des actions. Sans les bailleurs de fonds et les ONG, Haïti, selon une autorité locale, serait « en grande difficulté », mais il doit y avoir « un engagement plus fort du gouvernement [...] [avec] une structure et des règles pour s'assurer que les choses appropriées soient faites de manière convenable. »[255]
La coordination doit aller dans les deux sens, cependant, et certaines ONG affirment que le gouvernement doit se montrer à la hauteur des défis auxquels il est confronté et agir comme un leader dans le processus de relèvement, ce qui inclurait la prise de décisions difficiles portant sur la stratégie et l'affectation des ressources et d’assumer la responsabilité des résultats.[256] Certes, cela est difficile quand bien plus de cinquante pour cent du budget du gouvernement provient de bailleurs de fonds.[257]Par ailleurs, la coordination avec le gouvernement est également difficile lorsque les ministères manquent de nouveaux agents pour assurer la coordination. Cela ne s’arrangera pas tant que l'impasse politique entre le président Martelly et le Parlement ne prendra pas fin et qu’un Premier ministre et un gouvernement complet ne seront pas nommés et confirmés.
Pourtant, les bailleurs de fonds et les pays bénéficiaires ont un intérêt commun dans la transparence quant à l’efficacité et l'utilisation de l'aide.[258] L'aide apportée par les pays donateurs et les agences internationales est soumise aux principes énoncés dans la Déclaration de Paris de 2005 sur l'efficacité de l'aide, complétée par le Programme d'Action d'Accra de 2008.[259] Haïti et la plupart de ses principaux bailleurs de fonds et pays donateurs adhèrent à la Déclaration de Paris et au Programme d’action d'Accra.[260] En vertu de la déclaration, fondée sur le principe de transparence réciproque entre les pays donateurs et les partenaires (bénéficiaires), les donateurs se sont engagés à aligner leur soutien — notamment l'ensemble des stratégies de pays, les dialogues politiques et les programmes de coopération au développement — avec les stratégies nationales de développement et les examens périodiques des partenaires.[261]En Haïti, cela signifie que les bailleurs de fonds devraient fournir une aide alignée sur le plan de relèvement national.[262]
La déclaration reconnaît « l'intérêt commun » des donateurs et des partenaires « d’être en mesure d’effectuer un suivi des progrès accomplis. » À cette fin, les pays bénéficiaires et les bailleurs de fonds devraient « établir d’un commun accord les cadres qui fournissent des évaluations fiables de la performance, la transparence et la reddition de comptes des systèmes nationaux. » En accord avec le principe de transparence réciproque, les bailleurs de fonds se sont également engagés à « fournir des informations opportunes, transparentes et complètes sur les flux d'aide. »[263]
Dans le Programme d’action d’Accra, les É tats et les institutions donateurs ont réitéré leur engagement envers la transparence, mais ont aussi accepté d'être tenus pour responsables devant leurs « parlements et organes de l’exécutif pour les résultats obtenus. »[264] Reconnaissant qu’une « transparence et une reddition de comptes renforcées sur l’utilisation des ressources tant internes qu’externes, affectées au développement peuvent agir comme des moteurs puissants», ils se sont engagés à prendre plusieurs mesures pour le développement d’une telle transparence et de la reddition de comptes.[265] Il s'agit notamment de l'engagement des pays en développement et des bailleurs de fonds à « évaluer l'impact des politiques de développement et de les moduler en conséquence », par le biais d’une meilleure coordination et harmonisation des sources d'information, des systèmes statistiques, de planification, de suivi et d’évaluation des performances menées par les pays.[266] À cette fin, les bailleurs de fonds s'engagent à soutenir et investir dans les systèmes statistique et d’information des pays en développement.[267]
Les bailleurs de fonds et le gouvernement d'Haïti devraient s'engager à l’égard de toutes les composantes de transparence réciproque liées à l’aide au relèvement et à la reconstruction. Une telle transparence devrait fournir au gouvernement des outils lui permettant de rendre des comptes à ses citoyens et détenteurs de droits, notamment les données qui permettraient de suivre les progrès vers la réalisation de ses objectifs de reconstruction et des droits de ses citoyens. Elle permettrait au gouvernement de s'assurer que les personnes disposent d'informations actualisées et fiables relatives à leurs droits. Une faible transparence entre le gouvernement et les bailleurs de fonds (et les ONG financées par les bailleurs de fonds) peut conduire à une faible transparence pour les titulaires de droits.
Violence basée sur le genre
Le rôle des acteurs non étatiques en ce qui concerne la violence basée sur le genre est plus simple, du fait que plusieurs acteurs non-étatiques ont des mandats de protection clairs. Par exemple, la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) est spécifiquement chargée de travailler avec le gouvernement comme partenaire pour empêcher la violence basée sur le genre.[268] Le gouvernement insiste sur la nécessité de « veiller à la sécurité des femmes et des jeunes filles dans les camps et engager des mesures de réduction de la violence faite aux femmes » dans son évaluation des besoins post-catastrophe.[269] Elle a appelé la Police nationale d’Haïti à promouvoir la protection des femmes contre la violence sexuelle et à « renforcer les synergies avec les autres partenaires impliqués dans la prise en charge des victimes de violence. »[270] L'évaluation des besoins a également appelé le système de santé « à intégrer les protocoles et les intrants requis pour la prise en charge médicale des femmes et des filles victimes de violences. »[271] Cependant, elle avait peu de contrôle pratique au début de la situation d'urgence sur la façon dont la réponse humanitaire traitait le problème de la sécurité des femmes et des filles.[272]
Des groupes de défense des droits des femmes et des droits humains, dont Human Rights Watch, ont commencé à faire état de cas de violence sexuelle au début de la période de relèvement. Certains groupes frustrés par ce qu'ils estimaient être un manque de réaction de la part des autorités en Haïti, ont déposé un recours pour l’obtention de mesures conservatoires devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme.[273] Depuis lors, certains progrès ont été réalisés dans la prévention de la violence sexuelle dans les camps. Par exemple, l'augmentation des patrouilles de militaires de l'ONU et de policiers haïtiens a conduit dans certains endroits à une baisse du nombre d’incidents.[274] Dans un camp où se trouve un poste de la MINUSTAH, les femmes dorment en face des militaires de l'ONU pour plus de sécurité en cas de recrudescence de la violence.[275] L'éclairage a aussi été installé dans certains camps, ce qui a procuré aux femmes un peu de sécurité supplémentaire.[276]
Pourtant, 18 mois après le séisme, le gouvernement haïtien et les Nations Unies n’ont toujours pas réussi à produire de données sur l'ampleur du problème, sans lesquelles il est difficile d'évaluer si et où les autorités remplissent ou non leurs obligations. En outre, le sous-cluster de l'ONU sur la violence basée sur le genre n'a pas émis de procédures opérationnelles standard à l’intention des prestataires de services qui identifient et traitent les survivantes de violence sexuelle.
IV. Conclusion
Investir en faveur des femmes est le meilleur investissement que nous puissions faire quel que soit le pays. Et investir en faveur des femmes haïtiennes alimentera le redressement et le progrès économique à long terme, non seulement pour elles, mais aussi pour leurs familles .
—Hillary Clinton, Conférence des bailleurs de fonds pour Haïti, ONU, New York, 31 mars 2010
Un grand nombre de femmes et de jeunes filles d’Haïti ont perdu des maris ou des compagnons, des enfants et des parents, lors du tremblement de terre. Elles ont perdu leurs maisons. Pour celles qui étaient employées dans l’économie informelle, elles ont perdu leurs moyens de subsistance. Nombre d’entre elles ne peuvent plus envoyer leurs enfants à l’école, ni assurer régulièrement une nourriture suffisante à leurs familles. Dans certains camps, il n’existe qu’une seule latrine pour une centaine de personnes. Certaines doivent encore se partager des latrines chimiques, des toilettes portables, installées il y a plus de 18 mois. La distribution d’eau gratuite devient peu à peu payante. Et la menace du choléra persiste. Si le nombre de personnes vivant dans les camps de déplacés a baissé par rapport à ce qu’il était juste après le séisme, les femmes ou les adolescentes constituent toujours la majorité des foyers dans les camps.
Un an et demi après le séisme, les gens vivent toujours sous des tentes déchirées par le vent qui offrent peu de protection aux femmes et filles auxquelles les nuits sous ces tentes procurent peu de repos. Pire encore, nombre d’entre elles risquent d’être expulsées : selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 25 pour cent des familles se trouvant dans les camps sont menacées d’expulsion.[277] Fin mai 2011, le maire de Delmas a commencé à expulser des familles par la force d’espaces publics.[278]
Les enfants qui vivent dans les camps sont malades à cause de la chaleur qui règne sous les tentes et du manque d’aliments nourrissants. Des femmes et des jeunes filles ne peuvent même pas exercer leur droit fondamental à choisir le moment d’avoir des enfants. Elles ne peuvent pas être assurées d’accoucher dans un établissement sans danger, assistées par une personne ayant une formation en obstétrique.
Les femmes et les jeunes filles haïtiennes ne sont pas seulement des victimes de violences, de discrimination ou bien des circonstances. Elles font partie intégrante de l’économie et de la société haïtiennes. Néanmoins, nombre des femmes et des filles interrogées par Human Rights Watch ont estimé que leurs préoccupations avaient été exclues du processus de reconstruction d’Haïti. Investir en faveur des femmes et des filles d’Haïti exige davantage que des mots ou de grandes promesses de la part des bailleurs de fonds : cela exige un changement fondamental dans la façon dont l’État et la communauté internationale traitent les femmes et les filles, tout spécialement celles qui ont été déplacées du fait du séisme.
L’expert indépendant de l’ONU sur la situation des droits humains en Haïti suggère qu’une approche fondée sur les droits humains soit étendue au processus de reconstruction, supervisé par la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti. Une telle approche, selon lui, permettrait de porter :
une attention particulière aux personnes les plus vulnérables (les femmes, les enfants, les personnes en situation de handicap) ; de chercher à associer systématiquement à la reconstruction les organisations de la société civile, notamment de femmes, de paysans et de défense des personnes vulnérables; de s’assurer que les plans et budgets de reconstruction incluent des analyses sexospécifique et des cibles particulières en matière d’égalité des genres ; de veiller à ce que les programmes de reconstruction à haute intensité de main-d’œuvre ne se concentrent pas uniquement dans les secteurs économiques traditionnellement occupés par les hommes.[279]
Un tel changement fondamental permettrait une reconstruction visant à réaliser les droits humains déjà refusés à la plupart des femmes et filles d’Haïti bien avant le séisme.
La santé reproductive et maternelle n’est pas une question secondaire dans le processus plus vaste de reconstruction. Pour toutes les femmes et filles en Haïti, la réalisation de leurs droits à la santé reproductive et maternelle, ainsi qu’à une vie exempte de violences, est fondamentale dans toute tentative de reconstruire leurs vies après les ravages et les perturbations causés par le tremblement de terre. Alors qu’Haïti avance lentement dans sa lutte pour la reconstruction et la réinstallation dans des logements sûrs des personnes déplacées à cause du séisme, le gouvernement haïtien et ses partenaires doivent faire en sorte que les vulnérabilités économiques et sur le plan de la santé ne soient pas exacerbées par un manque d’accès aux soins reproductifs et maternels ou par des violences sexuelles. Ainsi que l’a exprimé Yvonne, qui vit dans un camp à Croix-des-Bouquets : « [Nous ne voulons] pas d’autres bébés pour le moment. La vie est trop dure dans les camps. »[280]
V. Recommandations
Au Président d’Haïti
-
·
Élaborer et promouvoir
une politique de genre cohérente au sein de toutes les politiques
ministérielles et gouvernementales. Cette politique devrait
exiger :
- o Une attention particulière aux droits des femmes et des filles, notamment leurs droits à la santé reproductive et maternelle ;
- o Que toutes les données soient ventilées selon le sexe ;
- o L’inclusion d’une analyse spécifique pour chaque sexe dans la conception, la mise en œuvre et le contrôle de programme et de politique ;
- o La création d’indicateurs et de critères concrets spécifiques aux questions de genre ;
- o Des pistes claires pour la participation des femmes et des filles.
- · Concevoir des programmes pour améliorer l’accès des femmes et des filles aux informations relatives aux soins maternels et reproductifs, à la disponibilité de soins postérieurs à un viol, à la disponibilité de services médicaux, et aux informations générales relatives à l’effort de reconstruction.
- · Créer des opportunités pour la participation politique des femmes et des filles, en particulier celles des groupes vulnérables, telles que celles qui vivent dans des camps et les femmes en situation de handicap.
- · Renforcer et soutenir le ministère à la Condition féminine et aux droits des femmes afin qu’il puisse remplir son mandat consistant à éliminer toutes formes de violence contre les femmes et à faire les réformes constitutionnelles et législatives pour garantir l’égalité des hommes et des femmes au regard de la loi.
- · Identifier et mettre en œuvre des mesures pouvant être mises en place afin de garantir une surveillance, un contrôle et une évaluation appropriées des programmes, pour permettre la transparence entre les détenteurs de droits et l’État, ainsi qu’entre l’État et les bailleurs de fonds. Ceci est essentiel pour évaluer si les réponses sur le terrain remplissent effectivement les obligations en matière de droits humains et sinon, quelles sont les actions correctives qui devraient être entreprises pour remplir ces obligations.
Au Parlement haïtien
- · Signer et ratifier le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et le Protocole additionnel à la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l’homme sur les droits économiques, sociaux et culturels (Protocole de San Salvador), qui protège davantage le droit des femmes et des filles à la santé.
- · Déposer les mesures législatives nécessaires qui conduiront à une plus grande égalité de genre, en particulier celles qui ont été proposées par la Concertation Nationale, notamment un Code de la famille pour Haïti, une loi spécifique sur la prévention des violences domestiques et du viol au sein du couple, et accordant des droits juridiques à certaines formes d’unions informelles entre hommes et femmes, ainsi que les mesures qui sont actuellement examinées par le ministère à la Condition féminine et aux droits des femmes et ses partenaires.
Au ministère de la Santé (MSPP)
- · Mettre en œuvre une politique de genre en accord avec la recommandation ci-dessus.
- ·
Établir une charte des
droits des patientes des soins reproductifs à afficher dans tous les
établissements de soins et à transmettre oralement à
chaque femme participant au programme Soins obstétriques gratuits (SOG).
Cette charte devrait inclure :
- o Une description de tous les services couverts par le programme ;
- o Une explication sur la façon dont sont remboursés les coûts de transport ou les services d’accoucheurs traditionnels ;
- o Le droit de la patiente à continuer à recevoir des soins dans le cadre du programme SOG, même si elle se trouve dans l’incapacité de payer des services auxiliaires non couverts par le programme, par exemple une échographie ou une prise de sang.
- · Fournir des directives aux professionnels de santé pour expliquer aux patientes pourquoi ces services de soins auxiliaires ne sont pas couverts par le programme SOG et pourquoi ces examens et médicaments sont néanmoins médicalement recommandés et pour expliquer que les patientes peuvent continuer à se présenter aux visites de contrôle prénatal, même si elles sont dans l’incapacité de payer les soins auxiliaires.
- · Élaborer des procédures et des listes de vérification pour les professionnels de santé tant dans les établissements publics que privés pour discuter du processus de l’accouchement avec les femmes et les jeunes filles. Les procédures devraient aborder : la façon de reconnaître les signes du début du travail et à quel moment se rendre à l’hôpital ou à la clinique pour accoucher, l’endroit où la femme ou la fille prévoit d’accoucher et la façon de s’y rendre, comment reconnaître les signes d’une urgence obstétricale et où se rendre en cas d’urgence.
- · Former les professionnels de santé dans les établissements de soins publics et privés à la façon de reconnaître les signes de violences fondées sur le sexe chez les patientes et veiller à ce que tout le personnel de ces établissements sache comment traiter les victimes de violences fondées sur le sexe, notamment vers quels services les orienter.
- · Concevoir un programme pour renforcer l’expertise des soins maternels traditionnels qui existe déjà au niveau des camps et travailler avec les ONG et les agences de l’ONU pour réaliser un programme de formation. Inclure dans cette formation la façon de reconnaître les signes de violences fondées sur le sexe et les mécanismes de prise en charge pour obtenir des soins après un viol.
- · Élaborer un programme pour la sensibilisation de la communauté sur la planification familiale, les services de santé maternelle et les violences fondées sur le sexe, en s’appuyant sur les programmes de sensibilisation mis en œuvre avec succès dans les zones urbaines pour éduquer la population sur la prévention du choléra.
- · S’assurer que tous les établissements de santé publics et privés disposent de stocks de kits de soins post viol, notamment des contraceptifs et antirétroviraux d’urgence.
- · Commencer à élaborer des mécanismes permettant de rendre compte et de mener des enquêtes sur les décès maternels dans les établissements de soins publics.
- · Développer la prise de conscience par le biais de campagnes d’information quant à la disponibilité de services gratuits de soins reproductifs dans les établissements de soins publics, notamment la contraception d’urgence.
- · Réactualiser les connaissances des professionnels de santé sur toutes les méthodes de planification familiale, y compris les méthodes chirurgicales.
- · Mettre en place un parcours d’études médicales solide qui reconnaisse le droit des femmes et des filles à la santé et qui comporte une formation sur toutes les méthodes de planification familiale, y compris la formation aux méthodes chirurgicales de contraception, sur la façon de communiquer efficacement avec les patientes femmes et filles, sur la façon de reconnaître les signes de violences fondées sur le sexe, et sur les mécanismes de prise en charge des victimes de violences fondées sur le sexe.
Aux agences des Nations Unies et aux ONG internationales
-
·
Élaborer et promouvoir
une politique de genre cohérente dans toute l’organisation ou
l’agence. Cette politique devrait exiger :
- o Une attention particulière aux droits des femmes et des filles, notamment leurs droits à la santé reproductive et maternelle ;
- o Que toutes les données soient ventilées selon le sexe ;
- o Que les données ventilées soient mises en commun avec les acteurs concernés, notamment les entités gouvernementales ;
- o L’inclusion d’une analyse spécifique pour chaque sexe dans la conception, la mise en œuvre et le contrôle de programme et de politique ;
- o La création d’indicateurs et de critères concrets spécifiques aux questions de genre ;
- o Des pistes claires pour la participation des femmes et des filles.
- · Identifier les accoucheurs traditionnels, les aides-soignants, ou autres personnes ayant une formation en premiers secours de base vivant dans les camps. Leur fournir une formation pour développer leurs compétences et leurs connaissances. Faire connaître les mécanismes de prise en charge des urgences obstétricales et veiller à ce que ces personnes aient les moyens d’accéder à ces mécanismes, par exemple en leur procurant des téléphones portables et les numéros de téléphone d’urgence. Fournir aux accoucheurs traditionnels des kits de naissance propres. Demander aux accoucheurs traditionnels de prendre contact avec les agences ou les ONG en cas de mort maternelle dans le camp.
- · Fournir un compte rendu régulier au ministère de la Santé sur le nombre de visites prénatales, de naissances institutionnelles, ainsi que de décès maternels et infantiles dans les établissements gérés par les ONG.
- · Les gestionnaires des camps devraient fournir au ministère de la Santé des comptes rendus réguliers et précis des décès maternels et infantiles dans les camps.
- · Travailler en coordination avec le ministère de la Santé pour accorder une priorité aux services de soins reproductifs.
- · Travailler avec le ministère de la Santé et le programme de Soins obstétriques gratuits (SOG) pour mettre en place des Comités de surveillance de la mortalité maternelle dans les zones touchées par le séisme afin de relier les communautés aux institutions de santé, en suivant le modèle couronné de succès de Port-Salut et d’Aquin, mais en l’adaptant à la zone urbaine de Port-au-Prince.
À la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti
-
·
Élaborer et promouvoir
une politique de genre cohérente dans toute la commission et ses
politiques. Cette politique devrait exiger :
- o Une attention particulière aux droits des femmes et des filles, notamment leurs droits à la santé reproductive et maternelle ;
- o Que toutes les données soient ventilées selon le genre ;
- o Que les données ventilées soient mises en commun avec les acteurs concernés, notamment les entités gouvernementales ;
- o L’inclusion d’une analyse spécifique pour chaque sexe dans la conception, la mise en œuvre et le contrôle de programme et de politique ;
- o La création d’indicateurs et de critères concrets spécifiques aux questions de genre ;
- o Des pistes claires pour la participation des femmes et des filles. .
- · Encourager les propositions qui investissent dans la santé et la sécurité des femmes et des filles.
- · Exiger que toutes les propositions faites à la commission comportent une analyse spécifique pour chaque sexe dans la conception, la mise en œuvre et le contrôle de programme et de politique, et disposent d’indicateurs et de critères concrets spécifiques aux questions de genre. Les données fournies à la commission devraient être ventilées selon le genre.
- · Exiger que les projets approuvés par la commission suivent des principes fondés sur les droits humains, notamment l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits humains, la non-discrimination et l’attention aux groupes vulnérables, le devoir de rendre des comptes et la participation.
- · Augmenter la participation des femmes au sein de la commission, notamment en augmentant le nombre des représentantes haïtiennes.
- · Garantir une supervision, un contrôle et une évaluation appropriés des programmes approuvés par la commission.
Aux agences et États bailleurs de fonds, et aux agences d’aide bilatérale
- · Financer les projets correspondant aux priorités du ministère de la Santé en matière de soins reproductifs.
- ·
Élaborer et promouvoir
une politique de genre cohérente dans toute l’agence. Cette
politique devrait exiger :
- o Une attention particulière aux droits des femmes et des filles, notamment leurs droits à la santé reproductive et maternelle ;
- o Que toutes les données soient ventilées selon le sexe ;
- o Que les données ventilées soient mises en commun avec les acteurs concernés, notamment les entités gouvernementales ;
- o L’inclusion d’une analyse spécifique pour chaque sexe dans la conception, la mise en œuvre et le contrôle de programme et de politique ;
- o La création d’indicateurs et de critères concrets spécifiques aux questions de genre ;
- o Des pistes claires pour la participation des femmes et des filles.
- · Exiger que les partenaires chargés de la mise en œuvre incluent une analyse spécifique pour chaque sexe dans les offres, la conception, la mise en œuvre et le contrôle de programme et de politique, et disposent d’indicateurs et de critères concrets spécifiques aux questions de genre.
- · Éviter les ruptures de financement susceptibles d’avoir un impact sur la santé des femmes.
- · Débourser les fonds promis.
- · Garantir une supervision, un contrôle et une évaluation appropriées des programmes pour permettre la transparence entre donateurs (et ONG chargées de la mise en œuvre) et le gouvernement d’Haïti.
- · Collaborer avec le ministère de la Santé pour élaborer une cartographie électronique du secteur de la santé afin d’identifier les lacunes géographiques ou autres dans les services médicaux.
- · Veiller à ce que les partenaires chargés de la mise en œuvre adoptent une approche fondée sur les droits humains, notamment en offrant des opportunités aux bénéficiaires de participer à la planification de projet ou d’obtenir réparation en cas de violations de leurs droits.
À la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), à UNPOL et à la Police Nationale d’Haïti (PNH)
- · Garantir un suivi approprié lorsque des cas de violences fondées sur le sexe sont identifiés.
- · Veiller à ce que les victimes de violences fondées sur le sexe comprennent quels sont les services médicaux à leur disposition et à ce qu’elles aient accès à ces services.
- · Recueillir les réactions des représentants des camps, en particulier les femmes et les filles vivant dans les camps bénéficiant de patrouilles, quant à l’efficacité de ces patrouilles et identifier les moyens d’améliorer la sécurité pour les femmes et les filles dans les camps.
- · Continuer à suivre les Directives du Département des opérations de maintien de la paix pour l’intégration d’une perspective de genre dans les activités de la force militaire des Nations Unies dans les opérations de maintien de la paix et contrôler leur application par toutes les forces de la mission.
Aux procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies
- · Le rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint devrait se rendre en Haïti pour évaluer l’impact du séisme et du plan de relèvement sur le droit à la santé et les systèmes de santé.
- · La rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, devrait effectuer un suivi de sa visite de juin 1999 dans le pays.
- · L’expert indépendant sur la situation des droits humains en Haïti devrait poursuivre ses efforts notables pour encourager la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti et les acteurs humanitaires à adopter une approche du relèvement et de la reconstruction fondée sur les droits humains. Il devrait continuer à surveiller l’adoption d’une telle approche par ces acteurs.
Remerciements
Amanda M. Klasing, titulaire d’une bourse de recherche auprès de la division Droits des Femmes, a effectué les recherches en vue du présent rapport et en a assuré la rédaction. Le rapport s’appuie également sur les recherches menées en collaboration avec Meghan Rhoad, chercheuse auprès de la division Droits des Femmes. Il a été revu par Liesl Gerntholtz, directrice de la division Droits des Femmes, Joe Amon, directeur de la division Santé et Droits Humains, Lois Whitman, directrice de la division Droits de l’enfant, Daniel Wilkinson, directeur adjoint de la division Amériques, Tom Porteous, directeur adjoint des programmes, Danielle Haas, éditrice de programme senior, et Aisling Reidy, conseillère juridique senior.
Daniela Ramirez et Rumbidzai Chidoori, respectivement coordinatrice et associée au sein de la division Droits des Femmes, ont apporté leur concours à la production du document. Grace Choi, directrice des publications, Anna Lopriore, responsable création, et Fitzroy Hepkins, responsable du courrier, ont préparé le rapport en vue de sa publication. La traduction française du rapport a été assurée par Danielle Serres et Françoise Denayer et a été revu par Anna Chaplin.
Nous remercions tout particulièrement les femmes et les filles qui ont accepté de partager avec nous leurs expériences et nous saluons leur courage et leur détermination.
Human Rights Watch tient à remercier les nombreuses organisations de défense des droits des femmes, prestataires de services médicaux et organisations de défense des droits humains en Haïti qui ont apporté leur soutien à ces recherches et à leur analyse. Human Rights Watch assume l’entière responsabilité des erreurs ou omissions éventuelles contenues dans le présent rapport.
La division Droits des Femmes à Human Rights Watch tient à exprimer sa gratitude, pour leur soutien financier, à Arcadia, au Moriah Fund, au Trellis Fund et aux autres entités qui nous ont apporté leur soutien.
[1] Deux entretiens ont eu lieu à Petit Goâve.
[2] Convention relative aux droits de l’enfant, rés. de l’ AG. 44/25, Doc. ONU A/44/49, entrée en vigueur le 2 septembre 1990, ratifiée par Haïti le 8 juin 1995, art. 1.
[3] OMS et al., Trends in maternal mortality: 1990 to 2008: Estimates developed by WHO, UNICEF, UNFPA and The World Bank (Geneva: WHO Press, 2010), 1.
[4] Michel Cayemittes et al, Enquête Mortalité et Utilisation des Services Emmus-IV Haïti 2005-2006 ( Calverton, Maryland, USA : Ministère de la Santé Publique et de la Population, Institut Haïtien de l’Enfance et Macro International Inc., 2007), p. xxix.
[5] USAID & Management Sciences for Health, « Haiti Maternal and Child Health and Family Planning Portfolio Review and Assessment », 2008, p. 6.
[6] Ibid., p. 6.
[7] Voir généralement, CIDH, « The Right of Women in Haiti to be Free from Violence and Discrimination », 10 mars 2009 ; et CIDH, « Annual Report of the Inter-American Commission on Human Rights 2010 » [Rapport annuel], OEA/Ser.L/V/II., 7 mars 2011, p. 593, para. 25. [Traduction de Human Rights Watch]
[8] CIDH, Rapport annuel, p. 593, para. 25. [Traduction de Human Rights Watch]
[9] USAID, « Gender Assessment: USAID/ Haiti », juin 2006, p. 8. [Traduction de Human Rights Watch]
[10] Ibid., p. 8.
[11] Commission des droits de l’homme de l’ONU, Rapport de la Rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et conséquences, Mme Radhika Coomaraswamy, présenté en application de la résolution 1997/44 de la Commission des droits de l’homme. Additif : Rapport sur la mission en Haïti, 27 janvier 2000, E/CN.4/2000/68/Add.3, http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/0/99eefdf8e56916bd802568ba004c8805/$FILE/G0010411.pdf (consulté le 23 mai 2011), p. 11.
[12] Département d’État américain, Bureau de la démocratie, des droits humains et du travail, « Country Reports on Human Rights Practices – 2011: Haiti », 2011, p. 20.
[13] USAID, Gender Assessment: Haiti, p. 8.
[14] Département d’État américain, Bureau des droits humains, 2011, Haïti, p. 16.
[15] Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) , « Plan intérimaire du secteur santé: Avril 2010-Septembre 2011 », mars 2010, pp. 2-3.
[16] Emmus-IV Haïti 2005-2006, p. xxix.
[17] Haiti Maternal and Child Health and Family Planning Portfolio Review and Assessment, p. 5.
[18] Ibid., p. 11.
[19] Voir JSI Research & Training Institute, Inc., « The Long Wait: Reproductive Health Care in Haiti », 2009, pp. 11-12.
[20] Ibid., p. 12. Voir également, Médecins Sans Frontières, « Ébauche du rapport de MSF – Un périple dangereux : Les obstacles qui empêchent un accouchement sécuritaire chez les femmes vulnérables à Port-au-Prince », mai 2008, p. 13, précisant que : « [m]ême si elles veulent se rendre à l’hôpital pour voir un médecin, l’insécurité et la peur d’être attaquée[s] dans la rue forcent plusieurs femmes vivant dans les bidonvilles à rester confinées à la maison lorsqu’elles accouchent le soir.». Le document de MSF signalait également qu’il y avait très peu d’admissions dans sa maternité entre 22 heures et 6 heures du matin.
[21] Haiti Maternal and Child Health and Family Planning Portfolio Review and Assessment, p. 7.
[22] The Long Wait: Reproductive Health Care in Haiti, p. 11.
[23] Ibid., citant Sphère, La Charte humanitaire et les standards minimums de l’intervention humanitaire. Les services initiaux (MISP) en matière de santé reproductive font partie des normes contenues dans La Charte humanitaire et les standards minimums de l’intervention humanitaire du Projet Sphère. Ils comprennent: la prévention de la violence sexuelle et la dispensation de soins après un viol, la protection contre la transmission du VIH, les soins d’urgence aux femmes enceintes et aux nouveau-nés et la fourniture de contraceptifs, d’antirétroviraux et de soins pour les infections sexuellement transmissibles (IST). Bien que la planification familiale ne soit pas une composante des MISP dans la phase d’urgence d’une crise, elle constitue un élément essentiel des services complets de santé reproductive qui devraient être mis en place lorsque la situation se stabilise. Voir Projet Sphère, La Charte humanitaire et les standards minimums de l’intervention humanitaire, édition 2011 (Rugby, UK : Practical Action Publishing, 2011), pp. 372-379 ; voir également Groupe de travail interorganisations sur la santé reproductive en situations de crise, « Manuel de terrain interorganisations sur la santé reproductive en situations de crise humanitaire », 2010.
[24] Emmus-IV Haïti 2005-2006, p. 14.
[25] Ces 85 pour cent ont été vues par un professionnel de la santé, soit un médecin, une infirmière, une auxiliaire, un agent de santé, une sage-femme ou une matrone (accoucheuse traditionnelle). Emmus-IV Haïti 2005-2006, p. xxix.
[26] Digests, « The Physical Accessibility of Health Facilities Strongly Affects Haitian Women’s Use of Prenatal, Delivery Care, » International Family Planning Perspectives, vol. 33, No. 1 (Mar., 2007), pp. 38-39.
[27] Emmus-IV Haïti 2005-2006, p. 14. La tendance en zone urbaine risque en fait d’être à la baisse en ce qui concerne le nombre de femmes recourant aux soins prénatals, voir, Haiti Maternal and Child Health and Family Planning Portfolio Review and Assessment, p. 11.
[28] Plan intérimaire du secteur santé : Avril 2010-Septembre 2011, p. 1.
[29] Ibid., p. 2.
[30] The Long Wait: Reproductive Health Care in Haiti, p. 11.
[31]Manuel de terrain interorganisations sur la santé reproductive en situations de crise humanitaire : Version 2010 révisée pour revue sur le terrain, p. 99 (citant John Cleland et al. « Family planning: the unfinished agenda », The Lancet: The Lancet Sexual and Reproductive Health Series, octobre 2006).
[32] Plan intérimaire du secteur santé, p. 1.
[33] Haiti Maternal and Child Health and Family Planning Portfolio Review and Assessment, p. 11.
[34] Ibid., p. 7.
[35] Emmus-IV Haïti 2005-2006, p. 97.
[36] Haiti Maternal and Child Health and Family Planning Portfolio Review and Assessment, p. 7.
[37] Emmus-IV Haïti 2005-2006, p. 278.
[38] Banque mondiale, A Review of Gender Issues in the Dominican Republic, Haiti and Jamaica (Washington DC : Banque mondiale, 2002), p. 35 ; voir également, Commission des droits de l’homme de l’ONU, Rapport de la Rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et conséquences, Mme Radhika Coomaraswamy, présenté en application de la résolution 1997/44 de la Commission des droits de l’homme. Additif : Rapport sur la mission en Haïti, 27 janvier 2000, E/CN.4/2000/68/Add.3, http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/0/99eefdf8e56916bd802568ba004c8805/$FILE/G0010411.pdf (consulté le 23 mai 2011), p. 11. La violence basée sur le genre est définie comme étant « la violence exercée contre une femme parce qu’elle est une femme ou qui touche spécialement la femme. Elle englobe les actes qui infligent des tourments ou des souffrances d’ordre physique, mental ou sexuel, la menace de tels actes, la contrainte ou autres privations de liberté ». Voir Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Recommandation générale N° 19, Violence à l’égard des femmes, (Onzième session, 1992), para. 6.
[39] Human Rights Watch, Haïti, un rendez-vous avec l’Histoire : Les poursuites contre Jean-Claude Duvalier (New York : 2011), pp. 27-28.
[40] Human Rights Watch/Coalition nationale des réfugiés haïtiens, Rape in Haiti: A Weapon of Terror, (New York: 1994). Même après que le régime de facto eut été remplacé par le Président Aristide élu démocratiquement, le taux élevé de violence à l’égard des femmes s’est maintenu. Selon des statistiques émanant du Ministère à la Condition Féminine, entre novembre 1994 et juin 1999, cinq cent cas de harcèlement sexuel ont été enregistrés, neuf cent cas de sévices ou d’agression sexuelle contre des femmes adultes, et 1 500 cas de violence sexuelle à l’égard de filles âgées de six à quinze ans. Voir également Rapport de la Rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et conséquences, Mme Radhika Coomaraswamy, p. 13.
[41] Conseil de sécurité de l’ONU, Les enfants et les conflits armés – Rapport du Secrétaire général, Doc. ONU No. A/61/529-S/2006/826, (26 octobre 2006), para. 39.
[42] Ibid. ; voir également ActionAid, « MINUSTAH: DDR and Police, Judicial and Correctional Reform in Haiti: Recommendations for change », 2006, p. 7.
[43] Athena R. Kolbe & Royce A. Hutson, « Human Rights Abuse and Other Criminal Violations in Port-au-Prince, Haiti: A Random Survey of Households », The Lancet, vol. 368 (2006), p. 868.
[44] « Treating sexual violence in Haiti: An interview with Olivia Gayraud, MSF Head of Mission in Port-au-Prince », 30 octobre 2007, http://web1.doctorswithoutborders.org/news/article.cfm?id=2135 (consulté le 21 juin 2011).
[45] Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes et Ministère de la Santé Publique et de la Population, « Plan National de lutte contre les violences faites aux femmes », novembre 2005.
[46] Emmus-IV Haïti 2005-2006, p. 299.
[47] Ibid., pp. 298-305.
[48] Sunita Kishor et Kiersten Johnson, « Reproductive Health and Domestic Violence: Are the Poorest Women Uniquely Disadvantaged? » Demography , vol. 43, no. 2 (2006), p. 300.
[49] M.C. Smith, Fawzi, et al., « Factors associated with forced sex among women accessing health services in rural Haiti: implications for the prevention of HIV infection and other sexually transmitted diseases », Social Science & Medicine, vol. 60 (2005) pp. 683-84. [Traduction de Human Rights Watch]
[50] Contreras, J. M.; Bott, S.; Guedes, A.; Dartnall, E., Sexual violence in Latin America and the Caribbean: A desk review , (2010), p. 36 (citant Emmus-IV Haïti 2005-2006 et Gómez, A. M.; Speizer, I. S.; Beauvais, H. “Sexual violence and reproductive health among youth in Port-au-Prince, Haiti,” Journal of Adolescent Health. vol. 44 (2009), pp. 508-510).
[51] Gómez, A. M.; Speizer, I. S.; Beauvais, H., « Sexual violence and reproductive health among youth in Port-au-Prince, Haiti », Journal of Adolescent Health , vol. 44. (2009) pp. 508-510, 509.
[52] Amnesty International, « Ne leur tournez pas le dos : La violence sexuelle contre les filles en Haïti », 2008, p. 19 (citant Médecins Sans Frontières, Ébauche du rapport de MSF – Un périple dangereux : Les obstacles qui empêchent un accouchement sécuritaire chez les femmes vulnérables à Port-au-Prince , mai 2008, p. 19, http://www.msf.ca/fileadmin/documents/publications/MSF_HaitiReport_FRN_R3.pdf).
[53]USAID, «Intimate Partner Violence Among Couples in 10 DHS Countries, Predictors and Health Outcomes», DHS Analytical Studies 18, décembre 2008 (élaboré par Michelle J. Hindin, Sunita Kishor, Donna L. Ansara), p. 63. Une interruption de grossesse est définie dans cette étude comme étant un avortement, une fausse couche ou un enfant mort-né.
[54] Concertation Nationale contre les violences faites aux femmes, « Prévention, prise en charge et accompagnement des victimes de violences spécifiques faites aux femmes : 2006-2011 », novembre 2005.
[55] Ibid.
[56] Ministère haïtien de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE), République d’Haïti - Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (novembre 2007), pp. 68-69.
[57] Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) , « Plan Stratégique National pour la Réforme du Secteur de la Santé 2005-2010 », 2005, pp 42-49. Voir Haiti Maternal and Child Health and Family Planning Portfolio Review and Assessment, p. 14. Le système de santé est structuré en trois niveaux : le premier niveau consiste en 600 services de santé de premier échelon et 45 hôpitaux communautaires de référence ; le deuxième niveau comprend un hôpital départemental dans chacun des dix départements ; et le troisième niveau compte six hôpitaux universitaires, dont cinq à Port-au-Prince. Ce réseau d’établissements est théoriquement organisé en 54 unités communales de santé desservant chacune une population de 80 000 à 140 000 habitants. Les unités ont pour mandat d’assurer la dispensation d’un « paquet minimum de services », dont des soins de santé maternelle. Plan intérimaire du secteur santé, pp. 1-4.
[58] Médecins Sans Frontières, « Ébauche du rapport de MSF – Un périple dangereux : Les obstacles qui empêchent un accouchement sécuritaire chez les femmes vulnérables à Port-au-Prince » , mai 2008, p. 15.
[59] OMS, Soins obstétricaux gratuits en Haïti : Pour une grossesse à moindre risque chez les femmes et les nourrissons (OMS : Genève, 2010).
[60] Haiti Maternal and Child Health and Family Planning Portfolio Review and Assessment , p. 12.
[61] Soins obstétricaux gratuits en Haïti : Pour une grossesse à moindre risque chez les femmes et les nourrissons , p. 6.
[62] Haiti Maternal and Child Health and Family Planning Portfolio Review and Assessment, p. 8.
[63] Plan intérimaire du secteur santé, p. 4.
[64] UNFPA, « Midwivery and Nursing Schools Destroyed by Earthquake in Haiti », 22 janvier 2010, http://www.unfpa.org/public/news/pid/4756 (consulté le 29 juillet 2011).
[65] Mark Schuller, « Unstable Foundations: Impact of NGOs on Human Rights for Port-au-Prince’s Internally Displaced », 4 octobre 2010, p. 14.
[66] Déclaration du Consortium Reproductive Health Response in Crises, « Haiti Response Must Address Health Needs of Women and Girls », 19 janvier 2010, http://www.rhrc.org/Haiti%20statement_RHRC_3%2002%2010_Final_Final.pdf. Le Consortium Reproductive Health Response in Crises comprend l’American Refugee Committee (ARC) ; CARE ; la Columbia University ; l’International Rescue Committee (IRC); le JSI Research and Training Institute (JSI) ; Marie Stopes International (MSI) ; et la Women's Refugee Commission .
[67] CARE et al., « Four Months On: A Snapshot of Priority Reproductive Health Activities in Haiti: An Inter-agency MISP Assessment Conducted by CARE, International Planned Parenthood Federation, Save the Children, and Women’s Refugee Commission », mai 2010, p. 4.
[68] Entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Mireille Peck, directrice du camp GHESKIO, 19 janvier 2011. Voir également, Rapport Programme Santé de la Reproduction, Campus GHESKIO, EDH, Janvier-Décembre 2010, élaboré par le Dr. Gessy Bellerive, en possession de l’auteur du présent rapport.
[69] Entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Gadner Michaud, directeur de PROFAMIL, Port-au-Prince, 3 février 2011.
[70] Ibid.
[71] The Long Wait: Reproductive Health Care in Haiti, p. 7.
[72] Priority Reproductive Health Activities in Haiti: An Inter-agency MISP Assessment, p. 20.
[73] Les destructions occasionnées par le tremblement de terre ont débouché sur la formation de quelques nouveaux partenariats publics/privés. La Maternité Isaïe Jeanty (Chancerelles) participe au programme SOG. Après avoir perdu son hôpital de soins obstétricaux d’urgence, MSF s’est installé dans cet hôpital pour soutenir Chancerelles en tant qu’hôpital de référence. Entretien de Human Rights Watch avec Sylvain Groulx, chef de mission, MSF-Hollande, Port-au-Prince, 27 janvier 2011.
[74] OCHA, Haiti Revised Humanitarian Appeal, 18 février 2010, p. 15, http://ochadms.unog.ch/quickplace/cap/main.nsf/h_Index/Revision_2010_Haiti_FA/$FILE/Revision_2010_Haiti_FA_SCREEN.pdf?OpenElement (consulté le 31 juillet 2011).
[75] En date de juillet 2010, le projet avait repris le paiement des frais associés à tous les droits prévus dans le programme, entre autres les remboursements de frais de transport et les honoraires pour les sages-femmes traditionnelles (matrones) qui amènent les femmes aux centres médicaux au moment de l’accouchement. Le projet n’a enregistré aucune hausse de la mortalité maternelle durant cette période dans la région de Port-au-Prince, mais il a relevé une légère augmentation de la mortalité infantile. Il a également constaté une augmentation générale du nombre de naissances dans ses institutions. Certaines ont enregistré jusqu’à quarante pour cent de naissances supplémentaires, avec les mêmes ressources qu’avant le séisme. Le projet SOG n’a pratiquement pas connu d’interruptions dans sa chaîne d’approvisionnement de médicaments et de matériel, même si les institutions participantes ne sont pas toutes venues chercher leurs fournitures. Entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Laurent Stien, directeur de programme à SOG, Port-au-Prince, 2 février 2011.
[76] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Sarah Marsh, coordinatrice de Women’s Health, Partners In Health-Haiti, 18 septembre 2010.
[77] UNFPA, « GOUDOUGOUDOU: Timoun Boum (Enquête sur l’évaluation des besoins et services de santé de la reproduction dans les zones affectées par le séisme – Oct 2010) », octobre 2010 ; Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) & Institut Haïtien de l’Enfance (IHE), « Goudougoudou - Timoun boum :Enquête sur la santé dans les sites d’hébergement-Haïti », octobre 2010, publié en juillet 2011.
[78] Présentation de l’UNFPA, sous-cluster Santé reproductive de l’OCHA, 26 janvier 2011, notes et présentation PowerPoint en possession de l’auteur du présent rapport.
[79] Le nombre de naissances à Chancerelles est passé de seulement 513 naissances en septembre 2010 à 1 207 en novembre 2010. Entretien de Human Rights Watch avec l’infirmière diplômée Caillot, infirmière accoucheuse chef, Hôpital d’obstétrique de Chancerelles, Port-au-Prince, 26 janvier 2011.
[80] Voir, par exemple, Comité permanent interorganisations, « IASC Operational Guidelines on the Protection of Persons in situations of Natural Disasters », janvier 2011, p.12.
[81] Ibid. , p.35. [Traduction de Human Rights Watch]
[82] Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), rés. AG 34/180, entrée en vigueur le 3 septembre 1981, ratifiée par Haïti le 20 juillet 1981 ; Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), rés. AG 44/25, Doc. ONU A/44/49, entrée en vigueur le 2 septembre 1990, ratifiée par Haïti le 8 juin 1995 ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), rés. AG 2200A (XXI), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par Haïti le 6 février 1991 ; Convention américaine relative aux droits de l’homme (« Pacte de San José », Costa Rica), adoptée le 22 novembre 1969 par la Conférence spécialisée interaméricaine sur les droits de l’Homme, Série de traités de l’OEA, No. 36, entrée en vigueur le 18 juillet 1978, ratifiée par Haïti le 14 septembre 1977 ; Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (« Convention de Belém do Pará »), adoptée le 6 septembre 1994 par l’Assemblée générale de l’OEA, entrée en vigueur le 3 mai 1995, ratifiée par Haïti le 7 avril 1997.
[83] Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (« Protocole de San Salvador »), adopté le 17 novembre 1988 par l’Assemblée générale de l’OEA, Série de traité de l’OEA No. 90, entré en vigueur le 16 novembre 1999, signé par Haïti le 17 novembre 1988. En tant que signataire, et bien que n’ayant pas encore ratifié ledit protocole, le gouvernement haïtien est tenu de s’abstenir d’actes qui priveraient le traité de son objet et de son but . Voir Convention de Vienne sur le droit des traités (CVDT), art. 18, 23 mai 1969, 1155 U.N.T.S. 331. Par ailleurs, au regard du droit international coutumier, le gouvernement haïtien a l’obligation de mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux. Voir CESCR, Observations finales (Israël), E/C.12/1/Add.90 (23 mai 2003), para. 31 (« les droits économiques, sociaux et culturels essentiels, en tant que normes minimales relatives aux droits de l’homme, sont garantis en vertu du droit international coutumier »).
[84] Voir, par exemple, résolution 2003/28 de la Commission des droits de l’homme, préambule et para. 6 ; voir également Rapport du rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, février 2003, E/CN.4/2003/58, para. 25 ; Rapport du rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, février 2004, E/CN.4/2004/49, paras.11, 29.
[85] Parmi les autres problèmes de droits des femmes qui préexistaient et risquent d’être aggravés par le tremblement de terre figure notamment l’accès des femmes au crédit, aux moyens de subsistance, à l’éducation et à la participation au sein des structures décisionnelles. Par ailleurs, le taux peu élevé d’alphabétisation des femmes, le taux démesurément élevé d’infection par le VIH chez les femmes, ainsi que la féminisation de la pauvreté en Haïti, comptent parmi les problèmes existants de droits des femmes qui risquent d’aggraver l’impact du séisme sur les femmes .
[86] Entretien de Human Rights Watch avec Rachelle, camp du Champ de Mars, 14 novembre 2010, Port-au-Prince, Haïti.
[87] CEDAW, art. 16(1)(e).
[88] Groupe de travail interorganisations sur la santé reproductive en situations de crise, « Manuel de terrain interorganisations sur la santé reproductive en situations de crise humanitaire » , 2010, p. 99. L’accès à la planification familiale, qui s’inscrit dans le cadre de la santé reproductive, constitue un « élément faisant partie intégrante du droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint ». Voir Résolution de la Commission des droits de l’homme, 2003/28, préambule et para. 6.
[89] Entretien de Human Rights Watch avec Tamara, camp de Delmas 33, 10 novembre 2010.
[90] Comité des droits économiques, sociaux et culturels, « Observation générale No 14 : Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint », E/C 12/2000/4, 11 août 2000, para 12(b). Pour une analyse plus détaillée du droit d’accès à l’information, voir Human Rights Watch, A State of Isolation: Access to Abortion for Women in Ireland (New York: 2010), pp. 45-47 ; voir également CDE, art. 24(2)(e).
[91] Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, « Recommandation générale No 24 : Les femmes et la santé », 1999, Doc. ONU A/54/38/Rev.3, para. 18.
[92] CDE, art. 28.
[93] UNFPA, GOUDOUGOUDOU : Timoun Boum, p. 1.
[94] Entretien de Human Rights Watch avec Lovely, camp de Delmas 33, 10 novembre 2010.
[95] Entretien de Human Rights Watch avec Jessie, camp de Croix-des-Bouquets, 22 janvier 2011.
[96] Entretien de Human Rights Watch avec Ellen, 17 ans, camp de Maïs Gâté, 10 novembre 2010.
[97] L’accompagnement en matière de planification familiale est l’un des critères de participation au programme SOG. Voir entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Laurent Stien, administrateur du projet SOG de l’OPS, Port-au-Prince, 2 février 2011.
[98] Entretien de Human Rights Watch avec Widney, camp du Champ de Mars, 14 novembre 2010. Widney devait accoucher en janvier 2011. Elle a 19 ans et est mère de deux autres enfants.
[99] Entretien de Human Rights Watch avec Tesol, camp de Maïs Gaté, Port-au-Prince, 17 novembre 2010.
[100] Par exemple, l’OMS recommande un intervalle de 24 mois entre la naissance d’un enfant et la conception du suivant « afin de réduire le risque des conséquences négatives maternelles, périnatales et infantiles ». Voir USAID, «Family Planning Needs during the Extended Postpartum Period in Haiti », août 2007, p. 1.
[101] CEDAW, art. 10(h) et 16 (1)(e).
[102] Voir, par exemple, Rapport du rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, février 2004, E/CN.4/2004/49, para. 41.
[103] Ibid.
[104] Entretien de Human Rights Watch avec Rachelle, camp du Champ de Mars, 14 novembre 2010.
[105] Entretien de Human Rights Watch avec Charlotte, camp de Delmas 33, 10 novembre 2010.
[106] Voir, par exemple, Priority Reproductive Health Activities in Haiti: An Inter-agency MISP Assessment, p. 13.
[107] Entretien de Human Rights Watch avec Valmie, Mona, Chelnea, Rachlene, entretien de groupe avec un comité de femmes, camp de Maïs Gâté, 23 janvier 2011.
[108] Entretien de Human Rights Watch avec Azor, camp de Croix-des-Bouquets, 22 janvier 2011. Azor a participé à un entretien de groupe du comité du camp.
[109] CEDAW, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : rapport initial, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième rapports périodiques combinés des États parties : Haïti, CEDAW/C/HTI/7, 9 juillet 2008, p. 81 ; et, Code pénal haïtien, art. 262.
[110] Statistique sur les grossesses non désirées tirée de la présentation de l’ UNFPA, Sous-cluster Santé reproductive de l’OCHA, 26 janvier 2011, notes et présentation PowerPoint en possession de l’auteur du présent rapport.
[111] Le misoprostol est un médicament destiné à prévenir certains types d’ulcères gastriques. Il est également souvent utilisé pour provoquer l’accouchement, mais peut être utilisé plus tôt pendant la grossesse pour provoquer un avortement. Le misoprostol peut être une option relativement sûre dans le cas d’un avortement médicalisé ; néanmoins pris trop tard ou à trop forte dose, il peut occasionner de fortes hémorragies qui peuvent se révéler dangereuses. Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Sarah Marsh, coordinatrice de Women’s Health, Partners In Health-Haiti, 18 septembre 2010.
[112] Voir, par exemple, entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Lise-Marie Déjean, directrice médicale, Solidarité des femmes haïtiennes (organisation connue sous son acronyme créole SOFA), 16 novembre 2010.
[113] Entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Camille Figaro, directeur médical, hôpital d’obstétrique de Chancerelles, Port-au-Prince, 21 janvier 2011.
[114] Ibid.
[115] Entretien de Human Rights Watch avec l’infirmière diplômée Caillot, infirmière accoucheuse chef, hôpital d’obstétrique de Chancerelles, Port-au-Prince, 26 janvier 2011. Refugees International a signalé que des fillettes qui n’avaient pas plus de 10 ans avaient été traitées dans certains établissements médicaux pour des complications liées à un avortement.
[116] Ibid.
[117] Après avoir été soignées pour leur infection, les femmes et les filles reçoivent des conseils sur différentes méthodes de planification familiale. Ibid.
[118] Ibid.
[119] Ibid.
[120] Hôpital Universitaire de la Paix (HUP), Rapport du mois de décembre 2010.
[121] Entretien de Human Rights Watch avec l’infirmière diplômée Goudet, infirmière accoucheuse chef, HUEH, 19 janvier 2011.
[122] Entretien de Human Rights Watch avec Tesol, camp de Maïs Gaté, Port-au-Prince, 17 novembre 2011.
[123] Voir Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : Haïti, para. 37, Doc. ONU CEDAW/C/HTI/CO/7 (2009).
[124] Voir Observations finales du Comité des droits de l’homme : Sri Lanka, para. 12, Doc. ONU CCPR/CO/79/LKA (2003).
[125] Voir, OPS, « Health in the Americas, 2007, Volume II – Countries, Haiti », 2007, p. 415. Cela correspond aux chiffres mondiaux. Voir OMS, Unsafe Abortion: Global and Regional Estimates of the Incidence of Unsafe Abortion and Associated Mortality in 2008, 6e éd. (OMS : Genève, 2011), p. 1.
[126] Voir Résolution de la Commission des droits de l’homme, 2003/28, préambule et para. 6 ; voir également CESCR, « Observation générale No 14 : Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint », para 11, qui estime que l’accès à l’information relative à la santé est inclus dans le droit à la santé. La CEDAW protège le droit des femmes à se voir fournir les services appropriés en rapport avec leur grossesse. CEDAW, art. 12(2). L’article 24 de la CDE protège également le droit aux soins prénatals. CDE, art. 24(d).
[127] Entretien de Human Rights Watch avec Ellen, camp de Maïs Gâté, Port-au-Prince, 10 novembre 2010.
[128] Ibid.
[129] Commission des droits de l’homme de l’ONU, « Le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, Rapport du Rapporteur spécial, Paul Hunt, soumis conformément à la résolution 2002/31 de la Commission », E/CN.4/2003/58, 13 février 2003.
[130] CESCR, « Observation générale No 14 : Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint », para 12(b). Pour une analyse plus détaillée du droit d’accès à l’information, voir A State of Isolation: Access to Abortion for Women in Ireland, pp. 45-47 ; voir également CDE, art. 24(e).
[131] CRC, Observation générale No 4 (2003), La santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant , CRC/GC/2003/4, 1er juillet 2003, para. 31.
[132] Entretien de Human Rights Watch avec Mardin, camp de Maïs Gâté, 23 janvier 2011.
[133] Entretien de Human Rights Watch avec un directeur de pays qui a demandé à garder l’anonymat, grande ONG médicale, Port-au-Prince, 20 janvier 2011.
[134] Entretien de Human Rights Watch avec Michelin, camp de Pétion-ville, 30 janvier 2011.
[135] Voir Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, « Recommandation générale No 24 : Les femmes et la santé » , (20e session, 1999), para. 31 ; CDE, art. 24(d).
[136] Entretien de Human Rights Watch avec Vyola, camp de Delmas 33, 11 novembre 2010.
[137] Cela a souvent été un problème pour le rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, voir, par exemple, Rapport du Rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint , A/61/338, 13 septembre 2006, para. 17(b) ; CDE, art. 24(d). Voir également, par exemple, CESCR, « Observation générale No 14 : Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint », para. 12.
[138] Opérés par des acteurs privés qui en sont les propriétaires, les tap-taps sont souvent de vieilles camionnettes pick-up avec un auvent de bois aux couleurs vives attaché au plateau de la camionnette et des banquettes installées sous l’auvent ; certains sont des mini-fourgonnettes.
[139] Entretien de Human Rights Watch avec Anita, camp du Champ de Mars, 13 novembre 2010. L’hôpital général est situé plus près de ce camp, mais Anita n’a pas cherché à se faire soigner dans cet établissement pour des raisons qui ne nous ont pas été expliquées.
[140] Institut de Consultation en Informatique, Économie et Statistique Appliquées, « Enquête de satisfaction des femmes bénéficiaires des soins obstétricaux gratuits, Rapport du deuxième trimestre de l’évaluation (Novembre-2010/Décembre-2010/Janvier-2011) », février 2011, pp. 7 et 107.
[141] William J. Watson et John W. Seeds, « Diagnostic Obstetric Ultrasound », Global Library of Women’s Medicine, DOI 10.3843/GLOWM.10199, 2008. [Traduction de Human Rights Watch] Il convient de pratiquer une échographie pendant la grossesse en cas de saignements vaginaux pendant la grossesse, de complications obstétricales lors d’une grossesse antérieure, de certaines grossesses à haut risque pour dépister une malformation du fœtus et évaluer le développement du fœtus et pour suivre la croissance du fœtus dans certaines situations à risque.
[142] Entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Laurent Stien, directeur du programme SOG, Port-au-Prince, 2 février 2011.
[143] Entretien de Human Rights Watch avec Myrlande, camp du Champ de Mars, 14 novembre 2010.
[144] Voir, par exemple, entretien de Human Rights Watch avec une personne anonyme, 19 ans, camp du Champ de Mars, 14 novembre 2010 ; entretien de Human Rights Watch avec Claudia, 16 ans, camp de Maïs G â té, 17 novembre 2010.
[145] Entretien de Human Rights Watch avec Adeline, camp de Croix-des-Bouquets , 22 janvier 2010.
[146] Entretien de Human Rights Watch avec Yvonne, camp de Croix-des-Bouquets, 22 janvier 2010.
[147] Entretien de Human Rights Watch avec Tamara, 17 ans, camp de Delmas 33, 10 novembre 2010.
[148] Voir, par exemple, CEDAW, art. 12(2) ; Rapport du Rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, A/61/338, 13 septembre 2006, para. 13. Voir également CESCR, « Observation générale No 14 : Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint » , para 14.
[149] CIDH, Access to Maternal Health Services from a Human Rights Perspective, OEA/Ser.L/V/II.Doc. 69, para. 23 (2010), 7 juin 2010 [Traduction de Human Rights Watch] . L’article 10 du Protocole de San Salvador, signé par Haïti, dispose que toute personne a droit à la santé, s’entendant comme étant le droit de jouir du meilleur état de santé physique, mentale et sociale.
[150] GOUDOUGOUDOU: Timoun Boum, p. 2.
[151] Le schéma des « trois retards » a été élaboré pour comprendre les facteurs conduisant à une mortalité maternelle évitable. Voir S. Thaddeaus et D. Maine, Too Far to Walk: Maternal Mortality in Context, Center for Population and Family Health (Columbia University School of Public Health:New York, 1990) ; voir également, D. Barnes-Josiah, C. Myntti et A. Augustin, « The “Three Delays” as a Framework for Examining Maternal Mortality in Haiti », Social Science Medicine, vol. 46, no. 8 (1998), pp. 981-993. Pour une analyse plus approfondie du modèle des trois retards et des droits humains, voir Rapport du Rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, A/61/338, 13 septembre 2006, para. 21.
[152] Entretien de Human Rights Watch avec Founa, camp de Pétion-ville, 30 janvier 2011.
[153] Ibid.
[154] Entretien de Human Rights Watch avec Carlene, camp de Pétion-ville, 30 janvier 2011.
[155] Entretien de Human Rights Watch avec Vania, camp de Maïs Gaté, 23 janvier 2011.
[156] Pourtant, le projet SOG a établi qu’une vaste majorité des femmes et des filles participant au projet auraient discuté d’un plan de naissance avec les médecins. Voir généralement Institut de Consultation en Informatique, Économie et Statistique Appliquées, « Enquête de satisfaction des femmes bénéficiaires des soins obstétricaux gratuits, Rapport du deuxième trimestre de l’évaluation (Novembre-2010/Décembre-2010/Janvier-2011) », février 2011.
[157] Entretien de Human Rights Watch avec Claire, camp de Delmas 33, 10 novembre 2010.
[158] Ibid.
[159] Le cas de Shetland, une jeune femme de 19 ans vivant dans un camp du Champ de Mars, illustre bien le fait qu’en raison des problèmes de sécurité, les femmes et les filles peuvent tarder à solliciter des soins. Shetland s’est rendue dans un établissement de santé pour accoucher ; toutefois, bien que le travail ait commencé à 2 heures du matin, elle a attendu qu’il soit 6 heures pour solliciter des soins à l’hôpital. Elle n’avait pas d’argent pour le transport et avait peur de marcher jusqu’à l’hôpital pendant la nuit. Elle est arrivée à l’établissement au matin, mais a expliqué à Human Rights Watch à quel point c’était difficile : « J’y suis allée à pied. Cela a pris du temps ; le travail avait déjà commencé quand je marchais ; je n’avais pas de dollars pour payer une voiture… » Entretien de Human Rights Watch avec Shetland, camp du Champ de Mars, 14 novembre 2010.
[160] Entretien de Human Rights Watch avec Benita, camp de Maïs Gâté, 23 janvier 2011.
[161] Ibid.
[162] Entretien de Human Rights Watch avec Elemsie, camp de Maïs G â té, Port-au-Prince, 17 novembre 2010.
[163] Entretien de Human Rights Watch avec Virginie, camp du Champ de Mars, 14 novembre 2010.
[164] Entretien de Human Rights Watch avec Mona, camp de Delmas 33, 9 novembre 2010.
[165] Entretien de Human Rights Watch avec Rosemarie, camp de Petit-Goâve, 13 novembre 2010.
[166] Entretien de Human Rights Watch avec un directeur de pays qui a demandé à garder l’anonymat, grande ONG médicale, Port-au-Prince, 20 janvier 2011.
[167] Entretien de Human Rights Watch avec Jessie, camp de Croix-des-Bouquets, 22 janvier 2011. Un accoucheur traditionnel de Delmas qui s’est entretenu avec Human Rights Watch s’est plaint du fait que les femmes qui peuvent solliciter des soins à l’hôpital le font, et celles qui ne peuvent pas se rendre à l’hôpital sollicitent ses services mais n’ont pas les moyens de le payer. Entretien de Human Rights Watch avec Lucien, camp de Delmas 33, 10 novembre 2010.
[168] GOUDOUGOUDOU: Timoun Boum, pp. 2-3.
[169] « I Am Not Dead, But I Am Not Living » : Barriers to Fistula Prevention and Treatment in Kenya , pp. 12-13 (citant J. P. Neilson et al., « Obstructed Labour: Reducing Maternal Death and Disability during Pregnancy », British Medical Bulletin, vol. 67 (2003), pp. 191-204 ; Nawal Nour, « An Introduction to Maternal Mortality », Journal of Obstetrics and Gynecology , vol. 1, no. 2 (2008), pp. 77-81 ; et OMS, Obstetric Fistula: Guiding Principles for Clinical Management and Programme Development (Genève : OMS, 2006), p.3.).
[170] Voir Assemblée générale des Nations Unies, Rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur la mortalité et la morbidité maternelles évitables et les droits de l’homme, A/HRC/14/39, 16 avril 2010, para. 12.
[171] Voir Rapport du Rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint , A/61/338, 13 septembre 2006, para. 17(d) ; voir également, CDE, art. 24.
[172] Entretien de Human Rights Watch avec Darline, camp de Maïs Gâté, 17 novembre 2010.
[173] Entretien de Human Rights Watch avec Yvette, camp de Maïs Gaté, 10 novembre 2010
[174] Entretien de Human Rights Watch avec l’infirmière diplômée Caillot, infirmière accoucheuse chef, Hôpital d’obstétrique de Chancerelles, Port-au-Prince, 26 janvier 2011.
[175] Entretien de Human Rights Watch avec Sylvain Groulx, directeur de pays, MSF–Hollande, Port-au-Prince, janvier 2011.
[176] Entretien de Human Rights Watch avec l’infirmière diplômée Caillot, infirmière accoucheuse chef, Hôpital d’obstétrique de Chancerelles, Port-au-Prince, 26 janvier 2011.
[177] Entretien de Human Rights Watch avec Martine, camp de Maïs Gaté, 23 janvier 2011.
[178] Voir, par exemple, CEDAW 12(2).
[179] Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté d’Haïti , 2007, p. 54.
[180] IASC, «Haiti Earthquake Response: Six-month Report », juillet 2010, p. 1.
[181] Entretien de Human Rights Watch avec l’infirmière Caillot, R.N., infirmière obstétricienne en chef, Hôpital obstétrique Chancerelles, Port-au-Prince, 26 janvier 2011.
[182] Centre pour les droits humains et la Justice mondiale (CHRGJ), faculté de droit de l’Université de New York, « La violence sexuelle dans les camps de déplacés internes en Haïti : Résultats du sondage auprès des ménages », mars 2011, p. 7.
[183] Entretien de Human Rights Watch avec Céline, camp au Champ de Mars, 14 novembre 2010.
[184]Haiti Maternal and Child Health and Family Planning Portfolio Review and Assessment, p. 7-8.
[185] Voir entretien de Human Rights Watch avec Claudia, 16 ans, camp situé à Mais Gaté, 17 novembre 2010.
[186] Entretien de Human Rights Watch avec Tamara, 17 ans, camp situé à Delmas 33, 10 novembre 2010.
[187] Entretien de Human Rights Watch avec Adeline, camp situé à Croix-des-Bouquets, 22 janvier 2010
[188] On appelle « rapports sexuels monnayés » le fait d’avoir des relations sexuelles en échange de cadeaux ou de services principalement. Le « sexe de survie » est le fait d’avoir des rapports sexuels en échange de besoins fondamentaux, tels que la nourriture ou l’eau.
[189] 83 pour cent contre 73 pour cent pour les hommes. Voir Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté d’Haïti , p. 23.
[190] CHRGJ, « La violence sexuelle dans les camps de déplacés internes en Haïti : Résultats du sondage auprès des ménages », mars 2011 , p. 7.
[191]HCR, « Driven by Desperation: Transactional Sex as a Survival Strategy in Port-au-Prince IDP Camps », mai 2011.
[192] Entretien de Human Rights Watch avec Magalie, camp situé à Croix-des-Bouquets, 22 janvier 2011. Margalie faisait partie du comité du camp interrogé en groupe.
[193] Entretien de Human Rights Watch avec Imacola, Barbara, Mona et Phainord, entretien de groupe avec le comité des femmes, camp situé à Maïs Gâté, 10 novembre 2010.
[194] Entretien de Human Rights Watch avec Ghislaine, camp situé à Croix-des-Bouquets, 22 janvier 2011.
[195] Voir entretien de Human Rights Watch avec Kettley Alysée, directrice de l’Association nationale de Protection des Femmes et Enfants Haïtiens, Port-au-Prince, 1er février 2011.
[196] Entretien de Human Rights Watch avec Naomie, camp situé à Carrefour Feuilles, 29 janvier 2011. Naomie a été violée après le séisme.
[197] CHRGJ, « La violence sexuelle dans les camps de déplacés internes en Haïti : Résultats du sondage auprès des ménages », p. 7.
[198]HCR, « Driven by Desperation: Transactional Sex as a Survival Strategy in Port-au-Prince IDP Camps ».
[199] Entretien de Human Rights Watch avec Rosette, camp situé à Delmas 33, 11 novembre 2010.
[200] Ibid.
[201] Voir Human Rights Watch, « Rape in Haiti: A Weapon of Terror » (New York: July 1994) ; voir aussi Amnesty International, « Don’t Turn your Back on Girls: Sexual Based Violence Against Girls in Haiti », novembre 2008 ; et S/2009/439, Rapport du Secrétaire-Général sur la Mission de Stabilisation des Nations Unies en Haïti 12-13 (septembre 2009).
[202]Voir par exemple, Institute of Justice and Democracy for Haiti, Bureau des Avocats Internationaux, MADRE, University of Virginia, « Our Bodies Are Still Trembling: Haitian Women’s Fight Against Rape », juillet 2010 ; Amnesty International, « Speak Out: Against Sexual Violence in Haiti’s Camps », janvier 2011.
[203]Athena R. Kolbe et al., Small Arms Survey & University of Michigan, « Assessing Needs After the Quake: Preliminary Findings from a Randomized Survey of Port-au-Prince Households », 2010, p. 23.
[204]Kimberly A. Cullen et Louise C. Ivers,« Human rights assessment in Parc Jean Marie Vincent, Port-au-Prince, Haiti », Health and Human Rights: An International Journal, vol. 12, no. 2 (2010), p. 1214.
[205]Kimberly A. Cullen et Louise C. Ivers,« Human rights assessment in Parc Jean Marie Vincent, Port-au-Prince, Haiti », Health and Human Rights: An International Journal, vol. 12, no. 2 (2010), p. 1214.
[206] « La violence sexuelle dans les camps de déplacés internes en Haïti : Résultats du sondage auprès des ménages », p. 3.
[207] Voir généralement « Speak Out: Against Sexual Violence in Haiti’s Camps ».
[208]Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), « The general situation of the country four months after the earthquake of January 12, 2010 », 12 mai 2010, p. 18.
[209] Médecins Sans Frontières (MSF), « Réponse d’urgence après le séisme en Haïti : Choix opérationnels, obstacles, activités et finances », juillet 2010, six mois après le séisme du 12 janvier. Couvre la période jusqu’au 31 mai, p. 19.
[210] SOFA, « Rapport Bilan 10, Cas de Violences Accueillies et Accompagnées dans les 21 Centres Douvanjou de la SOFA de janvier à juin », 2010, p. 5.
[211]MADRE, CUNY School of Law, IJDH/BAI, « Our Bodies Are Still Trembling: Haitian Women Continue to Fight Against Rape », janvier 2011, p. 6.
[212] Rapport Bilan 10, p. 10.
[213] Entretien de Human Rights Watch avec Elliot Kedar Hugguens , Centre d’Appui pour les Femmes Victimes d’Abus Sexuels (CAFVAS), Port-au-Prince, 25 janvier 2011 ; voir aussi, entretien de Human Rights Watch avec Elliot, Centre d’Appui pour les Femmes Victimes d’Abus Sexuels (CAFVAS), Port-au-Prince, 10 mars 2011.
[214] Contreras, J. M.; Bott, S.; Guedes, A.; Dartnall, E., Sexual Violence Research Institute, « Sexual violence in Latin America and the Caribbean: A desk review », mars 2010, pp. 37-38.
[215] Entretien de Human Rights Watch avec Mary Loudy, 15 ans, camp situé à Carrefour Feuilles, 29 janvier 2011.
[216] Entretien de Human Rights Watch avec Naomi, 15 ans, camp situé à Carrefour Feuilles, 29 janvier 2011.
[217] Entretien de Human Rights Watch avec Florence, camp situé à Maïs Gâté, 9 novembre 2010.
[218] Entretien de Human Rights Watch avec Mary Loudy, 15 ans, Carrefour Feuilles, 29 janvier 2011.
[219] Rapport du rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, A/61/338, 13 septembre 2006, para. 25
[220] Ibid.
[221] Rapport du rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, février 2004, E/CN.4/2004/49, para 44.
[222] Voir Cour interaméricaine des Droits de l’Homme , « Le droit des femmes de vivre libres de violence et de discrimination en Haïti » , 10 mars 2009, para. 81, citant la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme , Affaire Velásquez Rodríguez. Jugement du 29 juillet 1988. Série C N°. 4 ; article 6 de la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture ; et article 7(b) de la Convention de Belém do Pará. La CEDAW fait également obligation en Haïti de d’agir avec la diligence voulue pour prévenir et sanctionner les violations des droits humains.
[223] Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Recommandation générale n°19, Violence contre les femmes, (Onzième session, 1992), Compilation des commentaires généraux et recommandations générales adoptées par les organes des traités, UN Doc. HRI\GEN\1\Rev.1 (1994), p. 84, para. 9. Le Comité des droits de l’enfant (CRC) oblige également le gouvernement à empêcher toute discrimination contre les filles. CRC, art. 2.1.
[224] Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Recommandation générale n°19, Violence contre les femmes, (Onzième session, 1992), Compilation des commentaires généraux et recommandations générales adoptées par les organes des traités, UN Doc. HRI\GEN\1\Rev.1(1994), p. 84, para. 9.
[225] Convention de Belém do Pará, arts. 7(b), 9.
[226] Le droit des femmes de vivre libres de violence et de discrimination en Haïti, para. 86, citant la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme, Affaire du « Massacre de Mapiripán ». Jugement du 15 septembre 2005. Série C N°. 134, para. 178.
[227] « The Long Wait: Reproductive Health Care in Haiti », p. 11 (citant Sphère : La Charte humanitaire et normes minimales à respecter lors des interventions en cas de catastrophes).
[228] Human Rights Watch, « No Tally of the Anguish: Accountability in Maternal Health Care in India », (New York: 2009), pp. 115-124, citant le Rapport du rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint , août 2008, A/63/263, para. 8.
[229] Entretien de Human Rights Watch avec Ani, camp situé à Martissant, 29 janvier 2011.
[230] Entretien de Human Rights Watch avec Fritznel, un homme qui fait partie d’un groupe de femmes dans un camp situé à Port-au-Prince, 27 janvier 2011.
[231] Voir par exemple, Commentaire général 14, para. 39.
[232] Ibid., para. 39 ; Rapport du rapporteur spécial de l’ONU sur la santé, février 2004, para. 46.
[233] Ibid., para. 45.
[234] Rapport du rapporteur spécial de l’ONU sur la santé, février 2004, para. 46.
[235] La communauté humanitaire dispose de normes propres envers lesquelles de nombreuses organisations se sont engagées, notamment les normes du Projet Sphère. L’Ensemble minimal de services initiaux (Minimal Initial Service Package, MISP) pour la santé reproductive découle de ces standards et fixe des cibles pour la fourniture de services de santé reproductive dans les situations d’urgence. Voir Sphère, Charte Humanitaire et normes minimales à respecter lors des interventions en cas de catastrophe, et le Guide du Cluster Santé du Comité permanent inter-agences. Le MISP comprend : la prévention des violences sexuelles et la fourniture de soins après un viol ; la protection contre la transmission du VIH ; les soins d’urgence pour les femmes enceintes et les nouveau-nés ; la fourniture de contraceptifs, d’antirétroviraux et de soins pour les infections sexuellement transmissibles (IST). Si la planification familiale n’est pas une composante du MISP dans la phase d’urgence d’une crise, elle est une composante essentielle des services globaux de santé reproductive qui devraient être mis en place une fois que la phase d’urgence s’est stabilisée.
[236] Voir par exemple, règles générales adressées entre autre aux ONG, notamment Principes directeurs relatifs au déplacement internes. U.N. Doc. E/CN.4/1998/53/Add.2 (1998),11 février 1998, et Principes et directives recommandés concernant les droits de l’homme et la traite des êtres humains, E/2002/68/Add.1, 20 mai 2002. L’évolution du statut des responsabilités des ONG et des droits humains a fait l’objet d’un grand nombre d’études, voir par exemple Andrew Clapham, Human Rights Obligations of Non-State Actors (Oxford: Oxford University Press, 2006).
[237] Bureau du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, « questions fréquentes au sujet d’une approche de la coopération pour le développement fondée sur les droits de l’homme » , 2006, p. 35, http://www.ohchr.org/Documents/Publications/FAQfr.pdf (consulté le 31 juillet 2011), citant L’approche de la coopération pour le développement fondée sur les droits de l’homme : Vers une interprétation commune des institutions des Nations Unies. Deuxième atelier inter organisations (2003).
[238] Gouvernement de la République d’Haïti, « Plan d’action pour le relèvement et le développement d’Haïti », mars 2010, p. 35.
[239] Gouvernement de la République d’Haïti , « Haïti PDNA du Tremblement de terre : É valuation des dommages, des pertes et des besoins généraux et sectoriels, Annexe du Plan d’action pour le relèvement et le développement d’Haïti », mars 2010, p. 17.
[240] OCHA, Appel de fonds humanitaire révisé pour Haïti, p. 15.
[241] Le mandat de la CIRH est de superviser les milliards de dollars d’aide à la reconstruction et de mener une planification stratégique et la coordination entre donateurs multilatéraux et bilatéraux, organisations non-gouvernementales et le secteur privé. Les programmes financés sont soumis à l’approbation de la CIRH, qui rend sa décision en accord avec le plan de reconstruction du gouvernement.
[242] Entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Claude Surena, coordonnateur de la Commission nationale d’Haïti pour reconstruire le système de santé, Port-au-Prince, 2 février 2011 ; voir aussi Plan Intérimaire du Secteur Santé, pp.19-22 .
[243] Ibid.
[244] Gouvernement de la République d’Haïti, « Plan d’action pour le relèvement et le développement d’Haïti », p. 37. À court terme, le plan du gouvernement pour traiter la santé maternelle dans les camps au cours des six mois suivant le séisme s’appuyait à la fois sur des cliniques fixes et sur des brigades mobiles. Les brigades mobiles devaient s’occuper des camps regroupant moins de 5 000 personnes, tandis que les cliniques fixes, qui pouvaient n’être rien de plus qu’une tente, offriraient des services dans les camps de plus de 5 000 habitants. Selon le plan, les brigades mobiles seraient équipées de kits d’accouchement et de prise en charge de viol, et fourniraient des soins prénatals et post-partum. Les cliniques fixes disposeraient aussi de kits gynécologiques et d’une infirmière sage-femme ou d’un obstétricien gynécologue. Les cliniques fixes dans les camps et les cliniques mobiles feraient partie d’un réseau pouvant orienter les patients exigeant des soins plus spécialisés.
[245] OCHA a aussi mis en œuvre le système de cluster en Haïti après le séisme. Un grand nombre d’ONG et d’agences de l’ONU ont participé au Cluster santé. Les organisations ont été tellement nombreuses à participer aux réunions que la décision a été prise de créer un cluster central plus réduit regroupant les ONG de santé ayant le plus d’expérience en Haïti. Le Cluster santé a été également crucial dans l’exécution de la réponse au choléra en 2010-2011.
[246]Ibid.
[247]Ibid.
[248] Ibid.
[249]Voir United States Institute of Peace, « Peace Brief: Haiti: A Republic of NGOs? », 26 avril 2010, citant Trenton Daniel, « Bill Clinton Tells Diaspora: ‘Haiti Needs You Now’ » Miami Herald, 10 août 2009.
[250] Entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Mardel Sherley David, directeur de la planification familiale, Population Services International, Pétion-ville, 3 février 2011.
[251] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une agence des Nations Unies, Port-au-Prince, 31 janvier 2011.
[252] Entretien de Human Rights Watch avec le directeur de pays d’une importante ONG médicale qui a souhaité garder l’anonymat, Port-au-Prince, 20 janvier 2011.
[253]OPS, « Situation Update: Nine Months After the Earthquake in Haiti », octobre 2010, p. 4.
[254] Entretien de Human Rights Watch avec Edzer, membre du comité du camp, camp situé à Delmas 33, 7 novembre 2010.
[255] Entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Claude Surena, Port-au-Prince, 2 février 2011.
[256] Entretien de Human Rights Watch avec le directeur de pays d’une importante ONG médicale, qui a souhaité garder l’anonymat, Port-au-Prince, 20 janvier 2011.
[257] Ibid.
[258] Voir Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, https://www.oecd.org/dataoecd/11/41/34428351.pdf. Pour une discussion plus approfondie sur la responsabilité mutuelle entre pays donateurs et bénéficiaires, voir le rapport de Human Rights Watch : « No Tally of the Anguish: Accountability in Maternal Health Care in India », pp. 124-26.
[259] Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide , http://www.oecd.org/dataoecd/11/41/34428351.pdf (consulté le 18 juillet 2011).
[260] Pour une liste des pays et organisations qui ont adhéré à la Déclaration de Paris, voir « Pays et organisations qui adhèrent à la Déclaration de Paris », http://www.oecd.org/document/55/0,3746,fr_2649_3236398_37192119_1_1_1_1,00.html (consulté le 18 juillet 2011).
[261] Déclaration de Paris , para. 16.
[262] Le Bureau de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour Haïti travaille au contrôle du versement des promesses des donateurs, notamment le type d’institution à laquelle l’argent a été versé et la progression de la réalisation des promesses. Il a aussi contrôlé le pourcentage des fonds qui ont circulé par le biais de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH) et qui font partie du plan de relèvement du gouvernement. La CIRH a été créée pour assurer la coordination entre les donateurs et le gouvernement. Le Bureau de l’Envoyé spécial a constaté que 53 pour cent de l’aide après le séisme ont été dirigés vers des projets commencés avant le séisme et que 64 pour cent ont été dirigés vers des projets non approuvés par la CIRH. Voir Bureau de l’Envoyé spécial pour Haïti, « Has Aid Changed? Channelling assistance to Haiti before and after the earthquake », juin 2011, p. 18.
[263] Ibid., para. 49.
[264] Programme d’action d’Accra, Troisième Forum de Haut Niveau sur l’Efficacité de l’Aide au Développement, Ghana, 2-4 septembre 2008, http://www.oecd.org/dataoecd/58/16/41202012.pdf (consulté le 23 juin 2009), para. 10.
[265] Ibid., para. 22.
[266] Ibid., para. 23(b).
[267] Ibid., para. 23(c).
[268] Voir Conseil de sécurité, Résolution 1927, S/RES/1927 (2010).
[269] Gouvernement de la République d’Haïti , « Haïti PDNA du Tremblement de terre : É valuation des dommages, des pertes et des besoins généraux et sectoriels, Annexe du Plan d’action pour le relèvement et le développement d’Haïti », mars 2010 , pp. 21, 38.
[270] Ibid., p. 14.
[271] Ibid., p. 17.
[272] La violence basée sur le genre (GBV) a été incorporée au système de cluster d’OCHA dès le début de la réponse à la catastrophe. Le sous-cluster GBV a été inclus dans la réponse à la protection pour coordonner les acteurs de GBV dans les organisations humanitaires, les organisations des droits des femmes et les agences de l’ONU. Dès février 2010, les chercheurs de Human Rights Watch ont noté avec préoccupation des signalements de violence sexuelle et basée sur le genre. Néanmoins, les préoccupations relatives à la GBV n’ont pas été traitées correctement au début de la phase d’urgence : peu d’organisations disposaient de spécialistes de GBV pour incorporer les préoccupations de protection dans les plans de distribution ; les installations sanitaires n’étaient pas séparées selon le genre ; et il y avait un manque d’éclairage dans les camps. Peu à peu le sous-cluster et ses membres ont commencé à répondre aux préoccupations relatives à la protection. Mais des conflits entre les groupes des droits des femmes au sujet du travail du sous-cluster ont entamé les efforts pour répondre aux niveaux élevés et persistants de GBV. Bien qu’elles aient été initiées immédiatement après le séisme, les ressources ont mis du temps pour parvenir jusqu’au sous-cluster. Voir InterAction, « Policy Paper: Lessons from the Haiti Response and Recommended Next Steps: An Analysis from InterAction’s Gender-Based Violence Working Group », novembre 2010, p. 2. Au début, il y a eu aussi un renouvellement rapide du personnel, et aucune voix cohérente plaidant pour le financement du sous-cluster. En outre, le sous-cluster de GBV a semble-t-il eu du mal à comprendre le contexte de GBV antérieur au séisme et l’importance du travail des groupes haïtiens des droits des femmes, de l’UNIFEM et du gouvernement haïtien pour répondre à ce contexte. Certains groupes prétendent que, au lieu de jouer un rôle de coordination entre les organisations humanitaires, le ministère des femmes et les groupes locaux de femmes, le sous-cluster de GBV a reproduit les schémas d’exclusion existant avant le tremblement de terre.
[273] Voir Requête déposée par l'International Women’s Human Rights Clinic à la faculté de droit de l’Université de la ville de New York, MADRE, Institute of Justice and Democracy in Haiti, le Bureau des Avocats Internationaux , Morrison & Foerster LLP, le Centre des droits constitutionnels et Women’s Link Worldwide pour l’obtention de mesures conservatoires conformément à l’article 25 du règlement de procédure de la Commission, octobre 2010.
[274] Entretien de Human Rights Watch avec Wannchel, travailleur de santé de la communauté, camp situé à Cité Soleil, 31 janvier 2011.
[275] Entretien de Human Rights Watch avec Fritznel, un homme faisant partie d’un groupe de femmes dans un camp situé à Port-au-Prince, 27 janvier 2011.
[276] Entretien de Human Rights Watch avec Monique, membre d’un groupe de femmes dans un camp situé à Martissant, 29 janvier 2011.
[277] Organisation internationale pour les migrations (OIM), la population se trouvant dans les camps en Haïti diminue toujours, mais des défis importants demeurent, avril 2011.
[278] Valéry Daudier, « Le maire Jeudi récupère de force les places publiques de Delmas » , Le Nouvelliste, 24 mai 2011, http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=92828&PubDate=2011-05-23 (consulté le 30 mai 2011).
[279] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti, Michel Forst, A/HRC/17/42, 4 avril 2011, para. 69.
[280] Entretien de Human Rights Watch avec Yvonne, camp de Croix-des-Bouquets, 22 janvier 2011.