«S'il vous plaît, ne nous laissez plus souffrir…»
L'accès au traitement de la douleur est un droit humain
Résumé
«Pendant deux jours, j'ai eu une douleur atroce dans le dos et aussi sur le devant du corps. J'ai cru que j'allais mourir. Le docteur a dit qu'il n'y avait pas besoin de me donner des médicaments pour la douleur, que c'était juste un hématome et que la douleur disparaitrait toute seule. J'ai crié toute la nuit.»
– Un Indien décrivant son séjour à l'hôpital immédiatement après un accident survenu sur un chantier de construction, au cours duquel il a subi un traumatisme de la moelle épinière.[1]
«Le cancer nous tue. La douleur me tue parce que depuis plusieurs jours je n'ai pas pu trouver de morphine injectable nulle part. S'il vous plait Mr. le Secrétaire à la Santé, ne nous laissez plus souffrir…»
– Petite annonce publiée dans un journal colombien en septembre 2008 par la mère d'une femme atteinte d'un cancer du col de l'utérus.[2]
«Les médecins ont peur de la morphine… Les docteurs [au Kenya] sont tellement habitués aux patients qui meurent dans la douleur (…) qu'ils pensent que c'est comme ça qu'on doit mourir. Ils sont méfiants si vous ne mourrez pas comme ça – [et pensent] que vous êtes mort prématurément.»
– Un médecin d'un hospice du Kenya.[3]
En 1961, la communauté internationale a adopté un accord international -la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 - qui proclamait que «les stupéfiants sont…indispensables pour soulager la douleur et les souffrances» et demandait aux pays de prendre les mesures nécessaires pour garantir leur disponibilité à des fins médicales. Aujourd'hui, près de cinquante ans plus tard, la promesse contenue dans cet accord demeure largement non tenue, en particulier -mais pas seulement- dans les pays à faibles et moyens revenus. En septembre 2008, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) estimait qu'environ 80 pour cent de la population mondiale avait un accès nul ou insuffisant au traitement de douleurs modérées à sévères, et que chaque année des dizaines de millions de personnes dans le monde entier, dont environ quatre millions de personnes atteintes de cancer et 0,8 million de malades du VIH/SIDA en fin de vie, souffraient de douleurs non traitées.
L'insuffisance de l'accès au traitement de la douleur est à la fois déconcertante et inexcusable. La douleur cause de terribles souffrances et pourtant les médicaments pour la traiter sont peu onéreux, sûrs et efficaces et généralement simples à administrer. En outre, le droit international oblige les pays à rendre accessibles des médicaments adéquats pour le traitement de la douleur. Au cours des vingt dernières années, l'OMS et l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), l'organe de contrôle chargé de surveiller l'application des traités de l'ONU relatifs au contrôle des drogues, a rappelé à maintes reprises aux Etats leur obligation. Mais dans nombre de pays, peu de progrès ont été faits.
Selon le droit international des droits humains, les gouvernements ont l'obligation de répondre à une crise de santé publique majeure qui affecte des millions de personnes chaque année. Ils doivent prendre des mesures pour garantir que les personnes ont un accès adéquat au traitement de leur douleur. Au minimum, les Etats doivent garantir l'accès à la morphine, la principale drogue pour le traitement des douleurs modérées à sévères, parce qu'elle est considérée comme un médicament essentiel qui devrait être accessible à toutes les personnes qui en ont besoin et qu'elle est peu onéreuse et largement disponible. Ne pas rendre disponibles les médicaments essentiels ou ne pas prendre de mesures raisonnables pour rendre disponibles les services de gestion de la douleur et de soins palliatifs reviendra à une violation du droit à la santé. Dans certains cas, ne pas garantir que les patients ont accès au traitement de douleurs sévères reviendra aussi à une violation de l'interdiction de traitements cruels, inhumains et dégradants.
Il existe de nombreuses raisons expliquant l'énormité de l'écart entre les besoins de traitement de la douleur et les médicaments délivrés, mais la toute première de ces raisons est la volonté choquante de nombreux gouvernements à travers le monde d'attendre passivement tandis que les gens souffrent. Peu de gouvernements ont mis en place des systèmes efficaces de fourniture et de distribution de morphine ; ils n'ont pas de politiques de gestion de la douleur et de soins palliatifs, ni de directives pour les praticiens ; ils ont des réglementations excessivement strictes de contrôle des drogues qui empêchent inutilement l'accès à la morphine ou établissent des pénalités excessives pour son utilisation abusive ; ils ne garantissent pas que les professionnels de santé reçoivent des instructions sur la gestion de la douleur et les soins palliatifs dans le cadre de leur formation ; et ils ne font pas suffisamment d'efforts pour garantir que le prix de la morphine est abordable. Les craintes que la morphine médicale puisse être détournée dans des buts illicites sont un facteur décisif qui bloque l'amélioration de l'accès au traitement de la douleur. Si les Etats doivent prendre des mesures pour empêcher ce détournement, ils doivent le faire de façon à ne pas empêcher inutilement l'accès à des médicaments essentiels. L'OICS a déclaré que ce type de détournement est relativement rare.[4]
En maints endroits, ces facteurs se combinent pour créer un cycle vicieux de traitement insuffisant : du fait que le traitement de la douleur et les soins palliatifs ne sont pas des priorités pour le gouvernement, les professionnels de santé ne reçoivent pas la formation nécessaire pour évaluer et traiter la douleur. Ceci mène à un traitement insuffisant de la douleur largement répandu et à une faible demande de morphine. De même, des réglementations complexes d'acquisition et de prescription, ainsi que la menace de sanctions sévères pour utilisation abusive de la morphine, découragent les pharmacies et les hôpitaux de la stocker et les professionnels de santé de la prescrire, ce qui encore aboutit à une faible demande. Ceci, en retour, renforce la faible priorité donnée à la gestion de la douleur et aux soins palliatifs. Cette faible priorité n'est pas fonction de la faible prévalence de la douleur, mais de l'invisibilité de ceux qui la subissent.
Pour rompre ce cycle vicieux, les gouvernements et la communauté internationale doivent remplir leurs obligations au regard du droit international des droits humains. Les gouvernements doivent agir pour éliminer les barrières qui entravent l'accessibilité de la prise en charge médicale de la douleur. Ils doivent développer des politiques en matière de gestion de la douleur et de soins palliatifs ; introduire des formations destinées aux professionnels de santé, y compris pour ceux qui sont déjà en exercice ; modifier les réglementations qui entravent inutilement l'accès aux médicaments contre la douleur ; et prendre des mesures pour garantir un coût abordable. Si cette tâche est considérable, divers pays, comme la Roumanie, l'Ouganda et le Vietnam, ont montré qu'une approche aussi globale est réalisable dans des pays de faible et moyen revenu et qu'elle peut réussir. En prenant des mesures pour améliorer le traitement de la douleur, les pays devraient s'appuyer sur l'expertise et l'assistance de l'OICS et du Programme d'accès aux médicaments sous contrôle de l'OMS.
La communauté internationale devrait de toute urgence traiter la question du peu de disponibilité de traitement de la douleur. La Session spéciale sur les drogues de l'Assemblée générale de l'ONU qui se déroulera à Vienne en mars 2009 est une occasion unique de commencer ce travail. Au cours de cette réunion, qui conclura une année d'examen portant sur les dix dernières années de politiques en matière de drogue, les pays établiront les priorités de la politique mondiale en matière de drogue pour les dix années à venir. A Vienne, la communauté internationale devrait renouveler son engagement envers le mandat de la Convention unique de 1961 demandant aux Etats de garantir une disponibilité suffisante des médicaments sous contrôle pour soulager la douleur et la souffrance. Depuis trop longtemps, le débat portant sur la politique mondiale en matière de drogue a été a été fortement axé sur la prévention de l'usage et du commerce des drogues illicites, faussant l'équilibre qui était envisagé par la Convention. En mars 2009, la communauté internationale devrait fixer des objectifs ambitieux et mesurables pour améliorer de façon significative l'accès aux analgésiques opiacés -médicaments antidouleur composés d'opiacés - et autres médicaments contrôlés dans le monde entier pour les dix années à venir.
Après mars 2009, les acteurs de la politique mondiale en matière de drogue, tels que la Commission des stupéfiants de l'ONU et l'OICS, devraient régulièrement examiner les progrès réalisés par les pays vers une disponibilité suffisante des médicaments du traitement de la douleur, en analysant attentivement les mesures prises pour faire avancer cette question importante. Les agences et les pays bailleurs de fonds, notamment le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, et le Plan d'urgence de lutte contre le sida du président des Etats-Unis («U.S. President's Emergency Plan for AIDS Relief»), devraient encourager activement les pays à prendre des mesures globales pour améliorer l'accès aux médicaments antidouleur et soutenir ceux qui le font, notamment par le biais du Programme d'accès aux médicaments sous contrôle de l'OMS. Les organismes régionaux et de l'ONU chargés des droits humains devraient régulièrement rappeler aux pays leur obligation selon le droit relatifs aux droits humains de garantir une disponibilité suffisante des médicaments antidouleur.
Contexte : La douleur dans le monde aujourd'hui
Prévalence de la douleur
La douleur modérée et sévère est un symptôme commun au cancer et au VIH/SIDA, ainsi qu'à diverses autres conditions de santé.[5] Un examen récent des études sur la douleur chez les patients atteints de cancer a montré que plus de cinquante pour cent des patients atteints de cancer présentent des symptômes de douleur[6] et les recherches observent régulièrement que 60 à 90 pour cent des patients atteints de cancer à un stade avancé souffrent de douleurs modérées à sévères.[7] L'intensité de la douleur et ses effets varient en fonction du type de cancer, du traitement et des caractéristiques personnelles. La prévalence et la sévérité de la douleur augmentent habituellement avec la progression de la maladie.
Bien qu'aucune étude épidémiologique sur la douleur liée au SIDA n'ait été publiée, de multiples études indiquent que 60 à 80 pour cent des patients en phase terminale souffrent de douleurs importantes.[8] Même si la disponibilité croissante d'antirétroviraux dans les pays à faible et moyen revenu prolonge la vie de nombreuses personnes porteuses du HIV, les symptômes douloureux continuent d'être un problème pour une proportion importante de ces patients.[9] Plusieurs études ont constaté que de 29 à 74 pour cent des personnes qui reçoivent un traitement antirétroviral présentent des symptômes douloureux.[10]
Les experts estiment qu'il y a dans le monde 24,6 millions de personnes atteintes de cancer par an, et que plus de 7 millions de personnes en meurent chaque année. Globalement, 12 pour cent de tous les décès au niveau mondial sont dus au cancer.[11],[12] L'OMS prévient que ces chiffres vont continuer à augmenter dans les années à venir, avec une prévision de 30 millions de personnes atteintes du cancer d'ici 2020.[13] L'ONUSIDA estime qu'environ 32 millions de personnes sont porteuses du HIV au niveau mondial, qu'il y a environ 4,1 millions de nouvelles personnes infectées chaque année, et que près de 3 millions meurent de cette maladie.[14],[15]
L'impact de la douleur
La douleur modérée à sévère a un impact profond sur la qualité de vie. Les recherches scientifiques ont montré que la douleur persistante a une série de conséquences physiques, psychologiques et sociales. Elle peut conduire à une mobilité réduite et à la perte de force qui en résulte. Elle peut compromettre le système immunitaire et interférer avec la capacité d'une personne à manger, se concentrer, dormir ou échanger avec les autres.[16] Les conséquences psychologiques sont aussi profondes. Une étude de l'OMS a montré que les personnes vivant avec une douleur chronique ont quatre fois plus de probabilité de souffrir de dépression ou d'anxiété.[17] L'effet physique de la douleur chronique et la tension psychologique qu'elle provoque peuvent même influencer l'évolution de la maladie. Selon l'OMS, «[la] douleur peut tuer...»[18]
La douleur a des conséquences sociales pour les gens qui la subissent et souvent aussi pour les personnes qui les soignent, celles-ci pouvant souffrir de manque de sommeil et d'autres problèmes qui en résultent. Ces conséquences sociales incluent l'incapacité à travailler, à s'occuper des enfants ou d'autres membres de la famille, et à participer à des activités sociales.[19] La douleur peut aussi interférer avec la capacité d'une personne mourante à faire ses adieux aux personnes qui lui sont chères et à prendre ses dernières dispositions.
Si les conséquences physiques, psychologiques et sociales de la douleur sont mesurables, la souffrance causée par la douleur ne l'est pas. Toutefois, il y a peu de désaccord quant à l'énormité de la détresse qu'elle inflige. Les personnes souffrant d'une douleur sévère mais non traitée vivent souvent le supplice la plus grande partie de la journée et souvent pendant de longues périodes. De nombreuses personnes interrogées par Human Rights Watch ayant souffert de douleur sévère en Inde, ont exprimé exactement le même sentiment que des personnes ayant survécu à la torture : tout ce qu'elles voulaient, c'était que la douleur s'arrête. Ne pouvant signer des aveux dans ce but, plusieurs personnes nous ont dit qu'elles avaient voulu se suicider pour faire cesser la douleur, qu'elles avaient prié pour être emportées ou bien dit aux docteurs ou à des parents qu'elles voulaient mourir.[20]
Gestion de la douleur : éléments, efficacité, coût
Selon l'OMS, «La plupart, voire toutes, les douleurs dues au cancer pourraient être soulagées si nous appliquions les connaissances et traitements médicaux existants.»[21] Le traitement médicamenteux de base pour soulager la douleur modérée à sévère est la morphine, un opioïde produit à partir d'un extrait du pavot. La morphine peut être injectée ou bien prise oralement. Elle est surtout injectée pour traiter la douleur aigüe, en général dans le cadre de l'hôpital. La morphine par voie orale est la drogue de choix pour la douleur chronique, et elle peut être prise aussi bien dans un cadre institutionnel qu'à domicile. A cause de son utilisation abusive potentielle, la morphine est un médicament contrôlé, ce qui signifie que sa fabrication, sa distribution et sa délivrance sont strictement contrôlées aussi bien au niveau international que national.
L'échelle analgésique de l'OMS constitue la base de la gestion moderne de la douleur. Elaborée initialement pour traiter la douleur liée au cancer, elle a été depuis appliquée avec succès à la douleur liée au VIH/SIDA.[22] L'échelle recommande l'administration de différents types de médicaments antidouleur, ou analgésiques, en fonction de l'intensité de la douleur. Pour une douleur modérée, elle recommande des antidouleurs basiques tels que l'acétaminophène (Tylenol), l'aspirine ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens qui sont largement disponibles et sans ordonnance. Pour une douleur minime à modérée, elle recommande une combinaison d'antidouleurs basiques et d'un opioïde faible, tel que la codéine. Pour une douleur modérée à sévère, elle recommande des opioïdes forts, comme la morphine. De fait, l'OMS a jugé que pour gérer la douleur liée au cancer, les opioïdes sont «absolument nécessaires» et que, quand la douleur est modérée à sévère, «il n'y a pas de produit de substitution pour les opioïdes» tels que la morphine.[23] L'échelle analgésique recommande aussi divers autres médicaments, connus sous le nom de médicaments adjuvants, qui servent à accroître l'efficacité des analgésiques ou à contrer leurs effets secondaires, à savoir des laxatifs, des anticonvulsifs et des antidépresseurs.
Les médicaments antidouleur varient grandement en termes de coût. La morphine de base en poudre ou sous forme de comprimé n'est protégée par aucun brevet et peut être produite pour un coût aussi bas que 0,01 USD par milligramme.[24] (Une dose quotidienne courante dans des pays à faible et moyen revenu va, selon une étude, de 60 à 75 milligrammes par jour).[25] D'autres médicaments antidouleur, tels que les timbres transdermiques de Fentanyl qui libèrent graduellement la substance active, sont très coûteux, et certains sont protégés par des brevets. Du fait que la morphine orale peut être produite à faible coût, assurer la gestion de la douleur devrait être possible dans une approche communautaire même dans les pays en développement. Cependant, une étude réalisée en 2004 par De Lima et d'autres a constaté que, pour diverses raisons (voir ci-dessous, à Coût), les analgésiques opioïdes, notamment la morphine orale basique, tendent à être considérablement plus coûteux aussi bien en termes relatifs qu'absolus dans les pays à faible et moyen revenu que dans les nations industrialisées.[26]
La gestion de la douleur chronique fait souvent partie des services plus larges de soins palliatifs. Les soins palliatifs ont pour but d'améliorer la qualité de vie des patients et de leurs familles face à des problèmes associés à des maladies mortelles, grâce à la prévention et au soulagement de la souffrance au moyen de l'identification précoce, de l'évaluation parfaite et du traitement de la douleur et autres problèmes, physiques, psychosociologiques et spirituels.[27] L'organisation mondiale de la santé reconnaît les soins palliatifs comme une composante essentielle d'une réponse nationale au VIH/SIDA, au cancer et autres maladies.[28] L'organisation estime que:
En dépit d'un taux global de survie de 5 ans de près de 50 % dans les pays développés, la majorité des patients atteints de cancer aura besoin de soins palliatifs tôt ou tard. Dans les pays en développement, la proportion des patients ayant besoin de soins palliatifs est d'au moins 80 %. Au niveau mondial, la plupart des cancers sont diagnostiqués à un stade déjà avancé et incurable.[29]
Pour les patients atteints de cancers incurables, les seules options réalistes de traitement sont le soulagement de la douleur et les soins palliatifs.[30] Les soins palliatifs sont souvent fournis en même temps que les services de soins curatifs.[31] Si les fournisseurs de soins palliatifs offrent parfois des services à des patients hospitalisés, ils se consacrent fréquemment aux soins à domicile pour des personnes en phase terminale ou présentant des conditions raccourcissant la durée de vie, parvenant ainsi jusqu'à des personnes qui sinon auraient pu n'avoir aucun accès à des services de soins de santé, notamment la gestion de la douleur.
Large consensus sur la nécessité de la disponibilité des médicaments antidouleur
Depuis des décennies, il existe un consensus parmi les experts de la santé selon lequel les antidouleurs opioïdes comme la morphine et la codéine doivent être disponibles pour le traitement des douleurs modérées et sévères. Il y a près de cinquante ans, les Etats membres de l'ONU ont exprimé ce consensus comme suit quand ils ont adopté la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 :
L'usage médical des stupéfiants demeure indispensable pour soulager la douleur et la souffrance et que les mesures voulues doivent être prises pour assurer que des stupéfiants soient disponibles à cette fin.[32]
L'Organe international de contrôle des stupéfiants, l'organisme chargé de superviser la mise en application des conventions de l'ONU relatives aux drogues, a précisé en 1995 que la Convention «établit une double obligation de contrôle des drogues : assurer la disponibilité de stupéfiants, y compris les opiacés, à des fins médicales et scientifiques, tout en empêchant en même temps la production, le trafic et l'utilisation illicites de ces drogues.»[33]
L'Organisation mondiale de la santé a inclus la morphine ainsi que la codéine dans sa Liste modèle de médicaments essentiels, une liste des médicaments essentiels minimum qui devraient être disponibles pour toute personne en ayant besoin. L'OMS a aussi déclaré à maintes reprises que les soins palliatifs et le traitement de la douleur sont une composante essentielle -et non facultative -des soins pour le cancer et le VIH/SIDA. Par exemple, dans son guide sur le développement de programmes nationaux de lutte contre le cancer, elle observe que «un plan national de lutte contre le SIDA, le cancer et les maladies non transmissibles ne peut prétendre exister s'il n'a pas une composante identifiable de soins palliatifs.»[34]
Au cours des vingt dernières années, l'OICS, l'OMS et d'autres organismes internationaux ont à maintes reprises rappelé aux pays leur obligation de garantir une disponibilité suffisante des opioïdes pour le traitement de la douleur.
·En 1986, l'OMS a recommandé l'utilisation de la morphine par voie orale pour le traitement de la douleur de longue durée.
·En 1989, l'OICS a fait une série de recommandations aux Etats sur la nécessité d'améliorer la disponibilité des analgésiques opioïdes.[35]
·En 1994/5, il a mené une enquête pour identifier les obstacles à l'amélioration de cette disponibilité et a évalué la réponse des Etats membres à ses recommandations de 1989.[36]
·En 1987 et 1996, l'OMS a publié des guides sur le traitement antidouleur du cancer avec des recommandations aux pays pour l'amélioration de la disponibilité des analgésiques opioïdes.[37]
·En 1999, l'OICS a consacré un chapitre à cette question dans son rapport annuel.[38]
·En 2000, l'OMS a élaboré un outil à destination des gouvernements et des fournisseurs pour l'évaluation des politiques des politiques nationales de contrôle des opioïdes et des recommandations sur l'amélioration de leur disponibilité.[39]
·En 2007, en consultation avec l'OICS, l'OMS a créé le Programme d'accès aux médicaments contrôlés, qui a pour objectif de répondre à tous les empêchements identifiés à l'accessibilité des médicaments contrôlés, en mettant l'accent sur les empêchements liés aux réglementations, aux attitudes et aux connaissances.[40]
Dans ses rapports annuels, l'OICS exprime régulièrement des préoccupations à propos de la disponibilité médiocre des médicaments antidouleur dans de nombreux pays et appelle les Etats membres à prendre de nouvelles mesures. Divers autres organismes internationaux, par exemple le Conseil économique et social de l'ONU et l'Assemblée mondiale de la Santé, ont aussi appelé les pays à garantir une disponibilité suffisante des analgésiques opioïdes.[41]
Les écarts dans le traitement de la douleur
«La plupart, voire toutes, les douleurs dues au cancer pourraient être soulagées si nous appliquions les connaissances et traitements médicaux existants…Il existe un écart dans le traitement : c'est la différence entre ce qui peut être fait, et ce qui est fait pour la douleur liée au cancer.»
– Organisation mondiale de la santé[42]
En dépit du consensus manifeste selon lequel les médicaments pour le traitement de la douleur devraient être disponibles, environ 80 pour cent de la population mondiale à un accès nul ou insuffisant au traitement de la douleur modérée à sévère et des dizaines de millions de personnes dans le monde, y compris environ quatre millions de patients atteints de cancer et 0,8 million de patients atteints du VIH/SIDA en phase terminale, souffrent de douleurs modérées à sévères chaque année sans traitement, selon l'Organisation mondiale de la santé.[43] Environ 89 pour cent de la consommation mondiale totale de morphine concerne les pays d'Amérique du nord et d'Europe.[44] Les pays à faible et moyen revenu consomment seulement 6 pour cent de la morphine utilisée au niveau mondial[45], alors qu'ils ont environ la moitié de tous les patients atteints de cancer[46] et 95 pour cent des nouveaux cas d'infections VIH.[47] Trente-deux pays d'Afrique n'ont pratiquement aucune distribution de morphine,[48] et seuls quatorze disposent de morphine orale.[49]
Toutefois, l'insuffisance de la gestion de la douleur prévaut aussi dans les pays développés. Aux Etats-Unis, on estime à 25 millions les personnes qui souffrent de douleur aigüe du fait de blessures ou d'opérations, et de 70 à 90 pour cent des patients à un stade avancé de cancer éprouvent des douleurs. Des enquêtes auprès de sujets allant d'enfants à des patients âgés ont montré que plus d'un tiers ne sont pas correctement traités pour la douleur.[50] Le manque d'accès aux médicaments antidouleur dans les pharmacies et la peur de la dépendance de la part des patients tout comme des fournisseurs sont des facteurs réducteurs importants aux Etats-Unis.[51] Des études en Europe occidentale documentent aussi l'insuffisance de traitement de la douleur. Une étude sur les personnes vivant avec le VIH en France a constaté que les docteurs sous-estimaient l'intensité de la douleur chez plus de la moitié de leurs patients et ne prescrivaient pas assez d'opioïdes ni d'antidépresseurs.[52]
Jusqu'à 85 pour cent des personnes vivant avec le VIH souffrent de douleurs non traitées, soit le double de la proportion des personnes ayant un cancer et dont la douleur n'est pas traitée.[53] Une étude aux Etats-Unis a montré que moins de 8 pour cent des patients atteints du SIDA qui faisaient état de douleurs sévères étaient traités selon les directives de traitement officielles, et les femmes, les patients moins éduqués et les patients ayant des antécédents de consommation de drogues injectables avaient plus de probabilités de faire état de traitement insuffisant de la douleur.[54]
Traitement de la douleur, soins palliatifs et droits humains
La santé est un droit humain
La santé est un droit humain fondamental inscrit dans de nombreux instruments internationaux des droits humains.[55] Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) spécifie que toute personne a le droit de «jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre.» Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, l'organe chargé de surveiller l'application du PIDESC, a affirmé que les Etats doivent rendre disponibles en quantité suffisante «des installations, biens et services de santé publique et de soins de santé fonctionnels, ainsi que des programmes» et que ces services doivent être accessibles.
Du fait que les Etats ont des niveaux différents de ressources, le droit international n'impose pas le type de soins de santé qui doivent être fournis. Le droit à la santé est considéré comme un droit de «réalisation progressive». En devenant partie aux accords internationaux, un Etat s'engage «à agir… au maximum de ses ressources disponibles» pour atteindre la pleine réalisation du droit à la santé. En d'autres termes, les pays à haut revenu devront généralement fournir des services de santé à un niveau plus élevé que les pays ayant des ressources limitées. Mais tous les pays doivent prendre des mesures concrètes en vue d'améliorer ces services, et une régression dans la fourniture de services de santé constitue, dans la plupart des cas, une violation du droit à la santé.
Toutefois le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a aussi affirmé que certaines obligations de base sont tellement fondamentales que les Etats doivent les remplir. Si des restrictions de ressources peuvent justifier le respect seulement partiel de certains aspects du droit à la santé, le Comité a observé vis-à-vis des obligations de base que «un Etat partie ne peut, quelles que soient les circonstances, justifier la non exécution des obligations fondamentales…, auxquelles il ne peut déroger.» Le Comité a identifié, entre autres, les obligations fondamentales suivantes :
·Garantir le droit à l'accès aux installations, aux biens et aux services de santé sur une base non discriminatoire, en particulier pour les groupes vulnérables ou marginalisés ;
·Fournir les médicaments essentiels, tels qu'ils sont définis périodiquement dans le cadre du Programme d'action sur les médicaments essentiels de l'OMS ;
·Garantir une distribution équitable de toutes les installations, biens et services de santé ;
·Adopter et mettre en œuvre une stratégie et un plan d'action nationaux de santé publique, sur la base des témoignages épidémiologiques, répondant aux préoccupations en matière de santé de la population dans son ensemble.[56]
Le traitement de la douleur et le droit à la santé
Etant donné que la morphine et la codéine figurent sur la Liste des médicaments essentiels de l'OMS, les pays doivent fournir ces médicaments dans le cadre de leurs obligations fondamentales envers le droit à la santé, qu'ils aient été ou non inclus dans leurs listes nationales de médicaments essentiels.[57] Les pays doivent s'assurer que ces médicaments sont tous deux disponibles en quantités suffisantes, et physiquement et financièrement accessibles aux personnes qui en ont besoin.
Afin de garantir la disponibilité et l'accessibilité, les Etats ont, entre autres, les obligations suivantes :
·Etant donné que la fabrication et la distribution de médicaments contrôlés tels que la morphine et la codéine sont complètement entre les mains du gouvernement, les Etats doivent mettre en place un système efficace d'approvisionnement et de distribution et créer un cadre légal et régulateur qui permette aux fournisseurs de soins de santé tant dans le secteur public que privé d'obtenir, de prescrire et de délivrer ces médicaments. Toutes réglementations qui entravent arbitrairement l'approvisionnement et la délivrance de ces médicaments violent le droit à la santé.
·Les Etats doivent adopter et mettre en œuvre une stratégie et un plan d'action pour introduire des services de traitement de la douleur et de soins palliatifs. Cette stratégie et ce plan d'action devraient identifier les obstacles à l'amélioration des services ainsi que les mesures à prendre pour éliminer ces obstacles.
·Les Etats devraient régulièrement mesurer les progrès accomplis pour garantir la disponibilité et l'accessibilité des médicaments antidouleur.
·L'exigence d'accessibilité physique signifie que ces médicaments doivent être «à la portée physique et sûre de toutes les sections de la population, en particulier les groupes vulnérables ou marginalisés, tels que…les personnes atteintes du VIH/SIDA.»[58] Ceci signifie que les Etats doivent garantir qu'un nombre suffisant de fournisseurs de soins de santé ou de pharmacies stockent et délivrent de la morphine et de la codéine, et qu'un nombre suffisant de professionnels de santé sont formés et autorisés pour prescrire ces médicaments.
·L'accessibilité financière signifie que, si le droit à la santé n'exige pas des Etats qu'ils fournissent gratuitement les médicaments, ils doivent être «abordables pour tous».[59] Selon les termes du Comité :
Le paiement des services de soins de santé…doit être basé sur le principe d'équité, de sorte que ces services, qu'ils soient fournis de façon privée ou publique, soient abordables pour tous, y compris les groupes socialement désavantagés. L'équité exige que les ménages plus pauvres ne soient pas accablés de façon disproportionnée par les dépenses de santé par rapport aux ménages plus riches.[60]
Les pays ont aussi une obligation de mettre progressivement en œuvre des services de soins palliatifs, qui, selon l'OMS, doivent avoir «un statut prioritaire au sein des programmes de santé publique et de lutte contre la maladie.»[61] Les pays doivent garantir une politique et un cadre régulateur suffisants, élaborer un plan pour la mise en œuvre de ces services, et prendre toutes les mesures raisonnables en fonction des ressources disponibles pour exécuter le plan. L'échec à accorder une priorité suffisante au développement de services de soins palliatifs au sein des services de soins de santé viole le droit à la santé.
Le traitement de la douleur et le droit de ne pas être soumis à des traitements cruels, inhumains et dégradants
Le droit de ne pas être soumis à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants est un droit humain fondamental qui est reconnu dans de nombreux instruments internationaux des droits humains.[62] Indépendamment de l'interdiction d'utiliser la torture, les peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, ce droit crée aussi une obligation positive pour les Etats de protéger contre de tels traitements les personnes se trouvant sous leur juridiction.[63]
Dans le cadre de cette obligation positive, les Etats doivent prendre des mesures pour protéger les personnes contre une douleur inutile liée à une condition de santé. Comme l'a écrit le Rapporteur Spécial de l'ONU sur la Torture, les peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants dans une lettre commune avec le Rapporteur Spécial de l'ONU sur le droit à la Santé à la Commission sur les stupéfiants en décembre 2008:
Les gouvernements ont aussi l'obligation de prendre des mesures pour protéger les personnes se trouvant sous leur juridiction contre des traitements inhumains et dégradants. L'échec des gouvernements à prendre des mesures raisonnables visant à garantir l'accessibilité du traitement de la douleur, qui laisse des millions de personnes souffrir inutilement de douleurs sévères et souvent prolongées, soulève la question de savoir s'ils se sont correctement acquittés de cette obligation.[64]
Obstacles à la fourniture de traitements de la douleur et de soins palliatifs
Les informations ne manquent pas quant aux raisons expliquant que tant de personnes souffrant de douleurs sévères ne puissent avoir accès à un traitement suffisant de la douleur. Dans de multiples publications couvrant plusieurs décennies, l'Organisation mondiale de la santé, l'Office international de contrôle des stupéfiants, les fournisseurs de soins de santé, les universitaires et d'autres ont tenu une chronique très détaillée des barrières existantes.[65] Un thème commun à nombre de ces publications est l'échec de bien des gouvernements dans le monde entier à prendre des mesures raisonnables pour améliorer l'accès aux services de traitement de la douleur et de soins palliatifs et pour atteindre le juste équilibre entre garantir la disponibilité des médicaments contrôlés à des fins légitimes et empêcher leur utilisation abusive.
Dans son rapport annuel 2007, l'OICS réitérait ses appels antérieurs à l'amélioration :
Le faible niveau de consommation d'analgésiques opioïdes pour le traitement de la douleur dans de nombreux pays … demeure un sujet de grave préoccupation pour l'Organe. Celui-ci engage de nouveau tous les gouvernements concernés à identifier les obstacles qui s'opposent, dans
leur pays, à une utilisation adéquate des analgésiques opioïdes et à faire le nécessaire pour améliorer la disponibilité de ces stupéfiants à des fins médicales...[66]
A ce jour, ces appels sont largement restés lettre morte. Etant donné que les pays se sont abstenus d'agir sur les recommandations de l'OMS et de l'OICS, nombre des mêmes obstacles identifiés il y a vingt ans par ces organisations demeurent aujourd'hui.
Parmi ces obstacles figurent: l'échec de nombreux gouvernements à mettre en place des systèmes fonctionnels d'offre des drogues ; l'échec à adopter des politiques en matière de traitement de la douleur et de soins palliatifs ; l'existence de pratiques et de réglementations de contrôle des drogues inutilement restrictives ; la crainte chez les professionnels de santé de sanctions légales pour une pratique médicale légitime ; le manque de formation des professionnels de santé ; et le coût indûment élevé du traitement de la douleur.
S'il ne fait aucun doute qu'il ne sera pas facile de vaincre certains de ces obstacles et de mettre en œuvre des services étendus de traitement de la douleur et de soins palliatifs, en particulier pour les pays disposant de ressources limitées, beaucoup de progrès pourraient être accomplis si les gouvernement menaient les actions qui leur sont exigées par les normes internationales des droits humains et par les conventions de l'ONU en matière de drogues. De fait, les gouvernements de pays tels que la Roumanie, l'Ouganda et le Vietnam -qui ont chacun adopté des approches globales pour améliorer la disponibilité du traitement de la douleur- ont montré qu'il était possible de faire beaucoup pour se conformer aux normes fondamentales exigées, même pour des pays ayant des ressources limitées. Si chacun de ces pays a encore beaucoup à faire pour rendre totalement disponibles le traitement de la douleur et les soins palliatifs, ils progressent tous dans la bonne direction.
Echec à garantir un système d'offre fonctionnel et efficace
Les analgésiques opioïdes sont des médicaments contrôlés. Comme tels, leur fabrication, leur distribution et leur prescription sont strictement régulées ; ces médicaments ne peuvent être commercialisés librement. La Convention unique sur les stupéfiants de 1961 a créé un système pour réguler l'offre et la demande. Chaque année, les pays soumettent à l'OICS des évaluations de leurs besoins en morphine et autres médicaments contrôlés, qui ensuite approuve un quota pour les pays et autorise les pays producteurs à cultiver une quantité spécifiée de la matière brute. Une fois que l'OICS a approuvé leur quota, les pays peuvent alors acheter de la morphine dans les limites de la quantité approuvée. Chaque transaction individuelle franchissant des frontières internationales doit être autorisée et enregistrée par l'OICS. Au niveau national, des agences spéciales de contrôle des drogues sont chargées de communiquer avec l'OICS à propos des besoins en morphine, des importations et des exportations, et aussi de réguler et de superviser toutes les transactions nationales portant sur des médicaments contrôlés.
Au regard des conventions de l'ONU relatives à la drogue, les pays ont une obligation de garantir un système d'offre fonctionnel et efficace pour les médicaments contrôlés. L'OICS a établi que:
…un régime national efficace de contrôle des drogues doit comporter non seulement un programme pour empêcher le détournement et le trafic illicites, mais aussi un programme pour garantir la disponibilité suffisante de stupéfiants à des fins médicales et scientifiques.[67]
De tels programmes de disponibilité des drogues doivent être capables de garantir que des quantités suffisantes de morphine et autres médicaments contrôlés sont disponibles dans le pays à tout instant, qu'un système efficace de distribution est mis en place pour approvisionner les fournisseurs de soins de santé et les pharmacies avec une offre continue et suffisante des médicaments, et qu'un nombre suffisant de pharmacies et d'installations de soins les stockent de sorte que les fournisseurs de soins de santé et les patients dans tout le pays puissent y avoir un accès raisonnable selon les besoins. Comme l'a indiqué l'Organisation mondiale de la santé, de bonnes communications entre les professionnels de santé et les régulateurs de drogues sont cruciales pour atteindre ces objectifs.[68]
Du fait que la production, la distribution et la délivrance des médicaments contrôlés se trouvent sous le contrôle exclusif des gouvernements, ceux-ci ont une responsabilité particulièrement forte de garantir leur disponibilité et leur accessibilité. Pour les médicaments qui ne sont pas contrôlés, les acteurs privés, à savoir les fournisseurs de soins de santé, les sociétés pharmaceutiques et les organisations non gouvernementales, peuvent eux-mêmes produire ou importer les médicaments avec une intervention limitée ou nulle du gouvernement. Ce n'est pas le cas pour les médicaments contrôlés: si un gouvernement ne fait rien pour garantir une offre suffisante et un système de distribution fonctionnel, ils ne seront tout simplement pas légalement disponibles.
Néanmoins, nombre de gouvernements, en particulier dans les pays à faible et moyen revenu, n'ont pas mis en place de systèmes fonctionnels et efficaces d'offre de médicaments contrôlés. De fait, si l'on en juge par le fait que dans de multiples pays presqu'aucune morphine n'est utilisée, il semble que beaucoup d'entre eux n'ait absolument aucun système fonctionnel d'offre. En 1999, l'OICS a noté qu'il ne s'agit pas là seulement du résultat de ressources limitées, mais aussi d' «un manque de détermination de la part des gouvernements et de leurs services.»[69]
Des recherches menées par l'Association africaine de soins palliatifs (APCA) en 2006 illustrent le manque d'engagement de certains pays africains pour garantir la disponibilité de médicaments contrôlés. Cette organisation a essayé de mener une enquête auprès des fournisseurs de soins palliatifs et des autorités de contrôle des drogues dans douze pays africains pour identifier les défis dans la mise en œuvre des services de soins palliatifs et de traitement de la douleur. L'organisation a réussi à s'assurer la participation des agences de contrôle des drogues dans cinq des douze pays ciblés dans l'enquête.
Les conclusions de l'enquête suggèrent une déconnection considérable entre les autorités de contrôle des drogues et le système de soins de santé. Trois des cinq agences de contrôle des drogues -des organismes du Kenya, de la Tanzanie et de l'Ethiopie- ont exprimé l'avis que le système régulateur fonctionnait bien, alors même que la consommation de morphine dans chacun de ces pays est bien au-dessous des besoins estimés et que les fournisseurs de soins palliatifs interrogés ont identifié une myriade de problèmes liés au système régulateur.[70]
En outre, l'enquête a indiqué que les agences de contrôle des drogues dans chacun des cinq pays avaient mentionné les médicaments contrôlés comme disponibles dans les installations de soins de santé, alors qu'aucun des fournisseurs de soins palliatifs n'avait en fait accès à ces médicaments. Dans son rapport, l'APCA a écrit :
Dans chaque pays sans exception, les autorités compétentes pour l'OICS ont cité des opioïdes spécifiques qu'elles pensaient disponibles dans le pays et qui n'ont jamais été cités par aucun service [de soins palliatifs] dans ce pays.[71]
Evaluation des besoins nationaux
De nombreux pays ne soumettent pas à l'OICS d'évaluations de leurs besoins en substances contrôlées basées sur une estimation approfondie des besoins de la population, comme l'exigent les conventions de l'ONU en matière de drogues. Certains pays ne soumettent aucune évaluation ou des évaluations de nature purement symbolique. Par exemple, le Burkina Faso, pays d'Afrique occidentale, a estimé qu'il aurait besoin de 49 grammes de morphine en 2009.[72] Si l'on utilise l'estimation de Kathleen M. Foley selon laquelle un patient moyen atteint de cancer ou de SIDA en phase terminale qui souffre de douleurs sévères a besoin de 60 à 75 mg de morphine par jour pendant environ 90 jours en moyenne, cette quantité serait suffisante pour environ 8 patients. De ce fait, des pays comme le Burkina Faso reçoivent des quotas de l'OICS pour la morphine qui sont si faibles qu'ils ne peuvent vraiment pas garantir une disponibilité suffisante de morphine pour le traitement de la douleur dans ce pays.[73]
Nombre d'autres pays soumettent des estimations qui minimisent largement les besoins médicaux réels de morphine. Souvent, ces estimations ne sont pas basées sur la demande réelle mais sur la consommation de morphine au cours de l'année précédente. Certains pays semblent simplement reproduire la même évaluation chaque année, sans tenir compte des changements démographiques ni de véritables évaluations de besoins.[74]
Tableau 1. Estimations de morphine, mortalité et besoin de traitement de la douleur *
Pays |
Evaluation des décès dus au cancer en 2002 |
Evaluation des décès dus au SIDA en 2005 |
Nombre d'individus susceptibles de nécessiter un traitement de la douleur en 2009 |
Total des besoins en morphine estimés pour 2009 (kg) |
Evaluation des besoins en morphine fournies par pays à l'OICS pour 2009 (kg) |
Nombre d'individus pour lesquels l'évaluation suffit |
% des individus ayant besoin du traitement qui seraient couverts par l'évaluation |
Pays qui estiment n'avoir presqu'aucun besoin en morphine | |||||||
Bénin |
13490 |
9986 |
15786 |
96 |
0.5 |
83 |
0.50% |
Sénégal |
17625 |
5432 |
16816 |
102 |
0.6 |
99 |
0.60% |
Rwanda |
14196 |
21956 |
22335 |
136 |
0.8 |
132 |
0.60% |
Gambie |
2395 |
1430 |
2631 |
16 |
0.18 |
31 |
1.20% |
Bhoutan |
727 |
<10 pour 100,000 |
582 |
3.5 |
0.08 |
14 |
2.30% |
Burkina Faso |
23262 |
13067 |
25143 |
153 |
0.05 |
8 |
0.03% |
Erythrée |
6240 |
5959 |
7972 |
48 |
0.075 |
12 |
0.15% |
Gabon |
2071 |
4457 |
3886 |
24 |
0.088 |
14 |
0.40% |
Swaziland |
1837 |
17577 |
10258 |
62 |
0.5 |
82 |
0.80% |
Autres pays (exemples) | |||||||
Egypte |
62299 |
<10 pour 100,000 |
49840 |
303 |
10 |
1646 |
3% |
Philippines |
78500 |
<10 per 100,000 |
62800 |
382 |
31 |
5103 |
8% |
Kenya |
50809 |
149502 |
115398 |
701 |
30 |
4938 |
4% |
Fédération de Russie |
217696 |
N/A |
174157 |
1058 |
200 |
32922 |
15% |
Mexique |
92701 |
6321 |
77321 |
470 |
180 |
29630 |
38% |
L'OICS a rappelé à maintes reprises aux pays leur obligation de soumettre des évaluations basées sur les besoins de la population et il a encouragé tous les pays à examiner leurs méthodes d'élaboration de ces évaluations de façon à garantir qu'elles traduisent réellement les besoins en médicaments contrôlés.[79]
Garantir une distribution efficace
Sans un système de distribution efficace, l'accessibilité de la morphine pour ceux qui en ont besoin ne peut pas être assurée. Etant donné que les médicaments contrôlés peuvent seulement être transférés entre les parties autorisées par la législation nationale, les gouvernements jouent un rôle clé pour la mise en place d'un tel système de distribution. Ils doivent garantir qu'un nombre suffisant de pharmacies ont l'autorisation de vendre de la morphine. Ils doivent aussi garantir que les procédures pour l'acheter, la stocker et la délivrer sont réalisables ; en d'autres termes, ils doivent atteindre l'équilibre approprié entre la garantie que les pharmacies peuvent l'obtenir sans procédures coûteuses ni indûment lourdes et la prévention de son utilisation abusive.
Néanmoins, dans de nombreux pays peu d'hôpitaux ou de pharmacies peuvent en réalité stocker de la morphine. Dans certains cas, cela est dû à des réglementations gouvernementales qui n'autorisent que des institutions spécifiques à stocker le médicament. L'étude de l'APCA, par exemple, a constaté qu'en Zambie seuls les hôpitaux peuvent stocker de la morphine et qu'au Nigéria la morphine par voie orale n'est disponible que dans une seule pharmacie, le Drugstore National.[80] Pareillement, au Cameroun une seule pharmacie prépare de la morphine orale.[81]
Dans certains pays, des procédures excessivement lourdes pour l'achat, la délivrance et l'enregistrement découragent les institutions de santé de se procurer de la morphine. En Inde, Human Rights Watch a constaté que de nombreux hôpitaux ne stockent pas de morphine orale parce qu'ils doivent obtenir nombre de licences différentes pour chaque commande de morphine qui est achetée et ces licences sont souvent très difficiles à obtenir. A Mexico, ville de 18 millions d'habitants, seulement neuf hôpitaux et pharmacies stockent de la morphine, apparemment à cause d'exigences légales portant sur les médicaments contrôlés.[82] Les restrictions sur les licences ou les procédures lourdes de gestion qui ne sont pas nécessaires pour empêcher l'utilisation abusive de ces médicaments violent le droit à la santé et devraient être modifiées. Etant donné que les pays ont l'obligation de garantir une disponibilité suffisante d'analgésiques opioïdes, ils doivent prendre des mesures pour garantir qu'un nombre suffisant de pharmacies ou d'hôpitaux les stockent. Reconnaissant cette obligation, le Vietnam a adopté une nouvelle réglementation sur la prescription d'opioïdes en février 2008 qui oblige les hôpitaux de district à stocker les opioïdes si aucune pharmacie du district ne le fait.[83]
Dans les pays où les hôpitaux et les pharmacies stockent de la morphine, les problèmes liés à des systèmes de distribution inefficaces sont courants. En Inde, par exemple, Human Rights Watch a constaté que des procédures d'achat excessivement lourdes dans de nombreux états peuvent conduire à des ruptures de stock et à des retards dans la délivrance du médicament.[84] En Colombie, la morphine a régulièrement été épuisée dans la province de Valle del Cauca au cours des dernières années, de nombreux patients se trouvant ainsi dans l'incapacité de l'obtenir pour traiter leur douleur. Par contre, d'autres médicaments délivrés sur ordonnance ont été largement disponibles.[85] L'enquête de l'APCA auprès des fournisseurs de soins palliatifs dans douze pays africains a constaté «des retards massifs entre les écritures [ordonnances du médecin] et la délivrance» à cause de problèmes dans les systèmes d'approvisionnement et de distribution.[86]
Echec à adopter des politiques en matière de traitement de la douleur et de soins palliatifs
Une obligation fondamentale au regard du droit à la santé stipule que les pays doivent «adopter et mettre en œuvre une stratégie et un plan d'action nationaux de santé publique, sur la base des témoignages épidémiologiques, répondant aux préoccupations en matière de santé de la population dans son ensemble.» Dans le cadre de cette obligation, les pays doivent développer une stratégie et un plan d'action pour la mise en œuvre de services de soins palliatifs et de traitement de la douleur. Si ceux-ci ne sont pas obligés d'assurer la mise en œuvre immédiate de la gamme complète de services, ils doivent établir une feuille de route pour leur mise en œuvre progressive. Il est fortement présumé que toute mesure neutre du point de vue de son coût devra être prise immédiatement.[87]
En 1996, l'OMS a identifié l'absence de politiques nationales sur le soulagement de la douleur cancéreuse et les soins palliatifs comme l'une des raisons pour laquelle la couleur cancéreuse est si souvent traitée de manière insuffisante.[88] En 2000, l'organisation a observé que le traitement de la douleur continuait d'être une «faible priorité» dans les systèmes de soins de santé. Dans son livre de 2002 sur les programmes de lutte contre le cancer, l'OMS a noté que si les gouvernements au niveau mondial ont approuvé l'intégration des principes des soins palliatifs dans les programmes de santé publique et de contrôle de la maladie, «il y a un fossé béant évident entre les discours et la réalisation.»[89] Deux experts éminents en soins palliatifs soulignent l'importance d'une stratégie globale, indiquant que certains politiques ont échoué parce qu'elles ont omis d'impliquer la communauté dans l'offre de services de soins palliatifs.[90]
Néanmoins, comme l'ont observé ces experts, la plupart des pays n'ont pas de politiques de soins palliatifs et de traitement de la douleur, que ce soit en tant que telles ou dans le contexte des efforts pour lutter contre le cancer ou le VIH/SIDA.[91] Dans un rapport de 2007 sur les soins palliatifs et le VIH/SIDA, le Département pour le développement international («Department for International Development») du gouvernement du Royaume-Uni a constaté que les soins palliatifs étaient souvent non «intégrés aux politiques du secteur de santé et aux cadres nationaux relatifs au SIDA.»[92]
De nombreux pays ont même échoué à prendre des mesures relativement peu coûteuses qui sont cruciales à l'amélioration de l'accès au traitement de la douleur et aux soins palliatifs, telles que l'ajout de la morphine par voie orale et d'autres médicaments basés sur les opioïdes à leur liste de médicaments essentiels, ou la publication de directives sur la gestion de la douleur pour les professionnels de santé. Par exemple, les pays qui ont répondu à l'enquête de l'APCA en 2007 auprès des fournisseurs de soins palliatifs de quatre pays -Kenya, Namibie, Nigéria et Rwanda- ont signalé que la morphine orale ne figurait pas sur la liste de leur pays pour les médicaments essentiels.[93] Selon Anne Merriman, une défenseure éminente des soins palliatifs en Afrique, seules quatorze nations africaines disposent de morphine orale - toutes les autres ont seulement de la morphine injectable, qui est principalement utilisée pour soulager la douleur aigüe dans le cadre de l'hôpital.[94]
L'OICS a recommandé que les lois nationales de contrôle des drogues reconnaissent la nature indispensable des stupéfiants pour soulager la douleur et la souffrance, ainsi que l'obligation de garantir sa disponibilité à des fins médicales. Son enquête de 1995 a constaté que les lois des 48 pour cent des gouvernements qui ont répondu reconnaissaient le premier critère et que les lois de 63 pour cent des gouvernements reconnaissaient le deuxième critère.[95] Bien que l'on ne sache pas exactement combien de pays n'ont pas encore inclus les termes pertinents dans leur législation, l'enquête révèle que les modèles de lois et de réglementations sur le contrôle des drogues élaborés par l'Office de l'ONU contre la drogue et le crime et développés pour l'utilisation par les pays lors de l'élaboration de lois et réglementations nationales en matière de drogue ne contiennent même pas eux-mêmes ces clauses.[96] Un nouveau projet de loi portant sur le contrôle de la drogue qui est actuellement à l'étude au Cambodge ne fait aucune référence au fait que les médicaments contrôlés sont indispensables pour soulager la douleur et la souffrance, ni à l'obligation de garantir leur disponibilité.[97]
Manque de formation pour les professionnels de santé
L'un des principaux obstacles à l'offre de bons services de soins palliatifs et de traitement de la douleur dans de nombreux pays du monde est un manque de formation pour les professionnels de santé. Comme l'ont écrit Brennan et autres, «pendant trop longtemps, la douleur et sa gestion ont été prisonnières du mythe, de l'irrationalité et de biais culturel.»[98] Si la mauvaise information au sujet de la morphine orale demeure extrêmement répandue chez les professionnels de santé, la connaissance sur la façon d'évaluer et de traiter la douleur est souvent absente ou profondément insuffisante. La combinaison de l'ignorance parmi les professionnels de santé avec les mythes sur les opioïdes aboutit au défaut de traitement des patients, qui souffrent de douleurs sévères, avec des analgésiques opioïdes.
Certains des mythes les plus courants soutiennent que le traitement par les opioïdes entraîne la dépendance -l'obstacle le plus fréquemment cité à l'usage médical des opioïdes dans l'étude de l'OICS de 1995 ;[99] que la douleur est nécessaire ; qu'elle est essentielle pour le diagnostic ; qu'elle est inévitable ; et qu'elle a des conséquences négligeables. Chacun de ces mythes est inexact.[100] De nombreuses études ont montré que le traitement de la douleur par les opioïdes conduit très rarement à la dépendance ;[101] la plupart des douleurs peuvent être bien traitées ;[102] la douleur n'est pas nécessaire au diagnostic ;[103] et la douleur a des conséquences sociales, économiques et psychologiques considérables, car elle maintient les personnes qui souffrent de douleurs et souvent les personnes qui les soignent en dehors de la vie productive.[104]
L'ignorance à propos de l'usage des médicaments opioïdes est le résultat de l'échec, dans une grande partie du monde y compris certains pays industrialisés, à donner aux professionnels de santé une instruction suffisante sur les soins palliatifs et la gestion de la douleur. Une enquête de l'Alliance mondiale pour les soins palliatifs auprès des professionnels de santé de 69 pays en Afrique, en Asie et en Amérique Latine a constaté que 82 pour cent des professionnels de santé en Amérique Latine et 71 pour cent en Asie n'avaient reçu aucune instruction sur la douleur ou les opioïdes au cours de leurs études médicales. En Afrique, ces chiffres étaient de 39 pour cent.[105] Dans une enquête menée en 2007 par l'Association africaine de soins palliatifs, 33 des 56 fournisseurs de soins de santé participants étaient d'avis qu'il n'y avait pas assez d'offres de formation sur les soins palliatifs et le traitement de la douleur. Vingt-et-un des vingt-trois fournisseurs qui ont déclaré qu'il y en avait suffisamment étaient basés en Afrique du Sud et en Ouganda, deux pays où un nombre considérable de formations est disponible.[106]
Même dans les pays industrialisés, l'instruction sur les soins palliatifs et le traitement de la douleur demeure un énorme défi. Un examen réalisé en 1999 des documents publiés sur les obstacles entravant la gestion efficace de la douleur cancéreuse dans les nations industrialisées a révélé, par exemple, qu'un nombre très important des professionnels de santé interrogés avait une connaissance encyclopédique insuffisante de la gestion de la douleur.[107]
Au regard du droit à la santé, les gouvernements doivent prendre des mesures raisonnables pour garantir que les professionnels de santé reçoivent une formation appropriée en matière de soins palliatifs et de gestion de la douleur. Comme partie intégrante des soins et du traitement du cancer et du VIH, deux principales maladies au niveau mondial, les pays doivent garantir qu'une instruction de base sur les soins palliatifs et la gestion de la douleur fait partie des études médicales, des écoles d'infirmières et de la formation médicale continue. Une instruction spécialisée devrait être destinée aux professionnels de santé qui poursuivent une spécialisation en oncologie, sur le VIH et le SIDA et d'autres disciplines où la connaissance de la gestion de la douleur et des soins palliatifs fait partie intégrante des soins.
Des réglementations de contrôle des drogues ou des pratiques d'application trop restrictives
La Convention unique sur les stupéfiants de 1961 prévoit trois critères minimaux que les pays doivent respecter dans l'élaboration des réglementations nationales sur la distribution des opioïdes :
·Les individus doivent être autorisés à dispenser des opioïdes par leur licence professionnelle de praticien, ou bien disposer spécialement d'une licence pour ce faire ;
·Les mouvements d'opioïdes ne peuvent avoir lieu qu'entre des institutions ou des individus dûment autorisés par les lois nationales ;
·Une prescription médicale est exigée avant de pouvoir dispenser des opioïdes à un patient.
Les gouvernements peuvent, selon la Convention, imposer d'autres exigences s'ils l'estiment nécessaire, par exemple que toutes les prescriptions soient rédigées sur des formulaires officiels fournis par le gouvernement ou par des associations professionnelles autorisées.[108]
Cependant, comme l'OMS l'a observé, «ce droit doit être continuellement pondéré par rapport au devoir de garantir la disponibilité des opioïdes à des fins médicales.»[109] Par conséquent, toute réglementation qui entrave sans nécessité l'accès aux médicaments contrôlés ne sera pas en conformité avec les conventions de l'ONU relatives aux drogues, ni avec le droit à la santé, qui exige que les pays réalisent un équilibre similaire entre la garantie de disponibilité pour un usage médical légitime et la prévention d'une utilisation abusive. L'OMS a élaboré des directives pour la régulation des professionnels de santé qui distribuent des médicaments contrôlés et que le gouvernement peut utiliser pour élaborer ce que l'OMS a appelé un «système pratique».[110]
Néanmoins, de nombreux pays ont des réglementations inutilement strictes, créant des procédures complexes pour l'achat, le stockage et la délivrance des médicaments contrôlés. Dans certains cas, les autorités chargées du contrôle des drogues ou les systèmes de santé vont même au-delà des restrictions imposées par les réglementations dans leur mise en application, limitant ainsi leur accès pour ceux qui en ont besoin. L'effet de ces réglementations ou de ces pratiques de mise en application inutilement strictes est que les pharmacies et les installations de santé ne s'approvisionnent pas ni ne stockent les opioïdes, que les docteurs ne les prescrivent pas pour s'éviter des tracas ou de peur de sanctions légales, et que la prescription est si peu pratique que de nombreux patients ne peuvent réellement pas les obtenir avec régularité.
Une explication de l'existence de réglementations excessivement strictes est le fait que nombre de ces réglementations ont été mises en place avant 1986, quand l'OMS a pour la première fois recommandé l'utilisation de la morphine par voie orale pour la gestion à long terme de la douleur.[111] Auparavant, la plupart des pays employaient seulement de la morphine injectable pour traiter les douleurs aigües, qui est surtout utilisée dans le cadre de l'hôpital sur de courtes périodes. Comme l'a noté l'OMS: «La connaissance et les meilleures pratiques des opioïdes ont progressé plus rapidement que les structures légales qui les gouvernent, laissant beaucoup de politiques légales archaïques et trop restrictives.»[112]
Depuis les années 80, l'OMS et l'OICS ont à maintes reprises appelé les pays à examiner leurs réglementations en matière de contrôle des drogues et leurs pratiques de mise en œuvre, et à s'assurer qu'ils n'entravent pas indûment l'utilisation de la morphine orale. Tandis que l'OICS rappelait à maintes reprises aux Etats qu'ils devaient continuer à agir pour empêcher le détournement[113] -le fait que les médicaments contrôlés soient détournés pour une utilisation illicite- il notait aussi que :
Le détournement de stupéfiants du commerce légal vers des circuits illégaux demeure relativement rare et les quantités concernées sont petites en comparaison du large volume des transactions. Ceci est vrai pour les drogues dans le commerce international aussi bien que dans les circuits nationaux de vente en gros.[114]
Certains pays ont pris des mesures importantes à cet égard. L'Ouganda, par exemple, a approuvé la prescription par le personnel infirmier de la morphine orale. Plusieurs pays ont levé les restrictions portant sur la quantité de morphine orale pouvant être prescrite. Néanmoins, dans de nombreux pays des réglementations problématiques sont toujours en place. Parmi les problèmes courants dans ces réglementations figurent :
Les procédures d'obtention de licence trop restrictives pour les institutions de soins de santé
Certains pays imposent des procédures pour obtenir une licence aux pharmacies et aux fournisseurs de soins de santé qui leur rendent impossible ou trop compliqué l'achat et la délivrance des opioïdes. Les fournisseurs de soins palliatifs qui n'ont pas d'installations hospitalières mais qui offrent des services de soins à domicile ont souvent des difficultés particulières à obtenir des licences pour dispenser de la morphine, même si cela est vital à leur mission et s'ils peuvent fournir une façon peu coûteuse d'atteindre un grand nombre de personnes ayant besoin de traitement de la douleur. Dans son rapport de 2007, l'Association africaine de soins palliatifs a observé par exemple que :
Bien qu'en théorie de nombreux pays permettent l'importation et la distribution des drogues, il peut être impossible en pratique d'obtenir l'autorisation nécessaire des organismes de réglementation de prescrire les drogues.[115]
Les fournisseurs de soins palliatifs au Kenya interrogés par l'APCA ont noté, par exemple, que la morphine orale est «surtout dispensée dans les hôpitaux et centres de soins palliatifs, aussi de nombreux patients [qui ne se trouvent pas dans ces institutions] n'y ont pas accès.»[116] Un rapport de 2007 de l'Alliance mondiale de soins palliatifs cite un professionnel de santé qui déclare que:
Les docteurs spécialisés en soins palliatifs ont le droit de prescrire de la morphine mais ils ne peuvent pas l'obtenir s'ils travaillent dans un centre qui n'est pas enregistré auprès du ministère de la Santé comme une organisation médicale.[117]
En Inde, les réglementations dans certains états rendent pratiquement impossible aux fournisseurs de soins palliatifs d'obtenir une licence pour prescrire de la morphine orale, alors que dans d'autres états les réglementations établissent une procédure simple qui a permis aux fournisseurs de soins palliatifs de jouer un rôle décisif pour rendre le traitement de la douleur disponible au niveau de la communauté.[118]
Certains pays autorisent seulement certains types d'institutions médicales à prescrire des opioïdes. Par exemple, en Chine, seuls les hôpitaux au-dessus du niveau 2 -les hôpitaux en Chine sont classés du niveau1 à 3 en fonction de la juridiction sous laquelle ils se trouvent- ont le droit de prescrire des opioïdes, ce qui signifie que les hôpitaux dans beaucoup de villes ne peuvent dispenser des opioïdes et que les gens sont parfois obligés de parcourir de longues distances pour pouvoir obtenir de la morphine orale.[119]
Ces exigences pour délivrer des licences entravent de façon importante l'accès à la morphine orale. Les pays doivent garantir que tous les fournisseurs de soins de santé et les pharmacies soit bénéficient automatiquement d'une licence pour se procurer, stocker et dispenser la morphine orale du fait de leur enregistrement comme institution de soins de santé, soit ont accès à une procédure rationnelle et transparente pour obtenir une licence spéciale. Il n'y a aucun motif rationnel de refuser le droit de prescrire et de dispenser de la morphine orale aux programmes de soins palliatifs qui fournissent la plupart des services de soins à domicile.
Octroi de licences aux professionnels de santé
De nombreux pays exigent des licences spéciales pour les professionnels de santé qui veulent prescrire des opioïdes, et ces licences sont souvent difficiles à obtenir. Par exemple, l'Alliance mondiale des soins palliatifs a indiqué dans son rapport de 2007 qu'en Mongolie, au Pérou, au Honduras, au Kirghizistan et dans un état de l'Inde seuls les spécialistes de soins palliatifs et les oncologues sont autorisés à prescrire de la morphine orale ; qu'aux Philippines les docteurs doivent obtenir deux licences spéciales pour pouvoir la prescrire ; et elle a constaté que dix-sept pour cent des endroits (pays et régions de pays) couverts par l'enquête exigeaient des licences spéciales qui étaient difficiles à obtenir.[120] En 2008, lors de la Conférence sur le SIDA en Europe orientale et en Asie centrale, un docteur russe du SIDA a déclaré aux délégués de la conférence qu'il ne pouvait pas traiter une patiente qui souffrait de douleur sévère parce qu'il n'avait pas de licence pour prescrire de la morphine et que les oncologues, qui eux disposent de cette licence, ne pouvaient pas lui en prescrire parce qu'elle n'était pas atteinte de cancer.[121]
Si les médecins de nombreux pays peuvent prescrire de la morphine du simple fait de leur licence professionnelle, ce n'est pas le cas du personnel infirmier. Ceci pose un problème considérable dans de nombreux pays du monde à faible ou moyen revenu où il y a peu de médecins. Par exemple, au Malawi il y a seulement un docteur pour 100 000 personnes.[122] En 2004, l'Ouganda a introduit la possibilité pour le personnel infirmier de prescrire de la morphine orale. Selon les nouvelles réglementations, le personnel infirmier détenant un certificat en soins palliatifs spécialisés a l'autorisation de prescrire et de fournir certains types d'analgésiques opioïdes, dont la morphine orale.[123] Avant 2004, de nombreuses personnes dans l'Ouganda rural -où il y a un docteur pour 50 000 personnes- n'avait pas de véritable accès aux médicaments pour les douleurs modérées à sévères. L'OICS a félicité l'Ouganda pour cette avancée importante.[124]
Au regard de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, les Etats n'ont pas à exiger que les professionnels de santé obtiennent une licence spéciale pour manier les opioïdes. L'OMS a recommandé que «les docteurs, les infirmiers et les pharmaciens devraient avoir le pouvoir légal de prescrire, dispenser et administrer des opioïdes aux patients en accord avec les besoins locaux.»[125] Etant donné que les procédures spéciales sur les licences entravent l'accessibilité des opioïdes pour les patients qui en ont besoin, les pays devraient s'efforcer autant que possible de permettre aux professionnels de santé de manier les opioïdes du fait de leur licence professionnelle ou établir des procédures nationales rapides et transparentes pour obtenir des licences spéciales.
Les procédures complexes de prescription
Certains pays ont établi des procédures spéciales de prescription pour les opioïdes qui sont lourdes et découragent les professionnels de santé de les prescrire. Un exemple courant est l'exigence d'utiliser des formulaires spéciaux de prescription et de conserver de multiples copies de la prescription. Le Comité d'experts de l'OMS sur le traitement de la douleur cancéreuse et les soins actifs de soutien a observé que les exigences spéciales de prescription avec des copies multiples «généralement…réduisent la prescription de drogues contrôlées de 50 pour cent ou plus.»[126] Néanmoins, des pays allant de la Côte d'Ivoire à l'Ukraine exigent ces formulaires spéciaux de prescription.[127] En 1995, l'OICS a constaté que 65 pour cent des pays ayant participé à son enquête avaient des procédures spéciales de prescription.[128]
Un autre problème courant est que les prescriptions par les professionnels de santé doivent être approuvées par leurs collègues ou leurs supérieurs, ou bien que la délivrance des médicaments doit avoir pour témoins de multiples professionnels de santé. En Ukraine, par exemple, les décisions de prescrire de la morphine doivent être prises par un groupe d'au moins trois docteurs, dont l'un doit être un oncologue.[129] En Afrique du Sud, deux infirmières doivent observer la fourniture d'opioïdes.[130] Au Guatemala, chaque prescription doit être autorisée par un tampon à l'encre et une signature qui sont seulement émis par le bureau central de l'Agence de contrôle des stupéfiants.[131] En Colombie, le Fonds national suit chaque prescription par des appels téléphoniques au docteur qui l'a établie.[132] Au Vietnam, certains hôpitaux ordonnent que tous les docteurs et le personnel infirmier restituent les ampoules de morphine vides au pharmacien en chef sous peine de faire l'objet d'une enquête pour détournement d'opioïde, alors même que les réglementations de contrôle des drogues du Vietnam ne l'exigent pas.[133]
Nombre de ces procédures spéciales de prescription vont bien au-delà de ce qu'exige la Convention unique de 1961 et ne sont probablement pas nécessaires pour empêcher le détournement. L'OMS a recommandé que «si les médecins doivent tenir des comptes autres que ceux associés à une bonne pratique médicale, le travail supplémentaire généré devrait être facile et ne devrait pas entraver les activités médicales.»[134] Les exigences qui ne remplissent pas ces critères violent le droit à la santé.
Les limitations de prescription
Les réglementations de certains pays imposent des limitations à la dose de morphine par voie orale pouvant être prescrite par jour, ou restreignent indûment le nombre de jours pour lesquels elle peut être prescrite et dispensée en une fois. Ces restrictions entravent l'accès à une gestion suffisante de la douleur. L'OMS a recommandé que «les décisions relatives au type de médicament à utiliser, la quantité prescrite et la durée de la thérapie demeurent l'apanage des professionnels de santé, sur la base des besoins individuels de chaque patient, et non d'une réglementation.»[135]
L'enquête réalisée par l'OICS en 1995 a constaté que 40 pour cent des pays participants avaient établi une quantité maximale de morphine pouvant être prescrite en une seule fois à un patient hospitalisé, et que 50 pour cent avaient fait de même pour les patients vivant à domicile.[136] L'OICS a noté que certains gouvernements avaient fixé la quantité maximale «aussi bas que 30 milligrammes» – soit approximativement la moitié de la dose quotidienne moyenne dans les pays à faible et moyen revenu.[137] La WPCA (Alliance mondiale des soins palliatifs) a signalé en 2007 qu'Israël limite la prescription de morphine à 60 milligrammes par jour pour les patients qui ne sont pas atteints de cancer.[138] Le nombre d'autres pays qui maintiennent aujourd'hui des limitations de dosage n'est pas clair. Celles-ci n'ont pas de sens du point de vue médical car les besoins d'un patient varient considérablement d'une personne à l'autre, et certaines personnes ont besoin de doses très élevées pour atteindre un contrôle suffisant de la douleur. Par conséquent, ces limitations ne sont pas en conformité avec le droit à la santé.
Le rapport de l'OICS de 1995 a constaté que 20 pour cent des pays participant à l'enquête imposaient une durée maximale pendant laquelle un patient hospitalisé pouvait recevoir de la morphine, et que 28 pour cent des gouvernements avaient établi ces mêmes restrictions pour les patients à domicile. Dans certains cas, les patients pouvaient seulement recevoir de la morphine pendant trois à sept jours en une fois et parfois de façon non renouvelable.[139] Bien qu'aucune vue d'ensemble globale des pays qui imposent de telles limitations ne soit disponible aujourd'hui, ils demeurent nombreux. La WPCA a indiqué en 2007 que le Honduras et le Malawi n'autorisent pas la délivrance de morphine pour plus de trois jours en une fois.[140] En Chine, les prescriptions peuvent seulement être données pour sept jours en une fois.[141] En Israël, les prescriptions ne peuvent être données que pour dix jours en une fois, sauf si le docteur confirme que le patient habite loin d'une pharmacie.[142]
S'il y a de bonnes raisons, notamment la prévention des détournements, pour certaines limitations de la durée pour laquelle les médicaments peuvent être délivrés, les types de restrictions mentionnées ci-dessus rendent peu pratique ou impossible pour de nombreux patients un accès continu aux médicaments. De nombreux patients vivent loin des pharmacies ou des centres de soins de santé et des déplacements répétés sont un fardeau considérable à cause des frais et des difficultés de déplacement pour des personnes malades. Cela pèse aussi sur les professionnels de santé qui sont déjà débordés de travail dans de nombreuses parties du monde. Toute limitation de la durée où la morphine peut être prescrite ou dispensée devrait être raisonnable -les limitations devraient être nécessaires pour empêcher l'utilisation abusive et non aboutir à ce que les médicaments deviennent pratiquement inaccessibles aux personnes qui en ont besoin- sinon elle est une violation du droit à la santé. Ces dernières années, un nombre croissant de pays ont assoupli la durée pour laquelle la morphine par voie orale peut être prescrite en une fois, beaucoup d'entre eux la fixant à environ un mois. Parmi ces pays figurent la Roumanie (de 3 à 30 jours), la France (de 7 à 28 jours), le Mexique (de 5 à 30 jours), le Pérou (d'1 à 14 jours), et la Colombie (de 10 à 30 jours).[143]
Les craintes de sanctions légales
Dans certains pays, une des raisons principales à la faible consommation de médicaments opioïdes est la crainte parmi les professionnels de santé d'encourir des sanctions légales s'ils les prescrivent. L'OICS a recommandé que:
«Les professionnels de la santé… devraient pouvoir… [fournir des opiacés]… sans craindre indûment d'être sanctionnés pour des violations involontaires [y compris]… des poursuites pour des violations techniques de la loi… [ce qui]… peut les dissuader de prescrire ou d'administrer des opiacés.»[144]
Près de cinquante pour cent des pays qui ont participé à l'enquête de l'OICS de 1995 ont cité cette crainte comme un obstacle à l'utilisation médicale des opioïdes.[145] Dans l'enquête de l'APCA auprès des autorités nationales chargées du contrôle des drogues, quatre sur cinq ont cité les craintes parmi les professionnels de soins de santé comme l'une des principales raisons de la faible utilisation des médicaments opioïdes. L'autorité nationale de contrôle des drogues au Kenya a déclaré que «à cause de la nature punitive de la loi de 1994, la plupart des fournisseurs ont craint de vendre des opioïdes.»[146]
L'ambigüité des réglementations, la mauvaise communication des régulateurs de drogues vers les professionnels de santé sur les règles de maniement des opioïdes, l'existence de sanctions sévères figurent parmi les raisons qui expliquent les craintes parmi les professionnels médicaux, et, dans certains pays, les poursuites réelles contre des professionnels de santé pour mauvais maniement involontaire des opioïdes. En Chine, par exemple, les réglementations qui ont été adoptées en 2005 -et qui ont grandement amélioré l'accessibilité des opioïdes- stipulent que les professionnels de santé peuvent prescrire des opioïdes en cas de «besoin raisonnable» mais elles ne définissent pas clairement ce qui est raisonnable.[147] Dans l'enquête menée en 1995 par l'OICS, certains pays ont indiqué que le non respect des lois et réglementations régissant la prescription d'opiacés pouvait entraîner une peine de 22 ans de prison. Près de cinquante pour cent des pays participants ont fait état de sentences obligatoires minimales, certaines allant jusqu'à 10 ans de prison.[148] Dans certains cas, il s'agit de sentences pour des erreurs involontaires commises dans le maniement des opioïdes, et non de vente de drogues.
Aux Etats-Unis, de nombreux médecins ont indiqué craindre des poursuites ou des sanctions injustifiées pour la prescription d'opioïdes pour soulager la douleur et, en conséquence ils ont tendance à éviter d'en prescrire.[149] Tandis qu'une enquête récente sur les affaires criminelles et administratives entre 1998 et 2006 révélait que leur nombre était passé de 17 en 1998 à 147 en 2006, l'étude a aussi conclu que «l'effet désastreux et largement diffusé des poursuites de médecins sur les professionnels de santé préoccupés par les enquêtes légales sur la prescription d'opioïdes semble disproportionné par rapport aux cas relativement peu nombreux ayant entraîné des condamnations et des actions régulatrices.»[150] Les auteurs suggèrent que:
[I]l semble probable que les médecins réagissent à des déclarations de politique publique effrayantes ou contradictoires. De la même façon, ils sont sensibles à des enquêtes dont ils ont fait l'expérience ou dont ils ont eu connaissance et qui ont été finalement écartées, mais qui ont déstabilisé une pratique médicale et ont entraîné de la peur et peut-être de la panique. Aussi, l'effet désastreux peut être, en partie, lié à des problèmes de relations et de communications publiques de la part des régulateurs ainsi qu'à la façon dont les forces d'application de la loi gèrent l'ensemble des enquêtes, et pas seulement celles qui mènent à des condamnations ou des sanctions. Ainsi, ces données peuvent être extrapolées pour suggérer que les régulateurs et les forces d'application de la loi peuvent faire mieux quant à la façon dont ils conçoivent leurs messages publics aux médecins et dont ils gèrent leurs enquêtes courantes sur les pratiques médicales. Ces phénomènes méritent d'être mieux étudiés.[151]
Malheureusement, le message public du Service de lutte contre la drogue des Etats-Unis («Drug Enforcement Administration», ou DEA), aux médecins qui prescrivent des opioïdes a été ambigu. Après avoir initialement soutenu une série de Questions fréquemment posées (FAQ) pour les médecins sur l'utilisation des médicaments pour la gestion de la douleur élaborées par un panel de cliniciens et de régulateurs, y compris des fonctionnaires de la DEA, elle a soudainement retiré les FAQ de son site Web en août 2004, créant la confusion sur les pratiques de prescription acceptables.[152] Les FAQ n'ont pas été de nouveau postées depuis.
Si les pays ont un droit -et une obligation au regard des conventions relatives aux drogues- d'entreprendre des poursuites judiciaires contre des professionnels de santé qui dispensent des opioïdes à des fins non médicales, criminaliser des erreurs involontaires dans la prescription d'opioïdes n'est pas conforme au droit à la santé. De plus, les pays doivent garantir que les réglementations ne sont pas ambigües et que des informations complètes à leur sujet sont faciles à se procurer pour les fournisseurs de soins de santé.
Le coût
Le coût est un obstacle fréquemment cité à l'amélioration de l'accès aux services de traitement de la douleur et de soins palliatifs, en particulier pour les pays à faible et moyen revenu. Au regard du droit à la santé, les gouvernements n'ont pas l'obligation de proposer gratuitement des médicaments tels que la morphine orale. Toutefois, ils doivent s'efforcer de garantir qu'ils sont «abordables pour tous». Dans certains pays et pour certaines sections de populations de pays, cela signifie qu'ils doivent être fournis pour un coût nul ou infime. En tous cas, les gouvernements doivent faire tous les efforts raisonnables pour garantir que les médicaments sont disponibles à un prix raisonnable qui soit abordable pour les patients.
La morphine de base par voie orale devrait être très peu coûteuse. Cipla en Inde fabrique des comprimés de morphine de 10 mg qui se vendent à 0,017 USD chacun.[153]Kathleen M. Foley et autres estiment que la morphine générique ne devrait pas coûter plus de 0,01 USD par milligramme.[154] Une quantité moyenne mensuelle de morphine devrait coûter de 9 à 22,5 USD par mois et par patient.[155]
En réalité cependant, la morphine est souvent beaucoup plus onéreuse. Une étude réalisée par De Lima et autres a constaté que le coût moyen de vente au détail d'une quantité mensuelle de morphine en 2003 allait de 10 USD en Inde à 254 USD en Argentine. L'étude a montré que le coût moyen d'une quantité mensuelle de morphine était plus du double dans les pays à faible et moyen revenu (112 USD) que dans les pays industrialisés (53 USD).[156] L'étude a suggéré que plusieurs facteurs pouvaient expliquer cet écart : le fait que la plupart des pays industrialisés subventionnaient les médicaments contrairement aux pays à faible et moyen revenu ; que plusieurs gouvernements industrialisés régulaient le prix des opioïdes ; les taxes, licences et autres coûts liés à l'importation du produit fini ; les frais généraux importants de la production locale ; les systèmes de distribution peu développés ; une faible demande; et les exigences de réglementations qui augmentent les coûts.[157]
Un rapport de 2007 de l'Alliance mondiale des soins palliatifs a aussi constaté que la promotion de formes non génériques -et coûteuses- d'analgésiques opioïdes avait rendu les médicaments pour le traitement de la douleur inabordables dans certaines régions. Il a affirmé que «quand des formulations coûteuses d'opioïdes apparaissent sur le marché, la morphine peu coûteuse à libération immédiate devient souvent introuvable» car les compagnies pharmaceutiques retiraient la morphine de base par voie orale du marché. Il a cité l'Inde comme exemple de pays où dans certains endroits les hôpitaux disposent de morphine à libération prolongée coûteuse ou de fentanyl transdermique (patch) mais pas de morphine à libération immédiate, alors même que les obstacles de réglementations sont les mêmes pour les deux produits.[158]
Les gouvernements ont une obligation d'explorer les moyens de garantir que la morphine de base est disponible à faible coût pour les personnes qui nécessitent un traitement de la douleur. Un certain nombre de pays ont recherché avec succès des façons de créer les capacités pour une production locale de morphine orale de base, sous forme liquide ou de comprimé, à un faible coût. Par exemple, dans l'état du Kerala en Inde, une petite unité de fabrication a été mise en place dans un hôpital qui produit des comprimés de morphine à libération immédiate de faible coût à partir de morphine en poudre qui est achetée à une usine à Ghazipur.[159] En Ouganda, le ministère de la Santé a délégué à un organisme sans but lucratif l'approvisionnement et la fabrication d'une solution orale de morphine pouvant être distribuée aux hôpitaux, aux centres de soins et aux fournisseurs de soins palliatifs. Avant de choisir cette option, le ministère de la Santé avait approché des fabricants commerciaux mais ceux-ci n'étaient pas intéressés par produire la solution orale de morphine du fait de manque de rentabilité.[160] Au Vietnam, une nouvelle réglementation sur la prescription d'opioïdes permet au ministère de la Santé de mandater des compagnies pharmaceutiques publiques et paraétatiques pour produire des opioïdes oraux et injectables.[161]
Rompre le cycle vicieux du traitement insuffisant de la douleur
Des mesures globales pour s'attaquer simultanément à tous les obstacles sont nécessaires dans les pays où existe un cycle vicieux de traitement insuffisant de la douleur. Les gouvernements ont la responsabilité de diriger ce processus. Ils doivent élaborer des plans pour la mise en œuvre de services de soins palliatifs et de traitement de la douleur, adopter les politiques pertinentes, introduire la formation destinée aux professionnels de santé, et garantir une disponibilité suffisante de la morphine et autres médicaments opioïdes. L'OMS, l'OICS et la communauté des bailleurs de fonds doivent les soutenir dans ces efforts.
Un certain nombre de pays ont entamé ces efforts, avec un certain succès. L'Ouganda et le Vietnam, avec le soutien de la communauté internationale, ont accompli des progrès importants dans l'amélioration des services de traitement de la douleur et de soins palliatifs à la population.[162] Mais tous deux ont encore un long chemin à parcourir. La consommation de morphine dans les deux pays demeure faible, certains obstacles de réglementations demeurent, et un grand nombre de personnes souffrant de douleurs modérées à sévères n'ont toujours pas accès à un traitement suffisant. Mais les avancées réalisées par ces pays posent les fondations pour le remplacement du cycle vicieux de traitement insuffisant de la douleur par un cycle positif, dans lequel des réglementations plus simples de contrôle des drogues et de meilleures connaissances parmi les fournisseurs de soins de santé mènent à une plus forte demande de la morphine, renforçant l'importance de la gestion de la douleur et des soins palliatifs et conduisant à une meilleure prise de conscience parmi les professionnels de santé et le public.
L'Ouganda
L'Ouganda, pays d'Afrique de l'Est de 31 millions d'habitants environ, a fait des progrès considérables pour renverser les obstacles qui ont traditionnellement entravé l'accès des personnes aux médicaments antidouleur. En 1998, les autorités gouvernementales ougandaises, les représentants d'organisations non gouvernementales et l'OMS se sont assis à la table d'une conférence intitulée «Soulager la douleur cancéreuse et du SIDA» («Freedom from Cancer and AIDS Pain») pour débattre des façons dont le traitement de la douleur pourrait être rendu disponible à la population. Lors de cette rencontre, les
participants ont convenu d'adopter une série de mesures simultanées pour s'attaquer aux principaux obstacles :
- Le ministère de la Santé et l'OMS devaient élaborer une politique nationale de soins palliatifs, et des politiques pour le traitement de la douleur cancéreuse et du SIDA.
- Bien que Hospice Africa Ouganda ait enseigné depuis 1993 la médecine palliative dans les écoles de médecine, d'infirmières et de pharmacie, ainsi qu'aux professionnels de santé diplômés en exercice, le gouvernement a organisé des réunions qui ont abouti à l'approbation d'une formation à plein temps d'une durée de 9 mois à Hospice Africa Uganda, pour augmenter le nombre des prescripteurs.
- L'autorité de contrôle des drogues devait développer de nouvelles réglementations en matière de drogues, mettre à jour la liste des médicaments essentiels, mener des évaluations sur les besoins médicaux de morphine, et demander une autorisation nationale plus importante à l'OICS.
En outre, un engagement a été pris de garantir la coordination des activités de soins palliatifs pour le SIDA et le cancer, de mettre sur pied des cliniques pluridisciplinaires pour les patients atteints de cancer, de développer la prise de conscience à propos des soins palliatifs au sein de la population, et d'identifier un projet de démonstration dans le district ougandais de Hoima où Little Hospice Hoima, annexe de Hospice Africa Uganda, était déjà active.[163]
Dans son Plan quinquennal stratégique de santé pour 2000-2005, le gouvernement a déclaré que les soins palliatifs constituaient un service clinique essentiel pour tous les Ougandais, devenant la première nation en Afrique à agir ainsi. Il a aussi ajouté la morphine sous forme liquide à sa liste de médicaments essentiels, adopté de nouvelles Directives pour le maniement des médicaments de Classe A pour les professionnels de santé -également une première en Afrique- et, en 2003, il a autorisé la prescription de morphine par des infirmières ayant reçu une formation en soins palliatifs.
Au début 2009, 79 infirmières et membres de cliniques avaient reçu une formation sur la gestion de la douleur et avaient été autorisés à prescrire de la morphine orale ; plusieurs milliers de professionnels de santé avaient participé à une formation courte sur la gestion de la douleur et des symptômes ; et 34 des 56 districts de l'Ouganda disposaient de morphine orale et l'utilisaient. En dépit de ces progrès impressionnants, de nombreux défis demeurent, entre autres la garantie de la disponibilité de la morphine orale dans tout l'Ouganda ; le maintien d'un coût abordable ; la lutte contre les ruptures de stocks ; et la formation de tous les professionnels de santé concernés.[164]
Le Vietnam
Depuis 2005, le Vietnam, pays de 84 millions d'habitants, a fait des progrès considérables pour élargir l'accès aux services de soins palliatifs et de traitement de la douleur. Ces progrès ont commencé par la création d'un groupe de travail sur les soins palliatifs. Ce groupe de travail, qui comprenait des fonctionnaires du ministère de la Santé, des spécialistes du cancer et des maladies infectieuses, et des experts d'ONG soutenues par le Plan d'urgence de lutte contre le sida du président des Etats-Unis, a décidé de réaliser une analyse rapide de situation pour évaluer la disponibilité et les besoins des soins palliatifs au Vietnam, et de développer ensuite un programme national de soins palliatifs basés sur ses conclusions.
L'analyse rapide de situation a abouti à plusieurs constats, entre autres que :
·La douleur chronique sévère était courante chez les patients atteints de cancer et de VIH/SIDA ;
·La disponibilité d'analgésiques opioïdes et d'autres médicaments clés était gravement limitée ;
·Les services de soins palliatifs n'étaient pas vraiment disponibles à la population ; et
·Les médecins manquaient de formation adéquate.[165]
Sur la base de ces résultats, le groupe de travail a recommandé que des directives nationales sur les soins palliatifs soient élaborées, qu'une politique nationale équilibrée de contrôle des opioïdes soit mise en place, que la formation pour les professionnels de santé soit élargie, et que la disponibilité et la qualité des services de soins palliatifs soient améliorées à tous les niveaux.
En septembre 2006, le ministère de la Santé a publié des Directives détaillées sur les Soins palliatifs pour les patients atteints du cancer et du SIDA, qui a fourni des conseils aux praticiens sur les soins palliatifs et la gestion de la douleur. En février 2008, il a publié de nouvelles directives sur la prescription des opioïdes qui ont assoupli un certain nombre d'obstacles de réglementations clés. Par exemple, la dose journalière maximum a été abolie ; les prescriptions peuvent maintenant être établies pour 30 jours au lieu de 7 ;[166] et les hôpitaux de district et les postes de soins communaux sont maintenant autorisés à prescrire et à délivrer. Le ministère a aussi approuvé un ensemble de formations destinées aux médecins en exercice et deux écoles de médecine offrent maintenant un enseignement sur les soins palliatifs aux étudiants qui préparent leur diplôme de médecins ou d'infirmières.
Néanmoins, de nombreux défis demeurent car quelques centaines seulement de professionnels de santé ont bénéficié de formation jusqu'ici, la compréhension des soins palliatifs parmi les fonctionnaires de santé reste très limitée, divers obstacles de réglementations persistent,[167] et peu de pharmacies et d'hôpitaux stockent de la morphine orale.
Recommandations
L'écart dans le traitement de la douleur est une crise internationale des droits humains qui doit être traitée de toute urgence, tant au niveau national qu'international. Par conséquent, Human Rights Watch formule les recommandations suivantes :
Aux gouvernements du monde entier
Recommandations générales
·Mettre en place, là où cela n'a pas encore été fait, un groupe de travail sur les soins palliatifs et la gestion de la douleur. Ce groupe de travail devrait comprendre tous les acteurs concernés, à savoir les autorités sanitaires, les responsables du contrôle des drogues, les fournisseurs de soins de santé, les fournisseurs non gouvernementaux de soins palliatifs et les universitaires, et élaborer un plan d'action concret pour la mise en place de services du traitement de la douleur et de soins palliatifs.
·Evaluer la disponibilité et les besoins des services de gestion de la douleur et de soins palliatifs.
·Elaborer un plan d'action global qui s'attaque aux diverses barrières empêchant l'accessibilité aux services de gestion de la douleur et de soins palliatifs, notamment la politique gouvernementale, l'éducation et la disponibilité de médicaments.
·Inviter le Programme d'accès aux médicaments sous contrôle de l'OMS à les aider dans l'application des recommandations ci-dessus.
·Des commissions nationales des droits humains ou des bureaux d'ombudsman devraient, là où c'est possible, enquêter sur les obstacles à la disponibilité de services de gestion de la douleur et de soins palliatifs, et demander que leurs gouvernements prennent des mesures urgentes pour y répondre.
Garantir un système d'approvisionnement efficace
·Soumettre sans tarder à l'OICS des estimations réalistes des besoins en médicaments contrôlés.
·Garantir un système efficace de distribution pour les médicaments contrôlés. Si les réglementations en matière d'acquisition, de transport et de stockage devraient être capables d'empêcher les abus potentiels, elles ne devraient pas compliquer arbitrairement ces processus.
·Les pays doivent garantir que dans chaque région au moins un minimum de pharmacies et d'hôpitaux stockent de la morphine.
Elaborer et appliquer des politiques de gestion de la douleur et de soins palliatifs
·Reconnaître l'obligation de chaque gouvernement, au regard des droits humains, de fournir des programmes efficaces et suffisants de soins palliatifs.
·Elaborer des politiques officielles sur la gestion de la douleur et les soins palliatifs, notamment dans le cadre des programmes de contrôle du cancer et du VIH/SIDA.
·Elaborer des directives pratiques sur la gestion de la douleur et les soins palliatifs pour les professionnels de santé.
·Inclure la morphine par voie orale et autres médicaments essentiels au traitement de la douleur dans les listes nationales de médicaments essentiels.
·Garantir que les réglementations et les lois portant sur le contrôle des drogues reconnaissent la nature indispensable des opioïdes et autres médicaments contrôlés pour soulager la douleur et la souffrance, ainsi que l'obligation de garantir que leur accès est suffisant.
Garantir la formation des professionnels de santé
·Garantir une formation suffisante des professionnels de santé, notamment les docteurs, les personnels infirmiers et les pharmaciens, tant au niveau des étudiants que des diplômés.
· Une formation devrait aussi être proposée aux professionnels en exercice dans le cadre de la formation continue en médecine.
Modifier les réglementations sur les drogues
·Examiner les réglementations en matière de contrôle des drogues pour évaluer si elles entravent inutilement l'accès aux médicaments antidouleur. Les fournisseurs de soins de santé devraient participer à la réalisation de cet examen.
·S'il s'avère que les réglementations entravent l'accès aux médicaments antidouleur, elles devraient être modifiées. Les recommandations de l'OMS et des fournisseurs de soins de santé devraient déterminer le fondement des réglementations révisées du contrôle des drogues.
·Exiger des licences spéciales pour que les fournisseurs ou les institutions de soins de santé manipulent la morphine devrait être évité autant que possible. Dans d'autres cas, des procédures simples et transparentes devraient être établies pour obtenir de telles licences.
·Les procédures spéciales de prescription pour les médicaments contrôlés devraient être évitées autant que possible. Là où elles sont cependant en place, elles devraient être le moins laborieuses possible.
·Les limitations sur la quantité de morphine pouvant être prescrite par jour devraient être abolies.
·Les limitations inutiles sur la quantité de morphine qui peut être prescrite ou délivrée en une seule fois devraient être abolies.
Garantir un coût abordable pour les médicaments
·Les pays devraient faire en sorte de garantir un coût abordable de la morphine et autres analgésiques opiacés.
Aux décideurs mondiaux en matière de politique relative aux drogues
·Rétablir l'équilibre entre l'accessibilité des médicaments contrôlés et la prévention de leur utilisation abusive, comme stipulé par les conventions de l'ONU sur le contrôle des drogues, dans les débats mondiaux sur les politiques en matière de drogues. L'accès aux médicaments contrôlés devrait être un élément central et récurant à l'ordre du jour de la Commission des stupéfiants et dans d'autres réunions portant sur la politique mondiale en matière de drogues.
·Lors de la Session spéciale de l'Assemblée générale de l'ONU sur les drogues en mars 2009, les pays devrait accorder la priorité à l'amélioration de la disponibilité des médicaments servant au traitement de la douleur, et des médicaments contrôlés en général. Ils devraient établir des objectifs ambitieux et mesurables pour améliorer de façon significative l'accès à ces médicaments au niveau mondial dans les dix années à venir.
·Après mars 2009, les agences internationales concernées, telles que la Commission des stupéfiants et l'OICS, devraient examiner régulièrement les progrès réalisés par les pays vers une disponibilité suffisante des médicaments utilisés dans le traitement de la douleur, en analysant attentivement les mesures prises pour faire avancer cette question importante.
·L'OICS devrait accroître significativement ses efforts pour encourager et assister les Etats dans l'amélioration de la disponibilité des analgésiques opiacés.
·L'ONUDC devrait amender les réglementations et lois modèles qu'elle a élaborées afin d'inclure la reconnaissance de la nature indispensable des stupéfiants et des substances psychotropes à des fins médicales et scientifiques, ainsi que l'obligation pour les Etats de garantir leur disponibilité.
A l'OMS, l'ONUSIDA et la communauté des bailleurs de fonds
·L'OMS devrait continuer à traiter l'accès aux médicaments contrôlés avec urgence par le biais de son Programme d'accès aux médicaments sous contrôle.
·Les agences et les pays bailleurs de fonds, notamment le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose et le Plan d'urgence de lutte contre le sida du président des Etats-Unis («U.S. President's Emergency Plan for AIDS Relief»), devraient encourager activement les pays à adopter des mesures globales pour améliorer l'accès aux médicaments antidouleur et soutenir ceux qui le font, notamment par le biais de leur appui au Programme d'accès aux médicaments sous contrôle de l'OMS.
·L'ONUSIDA devrait travailler avec les gouvernements pour identifier et supprimer les obstacles à la disponibilité et à l'accessibilité des services de gestion de la douleur et de soins palliatifs.
A la communauté mondiale des droits humains
·Les organismes régionaux et de l'ONU chargés des droits humains devraient régulièrement rappeler aux pays leur obligation au regard du droit en matière de droits humains de garantir une disponibilité suffisante des médicaments antidouleur.
·Les groupes de défense des droits humains devraient inclure l'accès au traitement de la douleur et aux soins palliatifs dans leur travail, notamment en soumettant des rapports de suivi aux organismes des traités de l'Onu, apportant des informations aux Rapporteurs spéciaux de l'ONU sur le niveau de santé atteignable le plus élevé, ainsi que sur la torture, et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, et au Conseil des droits de l'homme.
Remerciements
Ce rapport est basé sur les recherches de Diederik Lohman, chercheur senior à la division Santé et droits humains de Human Rights Watch, qui en a également assuré la rédaction. Il a été édité par Joseph Amon, directeur de la division Santé et droits humains, et révisé par Rebecca Schleifer, militante à la division Santé et droits humains ; Clive Baldwin, conseiller juridique senior à Human Rights Watch ; et Iain Levine, directeur de programme à Human Rights Watch. Les sections appropriées ont été revues par Maria Burnett, chercheuse à la division Afrique ; Sara Colm, chercheuse senior à la division Asie et David Fathi, directeur du programme Etats-Unis à Human Rights Watch. Seth Davis, Olena Baev et Emily Dauria, stagiaires à la division Santé et droits humains, ont apporté une aide précieuse aux recherches. L'aide à la production a été assurée par Mignon Lamia, Grace Choi, Anna Lopriore et Fitzroy Hepkins.Ce rapport a été traduit par Danielle Serres et Peter Huvos en a assuré la relecture. Human Rights Watch exprime sa gratitude aux nombreux experts en traitement de la douleur et soins palliatifs qui nous ont aidés dans la préparation de ce rapport.
[1] Entretien de Human Rights Watch, Kerala, Inde, 20 mars 2008. Le nom du patient n'est pas mentionné de façon à protéger sa vie privée.
[2] L'annonce est parue dans le journal El Pais à Cali, Colombie, le 12 septembre 2008.
[3] Entretien de Human Rights Watch avec le Dr. Weru de l'Hospice de Nairobi, Nairobi, Kenya, juin 2007.
[4] Organe international de contrôle des stupéfiants, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 2008», Nations Unies, 2009.
[5] La douleur est aussi un symptôme dans diverses maladies et conditions chroniques et une douleur intense est souvent un effet secondaire des procédures médicales. Ce document, toutefois, est principalement centré sur la douleur chronique.
[6]M. van den Beuken-van Everdingen, et al., «Prevalence of pain in patients with cancer: a systematic review of the past 40 years», Annals of Oncology, vol. 18, no.9, 12 mars 2007, pp. 1437-1449.
[7]C. S. Cleeland, et al.,»Multidimensional Measurement of Cancer Pain: Comparisons of U.S. and Vietnamese Patients», Journal of Pain and Symptom Management , vol. 3, 1988, pp. 1, 23 - 27; C. S. Cleeland, et al., «Dimensions of the Impact of Cancer Pain in a Four Country Sample: New Information from Multidimensional Scaling»,Pain vol. 67, 1996, pp. 2-3 267 - 73; R.L. Daut et C.S. Cleeland, «The prevalence and severity of pain in cancer», Cancer, vol. 50, 1982, pp. 1913-8; Foley, K. M., «Pain Syndromes in Patients with Cancer», in K. M. Foley, J. J. Bonica, et V. Ventafridda, ed., Advances in Pain Research and Therapy, (New York: Raven Press, 1979), pp.59-75.; Foley, K. M., «Pain Assessment and Cancer Pain Syndromes», in D. Doyle, G. Hank, et N. MacDonald, eds., Oxford Textbook of Palliative Medicine, 2nd ed., (New York: Oxford University Press, 1999), pp. 310-31; Stjernsward, J., et D. Clark, «Palliative Medicine: A Global Perspective», in D. Doyle, G. W. C. Hanks, N. Cherny, et K. Calman, eds., Oxford Textbook of Palliative Medicine, 3rd ed., (New York: Oxford University Press, 2003), pp. 1199-222.
[8]Green, K., «Evaluating the delivery of HIV palliative care services in out-patient clinics in Viet Nam, upgrading document», London School of Hygiene and Tropical Medicine, 2008; Kathleen M. Foley, et al., «Pain Control for People with Cancer and AIDS», in Disease Control Priorities in Developing Countries, 2nd ed., (New York: Oxford University Press, 2003), pp. 981-994; Larue, François, et al., «Underestimation and under-treatment of pain in HIV disease: a multicentre study»,British Medical Journal, vol.314, 1997, p.23, http://www.bmj.com/cgi/content/full/314/7073/23 (Consulté en avril 2007); Schofferman, J., et R. Brody, «Pain in Far Advanced AIDS», in K. M. Foley, J. J. Bonica, et V. Ventafridda, eds., Advances in Pain Research and Therapy, (New York: Raven Press, 1990), pp. 379-86; E. J. Singer, C. Zorilla, B. Fahy-Chandon, S. Chi, K.Syndulko et W. W. Tourtellotte, «Painful Symptoms Reported by Ambulatory HIV-Infected Men in a Longitudinal Study»,Pain , vol. 54, 1993, pp. 1 15 – 19.
[9]Selwyn, P. et Forstein, M., «Overcoming the false dichotomy of curative vs. palliative care for late-stage HIV/AIDS», JAMA vol. 290, 2003, pp. 806-814.
[10] Green, K. , «Evaluating the delivery of HIV palliative care services in out-patient clinics in Viet Nam, upgrading document», London School of Hygiene and Tropical Medicine, 2008.
[11] Parkin D.M., et al., «Global cancer statistics, 2002», CA: A Cancer Journal for Clinicians, vol.55, 2005, pp. 74-108.
[12] Organisation mondiale de la santé, «Programmes nationaux de lutte contre le cancer : Politiques et principes gestionnaires», deuxième édition 2002, pp. vii, xii.
[13] Ibid, p. xii
[14] Organisation mondiale de la santé, «Trouver l'équilibre dans les politiques nationales de contrôle des opioïdes : Directives pour l'évaluation», 2000, p. 1.
[15] ONUSIDA, «Report on the Global AIDS Epidemic», mai 2006, p. 8.
[16] Brennan F, Carr DB, Cousins MJ, «Pain management: A Fundamental Human Rights», Anesthesia & Analgesia, vol. 105, No. 1, Juillet 2007, pp. 205-221.
[17] Gureje O, Von Korff M, Simon GE, Gater R., «Persistent pain and well-being: a World Health Organization study in primary care», JAMA, vol. 80, 1998, pp. 147-51. Voir aussi : B. Rosenfeld, et al., «Pain in Ambulatory AIDS Patients. II: Impact of Pain on Psychological Functioning and Quality of Life»,Pain, vol. 68, 1996, pp. 2-3, 323 – 28.
[18] OMS, «Programmes nationaux de lutte contre le cancer : Politiques et principes gestionnaires», 2002, p. 83.
[19] R. L. Daut, C. S. Cleeland et R. C. Flanery, «Development of the Wisconsin Brief Pain Questionnaire to Assess Pain in Cancer and Other Diseases», Pain, vol. 17, 1983, pp. 2, 197 – 210.
[20] Entretiens de Human Rights Watch en mars et avril 2008 dans les Etats indiens du Kerala, de l'Andhra Pradesh, du Bengale occidental et du Rajasthan.
[21] OMS, «Trouver l'équilibre dans les politiques de contrôle des opioïdes», 2000, p. 1.
[22]O'Neill, J. F., P. A. Selwyn, et H. Schietinger, A Clinical Guide to Supportive and palliative care for HIV/AIDS, (Washington, DC: Health Resources and Services Administration, 2003).
[23] OMS, «Trouver l'équilibre dans les politiques nationales de contrôle des opioïdes».
[24] Kathleen M. Foley, et al., «Pain Control for People with Cancer and AIDS».
[25] Ibid. Il s'agit d'une estimation pour des pays à faible et moyen revenu. La dose quotidienne moyenne dans les pays industrialisés tend à être plus élevée. Ceci est dû, entre autres, à la plus longue survie des patients et au développement chez les patients d'une accoutumance aux analgésiques opioïdes. Communication électronique avec Kathleen M. Foley, 23 janvier 2009.
[26] De Lima L, Sweeney C, Palmer J.L, Bruera E., «Potent Analgesics Are More Expensive for Patients in Developing Countries: A Comparative Study», Journal of Pain & palliative care Pharmacotherapy, vol. 18, no. 1, 2004, pp. 59-70.
[27] OMS, «Programmes nationaux de lutte contre le cancer : Politiques et principes gestionnaires», deuxième édition, 2002, p. xv, xvi.
[28] Ibid., pp. 86-7.
[29] Ibid.
[30] Cité dans OMS, Trouver l'équilibre dans les politiques nationales de contrôle des opioïdes, p. 3.
[31] S'il y a une acceptation croissante de la nécessité des services de soins palliatifs et de traitement de la douleur pour les patients atteints du cancer, l'accent mis sur la garantie du traitement antirétroviral pour les personnes vivant avec le VIH a détourné l'attention des besoins de soins palliatifs de ce groupe. Dans un rapport de mars 2007, le DFID notait que «la politique globale et nationale dominante relative à l'amélioration de l'accès au traitement, et aux progrès effectués dans l'expansion de l'accès aux ARV, a ajouté à la perception que les soins palliatifs ont moins de raisons d'être. Ceci va à l'encontre des témoignages cliniques de la nécessité des soins palliatifs en même temps que le traitement…. Non seulement les personnes traitées aux ARV ont souvent besoin de services de soins palliatifs, mais des millions de personnes continuent de mourir du SIDA et beaucoup d'entre elles pourraient bénéficier des services de soins palliatifs et de traitement de la douleur.» Centre de ressources de santé du DFiD, «Review of global policy architecture and country level practrice on HIV/AIDS and palliative care», Mars 2007, p. 16.
[32] Préambule de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, http://www.incb.org/incb/convention_1961.html (consulté le 15 janvier 2009).
[33] OICS, «Disponibilité des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995», http://www.incb.org/pdf/e/ar/1995/suppl1en.pdf (consulté le 15 janvier 2009), p.1.
[34] OMS, «Programmes nationaux de lutte contre le cancer : Politiques et principes gestionnaires», 2002, pp. 86-7.
[35] Une copie du rapport est archivée par Human Rights Watch. Le rapport ne figure pas sur le site Web de l'OICS.
[36] OICS, «Disponibilité des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995», p. 1.
[37]OMS, Soulagement de la douleur cancéreuse, (Genève : Organisation mondiale de la santé, 1987); OMS, Soulagement de la douleur cancéreuse, Deuxième édition, accompagnée d'un guide de disponibilité des opioïdes, ( Genève : Organisation mondiale de la santé, 1996).
[38] OICS, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1999, Soulager la douleur et la souffrance».
[39]OMS, Ttrouver l'équilibre dans les politiques nationales de contrôle des opioïdes : Directives pour l'évaluation, (Genève: OMS, 2000) WHO/EDM/QSM/2000.4, http://www.painpolicy.wisc.edu/publicat/00whoabi/00whoabi.pdf (consulté le 15 janvier 2009).
[40] Rapport conjoint de l'OMS et de l'OICS, «Assistance Mechanism to Facilitate Adequate Treatment of Pain with Opioid Analgesics», 2 mars 2007, http://www.who.int/medicines/areas/quality_safety/Joint_Report-WHO-INCB.pdf (consulté le 12 janvier 2009).
[41]Conseil économique et social des Nations Unies, Résolution 2005/25: Traitement de la douleur par des analgésiques opioïdes. (New York: Assemblée générale de l'ONU, ECOSOC) 2005, http://www.un.org/docs/ecosoc/documents/2005/resolutions/Resolution%202005-25.pdf (consulté le 12 janvier 2009). Voir aussi, entre autres, résolutions 1990/31 et 1991/43 de l'ECOSOC ; et Assemblée mondiale de la Santé, Résolution 58.22 sur le contrôle et la prévention du cancer (Neuvième réunion plénière, 25 mai 2005 – Comité B, troisième rapport), http://www.who.int/gb/ebwha/pdf_files/WHA58/WHA58_22-en.pdf (consulté le 12 janvier 2009).
[42] OMS, Trouver l'équilibre dans les politiques de contrôle des opioïdes, p.1.
[43] Document de travail de l'Organisation mondiale de la santé, «Programme d'accès aux médicaments contrôlés», septembre 2008. Archivé par Human Rights Watch.
[44]OICS, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 2007», E/INCB/2007/1, 2008, p. 19.
[45] Organe international de contrôle des stupéfiants, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 2004», Nations Unies, 2005.
[46]OMS, Programmes nationaux de lutte contre le cancer : Politiques et principes gestionnaires, 2002, p. 17.
[47]Insitut national de l'allergie et des maladies infectieuses, NIH, DHHS, «HIV Infection in Infants and Children», juillet 2004, http://www.niaid.nih.gov/factsheets/hivchildren.htm (consulté le 22 janvier 2009); Fauci AS. «AIDS epidemic: Considerations for the 21st century»,.New England Journal of Medicine , vol. 341, no. 1414, 1999, pp. 1046-1050.
[48] OICS, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 2004», Nations Unies, E/INCB/2004/1, 2005; OICS, «Use of essential narcotic drugs to treat pain is inadequate, especially in developing countries», communiqué de presse, 3 mars 2004.
[49] Correspondance électronique avec Anne Merriman, 24 janvier 2009.
[50] Foley, Kathleen M., «Ideas for an Open Society», Gestion de la douleur, vol. 3, no. 4, 2002, http://www.soros.org/resources/articles_publications/publications/ideas_painmanagement_20021001/ideas_pain_management.pdf (consulté le 15 janvier 2009), p. 3.
[51] Ibid., p. 4.
[52] Larue, François et al., «Underestimation and under-treatment of pain in HIV disease: a multicentre study», British Medical Journal, vol. 314, no.23, 1997, http://www.bmj.com/cgi/content/full/314/7073/23 (Consulté en avril 2007).
[53] Association internationale pour l'étude de la douleur, «Pain in AIDS: A Call for Action», Pain , vol. 4, no. 1, mars 1996.
[54] Breitbart W, et al., «The undertreatment of pain in ambulatory AIDS patients», Pain , vol. 65, 1996, pp. 243-9.
[55] Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), G.A. res. 2200A (XXI), 21 U.N.GAOR Supp. (No. 16) at 49, U.N. Doc. A/6316 (1966), 993 U.N.T.S. 3, entré en vigueur le 3 janvier 1976, art. 11; aussi dans la Convention sur les droits de l'enfant, G.A. res. 44/25, annexe, 44 U.N. GAOR Supp. (No. 49) at 167, U.N. Doc. A/44/49 (1989), entrée en vigueur le 2 septembre 1990, art. 24.
[56] Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU, «Substantive Issues Arising in the Implementation of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights», Observation générale No. 14, Le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint, E/C.12/2000/4 (2000),http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/40d009901358b0e2c1256915005090be?Opendocument (consulté le 11 mai 2006), para. 43. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels est l'organe de l'ONU chargé de surveiller l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
[57] La 15ème édition de la Liste des médicaments essentiels de l'OMS, approuvée en 2007, http://www.who.int/medicines/publications/08_ENGLISH_indexFINAL_EML15.pdf (consulté le 15 janvier 2009), incluse les analgésiques opioïdes suivants : Codéine en comprimé : 30 mg (phosphate) ; Morphine injectable : 10 mg (morphine hydrochloride ou morphine sulfate) en 1‐ml ampoule ; Liquide par voie orale : 10 mg (morphine hydrochloride ou morphine sulfate)/5 ml., en comprimé : 10 mg (morphine sulfate); en comprimé (à effet prolongé): 10 mg; 30 mg; 60 mg (morphine sulfate).
[58] PIDESC, Observation générale 14, para. 12.
[59] Ibid., para 12.
[60] Ibid., para. 12.
[61]OMS, «Programmes nationaux de lutte contre le cancer : Politiques et principes gestionnaires», 2002, p. 86.
[62] Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR), adopté le 16 décembre 1966, G.A. Res. 2200A (XXI), 21 U.N. GAOR Supp. (No. 16) at 52, U.N. Doc. A/6316 (1966), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976, art. 7 stipule que «Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants»; Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948, G.A. Res. 217A(III), U.N. Doc. A/810 at 71 (1948); Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture), adoptée le 10 décembre 1984, G.A. res. 39/46, annex, 39 U.N. GAOR Supp. (No. 51) at 197, U.N. Doc. A/39/51 (1984), entrée en vigueur le 26 juin 1987, l'article 16 stipule que «Tout Etat partie s'engage à interdire dans tout territoire sous sa juridiction d'autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle qu'elle est définie à l'article premier lorsque de tels actes sont commis par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.»; Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture, O.A.S. Treaty Series No. 67, entrée en vigueur le 28 février 1987; Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CEPT), signée le 26 novembre 1987, E.T.S. 126, entrée en vigueur le 1er février 1989; Charte africaine [Banjul] des droits de l'homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981, OUA Doc. CAB/LEG/67/3 rev. 5, 21 I.L.M. 58 (1982), entrée en vigueur le 21 octobre 1986.
[63] Voir par exemple le jugement de la Cour européenne des droits de l'homme dans Z c. United Kingdom (2001) 34 EHRR 97.
[64] Une copie de cette lettre peut être consultée en suivant le lien : http://www.ihra.net/Assets/1384/1/SpecialRapporteursLettertoCND012009.pdf (consulté le 16 janvier 2009).
[65] Voir par exemple, OICS, «Disponibilité des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995», p. 1, http://www.incb.org/pdf/e/ar/1995/suppl1en.pdf (consulté le 15 janvier 2009); OICS, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1999»; OICS, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 2007», http://www.incb.org/incb/en/annual-report-2007.html; OMS, «Trouver l'équilibre dans les politiques nationales de contrôle des opioïdes»; ECOSOC résolution 2005/25 sur le traitement de la douleur au moyen d'analgésiques opioïdes (36ème réunion plénière du 22 juillet 2005), http://www.un.org/docs/ecosoc/documents/2005/resolutions/Resolution%202005-25.pdf (consulté le 16 janvier 2009); Assemblée mondiale de la santé, Résolution WHA 58.22 sur la prévention et la lutte anticancéreuses (Neuvième réunion plénière du 25 mai 2005 – Comité B, troisième rapport), http://www.who.int/gb/ebwha/pdf_files/WHA58/WHA58_22-en.pdf (consulté en février 2009).
[66] OICS, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 2007», para. 97.
[67] OICS, «Disponibilité des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995»,p. 14.
[68] OMS, «Soulagement de la douleur cancéreuse, Deuxième édition, accompagnée d'un guide sur la disponibilité des opioïdes», 1996, p. 5.
[69] OICS, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1999, Soulager la douleur et la souffrance», p. 4.
[70] Harding R, et al., «Pain Relieving Drugs in 12 African PEPFAR Countries»,p. 31.
[71] Ibid.
[72] Les évaluations de pays pour 2009 peuvent être consultées sur le site Web de l'OICS: http://www.incb.org/pdf/e/estim/2009/Est09.pdf (consulté le 13 janvier 2009).
[73] Selon les conventions de l'ONU relatives aux drogues, les pays peuvent solliciter auprès de l'OICS des quotas supplémentaires si les quotas demandés s'avèrent insuffisants. Mais les pays qui ont des systèmes médiocres pour évaluer leurs besoins sont peu susceptibles de soumettre des demandes supplémentaires.
[74] Par exemple, l'Algérie, l'Iran, la Namibie et la Thaïlande ont soumis la même évaluation avec des chiffres ronds pour les quatre dernières années.
[75] Kathleen M. Foley, et al.,«Pain Control for People with Cancer and AIDS».
[76] En suivant le lien http://www.incb.org/incb/narcotic_drugs_estimates.html (consulté le 22 janvier 2009).
[77]http://www.who.int/whosis/en/ (recherche menée en février 2009).
[78] Pain & Policy Studies Group, «Increasing Patient Access to Pain Medicines around the World: A Framework to Improve National Policies that Govern Drug Distribution», University of Wisconsin Paul P. Carbone Comprehensive Cancer Center, 2008. http://www.painpolicy.wisc.edu/on-line_course/welcome.htm.
[79] OICS, «Disponibilité des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995», p. 8.
[80] Harding R, et al., «Pain Relieving Drugs in 12 African PEPFAR Countries»,pp. 21 et 27. Depuis la publication du rapport de l'APCA, l'Agence nationale pour l'administration et le contrôle des produits alimentaires et pharmaceutiques a élaboré et approuvé un plan pour décentraliser les pharmacies nationales, ce qui devrait aboutir à garantir la disponibilité de la morphine en dehors de Lagos.
[81] Correspondance électronique avec Anne Merriman de Hospice International Ouganda, docteur et défenseure éminente des soins palliatifs en Afrique, 24 janvier 2009.
[82]Correspondance électronique avec Liliana de Lima, Directrice exécutive de International Hospice and Palliative Care Association, 11 février 2009.
[83] Correspondance électronique avec Kimberly Green de Family Health International Vietnam, 25 janvier 2009.
[84] Dans de nombreux états en Inde, les institutions de soins de santé et les fabriquants de morphine doivent obtenir cinq licences de plusieurs bureaux gouvernementaux différents, tant dans l'état importateur que dans l'état exportateur, avant de pouvoir se procurer la morphine, processus qui peut prendre plusieurs mois.
[85] Entretien de Human Rights Watch avec Liliana de Lima, 16 janvier 2009.
[86] Harding R, et al., «Pain Relieving Drugs in 12 African PEPFAR Countries», p. 26.
[87] CESCR, Observation générale 14, para. 43 (f).
[88] OMS, Soulagement de la douleur cancéreuse, Deuxième édition, accompagnée d'un guide sur la disponibilité des opioïdes, 1996, p.2.
[89] OMS, Programmes nationaux contre le cancer : Politiques et principes gestionnaires, 2002, p. 86
[90]Stjernsward, J., et D. Clark, «Palliative Medicine: A Global Perspective»,2003, p. 12.
[91] Ibid., p. 11; Downing J, Kawuma E., «The impact of a modular HIV/AIDS palliative care education programme in rural Uganda», Int J Palliat Nurs, vol.14, no. 11, 2008, pp.560-8.
[92] Centre de ressources de santé du DFID, «Review of global policy architecture and country level practrice on HIV/AIDS and palliative care» Mars 2007, p. 15.
[93] Harding R, et al., «Pain Relieving Drugs in 12 African PEPFAR Countries», pp. 19, 21.
[94] Il s'agit du Kenya, de la Tanzanie, de l'Ouganda, de l'Ethiopie, du Nigeria, du Cameroun, du Zimbabwe, de l'Afrique du Sud, du Botswana, de la Namibie, du Lesotho, du Swaziland, du Malawi et de la Zambie. Correspondance électronique avec Anne Merriman.
[95] OICS, «Disponibilité des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995», p. 5.
[96]Voir le Modèle de loi relatif à la classification des stupéfiants, substances psychotropes et précurseurs et à la réglementation de la culture, de la production, de la fabrication et du commerce licites des drogues ; le Modèle de loi établissant une commision interministérielle pour la coordination du contrôle des drogues ; et le Modèle de loi relatif à l'usage illicite des drogues, http://www.unodc.org/unodc/en/legal-tools/Model.html (consulté le 24 janvier 2009); une analyse détaillée des clauses portant sur les médicaments contrôlés dans les modèles de lois et de réglementations peut être consultée dans un rapport de janvier 2009 du Pain & Policy Studies Group, intitulé «Do International Model Drug Control Laws Provide for Drug Availability?» http://www.painpolicy.wisc.edu/internat/model_law_eval.pdf (consulté le 6 février 2009).
[97] Une copie du projet de loi est archivé par Human Rights Watch.
[98] Brennan F, Carr DB, Cousins MJ, Pain management : A Fundamental Human Right, p. 217.
[99] 72 pour cent des gouvernements participant à l'enquête ont cité des préoccupations relatives à la dépendance aux opiacés. OICS, «Disponibilité des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995», p. 5.
[100] Brennan F, Carr DB, Cousins MJ, Pain management : A Fundamental Human Right, pp. 208, 209.
[101] OMS, «Trouver l'équilibre dans les politiques nationales de contrôle des opioïdes», pp. 8, 9.
[102] Ibid., p. 1.
[103] Brennan F, Carr DB, Cousins MJ, Pain management: A Fundamental Human Right, p. 208.
[104] Ibid.
[105] Vanessa Adams, «Access to pain relief – an essential human right», p. 28.
[106] Harding R, et al., «Pain Relieving Drugs in 12 African PEPFAR Countries»,pp.23-25.
[107] Pargeon K.L. et Haily B.J., «Barriers to Effective Cancer Pain Management: A Review of the Literature», Journal of Pain and Symptom Management, vol. 18, no. 5, Novembre 1999, p. 361.
[108]Convention unique sur les stupéfiants de1961, Article 30(2bii).
[109] OMS, Soulagement de la douleur cancéreuse, Deuxième édition, accompagnée d'un guide sur la disponibilité des opioïdes, 1996, p. 9.
[110] Ibid., p. 10.
[111] OMS, «Trouver l'équilibre dans les politiques nationales de contrôle des opioïdes», p. 6.
[112]Scott Burris et Corey S. Davis, «A Blueprint for Reforming Access to Therapeutic Opioids: Entry Points for International Action to Remove the Policy Barriers to Care», (Centers for Law and the Public's Health: A Collaborative at the Johns Hopkins and Georgetown Universities, 2008), p.16.
[113] Voir par exemple OICS, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 2007», p. 19.
[114] OICS, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1990».
[115] Harding R, et al., «Pain Relieving Drugs in 12 African PEPFAR Countries»,p. 8.
[116] Ibid., p. 26.
[117] Vanessa Adams, «Access to pain relief – an essential human right», p. 21.
[118] Recherches de Human Rights Watch dans les états du Kerala, de l'Andhra Pradesh, du Bengale occidental et du Rajasthan en mars/avril 2008.
[119]Evan Anderson, Leo Beletsky, Scott Burris, Corey Davis et Thomas Kresina, eds., «Closing the Gap: Case Studies of Opioid Access Reform in China, India, Romania & Vietnam» (Centers for Law and the Public's Health: A Collaborative at the Johns Hopkins and Georgetown Universities, 2008).
[120] Vanessa Adams, «Access to pain relief – an essential human right», p. 1.
[121] Deuxième Conférence sur le SIDA en Europe orientale et en Asie centrale, 3-5 mai 2008, Moscou.
[122] Ibid., p. 22.
[123]Stjernsward, J., et D. Clark, «Palliative Medicine: A Global Perspective», p. 11; Downing J, Kawuma E., «The impact of a modular HIV/AIDS palliative care education programme in rural Uganda», Int J Palliat Nurs., vol. 14, no. 11, Nov. 2008, pp. 560-8.
[124] OICS, «Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 2004», Nations Unies, 2005, pp. 32, 33.
[125] OMS, Soulagement de la douleur cancéreuse, Deuxième édition, accompagnée d'un guide sur la disponibilité des opioïdes, 1996, p. 10.
[126] Ibid.
[127] Harding R, et al., «Pain Relieving Drugs in 12 African PEPFAR Countries»,p. 19.
[128] OICS, «Disponibilité des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995», p. 9.
[129] Le ministère de la Santé d'Ukraine, Order # 356, pp. 3-9.
[130]Harding R, et al., «Pain Relieving Drugs in 12 African PEPFAR Countries»,p. 20.
[131] En mars 2009, une nouvelle réglementation entrera en vigueur au Guatemala, abolissant ces exigences. Communication personnelle avec le Dr. Eva Duarte, 23 janvier 2009.
[132]Scott Burris et Corey S. Davis, «A Blueprint for Reforming Access to Therapeutic Opioids: Entry Points for International Action to Remove the Policy Barriers to Care» (Centers for Law and the Public's Health: A Collaborative at the Johns Hopkins and Georgetown Universities, 2008), p.18.
[133] Ministère de la Santé du Vietnam, «Palliative care in Viet Nam: Findings of A Rapid Situation Analysis in Five Provinces», Juin 2006, p. 36.
[134] OMS, Soulagement de la douleur cancéreuse, Deuxième édition, complétée par un guide sur la disponibilité des opioïdes, 1996, p. 10.
[135] Ibid., pp. 10, 11.
[136] OICS, «Disponibiliré des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995», p. 9.
[137]Kathleen M. Foley, et al., «Pain Control for People with Cancer and AIDS», p. 988.
[138] Vanessa Adams, «Access to pain relief – an essential human right», p. 22.
[139] OICS, «Disponibilité des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995», p. 9.
[140] Vanessa Adams, «Access to pain relief – an essential human right», p. 22.
[141]Evan Anderson, Leo Beletsky, Scott Burris, Corey Davis et Thomas Kresina, eds., «Closing the Gap: Case Studies of Opioid Access Reform in China, India, Romania & Vietnam» (Centers for Law and the Public's Health: A Collaborative at the Johns Hopkins and Georgetown Universities, 2008), pp. 7, 30.
[142] Vanessa Adams, «Access to pain relief – an essential human right», p. 22.
[143] Ibid., p. 39.
[144] OICS, «Demande et offre des opiacés pour les besoins médicaux et scientifiques», Nations Unies, 1989, p. 15.
[145] OICS, «Disponibilité des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995," p. 5.
[146] Harding R, et al., «Pain Relieving Drugs in 12 African PEPFAR Countries»,p. 30.
[147]Evan Anderson, Leo Beletsky, Scott Burris, Corey Davis et Thomas Kresina, eds., «Closing the Gap: Case Studies of Opioid Access Reform in China, India, Romania & Vietnam» (Centers for Law and the Public's Health: A Collaborative at the Johns Hopkins and Georgetown Universities, 2008), pp. 7, 29.
[148] OICS, «Disponibilité des opiacés pour les besoins médicaux : Rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1995»,pp. 9, 10.
[149] Goldenbaum et al.,«Physicians Charged with Opioid Analgesic-Prescribing Offenses», Pain Medicine, vol. 9, no. 6, 2008.
[150] Ibid.
[151] Ibid.
[152] Brennan F, Carr DB, Cousins MJ, «Pain management : A Fundamental Human Right», p. 209.
[153]Scott Burris et Corey S. Davis, «A Blueprint for Reforming Access to Therapeutic Opioids: Entry Points for International Action to Remove the Policy Barriers to Care» (Centers for Law and the Public's Health: A Collaborative at the Johns Hopkins and Georgetown Universities, 2008), p.18.
[154] Kathleen M. Foley, et al., «Pain Control for People with Cancer and AIDS», p. 988.
[155] Ibid.
[156]De Lima L, Sweeney C, Palmer J.L, Bruera E., «Potent Analgesics Are More Expensive for Patients in Developing Countries:A Comparative Study», Journal of Pain & Palliative Care Pharmacotherapy, vol. 18, no. 1, 2004, p. 63.
[157] Ibid., p. 66
[158] Vanessa Adams, «Access to pain relief – an essential human right», p. 26.
[159] Joransen DE, Rajagopal MR, et Gilson AM, «Improving access to opioid analgesics for palliative care in India», Journal of Pain and Symptom Management, vol. 24, no. 2, 2002, pp.152-159.
[160] Vanessa Adams, «Access to pain relief – an essential human right», p. 37.
[161] Communication électronique avec Kimberly Green de Family Health International Vietnam, 25 janvier 2009.
[162] L'Ouganda et le Vietnam ne sont pas les seuls pays à avoir réalisé de tels progrès. Parmi d'autres pays figurent la Mongolie et la Roumanie.
[163] Stjernsward J., «Uganda: Initiating a Government Public Health Approach to Pain Relief and Palliative Care», Journal of Pain and Symptom Management, vol. 24, no. 2, août 2002.
[164] Correspondance électronique avec le Dr. Anne Merriman de Hospice Africa Uganda, Janvier 2009.
[165]Green K, Kinh LN, Khue LN., «Palliative care in Vietnam: Findings from a rapid situation analysis in five provinces» (Hanoï : ministère de la Santé du Vietnam, 2006).
[166] Si c'est une amélioration, les patients et leurs familles peuvent seulement obtenir des ordonnances pour dix jours à la fois, après quoi leur commune doit confirmer par écrit que le patient est toujours en vie.
[167] Par exemple, les patients doivent obtenir leur ordonnance sous vingt-quatre heures, faute de quoi elle n'est plus valable. Cette disposition est contraignante quelles que soient les circonstances mais en particulier du fait que peu de pharmacies et d'hôpitaux au Vietnam stockent de la morphine orale.