Transformer les discours en réalité

L’heure de réclamer des comptes pour les crimes internationaux graves perpétrés en Côte d’Ivoire

Résumé

Lors de son investiture le 21 mai 2011, le Président ivoirien Alassane Ouattara s’est trouvé face à d’importants défis, dont l’un était de gérer les conséquences du conflit armé, de courte durée mais dévastateur, qui avait éclaté après le scrutin présidentiel de 2010. À la suite du refus du Président sortant Laurent Gbagbo d’accepter les résultats électoraux certifiés par les Nations Unies (ONU), Ouattara a finalement cherché le soutien d’anciennes forces rebelles pour concrétiser sa victoire électorale. Ces forces contrôlaient la partie nord du pays depuis la fin du conflit de 2002-2003, lequel avait été marqué par de graves crimes internationaux perpétrés à la fois par les forces de sécurité de Gbagbo et les rebelles. Sous le gouvernement de Gbagbo, les auteurs de ces crimes n’avaient pas été poursuivis.

Après 2003, les responsables politiques et militaires des deux camps impliqués dans des atrocités ont conservé leurs postes en toute impunité. Lorsque les forces pro-Ouattara ont arrêté Gbagbo le 11 avril 2011, les forces armées des deux camps avaient, comme lors du conflit précédent, commis des violations flagrantes des droits humains et du droit international humanitaire. Au moins 3 000 personnes avaient été tuées et 150 femmes violées durant la crise, souvent dans le cadre d’actes ciblés perpétrés en fonction de critères politiques, ethniques et religieux. Depuis son investiture en mai 2011, le Président Ouattara a souligné à plusieurs reprises qu’il s’engageait à réclamer des comptes à tous les auteurs de crimes graves commis durant la crise, y compris au sein de ses propres forces. Pourtant à ce jour, alors que plus de 150 personnes appartenant au camp Gbagbo ont été inculpées de crimes perpétrés lors de la crise post-électorale, aucune poursuite n’a été engagée à l’encontre de membres des forces pro-Ouattara pour les atrocités commises tout au long des cinq mois de crise. Il reste à voir si le gouvernement du Président Ouattara finira par rompre avec la dangereuse culture de l’impunité dont continuent de jouir les individus proches du gouvernement au pouvoir.

En se fondant sur des entretiens réalisés à Abidjan en septembre 2012 et sur des entretiens de suivi, menés dans les deux cas avec des responsables gouvernementaux, des juristes, des membres de la société civile, des représentants de l’ONU, des diplomates et des responsables d’organismes bailleurs de fonds, le présent rapport analyse les efforts déployés par la Côte d’Ivoire pour réclamer des comptes aux auteurs de crimes internationaux graves perpétrés lors de la crise post-électorale par le biais d’enquêtes, de poursuites et de procès indépendants, impartiaux et équitables. Il s’appuie également sur le rapport de Human Rights Watch intitulé « Ils les ont tués comme si de rien n’était : Le besoin de justice pour les crimes post-électoraux en Côte d’Ivoire » (2011), qui décrit en détail les crimes de guerres et les probables crimes contre l’humanité commis tant par les forces pro-Gbagbo que par les forces pro-Ouattara.

La nature et l’ampleur des violences de 2010-2011 ont incité la Cour pénale internationale (CPI) à agir. En octobre 2011, les juges de la CPI ont accepté la requête déposée par le procureur aux fins d’ouverture d’une enquête, dont la portée a ensuite été étendue aux crimes perpétrés depuis le 19 septembre 2002. Fin novembre 2011, Laurent Gbagbo, accusé par la CPI d’être coauteur indirect pour quatre chefs de crimes contre l’humanité, a été arrêté et transféré à La Haye, où il demeure en détention. En novembre 2012, les juges de la CPI ont levé les scellés sur un mandat d’arrêt émis à l’encontre de l’ex-première dame, Simone Gbagbo, pour crimes contre l’humanité, affirmant qu’elle s’était comportée en « alter ego » de Gbagbo en exerçant un contrôle sur des atrocités commises en Côte d’Ivoire. Au moment où sont écrites ces lignes, elle se trouve toujours en détention préventive en Côte d’Ivoire, où elle a été inculpée de génocide, entre autres crimes, pour des actes perpétrés lors de la crise post-électorale. Afin d’honorer les obligations qui lui incombent en vertu du Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI, le gouvernement ivoirien est tenu de coopérer avec la CPI et de remettre Simone Gbagbo à la cour, une alternative étant de contester la recevabilité de l’affaire devant la CPI sur la base de procédures nationales engagées pour des crimes identiques en substance à ceux figurant dans le mandat d’arrêt de la CPI.

Le besoin impérieux de justice impartiale

La capacité limitée de la CPI à juger toutes les affaires de crimes internationaux graves rend la justice nationale indispensable pour mettre un terme à l’impunité en Côte d’Ivoire. Depuis la fin de la crise post-électorale, le Président Ouattara a promis à plusieurs reprises que tous les individus impliqués dans des crimes graves—indépendamment de leur affiliation politique ou de leur grade militaire—seraient traduits en justice. L’impunité chronique alimente les cycles répétés de violence dont la Côte d’Ivoire est le théâtre depuis la dernière décennie. Les acteurs de la société civile interrogés en vue du présent rapport, y compris ceux qui tendaient à se situer soit dans le camp de l’ex-Président Gbagbo, soit dans celui de l’actuel Président Ouattara, ont déclaré pratiquement à l’unanimité qu’une justice impartiale était une condition préalable à la réconciliation et que si l’absence de justice venait à se poursuivre, de nouvelles violences éclateraient probablement à l’avenir.

La lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux graves s’accompagne souvent de défis, en particulier dans une situation d’après-conflit telle que celle traversée par la Côte d’Ivoire. La recherche de justice risque de se révéler profondément impopulaire, notamment parmi les segments de la population qui estiment que les crimes commis par les forces fidèles au Président Ouattara étaient justifiés.

Plusieurs militants de la société civile et un haut diplomate en poste à Abidjan ont expliqué à Human Rights Watch que la justice à sens unique rendue à ce jour était probablement due en partie à l’emprise encore précaire du président sur l’ensemble de l’armée. Quelques responsables gouvernementaux et des diplomates ont souligné le besoin d’une plus grande stabilité et invoqué la vague d’attaques contre des installations militaires ivoiriennes en août et septembre 2012—dont beaucoup ont probablement été menées par des militants pro-Gbagbo—pour justifier la lenteur des progrès opérés sur la voie d’une lutte impartiale contre l’impunité.

Pourtant, l’histoire récente du pays montre qu’une justice crédible se révèle cruciale pour rompre avec les épisodes répétés de violences politico-militaires. Plutôt que d’être le signe que les autorités ne doivent pas exercer une justice impartiale, les récentes menaces sur le plan de la sécurité illustrent le besoin urgent d’ouvrir des enquêtes et de réprimer les crimes commis par les deux camps.

En réaction aux attaques d’août 2012, des membres des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), les forces armées ivoiriennes, ont commis des violations généralisées des droits humains contre de jeunes hommes des groupes ethniques pro-Gbagbo, notamment des arrestations arbitraires massives, des détentions illégales, des actes d’extorsion, des traitements cruels et inhumains et, dans certains cas, des actes de torture. Plusieurs commandants contre lesquels il existe des éléments de preuve les impliquant dans ces exactions avaient été préalablement impliqués pour leur rôle de commandement dans des crimes graves perpétrés lors de la crise post-électorale. L’impunité dont continue de jouir l’armée rend d’autant plus probable la répétition des mêmes crimes par les mêmes auteurs dès que surviendront des moments de tension. Par ailleurs, les exactions ont exacerbé les divisions communautaires dans le pays, renforçant avant tout les facteurs qui alimentent les menaces pour la sécurité.

En d’autres termes, même si de réels défis se posent, faire abstraction de la justice engendre un coût trop élevé.

Mesures que devraient prendre les autorités ivoiriennes pour instaurer une justice impartiale

Peu de temps après son investiture, le Président Ouattara a supervisé la création d’une Commission nationale d’enquête, d’une Cellule spéciale d’enquête et d’une Commission dialogue, vérité et réconciliation.

La Commission nationale d’enquête (CNE), qui a publié son rapport en août 2012, a produit un résumé équilibré qui fait écho aux constatations d’une commission internationale d’enquête mandatée par l’ONU et aux rapports d’associations de défense des droits humains : des crimes internationaux graves ont été perpétrés à la fois par les forces pro-Gbagbo et par les forces pro-Ouattara. Le rapport de la commission nationale d’enquête fournit une ventilation approximative des violations cumulées des droits humains—entre autres les exécutions sommaires et les actes de tortures ayant entraîné la mort—qu’auraient commises les membres des deux groupes au cours de la crise. L’une de ses principales recommandations porte sur le besoin de traduire en justice les responsables de ces violations.

La Cellule spéciale d’enquête, composée de procureurs, de juges d’instruction et d’officiers de police judiciaire, a été mise sur pied pour enquêter et poursuivre les auteurs des crimes commis durant la crise post-électorale, y compris les crimes internationaux graves. À ce jour, les procureurs civils et militaires ont collectivement inculpé de crimes post-électoraux plus de 150 personnes. Toutefois, aucune des personnes arrêtées, et encore moins des personnes inculpées, pour crimes de sang commis au cours de la crise post-électorale ne provient des forces pro-Ouattara. Dans le contexte politisé qui prévaut en Côte d’Ivoire, le sentiment persiste que les juges et les procureurs sont trop facilement influencés par l’ordre du jour de la branche exécutive du gouvernement. L’absence de poursuites dignes de ce nom contre les forces pro-Ouattara pour les crimes internationaux graves perpétrés durant la crise renforce ce sentiment et met en lumière le fossé qui ne cesse de se creuser entre le discours du président et la réalité.

Les mesures prises à ce jour par le gouvernement, bien qu’importantes, ne sont pas suffisantes pour appuyer les efforts de justice indépendante et impartiale. Il existe un certain nombre de domaines dans lesquels le gouvernement Ouattara et les partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire pourraient fournir une assistance pratique afin que les juges et les procureurs soient plus à même de produire des résultats en matière de poursuites visant les auteurs de crimes internationaux graves.

Renforcer l’indépendance des juges et des procureurs

Les juges et les procureurs ne peuvent travailler de manière impartiale que lorsqu’ils sont capables d’agir en toute indépendance vis-à-vis des branches législative et exécutive. La constitution ivoirienne reconnaît la séparation des pouvoirs entre l’appareil exécutif et le système judiciaire et elle garantit l’indépendance du pouvoir judiciaire, y compris des juges d’instruction. Il n’en demeure pas moins que dans la pratique, même s’il existe des juges qui agissent de manière indépendante, des militants de la société civile ont signalé à Human Rights Watch qu’ils constituaient l’exception plutôt que la règle.

Le gouvernement Ouattara a pris des mesures notables pour renforcer l’indépendance des juges. Un projet de loi a été élaboré par le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM)—l’organe régissant la nomination et le contrôle disciplinaire des juges—visant à donner aux juges davantage voix au chapitre en ce qui concerne la nomination de leurs pairs. Des initiatives à plus long terme sont nécessaires pour insuffler un changement dans la culture qui prévaut parmi les juges, les procureurs et les responsables de l’exécutif pour combattre l’ingérence politique et la corruption. Le CSM devrait envisager des moyens de dispenser des formations aux juges et aux procureurs à propos de son mandat, des possibles menaces pesant sur l’indépendance des juges et des procureurs, ainsi que des conséquences qu’engendre le fait de céder à l’ingérence politique et à la corruption. Les responsables des branches exécutive et législative devraient envisager des mesures analogues visant à sensibiliser les responsables politiques à l’importance de la séparation des pouvoirs et à ce qui devrait être fait (ou pas) pour l’appuyer. Étant donné que les procureurs opèrent en vertu de la loi sous la tutelle du ministre de la Justice, le gouvernement, conjointement avec les procureurs ivoiriens, devrait instaurer et appliquer systématiquement des lignes directrices visant à promouvoir l’indépendance de ces magistrats. Par ailleurs, le gouvernement, conjointement avec les procureurs ivoiriens, devrait élaborer un système d’attribution des dossiers qui favorise l’indépendance et l’impartialité des procureurs qui traitent les affaires de crimes internationaux graves.

Renforcer les poursuites

L’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie plus cohérente en matière de poursuites—qui inclue les critères utilisés par les procureurs pour prendre des décisions sur la sélection des affaires—constituent une autre composante essentielle de la gestion efficace et impartiale des crimes internationaux graves. Tout d’abord, la Cellule spéciale d’enquête, disposant du soutien du gouvernement et de bailleurs de fonds si besoin est, devrait envisager de tirer parti des travaux de la Commission nationale d’enquête et réaliser un exercice de cartographie afin de dresser une liste complète des crimes perpétrés par région durant la crise, identifiant des personnes suspectes si cela s’avère possible. Cette cartographie pourrait contribuer à définir des priorités spécifiques pour la cellule en fonction de l’ampleur des violations, des types de violence, ainsi que des indices ou sources de preuve, y compris des auteurs potentiels. Les parties non confidentielles de l’exercice de cartographie et de la stratégie en matière de poursuites devraient être partagées avec le public afin de permettre une meilleure compréhension du travail de la cellule et d’instaurer la confiance en sa capacité d’exécuter son mandat en toute indépendance et impartialité.

Afin de faciliter davantage l’élaboration d’une stratégie efficace en matière de poursuites, le Bureau du Procureur (BdP) de la CPI devrait partager son analyse du conflit et d’autres documents non confidentiels avec le personnel de la Cellule spéciale d’enquête. Bien que ces informations puissent émaner de sources publiques, l’analyse pourrait présenter une valeur considérable pour le procureur de la République et les juges d’instruction jouissant de moins d’expérience dans le traitement des crimes internationaux graves.

Un certain nombre de mesures peuvent également être prises par les autorités ivoiriennes pour appuyer les enquêtes nationales. Au regard de la loi ivoirienne, les juges d’instruction sont les principaux enquêteurs en cas d’accusations de comportements criminels, avec au besoin l’assistance de la police judiciaire. Les modestes effectifs de la Cellule spéciale d’enquête—à savoir seulement trois juges d’instruction à l’heure actuelle—semblent insuffisants pour gérer le grand nombre d’accusations d’infractions pénales découlant de la période post-électorale. Le ministre de la Justice antérieur avait indiqué que le ministère allait nommer trois juges d’instruction supplémentaires ; l’actuel ministre de la Justice devrait le faire dès que possible.

Les enquêtes de terrain sont indispensables et devraient s’intensifier, d’autant plus que bon nombre de victimes et de témoins sont éparpillés à travers le pays et ne peuvent se rendre facilement à Abidjan pour y faire une déposition. Mais outre le fait de se déplacer à l’extérieur d’Abidjan, les juges d’instruction et les officiers de police judiciaire doivent pouvoir créer un climat de confiance dans les communautés affectées par des crimes, en particulier ceux commis par les Forces républicaines. Les mesures à prendre en ce sens seraient notamment : recruter des officiers de police judiciaire au sein de toutes les communautés affectées par la crise post-électorale où ont été perpétrés les crimes faisant l’objet d’une enquête, dispenser aux juges d’instruction et aux officiers de police judiciaire une formation sur la façon d’évaluer les risques pour les victimes et les témoins, et concevoir des moyens d’approcher les victimes sans compromettre leur sécurité ou approfondir leur traumatisme.

Réformes juridiques pour améliorer le droit des accusés à un procès équitable

Le respect des droits des accusés implique la garantie de procédures judiciaires qui sont et apparaissent équitables et crédibles. En Côte d’Ivoire, un certain nombre de préoccupations relatives au droit à un procès équitable portent sur la compétence qu’a la cour d’assises—un tribunal non permanent composé d’un président, de deux juges professionnels et d’un jury populaire de neuf personnes, dont trois suppléants—de traiter des crimes graves, y compris des crimes internationaux graves. Tout d’abord, bien que la cour d’assises soit légalement supposée siéger tous les trois mois, elle n’a été convoquée qu’à deux reprises depuis l’année 2000, en grande partie parce que la procédure est lourde et coûteuse. Bien qu’il soit peut-être possible de convoquer la cour d’assises pour une poignée d’affaires très médiatisées, la majorité des accusés déjà incarcérés pour des crimes post-électoraux risquent, semble-t-il, de demeurer en détention préventive jusqu’à ce que la question de la cour d’assises soit résolue, violant leur droit à être jugés dans un délai raisonnable. En outre, les décisions émanant de la cour d’assises ne peuvent faire l’objet d’aucun recours, violant le droit dont jouit un accusé, au regard du droit international des droits humains, de faire réexaminer sa condamnation et sa peine par une juridiction supérieure.

Le Ministère de la Justice a notamment identifié comme priorité la réforme du Code de procédure pénale et fin 2012, il a mis sur pied un groupe de travail chargé de traiter les problèmes liés à la cour d’assises. La création d’un groupe de travail est un développement qu’il convient de saluer, et le groupe devrait parvenir à régler ces problèmes le plus rapidement possible.

Par ailleurs, aux termes du Code de procédure pénale, la représentation juridique des accusés dans le cadre d’affaires criminelles n’est obligatoire qu’au stade de la cour d’assises, ce qui signifie du reste que les accusés indigents n’ont accès à une assistance juridique qu’à ce stade avancé de la procédure. Cela risque de compromettre la qualité de la représentation fournie, ce qui pose particulièrement problème dans les affaires complexes portant sur des crimes internationaux graves. Les autorités ivoiriennes devraient rendre obligatoires plus tôt dans la procédure la mise à disposition d’un avocat pour les accusés dans les affaires criminelles et une assistance judiciaire pour les accusés indigents.

Instaurer un cadre pour la protection et la prise en charge des témoins

Les procès d’auteurs de crimes graves peuvent se révéler extrêmement sensibles et générer des risques pour la sûreté et la sécurité des témoins et des victimes susceptibles de faire des dépositions à propos d’événements profondément traumatisants. L’identification et la mise en œuvre d’une stratégie en matière de protection des témoins s’avéreront cruciales pour convaincre les victimes et les témoins de crimes, en particulier ceux commis par les forces pro-Ouattara, qu’ils peuvent porter plainte.

À brève échéance, le gouvernement devrait, avec le soutien de bailleurs de fonds lorsque cela s’avère nécessaire, financer des ateliers de formation pour les procureurs, les juges d’instruction et les officiers de police judiciaire enquêtant sur des crimes internationaux graves afin qu’ils apportent leur concours à la protection des témoins. Ces formations pourraient couvrir la façon d’évaluer les risques potentiels encourus par les témoins et d’utiliser des mesures de sécurité discrètes pour prévenir ou réduire au minimum ces risques. Des formations analogues devraient être dispensées aux juges et autres membres du personnel des tribunaux travaillant sur des crimes internationaux graves, à propos des mesures qui peuvent être adoptées lors des audiences ou procès pour protéger les témoins et réduire au minimum les traumatismes. Les autorités ivoiriennes devraient également envisager d’ouvrir un refuge sécurisé pour les témoins dont la sécurité est temporairement menacée.

À plus long terme, les autorités ivoiriennes devraient adopter une ou plusieurs lois visant à créer un système de protection des témoins. Lors de l’élaboration de cette ou de ces lois, lesdites autorités devraient envisager de créer une unité neutre de protection des témoins—c’est-à-dire qu’elle opérerait pour tous les témoins, qu’ils témoignent à charge ou à décharge, et pourrait conclure des accords de réinstallation avec des pays tiers afin de protéger certains témoins dans des circonstances extrêmes. Les avantages d’une telle unité pourraient aller bien au-delà de la gestion des témoins dans des affaires de crimes internationaux graves et pourraient inclure d’autres affaires sensibles ou très médiatisées.

Assurer la sécurité des juges, des procureurs et des avocats de la défense

Les juges et les procureurs ne peuvent pas travailler en toute indépendance ou impartialité s’ils craignent pour leur sécurité. Le risque de représailles est d’autant plus grand pour les juges et les procureurs qui traitent des affaires de crimes internationaux graves, compte tenu de la gravité et de la nature sensible des crimes commis. À l’heure actuelle, aucune force ne se consacre à fournir une protection aux juges et aux procureurs. Le gouvernement devrait, en priorité, renforcer la sécurité des juges et des procureurs. Les responsables du Ministère de la Justice devraient également envisager de fournir, si besoin est, une protection aux avocats de la défense travaillant sur des affaires de crimes internationaux graves ; étant donné le caractère sensible des crimes en question, ils sont susceptibles de faire l’objet de menaces qui pourraient compromettre la représentation de leurs clients.

Mesures que devraient prendre les partenaires internationaux

Les partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire ont certes injecté de l’argent dans divers projets visant à renforcer l’État de droit, mais au cours de la dernière décennie, leur engagement à aider les autorités ivoiriennes à traduire en justice les auteurs de crimes internationaux graves a été inégal. Un soutien financier et diplomatique plus important accordé aux efforts déployés dans le domaine judiciaire pour traiter les crimes internationaux graves—y compris en orientant les fonds déjà destinés à des projets de renforcement de l’État de droit vers un soutien plus clair aux poursuites, aux procès et à la défense des auteurs de ces crimes—pourrait aider la Côte d’Ivoire à s’attaquer à sa dangereuse culture de l’impunité.

Mettre en pratique la complémentarité en renforçant la capacité de juger les auteurs de crimes graves

Le principe de complémentarité inscrit dans le Statut de Rome confère aux États l’entière responsabilité d’administrer la justice pour les crimes internationaux graves, la CPI n’agissant qu’en dernier ressort. Au sein de l’Union européenne (UE), de l’Assemblée des États parties à la CPI et de l’ONU, il est de plus en plus reconnu que les partenaires internationaux—entre autres les principaux États bailleurs de fonds et les organisations internationales elles-mêmes—devraient utiliser les fonds destinés aux projets de réforme de l’État du droit pour renforcer plus spécifiquement la capacité des institutions nationales à rendre la justice pour les crimes internationaux.

Même si l’on peut se réjouir des progrès opérés en matière de complémentarité dans les cercles diplomatiques, ces progrès doivent aller de pair avec des avancées concrètes sur le terrain. L’expérience acquise à ce jour en Côte d’Ivoire révèle que bien que les principaux bailleurs de fonds et les organisations intergouvernmentales telles que l’UE et l’ONU aient investi des ressources considérables dans la réforme de l’État de droit, le soutien apporté spécifiquement aux efforts visant à rendre la justice pour les crimes internationaux graves a été plus limité.

Le défi qui se pose à la communauté des bailleurs de fonds est d’exploiter la volonté exprimée par le gouvernement ivoirien et de la concilier avec les engagements que les bailleurs ont pris en matière de complémentarité au niveau des orientations politiques. Les partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire devraient réfléchir de manière proactive à la façon dont l’aide attribuée à la réforme du secteur judiciaire pourrait être plus spécifiquement ciblée pour appuyer les efforts visant à traduire en justice et à défendre les auteurs de crimes internationaux graves. Les bailleurs de fonds devraient consulter les autorités nationales en vue de déterminer comment ce soutien complémentaire pourrait être utilisé.

Le personnel de la CPI peut également apporter son concours en attirant l’attention sur les lacunes au niveau des capacités afin que le soutien des donateurs soit utilisé au mieux. Par ailleurs, lors des missions prévues en Côte d’Ivoire en lien avec les activités de la CPI, le personnel de la cour pourrait chercher des possibilités peu ou pas onéreuses d’offrir aux autorités ivoiriennes des formations ou ateliers informels dans des domaines où des faiblesses ont été identifiées, tels que la protection des témoins.

Renforcer les contacts diplomatiques privés et publics

À travers des contacts diplomatiques privés et publics, les partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire ont un rôle important à jouer en encourageant l’instauration d’un climat politique qui favorise l’indépendance et l’impartialité de la justice. Plusieurs diplomates et responsables de l’ONU ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils entretenaient régulièrement des contacts diplomatiques privés sur ces questions, ce qui est important. Néanmoins, compte tenu de l’absence de progrès enregistrés à ce jour vers l’avènement d’une justice impartiale, les bailleurs de fonds devraient, par le biais de leurs déclarations privées et publiques, exercer une pression croissante sur le gouvernement afin que ce dernier remédie aux obstacles qui entravent les enquêtes, les poursuites et les procès crédibles et impartiaux, entre autres dans les domaines identifiés dans le présent rapport. Une action concertée visant à aider le gouvernement Ouattara à mettre fin à l’impunité et aux dissensions qui ont marqué l’ère Gbagbo peut contribuer à éviter la récurrence de violences à grande échelle. Les partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire devraient aussi continuer à insister auprès du gouvernement sur le besoin d’honorer son obligation de coopérer avec la CPI dans le cadre des dossiers que celle-ci traite actuellement—entre autres l’affaire Simone Gbagbo—et des enquêtes en cours.

La Cour pénale internationale

En dépit des nombreuses preuves de crimes commis par les forces pro-Ouattara et relevant de la compétence de la CPI, la cour a uniquement rendu publics les mandats d’arrêt visant l’ex-président et son épouse, Simone. Ceci reflète la décision du Bureau du Procureur de suivre une approche « séquentielle »—à savoir qu’il mènera à terme son enquête sur le camp Gbagbo avant d’engager une procédure visant les forces pro-Ouattara.

Le BdP a indiqué à maintes reprises que son enquête était impartiale et toujours en cours. Cependant, alors que le temps s’écoule sans qu’aucune action ne soit menée à l’encontre du camp Ouattara, beaucoup d’Ivoiriens, y compris des dirigeants de la société civile ivoirienne, ont de plus en plus le sentiment que la CPI se livre à un « jeu politique » en Côte d’Ivoire et procède avec circonspection lorsqu’il s’agit du gouvernement Ouattara. L’approche séquentielle ne porte pas seulement atteinte à la crédibilité de la CPI aux yeux de beaucoup d’Ivoiriens, elle est par ailleurs imitée par les autorités ivoiriennes, alimentant les tensions au lieu de les apaiser.

Alors que le Procureur de la CPI, Fatou Bensouda, poursuit son enquête en Côte d’Ivoire, elle devrait veiller à ce que les affaires relatives à des individus appartenant aux forces pro-Ouattara fassent l’objet d’investigations aussi solides que celles visant les membres du camp Gbagbo, notamment en demandant aux juges de la cour de délivrer des mandats d’arrêt supplémentaires lorsque des éléments de preuve sont recueillis contre des responsables de crimes relevant de la compétence de la cour. Le fait que la CPI n’agisse qu’en dernier ressort lorsque les gouvernements n’ont pas la volonté ou sont dans l’incapacité de mener à bien des poursuites met d’autant plus en évidence le besoin impérieux que la cour engage une procédure à l’encontre des individus appartenant au camp Ouattara qui, autrement, échapperaient à l’action de la justice. L’engagement de procédures concrètes visant des individus pro-Ouattara lorsqu’il existe des preuves de crimes relevant de la compétence de la CPI contribuerait fortement à restaurer la crédibilité de la CPI en Côte d’Ivoire en tant qu’institution impartiale et pourrait aider à créer l’espace nécessaire pour que les autorités ivoiriennes opèrent à leur tour les progrès indispensables pour que toutes les victimes aient accès à la justice.

Recommandations

Au gouvernement ivoirien, en particulier au Président et au
ministre de la Justice

Renforcer l’indépendance des juges et des procureurs

  • Finaliser et travailler à l’adoption d’un projet de loi relatif au Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) conçu pour accorder aux juges davantage d’influence dans la nomination de nouveaux juges.
  • Veiller à ce que des sanctions soient prises à l’encontre des responsables politiques qui cherchent à s’immiscer dans le travail des procureurs ou des juges travaillant sur des affaires de crimes internationaux graves.
  • Indiquer clairement, publiquement comme en privé, que le pouvoir exécutif soutient la Cellule spéciale d’enquête chargée de travailler sur les crimes post-électoraux perpétrés par les deux camps. Souligner que les procureurs et les juges n’encourront aucune conséquence négative s’ils engagent des poursuites contre des criminels ayant des liens avec le gouvernement.
  • En collaboration avec le procureur général et le procureur de la République, élaborer et appliquer systématiquement des directives visant à appuyer l’indépendance des procureurs.
  • Envisager de mettre sur pied une section du CSM qui gérerait entre autres la nomination et la révocation des procureurs.
  • Envisager de recourir au mandat du rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats.

Renforcer les poursuites et les enquêtes

  • Nommer sans délai le personnel supplémentaire, dont des juges d’instruction, au sein de la Cellule spéciale d’enquête.
  • Approuver les projets visant à intégrer des experts juridiques indépendants supplémentaires au sein de la Cellule spéciale d’enquête.
  • Tenir régulièrement des réunions avec le personnel de la Cellule spéciale d’enquête en vue d’améliorer l’efficacité du bureau, notamment en soutenant les sections de la cellule qui sont sous-financées et manquent d’effectifs, et en identifiant des moyens d’être davantage en prise avec les victimes des deux camps impliqués dans la crise.
  • Demander aux Ministères de l’Intérieur et de la Défense de nommer au sein de la Cellule spéciale d’enquête des officiers de police judiciaire provenant de toutes les communautés affectées par la crise post-électorale.
  • Finaliser la mise en place d’une plate-forme visant à permettre le partage d’informations et la coordination entre toutes les institutions de justice transitionnelle, notamment la Cellule spéciale d’enquête et la Commission dialogue, vérité et réconciliation.

Mieux respecter le droit des accusés à un procès équitable

  • Dans le cadre de la réforme de la cour d’assises, s’assurer que le droit des accusés à la tenue d’un procès équitable dans un délai raisonnable ainsi que leur droit de faire appel soient pleinement protégés aussitôt que possible.
  • Rendre obligatoires la mise à disposition d’un avocat pour les accusés dans des affaires criminelles à un stade plus précoce de la procédure, ainsi que l’octroi d’une assistance judiciaire aux accusés indigents.

Mieux protéger les témoins, les juges, les procureurs et les avocats de la défense

  • Financer des formations destinées aux procureurs, aux juges d’instruction et aux officiers de police enquêtant dans le cadre d’affaires de crimes internationaux graves, couvrant la façon d’évaluer les risques potentiels encourus par les témoins et la façon d’utiliser des mesures de sécurité discrètes pour prévenir ou réduire au minimum ces risques. Dispenser des formations analogues aux juges et autres membres du personnel des tribunaux travaillant sur des crimes internationaux graves, à propos des mesures qui peuvent être mises en œuvre lors des procès pour protéger les témoins et réduire au minimum les traumatismes.
  • Fournir des escortes de police composées de policiers spécialement formés et triés sur le volet pour les témoins se rendant au tribunal ou quittant le tribunal, si la cour l’estime opportun ou si le témoin le juge préférable.
  • Ouvrir des refuges sécurisés pour les témoins dont la sécurité est temporairement menacée.
  • Élaborer un ou des projets de lois sur la protection des témoins, qui définissent des mesures de protection à l’intérieur et à l’extérieur de la salle d’audience et sont compatibles avec le droit d’un accusé à un procès équitable.
  • Envisager de créer une unité neutre de protection des témoins, qui devrait d’une part jouir d’une autonomie opérationnelle afin de réduire au minimum la divulgation d’informations à propos des témoins, et d’autre part être habilitée à faciliter la réinstallation des témoins dans des pays tiers si besoin est.
  • Renforcer en priorité la sécurité des juges, des procureurs, et des avocats de la défense qui travaillent sur des affaires de crimes internationaux graves, notamment en leur fournissant, s’il y a lieu, des escortes dans le cadre de leurs enquêtes et des gardes du corps lorsque les risques de menaces sont élevés.
  • Envisager de confier à un nombre limité de juges le pouvoir de contrôler les procès dans les affaires de crimes internationaux graves, comme cela a été fait avec les procureurs et juges d’instruction de la Cellule spéciale d’enquête, afin de faciliter la protection des juges et de mieux garantir une expertise suffisante pour gérer des affaires susceptibles d’être complexes et politisées.
  • Contacter des bailleurs de fonds pour obtenir l’assistance nécessaire dans la mise en œuvre des recommandations susmentionnées et améliorer la capacité générale des personnes qui traitent les affaires de crimes internationaux graves, entre autres les avocats de la défense.

Coopération avec la Cour pénale internationale

Coopérer dans les enquêtes et les affaires traitées par la CPI en Côte d’Ivoire, notamment dans l’affaire Simone Gbagbo, conformément aux obligations qui incombent au gouvernement en vertu du Statut de Rome.

À l’Assemblée nationale

  • Adopter un texte de loi visant à fournir une protection aux témoins à l’intérieur et à l’extérieur de la salle d’audience, tout en préservant aussi le droit des accusés à un procès équitable.

Au Conseil supérieur de la Magistrature

  • Envisager des moyens de sensibiliser les juges et les procureurs—par exemple des ateliers ou autres séminaires de formation—au mandat du conseil, aux possibles menaces pesant sur l’indépendance des juges et des procureurs, et aux conséquences qu’engendre le fait de céder à l’ingérence politique et à la corruption.
  • En coordination avec l’inspecteur général, enquêter sur les accusations de corruption impliquant des juges et des procureurs et veiller à ce que ceux qui sont véritablement compromis fassent l’objet des sanctions qui s’imposent.

Au personnel de la Cellule spéciale d’enquête, notamment au Procureur de la République et aux juges d’instruction

  • Faire avancer le projet de cartographie visant à dresser une liste complète, par région, des crimes graves perpétrés au cours de la période post-électorale et identifier des suspects lorsque cela s’avère possible, afin de fournir une base permettant de définir des priorités plus précises pour le bureau.
  • Élaborer une stratégie plus globale en matière de poursuites, qui inclut les critères utilisés par les procureurs pour prendre des décisions sur la sélection des affaires.
  • Publier les parties non confidentielles de tout exercice futur de cartographie ou de toute stratégie future en matière de poursuites afin de mieux faire comprendre le travail de la Cellule spéciale d’enquête et d’instaurer la confiance en sa capacité d’exécuter son mandat en toute indépendance et impartialité.
  • Intensifier les enquêtes de terrain, en particulier parce que bon nombre de victimes et de témoins sont éparpillés à travers le pays et ne peuvent se rendre facilement à Abidjan.
  • Mettre en place pour les juges d’instruction et les officiers de police judiciaire des formations sur la façon d’évaluer les risques pour la sécurité des victimes et des témoins, et sur la manière de les aborder sans compromettre leur sécurité ou approfondir leur traumatisme.
  • Envisager la désignation d’une équipe supplémentaire d’enquêteurs, chargée de coordonner et de rechercher des preuves de liens, c’est-à-dire des éléments montrant le lien entre « ceux qui appuient sur la gâchette » sur le terrain et ceux qui ont donné les ordres à travers toutes les régions, sollicitant des ressources supplémentaires auprès du Ministère de la Justice si besoin est.
  • Utiliser les définitions des crimes et les formes de responsabilité énoncées dans le Statut de Rome lorsque cela étend la portée de la justice, y compris pour les crimes commis après septembre 2002.

Aux Ministères de l’Intérieur et de la Défense

Accueillir favorablement les requêtes du Ministère de la Justice concernant la nomination au sein de la Cellule spéciale d’enquête d’officiers de police judiciaire provenant de toutes les communautés affectées par la crise post-électorale.

Aux Nations Unies, ainsi qu’aux partenaires intergouvernementaux et gouvernementaux (notamment l’Union européenne, le Programme des Nations Unies pour le développement, l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire, la France et les États-Unis)

  • Accroître les initiatives diplomatiques privées et publiques afin d’inciter le gouvernement à mieux appuyer les procureurs et les juges dans l’exercice d’une justice impartiale dans le cadre de procès équitables et crédibles, et à poursuivre sa coopération avec la CPI dans les affaires qu’elle traite et les enquêtes en cours.

Aux États-Unis

Poursuivre le projet d’intégration d’experts juridiques indépendants au sein de la Cellule spéciale d’enquête.

Au Secrétaire général des Nations Unies

Faire part des préoccupations concernant l’absence de poursuites impartiales contre tous les responsables de crimes et souligner les obstacles liés à cette carence persistante dans les rapports publics présentés au Conseil de sécurité de l’ONU.

À l’Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire

Suivre de près et mettre en évidence les obstacles qui risquent de compromettre l’indépendance et l’impartialité des juges et des procureurs, particulièrement dans les affaires de crimes internationaux graves. Continuer à observer et à faire état des progrès opérés par le gouvernement ivoirien dans la mise en œuvre de vos recommandations relatives à la justice pour les crimes internationaux graves.

À la Cour pénale internationale

Bureau du Procureur

  • Poursuivre les enquêtes en Côte d’Ivoire sur toutes les parties au conflit en vue de demander aux juges de la cour de délivrer des mandats d’arrêt supplémentaires, si les éléments de preuve le permettent, à l’encontre de membres des forces pro-Ouattara responsables de crimes qui relèvent de la compétence de la cour.
  • Signaler les lacunes dans la capacité du système judiciaire ivoirien afin que le soutien des bailleurs de fonds puisse être orienté le plus efficacement possible.
  • Lors des missions de terrain prévues pour exécuter le mandat confié à la CPI en vertu du Statut de Rome, chercher des possibilités peu ou pas onéreuses d’offrir aux autorités ivoiriennes des formations ou ateliers informels dans des domaines où des faiblesses ont été identifiées, tels que la protection des témoins.
  • Partager avec les autorités ivoiriennes l’analyse qu’a la CPI du conflit ainsi que d’autres documents non confidentiels afin de contribuer à faciliter les enquêtes et poursuites menées au niveau national.

Greffe

  • Donner suite au projet de la CPI d’ouvrir un bureau extérieur à Abidjan dès que possible.
  • Autoriser le personnel de terrain à se déplacer en dehors d’Abidjan—y compris à se rendre dans les camps de réfugiés au Liberia, par exemple—afin de diffuser des informations sur le mandat de la cour, d’avoir une idée des lacunes principales existant en matière d’information, et d’élaborer une stratégie de sensibilisation et de communication à plus long terme qui répond à de réels besoins.

Méthodologie

Le présent rapport est essentiellement basé sur des recherches effectuées par deux membres du personnel de Human Rights Watch à Abidjan entre le 8 et le 14 septembre 2012.

Au cours de cette mission, les représentants de Human Rights Watch ont réalisé une trentaine d’entretiens avec des responsables gouvernementaux ivoiriens, y compris au sein du Ministère de la Justice ; des praticiens du droit, dont des membres du personnel de la Cellule spéciale d’enquête et des avocats pénalistes de la défense ; des représentants d’un large éventail d’associations de la société civile ; des responsables des Nations Unies ; des diplomates ; des représentants des bailleurs de fonds ; et des journalistes.

Entre octobre 2012 et février 2013, les représentants de Human Rights Watch ont mené des entretiens supplémentaires en personne, par téléphone ou par courriel avec des diplomates, des responsables de l’ONU, des responsables de la Cour pénale internationale, un expert international connaissant le système judiciaire de la Côte d’Ivoire, et des représentants de la société civile.

Bon nombre des personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont voulu s’exprimer en toute franchise mais n’ont pas souhaité que leur nom soit divulgué, compte tenu de la nature sensible des questions discutées. Par voie de conséquence, nous avons utilisé des descriptions génériques de toutes les personnes interrogées tout au long du rapport afin de respecter la confidentialité de ces sources.

I. Contexte

Après avoir prêté serment le 21 mai 2011, le Président Alassane Ouattara s’est trouvé face à d’importants défis, notamment la gestion des conséquences d’un conflit armé de courte durée mais dévastateur, au cours duquel des crimes odieux avaient été perpétrés contre des civils. À la suite du refus du Président sortant Laurent Gbagbo d’accepter les résultats—certifiés par les Nations Unies—des élections considérées libres et démocratiques, Ouattara a fini par recourir au soutien d’anciennes forces rebelles. Ces forces rebelles contrôlaient la partie nord du pays depuis la fin du conflit de 2002-2003, lequel avait été marqué par des crimes internationaux graves commis tant par les forces de sécurité de Gbagbo que par les rebelles. Sous le gouvernement Gbagbo (2000 à 2010), les auteurs de ces crimes n’ont pas été tenus de rendre compte de leurs actes.

Dans les deux camps, des dirigeants politiques et militaires impliqués dans des atrocités ont conservé leurs postes en toute impunité. Lorsque les forces pro-Ouattara ont arrêté Gbagbo le 11 avril 2011, les forces armées des deux camps s’étaient à nouveau livrées à des violations flagrantes des droits humains et du droit international humanitaire. Vingt-deux mois après l’investiture du Président Ouattara en mai 2011, il demeure difficile de savoir si son gouvernement rompra enfin avec la dangereuse culture de l’impunité héritée du passé.

Conflit armé et impasse politico-militaire, 2002-2007

Le 19 septembre 2002, un groupe rebelle connu sous le nom de Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) lance des attaques contre plusieurs cibles stratégiques à Abidjan, ainsi que contre les villes de Bouaké et Korhogo, au nord du pays.[1]Rejoints par deux groupes armés de l’ouest du pays,[2] les rebelles prennent rapidement le contrôle de la moitié nord de la Côte d’Ivoire. Les trois groupes rebelles forment une alliance politico-militaire appeléeForces Nouvelles, réclamant de nouvelles élections et la révocation du Président Laurent Gbagbo, dont ils contestent la légitimité en raison des irrégularités ayant entaché l’organisation de l’élection de 2000,[3] ainsi que la fin de l’exclusion politique et de la discrimination subies par les Ivoiriens du nord.[4]

Les forces de sécurité de Gbagbo réagissent aux attaques rebelles en investissant certains quartiers précaires d’Abidjan occupés essentiellement par des immigrés et des Ivoiriens du nord. Prétextant mener ces opérations pour trouver des armes et des rebelles, les forces de sécurité font souvent simplement sortir tous les habitants de chez eux pour ensuite incendier ou démolir leurs maisons. Provoquant le déplacement de plus de 12 000 personnes, les forces de sécurité commettent de nombreuses violations des droits humains, notamment des arrestations et des détentions arbitraires, des exécutions sommaires, des viols et des disparitions forcées. [5] Pour sa part, dans le nord, entre le 6 et le 8 octobre 2002, le groupe rebelle du MPCI exécute sommairement au moins 40 gendarmes non armés et 30 membres de leurs familles à Bouaké. Le nombre de membres des forces de sécurité exécutés lors de cet incident est particulièrement élevé, mais les exécutions extrajudiciaires de membres des forces de sécurité de Gbagbo capturés se poursuivront tout au long du conflit, bien qu’à plus petite échelle. [6]

Au cours des mois qui suivent, des affrontements armés éclatent entre les deux forces belligérantes. Les combats sont particulièrement intenses dans l’ouest du pays, où les deux camps recrutent des mercenaires libériens ; des milices, souvent qualifiées de groupes locaux d’autodéfense, combattent aussi aux côtés des forces de sécurité de Gbagbo. [7]

Tout au long du conflit, les forces de sécurité gouvernementales et les Forces Nouvelles attaquent fréquemment les populations civiles perçues comme appuyant l’autre camp. Human Rights Watch a recueilli des informations sur des crimes graves perpétrés par toutes les parties belligérantes, notamment des exécutions sommaires, des massacres, des violences sexuelles ciblées, des attaques lancées sans discrimination depuis des hélicoptères contre la population civile, ainsi que des arrestations et détentions arbitraires à imputer aux forces de sécurité de Gbagbo ; des actes de violence, y compris des meurtres, à imputer aux milices pro-Gbagbo soutenues par le gouvernement; et des exécutions sommaires, des massacres, des violences sexuelles ciblées et des actes de torture à imputer aux Forces Nouvelles. [8] Les deux camps recrutent des mercenaires libériens qui vont perpétrer des tueries de civils à grande échelle, et les deux forces utilisent des enfants soldats. [9]

En mai 2003, un accord de cessez-le-feu met officiellement fin aux hostilités actives entre le gouvernement et les Forces Nouvelles, même si des violations occasionnelles du cessez-le-feu se poursuivent jusqu’en 2005. Le pays est divisé en deux—et il le restera jusqu’en 2010—les Forces Nouvelles contrôlant le nord et le gouvernement et les forces de sécurité de Gbagbo le sud. De graves violations des droits humains continuent d’être perpétrées contre les populations civiles dans les deux parties du pays. Le 25 mars 2004, les forces de sécurité de Gbagbo tuent sans discernement plus de 100 civils en réaction à une manifestation prévue par des groupes d’opposition ; une vingtaine d’autres personnes sont victimes de disparitions forcées. [10] Des milices violentes, dont la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI) et les Jeunes Patriotes, aident les forces de sécurité de Gbagbo à intimider, à extorquer de l’argent et à commettre des brutalités contre les Ivoiriens du nord, les immigrés et d’autres personnes perçues comme appuyant l’opposition. [11] Dans le nord contrôlé par les Forces Nouvelles, les commandants s’enrichissent démesurément en pratiquant l’extorsion et le racket ; en l’absence de système judiciaire dans cette région, les détentions arbitraires, les tortures et les exécutions extrajudiciaires de partisans présumés du gouvernement Gbagbo se poursuivent. [12] Les violences sexuelles contre les femmes et les filles restent généralisées dans les deux parties du pays. Forces armées et civils terrorisent les femmes, lesquelles ne bénéficient d’aucune protection étatique efficace en raison de la faiblesse des institutions juridiques et policières qui sont incapables de prévenir la violence, de poursuivre les auteurs d’exactions ou de prendre en charge les victimes. [13]

Ni vérité ni justice sous le gouvernement Gbagbo

Personne ne sera traduit en justice pour les crimes graves commis lors du conflit armé de 2002-2003 et dans sa foulée. En dépit de liens évidents entre l’impunité profondément enracinée dont jouissent les groupes armés et les atrocités généralisées, le gouvernement Gbagbo ne considérera jamais la lutte contre l’impunité comme une priorité. Le 18 avril 2003, le gouvernement Gbagbo reconnaît officiellement la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) « aux fins d’identifier, de poursuivre, de juger les auteurs et complices des actes commis sur le territoire ivoirien depuis les événements du 19 septembre 2002 ». [14] Néanmoins, au cours des années qui suivent, lorsqu’il devient évident que la CPI enquêtera tant sur les crimes perpétrés par les forces pro-Gbagbo que sur ceux commis par les Forces Nouvelles, le gouvernement ne cessera de contrecarrer les efforts déployés par la CPI pour se rendre en Côte d’Ivoire pour mener des enquêtes préliminaires. [15]

Bien que le gouvernement Gbagbo soit le principal responsable de la non-traduction en justice des auteurs de violences, l’approche incohérente des partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire par rapport à la justice pour les crimes graves commis en violation du droit international mettra également à mal le fonctionnement de la justice pendant cette période. En 2004, les Nations Unies créent une commission d’enquête internationale chargée d’enquêter sur les crimes perpétrés lors du conflit de 2002-2003. Cependant, après six mois d’enquête sur le terrain et de travail de rédaction, le Conseil de sécurité de l’ONU enterre le rapport de la commission ; au moment où sont écrites ces lignes, le rapport n’a toujours pas été publié, bien qu’il ait fait l’objet d’une fuite et qu’une version soit accessible en ligne. Le rapport inclut une annexe comprenant une liste de 95 personnes considérées comme portant la plus grande part de responsabilité dans les crimes graves, assortie d’accusations précises contre elles. Radio France Internationale a signalé que l’annexe impliquait de hauts dirigeants politiques et militaires des deux camps. [16] La liste n’a jamais été rendue publique, et le Conseil de sécurité ne s’en ait pas servi pour faire pression sur les autorités ivoiriennes afin qu’elles garantissent des enquêtes et poursuites crédibles au niveau national. De hauts responsables de l’ONU, ainsi que certains pays puissants membres du Conseil de sécurité, ont apparemment jugé que la justice n’était pas conciliable avec l’instauration de la paix en Côte d’Ivoire.

En l’absence de justice après le conflit armé de 2002-2003, les principaux dirigeants politiques et militaires des deux camps opposés, dont certains qui avaient une responsabilité de commandement pour des crimes graves, conservent leurs postes de commandement alors que la Côte d’Ivoire se dirige vers l’élection présidentielle de 2010. L’issue du scrutin, qui oppose Laurent Gbagbo à son rival de longue date, Alassane Ouattara, exposera de nouveau au grand jour les profondes fissures politiques et ethniques du pays et les conséquences d’une impunité persistante.

Violences post-électorales, novembre 2010-mai 2011

Après cinq années de reports de l’élection présidentielle, les Ivoiriens se rendent aux urnes le 28 novembre 2010 pour le deuxième tour du scrutin qui oppose le Président sortant Gbagbo à l’ex-Premier Ministre Ouattara. Après que la Commission électorale indépendante eut proclamé Ouattara vainqueur avec 54,1 pour cent des voix—résultat certifié par l’Opération de l’ONU en Côte d’Ivoire (ONUCI)—Gbagbo refuse de quitter le pouvoir. [17] Cinq mois de violence s’ensuivront, au cours desquels au moins 3 000 civils seront tués et plus de 150 femmes violées, souvent dans le cadre d’attaques perpétrées en fonction de critères politiques, ethniques et religieux.

Durant les trois premiers mois de la crise post-électorale, la vaste majorité des exactions sont commises par les forces de sécurité et les milices sous le commandement de Gbagbo. Des unités de la force de sécurité d’élite étroitement liées à Gbagbo enlèvent des responsables politiques locaux de la coalition de Ouattara, les traînant hors de restaurants ou hors de chez eux et les forçant à entrer dans des véhicules en faction. Leurs proches retrouveront ensuite les corps des victimes à la morgue, criblés de balles. Les milices pro-Gbagbo gardant les postes de contrôle sauvages établis à travers la ville d’Abidjan assassinent des dizaines de partisans réels ou présumés de Ouattara, les battant à mort à l’aide de briques, les exécutant à bout portant avec des fusils, ou les brûlant vifs. Des femmes actives dans la mobilisation des électeurs—ou portant simplement des t-shirts pro-Ouattara—sont prises pour cible et sont souvent victimes de viols collectifs commis par des membres des forces armées ou des milices pro-Gbagbo. [18]

Alors que les pressions internationales se multiplient pour que Gbago quitte le pouvoir, la violence s’intensifie. La Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI), contrôlée par le gouvernement Gbagbo, incite à recourir à la violence contre les groupes pro-Ouattara et exhorte les partisans de Gbagbo à ériger des barrages routiers et à « dénoncer toute personne étrangère ». [19] Entre février et avril, des centaines d’Ivoiriens du nord et d’immigrés ouest-africains sont tués à Abidjan et dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, parfois sur la seule base de leur nom ou de leur tenue vestimentaire. Des mosquées et des dirigeants religieux musulmans sont également pris pour cible. Parmi les pires incidents, les forces de sécurité de Gbagbo ouvrent le feu sur des femmes manifestant pacifiquement et lancent des mortiers sur des quartiers fortement peuplés d’Abidjan, tuant des dizaines de personnes. [20]

Les forces pro-Ouattara entament une offensive militaire en mars 2011 pour prendre le contrôle du pays et, alors que la crise se transforme en conflit armé généralisé, elles sont également impliquées dans des atrocités. Le 17 mars 2011, le Président Ouattara signe un décret créant les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), composées principalement à l’époque de membres de l’ex-groupe rebelle, les Forces Nouvelles. Dans l’ouest du pays, village après village, surtout entre Toulepleu et Guiglo, des membres des Forces républicaines tuent des civils appartenant aux groupes ethniques pro-Gbagbo, y compris des vieillards incapables de fuir ; ils violent des femmes ; et réduisent des villages en cendres. À Duékoué, des forces pro-Ouattara massacrent plusieurs centaines de personnes, traînant hors de chez eux, avant de les exécuter, des hommes non armés qu’ils accusent d’appartenir à des milices pro-Gbagbo. [21]

Par la suite, lors de la campagne militaire visant à s’emparer d’Abidjan et à consolider leur contrôle sur la ville, les Forces républicaines exécutent à nouveau des dizaines d’hommes appartenant à des groupes ethniques alignés sur Gbagbo–parfois dans des centres de détention–et elles en torturent d’autres. [22]

À l’issue du conflit en mai 2011, les deux camps avaient commis des crimes de guerre et selon toute probabilité des crimes contre l’humanité, comme établi par une commission d’enquête internationale sous mandat de l’ONU et par des organisations de défense des droits humains. [23] En août 2012, une Commission nationale d’enquête mise en place par le Président Ouattara a publié un rapport décrivant également des centaines d’exécutions sommaires et autres crimes commis par les forces armées des deux camps. [24]

Bien que l’ampleur des violations graves des droits humains ait diminué depuis la fin du conflit post-électoral, les Forces républicaines ont continué de se livrer à des arrestations et détentions arbitraires, à des actes d’extorsion, à des traitements inhumains et, dans certains cas, à des actes de torture, au moins jusqu’au mois de septembre 2012. [25]

II. La lutte contre l’impunité menée à ce jour pour les crimes post-électoraux

Initiatives nationales en matière de lutte contre l’impunité

Depuis l’issue de la crise post-électorale, le Président Ouattara a promis, à maintes reprises, que toutes les personnes impliquées dans des crimes graves—indépendamment de leur affiliation politique ou de leur grade militaire—seraient traduites en justice. [26] Après son investiture en mai 2011, le président a rapidement créé des institutions chargées d’établir la vérité et de garantir la justice concernant la crise post-électorale. Dans un laps de temps réduit, il a mis en place une Commission nationale d’enquête (CNE) le 15 juin 2011, une Cellule spéciale d’enquête, le 24 juin 2011, et une Commission dialogue, vérité et réconciliation, le 13 juin 2011. Chacune sera analysée plus en détail ci-après. Le système de justice militaire gère également des affaires liées à la crise post-électorale.

Dans une interview accordée au quotidien Le Monde en janvier 2012 et lors d’une visite effectuée dans l’ouest de la Côte d’Ivoire en avril 2012, Ouattara a assuré que sa présidence serait définie par une « justice équitable » et la fin de l’impunité, qu’il a qualifiée de « drame » pour le pays. [27] Il n’en demeure pas moins que 22 mois après l’issue du conflit, les autorités ivoiriennes n’ont arrêté ou inculpé que des individus du camp Gbagbo pour des crimes en rapport avec la crise post-électorale. En l’absence de mesures rapides et déterminées, le gouvernement Ouattara risque de poursuivre le « drame » principal dont le pays est le théâtre : l’impunité pour ceux qui sont liés au pouvoir.

La Commission nationale d’enquête

La Commission nationale d’enquête a été mise sur pied peu après la publication d’un rapport rédigé par une commission d’enquête internationale, créée sous l’égide du Conseil des droits de l’homme de l’ONU en mars 2011 à la requête du gouvernement du Président Ouattara.[28] Le rapport de la commission d’enquête internationale, présenté lors de la 16e session du Conseil des droits de l’homme le 15 juin 2011, a conclu que de nombreuses violations des droits humains et du droit international humanitaire avaient été commises par toutes les parties au conflit.[29] L’une de ses recommandations principales était d’assurer que les responsables de ces violations soient traduits en justice.[30]

La Commission nationale d’enquête a entamé ses travaux sur le terrain en janvier 2012, son mandat étant d’enquêter sur les violations présumées des droits humains et du droit international humanitaire perpétrées au cours de la crise post-électorale. [31] Elle a été instaurée en tant que commission administrative, non pas judiciaire, ce qui signifie qu’elle ne s’est pas employée à mettre le doigt sur les responsabilités pénales individuelles. [32] Avant même la publication de ses conclusions, le Président Ouattara a invoqué les travaux de la commission pour prouver son attachement à une justice impartiale et il a promis de veiller à ce que toute personne mise en cause dans le rapport de la commission fasse l’objet d’une enquête judiciaire. [33] Le Président Ouattara avait initialement indiqué que la commission conclurait ses travaux fin février ou début mars, suscitant des inquiétudes quant au fait qu’elle pourrait ne pas avoir le temps ou l’indépendance nécessaires pour remplir son mandat. [34] Ce mandat a au final été prolongé et la commission a publié un résumé public de son rapport en août 2012 ; une annexe confidentielle a été envoyée au Premier ministre et au ministre de la Justice.

Une analyse approfondie du résumé de la commission dépasse le cadre du présent rapport. Néanmoins, l’une des conclusions les plus importantes de la commission est que des crimes ont été commis à la fois par les forces fidèles à Gbagbo et par les forces fidèles à Ouattara. Le résumé fournit également une ventilation approximative des violations cumulées des droits humains—entre autres les exécutions sommaires et les actes de tortures ayant entraîné la mort—qu’auraient commises ces groupes au cours de la crise. [35]

Le travail de la Commission nationale d’enquête insiste sur le besoin d’une justice impartiale. En discutant du rapport de la commission, le ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Gnénéma Coulibaly, a déclaré à Human Rights Watch, « Personne ne peut dire [maintenant] … qu’un seul camp est responsable [des exactions]. Chaque camp est responsable et chaque camp doit admettre son niveau de responsabilité ». [36] L’ouverture d’une enquête judiciaire à l’encontre des individus soupçonnés d’avoir perpétré les violations décrites dans le rapport, quelle que soit leur affiliation politique, était l’une des recommandations principales de la commission. [37] Tant le ministre actuel de la Justice qu’un militant de la société civile interrogé par Human Rights Watch avaient le sentiment que puisque qu’il avait été produit par un organisme national, le rapport de la commission avait contribué à dépolitiser l’idée que les deux camps avaient commis des crimes effroyables, ce qui pourrait ouvrir la voie à des progrès dans les enquêtes judiciaires. [38]

La Cellule spéciale d’enquête

La Cellule spéciale d’enquête a été créée par le gouvernement par arrêté interministériel en réponse au nombre de crimes commis au cours de la crise et au constat que les tribunaux ne fonctionnaient pas encore au lendemain de la crise. [39] La Cellule spéciale d’enquête est rattachée au Tribunal de première instance d’Abidjan et est chargée de mener des enquêtes judiciaires en lien avec les événements survenus en Côte d’Ivoire depuis le 4 décembre 2010. [40] Elle traite trois volets d’enquêtes ouvertes à la suite de la crise : les atteintes à la sûreté de l’État, les crimes économiques et les crimes de sang. Elle est composée d’un procureur de la République, de trois substituts du procureur de la République et de trois juges d’instruction. De hauts responsables du cabinet du ministre de la Justice précédent ont signalé que trois juges d’instruction supplémentaires seraient affectés à la cellule. Cela n’avait toutefois pas encore été fait au moment de la rédaction du présent rapport. [41] Par ailleurs, le tribunal militaire d’Abidjan a clôturé un grand procès pour crimes post-électoraux, au cours duquel cinq anciens responsables militaires de Gbagbo, dont le Général Bruno Dogbo Blé, l’ex-chef de la Garde républicaine, ont été jugés coupables d’enlèvement et de meurtre. Dogbo Blé a été condamné à 15 ans de prison. [42]

Des membres du personnel de la Cellule spéciale d’enquête, des responsables du Ministère de la Justice et quelques militants de la société civile ont cité la création de la Cellule spéciale d’enquête pour prouver qu’il y avait dans le chef du gouvernement une certaine volonté politique de réclamer des comptes aux auteurs de crimes post-électoraux. [43] Certes, la création d’une unité spécialisée chargée des enquêtes et poursuites à l’encontre des auteurs de crimes internationaux graves peut aider les procureurs, les juges d’instruction et les officiers de police judiciaire à acquérir le savoir-faire nécessaire pour gérer ces affaires souvent complexes. [44] Des progrès ont été réalisés sur la voie de l’obligation de rendre des comptes : plus de 150 individus ont été inculpés de crimes post-électoraux, parmi lesquels Simone Gbagbo, l’épouse de l’ex-Président Laurent Gbagbo, et Charles Blé Goudé, ministre de la Jeunesse de Gbagbo durant la crise. [45]

Il n’en demeure pas moins qu’à ce jour, aucune des personnes inculpées de crimes post-électoraux ne provient des forces pro-Ouattara.[46] L’absence de poursuites à l’encontre des forces pro-Ouattara est d’autant plus lourde de sens que la commission d’enquête internationale, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire, la Fédération internationale des ligues des droits de d’Homme, Human Rights Watch, Amnesty International, le Regroupement des Acteurs Ivoiriens des Droits de l’Homme, et même la Commission nationale d’enquête du Président Ouattara sont arrivés à la conclusion qu’il était probable que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité aient été perpétrés par les forces pro-Ouattara. [47] Cette approche tronquée de la lutte contre l’impunité adoptée à ce jour étaye le sentiment largement répandu en Côte d’Ivoire que le gouvernement ne veut poursuivre que des membres du camp Gbagbo.[48]Les deux derniers rapports de l’expert indépendant de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire s’inquiètent également de l’absence d’impartialité lorsqu’il s’agit de justice pour les crimes post-électoraux.[49]

La justice à sens unique exercée à ce jour en Côte d’Ivoire contraste radicalement avec les promesses fréquentes de justice impartiale formulées par le gouvernement du Président Ouattara. [50]

Plusieurs militants de la société civile et deux hauts diplomates en poste à Abidjan ont déclaré à Human Rights Watch que l’approche partiale de l’obligation de rendre des comptes était en partie due au contrôle précaire qu’exerce encore le Président Ouattara sur l’armée. [51] Un haut diplomate s’est inquiété du fait que même les poursuites contre de simples soldats ou des commandants de rang inférieur des FRCI pourraient menacer la sécurité. [52] Plusieurs dirigeants d’une association professionnelle ivoirienne ont également indiqué que la vague d’attaques contre des installations militaires ivoiriennes en août et septembre 2012 a réduit davantage encore les perspectives de lutte impartiale contre l’impunité ; d’aucuns ont estimé que le pays avait besoin d’instaurer une certaine stabilité avant que l’obligation de rendre des comptes ne puisse être appliquée en toute impartialité. [53]

La Côte d’Ivoire a effectivement été confrontée à de réelles menaces pour sa sécurité nationale au cours du second semestre de 2012. Et la nature de certaines de ces attaques, conjuguée à d’autres éléments de preuve crédibles, est venue étayer la théorie du gouvernement ivoirien selon laquelle bon nombre de ces attaques étaient menées par des militants pro-Gbagbo. [54]

Mais plutôt que d’être le signe qu’il ne faut pas exercer de justice impartiale, ces récentes menaces pour la sécurité montrent aux autorités qu’il faut de toute urgence que la Cellule spéciale d’enquête progresse dans ses enquêtes sur les crimes commis par les deux camps. La non-traduction en justice des auteurs présumés de crimes graves risque d’encourager ces individus et d’autres à continuer de recourir aux mêmes types d’exactions lors de moments de tension. C’est précisément ce qui est arrivé lorsque des menaces se sont posées pour la sécurité au mois d’août dernier, à la suite desquelles des membres des Forces républicaines se sont livrés à des violations généralisées des droits humains à l’encontre de jeunes hommes des groupes ethniques pro-Gbagbo, notamment des arrestations arbitraires massives, des détentions illégales, des actes d’extorsion, des traitements cruels et inhumains et, dans certains cas, des actes de torture. [55]

Dans un rapport publié en novembre 2012, Human Rights Watch a établi que bon nombre des exactions les plus graves avaient été perpétrées par des soldats placés sous le commandement d’Ousmane Coulibaly, connu sous son nom de guerre « Ben Laden ». Ce dernier avait également été mis en cause par Human Rights Watch lors de la crise post-électorale comme étant l’un des dirigeants des FRCI sous le commandement duquel des soldats s’étaient livrés à des dizaines d’exécutions sommaires et à de fréquents actes de torture lors de la bataille finale pour Abidjan en avril et mai 2011. [56] L’impunité rend d’autant plus probable le fait que les mêmes auteurs reproduisent les mêmes crimes. Les brutalités qui continuent d’être commises par l’armée ivoirienne, et en particulier la prise pour cible de personnes en grande partie sur la base de leur appartenance ethnique et de leur préférence politique présumée, risquent d’alimenter davantage encore les dangereuses divisions communautaires à la source des menaces pour la sécurité.

L’impunité chronique alimente les épisodes répétés de violence dont la Côte d’Ivoire est le théâtre depuis plus de dix ans, démontrant que la justice, outre le fait d’offrir aux victimes la réparation qu’elles méritent, est cruciale pour assurer une stabilité durable. Comme l’a expliqué un acteur de la société civile : « La justice doit procéder [de manière impartiale] pour que réconciliation il y ait. Il y avait la même haine, la même animosité dans les tueries commises par les deux camps. Si nous reconnaissons cela et que la justice vise équitablement les deux camps, cela réduira les tensions ». [57]

L’impérieuse nécessité de rendre la justice pour les crimes internationaux graves n’amoindrit pas les difficultés qui se posent au moment de le faire. Réclamer des comptes ne fût-ce qu’aux suspects subalternes au sein des forces qui ont aidé à arrêter Gbagbo et à consolider la mainmise du gouvernement actuel sur le pouvoir peut se révéler profondément impopulaire. Dans une société divisée telle que la Côte d’Ivoire, une opposition à une justice impartiale peut voir le jour non seulement dans le chef de possibles cibles mais également parmi les segments de la population qui croient encore fermement que les crimes perpétrés par les partisans de Ouattara se justifiaient compte tenu des circonstances. Des mesures allant dans le sens d’une justice impartiale risquent fort de susciter un mouvement d’indignation.

En même temps, en l’absence de justice pour mettre un terme à la culture de l’impunité, l’Histoire risque de se répéter. Un autre acteur de la société civile a résumé la situation de la façon suivante : « Si nous restons sur le chemin que nous suivons actuellement, nous allons retourner là où nous étions auparavant. Il y aura une autre crise … L’impunité d’aujourd’hui conduit aux crimes de demain ». [58] De fait, l’idée que l’impartialité de la justice constitue un ingrédient essentiel de la réconciliation était largement partagée par les personnes interrogées par Human Rights Watch en vue du présent rapport, tout comme le sentiment d’inquiétude selon lequel son absence alimenterait la violence à l’avenir. [59] Faire abstraction de la justice entraîne simplement des conséquences trop lourdes. Au demeurant, l’adoption de mesures visant à poursuivre les personnes affiliées au gouvernement au pouvoir et soupçonnées d’avoir commis des crimes internationaux graves peut contribuer fortement à inspirer confiance dans l’État de droit. [60]

La Commission dialogue, vérité et réconciliation

Présidée par l’ex-Premier Ministre Charles Konan Banny, la Commission dialogue, vérité et réconciliation est composée de trois vice-présidents et de sept commissaires représentant les différents horizons géographiques de la Côte d’Ivoire et la diaspora ivoirienne. [61] Les objectifs énoncés par la CDVR sont de faire la lumière sur les causes profondes de la crise post-électorale, de recenser les faits et les types de violations et de créer les conditions nécessaires pour que le pays surmonte ce lourd héritage à travers la réconciliation et la reconnaissance des victimes. [62] La commission peut également formuler des recommandations en matière de réformes institutionnelles en vue d’améliorer la protection des droits humains. [63]

Au cours de la phase préparatoire, les membres de la CDVR ont parcouru le pays pour lancer le processus de réconciliation et informer le public à propos de la mission de la CDVR. Cette phase s’est conclue par la période de deuil et de purification. [64] La CDVR a ensuite rencontré des représentants des communautés et sollicité l’apport de l’ensemble de la population sur la façon de donner effet à l’ordonnance portant création de la commission. Selon un haut responsable de la CDVR interrogé en vue du présent rapport, les Ivoiriens n’ont cessé de souligner que la CDVR devrait couvrir les événements à dater de 2002. [65] Ce responsable a également exprimé sa préoccupation quant au fait que la justice à sens unique menée actuellement pour les crimes post-électoraux pourrait porter atteinte à la mise en œuvre du mandat de la CDVR. [66]

Au moment où Human Rights Watch a réalisé son travail de terrain, la CDVR était encore en pleine phase de rencontres avec les communautés pour discuter, en langues locales, de sa mission et de son mandat. [67] Le mandat de la commission devrait s’achever en septembre 2013, date à laquelle elle est censée avoir enregistré et corroboré les dépositions des victimes, des témoins et des auteurs de crimes ; rédigé un rapport de conclusions ; et fixé les réparations appropriées, financières et symboliques. [68] Par ailleurs, la CDVR a proposé la création de 36 sous-commissions à travers le pays. Au moment où ont été écrites ces lignes, au moins 23 de ces commissions devaient être opérationnelles pour poursuivre les consultations avec les populations locales. [69]

Une analyse en profondeur du travail de la CDVR dépasse le cadre du présent rapport. Des responsables de la CDVR ont fait part de leur frustration à Human Rights Watch, signalant que les progrès qu’ils opéraient étaient très lents, en partie à cause d’un manque de financement gouvernemental. [70] La commission a pourtant reçu des financements du gouvernement, outre des fonds externes provenant, entre autres, du Fonds de l’ONU pour la consolidation de la paix, de l’Union économique et monétaire ouest-africaine et de la Banque africaine de développement. [71] Dans ses travaux, la CDVR se heurte également à la résistance du Front Populaire Ivoirien (FPI) pro-Gbagbo. [72] En octobre 2012, le Président Ouattara et le président de la CDVR Banny se sont rencontrés pour redynamiser le travail de la commission. [73]

Par ailleurs, au moment de la rédaction du présent rapport, la CDVR n’avait pas encore établi de relations officielles avec la Cellule spéciale d’enquête. [74] Ceci est préoccupant car les deux institutions ont pour mandat d’enquêter sur les mêmes événements, ce qui signifie qu’elles seront souvent à la recherche des mêmes informations, de financements et de témoins, y compris de détenus peut-être déjà en détention préventive. Les enseignements tirés de l’expérience de ce type d’opération simultanée en Sierra Leone avec une commission vérité et réconciliation d’une part, et un tribunal spécial exerçant une compétence pénale d’autre part, mettent en lumière l’importance que revêt l’établissement, dès le départ, de relations et de modalités claires pour remédier aux différends qui surgissent entre les deux institutions. [75] Des efforts sont fournis pour mettre en place une plate-forme visant à permettre un partage des informations et une coordination entre toutes les institutions de justice transitionnelle en Côte d’Ivoire, mais au moment où sont écrites ces lignes, ils n’ont pas encore abouti. [76] Human Rights Watch estime que le ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés publiques devrait faire pression pour qu’un arrangement en ce sens soit conclu dans les plus brefs délais.

Mesures internationales visant à traduire en justice les responsables

Au vu des épisodes répétés de violence politico-militaire qui affectent la Côte d’Ivoire depuis plus de dix ans, il n’est pas surprenant que l’appel à l’exercice d’une justice internationale pour les crimes internationaux graves commis en Côte d’Ivoire ait été lancé de longue date. En avril 2003, le Président de l’époque, Laurent Gbagbo, a présenté une déclaration au titre de l’article 12(3) du Statut de Rome, soumettant la Côte d’Ivoire à la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) pour les crimes relevant de sa compétence et commis depuis le 19 septembre 2002. [77] La validité de cette déclaration a été confirmée par le Président Ouattara en décembre 2010, lorsqu’il a demandé à la CPI d’examiner les crimes perpétrés depuis mars 2004. [78] La requête a été réaffirmée en mai 2011, mais il a alors demandé à la CPI de limiter son enquête aux crimes commis après le 28 novembre 2010. [79]

En octobre 2011, les juges de la CPI ont autorisé le procureur de l’époque, Luis Moreno-Ocampo, à ouvrir une enquête propio motu, initialement pour les crimes commis après le 28 novembre 2010. Les juges de la CPI ont par la suite élargi le champ de l’enquête pour y inclure les crimes commis après le 19 septembre 2002, sur la base de la demande initiale introduite par le gouvernement Gbagbo en 2003. [80] Une fois ouverte, l’enquête a, au départ, progressé rapidement : fin novembre 2011, l’ex-Président Gbagbo a été arrêté en vertu d’un mandat d’arrêt de la CPI l’accusant d’être un co-auteur indirect pour quatre chefs de crimes contre l’humanité perpétrés dans le contexte de la crise post-électorale. [81] Le 29 novembre 2011, les autorités ivoiriennes l’ont remis à la CPI à La Haye, où il est actuellement en détention dans l’attente d’une décision des juges de la CPI établissant s’il existe suffisamment d’éléments de preuve pour aller au procès. [82] Fin novembre 2012, la CPI a levé les scellés sur un mandat d’arrêt—émis à l’origine en février 2012—à l’encontre de l’épouse de l’ex-Président Gbagbo, Simone Gbagbo. Cette dernière est également inculpée pour quatre chefs de crimes contre l’humanité qui auraient été commis lors de la même période. [83] Au moment où sont écrites ces lignes, elle est toujours en détention préventive en Côte d’Ivoire où elle est accusée, entre autres crimes, de génocide pour des actes commis lors de la crise post-électorale. [84] Le gouvernement a indiqué qu’il « examine de près » la demande de la CPI aux fins de son arrestation et remise à la cour. [85] Human Rights Watch recommande vivement au gouvernement ivoirien d’honorer l’obligation qui lui incombe aux termes du Statut de Rome de coopérer avec la CPI et de remettre Simone Gbagbo à la cour, une alternative étant de contester la recevabilité de son affaire devant la CPI parce qu’elle est poursuivie par les autorités nationales pour les mêmes événements.

Le Bureau du Procureur (BdP), dirigé aujourd’hui par Fatou Bensouda, a indiqué que son enquête se poursuivait de manière impartiale. [86] En dépit des multiples éléments prouvant l’existence de crimes commis par les forces pro-Ouattara et pouvant relever de la compétence de la CPI, personne n’a été inculpé à ce jour. [87] L’absence de poursuites du BdP à l’encontre des forces pro-Ouattara est le reflet de son approche « séquentielle », à savoir que le bureau mène son travail d’enquête sur un groupe à la fois—ce qui signifie qu’il conclura son enquête sur le camp Gbagbo avant d’engager une procédure contre les forces pro-Ouattara. [88]

Human Rights Watch a conscience des défis auxquels est confrontée la CPI, lesquels rendent probablement difficile l’engagement d’une procédure visant tous les groupes en même temps, du moins au départ. La compétence étendue de la CPI signifie que le procureur peut agir simultanément, et il le fait, dans un certain nombre de pays dont les situations n’ont aucun lien, utilisant au maximum ses ressources limitées. Par ailleurs, le bureau dépend dans une certaine mesure de la permission du gouvernement pour pouvoir entrer dans le pays afin, notamment, d’enquêter sur les scènes de crime et d’interroger les témoins. Dans ce contexte, procéder de manière incrémentielle présente un attrait auquel il peut sembler impossible de résister, surtout si le gouvernement est prêt à coopérer dans le cadre d’une procédure contre l’un des camps. En Côte d’Ivoire, le gouvernement Ouattara était effectivement disposé à aider la CPI à monter rapidement un dossier contre Gbagbo, craignant en particulier que le fait que Gbagbo reste dans le pays constitue une menace permanente pour la sécurité. D’un point de vue pratique, l’incitation du gouvernement ivoirien à coopérer avec la CPI était importante car il cherchait à atteindre son objectif premier : une remise rapide de Gbagbo à la CPI.

Cependant, des militants de la société civile ivoirienne ont expliqué à Human Rights Watch que l’action engagée rapidement contre Gbagbo avait en réalité diminué l’influence dont pouvait user la cour sur les autorités ivoiriennes pour obtenir sa coopération, en particulier dans le cas d’actions de la CPI contre des membres des forces fidèles au gouvernement. [89] Si le Bureau du Procureur avait enquêté sur les accusations et émis des mandats d’arrêt à l’encontre d’auteurs présumés des deux camps simultanément, il se serait trouvé davantage en position de force pour que ses demandes soient exécutées. L’adoption d’une approche simultanée plutôt que séquentielle était une option viable, étant donné que de nombreuses victimes de crimes commis par les forces pro-Ouattara auraient pu facilement être trouvées dans les camps de réfugiés, les camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays, ou par l’intermédiaire de chefs coutumiers et de quartier dans les zones pro-Gbagbo.

À mesure que le temps s’écoule sans qu’aucune action ne soit engagée contre qui que ce soit dans le camp Ouattara, la CPI est de plus en plus considérée comme se livrant à un « jeu politique » en Côte d’Ivoire, alimentant le sentiment qu’un seul camp a accès à la justice. [90] Des militants de la société civile ivoirienne et d’autres personnes ont déclaré que le retard dans l’enquête associé à l’approche séquentielle avait porté atteinte à la crédibilité de la CPI au sein de l’ensemble de la population. [91] Dans un pays où il est tellement important que la CPI affirme sa légitimité en s’érigeant en modèle, l’indépendance et l’impartialité de la cour sont aujourd’hui régulièrement mises en doute.

L’approche séquentielle de la CPI a non seulement nui à sa crédibilité, mais elle a également eu un malheureux effet d’entraînement en Côte d’Ivoire. Comme l’a fait remarquer un acteur de la société civile interrogé par Human Rights Watch,

Beaucoup d’Ivoiriens attendent que [la CPI] inculpe quelqu’un du camp Ouattara. Si elle s’arrête à Gbagbo, il y aura un problème. Si elle s’en prend à quelques autres personnes du camp Gbagbo [sans personne du camp Ouattara], il y aura un problème. La CPI doit être un exemple d’équité et d’impartialité pour notre système judiciaire, mais au lieu de cela, elle a les mêmes problèmes que nous ici. Elle montre au gouvernement ici qu’il est acceptable de progresser lentement [vers la tenue de procès contre les pro-Gbagbo] et de manière partiale. [92]

De fait, Guillaume Soro, ex-Premier ministre de Ouattara et actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne, a insisté sur ce point lorsqu’il a été interrogé à propos de l’absence de justice pour les crimes perpétrés par les forces de son camp : « C’était précisément pour ne pas être accusés de pratiquer la justice du vainqueur que nous avons fait intervenir la Cour pénale internationale … [à laquelle] les gens ne peuvent pas reprocher d’être complaisante ou de choisir un camp. … Jusqu’à présent, la CPI a été invitée à venir enquêter en Côte d’Ivoire. Pourtant, à ma connaissance, la CPI n’a délivré que quatre mandats d’arrestation, [tous contre le camp Gbagbo]. Vous conviendrez que la cour a pris ses décisions sur la base de ses enquêtes ». [93]

Dans ses messages publics concernant les affaires Gbagbo, la CPI n’a cessé de souligner l’impartialité des enquêtes en cours. [94] Ces déclarations sont certes importantes, mais elles ne suffisent tout simplement pas pour gérer à long terme les retombées d’une approche partiale—retombées qui ne touchent pas uniquement la réputation de la cour mais vont bien au-delà. La CPI devrait dès lors poursuivre son enquête sur les membres des forces pro-Ouattara qui pourraient avoir commis des crimes relevant de la compétence de la cour afin d’engager des poursuites dans les plus brefs délais, si les éléments de preuve le permettent. La délivrance de mandats d’arrêt à l’encontre de membres des forces pro-Ouattara renforcerait l’impartialité de la CPI, et elle pourrait de surcroît réellement ouvrir la voie pour que les parquets et les autorités judiciaires fassent la même chose en Côte d’Ivoire. D’autres recommandations formulées à l’intention de la CPI seront analysées au chapitre IV du présent rapport.

III. Défis à relever pour traduire en justice les responsables de crimes

Le fréquent recours à la violence en Côte d’Ivoire pour résoudre les différends autour de questions allant de la politique aux conflits fonciers met en évidence la faiblesse de l’État de droit dans le pays, phénomène également attisé par le manque de justice crédible pour les crimes graves perpétrés lors des dix années de violence qui ont précédé les élections de 2010. Même avant la crise post-électorale de 2010-2011, le système judiciaire était affecté par une insuffisance de ressources matérielles et financières, l’inefficacité de ses procédures, la politisation de son personnel, l’inadéquation des systèmes de gestion des dossiers, la corruption et sa mauvaise image publique. La restauration de l’État de droit représente une tâche énorme, d’une ampleur plus grande encore depuis la crise post-électorale. [95]

Dans le sud du pays, dix-sept des vingt-six tribunaux ont été en partie endommagés ou pillés durant cette période ; les tribunaux ont véritablement cessé de fonctionner. Dans le nord, les juges et les procureurs venaient juste de commencer à regagner leurs postes après plus de sept années au cours desquelles les rebelles des Forces Nouvelles avaient contrôlé cette partie du pays, y compris les fonctions policières et judiciaires qu’ils avaient occupées de facto. Bon nombre de fonctionnaires judiciaires du nord ont à nouveau abandonné leurs postes après la reprise du conflit. Beaucoup de prisons du sud ont également subi des dégâts lorsque les groupes armés de l’un ou l’autre camp en ont enfoncé les portes pour créer le chaos ou cibler de nouvelles recrues. Au terme du conflit, rares étaient les installations pénitentiaires qui fonctionnaient encore dans le sud ; dans le nord, seules trois des onze prisons étaient opérationnelles avant la crise. [96]

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement du Président Ouattara a adopté des mesures visant à remédier à ces lacunes flagrantes. Il a fait passer de 2 à 3 pour cent la proportion du budget national consacrée au secteur judiciaire sur une période de cinq ans. [97] De même, les bailleurs de fonds ont injecté des millions de dollars dans le secteur judiciaire pour soutenir les efforts nationaux de réhabilitation de l’ensemble du système. En avril 2012, le Ministère de la Justice a mis au point une stratégie d’orientation nationale en matière de justice, qui sert de base aux interventions du gouvernement, des Nations Unies, de l’Union européenne et d’autres partenaires, dans les secteurs judiciaire et pénitentiaire de 2012 à 2015. [98] Au moment où ont été écrites ces lignes, le plan d’action correspondant, qui identifie comment les priorités seront mises en œuvre et qui servira de feuille de route aux partenaires internationaux qui appuient la réforme du système judiciaire, devait encore être finalisé par le Ministère de la Justice. [99]

Comme mentionné plus haut au chapitre II, le Président Ouattara a spécifiquement souligné dans ses discours le besoin d’une justice indépendante et impartiale pour s’attaquer au problème omniprésent d’impunité pour les crimes graves. La Cellule spéciale d’enquête, la Commission nationale d’enquête et la Commission dialogue, vérité et réconciliation constituent assurément des mesures allant dans ce sens. Mais l’absence de justice pour les atrocités commises par les forces pro-Ouattara met en lumière l’abîme croissant entre le discours et la réalité. Davantage d’actions concrètes sont nécessaires pour rendre une justice indépendante et impartiale.

Il existe un certain nombre de domaines dans lesquels le gouvernement Ouattara et les bailleurs de fonds pourraient fournir une assistance pratique pour déboucher sur des résultats en termes d’obligation de rendre des comptes pour les crimes internationaux graves. D’un point de vue général, compte tenu de la complexité des procédures relatives aux crimes internationaux graves, toutes les personnes engagées dans la poursuite, les procès et la défense des suspects accusés de crimes internationaux graves tireraient profit d’une formation pratique ciblée visant à développer leurs capacités. Ces formations devraient répondre aux réels besoins identifiés par les praticiens travaillant sur ce type d’affaires. Par exemple, les procureurs pourraient recevoir une formation sur la façon d’utiliser les modes de responsabilité existant au regard du droit ivoirien pour cibler les hauts responsables qui ont ordonné la commission de crimes internationaux graves ou se sont mis en défaut de réagir comme il convient face à la commission de tels crimes. [100] Des ateliers—pour les procureurs, les juges et les avocats de la défense—comparant les éléments des crimes, les modes de responsabilité et les moyens de défense pertinents prévus dans le Statut de Rome avec ceux prévus dans la législation nationale pourraient également s’avérer utiles.

Les autres domaines dans lesquels le gouvernement—avec l’assistance des bailleurs de fonds si besoin est—pourrait fournir un soutien matériel et technique pour aider les autorités judiciaires et les parquets à renforcer leurs compétences en matière d’affaires de crimes internationaux graves sont notamment les suivants : renforcer l’indépendance des juges et des procureurs, renforcer les poursuites en signalant aux procureurs le besoin de mettre en place une stratégie plus efficace et plus transparente en matière de poursuites, améliorer les capacités d’enquête en fournissant un soutien matériel et technique en fonction des besoins, consolider la base juridique de la Cellule spéciale d’enquête, améliorer le respect du droit des accusés à un procès équitable, instaurer un système efficace de protection des témoins, et renforcer la sécurité des juges, des procureurs, et des avocats de la défense. Chacun de ces domaines sera analysé plus en profondeur ci-après.

Renforcer l’indépendance des juges et des procureurs

L’indépendance des juges, en d’autres termes leur capacité réelle et perçue d’agir à l’abri de toute influence politique, est la pierre angulaire de la démocratie, de la bonne gouvernance et de l’État de droit. Les juges doivent également être à même de résister à la tentation de contourner la loi dans leur intérêt personnel, à la fois en apparence et dans la réalité. Ce n’est que lorsque les juges et les procureurs peuvent travailler et donnent l’impression de travailler à l’abri de toute influence et de toute corruption qu’ils sont capables de statuer sur des affaires de manière impartiale—principale condition préalable pour gagner la confiance de la population dans l’administration de la justice. L’indépendance et l’impartialité sont cruciales lorsqu’il s’agit de juger des affaires de crimes internationaux graves, lesquelles sont particulièrement sensibles car ces crimes sont souvent commis pour des motifs ethniques ou politiques et leurs instigateurs peuvent continuer à occuper des postes de pouvoir.

En même temps, ces principes essentiels sont plus fragiles dans les pays sortant d’un conflit ou de violences résultant de la complète déliquescence de l’État de droit, comme c’est le cas en Côte d’Ivoire. De hauts responsables du Ministère de la Justice interrogés par Human Rights Watch ont effectivement épinglé deux décisions judiciaires capitales, symboles de la politisation de la magistrature : la première, en 2000, lorsque la Cour suprême a déclaré qu’Alassane Ouattara, entre autres, n’avait pas le droit de se présenter comme candidat à l’élection présidentielle ; et la seconde, en 2010, lorsque le Conseil constitutionnel a annulé les résultats de la Commission électorale indépendante et déclaré le Président Gbagbo vainqueur du scrutin. [101] Des militants de la société civile et des responsables du gouvernement ont relevé que ces deux décisions étaient le reflet du manque d’indépendance de l’appareil judiciaire et avaient contribué à déclencher les violences politico-militaires qui ont débouché sur la perpétration d’atrocités à grande échelle.

La constitution ivoirienne reconnaît la séparation des pouvoirs entre les appareils exécutif et judiciaire et elle garantit l’indépendance de la magistrature, conformément aux normes internationales. [102] Dans la pratique, même s’il existe des juges qui agissent de manière indépendante, un militant de la société civile a signalé à Human Rights Watch qu’ils constituaient l’exception plutôt que la règle. [103] Selon le Département d’État américain, l’ingérence politique était endémique sous le gouvernement Gbagbo, et la corruption était généralisée parmi les juges et les procureurs qui se souciaient davantage de l’évolution de leur carrière que de l’application de la loi. [104]

L’image de l’appareil judiciaire n’a guère évolué depuis l’entrée en fonction du Président Ouattara : comme l’a fait remarquer un militant de la société civile, « les acteurs ont changé, mais le système reste le même ». [105] Plusieurs personnes interrogées en vue du présent rapport ont souligné que parce que les procureurs opéraient en vertu de la loi sous la tutelle du ministre de la Justice, il était extrêmement difficile pour eux d’agir de manière indépendante. [106] Le fait que ni le procureur de la République ni le procureur militaire n’aient engagé de poursuites à l’encontre des forces pro-Ouattara pour les crimes de sang commis dans le contexte de la crise vient encore renforcer le sentiment que les procureurs sont réticents ou incapables de lancer des procédures sensibles à l’encontre d’individus proches du pouvoir exécutif. [107]

Le gouvernement Ouattara a adopté des mesures visant à renforcer l’indépendance des juges, notamment en rédigeant un projet de loi relatif au Conseil supérieur de la Magistrature (CSM)—l’organe régissant la nomination des juges et les mesures disciplinaires à leur encontre—dans le but de protéger leur indépendance. Ce projet de loi concrétiserait l’obligation incombant au président aux termes de la constitution de suivre l’avis du conseil lors de la sélection des juges.[108] Au moment où ont été écrites ces lignes, le projet de loi était toujours en instance. Même si l’adoption de la loi constituerait une mesure positive, le président et le président de l’Assemblée nationale continueraient à détenir le pouvoir de nommer une majorité des juges au sein du CSM. Dès lors, un processus plus neutre de nomination des juges au sein du CSM s’avère nécessaire pour renforcer l’indépendance de l’institution et, au final, celle de l’appareil judiciaire. [109] Dans son document d’orientation d’avril 2012 mentionné plus haut, le gouvernement a identifié parmi ses priorités le renforcement de l’indépendance de la magistrature, entre autres en modifiant la constitution. [110]

Par ailleurs, le gouvernement a nommé un inspecteur général chargé de contrôler les services judiciaires et pénitentiaires. [111] Depuis janvier 2012, l’inspecteur général est habilité à ouvrir une enquête de sa propre initiative, et non plus seulement sur ordre du ministre de la Justice. [112] En octobre 2012, le gouvernement a annoncé que des procédures disciplinaires avaient été engagées à l’encontre de huit juges pour abus de pouvoir, extorsion de fonds et corruption. [113]

En ce qui concerne les procureurs, comme noté plus haut, bien qu’ils opèrent tous sous la tutelle du ministre de la Justice, cela ne doit pas être interprété comme une approbation par le système d’une ingérence politique injustifiée dans le travail des procureurs. Comme l’a relevé la rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, « il est important d’élaborer des principes directeurs clairs et adaptés ainsi que des codes de conduite et de déontologie, en vue de définir clairement les paramètres d’action et les pouvoirs des acteurs respectifs permettant de détecter, contester et réparer toute violation ou tout abus de pouvoir susceptible de se produire ». [114] Un système indépendant et impartial de répartition des affaires est également important pour protéger les procureurs de toute ingérence injustifiée. [115]

Human Rights Watch invite instamment le ministre de la Justice, en collaboration avec le procureur général et le procureur de la République, à prendre des mesures visant à protéger l’impartialité et l’indépendance des procureurs, notamment en élaborant et en appliquant systématiquement des principes directeurs et des codes de déontologie comme décrit plus haut, ainsi qu’en mettant en place un système indépendant et impartial de répartition des affaires. En outre, l’inamovibilité des procureurs est étroitement liée à leur indépendance réelle ou perçue. Leur révocation devrait être soumise à des règles strictes, incluant un cadre destiné à gérer les questions disciplinaires internes et les plaintes contre les procureurs, lesquels devraient pouvoir contester les décisions relatives à leur carrière.[116] À cet égard, le gouvernement pourrait vouloir envisager de mettre en place une section du CSM pour les procureurs. [117]

D’autres initiatives à long terme sont nécessaires pour induire un changement culturel dans l’appareil judiciaire et le pouvoir exécutif en ce qui concerne la lutte contre une culture qui tolère la corruption et l’ingérence politique. [118] Dans cette optique, le CSM devrait examiner des moyens, par exemple des ateliers ou autres séminaires de formation, visant à sensibiliser les juges et les procureurs au mandat du conseil, aux possibles menaces pesant sur l’indépendance des juges et des procureurs, ainsi qu’aux conséquences qu’engendre le fait de céder à l’ingérence politique et à la corruption. Les responsables de l’exécutif devraient envisager des mesures similaires pour sensibiliser les responsables politiques à la raison pour laquelle la séparation des pouvoirs est indispensable et à ce qu’il faudrait faire et ne pas faire pour l’appuyer.

Dans son rapport 2012 au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire a notamment évoqué l’importance de l’indépendance et de l’impartialité de la magistrature dans le jugement des auteurs de crimes commis lors de la crise post-électorale. [119] Son rapport 2013 a abordé plus en détail les préoccupations relatives à l’impunité dont continuent de jouir les forces gouvernementales, ainsi que le manque de justice impartiale à ce jour. [120] Dans la poursuite de son travail sur la justice pour les crimes graves commis en Côte d’Ivoire, l’expert indépendant devrait tout particulièrement envisager de suivre de près la question de l’indépendance et de l’impartialité de la justice. En effet, mettre davantage en lumière les obstacles à l’indépendance des juges et des procureurs et formuler des recommandations visant à y remédier pourraient aider les autorités nationales à s’attaquer plus efficacement à ces problèmes, avec le soutien des bailleurs de fonds si besoin est.

Par ailleurs, compte tenu de la faiblesse dont fait preuve depuis longtemps le système judiciaire en matière d’indépendance et d’impartialité, le Président Ouattara devrait envisager de recourir au mandat du rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats. Une partie importante du travail du rapporteur spécial consiste à effectuer des visites dans les pays pour évaluer plus en profondeur la situation du pouvoir judiciaire et de l’ensemble du système juridique et, lorsque cela s’avère nécessaire, formuler des recommandations en vue de leur amélioration. [121] La visite du rapporteur spécial dans un pays peut se faire selon l’une des deux modalités suivantes : soit à la suite d’une demande de visite introduite par le rapporteur spécial auprès du gouvernement concerné, soit sur l’invitation directe du gouvernement. Les deux scénarios requièrent l’accord du gouvernement avant que la mission ait lieu. [122]

Renforcer les poursuites

Élaborer une stratégie plus globale en matière de poursuites

Une stratégie bien élaborée en matière de poursuites est indispensable pour définir des priorités et établir des lignes directrices afin de concrétiser ces priorités. Étant donné que les crimes internationaux graves concernent, de par leur nature, des centaines, voire peut-être des milliers de victimes, l’élaboration d’une bonne stratégie est particulièrement importante pour utiliser au mieux les ressources limitées allouées aux poursuites. Les éléments non confidentiels de la stratégie devraient également être publiés afin de mieux faire comprendre la stratégie au public—facteur important pour instaurer la confiance et faciliter les enquêtes—et afin de gérer les attentes des victimes par rapport à ce que le système judiciaire peut apporter. [123]

Cependant, dans un pays tel que la Côte d’Ivoire où le système judiciaire ne fonctionne pas efficacement depuis des années, l’expérience sur laquelle s’appuyer pour élaborer cette stratégie est restreinte. Compte tenu de cette expérience limitée, conjuguée au caractère sensible des poursuites contre les forces pro-Ouattara, il n’est peut-être pas surprenant que la Cellule spéciale d’enquête ait calqué sa méthode sur celle de la Cour pénale internationale (CPI) en adoptant une approche séquentielle pour ses poursuites : des membres du personnel de la cellule ont expliqué à Human Rights Watch que les procureurs se concentreraient en premier lieu sur les forces pro-Gbagbo, avant de se tourner ensuite vers les auteurs présumés de crimes internationaux graves parmi les partisans de Ouattara. [124] Cette approche a été reflétée dans le travail réalisé à ce jour par la Cellule spéciale d’enquête, des poursuites n’ayant été engagées que contre des accusés appartenant au camp Gbagbo.

Comme expliqué plus haut, presque tous les acteurs de la société civile interrogés en vue du présent rapport ont fait part de leur frustration face à l’impunité dont continue de jouir l’une des parties au conflit.

La poursuite de l’approche séquentielle a ébranlé la confiance dans l’indépendance et l’impartialité du système judiciaire ivoirien. En raison de cette méfiance, il est moins probable que des victimes et des témoins se présentent spontanément, les juges d’instruction et les officiers de police judiciaire devant dès lors être plus proactifs pour monter des dossiers contre des membres des forces pro-Ouattara. De fait, des membres du personnel de la Cellule spéciale d’enquête ont indiqué que bien que le bureau ne fasse pas de distinction entre les victimes lorsqu’il s’agit d’ouvrir un dossier, peu de victimes de crimes commis par les FRCI se sont présentées avec des informations sur de possibles crimes. [125]

Les vagues promesses selon lesquelles des membres du camp Ouattara finiront aussi par être visés ne suffisent pas pour calmer l’impatience grandissante de nombreux Ivoiriens face au statu quo. Il se révèle indispensable d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie plus globale en matière de poursuites—qui inclue les critères utilisés par les procureurs pour prendre leurs décisions concernant la sélection des affaires. Afin de procéder plus efficacement, le personnel de la Cellule spéciale d’enquête, sous la direction du procureur de la République et avec le soutien du gouvernement et des bailleurs de fonds si besoin est, devrait envisager de réaliser un exercice de cartographie pour dresser une liste exhaustive des crimes perpétrés par région lors de la période post-électorale, en désignant les personnes suspectes si cela s’avère possible. [126] Cette cartographie pourrait servir de base à la formulation d’hypothèses initiales d’enquête en donnant une idée de l’ampleur des violations, en décelant les types de violations et en identifiant des pistes potentielles ou des sources de preuve. [127] Le rapport de la Commission nationale d’enquête et son annexe confidentielle l’ont peut-être déjà fait dans une certaine mesure et peuvent constituer un point de départ utile pour cet exercice. Néanmoins, étant donné que la commission n’est pas investie d’un mandat judiciaire, la Cellule spéciale d’enquête devra probablement entreprendre certains travaux complémentaires pour engager des procédures pénales à l’encontre d’auteurs individuels.

À partir des résultats de l’exercice de cartographie, le personnel de la Cellule spéciale d’enquête pourrait identifier des priorités plus spécifiques pour le bureau, telles que se concentrer sur les crimes les plus graves, cibler les hauts responsables, ou poursuivre les auteurs de certains crimes qui revêtent une importance particulière en Côte d’ivoire, par exemple les attaques contre les minorités et les violences basées sur le genre. [128] La stratégie pourrait également inclure des informations relatives aux facteurs que le bureau prend en compte lorsqu’il met en œuvre ces priorités, notamment la disponibilité des témoins, la qualité des éléments de preuve et la complexité juridique de l’affaire. [129] S’appuyant sur un document stratégique plus complet, le procureur de la République et les juges d’instruction pourraient alors élaborer un plan d’enquête plus stratégique—principalement des lignes directrices concernant la façon de structurer les enquêtes et de recueillir des preuves pour soutenir les priorités identifiées dans le document stratégique conformément aux normes juridiques applicables. [130]

Les parties non confidentielles de l’exercice de cartographie et de la stratégie en matière de poursuites devraient être publiées afin de permettre une meilleure compréhension du travail du bureau, d’instaurer la confiance dans sa capacité à exécuter son mandat en toute indépendance et impartialité, et de gérer les attentes relatives aux résultats possibles. [131] Si le procureur de la République continuait à appliquer son approche séquentielle—en dépit des préoccupations soulevées par la société civile et d’autres personnes quant aux conséquences négatives de cette stratégie—le document stratégique à l’intention de la Cellule spéciale d’enquête devrait inclure des informations précises sur les raisons pour lesquelles cette approche est toujours en vigueur. Par ailleurs, une procédure séquentielle appliquée dans les poursuites contre les auteurs de crimes ne devrait pas empêcher de recueillir immédiatement des preuves contre tous les auteurs de crimes.

Fin février 2013, la coordinatrice de la Cellule spéciale d’enquête a fait part à Human Rights Watch de son engagement à élaborer une stratégie en matière de poursuites, avec l’aide de partenaires clés tels que l’Opération de l’ONU en Côte d’Ivoire (ONUCI), le Bureau des initiatives de transition de l’Agence américaine pour le développement international (USAID/OTI) et le Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ). [132] Cet engagement, dont il faut se réjouir, devrait se concrétiser dès que possible et inclure notamment la diffusion des parties non confidentielles de la stratégie auprès du grand public, comme expliqué plus haut.

Améliorer les enquêtes

Au regard du droit ivoirien, les juges d’instruction sont les principaux enquêteurs chargés d’instruire les accusations d’infractions pénales, avec l’aide de la police judiciaire si besoin est. [133] Le juge d’instruction peut être saisi d’une affaire par le procureur ou par des parties civiles. [134] Il verse au dossier les informations relatives au crime présumé et transmet le dossier au procureur s’il établit que les critères juridiques applicables pour poursuivre la procédure ont été remplis.

Trois juges d’instruction sont actuellement affectés à la Cellule spéciale d’enquête ; sous le ministre de la Justice précédent, le Ministère avait promis trois juges d’instruction supplémentaires, mais cette promesse n’avait pas encore été concrétisée au moment de la rédaction du présent rapport. Les modestes effectifs dont dispose actuellement la Cellule spéciale d’enquête semblent insuffisants ne fût-ce que pour gérer le grand nombre d’accusations criminelles découlant de la période post-électorale. Or, les autorités ivoiriennes ont encore augmenté le nombre de ses dossiers en 2012 après l’avoir habilitée à exercer sa compétence dans les affaires d’ « atteintes à la sûreté de l’État » liées aux accusations de projets de coup d’État et à la vague d’attaques lancées contre des installations militaires depuis le mois d’août 2012. Human Rights Watch estime que le Ministère de la Justice devrait nommer du personnel supplémentaire au sein de la Cellule spéciale d’enquête, dont des juges d’instruction, dans les plus brefs délais.

Le personnel de la Cellule spéciale d’enquête a fait quelques efforts, entre autres au moyen d’annonces à la radio et dans les journaux, pour encourager les témoins à se rendre à son bureau à Abidjan pour y faire une déposition. [135] Au moment des travaux de recherche réalisés en vue du présent rapport, très peu de témoins ou de victimes de crimes commis par les FRCI s’étaient présentés au bureau de la Cellule spéciale d’enquête à Abidjan. [136] Aucun système de protection des témoins n’a été mis en place, ce qui a un effet dissuasif sur certains témoins qui souhaiteraient se présenter. [137]

Selon des responsables de la Cellule spéciale d’enquête et du Ministère de la Justice, les juges d’instruction de ladite cellule ont entrepris des missions de terrain dans plusieurs régions de Côte d’Ivoire afin d’interroger des témoins des deux camps. [138] Les enquêtes de terrain sont indispensables et devraient être accrues, d’autant plus que de nombreuses victimes et de nombreux témoins sont dispersés à travers le pays et ne peuvent se rendre aisément à Abidjan pour y faire leur déposition. Mais outre le fait de se déplacer à l’extérieur d’Abidjan, les juges d’instruction et les officiers de police judiciaire doivent pouvoir instaurer la confiance dans les communautés affectées par des crimes, en particulier ceux perpétrés par les FRCI. Une façon d’y parvenir est de recruter des officiers de police judiciaire de toutes les communautés affectées par la crise post-électorale, car au moment où ont été écrites ces lignes, les 20 officiers de police judiciaire de la Cellule spéciale d’enquête appartenaient tous à des groupes ethniques considérés pro-Ouattara. [139] Le recrutement d’officiers de police judiciaire issus de groupes ethniques de tout le territoire pourrait contribuer à ce que les victimes aient davantage l’assurance que leurs préoccupations seront traitées de manière impartiale.

Dans le même ordre d’idées, la Cellule spéciale d’enquête devrait envisager de recourir autant que possible à des femmes officiers de police judiciaire lorsqu’il s’agit d’enquêter sur des crimes basés sur le genre. Les juges d’instruction et les officiers de police judiciaire devraient également bénéficier d’une formation sur la façon d’évaluer les risques pour les victimes et les témoins, en les abordant d’une façon qui ne compromet pas leur sécurité ou n’approfondit pas leur traumatisme.

Par ailleurs, les équipes d’enquêteurs sont actuellement divisées par région, mais cela risque en fait d’empêcher de mettre au jour le réseau criminel qui a facilité la commission des crimes—réseau au sein duquel des ordres de commettre des crimes ont été exécutés à travers différentes régions géographiques. Dans ce sens, il pourrait s’avérer utile de désigner une équipe d’enquêteurs supplémentaire chargée de coordonner et de rechercher des preuves de liens, c’est-à-dire des preuves qui relient « ceux qui ont appuyé sur la gâchette » sur le terrain à ceux qui ont donné les ordres, à travers toutes les régions. [140] Pour cela, la Cellule spéciale d’enquête devra peut-être solliciter des ressources supplémentaires au Ministère de la Justice, lequel devrait sérieusement envisager cette option.

Régulariser le pouvoir de la Cellule spéciale d’enquête

Comme mentionné plus haut, le gouvernement a créé la Cellule spéciale d’enquête par arrêté interministériel. Elle est rattachée au Tribunal de première instance d’Abidjan. Cependant, un arrêté interministériel n’a pas le même poids normatif qu’une loi officielle ni même qu’un décret présidentiel. À ce titre, d’aucuns se sont interrogés quant au pouvoir dont dispose la Cellule spéciale d’enquête d’instruire des affaires en dehors d’Abidjan. [141] Le problème se posait moins au début des activités de la cellule, car ses enquêtes étaient en grande partie basées à Abidjan. [142] Toutefois, maintenant que les enquêtes se poursuivent à travers le pays, le gouvernement devrait réaffirmer au moyen d’une loi officielle le pouvoir de la Cellule spéciale d’enquête d’instruire les crimes qu’elle a pour mandat de poursuivre, entre autres les crimes de sang.

Réformes juridiques pour renforcer le droit des accusés à un procès équitable

Le respect des droits internationalement reconnus des accusés implique des procédures judiciaires qui sont et apparaissent équitables et crédibles. [143] Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Côte d’Ivoire est un État partie, énonce un certain nombre de droits qui doivent être respectés pour garantir qu’un accusé a un procès équitable. [144] Le non-respect de ces droits dans la loi et dans la pratique risque de jeter une ombre sur les efforts fournis pour réclamer des comptes aux auteurs de crimes. Le Code de procédure pénale ivoirien comprend plusieurs domaines importants que le gouvernement devrait réformer afin de mieux protéger le droit des accusés à un procès équitable.

En vertu du Code de procédure pénale, la procédure d’enquête visant les crimes de sang est divisée en deux phases : l’instruction et le procès. L’instruction comprend deux niveaux : l’instruction du premier degré, menée par le juge d’instruction, et l’instruction du second degré, menée s’il y a lieu par la Chambre d’Accusation.

Le juge d’instruction est saisi d’une affaire par le procureur de la République ou par une partie civile et il est chargé de confirmer l’identité des suspects et d’examiner les éléments de preuve à l’appui des charges portées contre eux. [145] Si le juge d’instruction estime que le ou les faits présumés constituent une infraction qualifiée de crime, il ordonne au procureur de la République de transmettre à la Chambre d'Accusation le dossier de la procédure et un état des pièces servant à conviction. [146] La Chambre d’Accusation procède à une instruction du second degré, au cours de laquelle elle peut ordonner tout acte d’information complémentaire, citer des individus à comparaître, décerner des mandats de dépôt ou d’arrêt, et statuer sur le maintien en détention préventive. [147]

Si la Chambre d’Accusation estime qu’il existe des motifs suffisants pour tenir un procès, elle prononce la mise en accusation devant la cour d’assises, qui a plénitude de juridiction dans les affaires relatives aux infractions nationales les plus graves. [148] Aux termes du Code de procédure pénale, la cour d’assises est une juridiction non permanente qui est censée se réunir tous les trois mois au siège du Tribunal de première instance. [149] Elle est composée d’un président, de deux juges professionnels et d’un jury populaire de neuf personnes (dont trois suppléants). [150]

Le système de cour d’assises tel qu’il existe en Côte d’Ivoire est problématique pour tous les accusés d’infractions graves, entre autres des crimes en lien avec la crise post-électorale, pour un certain nombre de raisons. Tout d’abord, bien que la cour d’assises soit censée siéger tous les trois mois, dans la pratique, elle ne l’a fait que deux fois depuis l’année 2000, en grande partie parce que la procédure s’avère lourde et onéreuse. [151] Pour les affaires très médiatisées—telles que l’affaire Simone Gbagbo—, il peut s’avérer possible de convoquer la cour d’assises en utilisant des fonds discrétionnaires extérieurs au budget ordinaire consacré aux questions judiciaires. [152] Cependant, il semble probable que la majorité des accusés déjà incarcérés demeureront en détention préventive jusqu’à ce que la cour d’assises siège ou que la loi soit modifiée. Cela viole le droit d’un accusé à la tenue de son procès dans un délai raisonnable, consacré par les articles 9(3) et 14(3)(c) du PIDCP. [153] Le fait que la détention préventive des suspects soit la règle plutôt que l’exception en Côte d’Ivoire exacerbe le problème. [154]

Par ailleurs, la cour n’est nullement tenue de motiver ses décisions lorsqu’elle statue sur la culpabilité ou l’innocence d’un accusé. Au lieu de cela, les juges et les jurés entendent ensemble les preuves orales, votent sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé et donnent lecture de l’arrêt à l’accusé dans la salle d’audience. [155] Au cours de cette procédure, les juges et les jurés se trouvent sur un même pied d’égalité en ce qui concerne les points de fait ; leur responsabilité collective est supposée être une garantie de l’équité du procès. [156] Si condamnation il y a, les juges et les jurés statuent alors sur la peine appropriée. De plus, les décisions de la cour d’assises ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. [157] L’absence de possibilité de se pourvoir devant une juridiction supérieure viole l’article 14(5) du PIDCP, lequel garantit que toute personne déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation.

Même avant le conflit, les problèmes de convocation de la cour d’assises mettaient déjà à mal les droits des victimes et des accusés. Au regard du droit ivoirien, la cour d’assises est compétente pour juger les affaires de viol. Après plusieurs années sans que la cour ne siège, l’arriéré concernant les auteurs présumés de viol en détention préventive était énorme. La « solution » trouvée a fortement compromis le droit des victimes à la justice : ces infractions ont été requalifiées en attentats à la pudeur, infractions moins graves qui pouvaient être jugées devant une juridiction inférieure. Par voie de conséquence, les peines finalement infligées aux personnes reconnues coupables ont été considérablement plus clémentes que celles dont ils auraient fait l’objet pour un viol. [158] Dans sa gestion des crimes internationaux graves commis lors de la crise post-électorale, ainsi que dans celle des affaires de violences sexuelles, le gouvernement ivoirien doit trouver une solution permettant que les auteurs des crimes les plus graves soient jugés le plus rapidement possible.

Le Ministère de la Justice a fixé parmi ses priorités la réforme du Code de procédure pénale et a mis sur pied un groupe de travail fin 2012 chargé d’examiner les problèmes identifiés en rapport avec la cour d’assises. [159] Tant l’UE que l’ONUCI fournissent une assistance technique au Ministère de la Justice dans sa tentative de réforme du Code de procédure pénale. L’une des recommandations apparue suite à cette assistance est la mise en place d’une chambre criminelle permanente composée de cinq juges professionnels, qui devraient motiver leurs décisions et octroyer un droit de se pourvoir en appel. [160] La motivation des décisions est particulièrement importante pour s’assurer que les accusés impliqués dans des affaires complexes concernant des crimes internationaux graves jouissent véritablement d’un droit de recours.

Par ailleurs, aux termes du Code de procédure pénale, la représentation juridique des accusés dans les affaires criminelles n’est obligatoire qu’au stade de la cour d’assises. [161] Il en résulte que les accusés indigents n’ont droit à une assistance judiciaire qu’à ce stade avancé de la procédure, ce qui risque de compromettre la qualité de la représentation fournie. Les autorités ivoiriennes devraient rendre obligatoire la mise à disposition d’un avocat pour les accusés dans les affaires criminelles à un stade plus précoce de la procédure. [162] Étant donné que la majorité des avocats se trouvent à Abidjan, l’assistance judiciaire fournie devrait prendre en compte le fait que les avocats pourraient devoir se rendre dans d’autres régions du pays pour représenter efficacement leurs clients. [163]

Instaurer un cadre pour la protection et la prise en charge des témoins

Les procès des auteurs de crimes graves peuvent se révéler extrêmement sensibles et créer des risques pour la sûreté et la sécurité des témoins et des victimes susceptibles de témoigner à propos d’événements profondément traumatisants. En Côte d’Ivoire, bien que la loi prévoie certaines sanctions en cas d’intimidation des témoins, il n’existe aucun système de protection des témoins dans la loi ou dans la pratique. [164] De hauts responsables du Ministère de la Justice interrogés aux fins du présent rapport ont reconnu que l’absence de protection des témoins avait probablement déjà dissuadé des personnes souhaitant se présenter comme témoins, en particulier des victimes et des témoins de crimes perpétrés par les forces pro-Ouattara. [165]

Un certain nombre de mesures peuvent être prises par le gouvernement afin d’améliorer la protection et la sécurité des témoins dans l’immédiat et à plus longue échéance. À court terme, le gouvernement devrait, avec le soutien de bailleurs de fonds si nécessaire, financer des formations à l’intention des procureurs, des juges d’instruction et des policiers enquêtant sur des affaires de crimes internationaux graves sur la façon d’évaluer les risques potentiels pour les témoins et sur les mesures de sécurité discrètes qui peuvent être utilisées au cours des enquêtes pour prévenir et réduire au minimum l’émergence de risques. Des formations analogues devraient être dispensées aux juges et autres membres du personnel judiciaire travaillant sur les crimes internationaux graves à propos des mesures qui peuvent être adoptées lors des procès pour protéger les témoins et réduire au minimum leur traumatisme. D’autres domaines pourraient bénéficier d’un soutien des autorités ivoiriennes, notamment la fourniture d’escortes de police composées de policiers spécialement formés et triés sur le volet pour les témoins se rendant au tribunal ou quittant le tribunal, si la cour l’estime opportun ou si le témoin le juge préférable, ainsi que l’ouverture d’un ou de plusieurs refuges sécurisés pour les témoins dont la sécurité est temporairement menacée.

Comme pour toutes les initiatives portant sur le renforcement des capacités, ces formations devraient être pratiques, basées sur une évaluation des besoins réels et, idéalement, réalisées en collaboration avec les praticiens que la formation entend viser. À cet égard, le personnel de la CPI pourrait apporter un éclairage intéressant—d’une part sur le plan de l’évaluation des risques pour les témoins, et d’autre part en suggérant des techniques permettant de réduire au minimum ces risques. En fait, des représentants de la CPI ont déjà fait une présentation sur les mesures de protection des témoins au personnel de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR), mais cela n’a pas encore été fait pour le personnel de la Cellule spéciale d’enquête. [166]

À plus long terme, les autorités ivoiriennes devraient envisager d’élaborer une ou plusieurs lois pour la protection des témoins. Différents domaines devraient être couverts, notamment les procédures d’évaluation des risques pour les témoins ; les moyens de faciliter la comparution devant le tribunal, entre autres l’utilisation de pseudonymes et des sessions à huis clos lorsque cela s’avère nécessaire ; ainsi que des mesures visant à protéger la confidentialité, l’intégrité et l’autonomie des procédures, tout en garantissant un procès équitable, entre autres le droit de toute personne de pouvoir contester les éléments de preuve et les témoins à charge. [167] La ou les lois devraient également prévoir une protection physique et une prise en charge psychologique avant, durant et après la procédure.

Les autorités ivoiriennes devraient aussi envisager de créer une unité neutre de protection des témoins—opérant pour tous les témoins, qu’ils soient à charge ou à décharge—pour gérer les témoins dans le cadre de la procédure judiciaire et avec le pouvoir de faciliter la réinstallation des témoins dans des pays tiers si nécessaire. Créer une unité spécialisée au sein du greffe d’un tribunal, chargée de gérer la protection des témoins à l’intérieur et à l’extérieur de la salle d’audience, peut renforcer l’expérience et normaliser la pratique en matière de gestion des témoins. Par ailleurs, pour que la protection des témoins fonctionne comme il se doit, sa séparation de l’enquête, la confidentialité de la procédure et des opérations, ainsi que l’autonomie organisationnelle par rapport à la police régulière sont autant d’éléments essentiels. [168] Ces trois facteurs visent à préserver les informations sensibles relatives aux témoins protégés en limitant le nombre de personnes ayant accès à ces informations, ce qui réduit au minimum le risque de divulgation. Les avantages que revêt la création d’une telle unité pourraient aller bien au-delà de la gestion des témoins dans les affaires de crimes internationaux graves et pourraient inclure d’autres affaires sensibles ou très médiatisées.

Assurer la sécurité des juges, des procureurs et des avocats de la défense

Les juges et les procureurs ne peuvent travailler en toute indépendance ou impartialité s’ils craignent pour leur sécurité. Le risque de représailles est d’autant plus grand pour les juges et les procureurs travaillant sur des affaires de crimes graves, compte tenu de la gravité et de la nature sensible des crimes en question. En Côte d’Ivoire, la sécurité des magistrats est très limitée. [169] Les conséquences de la sécurité réduite dont peuvent disposer les magistrats se sont déjà fait sentir : en août 2012, des assaillants lourdement armés ont attaqué le domicile d’un responsable de la Cellule spéciale d’enquête. [170]

À l’heure actuelle, aucune force ne se consacre à fournir une protection aux juges et aux procureurs. La protection des juges, pour autant qu’elle existe, dépend des relations personnelles qu’entretient le président de chaque tribunal avec la police de la zone où le tribunal opère. [171] Le gouvernement devrait, en priorité, renforcer la sécurité des juges et des procureurs qui travaillent sur des affaires de crimes internationaux graves, avec le soutien de bailleurs de fonds si nécessaire. De plus, comme cela a été fait avec la Cellule spéciale d’enquête, le gouvernement devrait envisager de confier à un nombre limité de juges le pouvoir de juger les crimes graves commis en violation du droit international. Outre le fait que cela consoliderait les ressources et permettrait l’acquisition de compétences spécialisées, il serait beaucoup plus facile d’élaborer et de mettre en œuvre des protocoles de protection pour un nombre déterminé de juges travaillant réellement sur des affaires de crimes internationaux graves. [172]

Les responsables du Ministère de la Justice devraient également envisager de procurer, si besoin est, une protection aux avocats de la défense travaillant sur des affaires de crimes internationaux graves ; étant donné le caractère sensible des crimes en question, ils sont susceptibles de faire l’objet de menaces qui pourraient compromettre la représentation de leurs clients.

IV. Partenaires internationaux

La communauté internationale soutient depuis longtemps la reconstruction du secteur judiciaire en Côte d’Ivoire. Le 27 février 2004, le Conseil de sécurité des Nations Unies a mis en place une mission de maintien de la paix en Côte d’Ivoire—connue sous le nom d’Opération de l’ONU en Côte d’Ivoire (ONUCI). [173] La résolution créant la mission de maintien de la paix de l’ONU lui confiait notamment le mandat d’aider le gouvernement, en concertation avec d’autres organisations internationales, à « rétablir l’autorité du système judiciaire et l’État de droit partout en Côte d’Ivoire ». [174] Néanmoins, les efforts des partenaires internationaux pour aider les autorités ivoiriennes à réclamer des comptes pour les crimes internationaux graves ont été inconstants au cours des dix dernières années. La nécessité d’engager des poursuites et de tenir des procès a été évoquée à maintes reprises, notamment par plusieurs commissions d’enquête de l’ONU, mais ce n’est qu’en 2011 que des actions concrètes sont venues répondre à ce besoin : tout d’abord au niveau national, avec la création de la Cellule spéciale d’enquête ; ensuite, avec l’ouverture d’une enquête par la Cour pénale internationale. Il s’agit de développements importants, mais ils ne constituent que les premières étapes d’un long parcours entrepris pour s’attaquer efficacement à la profonde culture de l’impunité qui mine la Côte d’Ivoire.

Le principe de complémentarité inscrit dans le Statut de Rome confère aux États la responsabilité de rendre la justice pour les crimes internationaux graves, la Cour pénale internationale (CPI) n’agissant qu’en dernier ressort. La résolution de Kampala sur la complémentarité a souligné que « d'autres mesures doivent être adoptées au plan national si nécessaire et l'assistance internationale doit être renforcée afin de pouvoir poursuivre efficacement les auteurs des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ». Cela a contribué à l’amorce de discussions sur la meilleure façon d’intégrer les acteurs du développement dans la lutte contre l’impunité. [175]

Depuis l’adoption de la résolution de Kampala, il est de plus en plus reconnu, fort opportunément, que les partenaires internationaux peuvent orienter les fonds déjà destinés aux projets de réforme de l’État de droit plus spécifiquement vers le renforcement de la capacité de rendre justice au niveau national pour des crimes internationaux. En novembre 2012, les États parties à la CPI ont réitéré leur décision de « renforcer la capacité des juridictions nationales d’engager des poursuites contre les auteurs des crimes les plus graves ayant une portée internationale, conformément aux normes du procès équitable reconnues sur le plan international, en vertu du principe de la complémentarité ». [176]

Parmi les bailleurs de fonds, l’Union européenne, par exemple, a adopté un « Plan d’action » en 2011 pour mettre en œuvre le principe de complémentarité (entre autres questions liées à la CPI), invitant l’UE et ses États membres à « soutenir, comme il se doit, la mise en place de formations et d’une assistance pour les juges, les procureurs, les fonctionnaires de l’administration judiciaire, les experts en assistance juridique et les conseils » dans les pays incapables d’ « assurer la bonne conduite de l’enquête » sur les crimes relevant de la compétence de la CPI. [177] La Commission européenne, branche exécutive de l’UE, a mis au point une « boîte à outils », essentiellement une note d’orientation pour la conception de programmes de développement dans les pays bénéficiaires pour appuyer les efforts de renforcement de la capacité nationale de traiter les crimes internationaux. [178]

Fin 2012, Helen Clark, responsable du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a réaffirmé le soutien de son organisation à l’idée de renforcer la capacité nationale de gérer les crimes internationaux graves dans le cadre d’une approche intégrée des efforts de réforme de l’État de droit, soulignant que ces efforts « doivent être spécifiquement conçus dès le départ dans une perspective de développement, afin de permettre leur intégration avec des programmes plus larges de réforme de la justice et afin de maximaliser les retombées positives pour le développement de l’État de droit ». [179] Par ailleurs, le PNUD a inscrit la complémentarité parmi les priorités de son programme global de 2013 pour les pays affectés par un conflit, ce qui crée la possibilité de consacrer davantage de personnel et de ressources financières à une application plus concrète du concept dans des pays déterminés. [180] Lors du séminaire « Greentree » co-organisé par le Centre international pour la justice transitionnelle et le PNUD en octobre 2012—qui a réuni des praticiens du droit pénal travaillant sur des affaires de crimes graves et des responsables politiques dans les domaines de la justice internationale, de l’assistance en matière d’État de droit et du développement—, la Côte d’Ivoire a été discutée en tant qu’étude de cas pour analyser les besoins et les défis auxquels se heurtent les États individuels qui poursuivent les auteurs de crimes internationaux graves. [181]

En fait, l’allocation spécifique de fonds pour les crimes énoncés par le Statut de Rome en tant que sous-ensemble « associé mais distinct » d’assistance dans le domaine de l’État de droit, s’apparentant à ce que font déjà les États pour la piraterie, le terrorisme et le crime organisé, peut encourager la coopération avec le gouvernement bénéficiaire concerné au moment d’identifier des critères de réussite. Une aide ciblée est nécessaire compte tenu, d’une part, de la complexité des affaires portant sur les crimes internationaux graves et, d’autre part, des compétences spécialisées requises pour juger les auteurs de ces crimes, qu’ils soient jugés en vertu du droit national ou du Statut de Rome. Une participation plus engagée entre le bailleur de fonds et le gouvernement bénéficiaire accroît le poids exercé par le premier lorsqu’il s’agit de voir des résultats au niveau national.

Bien que l’on puisse se réjouir des progrès politiques opérés en matière de complémentarité dans les cercles diplomatiques à la CPI, à l’UE et à l’ONU, ces progrès doivent aller de pair avec des avancées concrètes sur le terrain. Comme souligné plus en détail ci-après, l’expérience actuelle en Côte d’Ivoire révèle que bien que les principaux pays bailleurs de fonds et les organisations intergouvernementales telles que l’UE et l’ONU aient investi des ressources importantes dans des projets de réforme de l’État de droit, les efforts visant spécifiquement à appuyer les initiatives d’exercice de la justice pour les crimes internationaux graves s’avèrent plus limités.

Cela ne signifie pas pour autant que les projets devraient être dictés par les bailleurs de fonds. Au contraire, sans une adhésion et un soutien au niveau national pour la traduction en justice des auteurs de crimes internationaux graves, ces projets sont voués à l’échec. Mais en Côte d’ivoire, le gouvernement a fait preuve d’un certain engagement à réclamer des comptes, notamment à travers la création de la Cellule spéciale d’enquête, même si à ce jour, la justice a été exercée à sens unique. Le défi qui se pose à la communauté des bailleurs de fonds est d’exploiter la volonté exprimée par le gouvernement et de la concilier avec les engagements pris par les bailleurs en matière de complémentarité au niveau des orientations politiques. Les défis que doivent relever les autorités nationales en matière de poursuites et de procès, tels que décrits au chapitre III, illustrent qu’il existe un certain nombre de domaines qui gagneraient à bénéficier d’un soutien supplémentaire. Les partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire devraient consulter les autorités nationales pour déterminer comment ce soutien supplémentaire pourrait être utilisé au mieux dans la pratique.

Human Rights Watch recommande aussi vivement aux États donateurs et aux organisations intergouvernementales de renforcer les relations diplomatiques privées et publiques à propos de la nécessité de réclamer des comptes, et particulièrement de l’importance d’une justice indépendante et impartiale pour les crimes post-électoraux. Un certain nombre de partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire ont noué des contacts diplomatiques privés sur ces questions, et c’est important. Néanmoins, vu que près de deux ans se sont écoulés depuis l’issue de la crise et que ce sont essentiellement les enquêtes et poursuites à l’encontre du seul camp Gbagbo qui ont avancé, d’autres contacts diplomatiques privés et publics semblent nécessaires pour pousser le gouvernement à traduire dans les faits son attachement souvent évoqué à une justice impartiale. Ceci est particulièrement important compte tenu de la crainte de voir croître les tensions en raison de la lutte à sens unique menée à ce jour contre l’impunité, comme expliqué au chapitre II.

Enfin, même si la CPI ne traitera qu’un nombre limité d’affaires, le regard attentif porté par les Ivoiriens sur les actions menées à ce jour par la cour—et son indéniable impact sur le programme de justice nationale—ne fait que souligner pourquoi il est indispensable qu’elle poursuive son enquête sur les forces pro-Ouattara et, si les éléments de preuve le permettent, qu’elle engage des poursuites dans les plus brefs délais. En poursuivant des auteurs de crimes appartenant au camp Ouattara, la CPI pourrait instaurer en Côte d’Ivoire un climat propice à la perspective de voir les autorités nationales lui emboîter le pas. L’inertie perçue et réelle aux niveaux national et international risque d’attiser les tensions politiques qui couvent depuis longtemps et pourraient déclencher de nouvelles vagues de violences politiques et ethniques à l’avenir. Les recommandations adressées au Bureau du Procureur de la CPI sont également expliquées plus loin.

Soutien financier et technique

Pour commencer, il convient de souligner que la coordination entre les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux—essentielle pour éviter les doubles emplois, améliorer l’efficacité et mettre à profit le poids exercé collectivement—est solide en Côte d’Ivoire. Sous le gouvernement Gbagbo, le Ministère de la Justice ne se préoccupait guère de coordonner le nombre relativement restreint de donateurs en place à l’époque, et les parties prenantes internationales ont dès lors organisé elles-mêmes régulièrement des réunions de coordination des bailleurs de fonds, présidées par l’UE et l’ONUCI. [182] Depuis lors, le gouvernement Ouattara a fixé la réforme du secteur judiciaire parmi ses priorités. Les réunions de coordination se poursuivent et se tiennent tous les deux mois. [183] Il existe également un groupe de coordination sur la justice transitionnelle, qui se réunit chaque mois. [184]

Comme mentionné précédemment, en avril 2012, le Ministère de la Justice a mis au point une stratégie d’orientation nationale en matière de justice, qui sert de base aux interventions du gouvernement, de l’ONU, de l’UE et d’autres partenaires, dans les secteurs judiciaire et pénitentiaire de 2012 à 2015. Bien qu’il soit fait allusion à la création de la Cellule spéciale d’enquête en tant qu’élément contextuel, aucune mention n’est faite d’initiatives spécifiques visant à améliorer la capacité de rendre la justice pour les crimes internationaux graves. Au moment où ont été écrites ces lignes, le plan d’action correspondant, qui détermine comment les priorités seront mises en œuvre et serviront de feuille de route aux partenaires internationaux qui appuient la réforme de la justice, devait encore être finalisé par le Ministère de la Justice. [185] Néanmoins, la dernière version en attente de l’approbation du gouvernement ne fait aucune référence à des mesures visant à améliorer les capacités de traiter les crimes internationaux graves. [186]

En dehors du plan d’action, les bailleurs de fonds peuvent apporter leur concours aux efforts de lutte contre l’impunité pour les crimes graves. Par exemple, outre un soutien aux efforts plus larges de réforme du secteur judiciaire, le gouvernement américain a fourni des financements pour deux experts juridiques indépendants chargés d’aider la Cellule spéciale d’enquête pendant plusieurs mois en apportant une assistance technique en matière de normes internationales pour les procédures d’organisation, d’enquête et de poursuites. [187] L’assistance déjà fournie représente la première phase d’une approche en deux temps. [188] Un accord de principe a été conclu entre les États-Unis et le Ministère de la Justice pour passer à la seconde phase, laquelle comprendra également un soutien pour assurer la présence d’experts juridiques internationaux au sein de la Cellule spéciale d’enquête. [189]

Des membres du personnel de l’ONUCI ont également apporté un soutien direct à la Cellule spéciale d’enquête. Le Conseil de sécurité de l’ONU a demandé à l’ONUCI de « continuer à appuyer les efforts déployés aux niveaux national et international pour traduire en justice les auteurs de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en Côte d’Ivoire, quels que soient leur statut ou leur appartenance politique » d’une manière compatible avec ses attributions et responsabilités. [190] L’assistance va du soutien logistique—notamment escorter les juges d’instruction dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, fournir du matériel, ou procurer un appui technique en matière d’exhumation—à des conseils stratégiques sur des questions de politique générale. [191]

L’UE est l’un des principaux bailleurs de fonds pour les efforts de réforme de la justice : à ce jour, son soutien s’élève à un total de 18 millions d’euros (environ 24 millions de dollars américains). [192] Il existe un certain nombre de domaines dans lesquels le soutien général au secteur judiciaire peut bénéficier aux accusés impliqués dans des affaires de crimes internationaux graves. Par exemple, comme expliqué plus haut, l’UE appuie les efforts déployés pour améliorer les garanties en matière de procès équitable en révisant les dispositions du Code de procédure pénale relatives à la détention préventive et à la cour d’assises. [193] Cependant, l’UE ne procure pas d’assistance visant spécifiquement à appuyer les poursuites, les enquêtes, la défense ou les procès liés à des crimes internationaux graves. [194] Des c onsultations sont actuellement en cours entre l’UE, les responsables du gouvernement ivoirien et la société civile pour identifier les secteurs prioritaires à appuyer à travers le prochain cycle de financement du Fonds européen de développement (2014-2020). [195]

L’assistance apportée par le PNUD dans le domaine de l’État de droit se focalise essentiellement sur l’accès à la justice et aux droits fonciers. [196] En ce qui concerne l’accès à la justice, à l’heure actuelle, le système d’assistance judiciaire applicable en vertu du droit ivoirien ne fonctionne pas dans la pratique. En conséquence, le PNUD, conjointement avec l’ONUCI, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’UE, s’emploie à mettre en place six centres d’aide juridique à travers le pays chargés d’offrir des services de consultation et de représentation juridiques axés sur les femmes et les enfants. [197] Ce projet prévoit également de travailler avec des membres du Barreau et des responsables du Ministère de la Justice pour réviser la législation en vue de faciliter l’accès à l’assistance judiciaire en cas de besoin (par exemple, en définissant plus clairement qui a le droit de bénéficier d’une assistance et en mettant en place un système plus pratique de remboursement). [198] Toutefois, aucun soutien spécifique n’est prévu pour aider les victimes ou les personnes accusées de crimes internationaux graves. [199] La France, autre important bailleur de fonds du secteur judiciaire ivoirien, n’a affecté aucun de ses financements au soutien spécifique des efforts de renforcement des capacités pour les crimes internationaux graves. [200]

Nous invitons les partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire à réfléchir de façon proactive à des moyens qui permettront que l’assistance destinée à la réforme du secteur judiciaire appuie plus directement les efforts visant à traduire en justice et à défendre les auteurs de crimes internationaux graves. Par exemple, les bailleurs qui ont alloué des fonds pour la formation du personnel judiciaire pourraient orienter une partie de ce soutien vers le développement continu des capacités des procureurs et des juges traitant les crimes de sang commis durant la crise. Des sessions de formation pourraient être conçues pour répondre aux besoins existants en matière de développement des compétences pour faciliter les poursuites et les procès dans ce type d’affaires (notamment la façon de monter des dossiers en utilisant des preuves de liens, les moyens de mener des enquêtes avec un maximum de discrétion, ou la manière de procéder pour protéger efficacement les témoins et réduire au minimum les traumatismes). De même, les programmes d’aide à l’assistance judiciaire pourraient orienter une partie des financements déjà affectés vers le soutien aux organisations non gouvernementales (ONG), aux assistants juridiques et aux avocats locaux travaillant sur des affaires de crimes internationaux graves. Le versement de ces financements pourrait être conditionné à la participation des avocats locaux à une formation appropriée sur la représentation juridique des victimes (pour les parties civiles) et sur le droit pénal international matériel, y compris les moyens de défense. Les bailleurs de fonds pourraient par ailleurs fournir un appui financier et technique précieux dans les domaines de la protection des témoins et de la sécurité des magistrats.

Pour être efficace, l’assistance devrait aller au-delà de la formation immédiate. Les bailleurs de fonds devraient envisager d’élaborer des définitions préalables de points de départ pertinents pour évaluer les résultats dans les affaires de crimes internationaux graves. Ces points de départ pourraient être identifiés de différentes façons. Par exemple, puisque le rapport de la Commission nationale d’enquête a fait état de plus de 1 000 incidents assortis de possibles crimes contre l’humanité ou crimes de guerre, les bailleurs de fonds pourraient exiger que les juges d’instruction, les officiers de police judiciaire et les procureurs qui ont suivi une formation spécifique mènent un nombre précis d’enquêtes et de poursuites dans un délai déterminé. Bien entendu, lorsqu’il s’agit de fournir un soutien et de déterminer des points de départ, l’adhésion du gouvernement national est indispensable—et il semblerait qu’elle existe en Côte d’Ivoire, du moins d’après ce qui ressort à ce jour des discours du gouvernement sur son engagement à rendre une justice impartiale. Compte tenu de la solide coordination existant entre les bailleurs de fonds en Côte d’Ivoire, les partenaires internationaux pourraient avoir un impact considérable en travaillant avec le gouvernement à l’amélioration de la capacité qu’a le pays de traiter les crimes internationaux graves.

Soutien diplomatique pour une justice indépendante et impartiale

À travers la diplomatie privée et publique, les partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire ont un rôle important à jouer en contribuant à favoriser un climat politique propice à l’exercice d’une justice indépendante et impartiale. Un certain nombre d’agents diplomatiques interrogés par Human Rights Watch ont indiqué qu’ils avaient à plusieurs reprises eu des contacts diplomatiques privés avec le gouvernement Ouattara à la fois sur l’importance de la justice et sur la nécessité d’examiner toutes les accusations, quel que soit l’auteur du crime. [201]

L’utilisation stratégique de la diplomatie publique aux moments opportuns peut contribuer à mettre la pression sur le gouvernement pour qu’il apporte un soutien plus vigoureux aux efforts en matière de lutte contre l’impunité. La Haute Représentante de l’UE, Catherine Ashton, a publié une déclaration en avril 2011 soulignant que tous les auteurs de violations des droits humains devaient rendre compte pénalement de leurs actions. [202] En octobre 2012, le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a appelé à « un vaste et franc dialogue qui ouvrira la voie à une véritable réconciliation nationale » et à une « justice impartiale ». [203] En décembre 2012, Ivan Simonovic, le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux droits de l’homme, a mis en avant la nécessité de réclamer des comptes pour les atteintes aux droits humains afin d’éviter de futures violences. [204] Le même mois, l’ambassadeur américain en Côte d’Ivoire, Philip Carter III, a fait remarquer que le besoin de justice impartiale était une composante nécessaire de la réconciliation. [205]

Ces déclarations sont importantes et peuvent contribuer à créer une dynamique autour de la nécessité de considérer comme prioritaire la traduction en justice de tous les auteurs de crimes internationaux graves. Néanmoins, alors que le temps s’écoule et que seul un camp fait l’objet de poursuites, les diplomates devraient exercer des pressions sur le gouvernement à propos des mesures spécifiques qu’il pourrait prendre (notamment celles énoncées au chapitre III) pour produire des résultats au niveau national. Les organes de l’ONU, dans le cadre de leur fonction d’établissement de rapports, peuvent jouer un rôle à cet égard.

Dans son premier rapport au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, l’expert indépendant de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire a pris note de l’opposition de l’opinion locale et internationale à la justice du vainqueur, mais il n’a pas approfondi la question. [206] Dans son deuxième rapport au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, il a fourni une analyse plus approfondie du problème et de son impact, ainsi que des problèmes structurels qui portent préjudice au droit des accusés à un procès équitable. L’expert indépendant a par ailleurs organisé une conférence à Yamoussoukro, du 21 au 23 février 2013, sur l’impunité et la justice impartiale en Côte d’Ivoire, suite à laquelle il a formulé des recommandations à l’intention du gouvernement ivoirien sur la façon de punir les crimes internationaux graves qui ont été commis dans le pays. [207] Les diplomates devraient prendre en compte l’analyse approfondie et les recommandations de l’expert indépendant pour faire progresser les discussions avec le gouvernement ivoirien sur la justice impartiale.

De même, les rapports du Secrétaire général de l’ONU au Conseil de sécurité de l’ONU constituent une occasion importante de mettre en avant les progrès opérés—ou non opérés—dans le domaine de l’obligation de rendre des comptes et de la justice impartiale, mais l’approche adoptée à ce jour s’est révélée incohérente. [208] Le rapport du secrétaire général de l’ONU daté de juin 2012, notamment, ne fait aucune référence au manque de justice impartiale. L’absence d’allusion à ce point est étonnante étant donné que le rapport précédent—publié seulement trois mois auparavant—relevait avec inquiétude la vision de justice « unilatérale » et invitait le gouvernement à faire en sorte que « les enquêtes soient indépendantes et objectives et que les personnes soient poursuivies quelle que soit leur appartenance politique ». [209] Par ailleurs, la résolution de juillet 2012 du Conseil de sécurité de l’ONU prolongeant le mandat de l’ONUCI jusqu’en juillet 2013 reconnaît le besoin de justice impartiale mais ne mentionne à ce propos que les travaux de la Commission nationale d’enquête et de la Commission dialogue, vérité et réconciliation ; le rôle de la Cellule spéciale d’enquête est passé sous silence. [210] Omettre de citer la Cellule spéciale d’enquête dans ce contexte—tout en mentionnant les deux autres piliers de la justice transitionnelle instaurés par le Président Ouattara—donne l’impression que le Conseil de sécurité de l’ONU considère que la justice pénale est dans une certaine mesure moins importante.

Plus récemment, lors de sa conférence de presse de janvier 2013, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire a dénoncé l’impunité qui persiste dans le pays et a utilement souligné l’importance d’une justice pour tous les camps. Néanmoins, le rapport de décembre 2012 du secrétaire général de l’ONU, rendu public, ne fait référence que brièvement au besoin de « justice équitable » sans manifester la moindre inquiétude quant à l’absence de justice équitable constatée à ce jour. [211] Il est indispensable d’exprimer systématiquement son inquiétude quant à l’absence de justice impartiale pour maintenir la pression sur le gouvernement afin qu’il prenne des mesures visant à remédier à la situation. Human Rights Watch invite dès lors le secrétaire général de l’ONU, lors de l’élaboration de futurs rapports, à fournir davantage de détails sur les efforts déployés par le gouvernement pour réclamer des comptes de façon impartiale, notamment dans son analyse des obstacles à l’exercice d’une justice impartiale.

En fait, les vagues promesses du gouvernement à propos de la lutte impartiale contre l’impunité sont insuffisantes pour effacer le sentiment croissant de frustration qui a vu le jour en raison du décalage entre les discours et la réalité. Alors que le temps s’écoule inexorablement sans que des actions concrètes ne soient menées pour lutter contre le sentiment que le gouvernement n’exerce que la justice du vainqueur, les partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire devraient intensifier les efforts qu’ils déploient en privé et publiquement autour de la nécessaire traduction en justice de tous les auteurs de crimes graves. Les bailleurs de fonds devraient s’atteler davantage à faire pression sur le gouvernement pour qu’il opère des progrès concrets, entre autres dans les domaines identifiés dans le présent rapport : appuyer l’indépendance des juges, renforcer les capacités sur le plan des enquêtes et des poursuites, améliorer le respect du droit des accusés à un procès équitable, instaurer un système de protection des témoins et promouvoir la sécurité des magistrats.

Par ailleurs, les diplomates devraient continuer à souligner, tant en privé qu’en public, leur soutien à la CPI et l’importance de la coopération du gouvernement ivoirien avec cette institution dans le cadre de l’enquête qu’elle mène et des affaires qu’elle traite actuellement.

La Cour pénale internationale

Comme mentionné au chapitre III, les poursuites intentées à ce jour par la CPI à l’encontre d’une seule des parties au conflit—le camp des perdants—a fait naître le sentiment que la CPI est utilisée par le gouvernement comme instrument pour se débarrasser de ses ennemis. Outre le fait de porter atteinte à la crédibilité de la CPI, l’approche séquentielle est imitée par la Côte d’Ivoire, alimentant les tensions au lieu de les apaiser. Human Rights Watch invite dès lors le procureur de la CPI à poursuivre son enquête en Côte d’Ivoire sur les deux parties au conflit et, si les éléments de preuve le permettent, à intenter des poursuites à l’encontre d’individus appartenant aux forces pro-Ouattara qui sont responsables de crimes relevant de la compétence de la cour. Le fait que la CPI n’agit qu’en dernier ressort lorsque les gouvernements n’ont pas la volonté ou sont dans l’incapacité de mener à bien des poursuites met d’autant plus en évidence le besoin impérieux que la cour engage une procédure à l’encontre des individus appartenant au camp Ouattara qui, autrement, échapperaient à l’action de la justice. L’engagement de procédures concrètes visant des individus pro-Ouattara contribuerait fortement à restaurer la crédibilité de la CPI en Côte d’Ivoire en tant qu’institution impartiale et pourrait aider à créer l’espace nécessaire pour que les juges et les procureurs ivoiriens emboîtent le pas à la cour. L’absence de poursuites intentées par les autorités nationales à l’encontre de membres des forces pro-Ouattara ne fait que souligner l’urgence d’une action en ce sens.

Outre la recherche de preuves et l’engagement de poursuites à l’encontre de membres des forces pro-Ouattara, la CPI peut apporter un soutien précieux aux efforts nationaux en matière de justice de diverses façons et sans incidence financière. Premièrement, le personnel de la CPI peut aider à mettre en évidence les lacunes sur le plan des capacités afin que l’aide des bailleurs de fonds puisse être utilisée au mieux. [212] Deuxièmement, lors des missions prévues en Côte d’Ivoire, le personnel de la CPI pourrait chercher à exploiter les possibilités de dispenser des formations ou ateliers informels au personnel national dans des domaines où des faiblesses ont été identifiées, entre autres la protection des témoins. En fait, la CPI a indiqué qu’une formation sur la protection des témoins avait déjà été dispensée au personnel de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR). [213] Troisièmement, compte tenu de la nécessité de cartographier les crimes post-électoraux comme noté au chapitre III, le Bureau du Procureur pourrait partager son analyse du conflit et d’autres documents non confidentiels afin de faciliter les enquêtes menées par les autorités nationales. Bien que ces informations puissent être obtenues de sources publiques, l’analyse pourrait présenter une valeur considérable pour les procureurs et les juges d’instruction nationaux jouissant de moins d’expérience dans le traitement des crimes internationaux graves. Ces informations sont également susceptibles de faciliter les efforts nationaux visant à élaborer une stratégie plus complète en matière de poursuites.

La CPI envisage d’ouvrir un bureau extérieur à Abidjan qui comprendra des représentants du greffe de la cour chargés de gérer le travail de sensibilisation et de communication ainsi que la participation des victimes et les réparations. [214] Au moment de la rédaction du présent rapport, le bureau n’avait pas encore été ouvert. Certes, il faut se réjouir du projet de mise en place d’un bureau extérieur, mais il est décevant de constater que cet engagement n’a pas encore été concrétisé près de 18 mois après l’ouverture de l’enquête.

Entre-temps, des membres du personnel de la CPI se sont attachés à former des journalistes et ONG ivoiriens à propos du mandat de la CPI et de son travail en Côte d’Ivoire. [215] En dépit de ces efforts, de nombreuses perceptions négatives du travail de la CPI en Côte d’Ivoire ont pu s’ancrer profondément et se répandre à travers le pays. Human Rights Watch attend avec intérêt l’intensification des efforts de sensibilisation et de communication de la cour une fois que le bureau extérieur sera opérationnel. Les déplacements à l’extérieur d’Abidjan—par exemple dans les camps de réfugiés du Liberia—se révéleront indispensables pour diffuser les informations sur le mandat de la cour, se faire une idée des lacunes majeures en matière d’information et élaborer une stratégie à long terme en matière de sensibilisation et de communication pour répondre aux besoins réels.

V. Cadre juridique

Le procureur de la République et le procureur militaire ont engagé des poursuites conformément au droit pénal ivoirien pour certains des crimes internationaux graves commis au cours de la crise post-électorale. Le code pénal contient trois principales dispositions couvrant les crimes internationaux graves : le génocide,[216] les crimes contre la population civile[217] et les crimes contre les prisonniers de guerre.[218] En ce qui concerne les peines applicables, la constitution ivoirienne de 2000 a aboli la peine de mort, mais certaines références à cette sanction subsistent encore dans le code pénal. [219] Human Rights Watch s’oppose à l’imposition de la peine de mort en toutes circonstances en raison de la nature cruelle et inhabituelle de ce châtiment.

Il existe un certain nombre de différences entre les dispositions nationales et les définitions figurant dans le droit international. Par exemple, l’intention de détruire en partie ou totalement un groupe politique est incluse dans la définition du génocide aux termes du droit ivoirien mais elle ne l’est pas dans le Statut de Rome ni dans la Convention sur le génocide.[220] L’expert indépendant de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire a noté avec préoccupation le caractère lacunaire de la définition ivoirienne du génocide. [221] À ce jour, les autorités ivoiriennes ont inculpé de génocide un certain nombre de personnes, dont l’ex-Première dame Simone Gbagbo, pour des actes présumés avoir été commis durant la crise.

Par ailleurs, pour conclure à la commission de « crimes contre la population civile », il faut que les crimes aient été perpétrés en temps de guerre ou d’occupation. Par contre, pour prouver la commission de crimes contre l’humanité tels que définis dans le Statut de Rome, il faut établir la preuve que les crimes perpétrés contre la population civile sont généralisés ou systématiques ; ils peuvent être perpétrés en dehors d’un conflit officiel.[222] En outre, la définition des « crimes contre les prisonniers de guerre » au regard du droit ivoirien est plus limitée que la définition des « crimes de guerres » figurant dans le Statut de Rome et dans les Conventions de Genève, qui incluent tous les deux les crimes commis contre des civils en temps de guerre.[223]

La Côte d’Ivoire a ratifié le Statut de Rome en février 2013.[224] Étant donné que la Côte d’Ivoire est un pays moniste, une fois qu’un traité international est adopté et publié, il acquiert en théorie une valeur normative supérieure à celle de la législation nationale.[225] À ce titre, les dispositions du Statut de Rome pourraient être utilisées au niveau national pour engager des poursuites et juger des affaires où les éléments constitutifs des crimes au regard du Statut sont établis.[226] De plus, le gouvernement ivoirien a reconnu la compétence de la CPI pour les crimes commis à partir du 19 septembre 2002, tout d’abord par le biais d’une déclaration présentée par le Président de l’époque, Gbagbo, au titre de l’article 12(3) du Statut de Rome, laquelle déclaration a été confirmée ensuite par le Président Ouattara en décembre 2010 et à nouveau en mai 2011. À ce titre, les définitions du Statut de Rome—en tant qu’expressions clairement définies du droit international coutumier reconnues par le gouvernement ivoirien—pourraient être appliquées au niveau national aux crimes perpétrés depuis septembre 2002 sans violer le principe de la non-rétroactivité.[227] L’article 15 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, auquel la Côte d’Ivoire est un État partie, dispose clairement que tout individu peut être jugé et condamné en raison d'actes ou d’omissions qui, « au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels, d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations ». [228]

Les procureurs et les juges devraient utiliser le Statut de Rome lorsque cela permet d’élargir le champ d’application de la justice. Par exemple, il peut se révéler avantageux d’utiliser le Statut de Rome dans les affaires impliquant les « cerveaux » présumés de crimes internationaux graves qui, autrement, risquent d’échapper à la justice car ils n’étaient pas physiquement présents sur le lieu des crimes. Le Statut de Rome prévoit des formes de responsabilité qui n’apparaissent pas dans le droit ivoirien, entre autres la responsabilité de commandement. La responsabilité de commandement peut s’avérer utile pour cerner la responsabilité de hauts responsables, car elle s’applique aux supérieurs hiérarchiques militaires et civils dont les subordonnés ont commis des crimes internationaux, et qui étaient au courant ou auraient dû être au courant desdits crimes mais se sont mis en défaut d’en empêcher l'exécution ou d’en déférer les auteurs aux autorités compétentes aux fins de poursuites. Bien que le droit ivoirien inclue la complicité en tant que mode de responsabilité, ce qui permettrait d’invoquer la responsabilité des individus qui contribuent à la commission d’un crime sans être physiquement présents, il ne couvre pas tout le champ de la responsabilité de commandement.[229]

L’utilisation des définitions des crimes figurant dans le Statut de Rome permettrait également aux procureurs, aux avocats de la défense et aux juges de s’inspirer de la jurisprudence des tribunaux internationaux, contribuant au développement cohérent de l’analyse juridique de ces crimes. Les crimes définis aux termes du Statut de Rome ne font l’objet d’aucun délai de prescription, contrairement aux crimes nationaux.[230] Étant donné que les juges ivoiriens n’ont pas l’habitude de se référer au droit international dans leurs décisions, à la requête du gouvernement ou d’avocats travaillant sur des affaires de crimes internationaux graves, les bailleurs de fonds devraient envisager d’apporter un soutien à des formations pratiques sur le Statut de Rome et sur la façon dont il pourrait être appliqué au niveau national afin de combattre le plus efficacement possible l’impunité.[231]

Remerciements

Le présent rapport a été rédigé par Param-Preet Singh, juriste senior au Programme de Justice internationale de Human Rights Watch. Il est basé sur les travaux de recherche effectués par Param-Preet Singh et Matt Wells, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest. La relecture et la révision du rapport ont été assurées par Matt Wells et Richard Dicker, directeur du Programme de Justice internationale.

Clive Baldwin, conseiller juridique senior, et Babatunde Olugboji, directeur adjoint au Bureau du programme, ont assuré la révision respectivement pour le Bureau juridique et pour le Bureau du programme. Scout Katovich, assistante au Programme de Justice internationale, a apporté son concours à la production du rapport, et Grace Choi, Kathy Mills et Fitzroy Hepkins ont préparé le rapport en vue de sa publication. La traduction en français de ce rapport a été réalisée par Françoise Denayer et revue par Peter Huvos.

Matt Solomon, Kate McNeece et David Sabatelle, stagiaires au Programme de Justice internationale, ont fourni une aide essentielle pour la vérification des citations, la relecture et la finalisation des citations.

Human Rights Watch voudrait exprimer sa reconnaissance à toutes les personnes qui ont accepté d’être interrogées en vue du présent rapport et qui, en partageant généreusement leurs points de vue, ont permis la réalisation de ce document.


[1] International Crisis Group, « Côte d’Ivoire: ‘The War is Not Yet Over’ », Africa Report No. 72, 28 novembre 2003, http://www.crisisgroup.org/en/regions/africa/west-africa/cote-divoire/072-cote-divoire-the-war-is-not-yet-over.aspx (consulté le 30 janvier 2013), p. 1 ; Human Rights Watch, Prise entre deux guerres : Violence contre les civils dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, vol. 15, no. 14(A), 6 août 2003, http://www.hrw.org/fr/reports/2003/08/05/prise-entre-deux-guerres , p.11.

[2] Le Mouvement pour la justice et la paix (MJP) et le Mouvement populaire ivoirien du Grand Ouest (MPIGO).

[3] Human Rights Watch, Prise entre deux guerres ; Human Rights Watch, « Parce qu’ils ont les fusils … il ne me reste rien » : Le prix de l’impunité persistante en Côte d’Ivoire, vol. 18, no. 4(A), 26 mai 2006, http://www.hrw.org/fr/reports/2006/05/25/parce-qu-ils-ont-les-fusils-il-ne-me-reste-rien, p. 5. L’élément particulièrement préoccupant est l’exclusion, par la Cour suprême, d’Alassane Ouattara, le candidat du Rassemblement des Républicains RDR), avant les élections de 2000. La Cour suprême, qui a été dissoute au lendemain du coup d’État de décembre 1999, passe largement pour avoir été soigneusement choisie par le dirigeant du coup d’État, Robert Gueï, qui sera battu par Gbagbo lors du scrutin de 2000. Human Rights Watch, Le nouveau racisme : La manipulation politique de l’ethnicité en Côte d’Ivoire,vol. 13, no. 6(A), 28 août 2001, http://www.hrw.org/fr/reports/2001/08/28/le-nouveau-racisme , p.3.

[4] La discrimination est parfaitement illustrée par le concept d’ivoirité—un discours ultranationaliste qui redéfinit ce que signifie être ivoirien, marginalisant les Ivoiriens du nord et accusant les immigrés de chercher à contrôler l’économie. Le Président de l’époque, Henri Konan Bédié, a inventé le terme dans les années 1990, et le gouvernement Gbagbo a renforcé la politique de discrimination et d’exclusion. Pour une analyse des politiques discriminatoires dirigées par Gbagbo à l’encontre des Ivoiriens du nord et des immigrés, voir International Crisis Group, « Côte d’Ivoire: ‘The War is Not Yet Over’ », pp. 7-8.

[5] Human Rights Watch, Prise entre deux guerres ; Abus commis par le gouvernement en réponse à la révolte de l’armée, vol. 14, no.9(A), 28 novembre 2002, http://www.hrw.org/fr/reports/2002/11/28/abus-commis-par-le-gouvernement-en-r-ponse-la-r-volte-de-larm-e, p. 7 ; « Des centaines de soldats ont investi hier des bidonvilles », Le jour, 12 décembre 2002, p.2.

[6] International Crisis Group, « Côte d’Ivoire: ‘The War is Not Yet Over’ » p. 15 ; Amnesty International, « Côte D'Ivoire : Une suite de crimes impunis : Du massacre des gendarmes à Bouaké aux charniers de Daloa, de Monoko-Zohi et de Man », AI Index : AFR31/007/2003,27 février 2003, http://www.amnesty.org/fr/library/info/AFR31/007/2003/fr (consulté le 30 janvier 2013), p.4.

[7] Human Rights Watch, Prise entre deux guerres ; Youth, Poverty and Blood: The Lethal Legacy of West Africa’s Regional Warriors, vol. 17, no. 5(A), 14 avril 2005, http://www.hrw.org/node/11796, p.47 ; International Crisis Group, « Côte d’Ivoire: ‘The War is Not Yet Over’ », pp. 21-25.

[8] Human Rights Watch, Prise entre deux guerres ; International Crisis Group, « Côte d’Ivoire: ‘The War is Not Yet Over’ », pp. 21-27.

[9] Human Rights Watch, Prise entre deux guerres ; International Crisis Group, « Côte d’Ivoire: ‘The War is Not Yet Over’ », pp. 21-27 ; Human Rights Watch, Child Soldier Use 2003: A Briefing for the 4th UN Security Council Open Debate on Children and Armed Conflict, 29 janvier 2004, http://www.hrw.org/reports/2004/01/16/child-soldier-use-2003 .

[10] Human Rights Watch, Human Rights Violations in Abidjan during an Opposition Demonstration – March 2004, 14 octobre 2004, http://www.hrw.org/reports/2004/10/14/human-rights-violations-abidjan-during-opposition-demonstration-march-2004, p.1. Voir également Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, « Rapport de la Commission d’enquête sur les événements liés à la marche prévue le 25 mars 2004 à Abidjan », S/2004/384 Annex, 29 avril 2004, paras. 72, 84 (concluant à un « massacre de civils innocents au cours duquel de massives violations des droits de l’homme ont été commises », « la marche a[yant] constitué un prétexte pour ce qui s’est révélé être un plan minutieusement planifié et exécuté par les forces de sécurité … sous la direction et la responsabilité des plus hautes autorités de l’État ». La commission a recommandé que « des enquêtes criminelles devant un tribunal indépendant [soient] menées afin de poursuivre les responsables …, c’est-à-dire les commandants des unités spéciales qui y ont participé à l’intérieur des forces de sécurité de Côte d’Ivoire ainsi que les forces dites parallèles ». Aucune enquête ou poursuite crédible n’a été ouverte ou engagée par les autorités judiciaires de Gbagbo.

[11] Human Rights Watch, « La meilleure école », La violence estudiantine, l’impunité et la crise en Côte d’Ivoire , Index : 1-56432-312-9, 21 mai 2008, http://www.hrw.org/fr/reports/2008/05/21/la-meilleure-cole, p. 6 ; « Parce qu’ils ont les fusils … il ne me reste rien ».

[12] Human Rights Watch, Terrorisés et abandonnés : L’anarchie, le viol et l’impunité dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, Index: 1-56432-702-7, 22 octobre 2010, http://www.hrw.org/fr/reports/2010/10/22/terroris-s-et-abandonn-s, p. 18 ; « Parce qu’ils ont les fusils … il ne me reste rien » ; Un pays au bord du gouffre : La précarité des droits humains et de la protection civile en Côte d’Ivoire, vol. 17, no. 6(A), 4 mai 2005, http://www.hrw.org/fr/reports/2005/05/03/un-pays-au-bord-du-gouffre, p.1.

[13] Human Rights Watch, « Mon cœur est coupé » : Violences sexuelles commises par les forces rebelles et pro-gouvernementales en Côte d’Ivoire , vol. 19, no. 11(A), 2 août 2007, http://www.hrw.org/fr/reports/2007/08/02/mon-coeur-est-coup, pp. 1-10 ; Terrorisés et abandonnés, pp. 5-6.

[14] République de Côte d’Ivoire, « Déclaration de reconnaissance de la Compétence de la Cour Pénale Internationale », Abidjan, 18 avril 2003, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/CBE1F16B-5712-4452-87E7-4FDDE5DD70D9/279779/ICDE1.pdf (consulté le 30 janvier 2013).

[15] Entretien de Human Rights Watch avec Ali Ouattara, président de la Coalition ivoirienne pour la Cour pénale internationale, Abidjan, juillet 2011. Voir également Fondation Heinrich Böll Afrique australe, « Interview: ‘Justice Will Be the Foundation of Sustainable Peace and Stability’: The ICC in Côte d’Ivoire », Perspectives: Political analysis and commentary from Africa, #1.12, 6 août 2012, pp. 23-25, http://www.boell.de/downloads/2012-08-Perspectives_Africa_1_12.pdf (consulté le 30 janvier 2013).

[16] Philippe Bolopion, « Soro et Simone Gbagbo sur la liste de l’ONU », Radio France Internationale, 28 janvier 2005, http://www.rfi.fr/actufr/articles/061/article_33588.asp (consulté le 3 janvier 2013).

[17] La position de Gbagbo se fonde sur la décision rendue le 3 décembre 2010 par le Conseil constitutionnel, présidé par Paul Yao N’Dre, un proche allié de Gbagbo, d’invalider les résultats annoncés par la commission électorale et de proclamer Gbagbo vainqueur. Le conseil annule des centaines de milliers de bulletins de vote des régions du nord, où Ouattara a recueilli un soutien considérable, invoquant de prétendues irrégularités dans le déroulement du scrutin. Lorsque le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Opération de l’ONU en Côte d’Ivoire a certifié les résultats annoncés par la commission électorale, il a également « certifié que la proclamation [de la victoire de Gbagbo] par le Conseil constitutionnel ne reposait pas sur des faits ». Représentant spécial du secrétaire général pour l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire, « Déclaration sur la certification des résultats définitifs du second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 », Abidjan, 3 décembre 2010. Voir également Vijay Nambiar, « Dear President Mbeki: The United Nations Helped Save the Ivory Coast », Foreign Policy, 17 août 2011, http://www.foreignpolicy.com/articles/2011/08/17/dear_president_mbeki_the_united_nations_helped_save_cote_d_ivoire (consulté le 30 janvier 2013).

[18] Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était » : Le besoin de justice pour les crimes post-électoraux en Côte d’Ivoire, Index: 1-56432-819-8, 5 octobre 2011, http://www.hrw.org/fr/reports/2011/10/05/ils-les-ont-tu-s-comme-si-de-rien-n-tait.

[19] Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était » ¸ p. 121.

[20] Ibid.

[21] Ibid. Voir également Conseil des droits de l’homme, « Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Côte d’Ivoire », A/HRC/17/48, 7 juin 2011, para. 70 (« Rapport 2011 de la CEI ») ; Amnesty International, « ‘Ils ont regardé sa carte d'identité et l'ont abattu’ : Retour sur six mois de violences post-électorales en Côte d'Ivoire », AI Index : AFR 31/002/2011, 25 mai 2011, http://www.amnesty.org/fr/library/info/AFR31/002/2011/fr (consulté le 30 janvier 2013), p. 34 ; Amnesty International, « ‘Nous voulons rentrer chez nous, mais nous ne pouvons pas’ : Insécurité et personnes déplacées en Côte d'Ivoire : une crise persistante »,AI Index : AFR 31/007/2011, 28 juillet 2011 http://www.amnesty.org/fr/library/info/AFR31/007/2011 (consulté le 30 janvier 2013), p. 14 ; « Côte d’Ivoire : Massacres à Duékoué et graves exactions commises contre la population civile dans tout le pays », communiqué de presse de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), 2 avril 2011, http://www.fidh.org/Cote-d-Ivoire-Massacres-a-Duekoue (consulté le 30 janvier 2012) ; Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire, Division des Droits de l’Homme, « Rapport sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises à l’Ouest de la Côte d’Ivoire », UNOCI/HRD/2011/02, 10 mai 2011, http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/Rapport_sur_les_violations_des_droits_de_l_homme_a_l_Ouest.pdf (consulté le 30 janvier 2013), pp. 16-19.

[22] Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était »¸ p. 4.

[23] Rapport 2011 de la CEI , para. 119 ; Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était » ; Amnesty International, « Ils ont regardé sa carte d'identité et l'ont abattu »; Amnesty International, « Nous voulons rentrer chez nous, mais nous ne pouvons pas » ; Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire, Division des Droits de l’Homme, Rapport sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises à l’Ouest de la Côte d’Ivoire ; FIDH,International Federation for Human Rights (FIDH), International Federation for Human Rights (FIDH), « Côte d’Ivoire : la justice pour combattre les violations des droits de l’Homme et l’insécurité », 30 octobre 2012, http://www.fidh.org/Cote-d-Ivoire-la-justice-pour-12352 (consulté le 30 janvier 2013).

[24] Commission nationale d’enquête, Rapport d’enquête sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire survenues dans la période du 31 octobre 2010 au 15 mai 2011, juillet 2012, http://news.abidjan.net/h/438749.html (consulté le 30 janvier 2013) (« Résumé de la CNE »).

[25] Human Rights Watch, « Bien loin de la réconciliation : Répression militaire abusive en réponse aux menaces sécuritaires en Côte d’Ivoire » , 19 novembre 2012, http://www.hrw.org/fr/reports/2012/11/19/bien-loin-de-la-reconciliation ; « Côte d’Ivoire : Il est temps de mettre fin au cycle de représailles et de vengeance », communiqué de presse d’Amnesty International, 26 octobre 2012, http://www.amnesty.org/fr/news/c-te-d-ivoire-time-put-end-cycle-reprisals-and-revenge-2012-10-26 (consulté le 31 janvier 2013) ; « L'ONU dénonce torture et détentions arbitraires en Côte d'Ivoire », Agence France-Presse, 1er décembre 2012.

[26] « Ivory Coast president: ‘no one is above the law’ », Associated Press, 13 mai 2011 ; Aymar D, « A propos des exactions à Duékoué / Jeannot Ahoussou, ministre de la Justice : ‘Des soldats marocains seront entendus’ », L’Intelligent d’Abidjan, 30 juin 2011 ; « Le gouvernement ivoirien promet à la CPI l’absence d’impunité », Reuters, 28 juin 2011 ; Desmond Butler, « AP Exclusive: Ouattara: no knowledge of massacre », Associated Press, 30 juillet 2011.

[27] Erik Izraelewicz et Jean-Philippe Rémy, « Ouattara: ‘Rendre la démocratie irréversible en Côte d'Ivoire’ », Le Monde, 25 janvier 2012 ; « Ouest ivoirien: Ouattara promet la fin de l'impunité à Duékoué, cité martyre », Le Nouvel Observateur, 23 avril 2012.

[28] Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a créé la Commission d’enquête en mars 2011. Conseil des droits de l’homme de l’ONU, « Situation des droits de l’homme en Côte d'Ivoire », Résolution 16/25, A/HRC/RES/16/25. Voir également Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était », p. 127.

[29] Rapport 2011 de la CEI, résumé.

[30] Rapport 2011 de la CEI, para. 127(a).

[31] Résumé de la CNE, p. 1.

[32] Ibid. ; entretien de Human Rights Watch avec deux hauts responsables du Ministère de la Justice, Abidjan, 12 septembre 2012.

[33] « Alassane Ouattara, président de Côte d'Ivoire, évoque le futur de son pays », Radio France Internationale, 28 janvier 2012, http://www.rfi.fr/afrique/20120128-alassane-ouattara-cote-d-ivoire-invite-afrique-rfi-boisbouvier (consulté le 25 janvier 2013).

[34] Ibid. Voir également « Côte d'Ivoire : Les méthodes expéditives de la Commission d’enquête suscitent des inquiétudes », communiqué de presse de Human Rights Watch, 23 février 2012, http://www.hrw.org/fr/news/2012/02/23/c-te-d-ivoire-les-m-thodes-exp-ditives-de-la-commission-nationale-denqu-te-suscitent.

[35] Résumé de la CNE, p. 31. La Commission nationale d’enquête a signalé qu’elle avait recueilli des informations sur 1009 exécutions sommaires imputées aux forces pro-Gbagbo et 545 exécutions sommaires imputées aux Forces républicaines.

[36] Entretien de Human Rights Watch avec Gnénéma Coulibaly, ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Abidjan, 7 septembre 2012. Au moment de cet entretien, M. Coulibaly occupait le poste de ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, ministère qui, depuis lors, a été associé au Ministère de la Justice.

[37] Résumé de la CNE, p. 32.

[38] Entretien de Human Rights Watch avec Gnénéma Coulibaly, ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Abidjan, 7 septembre 2012; entretien de Human Rights Watch avec un acteur de la société civile, Abidjan, 11 septembre 2012.

[39] Entretien de Human Rights Watch avec deux hauts responsables du Ministère de la Justice, Abidjan, 12 septembre 2012.

[40]Conseil des droits de l’homme de l’ONU, « Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Côte d’Ivoire », A/HRC/17/48, 14 juin 2011, http://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/Cote%20d%27Ivoire%20A%20HRC%2017%2048.pdf (consulté le 25 janvier 2013), para. 31. Voir également Cellule spéciale d’Enquête, Ministère ivoirien de la Justice, « Présentation de la Cellule », non daté, http://justice-ci.org/cellule.html (consulté le 25 janvier 2013).

[41] Entretien de Human Rights Watch avec deux hauts responsables du Ministère de la Justice, Abidjan, 12 septembre 2012 ; entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 4 janvier 2013.

[42] « Ousted Gbagbo general jailed in Ivory Coast », Reuters, 11 octobre 2012.

[43] Entretien de Human Rights Watch avec un acteur de la société civile, Abidjan, 10 septembre 2012 ; entretien de Human Rights Watch avec du personnel de la Cellule spéciale d’enquête, Abidjan, 11 septembre 2012 ; entretien de Human Rights Watch avec deux hauts responsables du Ministère de la Justice, Abidjan, 12 septembre 2012.

[44] La création d’une unité spécialisée permet également aux bailleurs de fonds de cibler plus facilement l’aide destinée au renforcement des capacités. Voir Human Rights Watch, Justice for Atrocity Crimes, pp. 42-43, où des personnes interrogées par Human Rights Watch lui ont déclaré qu’il aurait mieux valu conférer le pouvoir de juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les actes de génocide à un nombre limité de tribunaux de district et de canton, et non à tous les tribunaux, afin que les bailleurs de fonds puissent canaliser leur aide plus efficacement.

[45] Charles Blé Goudé a été extradé vers la Côte d’Ivoire par les autorités ghanéennes le 17 janvier 2013 en vertu d’un mandat d’arrêt international. Voir « Ble Goude charged with war crimes in Ivory Coast », Associated Press, 21 janvier 2013.

[46] Le procureur militaire d’Abidjan a ouvert 77 dossiers impliquant certains éléments des FRCI (forces pro-Ouattara) mais ces affaires concernent des infractions mineures. International Crisis Group, « Côte D’Ivoire: Defusing Tensions », Africa Report No. 193, 26 novembre 2012, http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/africa/west-africa/cote-divoire/193-cote-divoire-defusing-tensions-english (consulté le 25 janvier 2013), p. 15. Sur toutes les affaires découlant des violences post-électorales, 55 individus ont été inculpés de crimes de sang. Voir Conseil des droits de l’homme de l’ONU, « Rapport de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, Doudou Diène », A/HRC/22/66, 7 janvier 2013, http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/AHRC2266_French.pdf (consulté le 7 février 2013), para. 61 (« Rapport 2013 de l’expert indépendant de l’ONU »).

[47] Rapport 2011 de la CEI ; « U.N. rights chief concerned about new Ivory Coast army », Reuters, 15 juin 2011 ; « Post-Election Violence Claims More Than 1000 Lives in Western Côte D’Ivoire, According to UNOCI Report », communiqué de presse de l’ONU, 26 mai 2011, http://www.un.org/en/peacekeeping/missions/unoci/documents/unoci_pr_elections26052011.pdf (consulté le 25 janvier 2013) ; « Côte d’Ivoire : Dignité, justice et réconciliation doivent prévaloir après l’arrestation de Laurent Gbagbo », communiqué de presse de la FIDH, 13 avril 2011, http://www.fidh.org/Cote-d-Ivoire-Dignite-justice-et (consulté le 25 janvier 2013) ; Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était » ; Amnesty International, « Ils ont regardé sa carte d'identité et l'ont abattu »; Regroupement des Acteurs Ivoiriens des Droits Humains, « ‘Pourquoi sommes-nous arrivés jusque-là?’: Rapport sur les violations des droits humains en Côte d’Ivoire de septembre 2002 à mai 2011 », 30 janvier 2013, http://www.raidh-ci.org/images/stories/publications/Rapport-d-enquete-violence-sur-les-violation-des-droits-de-l-homme.pdf (consulté le 4 février 2013).

[48] Trois entretiens séparés de Human Rights Watch avec des acteurs de la société civile, Abidjan, 10 et 11 septembre ; International Crisis Group, « Côte d’Ivoire : Faire baisser la pression » ; Jeffrey Smith, « The Dangers of Victor’s Justice in Côte d’Ivoire », posté sur « Freedom at Issue » (blog), Freedom House, 13 avril 2012, http://www.freedomhouse.org/blog/dangers-victor%E2%80%99s-justice-c%C3%B4te-d%E2%80%99ivoire (consulté le 25 janvier 2013).

49 Conseil des droits de l’homme de l’ONU, « Rapport de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, Doudou Diène », A/HRC/19/72, 9 janvier 2012, http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/19session/A.HRC.19.72_fr.pdf (consulté le 28 janvier 2013), résumé (« Rapport 2012 de l’expert indépendant de l’ONU ») ; Rapport 2013 de l’expert indépendant de l’ONU, para. 64.

[50]Dean Nelson, « Ivory Coast’s justice minister admits both sides have ‘blood on their hands’ », The Telegraph, 15 avril 2011, http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/africaandindianocean/cotedivoire/8453722/Ivory-Coasts-justice-minister-admits-both-sides-have-blood-on-their-hands.html (consulté le 28 janvier 2013) ); David Lewis, « Ouattara says no exemptions in search for Ivorian justice », Reuters, 13 mai ; Sarah Leduc, « Promise par Ouattara, la « justice égale pour tous » peine à voir le jour », France 24, http://www.france24.com/fr/20111206-justice-egale-tous-promesse-plausible-laurent-gbagbo-alassane-ouattara-cpi-guerre-civile-post-elections-cote-ivoire (consulté le 28 janvier 2013) ; Dean Nelson, « Ivory Coast: Alassane Ouattara calls for justice as questions remain over French role », The Telegraph, 14 avril 2013, http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/africaandindianocean/cotedivoire/8449602/Ivory-Coast-Alassane-Ouattara-calls-for-justice-as-questions-remain-over-French-role.html (consulté le 28 janvier 2013) ; Barbara Plett, « Ouattara: ‘Justice’ for recent Ivory Coast violence », BBC News, 23 mai 2011, http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-13498291 (consulté le 28 janvier 2013).

[51] Trois entretiens séparés de Human Rights Watch avec des acteurs de la société civile, Abidjan, 10 et 13 septembre 2012 ; deux entretiens séparés de Human Rights Watch avec de hauts diplomates, Abidjan, 13 septembre 2012.

[52] Entretien de Human Rights Watch avec un haut diplomate, Abidjan, 13 septembre 2012.

[53] Entretien de Human Rights Watch avec trois membres d’une association professionnelle ivoirienne, Abidjan, 11 septembre 2012 ; entretien de Human Rights Watch avec des acteurs de la société civile, Abidjan, 14 septembre 2012.

[54] Depuis avril 2012, au moins 50 personnes, dont de nombreux civils, ont été tuées lors de ces attaques. Des milliers d’autres ont été forcées de quitter leurs maisons. Les autorités ivoiriennes se sont empressées de rejeter la responsabilité des attaques sur des activistes demeurés fidèles à l’ex-Président Laurent Gbagbo. Bon nombre des alliés civils et militaires de Gbagbo sont toujours en exil au Ghana et au Liberia. Des travaux antérieurs de Human Rights Watch ont révélé des liens entre ces activistes dans le recrutement et l’organisation de raids transfrontaliers meurtriers lancés en Côte d’Ivoire depuis le Liberia. Voir Human Rights Watch, Bien loin de la réconciliation.

[55] Ibid, p. 39.

[56] Ibid, p. 40.

[57] Entretien de Human Rights Watch avec un acteur de la société civile, Abidjan, 10 septembre 2012.

[58] Entretien de Human Rights Watch avec un acteur de la société civile, Abidjan, 10 septembre 2012.

[59] Entretiens séparés de Human Rights Watch avec cinq acteurs de la société civile, Abidjan, 10 et 13 septembre 2012 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la CDVR, Abidjan, 11 septembre 2012. Voir également Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était », p. 130.

[60] La procédure intentée par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone à l’encontre de Sam Hinga Norman, le dirigeant de la Force de défense civile, un groupe qui s’est battu aux côtés du gouvernement, a renforcé la compréhension du mandat de la cour et sa crédibilité au sein des communautés locales, dans un pays où la justice avait longtemps été compromise par l’ingérence politique et la partialité. Des membres de la société civile ont expliqué que la cour « avait gagné en crédibilité avec l’inculpation de Sam Hinga Norman » et que « personne n’aurait jamais cru que Sam Hinga Norman serait inculpé un jour. Nous pensions qu’[il] allait [être épargné] grâce à l’intervention de Kabbah ». Voir Human Rights Watch, Bringing Justice: The Special Court for Sierra Leone, 7 septembre 2004, http://www.hrw.org/reports/2004/09/08/bringing-justice-special-court-sierra-leone, pp. 18-19, note de bas de page 75.

[61] CDVR, « Commissions », non daté, http://www.cdvr.ci/comprendre-la-cdvr/commissions.html (consulté le 28 janvier 2013).

[62] CDVR, « CDVR en bref », non daté, http://www.cdvr.ci/comprendre-la-cdvr/cdvr-en-bref.html (consulté le 28 janvier 2013) ; Centre international pour la justice transitionnelle, « Ivory Coast: Hopes and Challenges in Addressing the Legacy of the 2010 Violence », podcast, 8 juin 2012, http://ictj.org/news/ivory-coast-hopes-and-challenges-addressing-legacy-2010-violence (consulté le 28 janvier 2013).

[63] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la CDVR, Abidjan, 11 septembre 2012.

[64] Ibid. ; CDVR, « La période de deuil et de purification des cœurs et des terres », non daté, http://www.cdvr.ci/connaitre-laction-cdvr/phases-preparatoires/periode-de-deuil-et-de-purification-des-coeurs-et-des-terres.html (consulté le 28 janvier 2013).

[65] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la CDVR, Abidjan, 11 septembre 2012.

[66] Ibid.

[67] Ibid.

[68] CDVR, « Réparations », non daté, http://www.cdvr.ci/connaitre-laction-cdvr/reparations.html (consulté le 28 janvier 2013).

[69] Jean-Claude Coulibaly, « Consultations nationales pour la réconciliation : 23 commissions locales constituées sur 36 », Le Patriote (Abidjan), 11 janvier 2013, http://news.abidjan.net/h/448553.html (consulté le 28 janvier 2013).

[70] Entretien de Human Rights Watch avec du personnel de la CDVR, Abidjan, 11 septembre 2012 ; International Crisis Group, « Côte D’Ivoire: Defusing Tensions », p. 12.

[71] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la CDVR, Abidjan, 11 septembre 2012 ; International Crisis Group, « Côte D’Ivoire: Defusing Tensions », p. 12 ; Conseil de sécurité des Nations Unies, Trentième rapport périodique du Secrétaire général sur l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire, S/2012/506, 29 juin 2012, http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/refworld/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=5007d32c2 (consulté le 28 janvier 2013), para. 45 (« Rapport juin 2012 du SGNU »).

[72] « Côte d’Ivoire : Ouattara et Banny en quête de solutions », Jeune Afrique, 12 octobre 2012, http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2700p008-009.xml3/ (consulté le 28 janvier 2013).

[73] Ibid.

[74]Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la Cellule spéciale d’enquête, Abidjan, 11 septembre 2012 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la CDVR, Abidjan, 11 septembre 2012. Voir également Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Rapport 2013 de l’expert indépendant de l’ONU, para. 60.

[75] Projet Atlas (Paris), « Transitional Justice in Sierra Leone: Analytic Report », juillet 2010, http://projetatlas.univ-paris1.fr/IMG/pdf/ATLAS_SL_Final_Report_FINAL_EDITS_Feb2011.pdf (consulté le 28 janvier 2013), para. 277.

[76] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec des représentants des bailleurs de fonds, Abidjan, 20 décembre 2012 ; entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 4 janvier 2013.

[77] République de Côte d’Ivoire, Déclaration de reconnaissance de la Compétence de la Cour pénale internationale, 18 avril 2003, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/CBE1F16B-5712-4452-87E7-4FDDE5DD70D9/279779/ICDE.pdf (consulté le 30 janvier 2013).

[78] République de Côte d’Ivoire, Confirmation de la Déclaration de reconnaissance, 14 décembre 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/498E8FEB-7A72-4005-A209-C14BA374804F/0/ReconCPI.pdf (consulté le 28 janvier 2013).

[79] Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était », pp. 146-147.

[80] Situation en République de Côte d'Ivoire, Cour pénale internationale (CPI), ICC-02/11, « Rectificatif à la Décision relative à l’autorisation d’ouverture d’une enquête dans le cadre de la situation en République de Côte d’Ivoire rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome » (Chambre préliminaire III), 3 octobre 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1328750.pdf (consulté le 28 janvier 2013) ; Situation en République de Côte d'Ivoire, CPI, ICC-02/11, « Décision relative à la communication par l’Accusation de renseignements supplémentaires concernant des crimes commis entre 2002 et 2010 susceptibles de relever de la compétence de la Cour » (Chambre préliminaire III), 22 février 2012, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1367377.pdf (consulté le 28 janvier 2013).

[81] En janvier 2013, le procureur de la CPI a amendé le document de notification des charges et a fait valoir, à titre subsidiaire, que Gbagbo avait contribué à la commission ou à la tentative de commission de crimes « par un groupe de personnes agissant de concert ». Voir Le Procureur c. Laurent Gbagbo, Cour pénale internationale, ICC-02/11-01/11, « Soumission de l’Accusation du Document amendé de notification des charges, de l’Inventaire amendé des éléments de preuve à charge et des Tableaux amendés des éléments constitutifs des crimes » (Chambre préliminaire I), Annexe 1, 17 janvier 2013, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1545439.pdf (consulté le 4 février 2013).

[82] Le Procureur c. Laurent Gbagbo , CPI, ICC-02/11-01/11, « Mandat d’arrêt à l’encontre de Laurent Koudou Gbagbo » (Chambre préliminaire III), 23 novembre 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1276752.pdf (consulté le 28 janvier 2013).

[83] Le Procureur c. Simone Gbagbo, CPI, ICC-02/11-01/12, « Mandat d’arrêt à l’encontre de Simone Gbagbo » (Chambre préliminaire III), 29 février 2012, http://www2.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1344440.pdf (consulté le 28 janvier 2013).

[84] « Ivory Coast ex-first lady testifies in genocide case », Agence France-Presse, 14 novembre 2012.

[85] « Ouattara veut examiner la demande de la CPI avant de se prononcer sur le transfèrement de Simone Gbagbo », Agence de Presse Africaine, 1er décembre 2012.

[86] « Déclaration du Procureur de la CPI suite à la levée des scellés du mandat d’arrêt délivré contre Mme Simone Gbagbo : Les juges ont rendu leur décision, il appartient désormais aux autorités ivoiriennes de remettre Mme Simone Gbagbo à la Cour », communiqué de presse de la Cour pénale internationale, 22 novembre 2012, http://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/pages/otp-stetement-22-11-12.aspx (consulté le 28 janvier 2013) ; « Côte d’Ivoire : ICC Deputy Prosecutor Fatou Bensouda Met With President Ouattara », communiqué de presse de l’ambassade américaine à Abidjan, 4 avril 2012, http://allafrica.com/stories/201204041067.html (consulté le 28 janvier 2013).

[87]Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était » ; Rapport 2011 de la CEI ; Fredrik Dahl, « U.N. rights chief concerned about new Ivory Coast army », Reuters ; « Post-Election Violence Claims More Than 1000 Lives in Western Cote D’Ivoire, According to UNOCI Report », communiqué de presse de l’ONU, 26 mai 2011 ; Centre d’actualités de l’ONU, « Extrajudicial executions carried out in Côte d’Ivoire, UN reports », 11 août 2011, http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=39283&Cr=Ivoire&Cr1 (consulté le 28 janvier 2013) ; « Côte d’Ivoire : Massacres à Duékoué et graves exactions commises contre la population civile dans tout le pays », communiqué de presse de la FIDH, 8 avril 2011, http://www.fidh.org/Cote-d-Ivoire-Massacres-a-Duekoue (consulté le 28 janvier 2013) ; Amnesty International, « Nous voulons rentrer chez nous, mais nous ne pouvons pas ».

[88] Résumé de la conférence de presse donnée par Luis Moreno-Ocampo, 15 décembre 2011, http://www.un.org/News/briefings/docs/2011/111215_ICC.doc.htm (consulté le 28 janvier 2013).

[89] Quatre entretiens séparés de Human Rights Watch avec des acteurs de la société civile, Abidjan, 10 et 11 septembre. Deux acteurs de la société civile ont avancé l’hypothèse que le gouvernement ivoirien ne coopérerait pas volontiers avec la CPI en ce qui concerne les mandats d’arrêt délivrés par la cour à l’encontre d’auteurs présumés de crimes appartenant au camp Gbagbo, étant donné que cela placerait le gouvernement dans une position plus forte pour refuser de coopérer dans le cadre des affaires impliquant des membres des forces pro-Ouattara mis en cause par la CPI. En d’autres termes, refuser de coopérer dans toutes les affaires de la CPI en suspens contribuerait à mettre le gouvernement à l’abri des critiques selon lesquelles seule la protection de ses partisans l’intéresse. Deux entretiens séparés de Human Rights Watch avec des acteurs de la société civile, Abidjan, 10 septembre 2012.

[90] Quatre entretiens séparés de Human Rights Watch avec des acteurs de la société civile, Abidjan, 10, 11 et 13 septembre 2012. Voir également Matt Wells (Human Rights Watch), « La CPI doit encore asseoir sa légitimité en Côte d’ivoire », commentaire, Le Monde, 19 juillet 2012, http://www.hrw.org/fr/news/2012/07/19/la-cpi-doit-encore-asseoir-sa-l-gitimit-en-c-te-d-ivoire.

[91] Quatre entretiens séparés de Human Rights Watch avec des acteurs de la société civile, Abidjan, 10 et 11 septembre ; entretien de Human Rights Watch avec trois membres d’une association professionnelle ivoirienne, Abidjan, 11 septembre 2012.

[92] Entretien de Human Rights Watch avec un acteur de la société civile, Abidjan, 10 septembre 2012.

[93] « Entretien avec Guillaume Soro », Radio France Internationale, 8 juillet 2012, http://www.rfi.fr/emission/20120708-1-guillaume-soro (consulté le 28 janvier 2013).

[94]Voir, par exemple, « Justicesera faite pour les victimes ivoiriennes de crimes commis à grande échelle : M. Gbagbo est le premier à devoir rendre compte de sesactes. Il ne sera pas le dernier »,déclaration de la Cour pénale internationale, 30 novembre 2011,http://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/structure%20of%20the%20court/office%20of%20the%20prosecutor/reports%20and%20statements/statement/pages/%E2%80%9Civorian%20victims%20will%20see%20justice%20for%20massive%20crimes_%20mr_%20gbagbo%20is%20first%20to%20be.aspx (consulté le 28 janvier 2013) ; « ICC promises to be ‘independent and impartial’ in trial of Côte d'Ivoire's ex-president », Xinhua, 2 juin 2012, http://news.xinhuanet.com/english/world/2012-06/02/c_131627135.htm (consulté le 28 janvier 2013).

[95] Conseil de sécurité de l’ONU, « Vingt-huitième rapport du Secrétaire général sur l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire », S/2011/387, 24 juin 2011, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/2011/387&referer=/english/&Lang=F (consulté le 28 janvier 2013), para. 31.

[96] Ibid.

[97] Rapport 2012 de l’expert indépendant de l’ONU, para. 29.

[98] Politique sectorielle du Ministère de la Justice en Côte d’Ivoire, « Document d’orientation 2012-2015 », 19 avril 2012 (« Document d’orientation »).

[99] Rapport de juin 2012 du SGNU, para. 27. Les retards dans la finalisation de la stratégie sont en grande partie dus au vaste remaniement ministériel opéré récemment par le Président Ouattara. Robbie Corey-Boulet, « Ivory Coast Has New Cabinet, Security Challenges Remain », Voix de l’Amérique, 28 novembre 2012, http://www.voanews.com/content/ivory-coast-has-new-cabinet-but-security-challenges-remain/1554616.html (consulté le 28 janvier 2013) ; communication électronique envoyée à Human Rights Watch par un haut diplomate, Abidjan, 21 décembre 2012 ; entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 7 février 2013.

[100] Par exemple, il est possible de poursuivre de hauts responsables en tant qu’ « auteurs intellectuels » des crimes, même si ce type de responsabilité n’est pas expressément mentionné dans le code pénal. Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un expert international, 26 décembre 2012.

[101] Entretien de Human Rights Watch avec deux hauts responsables du Ministère de la Justice, Abidjan, 12 septembre 2012 ; rapport 2012 de l’expert indépendant de l’ONU, para. 28.

[102] Constitution de la République de Côte d'Ivoire du 23 juillet 2000, http://democratie.francophonie.org/IMG/pdf/Cote_d_Ivoire.pdf, art. 101 (consulté le 22 février 2013) (Constitution ivoirienne de 2000) ; Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, adoptés par le septième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, Milan, du 26 août au 6 septembre 1985, Doc. ONU A/CONF.121/22/Rev.1 at 59 (1985).

[103] Entretien de Human Rights Watch avec un acteur de la société civile, Abidjan, 10 septembre 2012.

[104] Département d’État américain, Bureau de la démocratie, des droits humains et du travail, « Country Reports on Human Rights Practices – 2011: Côte d’Ivoire », 24 mai 2012, http://www.state.gov/documents/organization/186399.pdf (consulté le 4 février 2013).

[105] Entretien de Human Rights Watch avec un acteur de la société civile, Abidjan, 10 septembre 2012. D’autres personnes interrogées ont exprimé le même sentiment. Entretien de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 10 septembre 2012 ; trois entretiens séparés de Human Rights Watch avec des acteurs de la société civile, Abidjan, 10 septembre 2012 ; entretien de Human Rights Watch avec un praticien du droit pénal, Abidjan, 11 septembre 2012.

[106] Trois entretiens séparés de Human Rights Watch avec des acteurs de la société civile, Abidjan, 10 et 11 septembre 2012 ; République de Côte d’Ivoire, Loi No. 97-243 du 25 avril 1997 modifiant et complétant la Loi No. 94-440 du 16 août 1994 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême, art. 9.

[107] Il convient toutefois de noter que la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et ses deux organisations membres en Côte d’Ivoire, la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO) et le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH), ont aidé plus de 70 victimes de tous les camps du conflit à se constituer parties civiles pour les violations graves des droits humains commises dans le cadre de la crise post-électorale. « La FIDH, le MIDH et la LIDHO soutiennent le processus de justice et les victimes de la crise post-électorale », communiqué de presse de la FIDH, 2 mai 2012, http://www.fidh.org/La-FIDH-le-MIDH-et-la-LIDHO (consulté le 21 février 2013) ; communication électronique envoyée à Human Rights Watch par un acteur de la société civile, Paris, 4 janvier 2013.

[108] Constitution ivoirienne de 2000, art. 106 ; Projet de loi relatif au Conseil supérieur de la Magistrature, 7 septembre 2012, document non publié en possession de Human Rights Watch.

[109] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 4 janvier 2013.

[110] Document d’orientation, p. 40.

[111] Communiqué du Conseil des Ministres, 18 janvier 2012, http://www.gouv.ci/conseil_print_1.php?recordID=117 (consulté le 28 janvier 2013).

[112] Décret no. 2012-14 du 18 janvier 2012 portant organisation, attributions et fonctionnement de l’Inspection générale des Services judiciaires et pénitentiaires, art. 2, JournalOfficiel de la République de Côte d’Ivoire, 30 janvier 2012, p. 43.

[113] « Côte d’Ivoire : la justice pour combattre les violations des droits de l’Homme et l’insécurité », communiqué de presse de la FIDH, 30 octobre 2012, http://www.fidh.org/Cote-d-Ivoire-la-justice-pour-12352 (consulté le 28 janvier 2013) ; rapport de décembre 2012 du SGNU, para. 32.

[114] Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, A/HRC/20/19, 7 juin 2012, paras. 27-28 ; voir également James Hamilton, « Prosecutorial Independence and Accountability », 2011, http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-UDT(2011)008-e (consulté le 28 janvier 2013), p. 8.

[115] Ibid. para. 80.

[116] Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, A/HRC/20/19, 7 juin 2012, para. 70.

[117] En effet, en France, une section séparée au sein du CSM a été créée pour les magistrats du parquet. Conseil supérieur de la magistrature, « Organisation & Fonctionnement », non daté, http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/organisation-et-fonctionnement (consulté le 28 janvier 2013).

[118] Entretien de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, 14 septembre 2012 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat pénaliste, Abidjan, 14 septembre 2012.

[119] Rapport 2012 de l’expert indépendant de l’ONU, p. 1.

[120] Rapport 2013 de l’expert indépendant de l’ONU, paras 52-75.

[121] Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats se voit confier le mandat suivant par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU : « (a) Enquêter sur toute allégation sérieuse qui lui est transmise et communiquer ses conclusions et recommandations à ce sujet ; (b) Repérer et consigner non seulement les atteintes à l’indépendance des magistrats, des avocats et des personnels et auxiliaires de justice, mais aussi les progrès réalisés tendant à protéger et renforcer leur indépendance et faire des recommandations concrètes, y compris sur la prestation de services consultatifs ou d’une assistance technique si l’Etat intéressé le demande ; (c) Repérer les moyens d’améliorer le système judiciaire et faire des recommandations concrètes à ce sujet ; (d) Etudier, dans le but de faire des propositions, les questions de principe importantes et d’actualité afin de protéger et renforcer l’indépendance des magistrats, des avocats et des personnels et auxiliaires de justice ; (e) Mener ses travaux dans une optique d’égalité entre les sexes ; (f) Coopérer étroitement, tout en évitant le double emploi, avec les organismes, titulaires de mandat et mécanismes compétents des Nations Unies, ainsi qu’avec les organisations régionales ; (g) Faire rapport régulièrement au Conseil, conformément à son programme de travail, et une fois par an à l’Assemblée générale ». Voir Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, « Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats – Introduction », 2012, http://www2.ohchr.org/french/issues/judiciary/index.htm (consulté le 29 janvier 2013).

[122] Ibid.

[123] Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, Les instruments de l’État de droit dans les sociétés sortant d’un conflit : Poursuites du parquet (New York et Genève : Nations Unies, 2006), http://www.ohchr.org/Documents/Publications/RuleoflawProsecutionsfr.pdf (consulté le 29 janvier 2013), pp. 5-6 (« Rapport du HCDH sur les poursuites du parquet »).

[124] Entretien de Human Rights Watch avec du personnel de la Cellule spéciale d’enquête, Abidjan, 11 septembre 2012.

[125] Entretien de Human Rights Watch avec du personnel de la Cellule spéciale d’enquête, Abidjan, 11 septembre 2012.

[126] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un expert international, 26 décembre 2012 ; voir également rapport du HCDH sur les poursuites du parquet , pp. 5-6.

[127] Ibid, p. 6.

[128] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un expert international, 26 décembre 2012.

[129] Human Rights Watch, Justice for Atrocity Crimes: Lessons of International Support for Trials before the State Court of Bosnia and Herzegovina, 12 mars 2012, http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/bosnia0312_0.pdf, pp. 41-42.

[130] Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), ICTY Manual on Developed Practices (Turin : Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice, 2009), http://www.icty.org/x/file/About/Reports%20and%20Publications/ICTY_Manual_on_Developed_Practices.pdf (consulté le 29 janvier 2013), p. 14.

[131] Rapport du HCDH sur les poursuites du parquet , pp. 5-6.

[132] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la Cellule spéciale d’enquête, Abidjan, 22 février 2013.

[133] République de Côte d’Ivoire, Loi No. 60-366 du 14 novembre 1960 portant Code de procédure pénale, disponible sur http://www.loidici.com/codeprocepenalecentral/codepropenale.php (consulté le 8 février 2013), art. 71 (« Code de procédure pénale »).

[134] Code de procédure pénale, art. 51.

[135] Entretien de Human Rights Watch avec du personnel de la Cellule spéciale d’enquête, 11 septembre 2012 ; entretien de Human Rights Watch avec deux hauts responsables du Ministère de la Justice, Abidjan, 12 septembre 2012.

[136] Entretien de Human Rights Watch avec du personnel de la Cellule spéciale d’enquête, Abidjan, 11 septembre 2012.

[137] Entretien de Human Rights Watch avec du personnel de la Cellule spéciale d’enquête, 11 septembre 2012 ; entretien de Human Rights Watch avec deux hauts responsables du Ministère de la Justice, Abidjan, 12 septembre 2012 ; entretien de Human Rights Watch avec un expert international, 26 décembre 2012.

[138] Entretien de Human Rights Watch avec du personnel de la Cellule spéciale d’enquête, 11 septembre 2012 ; entretien de Human Rights Watch avec deux hauts responsables du Ministère de la Justice, Abidjan, 12 septembre 2012.

[139] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 7 février 2013.

[140] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un expert international, 26 décembre 2012.

[141] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un représentant d’un bailleur de fonds, Abidjan, 19 décembre 2012 ; entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 4 janvier 2012.

[142] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 4 janvier 2012.

[143] Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), adopté le 16 décembre 1966, Res. AG 2200A (XXI), 21 U.N. GAOR Supp. (No. 16) at 52, Doc. ONU A/6316/ (1966), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par la Côte d’Ivoire le 26 mars 1992, art. 10 et 14 ; Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples [Charte de Banjul], adoptée le 27 juin 1981, Doc. OUA, CAB/LEG/67/3 rev. 5, 21 I.L.M. 58 (1982), entrée en vigueur le 21 octobre 1986, art. 3, 6, 7.

[144] PIDCP, art. 10, 14 ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté le 16 décembre 1966, rés. AG 2200A (XXI), 21 U.N.GAOR Supp. (No. 16) at 49, Doc. ONU A/6316 (1966), 993 U.N.T.S. 3, entré en vigueur le 3 janvier 1976, ratifié par la Côte d’Ivoire le 26 mars 1992.

[145] Code de procédure pénale, art. 51, 78, 79 et 86.

[146] Code de procédure pénale, art. 181.

[147] Code de procédure pénale, art. 199, 201.

[148] Code de procédure pénale, art. 211, 214.

[149] Code de procédure pénale, art. 235. La Côte d’Ivoire compte neuf tribunaux de première instance situés dans différentes villes à travers le pays : Abidjan-Plateau, Abidjan-Yopougon, Bouaké, Daloa, Man, Korhogo, Abengourou, Bouaflé et Gagnoa.

[150] Code de procédure pénale, art. 243.

[151] Entretiens de Human Rights Watch avec trois membres d’une association professionnelle ivoirienne, Abidjan, 12 septembre 2012 ; entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un expert international, 1er octobre 2012; Programme d'appui à la reforme et à la modernisation du système judiciaire et pénitentiaire ivoirien (PARMSJP), « Note relative à la révision de la législation en matièrepénale et de procédure pénale », Abidjan, 17août 2012, pp. 2-3, copie en possession de Human Rights Watch (« PARMSJP »).

[152] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 7 février 2013.

[153] PARMSJP, pp. 2-3.

[154] En vertu de l’article 137 du Code de procédure pénale, la détention préventive est censée être une mesure exceptionnelle mais dans la pratique, elle est largement utilisée. Voir rapport 2013 de l’expert indépendant de l’ONU, para. 63.

[155]Code de procédure pénale, art. 351.

[156] Michel Bonnieu, « The presumption of innocence and the cour d’assises: is France ready for adversarial procedure? », Revue international de droit pénal, vol. 72 (2001), p. 15, http://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-penal-2001-1-page-559.htm (consulté le 4 février 2013) (« The presumption of innocence and the cour d’assises »).

[157] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un expert international, 1er octobre 2012. Les décisions de la cour d’assises sont basées sur le principe de « l’intime conviction » et entendent exprimer la volonté du peuple. La théorie de la souveraineté populaire et le principe du vote secret expliquent pourquoi la loi n’impose pas l’obligation de motiver les décisions. C’est également la raison pour laquelle à l’origine, aucune véritable voie de recours n’a été jugée nécessaire. « The presumption of innocence and the cour d’assises », p. 20 . En 2001, le Code de procédure pénale français —sur lequel est basé le système ivoirien—a été modifié, les accusés ayant aujourd’hui en France droit à un nouveau procès devant une autre cour d’assises. Voir Bron McKillop, « Review of Convictions after Jury Trials: The New French Jury Court of Appeal », Sydney Law Review, vol. 28 (2006).

[158] Entretiens de Human Rights Watch avec des représentants de l’ONU et d’associations ivoiriennes de défense des droits des femmes, Abidjan, août 2010 et janvier 2012.

[159] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 4 janvier 2013.

[160] PARMSJP, pp. 2-3.

[161] Code de procédure pénale, art. 274.

[162] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 4 février 2013.

[163] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 7 février 2013.

[164] République de Côte d’Ivoire, Loi No. 81-640 du 31 Juillet 1981 Instituant le Code Pénal, disponible sur http://www.loidici.com/codepenalcentral/codepenal.php (consulté le 8 février 2013), art. 253 (« Code pénal »).

[165] Entretien de Human Rights Watch avec deux hauts responsables du Ministère de la Justice, Abidjan, 12 septembre 2012.

[166] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la CPI, La Haye, 10 octobre 2012 ; entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 4 janvier 2013.

[167] Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur le droit à la vérité », A/HRC/15/33, 28 juillet 2010, http://ap.ohchr.org/documents/alldocs.aspx?doc_id=17520 (consulté le 4 février 2013), para. 66-71.

[168] Voir Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), « Bonnes pratiques de protection des témoins dans les procédures pénales afférentes à la criminalité organisée », février 2008, http://www.unodc.org/documents/organized-crime/09-80620_F_ebook.pdf (consulté le 7 janvier 2013), p. 46.

[169] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la Cellule spéciale d’enquête, Abidjan, 11 septembre 2012.

[170] « Un procureur attaqué par des inconnus lourdement armés », Xinhua, 9 août 2012, http://yakocotedivoire.over-blog.com/article-un-procureur-attaque-par-des-inconnus-lourdement-armes-108965131.html (consulté le 29 janvier 2013).

[171] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 4 janvier 2013.

[172] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un expert international, 26 décembre 2012.

[173] La force, déployée le 4 avril 2004, comprenait quelque 8 000 Casques bleus de l’ONU et près de 1 000 policiers, et elle bénéficiait de l’appui de 5 000 soldats français plus lourdement armés appartenant à la force Licorne. La force Licorne avait été déployée à l’origine en Côte d’Ivoire en septembre 2002 pour protéger les ressortissants français lors de la tentative de coup d’État. Elle a rapidement été chargée d’appuyer aussi le cessez-le-feu entre le gouvernement et les rebelles, ainsi que les efforts de l’opération de maintien de la paix. Après l’Accord politique de Ouagadougou (APO), la force Licorne a été explicitement chargée d’appuyer l’ONUCI dans la mise en œuvre de l’APO. Elle n’a cessé de réduire la présence de ses troupes depuis 2004, ayant conservé quelque 900 soldats en Côte d’Ivoire à la veille du scrutin présidentiel de 2010. République Française, Ministère de la Défense et des Anciens Combattants, « Les forces françaises en Côte d’Ivoire », 7 juillet 2011, http://www.defense.gouv.fr/operations/cote-d-ivoire/dossier/les-forces-francaises-en-cote-d-ivoire (consulté le 4 février 2013).

[174] Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 1528 (2004), S/RES/1528 (2004) http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1528%20%282004%29&referer=/english/&Lang=F (consulté le 4 février 2013), para. 6(q). La mission de maintien de la paix de l’ONU en Côte d’Ivoire a été chargée d’aider le gouvernement à mettre en œuvre le plan national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, et de protéger les civils exposés à la menace imminente de violence. Le Conseil de sécurité de l’ONU a également imposé un embargo sur les armes visant la Côte d’Ivoire en novembre 2004.

[175] Human Rights Watch, Mémorandum de Human Rights Watch pour la onzième session de l'Assemblée des États parties à la Cour pénale internationale , 7 novembre 2012, http://www.hrw.org/sites/default/files/related_material/HRW%20ASP11%20Memo%20French%20Final.pdf.

[176] Assemblée des États parties à la Cour pénale internationale (AEP-CPI), Résolution sur la complémentarité, ICC-ASP/11/Res.6, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/Resolutions/ASP11/ICC-ASP-11-Res6-FRA.pdf (consulté le 4 février 2013), para. 1.

[177]« Council Action Plan to follow-up on the Decision on the International Criminal Court », 12080/11, 12 juillet 2011, http://register.consilium.europa.eu/pdf/en/11/st12/st12080.en11.pdf (consulté le 29 janvier 2013). [Traduction non officielle de Human Rights Watch]

[178] Ibid. Parlement européen, « Parliamentary questions: EU backing for complementarity between the International Criminal Court (ICC) and national judicial systems, Answer given by Mr Piebalgs on behalf of the Commission », E-005949/2012, 27 juillet 2012, http://www.europarl.europa.eu/sides/getAllAnswers.do?reference=E-2012-005949&language=EN (consulté le 29 janvier 2013).

[179] Programme des Nations Unies pour le développement, Allocution lors de la 11e Session de l’Assemblée des États parties à la Cour pénale internationale : « Human Development and International Justice », Helen Clark, 19 novembre 2012, http://www2.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/E10A5253-DA2D-46CE-90B8-7497426E9C39/0/ICCASP11_COMPKeynote_Remarks_HCENG.pdf (consulté le 4 février 2013), p.7. [Traduction non officielle de Human Rights Watch]

[180] Entretien de Human Rights Watch avec deux responsables de l’ONU, New York, 1er février 2013.

[181] Centre international pour la justice transitionnelle, et al., « Synthesis Report on 'Supporting Complementarity at the National Level: From Theory to Practice,' Greentree III Retreat », 25-26 octobre 2012, http://www.ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Report-Greentree-III-Synthesis-ENG-2012.pdf (consulté le 8 février 2013).

[182] Communication électronique envoyée à Human Rights Watch par un responsable de l’ONU, Abidjan, 20 novembre 2012.

[183] Communication électronique envoyée à Human Rights Watch par un responsable de l’ONU, Abidjan, 20 novembre 2012.

[184] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 4 janvier 2013.

[185] Rapport de juin 2012 du SGNU, para 27 ; communication électronique envoyée à Human Rights Watch par un haut diplomate, Abidjan, 21 décembre 2012.

[186] Communication électronique envoyée à Human Rights Watch par un haut diplomate, Abidjan, 21 décembre 2012.

[187] Entretien de Human Rights Watch avec un haut diplomate, Abidjan, 14 septembre 2012 . Voir également « Transitional Justice Specialists: Prosecutorial & Investigative Advisors – Côte D’Ivoire », Devex, 28 mars 2012, http://www.devex.com/en/jobs/transitional-justice-specialists-prosecutorial-investigative-advisors-c-te-d-ivoire-18678 (consulté le 29 janvier 2013).

[188] Ibid.

[189] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un représentant d’un bailleur de fonds, Abidjan, 19 décembre 2012 ; communication électronique envoyée à Human Rights Watch par un représentant d’un bailleur de fonds, Abidjan, 26 février 2013.

[190] Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 2062 (2012), S/RES/2062 (2012), http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2062%282012%29 (consulté le 29 janvier 2013), para 13.

[191] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 4 janvier 2013.

[192] Communication électronique envoyée à Human Rights Watch par un haut diplomate, Abidjan, 23 décembre 2012.

[193] Communication électronique envoyée à Human Rights Watch par un haut diplomate, Abidjan, 21 décembre 2012.

[194] Entretien de Human Rights Watch avec trois diplomates, Abidjan, 13 septembre 2012.

[195] « Relations de l'UE avec la Côte d'Ivoire», Union européenne, 2013, http://eeas.europa.eu/ivory_coast/index_fr.htm (consulté le 21 février 2013).

[196] Entretien de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 10 septembre 2012 ; réunion de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, New York, 20 décembre 2012.

[197] Les services juridiques seront établis à Bondoukou, Bouaké, Guiglo, Korhogo, Man et San Pedro. Rapport de juin 2012 du SGNU, para 28.

[198] Réunion de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 10 septembre 2012.

[199] Réunion de Human Rights Watch avec un responsable de l’ONU, Abidjan, 20 décembre 2012.

[200] Entretien de Human Rights Watch avec un haut diplomate, Abidjan, 13 septembre 2012. Le Ministère des Affaires étrangères a toutefois fourni un certain soutien financier aux ONG qui ont aidé plus de 70 victimes de tous les camps à se constituer parties civiles pour les crimes post-électoraux. Communication électronique envoyée à Human Rights Watch par un acteur de la société civile, Paris, 8 février 2013.

[201] Trois entretiens séparés de Human Rights Watch avec des diplomates et du personnel de l’ONU, Abidjan, 12, 13 et 14 septembre 2012.

[202] « Déclaration de la Haute Représentante de l'UE, Catherine Ashton, sur la situation en Côte d'Ivoire », A 144/11, déclaration de presse de l’Union européenne, 11 avril 2011, http://ue.eu.int/uedocs/cms_data/docs/pressdata/FR/foraff/121484.pdf (consulté le 29 janvier 2013).

[203] Quentin Leboucher, « EU’s Barroso backs I. Coast reconciliation », Star Africa, 25 octobre 2012, http://en.starafrica.com/news/eus-barroso-backs-i-coast-reconciliati-258686.html (consulté le 29 janvier 2013).

[204] « UN official calls for justice in wake of human rights violations in Côte d'Ivoire, warns of renewed violence », Centre d’actualités de l’ONU, 1er décembre 2012, http://www.un.org/apps/news/story.asp?newsid=43653&cr=cote (consulté le 29 janvier 2013).

[205] Christophe Boisbouvier, « Philippe Carter, ambassadeur des Etats-Unis à Abidjan », Radio France Internationale, podcast, 6 décembre 2012, http://www.rfi.fr/emission/20121206-philippe-carter-ambassadeur-etats-unis-abidjan (consulté le 29 janvier 2013).

[206] Rapport 2012 de l’expert indépendant de l’ONU, para. 34 ; Déclaration de Human Rights Watch au Conseil des droits de l'homme sur la situation des droits humains en Côte d'Ivoire, 21 mars 2012, http://www.hrw.org/fr/news/2012/03/21/d-claration-au-conseil-des-droits-de-lhomme-sur-la-situation-des-droits-humains-en-c.

[207] La conférence réunissait des représentants du gouvernement ivoirien, de la société civile, des Nations Unies, d’organismes donateurs et des experts en justice transitionnelle d’autres pays. Human Rights Watch y a participé.

[208] L’obligation de faire rapport est imposée par des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Voir, par exemple, Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 1980 (2011), S/RES/1980 (2011) http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1980%282011%29&referer=/english/&Lang=F (consulté le 8 février 2013), para. 14 ; Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 2045 (2012), S/RES/2045 (2012) http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/2045%282012%29&referer=/english/&Lang=F (consulté le 8 février 2013), para. 16.

[209] Rapport de juin 2012 du SGNU ; Conseil de sécurité de l’ONU, Rapport spécial du Secrétaire général sur l’Opération

des Nations Unies en Côte d’Ivoire, S/2012/186, 29 mars 2012, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/2012/186&referer=http://www.un.org/en/peacekeeping/missions/unoci/reports.shtml&Lang=F (consulté le 4 février 2013), para. 77.

[210] Conseil de sécurité de l’ONU , Résolution 2062 (2012), S/RES/2062 (2012), http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/2062%282012%29&referer=/english/&Lang=F (consulté le 29 janvier 2013), para. 10 : « Souligne qu’il faut d’urgence prendre des mesures concrètes pour promouvoir la justice et la réconciliation à tous les niveaux et de tous les côtés, notamment en faisant participer activement les groupes de la société civile, l’objectif étant de remédier aux causes profondes des crises que connaît la Côte d’Ivoire, préconise d’appuyer les mécanismes de justice transitionnelle, notamment la Commission Dialogue, vérité et réconciliation, qui devrait adopter un programme global et de grande envergure et intensifier les activités qu’elle mène à l’échelle locale dans tout le pays, souligne l’importance que revêtent l’obligation de rendre compte et l’impartialité de la justice, y compris grâce aux travaux de la Commission nationale d’enquête, pour une réconciliation durable en Côte d’Ivoire, se félicite de l’adoption par le Gouvernement ivoirien d’une stratégie nationale pour le secteur de la justice, et exhorte le Gouvernement ivoirien à prendre des mesures concrètes pour prévenir les violences intercommunautaires et y réagir en essayant de dégager un large consensus national sur la façon de régler les questions d’identité et de propriété foncière . »

[211] Conseil de sécurité des Nations Unies, « Trente et unième rapport périodique du Secrétaire général sur l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire », S/2012/964, 31 décembre 2012, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/2012/964&referer=http://www.un.org/en/peacekeeping/missions/unoci/reports.shtml&Lang=F (consulté le 29 janvier 2013), para. 22.

[212] Le rapport de la cour à l’Assemblée des États parties met en avant un certain nombre de domaines précis où les efforts de renforcement des capacités dans les juridictions nationales sont particulièrement nécessaires et où l’expertise de la cour pourrait s’avérer particulièrement utile pour concevoir et planifier l’aide en la matière. Le rapport reconnaît également que ces efforts peuvent renforcer le legs ou l’impact à long terme de la cour et faciliter son retrait final. Voir ICC-ASP, « Rapport de la Cour sur la complémentarité », Cour pénale internationale, ICC-ASP/11/39, 16 octobre 2012, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP11/ICC-ASP-11-39-FRA.pdf (consulté le 8 février 2013).

[213] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la CPI, La Haye, 10 octobre 2012.

[214] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la CPI, La Haye, 11 janvier 2013.

[215] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la CPI, La Haye, 8 février 2013.

[216] Code pénal, art. 137.

[217] Code pénal, art. 138.

[218] Code pénal, art. 139.

[219] Constitution ivoirienne de 2000, art. 2.

[220] Voir Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Convention sur le génocide), 78 U.N.T.S. 277, entrée en vigueur le 12 janvier 1951, art. 2 ; Statut de Rome de la Cour pénale internationale (« Statut de Rome »), Doc. ONU A/CONF.183/9, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, art. 6. Lors de la rédaction de la Convention sur le génocide, le principal désaccord relatif au champ d’application de la définition du crime portait sur la question de savoir si les groupes politiques devaient être inclus dans la définition du génocide. Par la suite, de nombreux commentateurs ont considéré que l’exclusion des groupes politiques de la version finale de la Convention était le fruit d’un compromis destiné à obtenir la ratification de certains États qui craignaient une ingérence extérieure dans l’élimination des dissidences internes. Voir Machteld Boot, Genocide, Crimes Against Humanity, War Crimes: Nullum Crimen Sine Lege and the Subject Matter Jurisdiction of the International Criminal Court (Antwerp: Instersentia, 2002), p. 426 ; Kok-Thay Eng, Genocide Watch, « Redefining Genocide », non daté,http://www.genocidewatch.org/images/AboutGen_Redefining_Genocide.pdf (consulté le 29 janvier 2013), p. 2.

[221] Rapport 2013 de l’expert indépendant de l’ONU, para. 66.

[222] Statut de Rome, art. 7.

[223] Statut de Rome, art. 8 ; Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, adoptée le 12 août 1949, 75 U.N.T.S. 287, entrée en vigueur le 21 octobre 1950, ratifiée par la Côte d’Ivoire le 28 décembre 1961.

[224] « La Côte d’Ivoire ratifie le Statut de Rome », communiqué de presse de la CPI, 18 février 2013, http://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/pages/pr873.aspx (consulté le 24 février 2013).

[225] Constitution ivoirienne de 2000, art.86. Voir également Armand Tanoh et Horace Adjolohoun, « International law and human rights litigation in Côte d’Ivoire and Benin », dans Magnus Killander, ed., International law and domestic human rights litigation in Africa (Pretoria: Pretoria University Law Press, 2010), p. 110.

[226] Cette approche a été adoptée par les juridictions militaires en République démocratique du Congo, qui est aussi un pays moniste. Voir Avocats Sans Frontières, « L’application du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale par les juridictions de la République Démocratique du Congo », 2009, http://www.iccnow.org/documents/ASF_rapportRome_csc_light.pdf (consulté le 29 janvier 2013), pp. 14-18.

[227] Deux entretiens séparés de Human Rights Watch avec des acteurs de la société civile, Abidjan, 10 et 12 septembre 2012.

[228] La Cour européenne des Droits de l’Homme, dans son interprétation de la même disposition dans la Convention européenne des Droits de l’Homme, a affirmé à plusieurs reprises que rien ne s’oppose à l’engagement de poursuites pour des crimes considérés comme graves par le droit international même si au moment de la commission desdits crimes, ils n’étaient pas codifiés dans le droit national. Voir, par exemple, Cour européenne des Droits de l’Homme, Papon c. la France, (Requête No. 54210/00), arrêt du 25 juillet 2002, recueil 2001-XII, disponible sur www.echr.coe.int ; Cour européenne des Droits de l’Homme, Touvier c. la France, (Requête No. 29420/95), décision de la Commission du 13 janvier 1997, décisions et recueil 88-B, disponible sur www.echr.coe.int, p. 161 ; Cour européenne des Droits de l’Homme, Kolk et Kislyiy c. l’Estonie, (Requêtes Nos. 23052/04 et 24018/04), décision du 17 janvier 2006, recueil 2006-I, disponible sur www.echr.coe.int/echr (consulté le 29 janvier 2013). Conformément à cette approche, certains tribunaux pénaux internationaux et hybrides ont autorisé les poursuites contre des auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour des actes perpétrés avant la création des lois applicables, et plusieurs juridictions nationales ont fait de même. Voir, par exemple, Prosecutor v. Norman, Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), Affaire No. SCSL-2004-14-AR72, « Decision on Preliminary Motion Based on Lack of Jurisdiction » (Recrutement d’enfants) (Chambre d’appel), 31 mai 2004, http://www.scsl.org/CDF-decisions.html (consulté le 21 septembre 2007) ; et Le Procureur c. Hadzihasanovic, TPIY, Affaire No. IT-01-47-PT, « Décision relative à l’exception conjointe d’incompétence » (Chambre de première instance), 12 novembre 2002. La décision rendue dans l’affaire Hadzihasanovica été annulée en partie par la Chambre d’appel. Voir Le Procureur c. Hadzihasanovic, TPIY, Affaire No. IT-01-47-PT, « Decision on Interlocutory Appeal Challenging Jurisdiction in Relation to Command Responsibility » (Chambre d’appel), 27 novembre 2002. Voir également R. c. Finta, Cour suprême du Canada , [1994] 1 SCR 701, 24 mars 1994. Pour une analyse de cette affaire, voir Judith Hippler Bello et Irwin Cotler, « Regina v. Finta », The American Journal of International Law, vol. 90, no. 3 (juillet 1996), pp. 460-476.

[229] Voir Code pénal, art. 25-30, 140. Il est également possible de poursuivre de hauts responsables en tant qu’ « auteurs intellectuels » des crimes, même si ce mode de responsabilité n’est pas expressément mentionné dans le code pénal. Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un expert international, 26 décembre 2012.

[230] Code pénal, art. 135.

[231] Voir Armand Tanoh et Horace Adjolohoun, « International law and human rights litigation in Côte d’Ivoire and Benin », dans Magnus Killander, ed., International law and domestic human rights litigation in Africa (Pretoria: Pretoria University Law Press, 2010), p. 114.

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