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Colombie: Le gouvernement devrait enquêter sur le massacre de douze membres de la communauté Awá dans le sud du pays

L’armée colombienne pourrait être impliquée dans le meurtre des douze indigènes et l’élimination de témoins

(Washington, le 27 août 2009) - Le gouvernement colombien devrait au plus tôt mener une enquête judiciaire sur le meurtre de douze membres de la communauté indigène Awá et prendre des mesures immédiates pour protéger cette communauté, a annoncé Human Rights Watch aujourd'hui.

Le 26 août au matin, des hommes armés non identifiés ont pénétré dans une maison et tué onze personnes, dont quatre enfants et trois adolescents ; trois autres personnes ont été blessées. Les meurtres ont eu lieu à El Rosario, Tumaco, dans le département de Nariño au sud-ouest de la Colombie. Ce massacre est survenu après le meurtre de Gonzalo Rodriguez, un autre membre de la communauté. L'épouse de Gonzalo Rodriguez, Tulia García, qui avait été témoin de son enlèvement, fait partie des victimes du massacre.

« Selon les premiers rapports, des membres de l'armée auraient massacré ces personnes afin d'éliminer et d'intimider les témoins de ces atrocités », a déclaré Jose Miguel Vivanco, directeur de la division Amériques à Human Rights Watch. « Le gouvernement doit s'assurer qu'une enquête minutieuse soit menée afin de trouver les responsables de cet horrible crime. »

Des sources officielles ont dévoilé à Human Rights Watch que Gonzalo Rodriguez avait été tué par des forces spéciales du bataillon 23 de l'armée colombienne, qui ont ensuite déclaré aux procureurs qu'il était membre de la guérilla des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) et qu'ils l'avaient exécuté alors qu'il tentait de s'échapper. Selon les médias, Tulia Garcia aurait vu des hommes armés détenir Gonzalo Rodriguez le 23 août avant de trouver son corps au bord de la route, la tête criblée de balles. Elle a ensuite accusé l'armée colombienne d'avoir procédé à une exécution extrajudiciaire de son mari. De nouveaux groupes armés liés à des groupes paramilitaires opèrent également dans la région et pourraient être impliqués dans les tueries.

Selon des sources fiables, les tueries du 26 août ont eu lieu dans la maison de Tulia García. Les hommes armés ont tué ses deux enfants, une fillette de six ans et un garçon de cinq ans. Ils ont également tué une autre femme, deux hommes, un nourrisson de six mois, ainsi que trois adolescents âgés de 12, 17 et 18 ans. Trois personnes ont été blessées, dont le fils du gouverneur de la communauté indigène de Gran Rosario et un jeune garçon âgé de onze ans.

A Nariño, une forte présence militaire ainsi que l'existence plusieurs groupes armés engendrent l'une des pires situations humanitaires de Colombie. Les civils issus des couches les plus vulnérables de la société, notamment les afro-colombiens et les groupes indigènes, sont parmi les plus touchés par la violence qui règne dans cette région. Selon Human Rights Watch, le gouvernement n'a jusqu'ici pas su répondre de manière adéquate aux accusations de violations des droits humains dans la région.

D'après l'Unité indigène du peuple Awá, l'UNIPA, 38 membres de la communauté Awá ont été tués cette année. En février dernier, au moins onze Awás ont été tués par la guérilla des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) au cours d'un même massacre. Human Rights Watch a rencontré à plusieurs reprises les dirigeants Awá à Nariño. Lors du dernier entretien au mois de juillet, les dirigeants Awá ont dénoncé, outre les tueries, de nombreux abus tels que des menaces de mort, l'utilisation de mines antipersonnel sur leur territoire et le recrutement d'enfants en tant que combattants dans les groupes armés. Divers groupes armés, dont les FARC et de nouveaux groupes paramilitaires, ont également forcé le déplacement massif de populations dans la région.

Malgré ses appels répétés au gouvernement afin qu'il prenne des mesures pour la protection de la population civile de Nariño, Human Rights Watch continue de recevoir des plaintes sur l'incapacité du gouvernement à agir promptement pour éviter les abus, même après des constats de risques sérieux révélés par le « système d'alerte précoce » mis en place par le bureau du médiateur. La population locale a également signalé à plusieurs reprises à Human Rights Watch l'inefficacité des enquêtes et l'insuffisance de l'aide humanitaire du gouvernement face aux abus et aux déplacements forcés de la population.

« A Nariño, comme dans beaucoup d'autres lieux en Colombie, le conflit fait rage et les abus se poursuivent, pourtant les civils se sentent ignorés par le gouvernement », a ajouté Jose Miguel Vivanco. « Plutôt que de prétendre que le conflit n'existe pas, le gouvernement devrait en faire beaucoup plus pour protéger les civils, punir les abus et venir en aide aux victimes. »

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