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Afrique: Grands Lacs

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L'affaire Habré

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Plainte avec Constitution de Partie Civile Communiqués de presse

A Monsieur le Doyen Des Juges d'Instruction près le Tribunal Régional hors classe de Dakar

Monsieur le Doyen, Juge d'Instruction,

Les soussignés:

1/ Suleymane GUENGUENG, né vers 1951 à Ere, sous-préfecture de Bongor, préfecture du Mayo-Kebbi, République du Tchad, marié à Rouda Kasizisso, père de huit enfants, résidant à Ndjamena, République du Tchad, quartier Chagoua Carre 6, Assistant technique à la Documentation de la CBLT (Commission du Bassin du Lac Tchad);

2/ Dr Zakaria FADOUL KHIDIR, né vers 1946 à Ourba, préfecture de Biltine, République du Tchad, marié, père d'un enfant biologique et de 7 enfants adoptés, enseignant-chercheur à l'Université de Ndjamena, résidant à Ndjamena, République du Tchad, Amrigebe, rue 5225 porte 120;

3/ Issac HAROUN, né vers 1948 à Iriba, préfecture de Biltine, République du Tchad. Résidant à Ndjamena, République du Tchad, fonctionnaire juriste au ministère de l'Intérieur de la République du Tchad;

4/ Younous MAHADJIR, né en 1952 à Baro, préfecture de Guera, République du Tchad, marié et père de 10 enfants, résidant à Ndjamena, République du Tchad, vice-président de la centrale syndicale UST (Union des Syndicats du Tchad);

5/ Valentin NEATOBET BIDI, Administrateur des Greffes auprès des tribunaux de Ndjamena, République du Tchad, et y résidant, ancien Ambassadeur et ancien Ministre, agissant comme ayant cause familial pour ses parents, TOBE Pierre, MOBIENGAR et Gaston NDONDOUM, "disparus" depuis 1984;

6/ Ramadane SOULEYMANE, né en 1961 à Baro, préfecture de Guera, de tribu Hadjeraye, Greffier à la Cour Suprême du Tchad à Ndjamena et y résidant, BP 5495, agissant comme ayant cause familial pour son frere, Abras SOULEYMANE, "disparu" depuis février 1989;

7/ TOGOTO LAMAYE Samuel, né le 1er janvier 1946 à Moundou, préfecture de Logone Occidental, marié et père de 10 enfants, exerçant la profession de Commissaire de police à Ndjamena, République du Tchad, et y résidant.

8/ L'Association des Victimes des Crimes et Répressions Politiques au Tchad (AVCRP), une association de droit tchadien ayant son siège à Ndjamena, République du Tchad, enregistrée le 23 septembre 1991 au Registre des Associations 1991 Folio 194 du Ministère de l'Intérieur de la République du Tchad et dont les statuts ont été dûment déposés en vertu de l'Ordonnance 27/INT/SUR du 28 juillet 1962 régissant les associations sans but lucratif au Tchad, ici représentée par son Président, M. Souleymane GUENGUENG, dûment habilité en vertu de l'article 11 des statuts;

Ayant tous pour Conseils:

- le Bâtonnier Yerim THIAM, avocat à la Cour, 68 rue Wagane Diouf à Dakar,

- Maîtres Sidiki KABA et Boukounta DIALLO, avocats à la Cour, respectivement Quartier Carrière à Thiès, et 5 Place de l'Indépendance, Immeuble Air Afrique, 2ème étage à Dakar;

Et élisant domicile, à l'effet de la présente instance en vertu de l'article 80 du Code de Procédure pénale, en l'étude de Maître Boukounta Diallo, 5 Place de l'Indépendance, Immeuble Air Afrique, 2ème étage à Dakar;

Ont l'honneur de vous adresser la présente plainte à charge de Monsieur Hissène Habré, résidant actuellement à Dakar, rue Air France Concession No 26, quartier Ouakam, Dakar, pour les faits suivants:

I. INFORMATIONS GENERALES

Entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990, Monsieur Hissène Habré exerçait, en qualité de Président de la République, les plus hautes fonctions exécutives de l'Etat du Tchad. En vertu des pouvoirs de ces fonctions, il a créé et personnellement veillé au fonctionnement d'un certain nombre de services de l'Etat, dont la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS). La DDS a été créée le 6 janvier 1983 par Décret n. 005/PR du président Hissène Habré. En vertu de l'article 4 du Décret (voir annexe I au Rapport de la Commission d'Enquête du Ministère tchadien de la Justice, p.160 [Annexe XVI]), la DDS s'occupait des taches suivantes:

"la collecte et la centralisation de tous les renseignements émanant de l'intérieur ou de l'extérieur, relatifs aux activités étrangères ou d'inspiration étrangère susceptibles de compromettre l'intérêt national;

l'identification des agents de l'étranger;

la détection des réseaux (renseignements ou action) étrangers éventuels et de leur organisation;

la préparation des mesures de contre-espionnage, de contre-ingérence et éventuellement de contre-propagande;

la collaboration et la répression par l'établissement des dossiers concernant des individus, des groupements, collectivités, suspectes d'activités contraires ou seulement nuisibles à l'intérêt national;

la protection, sur le plan de la sécurité, des ambassades du Tchad à l'étranger et du courrier diplomatique".

Fort de ces attributions et de l'appui reçu des hauts responsables de l'Etat, l'appareil DDS s'est érigé en une machine de répression d'une cruauté rarement atteinte dans l'histoire des services de terreur des dictatures récentes.

La formulation délibérément vague et imprécise des attributions de la DDS permettait a ses agents d'agir à l'égard de tout citoyen simplement soupçonné d'être en désaccord avec le régime. N'importe quelle activité, même la plus innocente, menée par n'importe quel citoyen tchadien ou étranger pouvait être assimilée à de la propagande "contraire ou seulement nuisible à l'intérêt national", pour reprendre les propres termes du Décret. Il n'est pas inutile de préciser que, dans les faits et dans l'esprit des agents de la DDS, "intérêt national" se confondait trop souvent au besoin de conservation du pouvoir personnel de Hissène Habré.

Le Décret du 6 janvier 1983 parlant indifféremment des "individus, groupements et collectivités", ceux-ci étaient très régulièrement frappés d'une 'suspicion collective' qui ouvrait la porte à des répressions massives: des faits imputés, à tort ou à raison, à des individus spécifiques ont été étendus aux membres de leurs groupes ethniques ou régionaux collectivement ciblés et cruellement "punis". La répression, dans ce cas, était minutieusement préparée. Il était institué au sein de la DDS, des "commissions" chargées de planifier et de coordonner la "punition" à infliger à des groupes ethniques ou régionaux spécifiques: arrestations massives, rafles des personnalités influentes -ou supposées telles- du groupe ciblé, incendie des villages entiers dans la région ciblée, tortures, disparitions forcées, exécutions sommaires, etc.

C'était le cas lors de la répression organisée contre les Hadjeraye en 1987 ou contre les Zaghawa en 1989, ainsi que cela est détaillé dans les documents produits aux annexes IV et V de la présente plainte.

Aveugle, la répression n'a pas épargné les étrangers résidants au Tchad. Au moins deux citoyens sénégalais, Demba Gaye et Abderamane Gaye, arrêtés le 23 août 1987, sont signalés être morts des suites de tortures au cours de l'année 1988 à Ndjamena [Voir Annexe au Rapport de la Commission d'Enquête Nationale du Ministère Tchadien de la Justice, 1982, produit en annexe XVI, p.191].

Les informations complémentaires sur le fonctionnement et les activités de la DDS et d'autres services de sécurité sont détaillées dans divers documents produits en annexe.

Tortures

Selon un rapport de la Commission d'enquête nationale du ministère tchadien de la Justice (1992), plus de 40 000 personnes auraient été sommairement exécutées ou seraient mortes en détention et 200 000 autres auraient été soumises à la torture.

Les tortures pratiquées sous le régime de Hissène Habré étaient d'une ampleur particulièrement inquiétante. L'AVCRP a répertorié, parmi ses adhérants, 142 victimes de tortures. L'Association AVRE, basée à Lyon (France), spécialisée dans la réhabilitation des victimes de tortures et de répressions politiques, a été commise par le Commission d'Enquête officielle de Ministère tchadien de la Justice en 1992 pour procéder aux examens cliniques des victimes de torture sous le régime de Hissène Habré et donner son opinion sur l'ampleur du drame né de cette pratique de torture.

Du rapport déposé par Avre en mai 1992 et produit en annexe XII, il ressort notamment que l'Association:

- a consulté 242 patients victimes de tortures;

- a constaté que les formes les plus fr'equentes de torture sont: tabassage, suspensions diverses, chocs électriques, brûlures et injection forcée d'eau.;

- a constaté que 40% des personnes consultées " sont au chômage, certains par incapacité physique de reprendre leurs anciennes activités, et n'ont pas les moyens matériels de se recycler dans une autre profession". (p.2).

II. INFORMATIONS SPECIFIQUES AUX PLAIGNANTS

a) Pour Souleymane GUENGUENG:

Arrêté à son bureau le 3 août 1988 à 11 heures par des agents de la DDS conduits par Doudet Yaladé Bang, chef de service à la DDS. Il a immédiatement été conduit à la DDS alors qu'il était encore malade, ayant été opéré quelques jours seulement auparavant, et qu'il devait passer des examens médicaux la semaine suivante. A l'interrogatoire, il a appris des agents de la DDS qu'il était soupçonné d'avoir été le "représentant" de GUNT (Gouvernement d'Union Nationale de Transition, le groupe d'opposition renversé en 1982 par Hissène Habré) à Maroua au Cameroun alors qu'il séjournait dans ce pays une année plus tôt. Un deuxième interrogatoire s'est déroulé le lendemain.

Il a ensuite été transféré à la prison du Camp des Martyrs pour 6 mois et 17 jours au cours desquels son état de maladie s'est aggravé. Il ne recevait en effet aucun soin alors que la cicatrice au nombril saignait. Trois fois au cours des 11 derniers jours de sa détention au Camp des Martyrs il a perdu connaissance et a été diagnostiqué cliniquement mort par ses co-détenus. Il vomissait du sang et des pus.

Par ordre du Commissaire Adji du service pénitentiaire de la DDS, il a ensuite été évacué, non pas dans un hôpital, mais dans un autre cachot, dit les "Locaux de détention" situé dans le sous-sol de la direction de la DDS. Les conditions se sont relativement assouplies dans les "Locaux"; les autres co-détenus l'ont soigné en lui faisant boire des soupes d'oignons et d'ail pour calmer ses douleurs. Au bout de trois mois, il avait repris un peu de force et pouvait parler.

Apres 7 mois passés aux "Locaux", il a été accusé d'être "le représentant de tous les chrétiens de la prison", ce qui lui a valu d'être transféré à nouveau au Camp des Martyrs où, avec quatre autres co-détenus, il a été enfermé pendant trois mois sous un régime disciplinaire dans une cellule dans laquelle aucun brin de lumière ne pouvait pénétrer. Les quatre autres co-détenus de cellule sont: Waldaba Ahmat, Abakar Moustapha, Faki Ahmat et Ibrahim.

Les autres cellules, une dizaine, prévues en général pour une seule personne accueillaient jusqu'a 8 a 10 détenus. La promiscuité était telle qu'il n'était pas possible aux détenus de bouger le corps et les jambes. Au bout de trois mois dans la cellule, les jambes étaient paralysées et les veines bloquées. Trois à quatre personnes mourraient chaque jour par l'effet conjugué des piqûres des moustiques, des pous, d'une nourriture malsaine, de l'étouffement, de la chaleur.

Le 4 janvier 1990, le plaignant a été transféré à la prison de la Gendarmerie avec 12 autres co-détenus enchainés les uns aux autres par les jambes. A la Gendarmerie, ils étaient bloqués dans des cellules hermétiquement fermées en permanence et n'avaient pas le droit de sortir prendre de l'air. La cellule était éclairée par une puissante ampoule électrique allumée en permanence et placée à moins de deux mètres des têtes des détenus, ce qui leur a abimé les yeux. A partir du 4 septembre 1990, les conditions alimentaires ont empiré. Les détenus n'étaient alors nourris que d'un petit verre de thé sans sucre toutes les 9 heures.

Au cours de cette période, plus de 300 militaires d'origine Zaghawa ont été amenés à la Gendarmerie. Entassés dans une petite cellule, on leur apportait de l'eau en la deversant du plafond: ils devaient lécher par terre ou sur leurs corps pour espérer s'abreuver. Le matin, les agents de la DDS venaient demander combien parmi eux étaient morts. Quand le nombre était en dessous de 10, ils repartaient en disant qu'ils évacueraient les cadavres seulement quand il y en aurait au moins 10.

Le plaignant a été liberé le 1er décembre 1990 avec la défaite et la fuite du président Hissène Habré et de ses partisans.

b) Pour Dr Zakaria FADOUL:

Arrêté le mercredi 26 avril 1989 à son bureau de l'Université de Ndjamena, le plaignant a été immédiatement conduit à la direction de la DDS où il a été très brièvement interrogé, uniquement sur ses origines ethniques. Il a ensuite été conduit dans les cachots dits les "Locaux de détention de la DDS", une prison sous-terraine comportant 10 cellules, dont 5 de part et d'autre d'un couloir minuscule. Le plaignant a partagé la cellule 4 avec les 5 autres détenus suivants:

-le faghi Ali Tidjani,

-Tom Hor Malik, commerçant arrêté vers Tiné,

-Hissene, gardien de troupeaux, arrêté vers Tiné,

-et 2 soudanais dont il a oublié le nom.

Les trois tchadiens étaient tous Beri (Zaghawa), arrêtés sans aucun motif apparent autre que leur appartenance ethnique.

Les conditions de détention équivalaient à une torture permanente. La petite cellule carrée d'environ 3 mètres de côté et 4 mètres de haut était éclairée en permanence par une puissante ampoule cylindrique suspendue à moins d'un mètre au-dessus des têtes des détenus et qui ne pouvait être éteinte de l'intérieur. On y étouffait. Un peu d'air n'y accédait que par un orifice rectangulaire percé dans le plafond et barricadé.

Il y avait bien des toilettes dans le couloir mais les détenus n'étaient pas autorisés à y accéder. Ils devaient pisser et déféquer à l'intérieur même de la cellule, dans une petite boite commune. Le surplus débordait et s'étalait par terre, rendant l'air irrespirable. Des asticots flottaient dans la marre d'urine. Des grosses mouches bleues voltigeaient et bourdonnaient en permanence. Il y avait aussi des moustiques.

Le 28 avril 1989, après seulement deux jours de détention, le plaignant, affaibli par la faim et la chaleur moîte, ne pouvait plus se tenir debout. Pris de vertige, il devait rester assis pour ses prières. C'est aussi ce même jour que Moussa Dow-Karba, un Zaghawa détenu dans la cellule voisine, est mort des suites des tortures subies, après avoir gémi de douleurs pendant deux jours sans pouvoir être soigné.

Le 30 avril 1989, les gardiens ont ouvert la porte de la cellule et en ont sorti tout le monde pour interrogatoire. Le plaignant a été interrogé dans les bureaux de la DDS situés au-dessus des "locaux" par le commissaire Mahamat Djibrine dit "El- Djonto", assisté par deux agents. Pendant l'interrogatoire, le commissaire Djibrine ne cessait de manipuler un pistolet et de tourner entre ses doigts une cartouche de type 9 à 10 mm, dans le but évident d'intimider le plaignant.

Les questions posées au cours de l'interrogatoire concernaient les relations entre le plaignant et les dirigeants Zaghawa de la nouvelle rébellion armée déclenchée après une tentative de coup d'Etat du 1er avril 1989, notamment: le chef de la rébellion Idriss Deby, ancien conseiller de Hissène Habré pour les questions de sécurité, et Hassane Djamous, ancien commandant en chef de l'armée nationale. Il était clair, aux yeux de la DDS, que tout ressortissant Zaghawa devait payer pour les actes de ces deux personnes. Cela ressort par exemple de l'échange suivant, au cours de l'interrogatoire, entre le commissaire Djibrine (Dj) et le plaignant (ZF):

Dj: Monsieur le professeur, pourquoi vous a-t-on arrêté?

ZF: je n'en sais rien.

Dj: Comment ça! Vous n'en savez rien? Mais vous ne savez rien de ce qui se passe en ville ou au pays?

ZF: Si. Je sais que des gens ont rejoint l'opposition, d'autres sont arrêtés. Mais pour ce qui me concerne, on est allé me chercher dans mon bureau en plein jour alors que j'étais en train de corriger les copies de mes étudiants.

Dj: Mais tu n'es pas né seul, tu as aussi des frères!

ZF: Je ne suis pas responsable de ce que font mes frères.

Dj: Monsieur le professeur, la responsabilité est collective.

Des agents venaient régulièrement prendre des détenus soit pour interrogatoire, soit pour une destination inconnue d'où ils ne revenaient plus. On apprenait alors que la situation militaire sur le terrain influait beaucoup sur le traitement des détenus, et que chaque fois que l'armée tchadienne perdait au combat des officiers ou des soldats proches du Président de la République, ce dernier ordonnait en représailles une exécution sélective de plusieurs prisonniers.

Le plaignant a été libéré le 10 mai 1989 par le directeur de la DDS, Guihini Korei en personne (probablement sur intervention d'un cousin du plaignant qui est son ami). Il a ensuite été ramené à la maison par Abakar Torbo, officier à la DDS.

c) Pour Issa HAROUN:

Le plaignant a été arrêté 26 septembre 1989 vers 3 heures du matin à son domicile de Ndjamena/Diguel. Après environ une heure passée dans le coffre d'une voiture de la DDS qui faisait des tours dans Ndjamena, le plaignant a été conduit a la direction de la DDS. La, le bref interrogatoire auquel il a été soumis ne portait que sur ses origines ethniques. Après l'interrogatoire, il a été gardé dans un local du 'bureau matériel' (MB) de la DDS. Il a ensuite été conduit à la prison dite de la "Piscine".

Il y avait 9 détenus dans sa cellule n. 6. 3 détenus étaient enchaînés dans la cellule même. Le lendemain l'un des enchaînés est mort: Issac Ismail. Lorsque les gardiens sont venus pour prendre le corps, ils ont enlevé les chaînes et les ont placées sur le corps d'un détenu vivant.

Le plaignant a passé 9 mois et 9 jours à la 'Piscine', au cours desquels il n'a été entendu par aucune autorité de la DDS. Ses premiers compagnons de cellule, tous d'ethnie Zaghawa, étaient: Hassan Sharfadi, Ousmane Tahir, Abdel Kerim et 5 autres dont il a oublié les noms. Mais, comme les autres détenus, il devait changer régulièrement de cellules. Ces dernières, cependant, étaient semblables dans leurs déplorables conditions de détention et d'hygiène. Les moustiques, les pous et d'autres bestioles cohabitaient avec les détenus. Ce derniers ont d'abord été autorisés à utiliser les toilettes toutes les 24 heures à tour de rôle. Mais quand la guerre avec la rebellion armée s'est intensifiée au front, toutes sorties des cellules ont strictement été interdites pendant au moins trois mois. La nourriture consistait en un repas toutes les 24 heures: du riz, du mil, et toujours mélangé avec beaucoup de sable, le tout pour une ration individuelle à peine suffisante pour être contenue dans la paume d'une seule main.

De ses 9 premiers compagnons de cellule a la 'Piscine', le plaignant est le seul survivant. Le seul corps qu'il ait vu de ses yeux est celui de Issac Ismail, mort le lendemain de son arrestation. Quant aux 8 autres, des agents sont venus les chercher un jour de ramadan alors que les combats s'intensifiaient entre les troupes rebelles de Idriss Deby et l'armée de Hissène Habré. Ils n'ont plus été revus.

Le plaignant a ensuite été transféré à la prison de la Gendarmerie après 9 mois et 9 jours de détention à la 'Piscine'. A la Gendarmerie, on mourrait surtout de manque d'aliment ou de maladies dues aux mauvaises conditions hygiéniques: chaque détenu avait des boutons sur le corps. Il y avait 4 détenus dans la cellule du plaignant, tous d'ethnie Zaghawa. 3 sont encore vivants après la libération du 1er décembre 1990. Quant au 4ème, Ahmat Haggar, il avait mangé de la nourriture saine et abondante immédiatement après sa sortie de prison le 1er décembre 1990 et en est mort.

Le plaignant a séjourné en prison pendant au total 14 mois et quelques jours. Aucun de ses parents ne l'a reconnu. Il n'avait plus que la peau sur les os.

d) Pour Younous MAHADJIR:

Arrêté en août 1990 sous de vagues accusations de sympathie avec le groupe d'opposition MOSANAT alors qu'il participait a une réunion syndicale, le plaignant a été immédiatement conduit au Commissariat de la DDS à Ndjamena. Il est évident que le plaignant était cible par le seul fait d'être originaire de Guerra, comme l'étaient les dirigeants du MOSANAT. Les agents de la DDS qui ont procédé à l'arrestation du plaignant sont les nommés Issa Arawat, Doudet Yaladet et Mahamat dit "Bidon". Au cours des 4 jours d'interrogatoire portant sur la recherche des "complices", le plaignant était torturé à l' "Arbatachar", ses deux bras ligotés derriere le dos et attachés aux deux pieds. La torture était particulièrement atroce; le plaignant a perdu connaissance à plusieurs reprises, les urines sortaient d'elles-mêmes, hors de son contrôle. De ces séances de torture, le plaignant garde encore des traces sur son corps.

Le plaignant a été gardé à la Piscine pendant une semaine. Il y faisait tellement chaud et l'étouffement était tel que les détenus devaient, à tour de rôle, placer leur nez sous la porte pour espérer recueillir un peu d'air. Un breuvage était servi dans une petite boîte de sardine. Quelques grammes d'aliment, surtout du riz blanc avec beaucoup de sable, était aussi servi.

Le plaignant a ensuite été transféré à la Gendarmerie. La torture alimentaire ici était particulièrement insupportable. Beaucoup de détenus souhaitaient l'arrivée plus rapide de leur mort. On sortait une fois la journée pour aller jeter les cacans et les urines qu'on avait faits la nuit. Ceux qui étaient choisis pour sortir se ruaient sur des os et des feuilles qui pouvaient être trouvés par terre, en vue de les manger dans la cellule. Pour s'occuper, on sortait les pous de la peau des camarades co-détenus. Tout le monde a eu la galle à la Gendarmerie. Tous les jours, il y avait des morts qu'on venait prendre. Le plaignant a été libéré le 1er décembre 1990 après la fuite de Hissène Habré. A sa sortie, il ne pesait plus que 45 kg contre 75 kg a son arrestation.

e) Pour Valentin NEATOBET BIDI:

Son cousin Ndougaba Michel, commerçant à Moundou, avait été arrêté à Moundou, préfecture de Logone Occidental, en décembre 1984 après le déclenchement de la rebellion dite CODO dirigée par Kotiga. L'arrestation était ordonnée par M. Berdey qui exercait les fonctions de "Conseil Spécial" (c'est-à-dire, Représentant) de Hissène Habré dans la région de Moundou. En apprenant la nouvelle de cette arrestation, deux autres parents, Pierre Tobe, neveu du plaignant, et Mobiengar, cousin éloigné du plaignant, sont allés intervenir auprès du Conseil Spécial Berdey auquel ils ont remis un million de francs pour la libération de Ndougaba Michel. M. Derbey a pris l'argent, mais a aussitôt ordonné l'arrestation des deux parents. Depuis lors, la famille n'a plus aucune nouvelle d'eux. Quant à Ndogaba Michel, il a été transféré à Ndjamena ou, au cours d'interrogatoires et sous la torture, il aurait donné le nom de Gaston Ndondoun, cousin du plaignant et commerçant à Ndjamena. Ce dernier a été aussitôt arrêté par des agents de la DDS et, a ce jour, on n'a plus reçu de ses nouvelles, les autorités refusant ensuite de révéler le sort réservé à cette personne.

Ndougaba Michel a été libéré une semaine après son transfert à Ndjamena, mais les trois autres, Tobe Pierre, Mobiengar et Gaston Ndondoun, ont disparu et seraient probablement tués puisqu'ils n'ont pas réapparu après la chute de Hissène Habré et l'ouverture de ses prisons.Les démarches du plaignant, agissant au nom de toute la famille, pour essayer d'obtenir des informations sur le sort de ces trois disparus sont restées vaines. Il en résulte une situation de tortures morales permanentes pour le plaignant et pour toute la famille.

f) Pour Ramadane SOULEYMANE:

Agit en qualité d'ayant cause pour la disparition et le décès probable de son frêre aîné Abrass Souleymane. Ancien militaire avec grade d'adjudant, Abrass Souleymane avait rallié les FAN (Forces Armées du Nord), un groupe d'opposition armée crée et dirigé par Hissène Habré en 1978. En 1979, il a été affecté comme formateur des troupes FAN à Aramkolle. Il est rapidement monté en grade et en estime auprès de Hissène Habré qui en a fait son aide de camp personnel pendant la guerre de 1980. Après la défaite des troupes FAN, il était aux côtés de Hissène Habré dans sa retraite vers le Soudan. Il est ensuite revenu avec Hissène Habré en 1982 après la victoire des troupes de ce dernier. Il est néanmoins resté à l'écart à Fada lorsque Hissène Habré est entré à Ndjamena. C'est seulement en août 1983 qu'il a été autorisé à venir à Ndjamena.

La meme année, il a été nommé sous-préfet a Massakory, fonctions qu'il a exercées jusqu'en 1987. Limogé, il a d'abord été arrêté le 11 mai 87 par Hissènee Chahade, chef de service a la DDS. Libéré deux semaines plus tard, il a été nommé sous-préfet à Arada. En novembre 1988, à l'occasion des violents affrontements entre les FANT (Forces Armees Nationales du Tchad, l'armée gouvernementale du président Hissène Habré) et les troupes rebelles du MOSANAT (Mouvement pour le Salut National), il a été accusé de complicité avec Haroun Godi, dirigeant du MOSANAT et originaire de l'ethnie Hadjeraye de la préfecture de Guerra. L'accusation ne reposait sur aucun autre élément que ses origines ethniques. Il a donc été ciblé comme toutes les personnes d'origine Hadjeraye de Guerra l'avaient systématiquement été depuis le déclenchement de l'opposition armée MOSANAT par des personnalités d'origine Hadjeraye.

D'après les informations dont dispose la famille, Abrass Souleymane a été arrêté à Arada le 15 janvier 1989 avec quatre autres personnalités Hadjeraye: Issa Moussa, chef de service de la DDS à Biltine, Ousmane Moussa, Daoud Abdoulaye et Bako Abdoulaye, agent des postes. Ce dernier aurait été libéré le même jour. Les quatre autres, dont Abrass Souleymane, ont été conduits à Abéché pour y être détenus. Depuis lors, la famille n'a plus reçu de ses nouvelles. En dépit d'incessantes démarches menées en vue d'obtenir des informations officielles, les autorités ont constamment refusé de révéler le sort réservé à Abrass Souleymane. Après la défaite et la fuite de Hissène Habré en décembre 1990, alors que les familles des victimes se rendaient dans les prisons de la DDS pour y chercher leurs parents, la famille de Abrass Souleymane a constaté qu'il n'y avait aucune trace de ce dernier.

Des informations vagues et non officielles ont alors été entendues. La plus plausible est qu'en février 1989, une "mission spéciale" envoyée par Hissène Habré en personne et dirigée par Mahamat "Bidon" s'était rendue à Abéché et y a exécuté "à la corde" Abrass Souleymane et ses co-détenus. Pour le plaignant, l'implication personnelle de Hissène Habré dans la disparition (et le possible assassinat) de Abrass Souleymane ne pourrait faire l'ombre d'aucun doute. La personnalité de Abrass Souleymane et ses liens étroits avec Hissène Habré étaient tels qu'aucun agent de la DDS n'a pu agir contre lui sans des instructions formelles de Hissène Habré en personne. Abrass Souleymane a laissé une veuve et 13 enfants, dont 11 sont encore en vie. Tous les enfants et leur mère sont à charge du plaignant. La disparition de Abras Souleymane est, aujourd'hui encore, une source de souffrances aigues pour le plaignant et pour toute la famille.

g) Pour Samuel TOGOTO LAMAYE:

A été arrêté le 28 novembre 1989 et conduit immédiatement dans la prison dite "les Locaux" de la DDS. Le lendemain, il a été interrogé sur les accusations d'un informateur anonyme de la DDS d'après lequel il était "en contact avec les services libyens". Pendant l'interrogatoire, il était torturé à l'"Arbatachar", c'est-à-dire que ses bras ont été ligotés dérrière le dos et attachés à ses pieds. Parmi ses tortionnaires, il y avait les nommés Yalde Samuel et Adoum Mahamat Moussa. Ce dernier est toujours à l'ANES, le service qui a remplacé la DDS. Plus de 24 heures après qu'on l'avait détaché, ses bras étaient encore paralysés.

D'après un certificat médical établi par le Docteur Hélène Jaffe de l'association Avre et produit en annexe X, le plaignant: 1) a été soumis à des séances de ligotage en raison des cicatrices présentées; 2) a été soumis à des chocs psychologiques d'intensité extrêmement violente (…); 3) présente (en conséquence des tortures subies) une hypertension labile; 4) présente des altérations articulaires des genoux et des chevilles avec des raideurs qui sont liées à une goutte chronique. Mais le manque de soins, lors des crises présentées en prison, et l'immobilisation qui s'en est suivie pout pallier la douleur a entraîné une perte musculaire et de la fonction articulaire qui ne peut qu'avoir majorée les séquelles.

Au cours d'un autre interrogatoire mené la nuit au bord du fleuve, il a été soumis à la simulation de mort. Il est sorti de prison le 1er décembre 1990 avec le départ de Hissène Habré.

h) Pour L'AVCRP (Association des Victimes des Crimes et Répressions Politiques):

L'AVCRP a été constituée au lendemain de la chute de Hissène Habré par ses anciens prisonniers d'opinion, révoltés par la "situation de dictature (de Hissène Habré) qui avait plongé le pays dans le sang et des familles entières dans la détresse et la désolation", conscients qu'une "justice équitable doit être rendue aux victimes des violations des droits de l'homme" et déterminés à s'assurer que "de tels crimes et répressions politiques ne se reproduisent plus dans l'avenir" (Préambule des statuts de l'AVCRP). L'AVCRP compte actuellement 791 adhérents, anciennes victimes des tortures et arrestations arbitraires du régime de Hissène Habré, ou parents des personnes décédées ou "disparues" sous la répression organisée de ce régime. L'AVCRP agit dans la présente instance à la fois pour ses intérêts statutaires et au nom et pour le compte de ses adhérents en vertu de l'article 5 de ses statuts.

Parmi ses activités principales, l'AVCRP s'attelle à essayer de localiser les dizaines des parents de ses adhérants disparus sous le régime de Hissène Habré. A ce jour, aucune information sur leur sort n'a été communiquée à l'AVCRP ni à leurs parents, en dépit de nombreuses recherches et démarches auprès des autorités.

Les fiches d'identifications pour chacun des 791 membres de l'AVCRP se trouvent en Annexe XI. Parmi les adhérents de l'AVCRP, il est recensé 736 cas de arrestations arbitraires, 142 cas de tortures, 100 "disparitions", 97 executions et 46 personnes mortes de faim. [Voir Etude de synthèse des fiches d'identification de l'AVCRP - Annexe XI]. Voir aussi "Les Victimes de la DDS de Hisein Habré": Tableau synthétique de 313 des membres de l'AVCRP, annexe XV.

III. RESPONSABILITE DE MONSIEUR Hissène Habré

Les plaignants vous prient de constater que les faits dont ils ont été victimes ou dont leurs parents ont été victimes ont été commis principalement par des agents de la DDS. La responsabilité personnelle de M. Hissène Habré, qui était responsable numéro un de ce service, est dès lors pleinement établie.

Comme service administratif, la DDS relevait en effet directement de la Présidence de la République, c'est-à-dire de Monsieur Hissène Habré en personne. L'article 1er du Décret du 6 janvier 1983 ne laissait d'ailleurs, à cet égard, aucune ambiguité. En vertu de cette disposition, la DDS était "directement subordonnée à la présidence de la Republique en raison du caractère confidentiel de ses activités". Le directeur général de la DDS était nommé par simple décret du président Hissène Habré (articles 5, 6 et 7 du Décret du 6 janvier 1983). Le directeur général de la DDS dépendait donc juridiquement de l'autorité du président Hissène Habré, et de sa seule autorité. A cette dépendance juridique devait s'ajouter une forte dépendance personnelle: il est précisé que tous les quatre directeurs successifs de la DDS (Saleh Younous, Ahmat Allachi, Toke Dadi et Guihini Korei), provenaient de la même ethnie que Hissène Habré. Le dernier directeur, Guihini Korei, était carrément le propre neveu de Hissène Habré.

L'influence personnelle de ce dernier était d'ailleurs parfois ressentie au niveau du fonctionnement quotidien de la DDS. Ainsi, Abbas Abougrene, ancien agent de la DDS, a déclaré ce qui suit à la Commission d'Enquête Nationale du Ministère Tchadien de la Justice en 1992:

"Le 1er avril 1989 à 6 heures du matin, Guihini Korei (le dernier directeur de la DDS) a réuni tous les chefs de service et leur a demandé de procéder à l'arrestation de tous les ressortissants Zaghawa sans aucune distinction. Il leur avait précise que c'était là les instructions du Président de la République".

Pour sa part, Sabadet TOTODET, détenu entre juillet 1985 et mars 1989, et qui était chargé par les gardiens d'enterrer les détenus morts, déclare ce qui suit dans son témoignage écrit produit en annexe VI:

"J'ai aussi été témoin des visites que M. Guihini Korei, alors directeur de la DDS et propre neveu de Hissène Habré, a régulièrement rendues aux parents de l'opposant Goukouni WEDDEYE détenus aux Alocaux de détention@ en 1988-1989. Ces visites étaient le signe de la déférence qu'en vertu des coutumes, les Gorans, le clan de Hissène Habré, doivent aux Toubous, le clan royal de Goukouni Weddeye. Les parents de Goukouni étaient d'ailleurs soummis à un traitement meilleur que le reste des détenus. Il est évident que M. Korei n'a pas pu effectuer ces visites régulieres sans les instructions personnelles et précises de son oncle, le président Hissène Habré".

De son côté, invoquant la pratique des interrogatoires "à téléphone ouvert" qui permettait "à une autorité importante à l'autre bout du fil de suivre l'interrogatoire et de donner des instructions au téléphone", Clément ABAIFOUTA, détenu entre juillet 1984 et mars 1989, et chargé des mêmes taches que M. Totodet, déclare dans un témoignage produit également en annexe VII:

"Il n'y avait pas de doute dans l'esprit de plusieurs détenus, dont moi-même, que l'autorité en question était Hissène Habré en personne, surtout lorsque c'est le directeur de la DDS lui-même qui interrogeait >à téléphone ouvert'. En effet, seul le président Hissène Habré était au-dessus du directeur de la DDS. Ce dernier ne pouvait donc recevoir des instructions d'aucune autre autorité que le président Hissène Habré."

Gali N'GOTHE, ex-conseiller de Hissène Habré, et ancien ministre de l'Education Supérieure sous Idriss Deby, a été détenu pour distribution de tracts anti-gouvernementaux et sévèrement torturé. Le système de police secrète est, d'après son témoignage dépendant des plus hautes instances du pouvoir B c'est-à-dire de Hissène Habré lui-même. En effet, Gali N'GOTHE témoigne avoir entendu la voix de Hisein Habré sur un radio-transmetteur dirigeant sa torture (ingurgitation excessive d'eau, chutes provoquées). (Country reports on Human Rights Practices for 1990, United States Department of State, February 1991 - p.71,72) [Voir annexe XVI].

De nombreux témoignages de ce genre sont disponibles aussi bien dans les récits des plaignants reproduits ci-dessus que dans les documents produits en annexe de la présente plainte.

De l'avis des plaignants, il est déjà amplement suffisant, pour établir la responsabilité personnelle de Hissène Habré, que ce dernier ait exercé une tutelle juridique très centralisée sur les services de la DDS responsables des crimes décrits ici. Les hauts responsables de la DDS, nommés par Hissène Habré et ne rendant de comptes à aucune autre autorité du pays, relevaient ainsi juridiquement de lui. Ils lui étaient, en plus, politiquement redevables, par le biais du clientélisme politique qui caractérisait le système monopartisan et centralisé de l'époque au Tchad. Ils étaient, enfin, personnellement liés à lui par des liens ethniques, voire familiaux comme dans le cas de son neveu Guihini Korei.

Bien plus, dans le contexte d'un Etat au pouvoir aussi fortement centralisé que celui du Tchad de Hissène Habré, des campagnes de répressions systématiques et massives utilisant d'importants moyens d'Etat et visant des populations entières comme celles dirigées en 1987 contre les ressortissants Hadjeraye ou en 1989 contre les Zaghawa n'ont pas pu être planifiées et exécutées sans la pleine connaissance et l'assentiment, exprès ou tacite, de Hissène Habré.

Jugeant des faits similaires dans le cadre des crimes commis au Rwanda en 1994, la Chambre du Tribunal Pénal International pour le Rwanda présidée par le Juge Laity Kama a énoncé comme suit le principe de la "responsabilité du supérieur hiérarchique" tiré de l'article 6(3) du Statut de ce Tribunal:

"L'article 6(3) n'exige pas nécessairement que le supérieur ait su, pour que sa responsabilité pénale soit engagée. Il suffit seulement qu'il ait eu des raisons de savoir que ses subordonnés étaient sur le point de commettre un crime ou l'avaient commis et qu'il n'ait pas pris les mesures nécesaires ou raisonnables pour empêcher que ledit crime ne soit commis ou pour en punir les auteurs." (Affaire Le Procureur c/ Jean-Paul Akayesu, TPIR-96-4-T, 2 septembre 1998).

Voir aussi, sur ce point, le document "Crimes contre l'humanité et Hissène Habré", par Eric DAVID, produit en annexe II de la présente plainte.

En l'occurrence, Monsieur Hissène Habré avait bien davantage que de simples "raisons de savoir" que des agents sous son autorité commettaient systématiquement des crimes sur le territoire national.

Il est établi qu'en sa qualité de chef de l'Etat et du gouvernement, responsable supérieur de tous les services administratifs de l'Etat, Commandant suprême des FAT (Forces Armées Tchadiennes) et chef du parti unique UNIR, Monsieur Hissène Habré était l'autorité chargé en dernier ressort du maintien de l'ordre public et de l'exécution des lois sur toute l'étendue du territoire du Tchad. Il exercait une autorité effective sur les forces de la police et de la sécurité. Il avait tout le contraire d'un pouvoir symbolique. Les plus hauts responsables de l'Administration respectaient et suivaient ses ordres, parfois au-delà de ce qui est strictement nécessaire dans une société démocratique.

Monsieur Hissène Habré avait donc à la fois le pouvoir légal et l'autorité politique nécessaires pour s'opposer et empêcher la commission des campagnes de répression, des tortures, arrestations arbitraires, disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires qui ont été commises pendant les huit ans de son régime. Les plaignants ne se rappellent pas que le président Hissène Habré ait, pendant ce temps, pris "les mesures nécessaires ou raisonnables" pour empêcher que les crimes mentionnés dans cette plainte ne soient commis "ou pour en punir les auteurs".

Ayant l'effectivité du pouvoir exécutif, Monsieur Hissène Habré a, en revanche, au minimum laissé se développer dans le pays un climat politique généralement favorable à la survenance des crimes dont les plaignants ont été victimes. Car, même dans l'hypothèse imaginaire ou ces crimes n'étaient attribuables qu'à des bavures individuelles des agents de la DDS, leur caractère généralisé, le fait que les victimes aient été systématiquement et délibérément choisies, notamment en raison de leur appartenance ethnique, et leur caractère continu durant toute la durée du régime de Hissène Habré permettent de conclure que de telles "bavures" n'ont pu se commettre que grâce à l'existence d'un climat favorable dans l'agencement structurel des services de l'Etat sous la responsabilité politique et personnelle du président Hissène Habré.

IV. LOIS APPLICABLES

Les faits relatés ci-dessus paraissent relever, de l'avis des plaignants, des actes qualifiés de "crimes contre l'humanité", "crimes d'extermination", "tortures", ou encore "d'actes de barbarie" par diverses dispositions légales et de droit international conventionnel et coutumier applicables au Sénégal.

Les plaignants prennent la liberté d'invoquer ci-dessous quelques-une de ces dispositions.

1. Crimes contre l'Humanite

Il est établi que les crimes dont les plaignants ont été victimes étaient généralement commis dans le cadre ou à l'occasion d'attaques généralisées, systématiques et discriminatoires dirigées par les organes d'Etat, dont la DDS, contre la population civile.

C'était en particulier le cas du plaignant Younous Mahadjir et de Abras Souleymane, frère aîné du plaignant Ramadane Souleymane, tous deux arrêtés dans le cadre de la répression contre les ressortissants Hadjeraye. C'était aussi le cas des plaignants Zakaria Fadoul et Issac Haroun, arrêtés dans le cadre de la répression contre les ressortissants Zaghawa.

Ainsi qu'il ressort des annexes IV, V et VIII de la présente plainte, ces répressions revètaient en effet un caractère d'attaques généralisées, systématiques et discriminatoires lancées délibérément contre une population civile en raison uniquement des considérations ethniques. Elles remplissent ainsi les conditions d'application du Crime contre l'Humanité telles qu'elles sont prévues, notamment, au Statut de la Cour Pénale Internationale.

Exposant récemment le droit applicable aux Crimes contre l'Humanité, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda a d'abord rappelé:

"la jurisprudence sur ce crime, depuis les jugements par les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo jusqu'aux affaires les plus récentes, dont notamment les procès Touvier et Papon en France, en passant par le Procès Eichmann en Israel".

Il a ensuite énoncé de la manière suivante les conditions d'application du Crime contre l'Humanité:

"Que l'acte constitutif doit s'inscrire dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique, qu'il doit être dirigé contre une population civile et qu'il doit avoir été commis pour des motifs discriminatoires". (Affaire Jean-Paul Akayesu, TPIR-96-4-T, 2 sept. 1998)

Il est établi que les répressions contre les Hadjeraye en 1987 et contre les Zaghawa en 1989 consistaient en des attaques dirigées respectivement contre des ressortissants Hadjeraye de la préfecture de Guera et des ressortissants Zaghawa. Cela est détaillé dans les documents produits en annexes IV et V. L'Etude de synthèse des fiches d'identification de l'AVCRP (Annexe XI) reflète ces deux vagues de répressions en 1987 et 1989.

Il n'y a aucun doute que les personnes victimes de ces répressions étaient ciblées en tant que membres de ces communautés ethniques, comme le montrent les interrogatoires, entre autres, des plaignants Zakaria Fadoul et Issac Haroun.

Les actes de torture, de meurtre, de disparitions forcées, voire de simple "emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique", tels qu'ils sont allegués et établis dans la présente plainte, sont donc constitutifs de Crime contre l'Humanité en tant qu'ils ont visé les plaignants et de nombreuses autres victimes, en raison de leur appartenance ethnique.

Les plaignants vous prient, en outre, de considérer l'exposé "Crimes contre l'humanité et Hissène Habré" du Professeur Eric DAVID, de l'Université libre de Bruxelles, Directeur du Centre de droit international qui est produit en annexe II, d' il ressort que:

- les faits qui sont reprochés a Hissène Habré répondent à la définition des crimes contre l'humanité ;

- Hissène Habré en porte la responsabilité, soit pour les avoir commandés, soit pour ne les avoir pas empêchés ;

- le droit international général oblige le Sénégal à réprimer ces faits, ou à extrader leur auteur vers l'Etat qui le réclamerait aux fins de poursuites ;

- même si le droit interne du Sénégal n'incrimine pas expressément les crimes contre l'humanité, l'incrimination coutumière de droit international fait normalement partie du droit pénal que le Sénégal peut appliquer ;

2. Tortures et "actes de barbarie", et Disparitions forcées

a) La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Annexe I)

Cette Convention a été adoptée et ouverte à la signature le 10 décembre 1984. Le Sénégal l'a ratifiée le 21 août 1986, et elle est entrée en vigueur le 26 juin 1987. En vertu de l'article 79 de la Constitution, cette Convention fait donc partie intégrante du droit positif du Sénégal dans lequel elle a "autorité supérieure à celles des lois". (Sur la préséance des conventions internationales sur les lois internes en droit sénégalais, voir Cour Suprême du Sénégal, 23 avril 1980, Abdulaye Barry c./ Biscuiterie Medina, Revue EDJA No 40, 1999, p. 69).

Il ne saurait y avoir le moindre doute sur le fait qu'en plus des tortures physiques infligées aux détenus pendant l'interrogatoire, comme c'était le cas des plaignants Younous Mahadjir et Samuel Togoto, les conditions de détention décrites par tous les plaignants caractérisent un état permanent de tortures physiques et morales, répondant à la définition contenue à l'article 1er de la Convention:

"le terme "torture" désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite".

b) La loi 96-15 du 28 août 1996 qui a inséré l'article 295-1 au code pénal.

Cette loi reprend la définition de la Convention contre la torture du 10 décembre 1984. Elle réaffirme aussi le principe, également énoncé dans la Convention, qu'

"aucune circonstance exceptionnelle quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout acte d'exception, ne pourra être invoquée pour justifier la torture."

L'article 295-1 du code pénal est, néanmoins, partie des dispositions de la section 2 (Titre Deuxième) relatives aux "blessures et coups volontaires non qualifiés meurtre". Or, la plupart des tortures alléguées dans la présente plainte ont été suivies de mort d'homme. C'est le cas de celles alléguées par les plaignants Valentin Neatobet et Ramadane Souleymane, ainsi que de celles des dizaines des veuves représentées par l'AVCRP. C'est donc l'article 288 du code pénal, analysé ci-après, qui, de l'avis des plaignants, est d'application en l'espèce.

c) Les dispositions de l'article 288 du code pénal resultant de la loi 76-02 du 25 mars 1976

Ces dispositions légales répriment au titre de meurtre (section 1), les "tortures ou les actes de barbarie", et prévoient que "le bénéfice des circonstances atténuantes ne pourra être accordé aux accusés reconnus coupables, lorsque les tortures ou les actes de barbarie ont entraîné la mort de la victime". Lorsque les tortures ou les actes de barbarie n'ont pas entraîné la mort de la victime et que le bénéfice des circonstances atténuantes aura été accordé, la même disposition prévoit que la peine des travaux forcés à perpétuité sera obligatoirement prononcée. Cette disposition est donc de portée plus large au sens de l'article premier paragraphe deux de la Convention contre la torture du 10 décembre 1984. En outre, les peines qu'elle prévoit sont a l'exacte mesure de la gravité de l'acte de torture au sens de ce qui est prévu a l'article 4 paragraphe 2 de la même Convention qui stipule:

"Tout Etat partie rend ces infractions passibles de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité."

d) Disparitions forcées

En vertu du Statut de la Cour Pénale Internationale, art. 7 (2) (1), par "disparitions forcées":

" on entend les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l'autorisation, l'appui ou l'assentiment de cet État ou de cette organisation, qui refuse ensuite d'admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l'endroit où elles se trouvent, dans l'intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée".

Cette définition décrit exactement la situation du plaignant Valentin NEATOBET, qui agit ici pour le compte de ses parents Pierre TOBE, MOBIENGAR et Gaston NDONDOUM, disparus depuis 1984; celle du plaignant Ramadane SOULEYMANE agissant pour le compte de son frère aîné Abras SOULEYMANE disparu depuis février 1989, et celle de l'AVCRP agissant pour le compte de 100 de ses adhérants qui allèguent la disparition de leurs parents, ainsi qu'il ressort du document produit en Annexe XI de la présente plainte.

Il est aujourd'hui reconnu que la disparition est potentiellement une forme de torture pour les êtres chers proches de la personne disparue. C'est ainsi que la "Déclaration des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées", adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 47/133 du 18 décembre 1992 stipule (Art. 1) que:

"Tout acte conduisant à une disparition forcée ... constitue une violation des règles du droit international, notamment celles qui garantissent à chacun le droit... de ne pas être soumis à la torture ni à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants".

La jurisprudence du Comité des Droits de l'homme des Nations Unies est aussi dans ce sens. Le Comité des Droits de l'homme, compose d'experts indépendants, est l'organe quasi-juridictionnel chargé de s'assurer du respect, par les Etats, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ratifié par de nombreux pays africains, dont le Sénégal et le Tchad) et de donner suite aux plaintes individuelles alléguant la violation de ce Pacte par les Etats. Dans de nombreuses décisions sur les plaintes individuelles, le Comité des droits de l'homme a constament rappelé que la disparition forcée équivaut à la torture. Ainsi dans l'affaire Quinteros c/ Uruguay, le Comité a rendu la décision 107/1981 qui indique au paragraphe 14 que:

"la mère d'une femme disparue, en proie aux angoisses et au stress suite a la disparition de sa fille et à l'incertitude continue quant au sort de cette dernière, est victime de la violation du Pacte, en particulier de l'article 7 [tortures et traitements cruels et inhumains]". (traduction libre)

Dans le même sens, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a récemment jugé que la douleur profonde et les souffrances infligées à la mère d'une personne disparue du fait de cette disparition constituent une violation de l'article 3 de la Convention Européenne pour la Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (Kurt c/ Turquie, Eur.Ct.Hum.Rts, Affaire No.15/1997/799/1002, 25 mai 1998, para.134).

V. COMPETENCE DES JURIDICTIONS SénégalAISES

Monsieur Hissène Habré est étranger. Les crimes qui lui sont imputés ont été commis à l'étranger. Il semble dès lors résulter de l'interprétation a contrario de l'article 669 du code de procédure pénale que ces crimes ne pourraient être poursuivis au Sénégal qu'en vertu d'un mandat d'arrestation émanant de l'Etat sur le territoire duquel ils ont été commis.

Cette interprétation n'est cependant logique qu'en apparence pour les raisons qui suivent:

1. Crimes contre l'humanité

Comme il ressort de l'exposé "Crimes contre l'humanité et Hissène Habré" du Professeur Eric DAVID, qui est produit en annexe, le droit international général oblige le Sénégal à réprimer les Crimes contre l'humanité, et le Sénégal peut et doit connaître des Crimes contre l'humanité quels que soient la nationalité de l'auteur, celle de la victime et le lieu de perpétration de l'infraction.

2. Tortures

Les plaignants souhaitent attirer très respectueusement votre meilleure attention sur les dispositions du paragraphe 2 de l'article 5 de la Convention du 10 décembre 1984 qui établissent la règle de la compétence universelle en faisant obligation à tout Etat partie d'

"établir sa compétence aux fins de connaître desdites infractions au cas où l'auteur présumé de celles-ci se trouve sur tout territoire sous sa juridiction et où ledit Etat ne l'extrade pas conforménent à l'article 8 vers l'un des Etats visés au paragraphe 1 du présent article."

ainsi que sur celles de l'article 7 de la même Convention qui, de façon encore plus impérative, prévoit que

"l'Etat partie sur le territoire sous la juridiction duquel l'auteur présumé d'une infraction visée à l'article 4 est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, dans les cas visés à l'article 5, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale".

Cette règle de la compétence universelle est affirmée dans nombreuses décisions judiciaires récentes. C'était le cas en Belgique lorsque six plaintes pour détention arbitraire, meurtre et torture, ont été introduites contre M. Augusto Pinochet, ancien président de la République du Chili, devant un juge d'instruction belge par des citoyens chiliens pour des faits commis au Chili. Dans une Ordonnance du 8 novembre 1998, (Voir Annexe XIII) le juge d'instruction a d'abord requalifié les faits comme constituant des 'Crimes contre l'humanité'. Il a ensuite estimé que M. Pinochet ne pouvait invoquer aucune immunité pour les crimes contre l'humanité. Il a invoqué pour cela, le droit international coutumier qui reconnaît à chaque Etat le pouvoir d'exercer une compétence universelle à l'egard des crimes contre l'humanité. D'après le juge d'instruction belge,

"…même en dehors de tout lien conventionnel, les autorités nationales ont le droit et même dans

certaines circonstances, l'obligation de poursuivre les auteurs de tels crimes indépendamment du lieu où ils se trouvent". (Ordonnance du 6 novembre 1988, Affaire Augusto Pinochet Ugarte, Cabinet du juge d'instruction M.D. Vandermeersch, Belgique, 118 Journal des Tribunaux p. 308, 1999).

Comme dit le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie, dans l'affaire Furundzija

"Il semblerait que l'une des conséquences de la valeur de jus cogens reconnue à l'interdiction de la torture par la communauté internationale fait que tout État est en droit d'enquêter, de poursuivre et de punir ou d'extrader les individus accusés de torture, présents sur son territoire. En effet, il serait contradictoire, d'une part, de restreindre, en interdisant la torture, le pouvoir absolu qu'ont normalement les États souverains de conclure des traités et, d'autre part, d'empêcher les États de poursuivre et de punir ceux qui la pratiquent à l'étranger. Ce fondement juridique de la compétence universelle des États en matière de torture confirme et renforce celui qui, de l'avis d'autres juridictions, découle du caractère par essence universel du crime". (LE PROCUREUR c/ ANTO FURUNDZIJA, para 156 du jugement) IT-95-17/1-T 10, 10 Decembre 1998.

La même obligation est prescrite à charge des Etats parties par les articles 49 (Convention I), 50 (Convention II), 129 (Convention III) et 146 (Convention IV) des Conventions de Geneve du 12 août 1949. En vertu de ces dispositions, les Etats parties sont tenus de "rechercher et déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité", les auteurs d'homicides intentionnels, tortures ou traitements inhumains commis contre les personnes ou biens protegés par les quatre Conventions, notamment par les dispositions de l'article 3 commun a ces Conventions.

Ces obligations s'appliquent au Sénégal, qui a ratifié les quatre Conventions en 1963.

VI. CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE

Les plaignants vous prient respectueusement de leur donner acte de ce qu'elles se constituent partie civile par les présentes.

Conformément à l'article 76 alinea 2 du Code de procédure pénale, ils réservent leur droit de préciser ultérieurement le montant de la réparation qui sera postulée pour les préjudices subis.

Afin d'assurer la conservation de leurs droits découlant de la constitution de partie civile, ainsi que dans l'intérêt de l'action publique, les plaignants requièrent qu'il vous plaise, Monsieur le Juge d'Instruction, de faire application de l'article 6 (1) de la Convention contre la torture du 10 décembre 1984 (Annexe I), libellé comme suit:

"S'il estime que les circonstances le justifient, après avoir examiné les renseignements dont il dispose, tout Etat partie sur le territoire duquel se trouve une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction visée à l'article 4 assure la détention de cette personne ou prend toutes autres mesures juridiques nécessaires pour assurer sa présence. Cette détention et ces mesures doivent être conformes à la législation dudit Etat; elles ne peuvent être maintenues que pendant le délai nécessaire à l'engagement et poursuites pénales ou d'une procédure d'extradition".

Les plaignants vosu prie d'ordonner que Monsieur Hissène Habré soit immédiatement mis en détention compte tenu de la gravité des faits mis à sa charge et des risques qu'il y a pour lui de se soustraire aux poursuites.

Et il sera fait justice!

Pour les plaignants,

Leurs Conseils

LISTE DES ANNEXES

I. Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée et ouverte à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 39/46 du 10 décembre 1984

II. ACrimes contre l'humanité et Hissène Habré@, par Eric DAVID, Professeur à l'Université Libre de Bruxelles, Directeur du Centre de droit international

III. "Sur la question de l'immunité d'un ancien Chef d'Etat", par la FIDH

IV. Note explicative sur la répression contre les Hadjeraye

V. Note explicative sur la répression dirigee contre les Zaghawa

VI. Déclaration de M. Sabadet TOTODET

VII. Déclaration de Clement ABAIFOUTA

VIII. Déclaration de Dionmou LAOUMBAYE

IX. Statuts de l'AVCRP

Xa. Certificat du Dr. Helen JAFFE constatant les tortures de Samuel TOGOTO

Xb. Actes de decès, de notoriété pour hérédité et de tutelles pour Abras SOULEYMANE

XI. Etude de synthèse des fiches d'identification de l'AVCRP

XII. Rapport d'Helene Jaffe de l'Association A.V.R.E

XIII. Ordonnance du 6 novembre 1988, Affaire Augusto Pinochet Ugarte, Cabinet du juge d'instruction M.D. Vandermeersch, Belgique, 118 Journal des Tribunaux p. 308, 1999

XIV. Country reports on Human Rights Practices for 1990, United States Department of State, February 1991.

XV. " Les Victimes de la DDS": Tableau synthétique de 313 des membres de l'AVCRP

XVI. Rapport de la Commission d'Enquête Nationale du Ministère Tchadien de la Justice (1992)

XVII. Fiches d'identification de l'AVCRP

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