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SULEYMANE GUENGUENG et Autres c/ SÉNÉGAL
Mesdames, Messieurs les Membres du Comité contre la torture,COMMUNICATION PRESENTEE AU COMITE CONTRE LA TORTURE ( Article 22 de la Convention) pour violation des Articles 5 et 7 de la Convention 1/ Suleymane GUENGUENG, né vers 1951 à Ere, sous-préfecture de Bongor, préfecture du Mayo-Kebbi, République du Tchad, marié à Rouda Kasizisso, père de huit enfants, résidant à Ndjamena, République du Tchad, Chagoua Carre 6, Assistant technique à la Documentation de la CBLT (Commission du Bassin du Lac Tchad); 2/ Dr Zakaria FADOUL KHIDIR, né vers 1946 à Ourba, préfecture de Biltine, République du Tchad, marié, père d'un enfant biologique et de 7 enfants adoptés, enseignant-chercheur à l'Université de Ndjamena, résidant à Ndjamena, République du Tchad, Amrigebe, rue 5225 porte 120; 3/ Issac HAROUN, né vers 1948 à Iriba, préfecture de Biltine, République du Tchad. Résidant à Ndjamena, République du Tchad, fonctionnaire juriste au ministère de l'Intérieur de la République du Tchad; 4/ Younous MAHADJIR, né en 1952 à Baro, préfecture de Guera, République du Tchad, marié et père de 10 enfants, résidant à Ndjamena, République du Tchad, vice-président de la centrale syndicale UST (Union des Syndicats du Tchad), BP 613 - N'djamena; 5/ Valentin NEATOBET BIDI, Administrateur des Greffes auprès des tribunaux de Ndjamena, République du Tchad, et y résidant, ancien Ambassadeur et ancien Ministre; 6/ Ramadane SOULEYMANE, né en 1961 à Baro, préfecture de Guera, de tribu Hadjeraye, Greffier à la Cour Suprême du Tchad à Ndjamena et y résidant, BP 5495; 7/ Samuel TOGOTO LAMAYE, né le 1er janvier 1946 à Moundou, préfecture de Logone Occidental, marié et père de 10 enfants, exerçant la profession de Commissaire de police à Ndjamena, République du Tchad, et y résidant s/c LTDH - N'Djamena. Représentés par Maitre Reed Brody, Advocacy Director à Human Rights Watch, 350 5th Ave, 34th Fl. New York, NY 10118-3299 (téléphone: 1-212-216-1206) Ont l'honneur de présenter cette communication en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après " la Convention "). Les auteurs allèguent la violation par le Sénégal de ses obligations au titre des Articles 5 (2) et 7 de la Convention, violation dont les auteurs sont les victimes. Les pouvoirs donnés par les auteurs à M. Reed Brody de les représenter sont produits en annexe I de la présente communication. I. LES FAITS Les faits sur lesquels repose la présente communication sont résumés de la manière suivante. Les auteurs sont tous des citoyens tchadiens. A des dates différentes entre 1982 et 1990, période au cours de laquelle Monsieur Hissène Habré a exercé les fonctions de Président de la République du Tchad, les auteurs ont été victimes, notamment, d'actes de tortures commis contre leur personne par des agents de l'Etat tchadien relevant directement du Président Hissène Habré. Torture au Tchad sous le régime de Hissène Habré Les tortures pratiquées sous le régime de Hissène Habré étaient d'une ampleur particulièrement inquiétante. L'Association des Victimes des Crimes et Répressions Politiques au Tchad (AVCRP), une association creee par les anciennes victimes du regime de M. Habré, a répertorié, parmi ses adhérants, 142 victimes de tortures. L'Association des Victimes de la Répression en Exil (AVRE), basée en France, spécialisée dans la réhabilitation des victimes de tortures et de répressions politiques, a été commise par le Commission d'Enquête officielle de Ministère tchadien de la Justice en 1992 pour procéder aux examens cliniques des victimes de torture sous le régime de Hissène Habré et donner son opinion sur l'ampleur du drame né de cette pratique de torture. Du rapport déposé par Avre en mai 1992 il ressort notamment que l'Association: - a consulté 242 patients victimes de tortures; - a constaté que les formes les plus fréquentes de torture sont: tabassage, suspensions diverses, chocs électriques, brûlures et injection forcée d'eau; - a constaté que 40% des personnes consultées "sont au chômage, certains par incapacité physique de reprendre leurs anciennes activités, et n'ont pas les moyens matériels de se recycler dans une autre profession". La Commission d'enquête nationale du ministère tchadien de la Justice (1992), a accusé le gouvernement Habré de 40 000 assassinats politiques et de torture systématique. Voir Les crimes et détournements de l'Ex-Président Habré et de ses complices, Rapport de la Commission d'Enquête du Ministère Tchadien de la Justice. (L'Harmattan, 1993). Tortures subies par les auteurs et responsabilité personnelle de M. Hissène Habré La description et la nature des tortures qu'ont subies les auteurs, de même que l'étendue des souffrances qui en ont résulté, sont détaillées dans l'annexe II de la présente communication. En ce qui concerne Valentin Neatobet Bidi et Ramadane Souleymane, les tortures qu'ils ont subies -- et qu'ils continuent à subir -- sont le fait de la disparition forcée de leurs parents. Le document produit en annexe III contient une discussion sur l'état actuel du droit international sur l'équivalence de la disparition forcée à la torture à la fois pour la personne disparue et surtout pour ses parents. La responsabilité personnelle de M. Hissène Habré dans ces actes de torture est présentée dans le document produit en annexe IV de la présente communication. Les poursuites judiciaires au Sénégal Après son éviction du pouvoir en décembre 1990 par un coup de force mené par le Colonel Idriss Déby, Monsieur Hissène Habré avait pu s'enfuir du pays pour trouver refuge au Sénégal où il vit depuis lors. Dès le lendemain de sa chute, les anciennes victimes de M. Hissène Habré ont constitué une 'Association des Victimes des Crimes et Répression Politiques' (AVCRP) avec l'objectif principal de collectionner des éléments de preuve en vue de faire juger Monsieur Hissène Habré pour les nombreux crimes qui lui ont été reprochés. Les auteurs sont tous membres de l'AVCRP qui regroupe plus de sept cents affiliés, victimes directes de tortures et autres crimes contre l'humanité, ou parents des victimes d'assassinats politiques ou de disparitions forcées. En janvier 2000, les auteurs ont déposé une plainte contre M. Hissène Habré devant le Doyen des Juges d'Instruction du Tribunal régional hors-classe de Dakar au Sénégal. Pour les besoins de cette plainte, et conformément à la loi sénégalaise, les auteurs avaient élu domicile au bureau de leur avocat, Boucounta Diallo, Immeuble Air Afrique, Place de l'Indépendance à Dakar, Sénégal. Une copie de la plainte est produite en annexe V de la présente communication. Le 3 février 2000, après avoir entendu sur procès-verbal la déposition de six plaignants et témoins, et après avoir recueilli l'avis du Procureur de la République conformément à la loi sénégalaise, le juge d'instruction a inculpé Hissène Habré pour " complicité d'actes de torture " et l'a assigné à résidence. Il a en outre ouvert une instruction contre X pour " crimes contre l'humanité ". Le 18 février 2000, Monsieur Hissène Habré a dépose une requête en annulation de cette décision devant la Chambre d'Accusation de la Cour d'appel de Dakar, estimant, entre autres, que la justice sénégalaise est incompétente pour juger Hissène Habré pour les crimes de torture commis en dehors du territoire sénégalais. C'est à ce moment que date le début des pressions politiques exercées, ouvertement ou non, par des officiels du gouvernement pour tenter d'influencer le cours de la procédure judiciaire dans cette affaire. Le Conseil Supérieur de la Magistrature, présidée par le chef de l'Etat sénégalais Abdoulaye Wade et son ministre de la Justice, lors d'une réunion non prévue à l'avance, a muté de son poste le juge Demba Kandji, qui avait inculpé Habré en février. Le Président de la Chambre d'Accusation de la Cour d'appel de Dakar, devant laquelle le recours de Habré était pendant, a été transféré au Conseil d'Etat. Le 4 juillet 2000, la Chambre d'Accusation a annulé l'inculpation de Hissène Habré et la procédure subséquente " pour incompétence du juge saisi " au motif que " les juridictions sénégalaises ne peuvent connaître des faits de torture commis par un étranger en dehors du territoire sénégalais quelque soit les nationalités des victimes, que le libellé de l'article 669 du Code de Procédure Pénale exclut cette compétence ". Une copie de la décision de la Chambre d'Accusation est produite en annexe VIII de la présente communication. Les Rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l'homme sur la torture et le sur l'indépendance des juges sont parmi les nombreuses personnalités et organisations qui ont exprimé un trouble par rapport à cette décision et aux circonstances qui l'ont précédée. Dans un Communiqué de presse du 2 août 2000, [l]e Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, M. Dato Param Cumaraswamy, et le Rapporteur spécial sur la torture, Sir Nigel Rodley, ont fait part de leur préoccupation au Gouvernement du Sénégal s'agissant des circonstances dans lesquelles a été prononcé le non-lieu dans le cas de M. Hissène Habré, ancien Président du Tchad. ….. Les Rapporteurs spéciaux rappellent au Gouvernement du Sénégal ses obligations en tant qu'État partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ils attirent également son attention sur la résolution adoptée cette année par la Commission des droits de l'homme sur la question de la torture (résolution 2000/43), dans laquelle elle insiste sur l'obligation générale des États d'enquêter sur les allégations de torture et d'assurer que ceux qui encouragent, ordonnent, tolèrent ou se rendent coupables de tels actes soient poursuivis et sévèrement sanctionnés. [Voir le texte intégral de ce communiqué en annexe VI). Le 7 juillet 2000, les auteurs ont saisi la Cour de Cassation du Sénégal et lui ont demandé d'annuler la décision de la Chambre d'Accusation et de restaurer les poursuites contre M. Hissène Habré. Le recours à la Cour de Cassation était justifié par la conviction que la justice sénégalaise est compétente en vertu de la Convention à laquelle le Sénégal est partie, et que le juge sénégalais n'est pas fondé à invoquer la disposition d'une loi de procédure interne pour ne pas appliquer la convention. Le 20 mars 2001, la Cour de cassation du Sénégal a rendu sa décision dans cette affaire [voir annexe VIII, notamment pp. 5-6]. Dans cette décision, la Cour de cassation a affirmé, notamment, " Qu'aucun texte de procédure ne reconnaît une compétence universelle aux juridictions sénégalaises en vue de poursuivre et de juger, s'ils sont trouvés sur le territoire de la République, les présumés auteurs ou complices de faits [de torture] … lorsque ces faits ont été commis hors du Sénégal par des étrangers ; que la présence au Sénégal d'Hissène Habré ne saurait à elle seule justifiées les poursuites intentées contre lui." p.6 II. VIOLATIONS PAR LE SÉNÉGAL DE SES OBLIGATIONS AU TITRE DE LA CONVENTION Les auteurs allèguent la violation par le Sénégal de ses obligations au titre de la Convention, notamment en ses articles 5(2) et 7. 1/ Violation de l'article 5(2) de la Convention L'article 5(2) de la Convention se lit : " Tout Etat partie prend également les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître desdites infractions dans le cas où l'auteur présumé de celles-ci se trouve sur tout territoire sous sa juridiction et où ledit Etat ne l'extrade pas conformément à l'article 8 vers l'un des Etats visés au paragraphe 1 du présent article. " La Cour de Cassation a constaté dans sa décision, suivant en cela les conclusions de la Chambre d'accusation, " Qu'il en résulte que l'article 79 de la Constitution ne saurait recevoir application dès lors que l'exécution de la Convention nécessite que soient prises par le Sénégal des mesures législatives préalables " " qu'aucune modification de l'article 669 du code de procédure pénale [qui énumère les cas pour lesquels des poursuites peuvent être engagées contre des étrangers au Sénégal pour des fait commis á l'étranger] n'est intervenue et … que les juridictions sénégalaises sont incompétentes pour connaître des actes de torture commis par un étranger en dehors du territoire quelle que soit la nationalité des victimes " Le Sénégal a ratifié la Convention le 26 août 1986 et, le 28 août 1996 (Loi No 96-15), le Sénégal a adopté une législation insérant l'incrimination conventionnelle de torture dans son code pénal, conformément à l'article 4 de la Convention. Mais le Sénégal n'a adopté aucune législation permettant la mise en application de l'article 5(2) de la Convention dans les cas des personnes se trouvant sur son territoire et accusées d'avoir commis des crimes de torture à l'étranger. Or, les travaux préparatoires de la Convention montrent que l'article 5 a été conçu comme la 'pierre angulaire' du dispositif créé par les rédacteurs de la Convention. D'après J. Herman Burgers, Président du Groupe de travail des Nations Unies chargé de préparer le projet de la Convention, et Hans Danelius, le délégué suédois qui en a écrit le premier avant-projet, l'article 5 de la Convention représente " […]"a cornerstone in the Convention, an essential purpose of which is to ensure that a torturer does not escape the consequences of his acts by going to another country. As with previous conventions against terrorism, .... the present Convention is also based on the principle aut dedere aut punire; in other words, the country where the suspected offender happens to be shall either extradite him for the purpose of prosecution or proceed against him on the basis of its own criminal law. To be in a position to bring criminal proceedings against the offender, the State concerned must have jurisdiction over the offence, and this is what article 5 seeks to ensure.@ (J. Herman Burgers and Hans Danelius, The United Nations Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman and Degrading Treatment or Punishment, p. 131). Le paragraphe 2 de l'article 5, ajoutent les mêmes auteurs, " provides that, whether or not any of the grounds of jurisdiction dealt with in paragraph 1 exist, a State Party shall have jurisdiction over offences of torture in all cases where the alleged offender is present in a territory under its jurisdiction under paragraph 1. "" (Idem, p. 132). Tandis que la Cour de Cassation a constaté que "La presence au Sénégal d'Hissène Habré ne saurait à elle seule justifier des poursuites. ", l'article 5 de la Convention, d'après G. de La Pradelle, fait " de la simple présence d'un suspect sur le territoire de l'Etat, le critère de sa compétence générale " (G. de La Pradelle, La compétence universelle, in H. Ascensio, E. Decaux et A. Pellet, Droit international pénal, Pedone Paris, p. 911). La décision de la Cour de cassation contrarie l'objectif principal de la Convention qui résulte de l'article 5. Elle est également en contradiction avec les engagements pris par le Sénégal devant le Comité contre la torture. Dans son deuxième rapport en vertu de l'article 19, le Sénégal a tenu a rassurer le Comité sur le fait qu'aucune disposition de sa loi interne ne fait obstacle à la poursuite des crimes de torture commis à l'étranger. Commentant les dispositions du code de procédure pénale sénégalais relatives aux crimes commis à l'étranger, le Sénégal a en effet déclaré : " Ces dispositions légales […] ne font aucun obstacle aux poursuites d'infractions de torture commises au Sénégal ou à l'étranger, ce qui répond aux préoccupations de la Convention contre la torture. " (CAT/C/17/Add.14, paragraphe 42) ….. Le souci de la Convention est que l'auteur de torture, présent sur le territoire d'un Etat partie, doit être mis en état d'arrestation, pour qu'il reponde des faits qui lui sont reprochés. " (CAT/C/17/Add.14, paragraphe 43). Même si, en vertu de l'article 79 de la Constitution du Sénégal, la Convention est partie intégrante de la législation sénégalaise dès sa ratification et qu'en principe son application ne dépend pas d'un ajustement législatif interne, il appartenait dans tous les cas au Sénégal de prendre toutes mesures législatives nécessaires pour éviter que des ambiguités juridiques révélées par la décision de la Cour de Cassation l'empechent de se conformer à l'article 5(2), qui est la pierre angulaire du dispositif de la Convention. Les experts du Comité eux-mêmes insistent constamment sur la nécessité pour les Etats parties d'adopter des mesures législatives internes pour la mise en œuvre de la compétence universelle [Voir p.ex. Doc. CAT/C/SR.245, para. 18, 11 juin 1996, (examen du rapport périodique de l' Arménie), (M. Sorensen, rapporteur: "Il importe de savoir quelles dispositions ont été prises pour réprimer le crime de torture et assurer la juridiction universelle…C'est là un devoir car un des buts fondamentaux de la Convention est de faire de tout tortionnaire un hors-la-loi."]. Dans le cas du Sénégal, le Comité a d'abord noté " comme un aspect positif le rang que la Constitution sénégalaise octroie aux traités internationaux ratifiés par le Sénégal, en leur reconnaissant une valeur supérieure à celle de la loi nationale. " (Conclusions et recommandations du Comité contre la torture, A/51/44, paragraphe 105). Le Comité a ensuite recommandé " que soit mis en œuvre, sans réserve, l'article 79 de la Constitution sénégalaise, qui institue la primauté du droit international conventionnel ratifié par le Sénégal sur la loi nationale. " (A/51/44 paragraphe 117). Répondant favorablement aux conclusions et recommandations du Comité, le Sénégal s'est engagé à continuer à accorder à la Convention sa prééminence sur le droit interne. Dans ses remarques finales à la 249ème séance du Comité tenu le 2 mai 1996, M. Diop, délégué du Sénégal, a indiqué que " le Sénégal (…) entend respecter les engagements qu'il a pris, à la lumière des conclusions du Comité et compte tenu de la prééminence du droit international sur le droit interne. " (CAT/C/SR 249 paragraphe 44) Malgré ces engagements, le Sénégal n'a pas conformé sa législation à l'article 5(2) de la Convention. Cette dernière n'a donc pas été dûment incorporée dans la législation du Sénégal. Cette inaction est une violation de la Convention en son article 5(2). 2/ Violation de l'article 7 de la Convention L'article 7 de la Convention se lit : " L'Etat sur le territoire sous la juridiction duquel l'auteur présumé d'une infraction visée à l'article 4 est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, dans les cas visés à l'article 5, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. " Le principe aut dedere aut punire contenu dans cette disposition a déjà fait l'objet d'une riche jurisprudence qui a précisé son mécanisme et les obligations des Etats parties pour sa mise en œuvre. Lord Browne-Wilkinson, président du tribunal de la Chambre des Lords du Royaume-Uni dans l'affaire Pinochet, a noté que " La convention contre la torture n'était pas conclue dans le but d'instituer un nouveau crime international qui n'aurait pas existé auparavant, mais plutôt dans le but d'instaurer un système international dans lequel le criminel international - le tortionnaire - ne bénéficierait d'aucun abri sûr. L'objectif de la Convention était d'instaurer le principe aut dedere aut punire- soit vous extradez, soit vous poursuivez " Les extraits suivants montrent que les autres juges de ce tribunal de Londres se sont prononcés dans le même sens, en citant plus expressément l'article 7: Lord Goff: " La Convention contre la torture s'est préoccupée de la compétence des tribunaux nationaux, mais son but essentiel est de s'assurer qu'aucun tortionnaire ne puisse se soustraire aux conséquences de ses actes en se rendant dans un autre pays …L'article 7 … traduit le principe aut dedere aut punire, destiné à empêcher qu'un tortionnaire échappe aux poursuites en fuyant dans un autre pays. " Lord Millet: " La Convention a donc affirmé et étendu (les mécanismes de poursuite d')un crime international existant ; elle a imposé aux Etats parties l'obligation de prévenir un tel crime et de punir ceux qui en seraient coupables. Comme Burgers et Danelius l'expliquent, le principal objectif de la Convention était d'instaurer un mécanisme institutionnel qui facilite l'accomplissement de cette obligation. Alors que, sous les mécanismes (de compétence universelle) précédents, les Etats n'avaient que la faculté de se déclarer compétents à l'égard d'un crime quel qu'en soit le lieu de commission, ils avaient à présent l'obligation de le faire. Tout Etat partie sur le territoire duquel serait trouvée une personne accusée d'avoir commis le crime était désormais obligé soit d'offrir l'extradition d'une telle personne, soit de déclencher les procédures de poursuite à son égard. " Au moment même où des procédures étaient engagées contre le Général Pinochet en Angleterre, le Comité contre la Torture avait justement "recommand[é] enfin que l'affaire du sénateur chilien Pinochet soit déférée au parquet en vue de déterminer si un procès est réalisable, et, le cas échéant, que des poursuites criminelles soient engagées en Angleterre si la décision de ne pas l'extrader était prise. Ceci serait conforme aux obligations incombant à l'État partie en vertu des articles 4 à 7 de la Convention et de l'article 27 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités." (Observations finales du Comité contre la Torture : United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland. 17/11/98. Doc. A/54/44.) Des auteurs prestigieux ont aussi interpreté cette disposition comme imposant aux Etats parties une " obligation de poursuivre ". Sir Nigel Rodley, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme chargé d'examiner les questions se rapportant à la torture, a constaté que la Convention incorpore " l'obligation d'extrader les présumés tortionnaires ou de les juger sur la seule base de la compétence universelle. " C'est aussi l'avis de Cherif Bassiouni et Edward Wise qui rappellent que " L'article 7 (de la Convention) traduit le principe aut dedere aut judicare. " Selon Marc Henzelin : " …la Convention contre la torture prévoit également à son article 7 une obligation de La Haye de poursuivre. … La Convention se caractérise ainsi principalement en matière juridictionnelle par le fait qu'elle n'impose pas seulement une obligation purement législative et territoriale, qui caractérisait précédemment les autres conventions des droits de l'homme, pour reproduire les modèles de sécurité collective de Tokyo et de La Haye, dominés par les principes de la liberté juridictionnelle, aut dedere aut prosequi, ainsi que par l'obligation de poursuivre. " Le mécanisme de mise en oeuvre au Sénégal de la règle aut dedere aut punire contenue à l'article 7 de la Convention a été décrit avec détails par le Sénégal dans son deuxième rapport au Comité : " Lorsqu'il (le Sénégal) ne l'extrade pas, l'auteur de torture commise à l'étranger est poursuivi après la procédure d'enquête préliminaire, effectuée par un officier de police judiciaire[…] " (CAT/C/17/Add.14, paragraphe 48) Or, en l'occurrence, le Sénégal n'a ni poursuivi, ni extradé Hissène Habré. La violation de l'article 7 de la Convention est donc manifeste dans le chef du Sénégal. III. RECEVABILITE DE LA PRESENTE COMMUNICATION La présente communication satisfait à toutes les conditions de recevabilité prévues à l'article 22 de la Convention. Elle est présentée par des personnes physiques qui se considèrent victimes de la violation, par le Sénégal, Etat partie à la Convention, des dispositions de celle-ci. Le Sénégal a fait la déclaration de reconnaissance de compétence du Comité en vertu de l'article 22(1) de la Convention. Les conditions de recevabilité prévues à l'article 22(2) sont remplies. Cette communication n'est pas anonyme ; elle est signée en bonne et due forme par M. Reed Brody au nom des auteurs. Ces derniers sont bien identifiés. Les pouvoirs de représentation qu'ils ont donnés à M. Reed Brody ont été produits. La communication allègue des faits qui, prima facie, constituent des violations sérieuses de la Convention. Il ne s'agit donc pas d'une communication traduisant un abus du droit de soumettre de telles communications. Les conditions de recevabilité prévues à l'article 22(5) sont également satisfaites. Les violations alléguées par les auteurs à charge du Sénégal n'ont pas été soumises et ne sont pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Les auteurs ont épuisé toutes les voies de recours internes disponibles en droit sénégalais. Après plusieurs recours légaux, la décision d'incompétence des tribunaux sénégalais a été prise par la Cour de Cassation qui est la plus haute juridiction du Sénégal. Aucun recours de quelque nature que ce soit n'est possible contre les décisions de la Cour de Cassation. IV. REPARATIONS La décision du Sénégal d'abandonner les poursuites contre de M. Habré a causé un énorme préjudice aux auteurs. Les engagements internationaux du Sénégal et ses assurances quant à la capacité de son système judiciaire à appliquer la Convention ont été, avec la présence de M. Habré sur le territoire sénégalais, les facteurs déterminants dans la décision des auteurs de déclencher les poursuites entamées au Sénégal. Travaillant depuis plus de dix ans sur la préparation d'un procès contre Hissène Habré, les auteurs ont fait confiance en la capacité du Sénégal d'honorer ses engagements internationaux en vertu de la Convention en poursuivant Hissène Habré. La décision du Sénégal d'abandonner ces poursuites a ainsi balayé d'un seul coup tout leur espoir, forgé au fil des dix dernières années, de voir Hissène Habré répondre de ses actes devant une cour de justice. En apprenant le contenu de la décision de la Cour de Cassation, un des auteurs a déclaré : " c'est comme si le Sénégal se rendait solidaire des crimes qui ont été commis contre nous ". Un autre a ajouté : " C'est comme si le Sénégal remuait un couteau dans les traces laissées sur nos corps par les années de torture. " Ces déclarations indiquent la hauteur du préjudice subi par les auteurs du fait de l'abandon des poursuites contre Hissène Habré par le Sénégal. Les auteurs demandent que réparation leur soit faite de ce préjudice. Les auteurs demandent donc au Comité de dire que : (1) En décidant de mettre fin aux poursuites déjà engagées contre M. Hissène Habré sur la plainte des auteurs, le Sénégal a violé les dispositions de la Convention, en particulier, les articles 5 (2) et l'article 7 de la Convention qui obligent les Etats parties à poursuivre les auteurs présumés d'actes de torture s'ils ne les extradent pas. (2) Le Sénégal devra prendre toutes mesures nécessaires afin de rétablir la conformité de sa législation avec les dispositions de la Convention qui ont été violées. Les auteurs sont conscients que, d'après la jurisprudence de ce Comité, la conclusion selon laquelle un Etat partie a violé une disposition de la Convention est d'un caractère simplement " déclaratoire " et n'affecte pas les décisions des autorités nationales compétentes de cet Etat. Cependant, il est également de jurisprudence de ce Comité qu'une telle conclusion emporte toujours " la responsabilité par cet Etat de trouver des solutions qui lui permettent de prendre toutes mesures nécessaires afin de se conformer à la Convention. " [Communication No 034/1995 (Seid Mortesa c/ Suisse), paragraphe 11, 9 mai 1997]. Ces solutions, d'après la jurisprudence de ce Comité, peuvent être de nature législative, mais aussi de nature politique [Seid Mortesa c/ Suisse, Idem]. De telles mesures doivent être avant tout de nature législative, notamment l'adoption d'une loi modifiant le code de procédure pénale afin de permettre à la justice sénégalaise d'avoir compétence, conformément à l'article 7 de la Convention, à l'égard des personnes comme Hissène Habré se trouvant sur le territoire du Sénégal et accusées d'avoir commis des actes de torture à l'étranger. [voir également les recommandations adressées par le Comité à l'Ile Maurice pour qu'elle adopte une législation établissant la compétence universelle (Observations finales du Comité contre la Torture : Mauritius. 05/05/99. A/54/44, paragraphes 118-123) "that it also establish[es] universal jurisdiction through legislation"]. Le Sénégal devra dès lors amender sa législation afin de permettre à ses juridictions d'avoir compétence à l'égard des crimes commis par M. Hissène Habré. (3) Ensuite, le Sénégal devra, conformément á l'article 7, extrader Hissène Habré, ou soumettre l'affaire, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. (4) Si le Sénégal ne juge ou n'extrade pas Hissène Habré, il devra compenser les auteurs pour les préjudices subis du fait de cet abandon des poursuites, et notamment de la privation de leur droit à la réparation garanti par l'article 14 de la Convention. Les auteurs pensent que pour cette demande de compensation l'article 14 de la Convention fournit au Comité contre la Torture une base semblable, voire plus solide, que celle fournie au Comité des droits de l'homme par l'article 2(3)a du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. [voir la jurisprudence du Comité des droits de l'homme : Communication 386/1989 Famara Kone c/ Sénégal, 21 octobre 1994 para. 10; Communication 586/1994 Joseph F. Adam c/ République Tchèque, 23 juillet 1996 para. 13.2; Communication 328/1988 Myriam Dunaway c/ Nicaragua, 20 juillet 1994 para. 12]. En déclenchant les poursuites au Sénégal, les auteurs s'étaient constitués parties civiles conformément à la législation sénégalaise, dans le but de demander réparation et indemnisation équitable de la part de Hissène Habré. Il est de notoriété publique que Hissène Habré a des moyens plus que suffisants pour une telle indemnisation. La Commission d'enquête de 1992 a imputé à M. Habré le détournement d'au moins 3,32 milliards de francs CFA (100 franc CFA = 1 franc francais), juste avant sa chute en 1990. [Les crimes et détournements de l'Ex-Président Habré et de ses complices, Rapport de la Commission d'Enquête du Ministère Tchadien de la Justice, pp. 216-217 (L'Harmattan, 1993)]. Ceux des auteurs qui accusent des formes diverses d'incapacité physique ont également entendu postuler pour des moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible. Ils avaient produit des certificats médicaux au dossier de la plainte déposée au Sénégal. En mettant fin aux poursuites, le Sénégal a privé les auteurs de l'indemnisation et des réparations qu'ils étaient en droit d'attendre de la condamnation de Hissène Habré en vertu de l'article 14 de la Convention. Le Sénégal doit par conséquent répondre de ces réparations et indemnisations à la place de M. Hissène Habré. [voir, à cet égard, la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire Osman v. The United Kingdom (ECHR/87/1997/871/1083, 28 Octobre 1998) dans laquelle la Cour européenne a jugé que placer des restrictions juridiques à la capacité d'une personne de saisir les tribunaux est une limitation impropre et constitue une violation de l'article 6(1) de la Convention européenne des droits de l'homme qui prévoit le droit d'avoir accès à la justice. Les requérants ayant été déniés de toute possibilité d'obtenir une décision sur le bien fondé de leur demande de dédommagement contre un particulier, la Cour européenne a condamné l'Etat partie, auteur de ces restrictions juridiques, à leur allouer ce dédommagement.] (5) Les auteurs prient également le Comité d'inviter le Sénégal à les dédommager pour le coût de la procédure judiciaire au Sénégal. Les auteurs ont du avancer d'énormes frais pour la collecte des preuves, le déplacement des témoins tchadiens à Dakar, etc., dans l'espoir que le Sénégal remplira ses obligations internationales en ordonnant les poursuites contre Hissène Habré. (6) Les auteurs prient également le Comité d'inviter le Sénégal, conformément à l'article 111 paragraphe 5 de son règlement de procédure, de lui communiquer dans les 90 jours, toute information concernant toutes autres mesures pertinentes en conformité avec les conclusions ci-dessus [voir CAT, conclusions finales, Communication No 008/1991, Qani Halimi-Nadzibi c/ Autriche, 18 novembre 1993, paragraphe16] V. DEMANDE D'INDICATION DES MESURES PROVISOIRES Les auteurs demandent que le Comité, au titre des mesures provisoires d'urgence en vertu de l'article 108 (9) de son Règlement de Procédure, invite le gouvernement du Sénégal, non seulement à renoncer à expulser M. Hissène Habré, mais en plus, à prendre toutes mesures pour empêcher que M. Hissène Habré ne quitte le territoire du Sénégal autrement qu'en vertu d'une procédure d'extradition . Cette demande d'indication de mesures provisoires est basée sur les éléments suivants en possession des auteurs : En date du 7 avril 2001, le Président de la République du Sénégal, M. Abdoulaye Wade, a publiquement déclaré sur les antennes des radios à Dakar, avoir demandé à M. Hissène Habré de quitter le territoire sénégalais. Un delai, apparamment d'un mois, a été donné à M. Habré pour se conformer à cette décision. Voir en annexe IX des dépêches de presse reproduisant les déclarations du Président Wade. Ces déclarations ont été faites alors même que les auteurs s'appretaient à saisir le Comité, et que d'autres anciennes victimes de M. Hissène Habré avaient saisi la justice en Belgique contre ce dernier. Annexe X. Nous savons que le Juge d'Instruction Bruxellois entend déjà des témoins. Dans les prochains jours, il va auditionner par exemple, Mahamat Hassan Abakar, Président de la Commission d'Enquête du Ministère Tchadien de la Justice. Par ailleurs, les mesures que les autorités du Sénégal s'appretent à prendre à l'égard de M. Hissène Habré ne participent pas à une procédure quelconque d'extradition. Elles ne résultent pas d'un souci humanitaire, ni d'aucune autre justification raisonnable. Il ne s'agit pas non plus de mesures d'expulsion prises pour violation par M. Hissène Habré des lois régissant son statut d'exilé, ni pour violation par lui d'une disposition particulière de la loi sénégalaise. Ces mesures, prises de façon inattendue pour la première fois depuis dix ans que Hissène Habré séjourne au Sénégal, sont manifestement liées aux poursuites judiciaires engagées contre M. Habré par ses anciennes victimes. Il est donc raisonnable de conclure que ces mesures sont prises en réalité pour à la fois protéger M. Hissène Habré contre une éventuelle demande d'extradition et soustraire par avance le Sénégal de son obligation de répondre à une telle demande, obligation contenue à l'article 9 de la Convention. Si Hissène Habré venait à quitter le Sénégal (très vraisemblablement en destination d'un Etat non partie à la Convention), les auteurs seraient victimes d'un dommage irreparable, du fait que la perspective de traduire Hissène Habré en justice serait presque à jamais anéantie. Les auteurs, dans ce cas, n'auraient plus la possibilité d'obtenir réparation pour violation, à leur préjudice, de l'article 7 de la Convention. Aucune demande d'extradition de la part de la Belgique, ni aucune mesure de réparation de la part du Comité, en particulier la poursuite ou l'extradition de Habré en vertu de l'article 7 de la Convention, ne pourraient être servies si Hissène Habré était déjà en dehors du territoire sénégalais. L'article 7 de la Convention peut être lu comme se limitant à édicter des obligations à charge de l'Etat partie et comme ne contenant pas de droit spécifique en faveur des victimes de torture. Cependant, cette proposition n'est vraie que si l'article 7 est lu de façon abstraite et générale. Dans le cas concret de la présente procédure, néanmoins, il faut garder à l'esprit que les auteurs avait déjà saisi la justice sénégalaise (et annoncé leur intention de saisir le Comité contre la torture - voir p.ex. l'article du Monde à l'Annexe X ), lorsque le Sénégal a pris la décision de faire partir Hissène Habré de son territoire. En prenant cette mesure, le Sénégal avait raisonnablement dû anticiper la possibilité pour le Comité d'accéder à la demande des auteurs de voir le Sénégal amender sa législation pour continuer les poursuites contre Hissène Habré ou pour l'extrader. La mesure que le Sénégal s'apprête à prendre contre Hissène Habré est donc vraisemblablement liée aux procédures judiciaires entamées par les auteurs. Cette seconde violation par le Sénégal de l'article 7 de la Convention constituerait en conséquence dans ce cas une restriction directe au droit des auteurs à amener Hissène Habré en justice et à demander réparation en vertu de l'article 14 de la Convention. Une telle restriction serait irrémédiable si, comme cela est vraisemblable, le départ de Habré se faisait au profit d'un Etat non partie à la Convention. Il faut aussi lire la l'Article 7 á la lumière des principes énoncés par les rapporteurs des Nations Unies, comme l'Ensemble de Principes Pour la Protection et la Promotion Des Droits de l'Homme par la Lutte Contre l'impunite, préparé par M. L. Joinet, en application de la décision 1996/119 de la Sous-Commission (E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1, 2 octobre 1997). Après avoir constaté qu' " Il implique que toute victime ait la possibilité de faire valoir ses droits en bénéficiant d'un recours équitable et efficace, notamment pour obtenir que soit jugé son oppresseur et obtenir réparation. " (par. 26), et que " Le droit à la justice confère à l'Etat des obligations : celle d'enquêter sur les violations, d'en poursuivre les auteurs et, si leur culpabilité est établie, de les faire sanctionner", (par. 26), M. Joinet propose le principe suivant : "Principe 34 : Que ce soit par la voie pénale, civile, administrative ou disciplinaire, toute victime [d'une violation des droits de l'homme] doit avoir la possibilité d'exercer un recours aisément accessible, prompt et efficace, comportant les restrictions apportées à la prescription par le principe 24. " Cette idée se rétrouve aussi dans les Principes Fondamentaux et Directives Concernant le Droit à Reparation des Victimes de Violations des Droits de l'Homme et du Droit International Humanitaire établi par le Rapporteur spécial de la Sous-Commission, M. Theo van Boven (E/CN.4/1997/104, 16 janvier 1997) " 5. Le système juridique de chaque Etat prévoit des procédures disciplinaires, administratives, civiles et pénales rapides et efficaces qui garantissent à la victime une réparation suffisante, facilement accessible, et une protection contre toutes intimidation et représailles. Tout Etat prend les mesures voulues pour que les violations flagrantes des droits de l'homme et du droit international humanitaire constitutives de crimes au regard du droit international relèvent d'une compétence universelle. " Ou encore les Principes Fondamentaux et Directives Concernant le Droit á un Recours et à Réparation des Victimes de Violations du Droit International Relatif aux Droits de l'Homme et du Droit International Humanitaire (Rapport final du Rapporteur spécial, M. Cherif Bassiouni, présenté en application de la résolution 1999/33 de la Commission E/CN.4/2000/62, 18 janvier 2000) : " 21. Conformément à leur législation nationale et à leurs obligations internationales, et compte tenu des circonstances de chaque cas, les États devraient assurer aux victimes de violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme les formes suivantes de réparation : restitution, indemnisation, réadaptation, satisfaction et garanties de non?renouvellement…. 25. La réparation morale et les garanties de non?renouvellement devraient comporter, selon le cas, l'une ou l'autre ou l'ensemble des mesures suivantes : f) Sanctions judiciaires ou administratives à l'encontre des personnes responsables des violations; " Voir aussi la jurisprudence du Comité des Droits de l'Homme : " the State party is under a duty to investigate thoroughly alleged violations of human rights, and in particular forced disappearances of persons and violations of the right to life, and to prosecute criminally, try and punish those held responsible for such violations. This duty applies a fortiori in cases in which the perpetrators of such violations have been identified." Communication 563/1993, Bautista de Arellana v. Colombia, 27 October 1995. D'après la jurisprudence du Comité, les mesures provisoires sont prises pour empêcher un Etat partie d'agir dans un sens qui risquerait de déclencher une violation par cet Etat d'une disposition de la Convention. "Under rule 108, paragraph 9, of its rules of procedure, the Committee against Torture may take steps to avoid a violation of the Convention and, therefore, an irreparable damage." (Communication 099/1997, T.P.S. v. Canada, CAT-RP-108-9, Individual opinion of Committee member Guibril Camara) C'est notamment le cas pour les communications basées sur l'article 3 de la Convention. En général, les mesures provisoires sont indiquées par le Comité en invitant l'Etat partie de suspendre une expulsion, avant même de déterminer si une telle expulsion violerait l'article 3 de la Convention, mais dans l'unique but de prévenir l'éventualité d'une telle violation. De la même manière, il y a raisonnablement, dans ce cas, un risque sérieux que Hissène Habré aille vers un Etat non partie à la Convention. Dans une telle éventualité, le droit des auteurs - et de toutes autres anciennes victimes de Habré - de voir poursuivre Hissène Habré serait compromis de manière irréparable. Il faut donc prévenir, par des mesures provisoires, que ne se commettent de telles violations de la Convention. C'est pour toutes ces raisons que les auteurs prient le Comité d'inviter, avant tout examen au fond de la communication, le Sénégal à renoncer à la mesure d'expulsion qu'il s'apprête à prendre contre M. Hissène Habré. Fait le 18 avril 2001 Reed Brody Pascal Kambale Human Rights Watch 350 5th Ave, 34th Fl. New York, NY 10118-3299 tel: 1-212-216-1206 fax: 1-212-736-1300 email: brodyr@hrw.org |
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