Africa - West

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LE ROLE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE


La communauté internationale n'a pas pu favoriser de manière efficace la transition vers la démocratie au Zaïre. L'une des raisons principales de cet échec est le manque de pressions exercées pour instaurer les conditions préalables nécessaires à l'organisation d'élections libres et impartiales. Lorsque la crise politique interne sous-jacente finit par déboucher sur une guerre ouverte, la communauté internationale se lança dans des efforts diplomatiques effrénés afin d'encourager les parties à rejoindre la table des négociations. Cependant, lors des pressions exercées pour cesser immédiatement les hostilités, et ainsi atteindre et prêter secours aux réfugiés et aux personnes déplacées victimes de la guerre, il ne fut pas tenu compte de la nécessité de tenir le gouvernement et les forces rebelles responsables des nombreuses violations des droits de l'homme dont il est fait état dans les régions se trouvant sous leur contrôle respectif.


Avant le déclenchement de la guerre dans l'est du pays, les puissances occidentales étaient d'une part engagées dans une politique de soutien à un gouvernement dont la légitimité était mise en doute et, d'autre part, fermaient les yeux sur les violations systématiques des droits de l'homme. Elles exigeaient cependant l'organisation d'élections et l'instauration d'une transition accélérée sans se préoccuper des conditions préalables nécessaires pour que de telles mesures soient efficaces. Etant donné que le budget envisagé pour les élections se chiffrait à plus de 250 millions de dollars et devait donc être largement financé par la communauté internationale, les donateurs se préparaient à disposer d'un outil de poids vis-à-vis de l'autorité qui émergerait de la crise actuelle et espéraient pouvoir l'utiliser pour garantir le respect sans équivoque des droits de l'homme avant de prêter tout secours.


La communauté internationale a joué un rôle complexe dans la crise zaïroise depuis 1990. Si l'on excepte l'assistance fournie aux réfugiés ruandais à l'est--des sommes considérables, estimées à 2,5 milliards de dollars, furent dépensées--l'aide internationale au Zaïre est toujours restée extrêmement limitée. La communauté internationale a cependant constamment exercé une influence significative à tous les niveaux de la vie politique intérieure du pays. Les déclarations, et très souvent les silences, des Etats-Unis, de la France et de la Belgique face aux violations commises ont eu des répercussions considérables dans tout le pays. De nombreux Zaïrois pensent que la communauté internationale est responsable des événements survenant dans le pays comme la survie de Mobutu en tant que président, l'instauration du gouvernement Kengo (l'opinion changea après quelque temps) et la guerre elle-même.


Fin 1991, à l'exception de l'assistance humanitaire, toutes les aides vers le Zaïre furent suspendues. Jusqu'à la mi-1994, la 'Troïka' composée de la France, de la Belgique et des Etats-Unis maintint une cohésion surprenante dans les politiques menées afin d'instaurer une transition pacifique dans le pays. Lorsque le Président Mobutu intervint dans le processus de transition amorcé par la Conférence Nationale Souveraine et qu'il rétablit l'Assemblée Nationale en mars 1993, le nouveau premier ministre, Faustin Birindwa, fit l'objet d'un boycott unanime de la part des nations occidentales. Le président lui-même, ainsi que son entourage, étaient soumis à un boycott international très efficace. Cependant, la Troïka fut victime de tensions internes suscitées par des accusations de fuites et de contacts secrets avec Mobutu. La mesure potentiellement la plus efficace, le gel des avoirs étrangers de Mobutu, ne fut jamais mise en oeuvre.


L'opposition concertée au régime de Mobutu commença à se fissurer publiquement lors du déclenchement de la crise ruandaise en avril 1994 et continua à se dissoudre après la nomination de Kengo au poste de Premier Ministre, en juillet 1994. Seule la France prit position publiquement et appuya de manière enthousiaste le nouveau premier ministre. La Belgique et les Etats-Unis, bien que réticents au début, lui emboîtèrent le pas. Le 24 avril 1995, lors du cinquième anniversaire du début de la transition, la Troïka effectua une démarche auprès du « pouvoir politique » zaïrois, critiquant tout d'abord l'entourage du président et le leader de l'opposition, Etienne Tshisekedi. (165) Au même moment, les Etats-Unis rendaient hommage au Premier Ministre Kengo pour son « effort courageux visant à mettre en œuvre son programme ambitieux de réformes politiques et économiques et à conduire le Zaïre vers des élections libres, impartiales et transparentes. » (166)

En avril 1996, la France renoua les relations d'aide bilatérale avec le Zaïre. Un porte-parole du Ministère de la Coopération déclara à cette occasion que la décision française ne signifiait pas que Paris ait noté une véritable amélioration du respect accordé aux droits de l'homme au Zaïre. (167)

La reprise des contacts entre la France et Mobutu avait déjà été pressentie en 1995, lorsque le Président zaïrois avait reçu l'autorisation de revenir en France à plusieurs occasions et de rencontrer, discrètement dans un premier temps, puis publiquement, de nombreuses personnalités du gouvernement.


La Belgique a elle légèrement accentué son programme d'aide vers le Zaïre, qui s'élevait à quelque 15 millions de dollars U.S. en 1995, mais en faisant transiter cette aide via les O.N.G., et non par le biais du gouvernement. Elle a maintenu son interdiction de visa pour Mobutu, même si d'autres membres de son entourage rencontrèrent peu de difficultés pour se rendre en Belgique.


L'Union Européenne

Depuis la suspension de l'aide américaine au gouvernement zaïrois en janvier 1992, la Commission Européenne a consacré 309,81 millions de dollars U.S. à des programmes de réhabilitation et d'infrastructure au Zaïre. L'Union Européenne était prête à consacrer environ 35 millions de dollars U.S. aux élections zaïroises, à la seule condition que le gouvernement de Kinshasa prenne les mesures nécessaires pour organiser des élections régulières et transparentes et qu'il y contribue financièrement. Le gouvernement zaïrois déclara qu'il consacrerait 102 millions de dollars U.S. à l'organisation des élections mais à ce jour, n'en a encore rien fait. Aucune condition spécifique concernant les droits de l'homme et constituant un préalable à un financement de l'U.E. n'a été formulée. En plus de contribuer au fonds spécial instauré par l'O.N.U. afin de gérer le budget des élections, l'assistance de l'U.E. pour les élections s'est aussi traduite par l'établissement d'une Unité Electorale Européenne.


L'U.E. était prête à consacrer environ 18 millions de dollars U.S. à l'achat de matériel et d'articles de base nécessaires à la bonne organisation du scrutin. A l'heure où nous rédigeons ce rapport, nous ne savons toujours pas avec certitude quand un tel scrutin aura lieu. Les 18 millions de dollars U.S. ne seront alloués que lorsque le gouvernement zaïrois aura lui-même débloqué des fonds pour les élections, que la situation semblera plus propice à un tel scrutin et que d'autres donateurs se seront également engagés à apporter une contribution financière. (168)

Le 17 février 1997, la présidence néerlandaise de l'Union Européenne publiait un communiqué sur la situation au Zaïre, condamnant la recrudescence de l'activité militaire, appelant au retrait de toutes les forces étrangères et mercenaires du pays et à l'ouverture de négociations en vue de la conclusion immédiate d'un cessez-le-feu. Le communiqué plaidait également pour une solution politique à la crise, basée sur cinq principes: 1) le respect de l'intégrité territoriale du Zaïre; 2) le respect des droits des citoyens; 3) le rapatriement volontaire des réfugiés, sans manoeuvre d'intimidation ou risque pour leur vie; 4) la non-agression entre les Etats, y compris la fin de toute activité illégale de la part des groupes de l'opposition stationnés dans des pays limitrophes; et 5) la démocratisation de tous les pays de la région, la poursuite du processus de transition vers la démocratie et la tenue d'élections libres et impartiales au Zaïre. (169)

Les ministres des affaires étrangères de l'U.E. ont continué de plaider pour une conférence internationale sur la région des Grands Lacs, tout en demandant un cessez-le-feu, des négociations et l'accès aux réfugiés pour les organisations humanitaires. A la fin du mois de mars, les ministres des affaires étrangères de l'UE ont de nouveau souligné l'importance d'élections démocratiques dans le processus de paix. (170)

Les Etats-Unis

Les Etats-Unis dépêchèrent un ambassadeur au Zaïre en novembre 1995, après une interruption de plus de deux ans destinée à montrer leur mécontentement vis-à-vis du Président Mobutu. Cette décision constituait une nouvelle marque de soutien au Premier Ministre Kengo. Le nouvel ambassadeur, Daniel Simpson, était un partisan avoué des élections mais ne défendait pas avec la même vigueur les mesures nécessaires pour donner à ces élections tout leur sens. Tant lors de déclarations publiques que privées précédant le report du scrutin, l'ambassadeur se prononça sans ambiguïté pour la poursuite du processus électoral selon le calendrier prévu, même en l'absence des réformes promises. Les interdictions légales empêchaient toujours toute assistance ou financement américain du développement au Zaïre, y compris l'aide à l'organisation des élections, si ce n'est par l'entremise des O.N.G. (171)

Lorsque la guerre éclata, nombreux étaient ceux au Zaïre qui soupçonnaient les Etats-Unis de soutenir les rebelles, ce qui déclencha une vague d'anti-américanisme en novembre et décembre 1996. Les Etats-Unis émirent ensuite des critiques publiques à l'encontre des rebelles, dénonçant leurs violations des droits de l'homme. Le trois décembre, le porte-parole du Département d'Etat, Nicholas Burns, faisait part de l'existence « de possibles violations des droits de l'homme à l'est du Zaïre, commises par des éléments de l'alliance rebelle, » et priait les chefs rebelles d'enquêter sur ces accusations et de punir les responsables. De plus, l'ambassadeur américain fit de nombreuses déclarations publiques soutenant la position du gouvernement zaïrois selon laquelle le pays était effectivement envahi par le Ruanda et l'Ouganda. Le 9 janvier, lors d'une interview à la télévision d'Etat zaïroise, l'ambassadeur Simpson déclara: « Nous sommes conscient du fait que le Zaïre a été attaqué par le Ruanda et l'Ouganda. Cette agression pose des problèmes sur les fronts politique et humanitaire. » (172)

Le quatorze mars, Nicholas Burns, porte-parole du Département d'Etat, abordait le problème de l'accès de l'aide humanitaire, faisant remarquer que Kabila avait offert des garanties d'accès et de sécurité et que les autorités américaines « [attendaient] de lui qu'il tienne ses promesses ». Il déclara que les Etats-Unis continueraient à exercer des pressions sur les deux parties.


Il est à noter, cependant, que les Etats-Unis montrèrent au départ peu d'enthousiasme à faire pression sur Kabila en matière de respect des droits de l'homme, que ce soit directement, lors de contacts personnels, ou indirectement, par l'entremise du Ruanda et de l'Ouganda. Les Etats-Unis nièrent avoir le moindre pouvoir sur Kabila, même si l'influence américaine était bien supérieure à ce que les responsables américains affirmaient. Washington se décida finalement à soulever le problème des droits de l'homme lors d'une démarche entreprise auprès de Kabila à la fin du mois de mars ou au début du mois d'avril, et qui aurait été axée sur l'arrêt des violations et la prise de mesures contre les responsables de tels actes, sur l'accès donné aux équipes d'enquête des organisations de défense des droits de l'homme et sur l'assistance aux réfugiés. Une démarché similaire aurait été entreprise auprès du ministre des affaires étrangères de l'A.F.D.L. à Kigali.


En février et mars, les Etats-Unis prirent une part de plus en plus active dans la recherche d'un règlement politique, fondé sur l'arrêt des hostilités. Les Etats-Unis soutenaient le plan en cinq points de l'O.N.U. (cf. ci-dessous) et participèrent activement aux négociations tenues en Afrique du Sud à la fin février. Cependant, à l'heure où nous rédigeons ce rapport, toute discussion relative aux élections a été éclipsée par l'avancée des forces rebelles et les efforts visant à négocier une solution politique. Le trois mars, le porte-parole du Département d'Etat, Nicholas Burns, déclarait que les combats continus mettaient en péril les chances d'arriver à un règlement pacifique de la crise, et invitait toutes les parties à cesser les hostilités et à entamer le dialogue. Dans une lettre datée du 21 mars, la Secrétaire d'Etat, Madeline Albright, demandait instamment à Mobutu d'entreprendre des négociations immédiates et directes avec l'A.F.D.L. Elle exprimait également le soutien des Etats-Unis aux efforts de l'envoyé spécial de l'O.N.U., Mohamed Sahnoun, concernant un cessez-le-feu et des négociations.


L'O.N.U.

La Division d'Assistance Electorale de l'O.N.U. commença en 1996 à offrir un certain soutien au processus électoral zaïrois, bien que ce support fût limité à un bureau d'assistance technique à Kinshasa, fonctionnel à partir d'avril 1997. Ce bureau avait pour mission d'aider la commission électorale à être en mesure d'assurer elle-même le bon déroulement des élections au niveau du cadre juridique, de formation et d'éducation civique.


La position de l'O.N.U. concernant le soutien apporté aux élections zaïroises a été expliquée dans une lettre du Secrétaire Général, Boutros Boutros Ghali, adressée au gouvernement zaïrois en date du 9 août 1996, et dans laquelle il formulait les principales conditions préalables à toute aide de l'O.N.U., à savoir l'adoption opportune du cadre juridique pour les élections et la contribution financière du gouvernement à la Commission Electorale Nationale. Le Secrétaire Général soulignait également que « ni votre gouvernement ni l'O.N.U. ne pourra compter sur le soutien politique et financier de la communauté internationale--une condition importante pour le succès des élections dans les circonstances actuelles au Zaïre--si ces conditions préalables ne sont pas remplies dès que possible. » (173)

Cette lettre ne faisait cependant aucune mention de conditions préalables concernant les droits de l'homme, si ce n'est qu'elle exigeait la tenue d'élections transparentes et conformes aux principes internationaux.


L'O.N.U. a affecté un budget de quelques 5 millions de dollars U.S. au cas du Zaïre, dont environ 2 millions ont été dépensés pour le recrutement provisoire de consultants en matière d'assistance technique et un million au projet pilote de scrutin. En outre, au début de l'année 1997, l'O.N.U. a ouvert un fonds en fidéicommis pour les élections zaïroises, bien que le fonds n'ait reçu aucune contribution d'Etats membres depuis le début du mois d'avril. (174)

Le 21 août 1996, après plus d'un an et demi de négociations, le Zaïre acceptait l'instauration d'un bureau des droits de l'homme de l'O.N.U., composé de deux personnes. (175)

Le bureau a rapidement été mis sur pied, et se compose d'un professionnel « national » et d'un autre devant être recruté. Le bureau fut d'abord suggéré par le Rapporteur Spécial Roberto Garretón, afin de l'aider dans la collecte d'informations et le maintien des contacts avec le gouvernement zaïrois. Le premier mandat du bureau consistait à examiner les violations des droits de l'homme, bien que certaines activités de coopération technique aient également été envisagées. Il s'agissait cependant d'une opération extrêmement limitée.


En janvier 1997, l'O.N.U. nommait nommé Mohammed Sahnoun au poste d'envoyé spécial pour la région, en concertation avec l'O.U.A. Celui-ci se prononça en faveur d'un règlement négocié de la guerre et, après avoir effectué de nombreuses consultations dans le cadre d'une tournée dans la région, et notamment une visite au Zaïre, il dressa un plan en cinq points devant être examiné par le Conseil de Sécurité. Le 18 février 1997, le Conseil approuvait le plan, dans le cadre de sa résolution 1097 (1997), et plaidait pour:

  • la cessation immédiate des hostilités;
  • le retrait de toutes les forces extérieures, y compris les mercenaires;
  • la réaffirmation du respect de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale du Zaïre et des autres Etats de la région des Grands Lacs;
  • la protection et la sécurité de tous les réfugiés et personnes déplacées et la possibilité pour l'aide humanitaire d'accéder à ces personnes;
  • le règlement rapide et pacifique de la crise par le dialogue, le processus électoral et la tenue d'une conférence internationale sur la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs.

    L'OUA et les Autres Initiatives Régionales

    Le cinq novembre 1996, le Président Kényan Daniel arap Moi organisait un sommet régional sur la crise dans l'est du Zaïre. Ce sommet réunissait les présidents de l'Ouganda, du Ruanda, de la Zambie et de l'Erythrée. Le secrétaire général de l'Organisation pour l'Unité Africaine et le premier ministre éthiopien étaient également présents. Le Zaïre déclina l'invitation à participer à cette conférence, baptisée « Nairobi I », invoquant le soutien apporté par l'Ouganda et le Ruanda à la rébellion. Les leaders africains insistèrent auprès du Conseil de Sécurité pour qu'une « force neutre » soit déployée afin d'aider à rapatrier les réfugiés bloqués dans la zone des combats dans l'est du Zaïre et plaidèrent pour un cessez-le-feu immédiat, devant permettre d'arriver à une paix durable par la voie diplomatique.


    Une autre réunion des chefs d'Etat africains fut convoquée à Nairobi le seize décembre. Cédant aux pressions internationales l'enjoignant à y participer, le Président sud-africain Nelson Mandela rejoignit huit autres leaders d'Afrique centrale et de l'Est, ainsi que le secrétaire général de l'O.U.A., afin de débattre de l'escalade de la crise dans la région des Grands Lacs. Le sommet reçut le nom de « Nairobi II. » (176)

    Le Zaïre brilla à nouveau par son absence, malgré les promesses faites par Mobutu au Président Moi que le Premier Ministre Kengo se rendrait au sommet. Au dernier moment, Kengo annula sa participation, criant au « complot anglo-saxon. » (177)

    Les chefs d'Etat présents plaidèrent pour le respect de l'intégrité territoriale des Etats de la région des Grands Lacs et pour la fin des incursions transfrontalières. Ils appelèrent aussi à un règlement pacifique du conflit dans l'est du Zaïre. Dans l'intervalle entre Nairobi I et Nairobi II, le Président Moi s'était plaint du fait que l'initiative ait été largement ignorée par les Etats du nord, qui prévoyaient d'envoyer une force d'intervention dans la région.


    Alors que six ministres africains des affaires étrangères se rendaient à Kinshasa durant la troisième semaine de février 1997, pour donner suite aux résolutions de Nairobi II et discuter de l'éventualité d'un sommet régional Nairobi III, l'Afrique du Sud était le théâtre de négociations indirectes entre les représentants de l'alliance et Honore Ngbanda, le neveu du Président Mobutu et son conseiller en matière de sécurité. Cette initiative différait des négociations régionales de Nairobi par le fait qu'elle impliquait la participation de l'alliance des rebelles, exclue du processus de Nairobi. D'autre part, l'O.U.A. annonçait qu'elle organiserait un sommet des Etats membres dans la capitale togolaise, Lomé, dans le cadre de l'Organe Central du Mécanisme de l'O.U.A. pour la Prévention, la Gestion et la Résolution des conflits, et ce avant la fin du mois de mars, le but étant d'examiner à nouveau la situation dans la région des Grands Lacs.


    Initiatives Convergentes et Divergentes

    Un consensus est apparu autour du plan en cinq points, considéré comme la base du règlement du conflit lors de plusieurs efforts ultérieurs de médiation. Après avoir d'abord qualifié le plan de paix de l'O.N.U. de « timide », le gouvernement zaïrois l'accepta dans une déclaration rendue publique le cinq 5 mars 1997. Cédant aux pressions internationales, l'alliance des rebelles déclara le huit mars qu'elle acceptait le plan en cinq points, mais seulement en tant que point de départ de négociations directes avec le gouvernement. Dans le cas contraire, annonça l'alliance, elle rejetterait tout cessez-le-feu.


    L'Organisation de l'Unité Africaine approuvait elle le plan lors de la cinquante-sixième session ordinaire de son Conseil des Ministres, tenue à Tripoli du 24 au 28 février. La présence du Représentant Spécial de l'O.U.A./O.N.U. pour la région des Grands Lacs, Mohamed Sahnoun, du Secrétaire d'Etat adjoint américain pour les affaires africaines et du directeur général du Conseil de Sécurité Nationale américain pour l'Afrique, basé au Cap, illustrait bien les espoirs soulevés par l'initiative de médiation de l'Afrique du Sud. Ils étaient là pour encourager le processus et apparemment aussi pour réconcilier les initiatives internationales et régionales. Ces espoirs furent cependant vite oubliée, lorsque la campagne militaire des rebelles enregistra de nouvelles victoires et que le gouvernement zaïrois prit ses distances par rapport aux pourparlers, déclarant que l'envoyé du président n'était pas mandaté pour le représenter.


    Nairobi III fut convoqué le 19 mars en l'absence de l'A.F.D.L., ainsi que du Ruanda et de l'Ouganda, deux de ses défenseurs déclarés. Les six nations présentes au sommet plaidèrent pour la fin du conflit au Zaïre par la mise sur pied urgente du plan de paix en cinq points de l'O.N.U. (178)

    Le sommet de l'O.U.A. à Lomé, le 26 mars, réunissait lui quatorze chefs d'Etat et des délégués du gouvernement zaïrois et de l'A.F.D.L. Malgré que les deux parties au conflit aient refusé de se rencontrer face à face, le sommet tenta de combler le fossé les séparant en essayant d'arriver à un cessez-le-feu et à des négociations élargies sur le règlement de la crise. Le communiqué final du sommet de Lomé stipulait que les deux parties du conflit s'engageaient à « respecter le principe d'un cessez-le-feu et le principe de négociations .»


    Au terme du sommet de Lomé, l'Agence de Presse kenyane annonçait que le Président arap Moi, en concertation avec les participants à Nairobi III, avait transmis la présidence de l'initiative de Nairobi à l'O.N.U. et à l'O.U.A. Cette mesure semblait indiquer la fusion de l'O.N.U./O.U.A. et le lancement d'initiatives diplomatiques régionales. Un accord fut trouvé à Nairobi, selon lequel les délégations représentant Kinshasa et l'A.F.D.L. entameraient des négociations directes en Afrique du Sud début avril. Le Représentant Spécial, Mohamed Sahnoun, jouerait un rôle de médiation de premier plan dans la des pourparlers censés jeter les bases de conditions préalables à des négociations ultérieures et devant permettre de préparer une rencontre entre le président du Zaïre et le chef de l'A.F.D.L.


    Dans une déclaration faite le 12 mars, l'Union Européenne réaffirmait son soutien aux efforts de l'O.N.U. visant à obtenir la paix au Zaïre et invitait toutes les parties concernées à souscrire à ce plan et à mettre en œuvre ses diverses dispositions. (179)

    Lors d'une réunion tenue à Paris le 18 février, des diplomates américains de premier plan et de six pays de l'UE (180)

    réaffirmaient « leur adhésion aux principes devant guider la communauté internationale dans sa tentative de restaurer la paix et la stabilité au Zaïre, et notamment les lignes directrices qui inspirèrent le plan de paix en cinq points (. . .) unanimement approuvé par le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. » (181)

    Cette unanimité a été constamment mise à l'épreuve, les intérêts et agendas divergents des membres de la communauté internationale ayant souvent pris le pas sur la résolution pratique de problématiques spécifiques. Au cours du premier trimestre 1997, la France s'est retrouvée esseulée, après avoir essayé à plusieurs reprises de convaincre d'autres membres de la communauté internationale d'imposer un cessez-le-feu et d'organiser une force multinationale pour « aider les réfugiés. » Elle répondait à un appel du Secrétaire Général de l'O.N.U., désireux d'organiser une force d'intervention, alors que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne semblaient eux réticents à la mise en place d'une telle initiative.





    165. Déclaration de Nicholas Burns, Porte-parole, Département d'Etat américain, 24 avril 1995.

    166. Déclaration de Nicholas Burns, Porte-parole, Département d'Etat américain, 24 avril 1995.

    167. François Raitberger, « Mobutu Salue l'Aide 'Courageuse' de la France envers le Zaïre » (« Mobutu Hails 'Courageous' French Aid to Zaire »), Reuters, 26 avril 1996.

    168. Entretien avec Bruno Gatta, Bureau Zaïre, Commission Européenne, DGVIII, 6 mars 1997.

    169. Conseil de l'Union Européenne Secrétariat Général, « Communication à la Presse: Déclaration de la Présidence au nom de l'Union Européenne sur le Zaïre », 6017/97 (Presse 44), Bruxelles, 17 février 1997.

    170. « Les Ministres de l'U.E. organisent un nouvel échange de vues sur le Zaïre » (EU Ministers Hold Another Exchange of Views on Zaire »), Rapport européen, 25 mars 1997.

    171. L'aide américaine au Zaïre a été interrompue en 1991 par l'Amendement Brooke, qui empêche l'aide étrangère vers les pays en cessation de paiement des emprunts contractés auprès du gouvernement américain.

    Une équipe d'évaluation électorale composée de l'Institut National Démocrate, de l'Institut International Républicain, et de la Fondation Internationale pour les Systèmes Electoraux s'est rendue au Zaïre en septembre/octobre 1996, mais comme son seul but était de faire rapport de l'état d'avancement des préparatifs électoraux au gouvernement américain, elle n'a pas été soumise à ces dispositions.

    172.  « L'Ambassadeur Américain au Zaïre Accuse le Rwanda et l'Ouganda d'Agression » (« US Ambassador to Zaire Accuses Rwanda and Uganda of Aggression »), Reuters, 10 janvier 1997.

    173. Lettre du Secrétaire Général Boutros Boutros Ghali au Premier Ministre Léon Kengo wa Dondo, 9 août 1996.

    174. Entretien avec Nour Eddine Driss, Directeur de la Division d'Assistance Electorale de l'O.N.U. et responsable de l'Unité d'Assistance Electorale au Zaïre, 7 mars 1997.

    175. « Protocole d'accord relatif à l'établissement à Kinshasa d'un bureau des droits de l'homme », signé le 21 août 1996.

    176. Ont participé à la réunion les Présidents Benjamin Mkapa de la Tanzanie, Pasteur Bizimungu du Rwanda, Nelson Mandela de l'Afrique du Sud, Isayas Afwerki de l'Erythrée, Frederick Chiluba de la Zambie, Robert Mugabe du Zimbabwé et Yoweri Museveni de l'Ouganda, ainsi que le Premier Ministre Meles Zenawi d'Ethiopie, Salim Ahmed Salim de l'O.U.A., Julius Nyerer, au titre de doyen des chefs d'Etat de la région, et Ferdinand Oyono, le ministre des affaires étrangères du Cameroun. Cf. KBC radio, « Le sommet des Grands Lacs publie un communiqué commun » (« Great Lakes summit issues joint communique »), Nairobi, 17 décembre 1996, Résumé de la B.B.C. des nouvelles internationales, 18 décembre 1996.

    177. Des sources du Département d'Etat américain pensent que la destitution de Kengo est due à un document interne américain divulgué par les Français.

    178. Trois présidents participèrent au sommet: Daniel arap Moi du Kenya, Robert Mugabe du Zimbabwe et Pascal Lissouba du Congo. Le Zaïre et le Cameroun envoyèrent leur premier ministre, et l'Afrique du Sud son vice-président.

    179. « L'UE soutient les efforts de l'O.N.U. pour résoudre la crise zaïroise » (« E.U. supports U.N. efforts to solve Zaire crisis »), Reuter, La Haye, 12 mars 1997.

    180. Des experts des ministères des affaires étrangères d'Allemagne, de France, de Grande-Bretagne, de Belgique, d'Espagne et des Pays-Bas, alors en charge de la présidence tournante de l'UE, ont participé à la réunion avec leurs homologues américains. Cf: « Les Américains et les Européens se rencontrent pour discuter du Zaïre à Paris » (« U.S., Europeans meet on Zaire in Paris »), Reuter, Paris, 18 février 1997.

    181. « Les Etats-Unis et la France ont déclaré avoir surmonté leurs divergences sur le Zaïre » (« U.S., France said overcoming Zaire differences »), Reuter, Paris, 19 février 1997.

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