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Départ de Monsieur Sebarenzi, Président de l'Assemblée Nationale

Joseph Kabuye Sebarenzi est un tutsi qui a grandi au Rwanda. Bien que membre du FPR, il était vu comme étant plus proche des tutsi ayant survécu au génocide que de ceux arrivés de l'étranger. Cette image fut renforcée lorsqu'il quitta le FPR pour devenir membre du Parti Libéral, la formation politique la plus étroitement associée aux rescapés du génocide. Élu Président de l'Assemblée Nationale, Sebarenzi lutta pour assurer à cette institution une certaine autonomie et, plus particulièrement, obtenir qu'elle puisse entreprendre des actions en justice envers les ministres suspectés de corruption, et ce y compris envers les membres les plus puissants du FPR. Il semble que c'est cette volonté d'assainir la vie politique du pays qui a permis à Sebarenzi d'obtenir la confiance et l'approbation des rwandais, tant hutu que tutsi.

Le 19 décembre 1999, le Parti Libéral devait élire un nouveau président. Sebarenzi semblant favori pour obtenir le poste, le président en poste Pio Mugabo décida de reporter le vote, apparemment suite à des pressions exercées en ce sens par le Général Kagame. Si Sebarenzi avait été élu, il est clair que sa stature politique n'en aurait été que renforcée, ce qui aurait fait de lui un candidat sérieux aux élections présidentielles qui doivent se tenir dans quelques années.15

Au début du mois de janvier, une majorité des membres de l'Assemblée Nationale obligeait Sebarenzi à démissionner. Dans un premier temps, les accusations portées par les parlementaires concernaient ses responsabilités au sein de l'Assemblée, mais les choses prirent par la suite un tour plus grave. Des accusations sérieuses furent en effet exprimées, incluant le fait d'avoir organisé les rescapés du génocide pour que ceux-ci s'opposent au gouvernement, de soutenir le roi, d'avoir distribué les cassettes d'un chanteur, Sankara, appelant au retour du roi, et d'avoir encouragé des soldats à quitter le Rwanda pour rejoindre les rangs de "l'armée du roi". Plusieurs semaines après la démission forcée de Sebarenzi, le Général Kagame aurait déclaré sur l'antenne de Radio Rwanda qu'il existait des "preuves crédibles" de son association avec les "royalistes" et de son rôle dans la distribution de cassettes dont le contenu allait à l'encontre de la politique du gouvernement. Après sa démission, Sebarenzi, craignant d'être assassiné, s'est enfui en Ouganda et, de là, a rejoint l'Europe,puis les États-Unis.16

Son départ, qui provoqua de nombreux commentaires tant dans les collines que dans les cercles de l'élite urbaine, fit apparaître au grand jour à la fois le fossé grandissant entre le FPR et les rescapés du génocide et le mécontentement croissant des rwandais, de tous groupes ethniques, vis-à-vis du gouvernement en place.

15 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kigali, 11 février 2000, et interview téléphonique réalisée le 27 mars 2000.

16 Interviews téléphoniques réalisées par Human Rights Watch, 27 mars et 16 avril 2000; IRIN Central Africa News, 6 mars 2000.

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