Africa - Central

Previous PageTable Of ContentsNext Page

XV. LE RÔLE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

Les donateurs internationaux et les agences humanitaires ont fait preuve d'une grande générosité et aidé beaucoup de Rwandais sans domicile à construire leurs maisons, ce que ceux-ci ont fortement apprécié. Cependant, une partie de l'aide qu'ils ont apportée a servi à établir des imidugudu dans lesquels des populations rurales ont été forcées de s'installer. Ironiquement, le programme que les donateurs soutenaient parce qu'il devait, selon eux, permettre d'aider les sans abris en camouflait un autre, qui allait priver des dizaines de milliers de Rwandais de leurs maisons. On ne peut dès lors se contenter de louer la générosité et la promptitude dont les donateurs ont fait preuve vis-à-vis du programme de logement. Il faut également mentionner leur étonnante capacité à ignorer les violations des droits humains commises dans le cadre de la réorganisation rurale, qui se déroulait, elle, dans l'ombre des activités relatives au logement.

A la fin de 1996, les acteurs internationaux avaient des raisons de se sentir coupables de leur comportement envers les Rwandais. Ils s'étaient non seulement révélés incapables de mettre fin au génocide de 1994, mais ils avaient également refusé de stopper le processus de réarmement et de réorganisation des groupes génocidaires repliés dans les camps de réfugiés du Zaïre. Lorsque l'armée rwandaise et ses alliés au Zaïre se mirent à attaquer les camps, la communauté internationale fit mine de mettre en place une force militaire supposée aider les civils. Elle fit rapidement machine arrière lorsque les militaires rwandais détruisirent les camps et elle détourna le regard lorsque les militaires rwandais et leurs alliés massacrèrent les réfugiés qui ne rentraient pas assez vite au Rwanda. Les États-Unis, entre autres, bloquèrent les efforts réalisés par le HCR pour protéger les réfugiés et contestèrent les chiffres avancés par ceux-ci quant au nombre de personnes ayant fui dans les forêts zaïroises. D'autres gouvernements, moins proches du gouvernement rwandais, comprirent que l'on dissimulait le massacre de dizaines de milliers de personnes, mais ne firent rien pour dénoncer le mensonge selon lequel tous les vrais réfugiés -c'est-à-dire ceux qui n'étaient pas associés aux milices génocidaires ou à l'armée- étaient rentrés au Rwanda.297

Les bailleurs de fonds
Avec le retour des rapatriés, le besoin de logements apparut au grand jour de manière évidente. Les différents acteurs internationaux, en intervenant pour répondre à ce besoin, purent à la fois démontrer leur soutien aux Accords d'Arusha et se libérer du sentiment de culpabilité qu'ils ressentaient vis-à-vis des Tutsi, des Hutu ou des deux. Comme l'indiquait le représentant du PNUD en janvier 1997 :

Le programme de construction d'abris, actuellement en cours, est important en lui-même mais aussi parce qu'il est un symbole tangible de l'aide internationale, capitale tant pour le gouvernement que pour les bailleurs de fonds. L'efficacité de l'aide internationale sera mesurée à l'aune du programme de construction physique de maisons qui, dès lors, sera investi d'une importance dépassant de loin la résolution du problème du logement.298

Lorsque les autorités rwandaises décidèrent de se servir des programmes de construction pour réorganiser l'habitat rural, elles n'en informèrent pas immédiatement les bailleurs de fonds qui finançaient ces programmes. Les autorités nationales ne dirent pas non plus à toutes les agences chargées de la construction que plus rien ne pouvait être construit en dehors des sites désignés par le gouvernement. Elles laissèrent les autorités locales délivrer ces instructions à certaines agences. Ce furent ces dernières, apprenant la suspension de leurs programmes de rénovation ou de construction développés en dehors des imidugudu, qui en informèrent les bailleurs de fonds.299

Les représentants néerlandais et allemands qui, en décembre 1996, avaient discuté de contributions financières importantes aux programmes de création de logements furent très étonnés lorsqu'ils apprirent, un mois plus tard, que le gouvernement rwandais avait lancé la politique de l'imidugudu, sans même leur en parler. Les États-Unis, qui avaient prévu une aide de vingt-cinq millions de dollars destinée à la réhabilitation de logements, se rendirent compte que l'on empêchait les agences de terrain de réaliser ce travail.300

Les bailleurs de fonds acceptèrent mal le fait de n'avoir pas été informés de la politique de l'habitat. Cependant, au-delà de ce premier niveau de réaction, beaucoup d'entre eux réagirent négativement parce qu'ils ne croyaient pas que le déplacement des populations vers les imidugudu pouvait donner lieu au progrès économique escompté. Le représentant du PNUD, par exemple, affirma que l'habitat dispersé au Rwanda n'était pas uniquement le résultat d'une préférence culturelle, mais était également une stratégie de survie adaptée aux conditions économiques régnant dans le pays.301

Les bailleurs de fonds soulevèrent également des objections de nature politique. Ils craignaient, d'une part, que l'imposition par le sommet de l'état d'un tel bouleversement du mode de vie ne provoque une réaction d'animosité envers le gouvernement et, d'autre part, estimaient que la mise en _uvre d'un programme de cette envergure, sans disposer d'une législation, pouvait donner lieu à des problèmes légaux.302

Il semble que les bailleurs de fonds n'aient pas inclus, dans leur liste d'objections, les violations des droits humains, bien qu'ils aient apparemment réalisé rapidement que des Rwandais allaient devoir quitter leurs foyers contre leur gré. Au début du mois de février 1997, c'est-à-dire quelques semaines après le lancement du programme, le représentant d'ECHO, une agence de financement de l'Union Européenne (U.E.), voyait avec inquiétude se profiler des déplacements forcés de population et indiquait à deux reprises, dans une note, que seuls les programmes de "réinstallation volontaire" pouvaient obtenir un financement européen.303 Lors d'une réunion tenue une semaine plus tard réunissant des représentants des ambassades et des agences humanitaires, un participant annonçait que "dans certaines parties du pays, tout le monde devait faire ses bagages et aller s'installer dans les nouveaux sites." Plusieurs autres participants affirmèrent également que la promesse des autorités rwandaises de ne pas recourir à la force pour réinstaller les ruraux ne les avait pas convaincus.304

Les bailleurs s'étaient inquiétés de la politique de l'habitat et commandèrent une étude des imidugudu, qui fut terminée en mai 1997. Le rapport final, globalement négatif, présentait des expériences similaires réalisées dans d'autres pays qui avaient toutes échouées. Se basant sur l'opinion de plusieurs experts agricoles, il remettait en question la logique selon laquelle la consolidation foncière devait permettre d'augmenter les rendements, particulièrement si les cultivateurs devaient vivre à une grande distance de leurs champs. Il s'interrogeait également sur les risques accrus de vols de bétail et de récoltes et estimait que les fermiers élèveraient probablement moins de têtes de bétail dans les imidugudu. Il déplorait le gaspillage de ressources qu'impliquaient la destruction de maisons en bon état et l'abandon des infrastructures situées aux alentours de ces maisons, comme les routes, les puits et les latrines.305

Le rapport reprenait également à son compte les soupçons de certains observateurs, qui estimaient que le gouvernement rwandais tentait de se libérer des dispositions des Accords d'Arusha obligeant les rapatriés tutsi à s'installer dans des parties du pays inoccupées et, souvent, peu désirables. Ces observateurs étaient d'avis que le gouvernement avait l'intention de déplacer des ruraux vers les imidugudu pour pouvoir ensuite allouer aux rapatriés tutsi des terres jugées plus désirables.306 L'auteur de l'étude indiquait qu'une telle redistribution des terres violerait à la fois le droit à la terre que la coutume garantit à ceux qui la cultivent et la garantie donnée aux réfugiés hutu par le décret ministériel de 1996. L'auteur notait également que "(...) le droit de choisir comment on vivra et comment on cultivera la terre, tant que de ce choix ne découle aucune remise en question de l'intérêt commun, est un droit fondamental de la personne humaine."307 Il s'inquiétait du fait que le gouvernement ait pris une décision d'une importance fondamentale pour les 95 pour cent de la population vivant de l'agriculture sans les consulter.308 Il concluait, et l'avenir allait lui donner raison, qu'un programme manquant à ce point de soutien populaire risquait de ne pouvoir être mis en _uvre qu'en recourant à une coercition considérable.309 Après s'être entretenu avec de nombreux représentants des bailleurs de fonds, agences multilatérales et ONG, l'auteur de l'étude résumait leur opinion de la manière suivante : "Les bailleurs et leurs partenaires en charge du travail de terrain ne sont pas satisfaits des plans..."310 Malgré cette opposition quasi générale à la politique de l'habitat, les acteurs internationaux ne firent aucun effort coordonné et efficace pour la combattre.

En août 1997, le Ministère de l'Intérieur et du Développement Communal réagissait à certaines des critiques formulées dans le rapport commandé par les bailleurs. Il affirmait que le contexte culturel rwandais était différent de celui existant dans les autres pays où des politiques de réinstallation avaient pu être tentées sans succès et que, dès lors, la comparaison n'était pas pertinente. Il répétait également que la réinstallation allait être volontaire et encouragée par des incitations économiques.311

Les bailleurs prêtèrent davantage d'attention à la rhétorique officielle de Kigali qu'aux plaintes émanant des collines. Même les représentants des pays ou agences finançant le programme de logement, à hauteur de plusieurs millions de dollars, semblent ne pas avoir jugé utile de s'informer sur la situation en dehors de la capitale. Ils se contentèrent des informations provenant de leurs subordonnés et des membres des agences humanitaires qui, rapidement, apprirent à filtrer les informations pour ne leur communiquer que celles correspondant à la description de la réalité faite par les autorités rwandaises. Un expert agricole employé par une ambassade raconta que des autorités rwandaises lui avaient fait comprendre que si son opposition publique au programme de réorganisation rurale devait se prolonger, les autorités pourraient demander à ce qu'il soit muté dans un autre pays. Il cessa donc de s'exprimer sur le sujet.312

De la mi-1997 à la fin de 1998, il semble que les bailleurs aient cessé de critiquer la réorganisation rurale et financé sans compter le programme de construction de logements.313 Les États-Unis furent l'un des rares pays à mettre un terme à ce financement pendant cette période particulière. Selon un employé de USAID, cette décision fut prise parce que les programmes étaient "brouillons", c'est-à-dire pénibles à gérer, et non parce qu'ils donnaient lieu à des violations des droits humains.314 Comme nous l'expliquons plus bas, les États-Unis continuèrent de toute manière à apporter des financements par le biais des agences de l'ONU.

Lorsque le gouvernement rwandais déplaça plus de 650 000 personnes vers des camps, au moment de l'insurrection dans le nord-ouest, les bailleurs jugèrent fondé l'argument sécuritaire avancé par les autorités et offrirent un financement de vingt-deux millions de dollars, destiné à soutenir la mise en place desdits camps. Lorsqu'à la fin 1998, le gouvernement estima avoir repris le contrôle de la situation et décida de fermer les camps pour ensuite envoyer les déplacés dans les imidugudu, les bailleurs commencèrent à remettre en question la poursuite de leur soutien financier aux programmes de logement. Cette année-là, le Rwanda lança sa seconde guerre en RDC et justifia cette initiative en avançant l'argument de sa sécurité. Peut-être à cause de cela, les bailleurs se mirent à douter du fait que la sécurisation du nord-ouest passait par une réorganisation complète de la vie rurale. Ils éprouvèrent également des difficultés à ignorer le recours à la force à Ruhengeri et Gisenyi, deux préfectures sur lesquelles de nombreux regards étaient braqués, suite à l'insurrection. Le fait que des autorités locales supervisent la destruction de maisons alors que dans le même temps, le gouvernement demandait de l'argent pour en construire d'autres contribua également à un changement de point de vue dans le chef de certains bailleurs. De plus, certaines données semblaient indiquer que la réorganisation rurale était en train de provoquer non pas une augmentation des rendements agricoles mais bien une baisse de la production.

L'UE, dont le représentant avait été, en 1997, l'un des premiers à mettre l'accent sur l'importance de la nature "volontaire" des réinstallations, fut également celui qui exprima le nouvel état d'esprit critique qui régnait en juillet 1999. Ainsi, son conseil des ministres insista sur la nécessité de réaliser "une planification soigneuse, des études d'impact préalables et des projets pilotes afin d'éviter que le programme de réinstallation ne donne lieu à des violations des droits de l'homme." Cependant, malgré le lien de plus en plus évident entre la politique de l'habitat et les violations des droits humains, l'UE versa cette année-là une aide de 6 millions de dollars destinée à financer les imidugudu.315

Il est difficile de calculer exactement le montant de l'aide internationale utilisée pour construire des logements dans les imidugudu. Une partie de l'aide a été fournie par le biais de lignes budgétaires n'indiquant pas l'utilisation exacte faite des fonds. De plus, les fonds versés par plusieurs bailleurs servaient parfois à financer un seul projet et, dans certains cas, l'aide a été qualifiée d'aide au logement, sans que l'on sache si elle servait à financer des constructions dans ou en dehors des imidugudu. De plus, des financements bilatéraux ont été fournis par l'entremise des agences de l'ONU.

Même si les données disponibles sont incomplètes, il est clair que l'aide internationale s'est élevée à plusieurs dizaines de millions de dollars, en grande partie consacrés à la construction de logements dans les imidugudu.316 De 1996 à 1998, le HCR a été le principal canal par lequel l'aide a transité. Sur cette période, il a en effet consacré plus de 30,7 millions de dollars à la construction ou à la fourniture de matériaux de construction. De cette somme, 20,6 millions ont servi à construire des maisons dans les imidugudu et dix millions à acheter des matériaux, en grande partie utilisés dans les sites également.317 L'Agence Canadienne pour le Développement, deuxième donateur après le HCR, a, elle, versé 16,3 millions de dollars. De cette somme, au moins 14,7 millions ont servi à construire des logements dans les imidugudu.318 Les Pays-Bas, l'un des premiers pays à intervenir financièrement, ont versé dix millions de dollars, en grande partie utilisés pour le logement, alors que les États-Unis déboursaient 6,1 millions en 1997. Le Japon contribua également de manière importante. L'Union Européenne versa 6 millions de dollars en 1997, qui permirent de bâtir 6 000 maisons, et à peu près 6 millions de plus en 1999. La France a construit des maisons dans cinq imidugudu pour un coût total de 1,2 millions. L'Allemagne a, elle aussi, apporté des fonds.319 Le gouvernement rwandais a indiqué que, en ce qui concerne les fonds ayant transité par les agences de l'ONU, les plus importants bailleurs ont été les gouvernements néerlandais, japonais, canadien et américain.320

S'il est difficile d'évaluer le montant de l'aide internationale consacrée aux programmes de construction de logements, il est encore plus difficile de savoir comment elle a été répartie et si elle a permis d'aider de véritables sans-abri ou des personnes déplacées contre leur gré, vers les imidugudu. Il est également presque impossible de savoir dans quelle mesure le soutien financier international a été l'expression concrète d'un soutien politique qui a pu encourager le gouvernement rwandais à mettre en _uvre la réorganisation rurale de manière plus rapide et plus stricte qu'il ne l'aurait fait normalement.

A l'origine, les bailleurs considérèrent la mise en place des imidugudu comme faisant partie d'un effort, à long terme, de développement économique et en parlèrent d'ailleurs en ces termes. Cependant, lorsqu'ils réalisèrent que critiquer la réorganisation rurale provoquait des difficultés avec le gouvernement rwandais -difficultés que pour différentes raisons, ils souhaitèrent éviter-, ils épousèrent la rhétorique officielle, selon laquelle les imidugudu représentaient une réaction "d'urgence" à la formidable crise du logement provoquée par le retour massif des rapatriés et étaient donc nécessaires. En faisant leur cette interprétation de la réalité, ils se privèrent de facto de toute possibilité d'examiner la réorganisation rurale sous son vrai angle, celui du développement économique. Ils n'insistèrent donc pas sur la nécessité de respecter les critères habituels, à savoir notamment, ceux relatifs à la planification, la consultation préalable avec la population cible et le respect des normes. Ils ne tinrent pas compte des recommandations existant au niveau international selon lesquelles il faut, à tout prix, éviter de financer des projets de développement impliquant le déplacement forcé de populations. En 1990, le Comité des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels affirmait, par exemple, que les agences internationales devaient "scrupuleusement" éviter de participer à des projets "impliquant l'expulsion ou le déplacement d'un grand nombre de personnes sans que celles-ci n'aient accès à des mécanismes de protection et de compensation adéquats."321

Les agences de l'ONU

Les agences de l'ONU ont contribué de manière importante à la mise en _uvre du programme de réinstallation. Bien que conscientes des abus qui en résultaient, elles ont continué à le soutenir et n'ont pas influencé les autorités rwandaises pour qu'elles mettent un terme au déplacement forcé des populations rurales.

La plus importante des agences internationales à avoir participé au programme de création des imidugudu a été le HCR, impliqué d'ailleurs depuis la phase de planification des Accords d'Arusha. A l'origine chargé de gérer une situation d'urgence en fournissant des abris aux rapatriés, le HCR devint peu à peu le principal soutien du programme de réorganisation rurale. Ainsi, quatre-vingt pour cent de l'aide internationale fournie par des agences de l'ONU pour la construction des maisons sont livrés par le HCR.

Au moins un représentant important du HCR au Rwanda était contre le programme de création des imidugudu, à son début, et a exprimé de nombreuses réflexions critiques apparues dans le rapport commandé par les bailleurs mentionné plus haut. Ce document incluait la phrase suivante, attribuée à un représentant du HCR : "Les organisations des Nations Unies font en général ce que les gouvernements attendent d'elles, mais elles sont très sensibles à la possibilité de voir les bailleurs [qui les soutiennent] fermer les vannes du financement s'ils n'apprécient pas la politique de ces gouvernements."322 La même personne poursuivait en disant que le HCR était favorable à une stratégie conjointe des bailleurs et des ONG, vis-à-vis de la politique d'imidugudumais que c'était le PNUD, et non le HCR, qui devait en prendre l'initiative.

Il est vrai que le PNUD avait pour rôle de coordonner les efforts des différentes agences de l'ONU et qu'on pouvait donc attendre de lui qu'il prenne cette initiative, mais c'était au HCR que mandat avait été donné de protéger les réfugiés, y compris ceux revenus récemment dans leur pays d'origine.

Compte tenu de la situation au début de 1997, quand le programme de réinstallation fut lancé, il est facile de comprendre pourquoi le HCR préféra ne pas s'y opposer. On lui avait reproché d'avoir, pendant deux ans, "nourri les génocidaires" réfugiés dans les camps, au Zaïre. De plus, il venait de sortir de plusieurs semaines de conflit acharné avec le gouvernement rwandais et ses principaux alliés, notamment les États-Unis, au sujet du nombre exact de personnes réfugiées dans les forêts zaïroises et de la meilleure manière de leur porter assistance. S'opposer avec fermeté aux abus perpétrés dans le cadre de la réinstallation aurait signifié un autre affrontement avec le gouvernement rwandais et, peut-être, le risque de se voir renvoyer du pays.

Le HCR lança donc des programmes de construction, qui prirent rapidement de l'ampleur. Les critiques qui avaient pu retentir au sein de l'agence cessèrent de se faire entendre. Malgré sa proximité avec le programme et l'opportunité d'être témoin des abus commis dans le cadre de sa mise en _uvre, le HCR n'a jamais dénoncé des pratiques telles que le déplacement forcé des populations et l'ordre de détruire les maisons.323 Une fonctionnaire du HCR à qui l'on demandait d'évaluer la réorganisation rurale refusa de le faire, se contentant d'un simple commentaire : "Le HCR ne s'occupe que de fournir un abri à ceux qui en ont besoin, pas de la politique du gouvernement."324

Le PNUD, chargé des programmes de développement économique à long terme, n'a pas collaboré au programme de réinstallation avec le même enthousiasme que le HCR. Vingt pour cent de l'aide internationale fournie par l'entremise des agences de l'ONU sont arrivés au Rwanda grâce au PNUD. Selon une personne ayant participé aux réunions du PNUD, les abus liés à la réinstallation n'ont jamais été abordés, même après que l'agence ait créé une unité spéciale chargée des questions des droits humains.325

Le HCR et le PNUD ont abordé les programmes de réinstallation, chacun à leur manière. Le HCR s'est concentré sur la construction aussi rapide que possible de maisons, alors que le PNUD a préféré développer des projets plus intégrés, incluant infrastructures, services et activités génératrices de revenus. Les deux agences décidèrent en 1997 de travailler ensemble et établirent à cette fin le Joint Reintegration Programming Unit (JPRU). Malgré cette initiative, elles continuèrent à éprouver des problèmes de coordination de leurs activités, peut-être parce que toutes deux souhaitaient se servir des programmes de construction de logements pour maximiser les budgets qu'on leur accorderait.326 Cette concurrence fit apparemment passer les droits humains au second plan.

Fin 1999, le HCR envoyait une équipe d'experts externes chargée d'évaluer le programme des imidugudu.327 Tout au long de leur enquête, les agents locaux du HCR insistèrent sur le fait que leur rôle était de fournir des "abris", faisant ainsi référence à une réaction d'urgence et à court terme à la crise du logement provoquée par le retour des réfugiés. Les évaluateurs conclurent cependant que le HCR était allé bien plus loin :

En ce qui concerne la fourniture d'abris, le HCR s'est embarqué dans une opération qui dépasse de loin la simple construction de tels abris. Il a participé directement à la mise en _uvre d'une politique de réinstallation qui aura des conséquences sociales, économiques et physiques à long terme et dont la durabilité, pour le moment, n'est pas assurée.

Quelques paragraphes plus bas, les évaluateurs faisaient le commentaire suivant :

En quatre ans, le politique des "imidugudu" a transformé radicalement le paysage rural. Le pays est aujourd'hui parsemé de groupes de petites maisons, toutes pareilles, de la même taille, la même forme et construites avec les mêmes matériaux. Le HCR a contribué de manière importante à cette transformation en fournissant les matériaux ou en construisant lui-même 98447 maisons, dans 252 sites disséminés un peu partout dans le pays.328

Dans ses contacts avec les évaluateurs et autres intervenants, le HCR a minimisé son rôle en affirmant que seulement vingt-cinq pour cent de ses ressources avaient été affectés à la construction de maisons, dans les imidugudu. Cette affirmation est vraie si l'on ne tient compte que des programmes de construction placés sous la supervision directe du HCR. Le reste des ressources a apparemment servi à payer des matériaux de construction, surtout des toits, des portes et des fenêtres, distribués aux populations par les autorités locales. Le HCR affirme que ces matériaux ont été utilisés pour construire des maisons "disséminées," sous-entendant ainsi qu'ils n'ont pas servi à construire des maisons, dans les imidugudu. Les informations disponibles, y compris celles tirées des entretiens avec les résidents des sites et présentées dans le rapport, indiquent cependant qu'une partie de ces matériaux -probablement la majorité- a été utilisée dans les imidugudu.329

Les évaluateurs critiquèrent le rôle joué par le HCR dans l'établissement des imidugudu, doutant, entre autres, de leur viabilité économique, mais ne s'intéressèrent aucunement à la question des violations des droits humains. Ils se contentèrent de remarquer que "l'absence d'indicateurs spécifiques" les empêchait d'évaluer dans quelle mesure le HCR avait respecté son mandat en matière de protection, qui inclut les questions relatives aux droits humains.330

Après avoir examiné leurs archives, des responsables du HCR à Genève ont indiqué à un chercheur de Human Rights Watch qu'ils n'avaient trouvé aucun document du HCR mentionnant ou dénonçant des exactions liées à la politique d'imidugudu. L'un d'eux fit ce commentaire : "Nous avons décidé de nous taire et d'aider ceux que nous pouvions aider." Un autre jugeait l'attitude du HCR avec plus de sévérité : "Nous avons été complices (...) comme toutes les agences de l'ONU."331

Le Programme alimentaire mondial (PAM) fournissait de la nourriture qui était utilisée pour payer les ouvriers construisant les maisons, dans les imidugudu. Bien que les agents du PAM aient été fréquemment en contact avec les populations locales et donc témoins des exactions, il ne semble pas qu'ils aient émis la moindre protestation ou informé leurs supérieurs de ces faits.

Le Représentant spécial pour le Rwanda de la Commission des droits de l'homme de l'ONU est responsable des questions d'assistance technique, dans le domaine des droits humains et non du suivi des exactions et abus. Malgré cela, certains -sans doute des bailleurs - lui demandèrent son opinion sur des questions relatives à la politique de l'habitat. Il visita trois imidugudu après avoir entendu dire que l'on avait forcé des ruraux à déménager. Apprenant que vingt familles relogées dans un umudugudu avaient dû détruire leurs maisons avant de s'en aller (voir plus haut), il conclut que des méthodes coercitives avaient parfois été utilisées, souvent pour des raisons liées à la sécurité. Il nota également que, la sécurité étant de mieux en mieux assurée dans le pays, il allait devenir de plus en plus impossible de justifier, par l'argument sécuritaire, les expulsions forcées. Il ajoutait enfin que les Principes directeurs relatifs au déplacement interne de personnes stipulent que tout individu déplacé pour des raisons de sécurité doit être autorisé à rentrer chez lui, dès que la situation d'urgence a pris fin.

Le Représentant spécial n'a cependant pas tenu compte des personnes que les autorités ont obligé à déménager pour des raisons n'ayant rien à voir avec la sécurité -certainement la majorité des cas- ni du droit de ces personnes à rentrer chez elles. Il disait avoir pris bonne note des garanties exprimées par un conseiller du Président, qui affirmait que "aucun Rwandais ne serait forcé à s'installer dans un village contre sa volonté" et exprimait l'espoir que ceci devienne la base de la politique gouvernementale. Un tel optimisme est difficile à comprendre, sauf si l'on présuppose que le Représentant ignorait que les autorités avaient fait la même promesse en 1997, sans la tenir. Conscient de l'importance de la terre pour les cultivateurs rwandais, il encouragea les uns et les autres à entamer un véritable débat sur la politique de l'habitat. Cependant, au lieu de dénoncer clairement les exactions et d'insister sur la nécessité d'autoriser le retour des déplacés, il se contenta de recommander que l'on améliore les conditions de vie dans les imidugudu déjà créés. Il suggéra que si des services étaient offerts dans les imidugudu avant que l'on ne demande à la population de s'y installer, les ruraux "réclameraient à cor et à cri" le droit d'aller y vivre.332

Comme nous l'indiquons plus bas, le représentant spécial se rangea du côté de ceux qui demandèrent que des fonds supplémentaires soient débloqués pour la construction de maisons, dans les imidugudu.

Organisations non-gouvernementales

De tous les intervenants étrangers impliqués dans la mise en place des imidugudu, les collaborateurs des ONG furent certainement ceux qui furent le plus étroitement en contact avec les victimes des exactions. Dans la majorité des cas, ils évitèrent de parler des abus dont ils étaient témoins. Les financements destinés à la construction de maisons commençant à inonder le pays, le gouvernement informa de nombreuses ONG n'ayant jamais travaillé au Rwanda -ni dans le domaine de la construction- qu'elles devaient mettre sur pied des projets de construction. Les autorités définirent également les conditions et critères que ces projets devaient respecter. Les ONG les moins expérimentées cédèrent rapidement à la pression, se rappelant certainement l'expulsion, un an auparavant, de deux douzaines d'ONG qui n'avaient pas respecté les instructions du gouvernement.

Certaines organisations virent les contrats de construction et les financements massifs qui y étaient associés comme un moyen pour elles d'assurer leur présence au Rwanda et évacuèrent la question de l'impact négatif que leur travail pouvait avoir sur les populations rurales. A l'instar du fonctionnaire du HCR, qui avait attribué au gouvernement la responsabilité de la réorganisation rurale, le représentant d'une ONG estima que le HCR et le gouvernement rwandais étaient aux commandes : "Si le HCR vous propose un boulot, vous l'acceptez avec plaisir. Nous ne sommes qu'invités [à faire ce travail], ce sont le gouvernement et le HCR qui définissent les politiques."333

Le personnel de certaines organisations plus scrupuleuses essaya réellement de protéger les intérêts des populations rurales. Quelques ONG bien établies au Rwanda et au fait de la politique locale réussirent parfois à poursuivre les programmes qu'elles avaient lancés, même lorsque ceux-ci ne se situaient pas dans la ligne de la politique d'imidugudu.334

A Kibungo, Umutara et Kigali-rural, cependant, même les ONG les plus solidement implantées éprouvèrent des difficultés à mettre en _uvre leurs programmes et à maintenir leurs normes de travail. Une partie du personnel de la Fédération Luthérienne Mondiale, l'une des ONG les mieux établies parmi toutes celles actives au Rwanda, pressentit les abus qui pouvaient découler de la politique d'imidugudu. En mars 1997, le directeur du bureau à Kigali s'adressait à son personnel en ces termes : "Les gens ont le droit de décider où et comment ils vont construire leurs maisons, à condition de respecter les règles fondamentales de la vie en société, définies par la loi." S'exprimant sur la politique de l'organisation, il affirmait :

La Fédération Luthérienne Mondiale (FLM) n'aidera à établir de nouveaux villages dans les zones déjà occupées par les populations que lorsqu'il sera absolument clair que les personnes relogées dans ces villages :

    · Ne démolissent pas leurs maisons avant de les quitter, mais les laissent à la disposition d'autres résidents ;
    · Déménagent de leur plein gré ;
    · Ont accès à un niveau de services raisonnable dans le site où elles s'installent.335

Selon une responsable contactée en octobre 2000, "la FLM continue à respecter le principe" ainsi défini en 1997.336

Respecter de tels principes n'a cependant pas toujours été simple, comme le montre le cas de l'umudugudu de Ndego, à Kibungo, où la FLM participait à la construction de maisons. Les terres du site de Ndego sont très peu fertiles, sèches et situées dans l'ancienne réserve de chasse, à distance des autres zones habitées. Selon le rapport d'évaluation du HCR, environ cent soixante-six familles originaires de la commune voisine de Nyarubuye ont été forcées de s'installer dans l'umudugudu et d'abandonner leurs terres, qui furent ensuite accordées à un officier militaire. La responsable de la FLM, à qui l'on demandait des éclaircissements sur cette situation, déclara que son organisation n'était responsable que de la construction des logements et non du choix de leurs occupants. Elle ajoutait qu'en 1997, quatre à cinq cents familles étaient revenues de Tanzanie et avaient été envoyées vers l'umudugudu par les autorités. Celles-ci affirmaient que leur région d'origine n'était pas sûre et que ces familles ne pouvaient donc retourner vivre dans leurs anciennes maisons. La région est aujourd'hui sécurisée depuis longtemps mais les familles vivent toujours dans l'umudugudu. Les terres qui entourent leurs anciennes maisons sont utilisées pour faire paître du bétail. Suite à la visite de l'équipe d'évaluation du HCR, ce cas a été porté à l'attention des autorités et certaines initiatives pourraient être prises en vue d'aider les victimes.337

297 Voir Human Rights Watch, "Ce que cache Kabila : massacres de civils et impunité au Congo," octobre 1997, Vol. 9, N° 5 (A).

298 Discussion paper, "Shelter, Settlement, and Beyond. . . ", inclus dans Omar Bakhet, Représentant Résident du PNUD et Coordinateur Résident de l'ONU, "Mémo aux ambassadeurs, chargés d'affaire et directeurs des agences de l'ONU", 23 janvier 1997. Emphase dans l'original.

299 Procès-verbal, réunion des diplomates consacrée aux politiques de logement, 12 février 1997.

300 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 26 mai 2000 ; Procès-verbal, réunion des diplomates consacrée aux politiques de logement, 12 février 1997 ; Procès-verbal, réunion des diplomates consacrée aux politiques de logement, 21 février 1997 ; Anonyme, "Imidugudu," pp. 6-8.

301 Omar Bakhet, Représentant Résident du PNUD et Coordinateur Résident de l'ONU, Mémo aux ambassadeurs, chargés d'affaire et directeurs des agences de l'ONU, 23 janvier 1997.

302 Procès-verbal, réunion des diplomates consacrée aux politiques de logement, 12 février 1997 ; Procès-verbal, réunion des diplomates consacrée aux politiques de logement, 21 février 1997.

303 European Community Humanitarian Office-Rwanda, Note for the File, Shelter Funding Criteria, February 5, 1997.

304 Procès-verbal, réunion des diplomates consacrée aux politiques de logement, 12 février 1997.

305 Anonyme, "Imidugudu," pp. 25-29.

306 Anonyme, "Imidugudu," p. 6. Comme indiqué plus haut, Human Rights Watch a recueilli des informations sur les cas de plusieurs personnes s'étant installées dans des imidugudu après avoir cédé l'ensemble de leurs terres à des rapatriés.

307 Ibidem, p. 27.

308 Anonyme, "Imidugudu," brouillon de document de travail, pp. 11, 14.

309 Anonyme, "Imidugudu," p. 25.

310 Anonyme, "Imidugudu," p. 26.

311 Hilhorst et van Leeuwen, "Villagisation in Rwanda," p. 16.

312 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 23 mai 2000.

313 Human Rights Watch, entretiens, Kigali, 23 mai et 23 octobre 2000.

314 Human Rights Watch, entretien téléphonique, Washington, 14 septembre 2000.

315 ONU. Conseil Économique et Social. Commission des droits de l'homme. "Rapport ... par le Représentant Spécial M. Michel Moussalli," p. 32 ; Laurent et Bugnion, "External Evaluation of the UNHCR Shelter Program," p. 19.

316 Le coût moyen des maisons construites par le programme ECHO était de 1 232 dollars chacune, de 1996 à 1998 et de 794 dollars chacune en 1999. Celles construites par les Français ont coûté en moyenne 1 130 dollars. Celles construites par plusieurs agences financées par le gouvernement canadien ont coûté en moyenne 1 439 dollars, sans compter un ensemble de 100 maisons à 3 900 dollars l'unité, financées dans la ville de Kigali. Dans certains cas, les financeurs n'ont fourni que les matériaux destinés à la toiture, dont le coût moyen était de moins de 200 dollars. Laurent et Bugnion, "External Evaluation of the UNHCR Shelter Program," pp. 19-21, 105-107.

317 Laurent et Bugnion, "External Evaluation of the UNHCR Shelter Program," pp. 4, 19.

318 Laurent et Bugnion, "External Evaluation of the UNHCR Shelter Program," pp. 105-107.

319 Ibidem, pp. 18-21 ; Anonyme, "Imidugudu," pp. 6, 8 ; Human Rights Watch, entretiens, Kigali, 26 mai, 11 et 13 août, et entretien téléphonique, 14 septembre 2000.

320 Gouvernement du Rwanda, "Thematic Consultation," pp. 8-9.

321 Comité des Nations Unies sur les Droits Économiques, Sociaux et Culturels, Commentaire général n° 2 sur le droit à un logement suffisant (art. 11.1), Évictions forcées, 1990, paragraphes 6 et 8(d). Voir également Human Rights Watch, Déclaration écrite soumise à la Commission des Droits de l'homme, E/CN.4/1996/NGO/41, 23 Mars 1996.

322 Anonyme, "Imidugudu," p. 5.

323 Human Rights Watch, entretien, Genève, 6 octobre 2000.

324 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 17 janvier 2000.

325 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 15 août 2000.

326 CCA Working Paper, n° 3, p. 6 ; Laurent et Bugnion, "External Evaluation of the UNHCR Shelter Program," pp. 25-6 ; Hilhorst et van Leeuwen, "Villagisation in Rwanda," pp. 23-24. Le Programme Alimentaire Mondial s'est joint au JPRU en 1998 et des membres d'autres agences de l'ONU ont collaboré occasionnellement avec ses représentants.

327 Afin de travailler avec un maximum de transparence, l'équipe incluait un représentant du gouvernement rwandais et un Rwandais employé comme consultant, par l'ambassade suisse. Il est possible que leur présence lors des entretiens ait altéré la qualité et la quantité des informations fournies par les résidents des imidugudu.

328 Laurent et Bugnion, "External Evaluation of the UNHCR Shelter Program," pp. xi-xiii.

329 Laurent et Bugnion, " External Evaluation of the UNHCR Shelter Program," pp. xi, 4, 19, 63, 65. Environ 13 000 des 98 447 maisons comptabilisées sont des maisons anciennes qui ont été réparées et qui, par conséquent, ne se trouvent pas dans les imidugudu.

330 Laurent et Bugnion, "External Evaluation of the UNHCR Shelter Program," p. x.

331 Human Rights Watch, entretiens, Geneva,12, 13 et 26 octobre 2000.

332 ONU. Conseil Économique et Social. Commission des droits de l'homme, "Rapport ... par le Représentant Spécial M. Michel Moussalli," pp. 32-33.

333 Hilhorst et van Leeuwen, "Villagisation in Rwanda," p. 24.

334 Human Rights Watch, entretien téléphonique, Washington, 14 septembre 2000.

335 John Cosgrave to Project Coordinators, Fédération luthérienne mondiale, 4 mars 1997.

336 Human Rights Watch, entretien téléphonique, Genève, 13 octobre 2000.

337 Ibid ; Laurent et Bugnion, "External Evaluation of the UNHCR Shelter Program," pp. 44, 96.

Previous PageTable Of ContentsNext Page