Africa - Central

Previous PageTable Of ContentsNext Page

X. LA TERRE

Lien avec les imidugudu

Lorsque le Conseil des ministres établit la politique de l'habitat, l'objectif était tout autant de redistribuer les terres que de réorganiser le mode d'implantation des populations.137 Un mois après son adoption, le Ministre de la réhabilitation et de l'intégration sociale, Patrick Mazimhaka, déclarait que le gouvernement souhaitait mettre en place des "méthodes de production agricole modernes et à plus grande échelle" et que les gens qui seraient "poussés hors de l'agriculture" par les imidugudu et la réforme foncière trouveraient d'autres emplois.138 D'autres dirigeants qui s'exprimèrent au sujet des imidugudu mentionnèrent le lien entre la réinstallation des personnes et la redistribution des terres. Ils reconnurent que certains perdraient leurs champs mais affirmèrent qu'ils "se lanceraient dans d'autres professions, nouvelles et utiles."139 Trois ans après le début de la mise en _uvre de la politique, les autorités rwandaises réaffirmaient l'importance du rôle joué par les imidugudu dans le plan général de refonte des modes de propriété foncière. "L'habitat regroupé (imidugudu), en tant que facteur clé d'optimisation de l'utilisation des terres dans le contexte rwandais, est au c_ur du projet de loi foncière."140

Le gouvernement déclara que la politique de l'habitat avait pour but de regrouper dans des "villages" tous les habitants des zones rurales. Il s'affirmait cependant opposé à la méthode la plus simple, rapide et économique d'arriver à cet objectif, qui aurait été de construire de nouvelles maisons dans de petites agglomérations déjà existantes. Une telle méthode aurait permis de profiter des infrastructures mises en place dans les environs de ces agglomérations. Au lieu de cela, le gouvernement insista, dans de nombreux cas, sur la nécessité de déplacer les ruraux et de les faire quitter leurs lieux de résidence et par conséquent, les terres formant leur patrimoine.141

Se faisant l'écho de l'instruction ministérielle de 1997 ordonnant aux Rwandais "d'habiter à l'écart des champs [qu'ils cultivent]", un expert en utilisation des sols, actuellement député, suggérait en mai 2000 d'éloigner les Rwandais de leurs terres pour ainsi rompre leur attachement avec ce qu'ils considèrent comme une partie de leur patrimoine familial. Il affirmait que ceci pousserait sans doute les cultivateurs à considérer la terre comme un bien économique dont la valeur dépendrait exclusivement de sa capacité à produire.142 Un tel changement devait, selon toute probabilité, faciliter la mise en _uvre de la réforme des modes de propriété foncière envisagée par les autorités.

En décembre 1999, ces projets avaient été définis de manière suffisamment précise pour que le Ministre des terres affirme à des chercheurs de Human Rights Watch que le gouvernement prévoyait de remplacer les petits propriétaires terriens, c'est-à-dire les millions de Rwandais possédant moins d'un hectare, par un nombre réduit de "fermiers professionnels et capables". Ceux-ci disposeraient de propriétés de vingt-cinq, trente ou même cinquante hectares et se consacreraient à l'élevage et l'agriculture, notamment la production de cultures commerciales. Il expliquait que les personnes déplacées par la création de ces grandes fermes deviendraient ouvriers agricoles et cultiveraient leurs anciennes terres ou trouveraient un autre emploi. Selon le ministre, les fermiers déplacés travaillant dans des fermes de cette nature près de Kigali étaient "satisfaits" de leur situation.143 Le projet de régime foncier diffusé par le gouvernement en novembre 2000 reprenait la même idée de grandes exploitations agricoles et de fermiers "professionnels".144

Droit et coutumes en matière de propriété

La complexité de la situation foncière du Rwanda est due non seulement à la densité élevée de population mais aussi à la mosaïque inextricable de lois et de coutumes qui régissent ce secteur.145

Au début de leur histoire, les Rwandais considéraient la terre comme une ressource naturelle et non comme la propriété privée d'un individu. Tout Rwandais avait le droit d'utiliser la terre qu'il avait défrichée ou reçue d'un autre et pouvait transférer le droit de l'exploiter à sa descendance ou à des tiers, sans contrepartie ou moyennant paiement, sous la forme de biens ou de services.146

Avec l'expansion du pouvoir de l'état à partir du 16ème et du 17ème siècle, l'umwami, ou roi, imposa progressivement diverses pratiques basées sur la doctrine faisant de lui le propriétaire de toute chose se trouvant sur son territoire. Ceci incluait donc la terre, que l'umwami autorisait ses sujets à utiliser. L'umwami et ses représentants essayèrent d'obtenir divers biens et services en échange de cette autorisation et tentèrent également de s'assurer le droit de disposer comme ils l'entendaient, de toute terre inoccupée. Tant les Hutu que les Tutsi, éleveurs et agriculteurs, s'opposèrent à ces mesures dans certaines régions.147 Après que les Européens aient établi leur administration, au début du siècle, ils aidèrent le roi dans ses efforts pour affirmer son autorité sur la terre. Malgré cette aide, l'umwami ne réussit jamais à atteindre ses objectifs dans le nord-ouest du pays. Les groupes familiaux continuèrent à disposer de nombreux droits sur les terres qu'ils avaient défrichées, en vertu d'un système connu sous le nom de ubukonde et qui est encore reconnu par l'état dans les préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri.148

En 1960, l'umwami transférait la propriété ultime de la terre à l'état. Après la révolution qui donna au pays son indépendance et la création de la république, ce fut le bourgmestre, en sa qualité d'agent de l'état, qui fut chargé de contrôler la distribution des terres inoccupées, dans sa commune. Les autorités nationales se chargeaient, elles, de la distribution des propriétés plus étendues, notamment celles s'étendant au-delà des limites d'une seule commune.

Les administrateurs européens avaient, eux, introduit un autre système, un ensemble de règles écrites portant sur des terres cédées ou achetées par des propriétaires, principalement des étrangers.149 Par la suite, les Rwandais se mirent à vendre de plus en plus de terres entre eux, une pratique normalement réglementée par un décret-loi de 1976.150 La loi devait permettre de limiter la fragmentation des propriétés et prévoyait donc des seuils, en matière de taille des parcelles pouvant être vendues. Elle rendait également obligatoire l'enregistrement des transactions auprès des autorités. Elle ne fut cependant jamais réellement respectée.

L'article premier du décret-loi de 1976 stipulait que toute terre n'ayant pas été acquise conformément aux modes d'appropriation prévus par le droit écrit était la propriété de l'état, qu'elle soit ou non occupée et que lui soient ou non associés des droits coutumiers. En 1979, le gouvernement rwandais adoptait une loi réglementant les "expropriations d'utilité publique."151 La loi indiquait qu'une telle procédure, pour être légitime, devait donner lieu au paiement d'une indemnisation pour tout terrain enregistré auprès des autorités conformément au droit écrit, ainsi qu'à la fourniture d'une autre parcelle, appelée terrain de réinstallation, pour tout terrain dont la personne concernée serait propriétaire en vertu des règles coutumières. Elle stipulait également que dans tous les cas, que le terrain appartienne à la personne concernée en vertu du droit écrit ou du droit coutumier, une indemnisation devait être versée à son occupant pour toute culture, structure ou autre élément présents sur le terrain, et ce avant de procéder à l'expropriation.152

Comme indiqué plus haut, le texte de la Politique nationale de l'habitat adopté en 1996 reconnaissait également le droit des occupants à recevoir une indemnisation pour tout terrain que l'état s'approprierait.

Lorsque la politique de l'habitat fut mise en _uvre, les autorités rwandaises confisquèrent les terrains choisis comme sites des imidugudu. Elles demandèrent également aux propriétaires de "partager" leur terrain avec les rapatriés et, dans certains cas, d'abandonner l'ensemble de leurs terres à des rapatriés lorsque ceux-ci affirmaient qu'ils en avaient été les propriétaires, plusieurs décennies auparavant. Les autorités saisirent également les champs de certains cultivateurs pour pouvoir, en les regroupant avec d'autres, créer de grandes propriétés et les confier ensuite à d'autres. Les autorités ont souvent mené à bien ces confiscations, saisies et autres initiatives sans tenir compte des procédures légales d'expropriation, sans payer les compensations prévues et sans fournir aux personnes dépossédées le moindre terrain en échange de celui qu'elles venaient de perdre.

La saisie de terres

Les représentants gouvernementaux ont, à de multiples reprises, affirmé que l'habitat regroupé permettrait de libérer des terres qui pouvaient ainsi être consacrées à l'agriculture. Une étude a cependant montré que soixante-six pour cent des personnes résidant dans des imidugudu affirment aujourd'hui ne plus posséder de terre, alors que seulement quarante-sept pour cent d'entre elles étaient dans cette situation avant de venir s'installer dans l'umudugudu. De plus, vingt-et-un pour cent de ceux qui sont encore propriétaires possèdent aujourd'hui un terrain plus petit que celui qui était le leur quand ils vivaient dans leurs anciens logements.153 Une étude réalisée par des agences gouvernementales et de l'ONU arrivait à une conclusion à peine moins négative, selon laquelle seulement cinquante-trois pour cent des habitants des imidugudu cultivent leur propre terre.154 Une organisation indépendante spécialisée dans les problèmes de développement examinait, elle, les possibilités offertes aux résidents des imidugudu d'avoir accès à la terre, et concluait que "de très nombreuses personnes n'ont aucun champ où cultiver ou élever des animaux. Ceux qui possèdent un terrain doivent parcourir de longues distances à pied pour aller y travailler. (...) Cette situation (...) a exacerbé la pauvreté dont souffraient déjà la plupart des résidents des imidugudu. (...)"155 Des chercheurs néerlandais ont également remarqué que beaucoup d'habitants des imidugudu qu'ils avaient étudiés à Kibungo ne possédaient pas de terre, alors même que cette région est l'une de celles qui disposent du plus de terres comparativement à sa population.156

Terrains d'implantation des imidugudu

Beaucoup des Rwandais qui ont perdu tout ou partie de leurs terres en ont été dépossédés pour qu'y soient construits les imidugudu. Les Accords d'Arusha spécifiaient que les sites de réinstallation devaient être situés sur des terres qu'aucun individu n'occupait.157 Le Ministère de la Réhabilitation et de l'Intégration Sociale ordonnait donc en décembre 1994 que seuls les terrains publics ou appartenant à l'état soient utilisés comme sites d'implantation. La plupart des premiers imidugudu furent en fait établis sur des terrains publics, notamment une réserve de chasse et un parc national, le Parc de l'Akagera.158

Cependant, lorsqu'en 1996, le gouvernement décréta que tous les Rwandais devaient s'installer dans les imidugudu, il apparut clairement que le nombre de terrains publics disponibles était insuffisant. Sur ordre des autorités nationales, les autorités locales commencèrent donc à installer des imidugudu sur des terres privées.

Le texte de la Politique de l'Habitat adopté le treize décembre stipulait que si des terrains privés étaient utilisés comme site d'implantation d'un umudugudu, le propriétaire devait être indemnisé. Le texte expliquait en détails la procédure d'expropriation définie par le décret-loi du 23 juillet 1979, y compris l'obligation de verser l'indemnisation avant de procéder au transfert des droits de propriété. Il était également mentionné que les réformes mises en _uvre en matière de logement, tant dans les zones rurales qu'urbaines, pouvaient se voir ralenties si l'état devait trouver des fonds pour indemniser les propriétaires terriens. Par conséquent, il était recommandé de trouver des modes alternatifs de financement des indemnisations. Dans son dernier paragraphe, le texte recommandait que les imidugudu soient implantés sur des terrains publics, faute de quoi "il sera nécessaire d'indemniser les propriétaires actuels des terrains qui seront choisis comme sites résidentiels," ce qui risquait de ralentir le programme de réinstallation des populations.159

Lorsque la politique fut mise en _uvre, le gouvernement décida que ce ne serait pas l'état mais plutôt les résidents de l'imidugudu qui indemniseraient le propriétaire. Selon un officiel du Ministère des terres, de la réinstallation et de la protection de l'environnement, "l'état n'est pas capable d'indemniser tous ceux qui sont déplacés pour que les villages soient construits. Les villageois eux-mêmes, ceux qui viennent [vivre sur le site], se chargeront de l'indemnisation. C'est aux gens eux-mêmes de décider de la manière de le faire."160

Cependant, les "villageois" ne versèrent que dans de très rares cas une compensation au propriétaire lésé.161 Un homme décrit ainsi la situation à Umutara : "Chaque famille a reçu une parcelle de 15 mètres sur 30 ici [dans l'umudugudu]. Nous devions donner une parcelle de 15 mètres sur 30 en échange à l'autre personne, mais celui qui avait perdu son terrain n'a rien reçu et a laissé tomber."162

Un autre cultivateur de la même région a raconté que soixante-dix des trois cent mètres de son champ avaient été saisis pour qu'un umudugudu y soit construit. "Ils m'ont promis de me donner une compensation", se souvient-il. "Ils ne l'ont pas fait et maintenant je vois que la commune a oublié. Cela fait deux ans maintenant."163 Plusieurs personnes résidant dans des imidugudu à Rutonde et Muhazi (Kibungo) et dans diverses communes de Ruhengeri ont vécu des situations similaires.164

A la fin 1999, une étude basée sur un échantillon de 500 résidents d'imidugudu révélait que seulement huit pour cent de ceux qui ont dû céder une partie de leurs terres pour qu'y soit implanté un site avait reçu une compensation. Ceux qui avaient eu la chance de recevoir des parcelles de la part des autres résidents n'avaient pas forcément reçu des terres équivalentes, en valeur, à celles qu'ils avaient perdues. Les distances à parcourir pour se rendre dans les champs étaient, elles, plus importantes. Les parcelles reçues étaient forcément plus éloignées que celles transformées en imidugudu et pouvaient également, si elles avaient été données par différentes personnes, être éparpillées aux quatre coins de la commune.

Les résidents des imidugudu, même s'ils compatissaient souvent à la situation des propriétaires ayant perdu leurs terres, ne possédaient souvent eux-mêmes aucune ou pas assez de terres pour pouvoir en offrir en compensation. Un cultivateur du nord-ouest raconte : "Nous sommes forcés d'occuper une parcelle de vingt mètres sur vingt-cinq sur la terre de quelqu'un d'autre, dans l'umudugudu. Nous devrions lui donner une parcelle de même taille. (...) C'est un gros problème pour ceux qui n'ont pas de terre à donner en échange."165

Dans certains cas, les résidents possédaient des terres mais refusèrent de payer la moindre compensation, parfois à cause de tensions personnelles. Ainsi, une femme tutsi dont le mari avait été tué pendant le génocide refusa de donner sa terre à un homme qui avait été accusé de génocide mais relâché sans jugement. Indiquant la parcelle où elle vivait, elle déclarait :

Ce terrain était à un homme qui vit tout près d'ici. Un autre voisin est aussi installé sur son terrain. L'homme était en prison quand nous avons dû nous installer ici et quand il est revenu, il a trouvé nos maisons sur son terrain. Il ne pouvait pas demander de compensation parce qu'il était en prison pour génocide. Je ne sais pas pourquoi on l'a laissé sortir. Je n'aime pas habiter à côté de quelqu'un qui a participé au génocide. Après sa libération, il a été gentil parce qu'il avait peur de nous, il avait peur que nous ne nous souvenions de ce qui s'était passé.166

Dans certains cas, les propriétaires ont perdu non seulement leur terre mais aussi les récoltes et infrastructures qui s'y trouvaient. Un habitant de la commune de Cyimbogo (Cyangugu), a ainsi perdu tous les arbres qu'il avait plantés et qu'il destinait à la vendre. Le 23 août 1999, le bourgmestre de la commune de Mukingo (Ruhengeri) aurait ordonné que l'on défriche un terrain, pour y implanter une agglomération, alors que le terrain était cultivé et que l'on aurait pu procéder à la récolte. Parmi les six cultivateurs qui perdirent leur récolte ce jour-là se trouvait un homme de quatre-vingt ans, qui comptait sur cette nourriture pour sa survie et celle de deux de ses petits-enfants, orphelins, qui vivaient avec lui.167

"Plan Général de Partage"

Les Accords d'Arusha obligeaient le gouvernement à fournir non seulement un logement mais aussi une terre aux rapatriés, dont beaucoup étaient cultivateurs et éleveurs. En plus des civils qui avaient de nombreuses vaches, des officiers supérieurs de l'armée et des responsables du FPR possédaient également des troupeaux pouvant compter jusqu'à plusieurs centaines de têtes. Ils poursuivaient ainsi une tradition maintenue au cours des siècles de règne tutsi selon laquelle le bétail est la base de la richesse, du pouvoir politique et du prestige social au Rwanda. Après la révolution de 1959, face à l'explosion démographique et au manque de terres agricoles, il fut décidé que l'on transformerait en champs des espaces qui avaient toujours été utilisés pour l'élevage. En 1990, peu de Rwandais possédaient plus de quelques vaches au Rwanda. La plupart n'en possédaient même aucune. Lorsque les rapatriés revinrent au pays, emmenant avec eux plus d'un demi-million de têtes, ils tentèrent de trouver des pâturages pour leur cheptel, ce qui contribua à compliquer encore davantage le problème du manque de terres.

Au début, les autorités allouèrent aux rapatriés des terrains publics. Dans quelques cas, les parcelles étaient situées sur le territoire d'une commune, mais la plupart des terres ainsi assignées se trouvaient dans le parc de l'Akagera et sur une réserve de chasse voisine. A partir de 1997, le préfet de Kibungo demanda à ses administrés de "partager" leurs terres avec les rapatriés. Cette pratique, qui n'avait jamais fait l'objet d'un débat public et n'était inscrite dans aucune loi, fut rapidement appliquée ailleurs dans le pays, notamment dans les préfectures d'Umutara et de Kigali-rural. Bien qu'à aucun moment les autorités nationales n'aient imposé cette politique, les représentants locaux affirmèrent que c'était le cas et qu'eux n'avaient d'autre choix que de la faire appliquer. Ils tentèrent de persuader les populations locales de partager volontairement leurs terres en leur disant que les rapatriés n'avaient nulle part où aller et qu`eux aussi avaient droit à une partie du patrimoine national.168

Dans de nombreuses communes, notamment celles où les cultivateurs possédaient des parcelles de deux hectares, on divisa les terrains en deux et on donna un hectare aux nouveaux arrivants.169 Parlant de la situation dans la préfecture d'Umutara, un homme explique :

Au début, chaque famille avait une parcelle de 300 mètres sur 65, mais nous avons dû la partager avec d'autres dans le besoin. Nous avons donc dû diviser les terres en deux. Notre parcelle fait aujourd'hui 150 mètres sur 32,5. (...) Nous n'avons pas compris comment on pouvait nous demander de partager la terre. (...) Mais comme nous n'avions pas le choix, nous n'avons rien dit et avons partagé notre parcelle, même si nous ne comprenons toujours pas.170

Dans certaines communes, des rapatriés ayant reçu une parcelle demandèrent ensuite à en recevoir une autre, prétextant l'arrivée prochaine de membres de leur famille. Ils louèrent ensuite leurs champs ou y firent travailler des locataires ou des journaliers. Dans d'autres cas, des rapatriés tutsi reçurent des maisons et terres dans les imidugudu et entreprirent ensuite de louer ou vendre le tout. De telles initiatives, visant à contrôler un maximum de terres, furent tolérées par certaines autorités locales qui craignaient les rapatriés. Elles furent même encouragées par d'autres, qui avaient des liens amicaux ou familiaux avec ces rapatriés.171

Dans les zones où des rapatriés possédant de grands troupeaux vivaient à proximité de cultivateurs, comme à Kibungo, les éleveurs laissèrent parfois leurs animaux se nourrir dans les champs des cultivateurs. Armés de lances et souvent accompagnés de chiens, ils se montrèrent prêts à menacer et même blesser ceux qui voudraient tenter de protéger leurs champs.172 Selon un rescapé du génocide, ces pratiques et le fait qu'elles aient été tolérées par les autorités expliquent en partie pourquoi, en avril 2000, des résidents de Kibungo quittèrent le pays pour se réfugier en Tanzanie :

Imaginez que les rapatriés de 1959 [ceux qui ont fui le Rwanda à partir de 1959] mènent leur bétail dans des champs où il y a des bananes, des patates douces, du manioc, du maïs, etcetera, qui ne leur appartiennent pas. Si vous osez leur dire quoi que ce soit, vous pouvez avoir des problèmes. Ce qui est dommage, c'est que les gardiens de troupeaux sont armés de lances et amènent leurs chiens pour intimider les propriétaires des champs. Les gens se sont plaints, mais les autorités ne font rien. Quand les gens voient que ni le conseil communal ni le bourgmestre ne réagissent, ils décident de quitter le pays. Pour cacher la vraie cause de ces départs, les autorités disent qu'ils fuient la gacaca, alors que ce ne sont pas juste des Hutu qui partent, mais aussi des rescapés du génocide. (...) Ma mère est complètement bouleversée. Ils ont brûlé ses bananiers, ils ont amené leurs vaches pour qu'elles mangent ses patates douces. En fait, les gens qui étaient ici avant [avant l'arrivée au pouvoir du FPR], nous n'avons rien à dire. Si je n'étais pas ici, ma mère aurait déjà fui en Tanzanie.173

Les pratiques consistant à se procurer plusieurs parcelles, à réclamer une parcelle et une maison pour ensuite ne pas l'occuper et à permettre au bétail de détruire les cultures dont vivent les cultivateurs n'ont pas grand-chose à voir avec l'esprit de partage auquel les autorités font si souvent appel afin de convaincre les propriétaires de donner aux rapatriés une partie de leurs terres.

"Rendre" la terre

Le gouvernement rwandais, à la fois dans les Accords d'Arusha et par le biais d'un décret ministériel de septembre 1996, a affirmé l'inviolabilité de la propriété foncière. Cependant, il a promis la même terre à deux parties différentes, à savoir ceux qui l'occupaient avant la vague de départs de 1959 -pour la plupart des Tutsi- et ceux qui l'occupèrent après eux et avant de fuir eux-mêmes en 1994 -pour la plupart des Hutu. Les Accords d'Arusha, qui garantissent les droits de propriété des Tutsi et font aujourd'hui partie du droit fondamental rwandais, ont certainement plus de poids qu'un décret ministériel.

Les signataires des Accords avaient recommandé que les rapatriés ne réclament aucun bien qu'ils auraient "abandonné" depuis plus de dix ans et qui serait utilisé par d'autres. Il leur était cependant impossible de leur interdire de le faire après avoir garanti l'inviolabilité de leur droit à la propriété foncière. Au début néanmoins les autorités interprétèrent cette disposition comme une interdiction. Beaucoup de Rwandais, mais aussi d'étrangers, étaient donc convaincus que les réfugiés qui avaient fait partie de la première vague de départ, en 1959, ne pouvaient demander que leurs terres leur soient rendues.174 En 1995, une étude réalisée par le Ministère de l'Agriculture et le PNUD montrait que les réfugiés de la première vague n'étaient pas retournés vivre sur les terres qui leur appartenaient, surtout quand ces terres étaient occupées : "Les rapatriés respectent les dispositions des Accords d'Arusha et sont conscients du fait qu'ils ne doivent pas réclamer leurs anciennes terres si elles sont occupées par d'autres. Ils sont donc disposés à s'installer sur des terres qui ne sont pas celles de leurs ancêtres."175 Seuls quelques rares rapatriés de la première vague réclamèrent leurs terres, principalement lorsque les propriétaires de celles-ci avaient fui ou étaient décédés.

Le décret ministériel de septembre 1996 sembla confirmer la pratique généralisée consistant à favoriser les occupants les plus récents par rapport aux premiers propriétaires. Le décret affirmait que "la propriété privée personnelle ou collective est inviolable" et basait cette position sur la Constitution rwandaise du dix juin 1991, le protocole d'Arusha du neuf juin 1993 sur la réinstallation des réfugiés et d'autres décrets et lois sur la propriété foncière de 1960 et 1976.176 Le décret spécifiait comment les autorités pouvaient autoriser l'utilisation provisoire des biens fonciers abandonnés par les réfugiés et détaillait ensuite la procédure qu'un "propriétaire légitime" devait suivre pour récupérer ses biens. L'article 18 du décret stipulait que "les droits du propriétaire sont rétablis dès son retour" et enjoignait aux autorités de l'aider s'il n'avait pas récupéré son bien, au plus tard quinze jours après son retour.177

A cette époque, le gouvernement rwandais essayait de convaincre les réfugiés hutu de revenir au pays et savait que garantir leur droit à la propriété était un argumentde poids. Le décret fut largement diffusé dans les camps de réfugiés et selon les responsables du HCR, contribua à convaincre quelques réfugiés de retourner au Rwanda.178

Lorsque les rapatriés tutsi ne réclamaient aucune terre à leur retour, le gouvernement ordonnait généralement à un propriétaire de leur céder une partie de ses terres. En revanche, les autorités n'appliquèrent pas une règle aussi simple lorsque des rapatriés demandaient à ce qu'on leur rende des terres leur ayant appartenu. Un homme qui dut ainsi céder des terres à un rapatrié tutsi raconte : "La politique est obscure. Ils laissent les gens trouver un arrangement. Si seulement l'état disait, divisez les terres de telle ou telle manière..."179

Un bourgmestre de Gitarama déclarait que dans sa commune, où le nombre de rapatriés tutsi avait été peu élevé, il n'y avait eu qu'un seul litige grave. Dans la plupart des cas, ajoutait-il, "les gens ont simplement décidé de partager les terres entre eux."180 Un Hutu de Rusumo, qui avait fui avec la deuxième vague de réfugiés, rentra au Rwanda et découvrit que des rapatriés tutsi, qui avaient, eux, fui en 1959, s'étaient installés sur sa propriété. "Nous avons simplement partagé la parcelle avec la famille qui s'était installée," déclara-t-il. "Ils ont construit une maison à côté de la nôtre. Pas de problème."181

Dans d'autres cas, la solution fut moins simple. Des réfugiés originaires de différentes communes d'Umutara et de Kibungo rentrant chez eux à partir de 1996 trouvèrent leurs propriétés occupées par des Tutsi ayant fait partie de la première vague de départs, et ne purent récupérer leurs terres.182

Les résidents d'un secteur de la commune de Nyarubuye, rentrés de Tanzanie en 1997, découvrirent qu'une colline sur laquelle se trouvaient leurs champs avait été convertie en pâturage par des rapatriés qui étaient rentrés une année plus tôt. Ceux qui avaient eu la chance de retrouver leurs terres intactes divisèrent alors leurs parcelles et les partagèrent avec ceux qui avaient perdu les leurs.183

Un résident de Kigali dont une partie de la famille vit dans la préfecture d'Umutara décrit comment les rapatriés tutsi récupérèrent l'ensemble de leurs terres :

Les gens de ma famille doivent cultiver leurs anciens champs, pour les nouveaux maîtres, juste pour pouvoir manger. (...) Pour produire assez de nourriture, vous devez travailler toute la journée et ensuite demander au propriétaire de vous prêter un bout de terrain, pour vos propres cultures. Presque tout ce que vous cultivez est destiné à d'autres personnes, mais au moins, vous pouvez garder ce que vous récoltez dans votre petite parcelle.184

Un homme revenu d'exil en 1997 fut, lui, reconnu par les rapatriés qui occupaient ses terres. Même si plusieurs décennies s'étaient écoulées, ils avaient gardé un bon souvenir de lui et décidèrent donc de lui prêter une maison et de lui revendre une partie des terres, par le biais d'une transaction informelle et non-enregistrée.185

Les conflits impliquant des rapatriés tutsi furent peu nombreux à Ruhengeri, région où peu de Tutsi se réinstallèrent. Cependant, deux femmes et un homme dont le grand-père était chef dans la région, à l'époque coloniale, auraient obligé vingt-cinq cultivateurs à quitter leurs champs, dans la commune de Kidaho, au début de l'an 2000.186

Dans les communes de Cyimbogo, Gisuma et Gafunza (Cyangugu), les rapatriés tutsi de 1959 s'approprièrent tout ou partie des terres occupées par d'autres.187 Certains d'entre eux s'étaient, au départ, réinstallés dans des imidugudu, au sud-est du pays, mais trouvant que les conditions de vie n'y étaient pas satisfaisantes, décidèrent d'aller récupérer les terres qui appartenaient à leurs familles, plusieurs dizaines d'années auparavant.

Les rapatriés tutsi demandèrent également aux autorités de soutenir leurs revendications. Ainsi, une autorité locale de Cyangugu raconta que les gens s'étaient installés dans les imidugudu au début de l'an 2000 après avoir remis leurs terres aux rapatriés de 1959. Lorsqu'on lui demanda pourquoi ils avaient ainsi donné leurs terres, il répondit : "Parce que je leur ai donné ordre de le faire."188 Une veuve âgée, qui s'occupe de six enfants, était parmi les personnes ainsi forcées d'abandonner leurs champs. Elle raconte : "J'en ai vu certains partir pour l'umudugudu et après qu'ils aient pris mon champ, j'ai pensé que je devais venir ici pour au moins avoir une parcelle où vivre."189 D'autres, dans la même préfecture de Cyangugu, durent remettre leurs terres à une autorité locale dont le grand-père en avait un jour été le propriétaire. Ils allèrent ensuite s'installer dans l'umudugudu.190 Un homme âgé de la commune de Cyimbogo décida, lui, de donner la presque totalité de ses terres à des rapatriés parce qu'il craignait que les autorités ne s'en prennent à son fils, qui s'était publiquement refusé à céder des terres aux anciens réfugiés.191

Dans certains cas, les rapatriés dont des proches étaient membres de l'Armée patriotique rwandaise (A.P.R) leur ont demandé de les aider à récupérer leurs terres. Selon un homme de Cyangugu, des rapatriés dont le grand-père possédait des terres dans la région ont intimidé son frère et l'ont forcé à leur abandonner ses terres, y compris celles sur lesquelles il cultivait du thé, une culture commerciale très rentable : "Ils sont venus à la maison avec des militaires de leur famille. Lesmilitaires avaient leurs armes et ont dit, 'Rendez-nous notre terre. Vous savez qu'elle est à nous.'"192

Des cas similaires ont été notés dans la préfecture de Ruhengeri, où des militaires de l'APR et des employés gouvernementaux ont forcé des cultivateurs à leur céder leurs terres où à les céder à des proches, tous des Tutsi qui avaient quitté le pays plusieurs décennies auparavant.193

Selon un résident de Cyangugu, certains anciens réfugiés ont exigé avec agressivité qu'on leur remette toutes les terres qui, selon eux, leur avaient un jour appartenu. Il est persuadé que le climat politique local les avait encouragés à adopter cette attitude agressive. Il raconte : "C'est l'histoire du vainqueur et du vaincu. C'est ça qui domine les relations. Vous avez parlé hier, nous parlons aujourd'hui. C'est pour cela qu'ils prennent les terres et disent qu'ils ne respecteront pas Arusha. Habyarimana a écrit cela et maintenant il est mort. Si vous osez remettre ça en question, alors ils considèrent que vous êtes subversif."194

Saisie de terres en vue de la création de grandes exploitations agricoles

La réorganisation du système de propriété foncière, dans le but de favoriser une agriculture "moderne", aux mains de "fermiers professionnels et capables", n'a pas encore été inscrite dans la législation. Malgré cela, des exploitations agricoles et pastorales de grande taille ont déjà été établies, ce qui a privé des centaines de petits fermiers des terres qui assuraient leur subsistance. Les autorités ont considéré que le regroupement des populations rurales était au c_ur de cette réforme des modes de production agricole, même si certaines grandes propriétés terriennes ont été mises en place indépendamment des imidugudu.

Les fermes de cinquante hectares ou plus que l'on trouve dans l'est ou le nord-est, une région au relief plat, couverte d'herbes et donc idéale pour l'élevage, sont appelés amarancha, de l'anglais ranch. D'autres fermes, elles aussi tournées principalement vers l'élevage, ont vu le jour dans la forêt de Gishwati, à Gisenyi (voir plus bas). Enfin, des exploitations qui se consacrent à l'agriculture commerciale et à l'élevage ont été créées dans des vallées et des terrains marécageux, sur l'ensemble du territoire. Un expert de la propriété foncière a ainsi noté que, dans certaines régions, la confiscation des terres avait commencé à ressembler au mouvement de clôture des terres qui avait vu le jour au 17ème et 18ème siècle en Grande-Bretagne.195

Selon des fonctionnaires du Ministère des terres, de la réinstallation et de la protection de l'environnement, l'établissement de telles exploitations se base sur des critères et une procédure précise. Les bénéficiaires ne peuvent recevoir que des terrains publics, en aucun cas des terrains appartenant à des personnes privées et ils doivent payer un loyer à l'état. Un fonctionnaire a cependant admis que certaines personnes avaient traité directement avec des autorités locales et, usant d'intimidation, avaient réussi à se voir confier les terres de certains propriétaires privés, forçant ainsi ceux-ci à aller cultiver ailleurs.196 Un fonctionnaire occupant un poste important au ministère, interrogé au sujet des saisies de terres par des officiers de l'armée, faisait le commentaire suivant : "Certains individus commettent ce genre d'acte. On ne peut pas changer la nature humaine. Mais il ne s'agit pas là de la politique du gouvernement."197

Un cas, dans la préfecture de Kibungo, a montré qu'il existait un lien entre la création des imidugudu et la constitution de grandes exploitations agricoles et pastorales. Cent soixante et une familles de la commune de Nyarubuye furent forcées d'abandonner leurs maisons et champs pour s'installer dans un umudugudu situé sur le territoire de la commune voisine. Leurs terres furent ensuite confiées à un officier de l'armée qui y fit paître son troupeau.198

Dans un autre cas, toujours à Kibungo, des résidents furent forcés de quitter les maisons qu'ils occupaient dans une région fertile lorsqu'elle fut déclarée "zone militaire", à une époque où les incursions en provenance de l'étranger étaient courantes. Par la suite, des officiers militaires s'approprièrent le terrain, y plantèrent des cultures commerciales et engagèrent comme ouvriers les anciens propriétaires des lieux. Dans certains cas, les militaires, peu présents sur leurs terres, allaient jusqu'à louer celles-ci à l'ancien propriétaire. Les menaces d'incursions sont aujourd'hui quasiment nulles, mais les terres n'ont toujours pas été rendues à leurs propriétaires ou occupants originaux.199

Selon les résidents de la commune de Rusumo, plusieurs terrains d'environ vingt hectares chacun furent confiés à des militaires ou des hommes d'affaire et commerçants fortunés.200

Dans la préfecture de Umutara, plusieurs grands amaranchas furent établis dans l'année qui suivit la création du nouveau gouvernement. Un cultivateur d'Umutara raconte :

Il y a un grand ranch avec du bétail, tout près d'ici. Le propriétaire est un major de l'armée. Il est devenu propriétaire après la fin de la guerre de 1994. Les champs appartenaient aux gens d'ici avant la guerre mais, quand nous sommes revenus en 1996, nous avons trouvé ce ranch. Nous n'avons rien reçu en échange de nos terres.201

Dans une commune de la préfecture de Byumba, une grande exploitation agricole aurait été établie pour celui qui était alors Président, Pasteur Bizimungu et une autorité locale. Un homme qui avait élevé du bétail sur une partie de ces terres déclara que les autorités communales n'avaient informé personne de cette décision. La nouvelle lui était parvenue par le biais de la rumeur populaire et avait ensuite été confirmée par l'installation d'une clôture de barbelés autour des champs. Une femme, qui avait cultivé une parcelle ensuite intégrée à la ferme, ne fut pas autorisée à continuer à la cultiver et dut emprunter un bout de terrain ailleurs, pour continuer à nourrir sa famille. En mars 2000, un autre dignitaire décida d'établir une grande exploitation dans la même région, sur des parcelles où l'on trouvait des habitations et des champs. Les propriétaires de ces maisons furent dépossédés de l'ensemble de leurs biens, sauf une toute petite parcelle.202

Début 2000, un officier s'appropriait une large bande de terre dans la vallée de Nyabugogo, à Butamwa (Kigali-rural), l'une des communes les plus pauvres du Rwanda. Il obligea les fermiers à s'installer ailleurs et à quitter les terres dont ils tiraient leur subsistance. Cette vallée est très humide et présente donc le grand avantage d'être cultivable pendant la saison sèche. L'officier aurait fait venir des détenus de la prison de Kigali pour qu'ils y sèment de l'herbe et aurait ensuite amené son troupeau sur place. Certaines autorités locales tentèrent de défendre les intérêts des cultivateurs, mais le bourgmestre céda lui aux exigences du militaire. La plupart des déplacés n'osèrent pas protester, mais lorsque l'un d'eux menaça d'impliquer la presse, ils reçurent un dédommagement symbolique.203

La presse s'est fait l'écho d'un cas où des officiers et hommes d'affaires ont reçu 152 hectares de terres, répartis sur deux communes de Byumba et qui étaient cultivés par environ 2 000 personnes. Dans un cas similaire, une entreprise sucrière fut autorisée à déplacer les fermiers qui cultivaient 163 hectares de terres, dans les communes de Runda et de Shyrongi (Gitarama et Kigali-rural). Lorsque les fermiers protestèrent, les autorités leur répondirent que les terres n'étaient pas à eux mais au gouvernement et qu'ils devaient donc se trouver des terres ailleurs ou travailler pour l'entreprise.204

Une enquête sur les imidugudu réalisée par le PNUD et le gouvernement rwandais a montré que, pour la préfecture d'Umutara, l'un des principaux problèmes était le manque de terres et "spécialement l'accès aux marais monopolisés par les propriétaires de fermes."205

Recours possibles pour les dépossédés

Traditionnellement, les Rwandais ont toujours réglé leurs différends en demandant l'arbitrage de l'autorité administrative locale, en recourant à un système coutumier de résolution des conflits appelé gacaca ou en saisissant les tribunaux. Lorsque le gouvernement imposa la réorganisation rurale, il ne précisa pas quels étaient les recours possibles pour ceux qui souhaiteraient défendre leurs droits. Peu de propriétaires ont donc cherché et obtenu l'aide des mécanismes existants.

Étant donné que c'était précisément les autorités administratives qui se chargeaient des expropriations permettant d'établir les imidugudu ou de redistribuer des terres aux rapatriés tutsi, la plupart des personnes dépossédées évitèrent de leur soumettre leurs griefs. Un cultivateur de Ruhengeri, dont les terres avaient été saisies pour y établir un umudugudu et qui, six mois plus tard, n'avait toujours pas reçu la moindre indemnisation, raconte : "Bien sûr, je connais les deux familles qui habitent sur ma terre. Je ne leur ai pas demandé de me donner quoi que ce soit. J'attends que l'état le fasse. Ils connaissent mon problème et ne m'ont rien offert."206 Plusieurs personnes insatisfaites, à qui on demandait si elles s'étaient plaintes auprès des autorités locales, sourirent à cette idée. Une femme âgée qui affirmait avoir été dépossédée injustement de ses champs fit le commentaire suivant : "Nous savons que ce qu'on nous a fait n'est pas légal, mais nous n'avons rien à dire. Nous devons l'accepter."207 Une personne tenta d'aider les propriétaires dépossédés de leurs champs en demandant aux autorités de trouver des terres pour eux, mais sans succès. "Nous demandons à la commune d'agir, de donner un terrain à la personne," déclara-t-il. "Mais la réponse est toujours négative. La personne qui perd est celle qui vivait là où l'umudugudu est établi."208

Dans quelques cas, les autorités mirent sur pied des commissions de résidents afin de résoudre les problèmes, surtout quand le nombre de personnes concernées était élevé ou lorsque le litige portait sur des surfaces importantes. Ce type d'initiative avait pour but d'arriver à une résolution communale des conflits, une idée qui est à la base de la gacaca. Cependant, la participation des autorités locales aux débats priva souvent ces commissions de toute autonomie.

Peu de propriétaires firent appel aux tribunaux pour tenter de récupérer leurs terres. Le gouvernement rwandais a consacré quasiment l'ensemble du budget de la justice au jugement des coupables de génocide. Plus de 100 000 inculpés attendent encore leur jugement et les ressources disponibles pour des litiges fonciers sont maigres. L'inexpérience des juges, pour la plupart très jeunes et peu formés, et les rumeurs de corruption et de subjectivité politique qui circulent à leur sujet ont découragé beaucoup de victimes. De plus, beaucoup de juges sont des Tutsi et les Hutu pensent souvent que leur affaire ne sera pas jugée de manière objective.

Dans certains cas, ceux qui ont fait intervenir les autorités administratives ou judiciaires ont obtenu gain de cause. Leur nombre a cependant été limité et les raisons de leur succès n'ont pas été suffisamment claires pour encourager d'autres à les imiter.209

A la mi-2000, les autorités rwandaises intensifiaient les efforts visant à faire partir les rapatriés tutsi des propriétés qui, avant 1994, appartenaient à des Hutu, mais elles s'intéressaient surtout aux cas d'occupation illégale de maisons et de terres par des personnes qui n'en avaient jamais été propriétaires. Dans les cas où des rapatriés tutsi réclamèrent que leur soient rendues des terres dont ils affirmaient qu'elles appartenaient à leur famille ou à eux-mêmes avant qu'ils ne quittent le Rwanda, il y a cinquante ans, le gouvernement n'a pas adopté une position publique cohérente. En mai 2000, le gouvernement déclarait publiquement que les rapatriés tutsi avaient le droit de réclamer les biens dont ils avaient été les propriétaires et que le gouvernement devait, si on lui demandait d'intervenir en ce sens, agir pour qu'ils récupèrent effectivement ce qui était à eux.210 A plus ou moins la même époque, un magistrat affirmait avoir reçu, à l'instar de ses collègues, des instructions en ce sens.211 Cependant, un document rendu public en juillet 2000 par le Ministère des terres, de la réinstallation et de la protection de l'environnement préconisait l'inverse, affirmant que "les personnes qui ont passé dix ans ou plus hors du pays ne peuvent pas réclamer que leur soient rendus les biens qu'ils possédaient avant leur départ."212

Étant donné l'absence de directives législatives en la matière, les décisions prises par les autorités ou les tribunaux furent souvent vues comme arbitraires et laissèrent généralement à celui qui avait perdu l'impression d'avoir été trompé et par les autorités et par son adversaire.213 Un projet de document sur la politique foncière, diffusé par les fonctionnaires en novembre 2000, appelait le "gouvernement et l'Assemblée Nationale à trancher et dégager une interprétation univoque" de l'article 4 des Accords d'Arusha, qui porte sur la récupération de leurs biens par des rapatriés ayant quitté le pays, plus de dix ans auparavant.214

Effet de la perte de leurs terres sur les cultivateurs

Ceux qui ont perdu tout ou partie de leurs terres et ne peuvent plus nourrir leur famille survivent en cultivant de petites parcelles qu'on leur prête ou qu'ils louent, ou en travaillant sur la terre d'autres propriétaires, en échange d'un salaire ou du droit de cultiver, pour eux-mêmes, un petit bout de terrain.

Une mission récente du Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires de l'ONU a conclu que les résidents des imidugudu de la région de Bugesera souffraient davantage du manque de nourriture que d'autres, parce qu'ils ne pouvaient accéder facilement aux champs. Ces résidents vivent dans des conditions similaires à celles existant dans les camps de réfugiés et dépendent de l'aide alimentaire pour survivre. La mission de l'ONU estimait également que cette situation risquait de se prolonger pendant au moins dix ans.215 Un expert agricole arrivait, lui, à une conclusion similaire, mais moins tranchée, et affirmait que la production alimentaire avait décliné "parce que les paysans ne sont pas habitués à ce type d'organisation foncière."216

A la mi-septembre 2000, l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) lançait un appel en faveur d'un accroissement de l'aide alimentaire au Rwanda. Le texte affirmait que la pénurie alimentaire était en partie due à la sécheresse, mais mentionnait également que les résidents des imidugudu étaient "particulièrement vulnérables au manque de nourriture."217

Certains des cultivateurs dont les champs ont été saisis par les autorités ou avec leur permission affirment que personne ne les cultive. Les terres sont utilisées pour faire paître du bétail ou sont considérées comme des investissements. Le fait que certaines terres aient aujourd'hui cessé d'être cultivées peut expliquer, en partie, la pénurie alimentaire mentionnée plus haut.

Opposition à l'Expropriation

Ceux qui ont perdu leurs terres, que ce soit à cause de l'établissement des imidugudu, en "partageant" avec les rapatriés ou parce que de grandes exploitations étaient créées, ont souvent enduré des souffrances terribles, sans oser protester. Un observateur remarquait : "Les gens se taisent, mais au fond d'eux-mêmes la colère brûle." Un cultivateur de Ruhengeri déclarait : "Perdre mes terres a été quelque chose de très grave, mais je n'avais pas d'autre choix que de l'accepter."218

Dans quelques cas, les propriétaires ont résisté. Face à ce genre de situation, les autorités locales ont généralement appelé à la rescousse le bourgmestre ou le préfet, qui ordonnaient à la personne récalcitrante de céder ses terres. Parfois, cependant, les choses allaient plus loin et on punissait le coupable, comme ce fut le cas à Gisenyi, où deux hommes furent emprisonnés début 2000.219 Dans la préfecture de Kibungo, une femme passa au moins un mois au cachot pour avoir refusé la division de ses terres. Un homme fut emprisonné pendant plus de 14 mois pour avoir coupé les bananiers qui poussaient sur le terrain qu'il devait donner à un autre.220 Une femme âgée de Kigali-rural passa, elle, trois jours en prison parce qu'elle se plaignait de devoir céder la plupart de ses terres à des rapatriés. Dans la même préfecture, d'autres personnes auraient, elles, été mises en prison pour avoir cultivé des terres qui ne leur appartenaient plus.221

Après la fuite de Kibungo en Tanzanie de milliers de personnes, d'avril à août 2000, le Président Kagame se rendit sur place pour écouter les griefs des résidents. Encouragés à s'exprimer avec franchise, ils se plaignirent de la perte de leurs terres et des dégâts occasionnés dans leurs champs par les troupeaux des éleveurs. Kagame reprocha aux autorités locales d'avoir permis de tels abus. Au cours des semaines qui suivirent, plusieurs bourgmestres de la région et le préfet furent remplacés. On ne sait pas encore si ces remplacements vont contribuer à réduire le nombre d'abus, mais la visite de Kagame et les changements qui en ont résulté semblent avoir au moins provoqué un débat sur la question du logement et de la terre et encouragé certaines personnes se sentant flouées à chercher justice.222

137 République Rwandaise, Ministère des Travaux Publics, Politique nationale de l'habitat, décembre 1996, p. 20.

138 Anonyme, 'Imidugudu," p. 4. Voir également pp. 9-11.

139 Procès-verbal, réunion des diplomates consacrée aux politiques de logement, 12 février 1997, pp. 2, 4.

140 République du Rwanda, Ministère des Terres, de la Réinstallation et de la Protection de l'Environnement, Position on the Discussion Note, January 11, 2000, p. 2.

141 Anonyme, 'Imidugudu," p. 9.

142 République du Rwanda, Instruction ... Relative à l'Entraide Mutuelle, article 4 (a), p. 3 ; Nkusi, "Problématique du Régime foncier," p. 31.

143 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 18 décembre 1999.

144 Gouvernement du Rwanda, Projet de document sur la politique foncière, distribué lors de la réunion Landnet du 2 novembre 2000.

145 Pour une description générale, voir Ephrem Gasasira, "Régime Foncier et Droit de la Propriété, (République Rwandaise, Ministère de la Justice, 1996) ; William Schabas et Martin Imbleau, Introduction to Rwandan Law (Québec: Les Éditions Yvon Blais, 1997) ; et Christopher Harland, "Introduction to Land Law in Rwanda," (Butare : Université Nationale du Rwanda, 1998).

146 Dans certains cas, ceux qui défrichaient la forêt dédommageaient les chasseurs et cueilleurs qui y vivaient.

147 Le soulèvement mené par Ndungutsee en 1912 fut une réponse aux tentatives de certains agents de la cour de s'assurer le contrôle des terres. Voir Alison L. Des Forges, "The Drum Is Greater than the Shout: the 1912 rebellion in northern Rwanda," dans Donald Crummey, éd., Banditry, Rebellion and Social Protest in Africa (Portsmouth: Heinemann, 1986).

148 Décret-Loi 530/1 du 26 mai 1961.

149 En 1927, la Belgique amendait le Livre II du Code Civil en y introduisant diverses dispositions légales relatives au droit de propriété, basées sur celles mises en _uvre au Congo belge. Schabas et Imbleau, Introduction to Rwandan Law, p. 95.

150 Décret-Loi 09/76 du 4 mars 1976.

151 La Politique nationale de l'habitat, adoptée le 13 décembre 1996, spécifie à la Section III, p. 6, qu'il existe deux types d'expropriations, celle réalisée dans l'intérêt public et celle réalisée "pour utilité des particuliers". En réalité, le droit rwandais ne prévoit et ne reconnaît pas ce deuxième type d'expropriation.

152 Décret-loi 21/79, 23 juillet 1979, article 19.

153 ADL, Étude, p. 36.

154 ONU. Conseil Économique et Social. Commission des droits de l'homme. "Rapport ... par le Représentant Spécial M. Michel Moussalli," p. 32.

155 RISD, "Land Use," paragraphe 3.4.1.

156 Hilhorst et van Leeuwen, "Villagisation in Rwanda," p. 46.

157 Protocole d'Accord, article 3.

158 République Rwandaise, Ministère de la Réhabilitation et de la Réinsertion Sociale, Problèmes du Rapatriement et de la Réinstallation des Réfugiés Rwandais - Proposition de Solutions, décembre 1994, cité dans Anonyme, "Imidugudu," document de travail, pp. 7-8.

159 République Rwandaise, Ministère des Travaux Publics, Politique nationale de l'habitat, décembre 1996, pp. 6-8, 10-11, 22.

160 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 15 mars et 23 octobre 2000.

161 Human Rights Watch, entretiens, Rutonde et Muhazi, Kibungo, 15 avril 1999.

162 Human Rights Watch, entretien, Umutara, 16 mars 2000.

163 Human Rights Watch, entretien, Umutara, 16 mars 2000.

164 Human Rights Watch, entretiens, Rutonde et Muhazi, Kibungo, 15 avril 1999.

165 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 10 décembre 1999.

166 Human Rights Watch, entretien, Muhazi, 30 novembre 1999.

167 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 19 mai 2000. Voir également RISD, "Land Use," paragraphe 4.

168 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 27 octobre 2000.

169 Human Rights Watch, entretiens, New York, 4 février 2000 ; Nyarubuye et Rusumo, Kibungo, 30 octobre 2000 ; Hilhorst et van Leeuwen, "Villagisation in Rwanda," p. 32-33.

170 Human Rights Watch, entretien, Umutara, 16 mars 2000.

171 Human Rights Watch, entretiens, Kigali, 9 juin 2000 ; Rusumo, Kibungo, 29 octobre 2000 et Nyarubuye, Kibungo, 30 octobre 2000 ; Hilhorst et van Leeuwen, "Villagisation in Rwanda," p. 32-33.

172 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 1er novembre 2000.

173 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 7 octobre 2000. Gacaca, terme désignant à l'origine la pratique consistant à faire resoudre les conflits par la communauté, désigne aujourd'hui le système de justice populaire mis en place par le gouvernement rwandais pour poursuivre les individus accusés de génocide.

174 La reconnaissance du droit de propriété des anciens réfugiés, inscrite aux Accords d'Arusha, contraste fortement avec la position adoptée par l'ancien gouvernement rwandais qui, par le biais du décret présidentiel N° 25/01 du 26 février 1966, interdisait aux rapatriés de demander que leur soient rendues les terres qu'ils utilisaient ou habitaient si elles étaient occupées par d'autres. La position adoptée par le gouvernement actuel, au cours des premières années, n'a cependant pas différé beaucoup de celle que préconisait le gouvernement pendant les années 1960s.

175 Ephrem Gasasira, "Rwanda, La Question Foncière après la Guerre," République Rwandaise, MINAGRI/PNUD [avril 1995], p.16. Nkusi affirme que le fait de respecter la "recommandation" des parties aux Accords d'Arusha équivaut à être exproprié, "Problématique du Régime foncier," p. 16.

176 République du Rwanda, Décret Ministériel N° 01/96 du 23 septembre 1996 relatif à la gestion temporaire des biens immobiliers.

177 Ibidem.

178 Ibidem. Un addendum, "Reasons for This Order," suggérait que le décret devait être porté à l'attention des réfugiés vivant dans des camps situés hors du pays, p. 5, Anonyme, "Imidugudu," projet de document de travail, p. 11.

179 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 27 mai 2000.

180 Human Rights Watch, entretien, Musambira, Gitarama, 1er août 2000.

181 Human Rights Watch, entretien, Rusumo, Kibungo, 23 juin 2000.

182 Human Rights Watch, entretiens, Rutonde et Muhazi, Kibungo, 15 avril 1999.

183 Human Rights Watch, entretiens, Nyarubuye, Kibungo, 30 octobre 2000.

184 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 27 mai 2000.

185 Ibidem.

186 Human Rights Watch, "Rwanda : De la recherche de la sécurité aux abus des droits de l'homme," Human Rights Watch Short Report, avril 2000, vol. 12, N° 1 (A), p. 22.

187 Human Rights Watch, entretiens, Cyimbogo, Cyangugu, 16 mai et Cyangugu, 17 mai 2000.

188 Human Rights Watch, entretien, Cyangugu, 16 mai 2000.

189 Human Rights Watch, entretien, Cyimbogo, Cyangugu, 16 mai 2000.

190 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 6 novembre 2000.

191 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 19 mai 2000.

192 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 6 novembre 2000.

193 Human Rights Watch, "Rwanda : De la recherche de la sécurité aux abus des droits de l'homme," p. 21.

194 Human Rights Watch, Kigali, 19 mai 2000. Habyarimana est le nom de l'ancien Président, Juvénal Habyarimana, qui a signé les accords pour le gouvernement rwandais.

195 Nkusi, "Problématique du Régime Foncier," p. 26.

196 Human Rights Watch, entretiens, Kigali, 15 mars 2000.

197 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 23 octobre 2000.

198 Laurent et Bugnion, "External Evaluation of the UNHCR Shelter Program," pp. 44, 96.

199 Hilhorst et van Leeuwen, "Villagisation in Rwanda," p. 40-41.

200 Human Rights Watch, entretiens, Rusumo, Kibungo, 30 octobre 2000.

201 Human Rights Watch, entretien, Umutara, 16 mars 2000.

202 Human Rights Watch, entretiens, Kigali et Byumba.

203 Human Rights Watch, entretiens, Kigali, 21 et 27 juin 2000.

204 Shyaka Kanuma, "Land Wrangle Displaces 2000 in Byumba," Rwanda Newsline, 14-27 février 2000 ; Victor Visathan, "Squatters on Kabuye Sugar Works Land Told to Quit," The New Times, 7-13 juin 1999 ; Journal de Radio Rwanda, 12 décembre 2000.

205 PNUD, Rapport, p. 24.

206 Human Rights Watch, entretien, Ruhengeri, 18 novembre 1999.

207 Human Rights Watch, entretien, Cyimbogo, Cyangugu, 16 mai 2000.

208 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 10 décembre 1999.

209 Human Rights Watch, entretien, Gisuma, Cyangugu, 16 mai 2000 ; affaires apparaissant dans la correspondance échangée par le préfet de Kigali-rural avec plusieurs bourgmestres, 1997-2000 ; Human Rights Watch, entretien, Kigali, 23 octobre 2000.

210 Gouvernement du Rwanda, réponse au Rapport de Human Rights Watch, "Rwanda : De la recherche de la sécurité aux abus des droits de l'homme," mai 2000, site internet, http/www.rwanda1.com/government/HRW/responce.htm [faute d'orthographe dans l'adresse originale].

211 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 19 mai 2000.

212 Gouvernement du Rwanda, "Thematic Consultation," p. 12.

213 Hilhorst et van Leeuwen, "Villagisation in Rwanda," p. 44.

214 Gouvernement du Rwanda, Projet de document sur la politique foncière, p. 17.

215 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 9 août 2000 ; CCA Working Paper, p. 13.

216 Nkusi, "Problématique du Régime foncier," p. 32.

217 ONU, Regional Integrated Information Network (IRIN), IRIN-CEA bulletin 1,1018, 25 septembre 2000.

218 Human Rights Watch, entretien, Ruhengeri, 18 novembre 1999.

219 Human Rights Watch, entretien, Gisenyi, 4 mars 2000.

220 Human Rights Watch, entretiens, 2 et 6 novembre 2000.

221 Human Rights Watch, entretiens, Kigali, 27 octobre et 2 novembre 2000.

222 Human Rights Watch, entretien, Kigali, 26 octobre 2000.

Previous PageTable Of ContentsNext Page