Africa - West

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CONTEXTE LEGAL

Droit kenyan

Le VIH/SIDA n'est pas mentionné dans le droit kenyan ailleurs que dans les statuts en matière de santé publique où il est décrété être une maladie à déclarer - c'est à dire que les services de santé doivent rapporter aux autorités de santé publique tous les cas qu'ils rencontrent. (Dans la plupart des pays en développement où le VIH/SIDA est soumis à l'obligation de déclaration, on estime qu'un nombre important de cas ne sont pas déclarés et le Kenya ne fait pas exception à cette tendance.)179

La constitution du Kenya protège de façon générale contre la discrimination sur la base de "la race, de l'ethnie, du lieu d'origine ou de résidence ou d'autre connexion locale, des opinions politiques, de la couleur de la peau, des croyances ou du sexe."180 Bien que la discrimination liée au VIH/SIDA ne soit pas explicitement mentionnée, les avocats qui ont travaillé sur les protections légales pour les personnes atteintes du SIDA, au Kenya, pensent que la constitution protège contre cette discrimination. Ils notent cependant que de tels cas de discrimination sont peu susceptibles d'arriver devant les tribunaux kenyans à cause de la réprobation toujours associée à la maladie.181

La plupart des lois traitant de la protection des droits de l'enfant au Kenya datent d'une période bien antérieure à celle qui a vu le développement de la Convention relative aux droits de l'enfant ou celui de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant de 1990. L'Acte relatif aux enfants et jeunes de 1964 établit des sanctions légales pour toute personne ayant la charge "d'un enfant ou d'un adolescent" - à savoir un enfant jusqu'à seize ans :

Qui...intentionnellement agresse, maltraite, néglige, abandonne ou expose ou cause ou permet [à cet enfant ou adolescent] d'être agressé, maltraité, négligé, abandonné ou exposé, de quelque manière susceptible de lui causer des souffrances inutiles ou des atteintes à sa santé (dont des atteintes à ou des pertes de la vue, de l'ouie, d'un membre ou d'un organe du corps et tout dérangement mental) ; ou par tout acte d'omission qui sciemment ou délibérément conduit cet enfant ou adolescent à nécessiter, immédiatement ou progressivement, protection et discipline (Section 23).

En plus de cette provision, l'Acte sur les enfants et les jeunes se concentre sur le traitement des enfants en conflit avec la loi et non pas sur ceux nécessitant soins et protection.

Il y a relativement peu de dispositions, dans le droit kenyan, explicitement destinées à assurer la protection des orphelins, peut-être parce que le droit actuel a été rédigé avant l'explosion du nombre des orphelins au cours de la dernière décennie. La Loi sur l'Acte de succession (Law of Succession Act) de 1981 détaille des procédures pour que des enfants survivants à leurs parents, avec ou sans la présence d'un parent survivant, puissent hériter de biens. La section 26 prévoit que des enfants dépendants ou que quelqu'un agissant en leur nom ont le droit de se tourner vers le tribunal pour demander révision des cas dans lesquels "une provision raisonnable" n'a pas été envisagée pour ces enfants. Cette loi souligne aussi la nécessité d'assurer l'administration des biens d'un enfant survivant à ses parents jusqu'à ce que ce dernier atteigne l'âge de dix-huit ans. Cet administrateur devrait être "nommé par une cour ayant compétence à cet égard."182

Le Children Bill de 2000, ultérieurement intitulé le Children Bill 2001 après seconde lecture était censé, selon la déclaration d'introduction, refléter la totalité des protections offertes par la Convention relative aux droits de l'enfant.183 Le projet de loi était inscrit au calendrier du Parlement kenyan après des audiences en juin 2001. Il conserve un accent particulier mis sur les questions liées aux enfants en conflit avec la loi mais suggère de considérer de façon beaucoup plus élargie la "protection et les soins" des enfants plus généralement, y compris des enfants ayant besoin d'être placés. Les sections évoquant de façon explicite le droit aux soins de santé, à l'enseignement, à une protection contre le travail des enfants et les conflits armés, à la protection contre les rites culturels nuisibles et à la protection contre les agressions et l'exploitation sexuelles sont autant d'éléments novateurs dans le droit kenyan.184

Droit international

Le Kenya a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant en 1990 et a récemment remis son premier rapport de suivi après un délai de sept ans.185 Le Kenya a également ratifié l'ICCPR, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Directives et déclarations des organes des Nations Unies relatifs aux droits humains concernant le VIH/SIDA

Il n'existe pas de loi internationale relative aux droits humains traitant explicitement du VIH/SIDA. Les Articles 2 et 26 du Pacte international sur les droits civils et politiques et l'Article 2 de la Convention relative aux droits de l'enfant prévoient tous une protection contre la discrimination motivée par la race, la couleur de peau, le sexe et d'autres caractéristiques explicites "ou un autre statut". Dans ses examens des rapports nationaux, le Comité relatif aux droits de l'enfant a reconnu les enfants affectés par le VIH/SIDA et les enfants de parents atteints par le VIH/SIDA parmi les catégories d'enfants couvertes par les protections contre la discrimination, selon l'Article 2 de la convention.186 A sa cinquante-troisième réunion en 1995, la Commission des Nations Unies sur les Droits de l'Homme a conclu que "la discrimination sur la base du statut par rapport au SIDA ou au VIH, actuel ou présumé, est interdite par les normes internationales existant en matière de droits humains" dans la mesure où le terme "ou autre statut" utilisé dans les instruments internationaux relatifs aux droits humains (y compris l'ICCPR et la Convention relative aux droits de l'enfant) "peut être interprété comme couvrant le statut par rapport à la santé, notamment le VIH/SIDA."187

En 1998, le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme et le programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) ont publié "VIH/SIDA et droits humains : directives internationales". Ce document qui n'a pas force de loi internationale mais qui fournit de nombreuses suggestions concrètes aux gouvernements qui veulent incorporer, dans leur droit national et les politiques de leur pays, des protections sur les droits humains en matière de VIH/SIDA.188 La Commission des Droits de l'Homme et d'autres institutions des Nations Unies sur les droits humains ont accordé un poids considérable aux Directives internationales. Les directives couvrent la discrimination de façon détaillée ainsi que les questions liées à la confidentialité dans les tests VIH et l'information du partenaire ainsi que les lois pénales sur le VIH/SIDA. La directive 8 qui définit les protections pour les femmes et les enfants, insiste sur la protection des enfants contre le dépistage automatique, la discrimination et l'abandon ainsi que le droit des enfants à accéder à une information sur le VIH/SIDA et à des moyens de prévention de la contamination par le VIH. Les directives reconnaissent explicitement que l'amélioration du statut social des femmes est une condition nécessaire à la protection des droits des femmes et des enfants relativement au VIH/SIDA. Ceci fait écho à une déclaration de la Commission des droits de l'homme en date de 1995 appelant les états à "avancer le statut légal, économique et social des femmes, des enfants et des groupes vulnérables... afin de les rendre moins vulnérables au risque de la contamination par le VIH."189

Le lien entre VIH/SIDA et droits humains des enfants a été mis en avant dans d'autres déclarations des organes des Nations Unies traitant des droits humains (en référence à tous les pays et non seulement au Kenya). Le commentaire général sur le droit à l'enseignement fait par le Comité relatif aux droits de l'enfant fait remarquer que "les enfants atteints par le VIH/SIDA souffrent aussi d'une forte discrimination dans les deux formules [enseignement formel et non formel]". Ce commentaire estime que cette discrimination est en violation de l'Article 29 de la CRC.190 Le Comité a également produit une série de recommandations basées sur le thème de cette discussion d'un jour sur le VIH/SIDA et les enfants, lors de sa 19ème session, en 1998. Parmi ces recommandations, figurent celle que "l'accès à l'information comme droit fondamental de l'enfant devrait devenir un élément clé des stratégies de prévention du VIH/SIDA," et qu'une attention doit être portée de façon urgente aux "façons dont la discrimination sur la base du sexe expose les filles à des risques plus importants en matière de VIH/SIDA."191

Droit international sur les questions de protection de l'enfant

La protection des enfants, en particulier des orphelins et des enfants vulnérables, est explicitement évoquée dans un certain nombre d'instruments relatifs aux droits humains. L'Article 24 de l'ICCPR assure à l'enfant le droit "aux mesures de protection qu'exige sa condition de mineur". L'Article 20 de la Convention relative aux droits de l'enfant assure "protection et aide spéciales" à tout enfant "temporairement ou définitivement privé de son milieu familial," y compris "une protection de remplacement pour cet enfant". Un "placement dans un établissement pour enfants approprié" est une possibilité offerte par l'Article 20. La protection de tous les enfants contre "toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle" est garantie par l'Article 19.

Instruments africains relatifs aux droits humains

La formulation de la Charte africaine relative aux droits des hommes et des peuples a été adoptée avant l'époque du SIDA puisqu'elle a été rédigée à la fin des années 70. La Charte africaine des droits et du bien être de l'enfant, entrée en vigueur en novembre 1999, ne mentionne pas explicitement le SIDA. Elle contient de nombreuses protections contenues dans la Convention relative aux droits de l'enfant. Lorsque la convention fait référence à un enfant "temporairement ou définitivement privé de son milieu familial", la charte fait référence à un "enfant sans parent ou qui est ... privé de son milieu familial," mais les protections envisagées sont par ailleurs similaires.192 L'Article 16 de la charte fait référence à la protection des enfants contre "toute forme de torture, de traitement inhumain ou dégradant et particulièrement toute forme d'atteintes ou de brutalités physiques ou mentales, négligence ou mauvais traitements y compris la violence sexuelle." Ces deux chartes africaines contiennent des dispositions contre la discrimination dans des formulations similaires à celles des instruments internationaux.193

Le Kenya a ratifié la Charte africaine sur les droits et la protection de l'enfant en juillet 2000 et a ratifié la Charte africaine relative aux droits des hommes et des peuples en 1992.194

179 ONUSIDA, "Epidemiological Fact Sheet on HIV/AIDS and Sexually Transmitted Infections - Kenya"

180 Constitution du Kenya, édition révisée, 1998, chapitre V, section 82.

181 Par exemple, entretien conduit par Human Rights Watch avec Ambrose D.O. Rachier, 26 février 2001.

182 Law of Succession Act, subsidiary rules section 32.

183 Children Bill, Kenya Gazette Supplement No. 18 (Bills No. 4), mars 2001, p. 146 (introduction du projet de loi).

184 Ibid., part II.

185 Premier rapport par pays soumis par le Kenya concernant la mise en application de la CRC.

186 Hodgkin et Newell, Implementation Handbook for the Convention on the Rights of the Child,
p.28.

187 Commission des droits de l'homme, "The Protection of Human Rights in the Context of Human Immunodeficiency Virus (HIV) and Acquired Immune Deficiency Syndrome (AIDS)" (Résolution 1995/44 adoptée sans vote, 3 mars 1995.

188 Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et Programme conjoint des Nations unies sur le VIH/SIDA, "HIVAIDS and Human Rights - International Guidelines" (Seconde consultation internationale sur le VIH/SIDA et les droits humains, 23-25 septembre 1996, Genève), U.N. Doc. HR/PUB/98/1, Genève, 1998.

189 Commission des Droits de l'Homme, Résolution 1995/44, p.2.

190 Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, Comité relatif aux droits de l'enfant, discussion générale sur "Children living in a world with HIV/AIDS", 21 septembre - 9 octobre 1998.

191 Ibid., p.9.

192 Charte africaine des droits et du bien être de l'enfant, arts. 25(2) et 16, Doc. OUA, CAM/LEG/24.9/49, 1990. Articles 25(2) et 16.

193 Ibid., Article 3, et Charte africaine sur les droits des hommes et des peuples, Art. 2, Doc. OUA, CAB/LEG/67/3 rev.5, 21 I.L.M.58, 1982.

194 Voir les informations sur la ratification postées sur le site de la Bibliothèque des droits humains de l'Université du Minnesota (University of Minnesota Human Rights Library Web site) http://www1.umn.edu/humanrts/instree/ratz1afchr.htm ; fac-similé du message de Ben Kioko, avocat conseil par intérim à l'Organisation de l'Unité Africaine, à la Division Droits de l'enfant de Human Rights Watch, 22 septembre 2000 (OUA ref. No. CAB/LEG/24.9/113/vol.III).

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