Africa - West

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APPENDICE

RÉPONSE DU P.N.U.D. AU RAPPORT DE  HUMAN RIGHTS WATCH

Monsieur Takirambudde,

Nous avons bien relu les chapitres du rapport provisoire de Human Rights Watch intitulé "Histoire d'un abandon: le Programme du P.N.U.D. pour les personnes déplacées au Kenya." Je souhaiterais vivement vous rencontrer personnellement afin de discuter plus avant de ce rapport; je suis en effet convaincu qu'une évaluation objective du Programme pour les Personnes Déplacées au Kenya peut s'avérer précieuse, tant pour le P.N.U.D. que pour Human Rights Watch. Mon bureau vous contactera donc afin de convenir d'un rendez-vous.

Entre-temps, afin de respecter les délais de remise des commentaires relatifs au rapport, vous trouverez en annexe de cette lettre un document qui résume la position du P.N.U.D. face aux assertions et remarques erronées relevées dans le rapport provisoire. J'ose espérer que vous tiendrez compte de ces remarques lors de la rédaction du rapport définitif étant donné que la version actuelle contient, à notre sens, des inexactitudes majeures. Permettez-moi également de souligner qu'un certain nombre de personnes connaissant parfaitement le programme appliqué au Kenya n'ont pas été consultées par H.R.W. lors de la préparation du rapport; nous serions très heureux de vous donner les noms de plusieurs personnes avec lesquelles vous pourriez prendre contact en vue de compléter votre jugement.

Le P.N.U.D. ne prétend pas que le Programme pour les Personnes Déplacées au Kenya était dépourvu de défauts. Nous reconnaissons que certains aspects auraient pu faire l'objet d'une meilleure approche. Nous tirerons donc les leçons qui s'imposent afin d'améliorer les programmes similaires que nous serons appelés à mettre en œuvre.

Cependant, en ce qui concerne les jugements émis par H.R.W. sur le Programme pour les Personnes Déplacées au Kenya et le rôle du P.N.U.D. dans son financement et sa coordination, nous vous demandons de ne pas oublier que ce programme a aidé des milliers de Kényans à regagner leurs terres et leur maison. Ils en auraient été incapables sans l'aide de ce programme et sans l'intervention du Coordonnateur Résident de l'O.N.U., Monsieur David Whaley.

Les commentaires que vous trouverez en annexe s'attachent à rectifier la plupart des affirmations que nous considérons erronées. L'essentiel à nos yeux est que H.R.W. prenne en considération la complexité du contexte social et politique dans lequel le programme du P.N.U.D. a été développé et mis en œuvre, ainsi que les résultats obtenus:

  • l'O.N.U. était confrontée à un grave problème humanitaire dans la vallée du Rift, problème à l'origine d'une souffrance et d'une misère infinies;
  • par le biais de l'équipe locale de gestion inter-agences des sinistres, le P.N.U.D. tenta de remédier à cette situation. S'il n'avait pas agi de la sorte, nombre de personnes--si pas la majorité d'entre elles--vivraient toujours dans des camps de fortune. Or, des milliers de personnes déplacées ont pu regagner leur foyer;
  • les programmes organisant le retour des personnes déplacées n'auraient pu être lancés ou menés efficacement sans l'implication et la coopération actives du gouvernement kényan;
  • à l'époque, le climat était extrêmement pesant au Kenya, exacerbant les tensions ethniques; le pays tout entier était plongé dans un problème complexe aux causes non moins complexes (incluant le manque de terres, la surpopulation et les querelles relatives à l'utilisation des terres);
  • le P.N.U.D., ainsi que les autres agences et O.N.G. présentes sur place devaient donc travailler dans un environnement politique difficile et extrêmement tendu. Tous firent de leur mieux afin d'éviter les nombreux écueils s'opposant au retour des personnes déplacées. Il est malheureusement rare de pouvoir emprunter une ligne droite sur un chemin parsemé d'embûches.

Comme je l'ai déjà affirmé précédemment, mon souhait le plus vif est que le P.N.U.D. tire les leçons de cette expérience. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'organiser une réunion P.N.U.D./H.R.W. afin de nous pencher ensemble sur les enseignements du programme mis en œuvre au Kenya. A mon sens, cette approche serait plus constructive qu'un échange épistolaire prolongé et amer sur le contenu de votre rapport.

Dans l'attente de vous rencontrer afin de poursuivre notre dialogue, je vous prie d'agréer, Monsieur Takirambudde, l'expression de mes sentiments distingués.


 

James Gustave Speth

REPONSE DU P.N.U.D.

AU

RAPPORT DE HUMAN RIGHTS WATCH

HISTOIRE D'UN ABANDON:

LE PROGRAMME DU P.N.U.D. POUR LES PERSONNES DEPLACEES AU KENYA


PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT

Avril 1997

Les commentaires suivants ne tendent pas à nier ou à réfuter l'ensemble des faits exposés dans le rapport provisoire de H.R.W. Le P.N.U.D. a en effet voulu se concentrer sur les points clés pour lesquels il considère que de graves erreurs de fait ou d'interprétation ont été commises par les auteurs dudit rapport.

1. Origines du Programme G.D.K.-O.N.U.

En mars-avril 1993, l'Unité de gestions des sinistres de l'O.N.U présente au Kenya reçut des rapports faisant état de persécutions continues à l'égard des populations déplacées dans la vallée du Rift à la suite d'affrontements ethniques. Le gouvernement persistait néanmoins à nier l'existence de problèmes majeurs. L'équipe de l'O.N.U. voulut vérifier si l'expérience précédemment acquise dans le cadre du programme d'aide aux victimes de la sécheresse pouvait être exploitée afin de rechercher des solutions à la violence ethnique dans la vallée du Rift. L'Unité de gestions des sinistres espérait pouvoir compter sur la bonne volonté, la méthodologie et l'esprit d'équipe des administrations locales, des O.N.G., des groupes locaux et des bailleurs de fonds qui avaient été développés lors du programme d'aide aux victimes de la sécheresse.

L'équipe de l'O.N.U. annonça au gouvernement qu'ils entreprendraient une visite commune dans les régions touchées par les troubles. Le gouvernement accepta et n'entrava aucunement le travail de l'équipe, qui mena sa visite à bien et discuta avec une série d'interlocuteurs -communautés affectées, les Eglises et les O.N.G. en contact avec elles, l'administration locale.

En mai 1993, l'équipe effectua de nombreuses visites et fit état de la situation mentionnée à la page 30 du rapport de H.R.W. (211) Le rapport concluait que les conditions étaient bien pires et le nombre de personnes déplacées bien plus important que ne le pensait le gouvernement et recommandait une intervention urgente pour répondre à leurs besoins.

La mission permit également aux membres de l'O.N.U. d'évaluer les besoins de la population. Bien plus qu'une simple aide humanitaire à court terme, (212) il s'agissait d'une situation que les O.N.G. et les Eglises ne pouvaient maîtriser seules. Les problèmes majeurs étaient liés à la sécurité, à l'enregistrement, aux problèmes fonciers et aux objectifs de développement à long terme.

Soutenue par les O.N.G. et les communautés d'église, l'équipe de l'O.N.U. admit que la population ne pouvait, seule, résoudre ces problèmes, mais demanda la participation de l'administration locale et nationale. Si le gouvernement ne s'engageait pas à assurer la sécurité, à condamner ouvertement la violence ethnique, à combattre les causes sous-jacentes du conflit et à promouvoir un développement à long terme, il ne pouvait y avoir aucune perspective de retour pour la majorité des personnes déplacées, ni aucune solution durable aux crises de 1992. Cet avis était partagé par les personnes consultées sur place, à savoir l'évêque catholique de Nakuru et d'Eldoret, qui insista auprès de l'équipe de l'O.N.U. sur l'importance d'impliquer le gouvernement dans la recherche des solutions, en affirmant que l'O.N.U. était mieux placée que quiconque pour soulever cette problématique.

John Rogge, alors conseiller du P.N.U.D., visita les régions touchées par les troubles et rendit un rapport en septembre 1993. Un programme G.D.K.-O.N.U. fut développé sur la base de ce rapport et approuvé par le gouvernement vers la fin de l'année.

Le programme de l'O.N.U. reposait sur le principe suivant: permettre à la communauté de retrouver le chemin menant à une coexistence harmonieuse et privilégier les activités de réinsertion et de développement lancées au niveau local. Il reconnaissait entièrement le rôle essentiel des Eglises et des O.N.G. en matière d'aide humanitaire, étant donné leur acceptation par les diverses communautés et leur contribution majeure au processus de réconciliation.

D'autre part, le programme de l'O.N.U. estimait également que le gouvernement devait s'attacher à régler les questions de sécurité, de droit d'accès, d'enregistrement, ainsi que divers problèmes à long terme -principalement de nature foncière. De même, il était conscient de l'importance du soutien constant -mais de préférence discret- des bailleurs de fonds et du contrôle officieux exercé par l'O.N.U.

2. Les Rapports Rogge

Le rapport de H.R.W. renferme de nombreuses erreurs et altérations de faits à propos des deux rapports de John Rogge:

Page 33: Il est inexact d'affirmer que Rogge revint pour deux semaines. Il avait un contrat de cinq (5) semaines et consacra plus de trois semaines à visiter de nouveau toutes les régions affectées par les troubles; toujours à la page 33, il est vrai que le "rapport était optimiste" étant donné que la violence avait été sensiblement réduite par rapport à la situation observée l'année précédente et que de nombreuses personnes préparaient, à des degrés divers, leur retour. Il était donc en droit d'être optimiste.

Rogge indiqua en effet plusieurs zones où les conditions étaient toujours extrêmement précaires [p. 34]. Le programme de l'O.N.U. fut élaboré en fonction des conditions de l'époque. Le fait que les violences aient repris en quelques lieux à cause d'un petit groupe de politiciens puissants et manipulateurs ne peut être reproché ni au P.N.U.D. ni au système de l'O.N.U. Il est facile de suggérer que l'attitude optimiste du programme de l'O.N.U. au début de 1994 était injustifiée au vu de la reprise de la politique gouvernementale qui a contribué à l'escalade de la violence constatée à la fin de 1995.

Page 36: Il est faux de dire que Rogge dépeignait la situation en "rose." Le rapport spécifie clairement que certains responsables gouvernementaux haut placés soutenaient l'initiative du P.N.U.D. tandis que d'autres tentaient de miner ses efforts. Le jugement émis par Rogge reflétait plutôt le retour progressif à la normalité dans deux des trois Provinces les plus sévèrement touchées (Nyanza et la Province de l'Ouest).

Page 43: Selon H.R.W., le Programme de l'O.N.U. ne faisait rien pour "empêcher la propagation de messages incitant à la haine interethnique." Comment l'aurait-il pu? Le rapport Rogge de 1994 affirme expressément que de nombreux hommes politiques encourageaient activement la violence politique. H.R.W. semble par contre ignorer que le Coordinateur Résident de l'O.N.U., Monsieur David Whaley, attirait régulièrement l'attention du gouvernement sur ces incidents.

Page 51: Le rapport omet de préciser que le programme de l'O.N.U. a permis d'organiser régulièrement des réunions locales et régionales, au cours desquelles nombre de ces questions furent abordées. Le rapport Rogge fait référence au rôle de conciliation de ces réunions, où interagissaient des fonctionnaires gouvernementaux, des hommes politiques, des O.N.G. et des représentants de la communauté locale. Le rapport de H.R.W. ne mentionne à aucun moment le rôle joué par le programme de l'O.N.U. dans la mise sur pied de ces forums de médiation.

Page 61: Le rapport laisse entendre que le P.N.U.D. devait appliquer un programme "mêlant l'octroi d'une aide immédiate à des stratégies de réinsertion et de développement à long terme." Il s'agit là d'une déclaration trompeuse quant au but du programme de l'O.N.U.: celui-ci était un programme de réinsertion.

Le rapport Rogge consacre en effet un chapitre entier au volet "réinsertion" du programme. Rogge déclare en outre que, lors de ses visites sur le terrain, il avait manifesté son désaccord vis-à-vis de certaines associations d'église et O.N.G., qui insistaient sur la nécessité de poursuivre les programmes d'aide humanitaire alors que le programme de l'O.N.U. tentait de stimuler la réinsertion et le rétablissement de la situation.

Page 62: Il est faux de prétendre que le deuxième rapport Rogge visait à "camoufler" les problèmes liés au programme de l'O.N.U. Selon la thèse avancée dans le deuxième rapport, l'Eglise et les O.N.G. liées à l'Eglise estimaient qu'il était trop tôt pour envisager d'autres actions que l'aide humanitaire. Des preuves attestent que certaines associations d'église dissuadaient la population de rentrer et/ou souhaitaient créer plus de camps au lieu d'aider à leur démantèlement. De plus, l'affirmation prétendant que le deuxième rapport avait été rédigé "à la hâte" est elle aussi injustifiée.

Pages 71 et 72: En ce qui concerne le nombre de personnes déplacées de retour chez elles/en voie de réinsertion, le chiffre d'un tiers mentionné dans le rapport Rogge était une estimation basée sur les dires des O.N.G. présentes sur place, dont la Commission Justice et Paix de Nakuru. Le rapport Rogge déclarait qu'un tiers des personnes déplacées peut-être était de retour dans leur région et que la moitié du nombre total environ cultivaient leurs terres sans nécessairement y vivre, tandis que l'autre moitié était toujours déplacée.

John Rogge présenta ces "chiffres," peu avant son départ, à l'occasion d'un séminaire d'ONG relatif aux personnes déplacées; aucune des O.N.G. présentes ne contesta la validité de ses assertions. L'équipe de l'O.N.U. utilisa donc ces chiffres comme estimations de base pour l'élaboration du programme. Elle continua à appliquer des projets de réinsertion et de rétablissement dans les zones de retour effectif ou partiel, tout en menant des activités d'aide humanitaire et de réconciliation dans les zones de déplacement.

Page 77: Il faut considérer comme fausse la déclaration attribuée à l'administrateur du P.N.U.D., Monsieur Speth, selon laquelle celui-ci n'aurait jamais "soupçonné" l'existence de problèmes en suspens. Dans cette déclaration, Monsieur Speth affirmait clairement que, si un tiers des personnes déplacées avaient été réinstallées, nombre d'entre elles restaient toujours déplacées. A la page 71, le rapport de H.R.W. reprend les paroles de Monsieur Speth: "il existait toujours des conflits fonciers complexes impliquant le reste," c'est-à-dire les 50 pour cent restants des personnes déplacées.

Page 84: On fait ici référence aux habitations temporaires de Kapsokwony mentionnées dans la citation de Tecla Wanjala. Cette information est incorrecte. Les habitations de Kapsokwony ont été construites par une O.N.G. liée à l'Eglise qui n'a pas participé au programme de l'O.N.U.; l'agence en question tentait de regrouper les personnes déplacées à cet endroit afin de créer un camp de secours les éloignant d'une ville voisine où elles étaient provisoirement installées et quelque peu autonomes. Cette O.N.G. rejeta la tentative visant à empêcher le projet car elle estimait que les personnes déplacées avaient besoin d'une aide humanitaire et non d'un programme de réhabilitation.

3. Persécutions Dont ont été Victimes les Personnes Déplacées, le Personnel Humanitaire et les Journalistes

Le P.N.U.D. souleva régulièrement ces problèmes auprès des fonctionnaires gouvernementaux -en public et en privé. Il veilla également à ce que les questions touchant les personnes déplacées soient présentées aux représentants des bailleurs de fonds à Nairobi et aux visiteurs (parmi lesquels figuraient des ministres). Le P.N.U.D. fut critiqué ouvertement -par le Président lui-même- pour avoir agi de la sorte. Il n'en resta pas moins sur ses positions et c'est ce qui provoqua finalement l'arrêt du programme commun. D'autres protestations furent traitées de manière similaire. (213)

L'autorisation d'accès envisagé dans le programme G.D.K.-O.N.U. n'incluait pas les journalistes ni les autres observateurs impliqués dans les activités de réhabilitation. On profita cependant de la visite de l'administrateur du P.N.U.D. pour faire pression sur le gouvernement, afin de leur ouvrir l'accès à ces zones. Ce problème fut soulevé dans une lettre envoyée par l'Administrateur au Président en octobre 1994.

4. Transferts illégaux de propriété, occupations illégales, ventes et échanges forcés de terrains

Les problèmes relatifs à la justice et au domaine foncier restaient effectivement non résolus. Cet échec était cependant imputable au gouvernement. Tant le P.N.U.D. que d'autres bailleurs de fonds (l'Allemagne par exemple) ont régulièrement proposé de fournir une assistance technique en ce qui concernait l'enregistrement foncier et la réforme. Ces offres ont été refusées. Aucun bailleur de fonds ne peut imposer son assistance technique si celle-ci n'est pas souhaitée.

5. La Création d'un Forum National Réunissant toutes les Parties

Ce chapitre débute de manière assez positive. Il fait remarquer la participation ouverte et complète dans la gestion du programme qui a permis, pour la première fois, de réunir tous les partenaires concernés. Il s'agissait en fait de l'instrument clé par lequel le P.N.U.D. a pu relever le défi d'instaurer un dialogue entre le gouvernement et les autres intervenants.

Il st intéressant de noter que le même rapport critique cette réalisation à la page précédente. (214) Les communautés, les Eglises et les O.N.G. avaient demandé au P.N.U.D. d'amener le gouvernement à prendre part au processus. A l'époque, toutes les parties en présence jugeaient en effet la chose normale.

La création du C.N.P.D. fut le fruit de l'initiative du P.N.U.D. Le comité n'aurait cependant pu exister sans la participation du gouvernement du Kenya et si ce dernier n'avait pas assumé ses responsabilités. Une fois de plus, toutes les parties concernées voyaient l'implication du gouvernement comme la clé de la réussite de l'opération. Dans leur esprit, le fait de confier la présidence du projet au gouvernement était le moyen idéal pour obtenir son adhésion officielle à tous les objectifs du programme.

6. Aucun Rassemblement Exhaustif des Données

A la page 68 et à d'autres endroits, il est fait référence à l'inadéquation du système de rassemblement des données. Il faut savoir que les données relatives aux personnes déplacées sont extrêmement difficiles à recueillir. Entreprendre une énumération détaillée peut en effet mettre ces personnes en danger. Nombre d'entre elles ne veulent pas figurer sur des "listes." De plus, beaucoup se sont rendues chez des parents ou ont quitté la région et n'auraient donc pu être recensées, même si l'Unité de gestion des sinistres avait tenté de le faire.

Les estimations n'étaient que des estimations. Cela était évident dans les deux rapports Rogge et le P.N.U.D. a toujours indiqué que le chiffre de 250.000 avancé n'était rien d'autre qu'une estimation grossière. Le chiffre se basait cependant exclusivement sur des données fournies aux rapports Rogge par les O.N.G. et les Eglises; à aucun moment des estimations gouvernementales n'ont été utilisées.

Rogge passa plus de trois jours sur le terrain, en compagnie de la personne dont les allégations sont citées dans le rapport. Les chiffres relatifs au nombre de personnes déplacées originaires de la région de Nakuru, utilisés dans le rapport, ont été fournis par la Fondation Justice et Paix de Nakuru. Suggérer que M. Rogge a avancé des chiffres sans les avoir vérifiés est donc erroné et trompeur. Toutes les informations chiffrées citées dans le rapport et qui ont servi de base au programme de l'ONU provenaient des églises et ONG locales.

Page 70: La réponse spécifique au rapport Rogge sous-estimant les chiffres de 30.000 a été expliquée lors d'une réunion avec Human Rights Watch à New York en février. Cette explication n'a pas été retenue dans le rapport actuel. Le problème concernait des données de la région du Mont Elgon où le Conseil National des Eglises du Kenya avait considérablement gonflé les chiffres. Rogge a choisi la prudence afin de faire correspondre les chiffres à ce qu'il avait vu sur le terrain. Il s'est par la suite avéré qu'il avait raison vu que deux mois après l'enquête, le Coordonnateur des secours du C.N.E.K. pour la région du Mont Elgon fut démis de ses fonctions pour détournement des fonds d'aide humanitaire et qu'il fut accusé d'avoir considérablement gonflé le chiffre des bénéficiaires dans cette région.

Les 30.000 personnes manquantes auxquelles fait référence HRW dans le rapport sont les 30.000 personnes que le Coordonnateur du C.N.E.K. est accusé d'avoir ajoutées. Un problème plus fondamental est qu'en raison des doutes quant aux données, il est plutôt hors de propos d'insister sans cesse sur le fait de savoir si les chiffres étaient de 250.000 ou de 280.000.

7. Aucun Accord avec le Gouvernement/Affaiblissement du Programme du P.N.U.D. par le Gouvernement

Les propositions du Comité National pour les Personnes Déplacées, préconisant la poursuite et l'extension du programme, ont été transmises en bonne et due forme au gouvernement, sous la forme d'un document écrit devant permettre la formulation d'une nouvelle phase d'activités. Elles ont également, en même temps, été incluses dans l'accord de base unissant le gouvernement et le PNUD.

L'équipe de l'O.N.U. sur le terrain, dont le Représentant Résident du P.N.U.D., sera d'accord pour affirmer que l'absence d'accord formel entre le P.N.U.D. et le gouvernement a été l'un des facteurs de la confusion. Cette confusion est née en partie de la difficulté d'arriver à un accord avec le gouvernement mais aussi du caractère aléatoire des financements qui a empêché le P.N.U.D. de s'engager de manière spécifique à réaliser certaines choses, ce qui aurait permis d'exiger un engagement formel réciproque de la part du gouvernement kényan.

Un accord formel de financement aurait obligé les bailleurs de fonds à donner la priorité aux intérêts des victimes des violences ethniques et non à leur programme global d'aide au Kenya, comme ce fut le cas lors des activités mises en oeuvre pour aider les victimes de la sécheresse en 1992-93.

8. Réticence à Dénoncer les Violations des Droits de l'Homme Perpétrées par le Gouvernement

Le problème des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays dans les Provinces de la Vallée du Rift et de l'Ouest était important pour les bailleurs de fonds entre 1993 et 1995, mais il ne s'agissait pas du facteur déterminant lors des décisions sur les aides et les investissements. La priorité était donnée aux ajustements structurels.

C'est de ce sujet que l'on discuta lors de la réunion du Groupe Consultatif du 15 décembre 1994. La déclaration du Président de cette réunion, se faisant l'écho de l'opinion majoritaire attestant de progrès en matière de droits de l'Homme et d'une diminution de la tension ethnique, a favorisé, sans pour autant déterminer, la décision de débloquer des fonds extérieurs. Le renversement soudain de politique budgétaire survenu dans la semaine suivant la réunion du Groupe Consultatif constituait pour la plupart des bailleurs de fonds un événement plus important que la tragédie du camp de Maela. Ce fut certainement le facteur clé qui conduisit à un changement d'attitude de la part de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International.

9. Absence d'un Volet sur la Protection/Sécurité ou Protection Insuffisante

Le programme de l'ONU pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, coordonné par le Coordonnateur Résident et l'Equipe de Gestion des Sinistres de l'ONU, mis en oeuvre par le biais d'un projet du PNUD, poursuivait deux principaux objectifs:

(a) tenter de limiter l'intensification des violences politiques, par le biais d'une présence sur le terrain dans les régions touchées et par la poursuite discrète de négociations, menées par le Coordonnateur Résident de l'ONU et des représentants du gouvernement. 

(b) commencer à poser les bases d'une résolution du conflit, à long terme, en facilitant le retour graduel chez elles d'une majorité de personnes déplacées.

A aucun moment, l'Equipe de Gestion des Sinistres, le Coordonnateur Résident ou le P.N.U.D. n'ont affirmé avoir la capacité ou disposer du mandat faisant d'eux les principaux défenseurs des droits de l'Homme au Kenya. La plupart des critiques émises dans le rapport de Human Rights Watch constituent en réalité un commentaire, basé sur des informations erronées, de la "soi-disante" incapacité du P.N.U.D. à se comporter en tant que superviseur, arbitre et défenseur des droits de l'homme au Kenya. Ceci montre que Human Rights Watch n'a pas compris quel est le rôle du P.N.U.D. et ne se rend pas compte des limites auquel celui-ci est confronté, limites qui l'empêchent d'agir dans certains domaines -notamment ceux qui sont liés à la notion de souveraineté nationale- qui n'entrent pas dans le cadre de son mandat. Au lieu de reprocher au P.N.U.D. de n'avoir pas résolu les problèmes survenus au Kenya dans le domaine des droits de l'homme, le rapport devrait identifier le lien existant entre les violations des droits de l'homme et la politique menée à l'époque par le gouvernement.

10. Tensions dans les Relations avec les Bailleurs de Fonds

Le PNUD a utilisé le Comité National pour les Personnes Déplacées, ainsi que d'autres mécanismes, pour maintenir informé les bailleurs de fonds. Pendant la phase préparatoire, les Représentants Résidents ont régulièrement tenu des séances d'information à l'attention des représentants des organisations d'aide, et les ont informé de l'évolution prévue du programme, se basant à cet effet sur le rapport Rogge (dont tous les partenaires ont d'ailleurs pu se procurer le texte).

De plus, contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport de Human Rights Watch, l'équipe de l'ONU a travaillé en étroite collaboration avec les représentants du Comité National pour les Personnes Déplacées ainsi qu'avec certains membres de la communauté diplomatique, qui avaient proposé de se charger de certaines interventions de nature plus sensible. Plusieurs diplomates de haut-rang en poste au Kenya conseillèrent au Coordonnateur Résident d'agir aussi diplomatiquement que possible, comme il l'avait fait jusqu'alors, et de leur laisser le soin d'intervenir plus directement ou de critiquer le gouvernement.

11. L'Abandon des Déplacés

Le programme de l'ONU ne fut pas suspendu de la manière dont l'affirme le rapport. Il prit fin en novembre, date à laquelle le gouvernement avait donné son accord de principe à l'inclusion d'activités en faveur des déplacés dans son programme sur les Dimensions Sociales du Développement.



211. La note en bas de page donne une description erronée de sa composition -Ferguson et Palmer étaient tous deux affectés à l'unité d'aide humanitaire d'urgence, financée par le D.A.H. et placée sous la responsabilité de l'Unité de Gestion des Sinistres; ils ne faisaient pas partie de l'équipe du P.N.U.D. mais rendaient compte à toutes les agences participant à la mission, comme tous ceux qui étaient dans l'incapacité de le faire mais qui contrôlaient et approuvaient les conclusions de la mission.

212. Celle-ci était d'ores et déjà assurée par des programmes d'aide alimentaire mis en œuvre par les O.N.G. et les Eglises sous le parrainage de l'UE et par divers actes de solidarité locaux.

213. Le cas de la baronne Chalker, ministre du Développement du RU à l'étranger, est parlant: ses critiques furent en effet rejetées sous prétexte qu'elles émanaient d'une femme.

214. L'affirmation selon laquelle l'O.N.U., afin de promouvoir ses propres objectifs, aurait encouragé un programme manifestement contrôlé par le gouvernement est une interprétation très partiale d'une situation complexe.

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