Africa - West

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VI. LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DE DÉCEMBRE

Au début du mois de novembre, des appels au calme lancés par des dirigeants du FPI ainsi que du RDR ont contribué à faire diminuer les tensions politiques. La police et les gendarmes ont relâché des centaines de détenus de camps disséminés dans tout Abidjan. Néanmoins, tout au long du mois de novembre, nombre de familles ont continué à chercher leurs proches dans les hôpitaux, les morgues et les centres de détention.

La période des élections législatives de décembre fut marquée par de nouvelles entorses à la loi. Des agents nationaux ainsi que leurs sympathisants politiques, se sentant encouragés par l'impunité dont ils avaient bénéficié en octobre, perpétrèrent des actes de violence similaires, voire dans certains cas pires que ceux d'octobre. Bien que la vague de violence de décembre ait enregistré moins de morts que la précédente, il y eut plus de cas de détention, d'abus sexuels et de persécution religieuse. Au moins un officiel du RDR fut tué et beaucoup d'autres furent emprisonnés dont plusieurs députés de haut rang. C'est également en décembre que se renforça la relation entre les forces de sécurité et les jeunes partisans du parti de Gbagbo, le FPI, Ces derniers, jouissant d'une complète immunité, ne sont pas arrêtés même quand ils commettent des atrocités en présence de forces de l'ordre (gendarmes et police).

Human Rights Watch a dénombré quarante-deux morts pendant les violences du mois de décembre ; les officiels en comptent seulement vingt et le RDR une trentaine.63

Une décision de la Cour Suprême de Justice, survenue alors que Ouattara et le RDR préparaient leur participation aux élections législatives du 10 décembre 2000, a empêché Ouattara de se présenter en raison d'une nouvelle mise en cause de sa nationalité.64 Henriette Diabaty, Secrétaire Générale du RDR, condamna la décision en ces termes: `Cette décision est illégale et complètement arbitraire. Nous avons été patients...Nous ne pouvons pas accepter une telle décision et nous affirmons que le président du parti ne peut pas être exclu de la vie politique de ce pays.'65

En réponse à l'exclusion de son dirigeant, le RDR retira ses candidats des élections et appela à une manifestation le 4 décembre 2000. Le gouvernement réagit en déclarant la manifestation illégale et Émile Boga Doudou, Ministre de l'Intérieur, prononça l'interdiction de tous les mouvements de manifestation opposés aux élections pour la période du 5 au 11 décembre 2000.66

Le 3 décembre 2000, après la tenue de discussions avec le gouvernement, le RDR a accepté de suspendre la manifestation et, à la place, de tenir un meeting public le lendemain au stade Houphouët-Boigny situé au centre de la ville.67

Le 4 décembre 2000 dès les premières heures du jour, des milliers de sympathisants du RDR se sont rassemblé dans leurs quartiers. Les transports publics étant quasi inexistants en raison des risques de violence, les manifestants n'eurent donc pas d'autres choix que de se rendre à pied au stade. Alors qu'ils quittaient leurs maisons, ils sont tombés sur les forces de police et de gendarmerie déployées le long des principales routes et autoroutes, le but de ce déploiement étant apparemment d'empêcher les sympathisants RDR de rejoindre le stade.

Un militant RDR explique :68

Le 4 décembre, il n'y avait ni bus ni taxis ; ainsi, le seul moyen de se rendre au meeting au stade était de marcher. À environ 9 heures du matin à Williamsville, nous avons vu les gendarmes armés de fusils et de pistolets qui se tenaient en rang en travers de la route pour nous empêcher d'avancer. Alors que nous nous approchions, ils ont ouvert le feu et nous avons commencé à courir. Je n'ai pas vu de mort, mais un des nôtres a été touché par balle au visage. Nous n'étions pas armés.

J'ai été capturé par les gendarmes alors que nous étions en train de fuir; ils m'ont ensuite emmené au camp d'Agban. Là, j'ai été sévèrement battu et on a dû m'hospitaliser. Le jour suivant, les gendarmes m'ont obligé à marcher à genoux jusqu'à une pièce où j'ai fait un rapport sur notre participation à la manifestation.

Les efforts déployés par les forces de sécurité furent interprétés par le RDR comme une trahison du gouvernement qui, la veille, avait autorisé la tenue du meeting. Quelques-uns des manifestants étaient armés de bâtons, de couteaux, de machettes et parfois même de fusils de chasse ; d'autres s'étaient emparés de la rue et érigeaient des barricades auxquelles ils mettaient le feu. Les forces de sécurité ne tentèrent pas vraiment d'isoler les éléments armés ou de faire une distinction entre eux et les manifestants pacifiques. À plusieurs occasions et plus particulièrement dans les quartiers d'Abobo, Koumassi et Yopougon, la police ainsi que les gendarmes ont ouvert le feu sans distinction sur la foule, causant la mort de plusieurs personnes.

Un homme de trente-six ans qui se rendait depuis Koumassi au stade Houphouët-Boigny en compagnie de centaines d'autres adhérents du RDR, décrit ce qui s'est passé quand la police a ouvert le feu. Au moins deux personnes sont mortes:69

T. mon frère est mort dans mes bras après s'être fait tirer dessus pendant la manifestation du lundi 4 décembre. Nous participions à la marche du RDR en direction du stade. Nous sommes partis de notre maison à Koumassi vers 6 heures et demi du matin. Nous avons commencé à marcher et finalement nous avons rejoint vers l'aéroport les autres participants venus des villages voisins. Comme nous approchions de l'antenne de gendarmerie locale, ils (les gendarmes) ont commencé à lancer des bombes lacrymogènes sur nous. À ce moment-là nous étions environ 400. Lorsque les gendarmes n'avaient plus de bombes lacrymogènes, nous avons continué jusqu'à arriver au boulevard du 7 septembre, où nous espérions rejoindre les autres adhérents du RDR.

Puis, aux environs de 8 heures 45, juste à côté des quartiers généraux de la police du 6eme district, nous nous sommes fait tirer dessus. J'en ai vu plusieurs qui tiraient au pistolet à travers la barrière. Quatre manifestants ont été blessés à ce moment-là, mais malgré cela beaucoup d'entre nous voulaient continuer et c'est ce que nous avons fait. Nous avions presque atteint le boulevard. Nous sommes alors tombés sur un autre groupe de policiers, mais, cette fois-ci, nous avons dépêché un petit groupe qui était chargé de leur expliquer que nous nous rendions simplement au meeting au stade.

Ils nous ont donné la permission d'y aller, mais au moment où nous les dépassions, ils ont commencé à nous tirer dessus. Pas très loin il y avait six officiers, j'ai vu que deux d'entre eux tiraient sur nous. Deux personnes sont mortes pendant la fusillade, mon frère et quelqu'un d'autre. Mon frère n'est pas mort sur le coup. Il disait " mais nous n'avons rien fait et ils nous ont tiré dessus." Ensuite du sang est sorti de sa bouche et de son nez, il est mort une heure après.

Un petit commerçant de trente et un ans, lui aussi militant du RDR, décrit la façon dont les gendarmes tentèrent de bloquer la marche des militants venus de la banlieue populaire de Yopougon. Un manifestant RDR fut tué lors de la fusillade:

Le lundi 4 décembre à environ 8 heures du matin, nous, les militants du RDR, avons quitté Yopougon pour nous rendre au meeting qui devait avoir lieu au stade. C'est alors qu'un camion de gendarmes a essayé de barrer la grande route pour nous empêcher d'aller au meeting. J'ai vu qu'une quinzaine d'entre eux prenait position, ensuite ils nous ont tiré dessus avec de vraies balles. J'ai vu un jeune homme mourir là-bas et beaucoup d'entre nous ont été blessés par balles. Nous avons vu des jeunes du FPI avec les gendarmes, eux aussi ont ouvert le feu sur nous sans avertissement.70

Le matin du 4 décembre 2000, au moins un des partisans de l'opposition, un officier du Trésor travaillant avec le bureau du Maire à Treichville, un Baoulé, a été assassiné par une bande du RDR alors qu'un groupe important de partisans du RDR passait par le centre ville pour se rendre au meeting au stade. Selon des témoins, il a été brutalisé avant d'avoir la gorge tranchée.71

Détention et Torture
Après avoir dispersé les groupes d'adhérents du RDR qui se dirigeaient le matin vers le stade et l'après-midi vers le siège de la chaîne de télévision nationale, la police et la gendarmerie ont procédé à une rafle de plusieurs centaines de manifestants. Ces manifestants ont été incarcérés dans des camps de police et de gendarmerie identiques à celles utilisées au mois d'octobre ; parmi celles-ci, on compte l'École nationale de police, le camp de gendarmerie d'Agban, l'École nationale de gendarmerie, le camp de gendarmerie de Koumassi et le camp de gendarmerie de Yopougon. Selon le Comité International de la Croix Rouge à Abidjan, 814 personnes ont été arrêtées au cours des violences du mois de décembre.72 Les témoins interrogés par Human Rights Watch affirment que le nombre de personnes détenues pendant la période des élections législatives de décembre dépasse de plusieurs centaines celui des personnes détenues pendant les élections présidentielles d'octobre.

Les détenus du mois de décembre ont fait l'objet des même tortures physiques et psychologiques que ceux du mois d'octobre ; dans certains cas, les détenus étaient même moins bien traités. Au moins un des sympathisants RDR est mort et on relève beaucoup plus de blessés des suites des mauvais traitements subis dans les centres de détention: le personnel des hôpitaux et des cliniques a soigné des centaines de victimes pour plaies, fractures et brûlures. En plus de toutes les autres formes de tortures utilisées en octobre, la police et les gendarmes ont brûlé les détenus avec des fers à repasser et des couvercle de casserole bouillants, leur ont brûlé les testicules avec des cigarettes et les ont obligés à boire leur propre sang et à manger leurs excréments. Tout comme en octobre, les deux centres de détention les plus tristement célèbres, en terme de sévérité de traitement et de nombre de détenus, sont l'École nationale de police et le camp de gendarmerie d'Agban. Un bon nombre des trente détenus à l'École nationale de gendarmerie ont aussi été torturés.

Les 6 et 7 décembre 2000 des groupes internationaux et locaux de lutte pour la défense des droits de l'homme, dont le Comité International de la Croix Rouge (ICRC), Amnesty International et le Mouvement Ivoirien des Droits de l'Homme (MIDH), ont visité des lieux de détention dont l'École nationale de police et le camp de gendarmerie d'Agban. Après ces visites, les conditions de détention se sont remarquablement améliorées. On a rapporté peu de mauvais traitements et les élèves et les officiers semblaient avoir reçu ordre de cesser de maltraiter les détenus. L'ICRC s'est occupé des blessés et a enregistré les noms et numéros de téléphone des détenus de manière à prévenir leurs familles.73

Voici comment cet apprenti conducteur de vingt-deux ans, arrêté alors qu'il était dans sa maison à Yopougon, décrit la torture physique qu'il a subie pendant sa détention de dix jours à l'École Nationale de police. Son dos et ses bras portent les marques d'au moins neuf petites brûlures et d'un certain nombre de marques de coups profondes:74

Lorsque nous sommes arrivés à l'Académie de Police, ils nous ont demandé de nous déshabiller. Ensuite, ils ont pris nos papiers d'identité, nos téléphones portables, nos bijoux et nous ont fait marcher le long d'un ordre de policiers - un de chaque côté, à environ un mètre l'un de l'autre - qui nous ont sévèrement battus, à l'aide de tout ce qu'ils possédaient : des bâtons, des bouts de bois, des chaînes, des ceintures et des câbles électriques. La file devait mesurer environ trente mètres de long et ils nous demandaient de marcher très lentement. Beaucoup d'entre eux semblaient être des élèves. Ensuite, ils nous ont fait ramper sur les genoux, ils nous ont ordonné de former des groupes de sept et de faire cinq courses aller-retour.

Pendant trois jours, nous avons souffert toutes sortes de torture. Les élèves s'occupaient de nous par groupes, chacun faisant ce dont il avait envie. Lorsqu'ils étaient fatigués ou lorsque leur tour était passé, un autre groupe venait et disposait de nous à sa guise.

Ils nous ordonnaient de nous allonger sur le ventre puis nous battaient avec des branches enflammées en les maintenant sur place pour être bien sûr que cela brûlait. Il y en a un qui a mis le couvercle d'une casserole dans le feu jusqu'à ce qu'il soit brûlant, puis a attaché une ceinture sur le dessus de manière à pouvoir s'en servir sans se brûler. Ensuite, il a marché parmi nous, nous brûlant au passage.

Ils nous ont battus avec des fers à repasser, des bouts de bois et ensuite ils versaient un liquide sur les plaies ouvertes. Ce liquide brûlait affreusement, je pense que c'était du gaz lacrymogène mélangé à de l'eau. Pendant qu'ils faisaient ça, ils disaient des choses comme: `Vous êtes les Dioulas, vous contrôlez déjà les transports, le commerce et les travaux publics, et maintenant vous en voulez encore plus, vous voulez être président.'

Nous n'avons ni bu ni mangé lundi et mardi, pas même de l'eau. C'est seulement le mercredi matin, après le passage de la Croix Rouge et des organisations de défense des droits de l'homme, que nous avons eu quelque chose à manger, que les tortures ont pris fin et que les choses se sont véritablement arrangées.

Toutefois, le jeudi matin, après avoir arrêté de nous battre, un gendarme est entré, seul, dans la chambre, et a dit de manière sarcastique: `vous autres êtes vraiment bien ici. Vous devriez voir comment on traite vos camarades à l'École nationale de gendarmerie. Si vous les voyiez, vous sauriez comment on traite les gens du RDR.' Ensuite, il a enlevé sa ceinture rouge avec une grosse boucle en fer et il a commencé à nous battre. Il s'est déplacé tout autour de nous comme un fou pendant trente minutes jusqu'à qu'il soit couvert de sueur. Les autres policiers se tenaient tout près en riant, sans rien dire et sans l'empêcher d'agir.

Tout comme en octobre, les étrangers, les personnes originaires du Nord du pays et les musulmans furent tirés hors de chez eux ou arrêtés dans les rues et mis en détention sur les seuls critères d'appartenance ethnique, nationale ou religieuse. Selon un rapport rédigé en décembre par le Ministère de l'Intérieur, plus de la moitié des 302 détenus de l'École nationale de police étaient des étrangers (dont cinquante-cinq Guinéens, quarante-six Maliens et trente-trois Burkinabé).75 Victimes et témoins décrivent des policiers et des gendarmes pénétrant de force dans les maisons d'étrangers, les menaçant de les tuer s'ils ne sortaient pas.

Le 4 décembre, un peintre en bâtiment Malien de quarante ans ainsi que dix de ses voisins ont été emmenés de force hors de leur quartier lors d'une rafle menée par la police à Williamsville. Alors qu'il était détenu à l'École nationale de police, il fut très gravement torturé. De ces jours en détention lui reste au moins trente entailles ouvertes, cinq blessures profondes et brûlures sur le dos, plusieurs d'entre elles ont nécessité des points de suture. Il raconte:76

Le matin du 4 décembre, nous avons entendu qu'il allait y avoir du grabuge, j'ai donc décidé de rester à la maison plutôt que d'aller travailler. À 8 heures, je suis allé dehors vers le lavoir, j'ai entendu des gens courir aux alentours et j'ai vu six ou sept policiers. Ils m'ont demandé de venir, j'ai alors essayé de leur expliquer que je ne faisais pas partie des manifestants, que j'étais malien et que je n'avais rien à voir avec la politique. Lorsque je leur ai dit ça, ils ont dit: `Oh, tu es malien... tu es un de ceux qui envoient les autres manifester dans les rues pendant que tu restes à la maison.' Ils m'ont demandé mes papiers d'identité, mais ils n'y ont même pas jeté un coup d'_il.

Ensuite, ils nous ont traînés, moi et un autre Malien, pendant qu'ils patrouillaient dans le quartier, maison par maison, à la recherche d'étrangers et de Dioulas. Ils ont jeté quelques bombes lacrymogènes dans les maisons de ceux qui refusaient d'ouvrir. Je n'ai pas compté le nombre de fois où ils ont tiré des gens hors de chez eux, mais je pense qu'il a du y en avoir une dizaine ou une quinzaine.

Ensuite nous avons marché vers le poste de police de Williamsville. Environ trente autres ont été emmenés de la sorte durant le reste de la journée. C'est quand nous sommes arrivés à l'École nationale de police que l'enfer a vraiment commencé. Quand nous sommes arrivés, ils nous ont demandé d'enlever nos pantalons et de marcher sur nos genoux. Puis, environ dix élèves se sont mis en rang sur deux files et nous ont demandé de marcher pendant qu'ils nous fouettaient et nous battaient avec des bâtons, des câbles électrique, des bambous et des barres de fer.

Une fois à l'intérieur, ils nous ont forcés à nous allonger par terre sur le ventre. La séance de torture a duré toute la nuit. Ils jetaient de l'eau sur nous, nous obligeaient à nous lever et nous asseoir et à exécuter d'autres exercices, ils nous ont battu avec des bâtons de policier, des colliers de chien en cuir, des bouts de bois, du fer, du bambou et des câbles électriques. Quelques-uns d'entre eux marchaient parmi nous avec de petits aérosols remplis de gaz lacrymogène et d'eau. Ils se sont arrêtés juste devant moi, ont maintenu mes yeux grands ouverts et ont pulvérisé le produit. C'était si douloureux ! - je suis resté aveugle pendant une quinzaine de minutes. Pendant les jours qui ont suivi, ils ont recommencé plusieurs fois. Ils ont aussi pulvérisé ce produit dans les grandes entailles que j'ai partout dans le dos et dont certaines sont profondes de plus de deux centimètres. Il y avait un élève qui mettait le couvercle d'une casserole dans le feu pour le rendre brûlant et qui se promenait parmi nous et nous brûlait avec. Nous étions totalement sans défense. Comment aurions-nous pu nous protéger?

Un professeur de chimie âgé de quarante-cinq ans appartenant à un groupe ethnique du Nord du pays se risqua dehors après avoir appris que l'institut où il enseignait avait été attaqué. Peu de temps après, il était détenu par les gendarmes à Williamsville. Cet homme fut gravement battu pendant sa détention au camp de gendarmerie d'Agban : il souffre d'une fracture du crâne, d'une entaille de 25 centimètres dans le dos et d'une quarantaine de marques de coups plus petites sur tout le corps. Voici sa description de ce qui lui est arrivé:77

Alors que j'arrivais à une intersection près du cimetière, un groupe de gendarmes est arrivé en voiture, certains dans des Jeeps, d'autres dans un camion. Chaque groupe comptait environ quinze gendarmes. Quelques-uns des sympathisants du RDR ont commencé à courir dès qu'ils les ont aperçus. Moi je n'ai pas couru, je n'avais rien à cacher.

J'ai insisté sur le fait que je ne participais pas à la manifestation mais ils m'ont arrêté quand même. À l'entrée du camp d'Agban, un petit groupe de gendarmes postés à la porte a dit: `Vous nous apportez quelque chose à manger.' Ils m'ont dit d'enlever tous mes habits hormis mes sous-vêtements. À ce moment-là ils ont commencé à me battre. Ils m'ont battu avec le bout en métal de leurs ceintures, avec des bâtons et des élastiques.

Mardi c'était pire que tout. Chaque groupe de gendarme avait sa propre manière de nous torturer physiquement et psychologiquement. Pendant que j'étais étendu sur le sol, l'un d'eux a posé sa botte sur ma tête de manière à l'immobiliser, ensuite il m'a frappé quatre ou cinq fois avec la boucle en métal de sa ceinture. Ça m'a fait une entaille énorme et une fracture de la tête. J'ai perdu beaucoup de sang et je suis resté inconscient environ deux heures. Les autres pensaient que j'étais mort. Ils ont aussi cassé un des mes doigts et m'ont fouetté sur le dos sans relâche. Le mercredi, vers 16 heures je crois, les gendarmes ont cru que j'allais mourir alors ils m'ont envoyé quelques heures plus tard à l'hôpital à Cocody. Je ne pouvais vraiment pas marcher. J'étais pris d'étourdissements, en fait j'en ai toujours. Je ne suis plus le même. Ils ont volé mes lunettes et ma montre en or. En tout et pour tout j'ai passé trois jours au camp d'Agban et je suis resté à l'hôpital toute une semaine.


Malgré les efforts de la police et des gendarmes pour stopper l'avancée des adhérents du RDR, à midi, des milliers d'entre eux étaient parvenus à rejoindre le stade Houphouët-Boigny. Pourtant, en raison de problèmes techniques et d'organisation, le meeting ne put avoir lieu. Des témoins affirment que quand les dirigeants du RDR arrivèrent en retard et que la sonorisation est tombée en panne, plusieurs centaines de manifestants frustrés décidèrent de parcourir les quelques trois kilomètres qui les séparaient du siège de la Radio Télévision Ivoirienne (RTI), chaîne nationale de télévision et ce malgré les appels contraires des dirigeants. En agissant de la sorte ils passaient outre l'interdiction du Ministère. En tête de cortège se trouvaient dix à quinze Dozos, des chasseurs traditionnels, armés de fusil de chasse. Des témoins déclarent que certains sympathisants du RDR étaient armés de couteaux, de bâtons et de machettes.

Alors que la manifestation approchait du siège de la chaîne à Cocody, elle fut rejointe par un grand nombre de policiers et de gendarmes encouragés par des jeunes du FPI armés de machettes et de matraque. Les affrontements qui suivirent firent cinq morts et beaucoup de blessés.

Un dirigeant du RDR qui était présent au stade et sur la route de la chaîne de télévision rend compte de ce qui est arrivé:78

Tout d'abord, nous nous sommes rendus au stade. Nous avons attendu jusqu'à midi environ que les dirigeants du RDR se montrent. Finalement, Madame Diabaty [Secrétaire Général du RDR] est arrivée, mais la sonorisation était en panne et elle ne pouvait pas s'adresser à la foule. Pour finir, les militants se sont énervés, Madame Diabaty nous a alors demandé de rentrer chez nous, mais nous avons refusé. Nous disions que nous étions prêts à mourir pour notre cause. Madame Diabaty ne pouvait plus nous contrôler, nous en avions assez et nous voulions réagir, nous voulions protester contre le rejet arbitraire de notre candidat.

Nombre de manifestants du RDR qui fuyaient ont trouvé refuge à l'intérieur d'un institut technique vide, l'École Normale Supérieure (ENS), mais en ont été chassés à coup de feu et de gaz lacrymogènes. Au moins quatre manifestants sont morts dans l'ENS : deux furent électrocutés alors qu'ils tentaient de se cacher, les deux autres ont été tués lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu sur l'institut.

Les affrontements aux alentours de la station de télévision nationale du 4 décembre 2000 sont importants en ce qu'ils diffèrent en deux points des méthodes d'agression pratiquées lors des vagues de violence du mois d'octobre. Le premier point concerne la participation au grand jour des forces de sécurité avec les militants du FPI; le deuxième concerne les violences sexuelles à l'encontre des femmes.

Collaboration des Forces de Sécurité avec le FPI
En décembre, les relations se sont consolidées entre d'un coté la police et les gendarmes et de l'autre les groupes de jeunes du FPI, les groupes d'étudiants pros FPI (comme la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire, FESCI) et/ou les unités de défense de voisinage constituées de membres pros FPI. Un grand nombre de témoins décrivent les événements du 4 décembre 2000 (rafles de manifestants RDR, patrouilles de quartiers, barrages routiers) comme une coordination, voire une collaboration, entre les agents de l'Etat et les partisans du FPI. Dans d'autres cas, les forces de maintien de l'ordre ont assisté de manière passive aux exactions commises par les militants du FPI : viol ou meurtre. Les agents de l'Etat ont ainsi cessé d'être au service de la population dans son intégralité pour se mettre progressivement au service des intérêts du parti au pouvoir.

Cette collaboration était évidente durant la journée des affrontements qui eurent lieu aux alentours des locaux de la télévision nationale. Alors que des centaines de partisans du RDR s'approchaient de la station, les unités de police et de gendarmerie ont travaillé main dans la main avec les partisans du FPI pour "défendre" le bâtiment et mettre fin à la manifestation. Un militant du RDR décrit l'opération:79

Après avoir quitté le stade, des centaines d'entre nous décidèrent de se rendre à la RTI - de manière pacifique. Alors que nous approchions de la station, quelques milices du FPI, que nous pensions être des nôtres, ont bloqué le carrefour tandis que de l'autre côté les gendarmes faisaient barrage. Nous étions encerclés. Tout ceci s'est passé entre 2 heures et demi et trois heures de l'après-midi. Devant nous se tenait une dizaine de guerriers traditionnels Dozos, ils sont là en général pour assurer la protection de nos dirigeants. Puis un camion rempli de gendarmes a commencé à nous jeter des bombes lacrymogènes...et à ce moment les jeunes du FPI et du FESCI qui s'étaient tenus cachés derrière des buissons et des immeubles sont sortis. Certains d'entre eux tenaient des briques, des bouts des bois et portaient des bandanas rouges. À ce moment, ils ne s'étaient pas encore mélangés aux forces de police et de gendarmerie. Je les distinguais clairement et j'ai même pu en reconnaître quelques-uns uns.

Puis les jeunes du FESCI qui se cachaient non loin de là à la cité universitaire `Cité Rouge' se sont lancés à notre poursuite. Ils ont capturé des manifestants RDR alors qu'ils tentaient de s'échapper, ils les ont frappéset en ont conduits certains à la police.

D'autres jeunes partisans du RDR décrivent avoir été capturés pendant les opérations menées conjointement par les sympathisants FPI et les forces de l'Etat. Un jeune étudiant de trente-sept ans, capturé par des militants FPI puis remis aux forces de sécurité pendant une opération qui se déroula l'après-midi du 4 décembre 2000, décrit comment il réussit à s'en sortir en feignant appartenir à une ethnie autre que celle du Nord:80

Nous sommes montés au deuxième étage de l'Institut technique pour nous mettre à l'abri. Nous avons prié pour que tout se passe bien, mais à la fin, les gendarmes ont découvert que nous étions là et ils ont lancé beaucoup de bombes lacrymogènes sur nous. Ils ont cassé les fenêtres et ainsi, ils pouvaient lancer les bombes directement à l'endroit où nous nous cachions. Ils nous ont dit de sortir sinon ils nous tueraient.

Lorsque je suis descendu, trois gendarmes, un policier et cinq jeunes du FPI qui avaient le visage recouvert d'une poudre blanche sont venus à ma rencontre. Sur le sol, trois autres jeunes étaient étendus, ils saignaient et gémissaient. Deux jeunes du FPI ont ensuite commencé à nous battre juste devant les gendarmes avec un morceau de bois. Ils accusaient l'un des jeunes d'être un Dozo, lui, il a été plus durement battu par deux jeunes du FPI et un gendarme.

Les jeunes du FPI nous frappaient plus que les autres et ce sont eux qui semblaient donner les ordres. L'un d'eux a dit qu'il y avait encore des gens qui se cachaient à l'intérieur et que les gendarmes devraient ouvrir le feu pour les effrayer - c'est ce qu'ils ont fait. Je n'ai jamais vu un gendarme donner un ordre à un FPI. Je les ai suppliés, je leur ai dit que je ne participais pas à la manifestation. Un des gendarmes continua de me frapper et un des jeunes du FPI m'a alors demandé de m'expliquer. Je lui ai dit que j'allais voir mes parents, qu'ils avaient besoin de médicaments et que j'avais été capturé sur le chemin. J'ai vu qu'ils ne me croyaient pas, j'ai alors expliqué la même chose mais en Agni (dialecte de l'ethnie Akan du Sud et de l'Est de la Côte d'Ivoire) et après quelques instants, cet homme a dit au gendarme `laisse-le partir, je crois que je le connais.' Puis, les jeunes m'ont aidé à partir de là.

Après avoir été sévèrement frappé par un groupe de trois étudiants militants FPI, un conducteur de trente-six ans sympathisant du RDR a couru se réfugier au poste de police avec un bras cassé et une fracture de sept centimètres et demi au crâne. Voici ce qui s'est passé au poste:81

Nous nous sommes dispersés après l'attaque au gaz lacrymogène. Pendant que j'essayais de m'enfuir, j'ai été attrapé par des gens du FPI. Ils étaient trois et ils m'ont immédiatement sauté dessus et ont commencé à me battre. L'un d'eux a volé mes chaussures, un autre mon jean. Ils m'ont frappé à la tête avec des barres en fer et des gros morceaux de bois. En fait, c'est ce morceau de bois qui m'a fracturé la tête. Je n'étais pas le seul à être passé à tabac, d'autres gens du RDR l'ont été aussi. Je me suis finalement sauvé et j'ai couru vers un officier de police en pensant qu'il me protégerait. Au lieu de ça, il m'a frappé, il m'a donné de grands coups avec le bout de la crosse de son fusil. Je suis tombé à terre.

Ensuite, quatre jeunes du FPI, dont les trois qui m'avaient déjà battu, sont venus là où je me trouvais avec le policier. Ils ont dit qu'ils voulaient me mettre dans une voiture qui venait de prendre feu. Le policier a acquiescé et m'a dit de faire mes dernières prières, mais heureusement, à ce moment-là est arrivé le Commissaire du 8e district de police de Cocody. Il m'a dit de me lever et il m'a conduit dans sa voiture jusqu'au poste duquel il a appelé la Croix Rouge, leur demandant de m'emmener à l'hôpital.

Plusieurs autres victimes originaires de Koumassi et d'Abobo décrivent avoir été chassées de leur maison par des patrouilles composées de militants FPI et de policiers ou de gendarmes. Un Burkinabé de vingt-trois ans qui faisait partie d'un groupe de quinze personnes, en majorité des étrangers, capturés à Koumassi le matin du 4 décembre 2000 décrit les événements:82 

J'étais allé au travail ce jour-là, mais à cause de la situation, mon chef m'a dit de rentrer chez moi. Peu de temps après être rentré, entre 9 et 10 heures, un des mes amis est venu chez nous pour nous avertir que les gendarmes et les jeunes du FPI se déplaçaient dans le quartier montrant les maisons des Dioulas et capturant les habitants.

Je me suis précipité pour fermer l'entrée principale de notre terrain, mais peu de temps après, un groupe composé de gendarmes et de membres du FPI est arrivé. J'ai vu quatre gendarmes avec des bérets rouges et environ vingt jeunes du FPI. Ils ont commencé par lancer des bombes lacrymogènes et ensuite ils ont pénétré de force dans notre terrain. Nous avons tous essayé de nous disperser, beaucoup ont sauté par-dessus les murs, mais moi je n'ai pas pu m'échapper.

Un des gendarmes nous a accusés d'être des manifestants du RDR et de leur avoir jeté des pierres ; ensuite, les gens du FPI ont commencé à nous frapper. Puis, ils m'ont mis dans un camion avec environ quinze autres personnes dont trois Burkinabé et un Malien et ils nous ont conduits à l'École de police où j'ai passé presque une semaine.

Les militants du FPI ont commis de sérieuses violations des droits de l'homme au nombre desquelles l'assassinat et le viol aux vues et aux sues des gendarmes et des officiers de police. Dans certains cas, policiers et gendarmes ont tenté d'intervenir, mais Human Rights Watch a relevé plusieurs cas inquiétants de complicité déclarée - et pour certains, des cas de collaboration.

Le 4 décembre, une ambulance transportant cinq militants du RDR blessés durant la marche vers le stade a été stoppée à Cocody par quelques vingt gendarmes soutenus par un groupe important de militants du FPI. Les gendarmes ont demandé aux blessés de sortir de l'ambulance, les menaçant de mort s'ils refusaient d'obtempérer. Ils ont emmené plus loin un des blessés ; c'était une femme. Deux des jeunes au moins l'ont violée juste devant les gendarmes. Un des blessés, un mécanicien de vingt-six ans, décrit la scène:83

Cinq d'entre nous, trois hommes et deux femmes, avaient été blessés au cours des affrontements à proximité de la caserne de pompier. J'ai été touché à la jambe. Plus tard, la Croix Rouge nous a mis dans une ambulance pour nous conduire au Centre Hospitalier Universitaire de Cocody. Alors que nous approchions du siège de la télévision nationale, nous avons été arrêtés par environ vingt gendarmes. Autour d'eux se tenait une foule d'environ cent jeunes du FPI. Ceux-là avaient noué leur chemise autour de leur taille et portaient des bandanas noirs, leurs visages étaient couverts de poudre blanche. Un des gendarmes ordonna à tout le monde y compris aux blessés de descendre de l'ambulance, à défaut de quoi il nous tuerait. Il a passé sa tête à l'intérieur de l'ambulance et il a dit `nous allons tous vous tuer et on laissera vos corps dans une tombe peu profonde derrière la prison comme on l'a fait la dernière fois que vous avez manifesté.' [référence aux cinquante-sept cadavres découverts dans le charnier de Yopougon]

Alors, le conducteur a dit `non, vous ne pouvez pas nous tirer dessus, vous ne pouvez pas faire ça, je vais vous dénoncer.' Mais les gendarmes l'ont simplement poussé de côté et ils ont pointé leurs armes sur nous. Ceux d'entre nous qui en étaient capables sont descendus tout en étant poussés et giflés. Un des gendarmes m'a donné un coup sur la joue droite avec le bout de son fusil. Ils ont laissé dans l'ambulance les deux d'entre nous qui étaient les plus sérieusement touchés parce qu'ils étaient inconscients.

Un des blessés était une jeune fille d'environ dix-sept ans. Elle avait été touchée au bras par une bombe lacrymogène sans être sérieusement blessée. Lorsqu'elle est sortie de l'ambulance, un groupe d'environ cinq jeunes FPI se sont approchés du gendarme qui nous avait arrêté et ils ont commencé à crier `oh, chef, laisse-nous celle-là, elle vient du Nord de toute façon, nous voulons faire quelque chose avec elle.' Le gendarme a répondu `les gens du Nord sont comme des moutons, faites ce que vous voulez.' Et alors les jeunes ont emmené la fille. Elle criait `pardonnez-moi pour ce que j'ai fait, laissez-moi, laissez-moi.' Ils l'ont emmenée à environ cinq mètres sur le bord de la route, j'en ai vu un, puis un autre, la violer. Puis un autre groupe d'une vingtaine de jeunes du FPI est arrivé et est parti avec elle. Le viol a duré une dizaine de minutes.

Trois minutes après, un officier de gendarmerie avec un talkie-walkie et trois barres [un capitaine] est arrivé et a crié aux gendarmes qui nous avaient arrêtés: `laissez-les partir, ce sont des blessés.' Le conducteur a expliqué que la jeune fille blessée avait été emmenée plus loin, mais le chef a dit `tais-toi, ne parle pas trop.' Le conducteur de l'ambulance a insisté en expliquant qu'elle aussi faisait partie des blessés, mais l'officier a menacé de nous tuer si nous ne partions pas à l'instant. Nous n'avons pas revu la fille après ça et je ne sais pas où ils l'ont emmenée.

Le 4 décembre 2000, un homme d'affaire de quarante et un ans qui participait à la marche vers le stade a fuit à travers le quartier Ébrié d'Anonkoua avec plusieurs autres manifestants après que les gendarmes aient ouvert le feu. Il décrit la façon dont un jeune militant du RDR a eu la gorge tranchée par un groupe de jeunes devant trois gendarmes:84

Alors que nous manifestions, nous nous sommes rendu compte que les Ébriés avaient bloqué la route. J'ai vu qu'ils étaient armés de machettes, de fusils de chasse et de morceaux de bois. Il y a eu une confrontation qui a duré une quinzaine de minutes parce que nous voulions continuer notre chemin et eux refusaient de nous laisser passer. À un moment, ils ont commencé à tirer et deux des nôtres furent touchés.

Ensuite, deux camions de gendarmes sont arrivés. Il y eut des coups de feu et une certaine confusion s'est mise à régner. C'était la débandade. Deux manifestants et moi-même avons été forcés de courir jusque dans le quartier Ébrié. Nous savions qu'il nous étaient hostile mais vraiment nous n'avions pas d'autre choix. Les Ébriés ne semblaient pas faire attention à moi, peut-être parce que j'étais bien habillé, que je portais des lunettes et que j'avais été capable de rester propre. J'ai commencé à marcher lentement comme si je n'avais rien à cacher et j'ai fais le `V' de la victoire pour leur faire croire que j'étais un militant du FPI. Je suppose que je ne ressemble pas au militant RDR type.

Par contre, à cinq mètres derrière moi, un des militants RDR qui avait fui avec moi avait du charbon noir sur son visage : lui, il était clairement identifiable. Je m'éloignais pas à pas, mais je continuais à jeter des coups d'_il sur ce qui se passait derrière. J'ai vu qu'il avait été pris par environ cinq Ébriés. Celui qui l'a pris l'a jeté au sol et ensuite un autre l'a frappé à plusieurs reprises avec un morceau de bois, puis un troisième est arrivé avec une machette et lui a coupé la gorge. Ils criaient: `Il est du RDR, il était à la manifestation!' Le garçon suppliait et criait `S'il vous plaît, s'il vous plaît, je suis désolé.' Il y avait une cinquantaine de jeunes Ébriés tout autour, quelques-uns uns avaient des fusils de chasse et presque tous les autres des machettes. Les trois qui l'ont tué avaient tous de la craie blanche sur le visage, dans leur tribu c'est un signe de guerre. Du moment où ils l'ont attrapé jusqu'à celui où ils l'ont tué, il n'y eu que deux minutes.

Pendant que le jeune était en train de se faire assassiner, un groupe de trois gendarmes traversait le quartier au pas de course. Ils étaient à une dizaine de mètres de la scène, mais ils ont très bien vu que le jeune était en train de se faire tuer. Après qu'il soit mort, ils se sont approchés un peu plus près pour voir le corps. Puis, avec les jeunes Ébriés, ils ont commencé à patrouiller dans le coin à la recherche d'autres manifestants. Il était clair qu'ils travaillaient ensemble car les Ébriés indiquaient où ils pensaient que les jeunes du RDR avaient pu s'enfuir. Les gendarmes auraient eu le temps d'intervenir et d'empêcher l'assassinat, mais ils ne l'ont pas fait. Après avoir vu ça, je me suis mis à trembler. Je me sentais mal. J'ai essayé de me contrôler et de marcher lentement, de manière assurée, jusqu'à ce que je sois sorti de là.

Viols et Violences Sexuelles
Human Rights Watch a rapporté qu'il y avait plus de cas d'abus sexuels pendant la vague de violence du mois de décembre que pendant les élections présidentielles du mois d'octobre. Les faits, comprenant le viol, notamment le viol collectif, la pénétration avec des matraques, du sable et des branches ont été perpétrés par la police et les gendarmes, et par les militants du FPI avec la complicité des forces de sécurité. Toutes les victimes étaient des partisans du RDR et/ou des femmes issues de groupes ethniques provenant du nord du pays. Elles étaient victimes d'abus sexuels dans la rue, à l'intérieur de l'institut technique ENS, à l'École nationale de police et à l'École nationale de gendarmerie. Des victimes et des témoins ont affirmé que les abus ont été commis aussi bien par les officiers que par les élèves officiers.

Le 4 décembre 2000 les gendarmes et/ou les militants du FPI ont violé, sous les yeux des gendarmes ou de la police, entre six et dix jeunes femmes qui s'étaient réfugiées dans l'Institut technique de l'ENS pour fuir les batailles de rue qui avaient eu lieu dans l'après-midi entre les membres du RDR et les forces de sécurité. Plusieurs jeunes femmes ont été remises à des jeunes pour qu'ils les violent une fois que les gendarmes en avaient fini avec elles, `invitant' les jeunes membres du FPI à abuser sexuellement des jeunes femmes. Six de ces femmes ont ensuite été transférées à l'École de police nationale où elles ont toutes été soumises à des formes graves d'abus sexuel, de torture ou d'humiliation. La plupart de ces abus ont été commis en présence d'officiers de haut rang dans l'École. Quatre femmes furent emmenées à l'École nationale de gendarmerie où elles furent violées pendant deux jours. Toutes les femmes interrogées par Human Rights Watch ont dit avoir été battues en particulier sur les fesses et les cuisses, l'une d'elles avait un bras cassé et une autre un doigt cassé.

L'Institut technique de l'ENS où beaucoup des viols ont eu lieu se trouve près d'un dortoir d'université. Une étudiante qui a vu la scène depuis sa fenêtre décrivit la scène et la façon dont les gendarmes avaient `invité' d'autres personnes à violer les jeunes femmes le 4 décembre 2000:85

J'ai vu six femmes totalement nues dans la cour. Trois d'entre elles étaient en train de se faire violer par les gendarmes et les trois autres ont été remises aux jeunes membres du FPI. Le gendarme savait que certains étudiants étaient en train de regarder; en fait certaines d'entre nous, les étudiantes, criaient par les fenêtres pour qu'ils cessent. Mais cela leur était égal. Avant de commencer à violer, les gendarmes ont jeté un regard sur nous qui étions en train de regarder par la fenêtre et crièrent des choses telles que, `Venez en prendre, une femme gratuite ; Qui a un préservatif? Venez voir du porno gratuit.' J'ai vu dix gendarmes violer ces filles; et certains prenaient même leur carabine, des morceaux de branches, et du sable et les mettaient dans leurs parties intimes. Les trois femmes étaient gardées à un endroit de l'enceinte par un gendarme. Puis ils ont appelé une femme, et tous les dix l'ont violée. Ensuite, elle allait de côté et ils prenaient la deuxième.

Puis les trois femmes ont été remises au FPI. Je n'ai pas vu ce qui leur est arrivé à ce moment là. Je crois qu'elles ont été violées dans un autre endroit. Nous sommes restées là et avons regardé cela se dérouler pendant deux heures. J'ai même appelé la police pour venir mettre fin à cela mais ils me dirent qu'ils ne pouvaient pas faire quoi que ce soit. Ensuite, ils ont mis les filles dans un camion et les ont emmené ailleurs. Tout cela était si horrible que je n'ai pas pu dormir pendant trois jours.

L'une des trois jeunes femmes décrites ci-dessus par l'étudiante était visiblement traumatisée quand elle a raconté comment elle-même et deux autres femmes ont été violées collectivement par dix gendarmes et plusieurs jeunes militants du FPI sur le sol de l'Institut technique ENS. La jeune femme, une militante du RDR de dix-sept ans, a ensuite été conduite à l'École nationale de gendarmerie où elle a été violée collectivement par d'autres gendarmes pendant encore deux jours.86

Des coups de feu éclataient de partout, alors nous avons couru nous cacher dans l'ENS. Les gendarmes ont lancé une grande quantité de gaz lacrymogène à l'intérieur, nous nous sommes mises à tousser et à éternuer; c'est ainsi qu'ils ont su que nous nous trouvions à l'intérieur. Ils nous ont fait sortir de là et ont commencé dès lors à nous frapper. Ensuite, nous avons été violées toutes les trois, moi-même, la femme du concierge et une femme venant de Dabou.

Les gendarmes nous ont violées à cet endroit même, dans la cour sur l'herbe et la poussière. Ils nous ont demandé de nous allonger et nous ont dit `Et vous dites que vous voulez un Président burkinabé, attendez donc de voir ce que nous allons vous faire.' L'un d'eux m'a d'abord violée, puis lorsque j'ai essayé de me relever un autre m'a poussé et est monté sur moi. Ils étaient environ dix gendarmes à me violer. Quelques-uns uns d'entre eux m'ont même fait prendre leur pénis dans la bouche. Lorsqu'ils en étaient finis, ils ont appelé un jeune du FPI et demandé `Qui veut coucher avec elles?', et plusieurs hommes nous ont violé encore. Ils étaient peut-être même dix. Je ne me souviens pas. Tout est devenu flou. A un moment un des jeunes hommes a introduit du sable dans mon sexe.

Ils ont vraiment maltraité la femme du concierge. Elle criait qu'elle n'avait pas fait partie de la marche mais ils persistaient à lui répondre que cela leur était égal. L'un des gendarmes a dit au concierge d'aller chercher une machette et de couper une petite branche de bananier. Puis ils ont dit à sa femme de mettre la branche dans son sexe. Ils ont forcé son pauvre mari à regarder la scène. Certains des gendarmes qui nous ont violées avaient deux `V' [sergent] et d'autres avaient deux barres [lieutenant].

Ils m'ont conduit plus tard, avec une autre fille, à l'École de gendarmerie. Ils ont laissé la femme du concierge là où elle était et quand nous sommes arrivées, nous avons découvert que deux filles y étaient déjà détenues. Nous avons toutes été violées dans l'École également. La première nuit, quatre gendarmes nous ont pris près des toilettes et nous ont violées toutes les quatre. Cette nuit-là j'ai été violée par quatre gendarmes. Le jour suivant, ils nous ont battu du matin au soir puis, tard dans la nuit, j'ai été violée encore par quatre gendarmes différents. J'ai vu les trois autres se faire violer juste à côté de moi. Ils nous ont fait prendre leur sexe dans la bouche. J'ai saigné pendant plusieurs jours après ces viols. Pendant que j'étais là-bas, j'ai été battue avec des barres de fer, des bâtons et la boucle de fer de leurs ceintures en corde rouge. Ils nous ont frappé surtout sur les cuisses et sur le derrière. Les choses se sont beaucoup améliorées à partir du mercredi lorsqu'un gendarme de la tribu Dioula nous a donné, à nous les femmes, des vêtements et nous a dit que si quiconque essayait encore de nous violer nous devions crier. Il nous a donné du savon et nous a aidé à trouver de l'eau et a mis des gardes devant nous pour nous protéger.

Une étudiante de vingt-deux ans qui fut violée à l'ENS par deux militants du FPI décrit comment elle a été remise aux jeunes par la police:87

Quand le gaz lacrymogène a commencé à trop nous irriter, nous avons décidé de sortir de notre cachette [l'ENS]. Lorsque nous sommes sorties, la police et les gendarmes étaient là. J'ai été arrêtée par deux policiers qui ont commencé à me frapper à la seconde où ils m'ont attrapée. Ils disaient sans cesse `Mais tu es une fille, qu'est-ce que tu fais là?' Après m'avoir battue, les policiers m'ont remis à quelques jeunes membres du FPI qui étaient dans les parages et ont dit, `En voilà une autre, allez faire ce que vous voulez avec elle.'

Les jeunes du FPI m'ont entraînée entre deux voitures en stationnement. Non loin de là, je pouvais voir deux autres filles, complètement nues se faire violer par deux autres jeunes membres du FPI. Les jeunes m'ont crié d'entrer à l'intérieur de la chambre et je les ai suppliés de m'épargner. Quand je me suis refusée, ils ont commencé à me frapper et à déchirer mes vêtements. Certains des policiers ou des gendarmes qui passaient par-là disaient `Quel est votre problème, pourquoi ne lui faites-vous rien?', et les jeunes ont répondu `Nous ne pouvons le faire devant vous, nos frères aînés.' Ensuite les policiers sont partis.

Alors ils m'ont poussée à terre. J'ai commencé à pleurer et à leur donner des excuses. Je leur ai dit que j'étais une écolière, une vierge, puis je leur ai dit que j'avais mes règles. A ce moment là, ils étaient à peu près huit hommes; ils étaient cinq à me retenir au sol. Ils disaient des choses comme `C'est vous qui voulez aider le Burkinabé à devenir président.' J'ai reconnu l'un des membres du FPI et lui ai demandé son secours. A un moment donné, j'ai crié `Allah' en Dioula et ils se sont mis vraiment en colère, ont commencé à me frapper vraiment fort et à dire `Dioulas, nous allons tous vous tuer.' Un garçon m'a demandé d'ouvrir la bouche et a essayé d'y mettre son pénis.

Quelques minutes plus tard un policier est arrivé et a dit que je devais être libérée. Les jeunes membres du FPI se sont plaints et le policier leur a dit, `Regardez, c'est nous qui vous avons appelés pour vous servir de ces femmes au départ, alors c'est à nous de dire quand elles doivent être relâchées.' Puis le policier m'a accompagné vers une voiture de police et m'a protégée des jeunes qui essayaient de me frapper alors que j'ai tenté de sortir. J'avais des marques noires et des marques bleues sur le dos et les jambes, et des marques d'ongle sur la poitrine car l'un des jeunes m'avait griffée.

Les élèves et les officiers de l'École de police nationale ont abusé sexuellement, torturé et humi1ié six femmes détenues. Human Rights Watch a rencontré quatre de ces femmes, dont trois ont été forcées à rester allongées nues devant un groupe d'officiers qui ont ensuite introduit du sable et des matraques de police dans leurs vagins, et les ont forcées à faire semblant de faire l'amour les unes avec les autres. Plusieurs ont été frappées avec des matraques dans leurs parties génitales et l'une d'elles a directement été menacée de viol. Une de ces femmes était en début de grossesse et a fait une fausse couche pendant ses jours de détention.

Le 4 décembre une femme de vingt-sept ans qui rentrait de son travail chercha refuge dans l'institut d'enseignement avec de nombreux manifestants du RDR. Quand la police et le FPI découvrirent qu'elle venait du groupe ethnique Senoufou, une ethnie du Nord du pays, elle fut battue, déshabillée et violée par l'un des jeunes. Elle fut emmenée à l'École de police nationale où elle a souffert d'autres formes d'abus sexuel, y compris une tentative de viol. Elle a raconté les événements:88

Nous étions six femmes dans l'École. Je n'ai pas été violée à l'intérieur mais j'ai souffert de tant d'autres mauvais traitements. La première nuit un élève officier m'a dit de me lever et de le suivre dans la salle de bains. Lorsque je suis arrivée là il m'a dit de bien me laver parce que lui et les autres allaient avoir des rapports sexuels avec moi. Je lui ai dit que d'autres m'avaient déjà fait subir cela et que l'intérieur me brûlait, mais il a dit simplement `Tu fais cela tous les jours en ville mais tu nous refuses tes faveurs.' Puis il a demandé, `Est ce que l'homme qui a couché avec toi était protégé?' Ce à quoi j'ai répondu non, à ce moment il avait déjà baissé son pantalon et était en érection. Mais lorsque je lui a dit cela, il m'a laissé.

Mais sur le chemin de retour vers la salle principale le policier m'a emmené à l'endroit où les officiers étaient assis. Je savais que c'était des officiers parce qu'ils avaient des barres oranges et faisaient parti de ceux que nous avions vu donner les ordres. Ils étaient sept ou huit. Lorsque nous sommes arrivées à leur niveau, l'un m'a demandé de m'allonger devant eux et d'écarter les jambes. Puis ils sont venus et m'ont regardé, m'ont dit d'écarter davantage les jambes et m'ont ordonné de bouger comme si je faisais l'amour à mon mari. Puis l'un d'eux a mis une pleine poignée de sable dans mon vagin. Cela m'a brûlé à l'intérieur. Puis ils m'ont dit de me lever et d'aller me laver. Ils m'ont fait allonger ainsi en face d'eux pendant près de quinze minutes.

Puis, la nuit suivante, un élève policier m'a dit d'aller prendre de l'eau dans un sceau, il a essayé de mettre sa matraque en moi mais j'ai crié et à la fin il n'était plus en mesure de le faire. Ensuite l'élève officier m'a dit `Les chefs veulent te parler.' Et ils m'ont emmené au même endroit que la veille. Je crois que la plupart des officiers étaient les mêmes mais je ne puis l'affirmer avec certitude. Cette fois encore ils m'ont dit de m'allonger mais cette fois ils ont introduit la matraque dans mon corps en disant simplement, `Fais simplement comme si cela était ton mari.' J'ai pleuré de douleur.

Les Leaders du RDR Pris Comme Cibles
Au mois de décembre, des dizaines de militants du RDR, y compris plusieurs leaders du parti, de plus ou moins grande envergure, furent arrêtés, accusés sans instruction préalable et ensuite emprisonnés dans la Maison d'Arrêt et de Correction d'Abidjan (MACA), sous les charges de perturbation de l'ordre public, de violation de la paix, de complicité de destruction de propriété ou de possession d'armes. Très peu des personnes interrogées par Human Rights Watch ont rapporté avoir été interrogées de façon formelle ou même questionnées sur leurs activités. Aucune, au moment de ce rapport, n'a eu de procès en bonne et due forme. Les choses se sont passées différemment par rapport au mois d'octobre où presque tous les détenus ont été relâchés au bout d'une semaine. A l'heure de la rédaction de ce rapport, une soixantaine de personnes sont encore détenues. Le Ministre de l'Intérieur, Emile Boga Doudou dit que les chefs et les militants du RDR ont été arrêtés avec des armes à feu et d'autres armes et maintient que `Tous ces éléments montrent le désir manifeste du RDR de prendre le pouvoir par les armes.'89

Parmi les accusés se trouvaient Ali Coulibaly, porte-parole du RDR, Kafana Kone, secrétaire national du RDR, et Jean-Philippe Kabore, le fils d'Henriette Diabaty, secrétaire générale du RDR.

Selon les victimes elles-mêmes et d'autres témoins, les chefs du RDR ont été soumis à des formes de torture particulièrement sévères. Dans la plupart des cas, ce sont les gendarmes, jusqu'aux officiers gradés de deux ou de trois barres [lieutenant et capitaine], qui sont responsables de ces abus.

Souleymane Kamarate Kone, un homme de trente ans qui travaillait au département communication du RDR a été torturé après avoir été capturé avec Jean-Philippe Kabore, et plusieurs autres personnes. De l'intérieur de la MACA, il décrit l'ampleur des sévices qu'ils ont reçus après leur arrestation du 4 décembre, et comment un responsable du RDR est mort à la suite des blessures reçues pendant sa détention chez les gendarmes:90

Aux environs de 17h30, le 4 décembre, je suis parti avec Jean Philippe Kabore, le fils de Madame Diabaty, et quatre autres pour vérifier la maison de cette dernière, qui est près du centre culturel américain. La rumeur courait que le centre avait été attaqué. Nous sommes sortis en pensant que l'agitation s'était calmée.

Sur le chemin, nous avons passé un poste de contrôle de gendarmerie sans difficultés ; c'est au second poste, qui se trouve juste à côté de la station de télévision nationale, que nous avons commencé à avoir de graves problèmes. Ils nous ont demandé où nous allions et Jean-Philippe a expliqué que nous nous rendions à la maison de sa mère. Ils ont demandé qui était sa mère et lorsqu'il a répondu, `Henriette Diabaty,' ils sont devenus agressifs et hystériques. Le gendarme qui nous avait arrêté a appelé les autres pour qu'ils le rejoignent en courant - ils étaient environ douze- et il a commencé à crier : `Nous avons capturé le fils d'Henriette.'

Ils nous ont ordonné de sortir de la voiture, nous ont dit de retirer nos vêtements et ont commencé à nous frapper avec leurs ceintures, les crosses de leurs pistolets et avec du bois. L'un d'eux nous a donné des coups avec la baïonnette qui était au bout de sa carabine. Quand ils nous ont fouillés, ils ont trouvé le petit pistolet que Fofanah, un des gardes du corps de Madame Diabaty portait; il est garde du corps et avait un permis de port d'armes, il n'y avait donc rien d'illégal à cela. Lorsqu'ils ont trouvé le pistolet, ils sont devenus fous. Ils l'ont frappé sauvagement et lui ont donné des coups de pied dans le visage. A un moment, ils l'ont forcé à ouvrir la bouche et ont aspergé du gaz lacrymogène directement à l'intérieur.

Après environ vingt minutes de ce traitement, ils nous ont ordonné d'aller dans la station de télévision nationale au sein de laquelle ils nous ont laissés avec un second groupe d'environ trente gendarmes dans lequel il y avait plusieurs officiers avec deux et trois barres [lieutenant et capitaine]. Ils nous ont frappés et nous ont torturés également. A un moment, un officier gendarme m'a dit qu'il savait que je travaillais dans le département des communications du RDR, il m'a ordonné de donner les noms et l'endroit où se trouvaient les survivants du charnier de Yopougon. Pour me faire parler, il a brûlé les poils de mon pubis et autour de mes testicules avec un briquet. Il a fait cela à plusieurs reprises. J'ai vu que les autres étaient aussi torturés. Les journalistes de la télévision nationale ont vu tout ce qui nous est arrivé là-bas. Après deux heures ils nous ont envoyés, nus et pleins de sang, à l'École de gendarmerie nationale.

Après être arrivés là-bas, un officier qui, je pense, était le chef, est venu à notre rencontre et était visiblement fâché après ces hommes pour ce qu'ils nous avaient fait. Il a demandé, `Pourquoi les avez-vous frappés?' et il a ordonné qu'on nous donne des vêtements. Peu après notre arrivée, Fofanah, le garde du corps, est mort de la suite de ses blessures et à cause du gaz lacrymogène. Un officier a ordonné qu'on le conduise à l'hôpital. J'ai vu qu'il y avait une cinquantaine de détenus qui se trouvaient déjà à l'intérieur, tous saignaient. Nous n'avons pas été frappés à l'intérieur de l'École de gendarmerie nationale et aux environs de 21h, nous, les cinq hommes qui restions, avons été mis dans une ambulance. Nous avons cru que nous allions être conduits à l'hôpital pour être soignés, mais au lieu de cela, on nous a emmenés au camp de gendarmerie d'Agban où nous avons rejoint quelques centaines d'autres détenus.

Le pire moment de cette terrible expérience a commencé lorsque nous sommes arrivés à Agban. Ils nous ont dit d'abord de nous déshabiller puis ils nous ont tous frappés jusqu'au sang. C'est Jean-Philippe qui a subi le pire traitement. Ils ont mis une sorte de poudre jaune dans un compte-gouttes en caoutchouc et l'ont répandu dans nos blessures et dans nos yeux. Comme nous étions en train de saigner sur le sol, ils nous ont dit que nous salissions leur sol et nous ont ordonné de lécher par terre pour nettoyer le sang;  `Vous salissez nos lieux; nettoyez, nettoyez.' Quelques-uns uns d'entre eux avaient un fer à repasser qu'ils ont pressé sur nous. Là aussi on m'a posé des questions sur les survivants de Yopougon et sur l'un de nos leaders étudiants qui préside le Forum International. L'un des gendarmes a dit, `Nous savons que c'est toi qui gère les dossiers au RDR, tu sais où ils sont.'

Le mardi vers minuit, Babou Coulibaly, un secrétaire privé d'Alassane, a été conduit à Agban dans une voiture gardée. Dès son arrivée les gendarmes ont commencé à le montrer du doigt et à l'accuser d'infiltrer les partisans de Gbagbo et de vouloir tuer le Président. Je ne sais pas où ils ont eu cette information. Ils l'ont sorti de la voiture et l'ont frappé si fort qu'il ne pouvait plus bouger. Ils sont devenus fous et se sont conduits comme des animaux; ils ont sauté sur lui, lui ont donné des coups de pied dans le ventre et sur les côtés avec leurs bottes et l'ont frappé avec des morceaux de bois et la crosse de leurs carabines. Il a été battu jusqu'à ce qu'il perde connaissance et, vers deux heures du matin, peut-être de crainte de le voir mourir, ils l'ont emmené. J'ai entendu plus tard qu'il était mort à l'hôpital.

La Violence S'intensifie à la Suite d'un Discours Présidentiel
Le soir du 4 décembre 2000, le Président Gbagbo a fait un discours à la télévision nationale dans lequel il a imposé un couvre-feu et un état d'urgence jusqu'au matin du 12 décembre. Dans son discours, il a ordonné aux forces de sécurité d'agir à leur gré contre les manifestants qu'il a indirectement accusés d'essayer de le renverser par un coup d'état. Il a dit "la police, les gendarmes et les soldats de toutes les branches des forces armées ont reçu l'ordre d'employer tous les moyens dans tout le pays pour contrer les éléments perturbateurs... On ne gagne pas le pouvoir par un putsch. Je ne veux pas que la Côte d'Ivoire devienne un pays qui va de putsch en putsch. Tous les perturbateurs seront punis."91 De nombreux partisans du RDR ont dit par la suite à Human Rights Watch qu'ils pensaient que le discours avait donné carte blanche aux forces de sécurité pour la répression de l'opposition.

Il est difficile d'établir à quel le degré les gendarmes et la police se sentaient protégés par la déclaration du président ; ou bien peut-être l'impunité dont ils avaient jouit jusqu'alors avait suffi à influencer leurs actes. Néanmoins, selon des déclarations entendues par plusieurs victimes, la police et les gendarmes se sont en fait servi de l'excuse du discours du président pour commettre de graves violations des droits de l'homme.

Très tôt ce matin du 5 décembre 2000, les gendarmes et la police se sont déployés en force dans les quartiers qui, le jour précédent, avaient assisté aux importantes manifestations du RDR. Les forces de sécurité ont bloqué les routes et ont ensuite tiré sans distinction dans la foule de manifestants, ont arrêté et détenu des partisans du RDR et sont entrés par effraction dans les maisons d'étrangers, de gens du Nord et de musulmans. Les victimes et les témoins ont souvent décrit des partisans du FPI accompagnant et, dans certains cas, collaborant avec les forces de sécurité lorsqu'elles ont perpétré nombre de ces attaques. Human Rights Watch a fait un travail de documentation sur les morts de vingt-trois civils le 5 décembre 2000, tous aux mains des forces de sécurité. Les quartiers les plus touchés par la violence du 5 décembre 2000 étaient les bastions du RDR. Comme en octobre, la violence perpétrée par les forces de sécurité à Yogoupon a semblé s'intensifier à la suite du meurtre d'un gendarme pendant les affrontements avec les partisans du RDR.

Un chauffeur de 22 ans, gravement torturé durant ses dix jours de détention à l'Académie nationale de police, décrit comment les déclarations du président aidèrent les élèves policiers à justifier leurs actions:92

A plusieurs occasions, ils nous ont menacés de mort. Un d'entre eux disait qu'ils avaient reçu leurs ordres directement du président de faire tout et n'importe quoi pour se défendre eux-mêmes, et que nous devions être prudents parce que cela signifiait qu'ils pourraient facilement nous tuer s'ils le voulaient. Ils disaient que leur pitié pour nous était la seule chose qui pouvait les stopper dans ce qu'ils étaient en train de faire. Ils disaient clairement que le discours du président signifiait que personne n'interviendrait s'ils nous tuaient. Nous étions à leur merci.

Après des heures d'affrontements entre les partisans RDR et les forces de sécurité à Abobo, les gendarmes patrouillèrent à travers les rues et les allées, ont capturé et dans certains cas ont abattu des partisans RDR suspectés. Un Malien décrit comment les gendarmes, avec des civils qu'il pensait être des partisans FPI, entrèrent par effraction dans la maison de son frère, de son cousin et d'un Ivoirien Dioula, le 5 décembre et les tuèrent sans même leur avoir demander de s'identifier:93

Il y avait plusieurs familles qui vivaient dans cet enclos, tous étaient maliens, à part une famille de Côte d'Ivoire. Pas un d'entre nous n'était un militant RDR ; en tant que Maliens, nous n'avions pas de raisons d'être impliqués dans la politique nationale.

Le mardi [5 décembre], vers 11h30 du matin, un ami est arrivé à la parcelle en hurlant, "Les gendarmes sont arrivés. Soyez prudents." Nous avons rapidement refermé toutes les fenêtres et les portes. Très peu de temps après, nous avons été attaqués. Nous entendions les gens hurler, et à travers une fêlure de la fenêtre, j'ai vu beaucoup de gendarmes, accompagnés de civils, que je pense être des FPI, s'approcher de chez nous.

Comme ils se rapprochaient, j'ai entendu un des civils dire, "C'est ici, c'est une parcelle Dioula," alors ils lancèrent au moins dix bombes lacrymogènes vers l'intérieur de la parcelle, mettant le feu à deux chambres. Nous avion du mal à respirer, mais nous avions réussi à mettre les femmes et les enfants dans une pièce où nous espérions qu'ils seraient à l'abri. Nous savions qu'ils cherchaient les hommes. Nous avons entendu frapper à la porte et alors, six d'entre nous, moi inclus, avons sauté par-dessus le mur vers la parcelle d'à côté, alors que les cinq autres se cachèrent dans notre propre parcelle. Peu de temps après que nous ayons sauté par-dessus le mur, j'ai entendu les gendarmes défoncer notre porte et plus tard, dix ou plus sont entrés à l'intérieur.

Moi-même et deux autres personnes, nous étions cachés sous le lit d'une des chambres, et les trois autres étaient cachés autre part. De dessous le lit, nous entendions "Partez, partez maintenant, nous sommes venus pour vous tuer. Nous savions qu'ils étaient en train d'essayer d'enfoncer la porte de la parcelle. Alors, nous avons entendu le son de la porte qui se cassait, des hurlements, des pas, des gens en train de courir et beaucoup de coups de feu. Nous n'avons pas entendu de gendarmes dire d'arrêter ou demander aux gens de s'identifier, ou quoi que se soit d'autre.

Après que nous ayons entendu les gendarmes partir, nous sommes sortis et avons trouvé les corps de mon frère, de mon cousin, et de nos amis baignant dans le sang. Un était tombé dans la dernière chambre de la parcelle, et deux autres étaient tombés dans une maison abandonnée d'à côté. Il n'y avait pas de blessés, seulement trois morts.

Je ne sais pas pourquoi ils nous ont attaqués. J `ai entendu dire plus tard qu'ils étaient à la recherche d'un chauffeur de bus qui était un homme des RDR. Quelques-uns ont raconté que les militants FPI avaient dit aux gendarmes que le chauffeur était caché dans notre parcelle. D'autres ont dit que les gendarmes étaient à la poursuite de jeunes RDR qu'ils accusaient de causer des problèmes, et qu'ils pensaient avoir trouvé refuge chez nous.

Les gendarmes ont passé deux heures dans notre voisinage, et comme ils partaient, j'ai vu des gens du FPI local applaudir, crier et faire le signe `V.' Ensuite, nous avons enterré mon frère et les autres.

Un marchand burkinabé de 30 ans fut l'un des cinq Burkinabé capturés le 5 décembre durant l'opération de police à Abobo. Ils furent transportés plus tard à l'École nationale de police où tous furent gravement torturés:94

Je vivais avec deux cousins et des amis, tous du Burkina Faso, dans ce qui était considéré comme un quartier burkinabé. Vers 18h, environ 40 d'entre nous étions à l'intérieur en train de nous préparer pour terminer notre jeûne, quand dix hommes sont entrés brusquement dans notre parcelle. Ils criaient `Mains en l'air, que personne ne bouge,' et ils ont commencé à nous battre et ont ordonné à cinq d'entre nous de monter dans un minibus civil attendant à l'extérieur. Ils n'ont pas demandé nos papiers, ils ne nous accusaient de rien. Mais il était évident qu'ils savaient que nous étions des étrangers. L'arrestation s'est déroulée très rapidement, ils ont passé seulement quelques minutes dans la parcelle. Ils disaient des choses comme `Vous les Burkinabé ... vous venez ici pour chercher un peu d'argent et maintenant vous voulez nous gouverner.'

Le plus sérieux des affrontements du 5 décembre survint dans le quartier Port Bouet II de Yopougon. Après qu'un gendarme fut tué tôt dans la matinée durant de sérieux affrontements entre une centaine de partisans RDR et les forces de sécurité, les gendarmes tirèrent sur le groupe des manifestants RDR, en en tuant au moins treize. Plus tard dans la matinée, les gendarmes, accompagnés de plusieurs civils présumés être des partisans FPI, ratissèrent le quartier avec des bouteilles d'essence, mettant le feu à plusieurs maisons, voitures et commerces. Au moins trois étrangers, dont une Nigérienne de deux ans et une Togolaise de onze ans, furent tués quand des engins explosifs ont été tirés dans un quartier densément peuplé de civils.

Un partisan RDR de 30 ans qui participa aux affrontements, décrit comment les gendarmes ont tiré sur les manifestants, et plus tard l'ont arrêté et déshabillé, ainsi que deux autres jeunes avant de tirer sur eux. Il raconte comment il a survécu en faisant semblant d'être mort:95

Les ennuis ont commencé vers 8-9 h dans la matinée du mardi. La police était en train d'essayer d'empêcher le RDR de manifester, mais nous étions trop nombreux, nous étions environ 500-700 manifestants rassemblés sur le rond-point qui menait à l'hôpital. Alors les gendarmes sont arrivés et nous avons pris la fuite en courant. Alors ils ont ouvert le feu sur nous. A ce moment, j'ai vu six ou huit corps. Environ quarante d'entre nous avons été capturés par différents groupes de gendarmes.

Trois d'entre nous avons été capturés dans mon groupe. Ils nous ont retenu quelque temps, nous ont ordonné d'enlever tous nos vêtements et nous ont forcé à marcher dans le quartier. A ce moment, les gendarmes avaient déjà commencé à brûler les maisons. Ils nous ont demandé de mettre le feu à une maison, mais nous avons refusé, et j'ai alors entendu un gendarme avec trois `V' [un sergent-chef], et un talkie-walkie dire, "Tuez-les, nous ne voulons pas de RDR ici." Il semblait être celui qui prenait les décisions.

Alors ils ont dit à trois d'entre nous de courir, et après environ dix mètres, ils ont ouvert le feu. Je n'ai pas été touché, mais je suis tombé à terre comme si je l'avais été. J'ai vu les corps des deux autres plus tard. Ensuite, un des gendarmes est venu et m'a frappé violemment avec son fusil, mais je suis resté étendu là. Plus tard dans la journée, une fois que les choses se sont calmées, j'ai compté treize morts étendus sur le rond-point.


Un propriétaire de restaurant décrit comment les gendarmes mirent feu à son restaurant et aux autres propriétés avoisinantes:96

Le mardi matin, vers 8h, les gendarmes sont revenus en force. Ils tiraient partout. Je les ai vus en bérets noirs et rouges et avec les insignes de la marine [marine nationale]. Vers 13h, j'ai un peu ouvert ma fenêtre, et j'ai vu environ huit gendarmes marchant dans la rue avec un bidon de dix litres d'essence, accompagnés par plusieurs, je pense six, gardes de l'hôpital universitaire de Yopougon, et quelques jeunes FPI. Je les ai vus mettre le feu à notre quartier. Au début, ils ont jeté de l'essence sur le kiosque d'un homme Baoulé, un magasin de meubles, puis, ils sont venus vers mon restaurant. En premier, les jeunes FPI ont cassé la porte et ont volé le magnétophone, la machine à express, et quelques _ufs, du lait et de l'huile. Alors, les FPI et les gardes ont rassemblé toutes les chaises ensemble et ils ont mis le feu. Puis, comme mon restaurant était en train de brûler, un des gendarmes l'a arrosé de balles et continué sa route.

J'ai vu les gendarmes mettant le feu à tant d'endroits : à mon restaurant, à deux autres maisons, dont une qui appartenait à un Malien, à un gros camion de charbon et à un taxi. Au même moment, j'ai vu les gendarmes tirer sur une maison occupée par des Togolais. J'ai entendu une explosion et j'ai vu le père et trois filles sortir en courant. Plus tard, j'ai entendu des gens pleurer, et j'ai appris qu'une des filles et un Nigérien avaient été tués. Après cela, nous avons tous fuit le quartier jusqu'à ce que les choses se calment. Je ne sais pas pourquoi les gendarmes ont fait tout cela. J'ai entendu qu'un gendarme avait été tué sur le rond-point entre 8h et 9h ou plus dans la matinée, peut-être était-ce en représailles. Tout ce que je sais, c'est que j'ai perdu 6 millions de CFA [8,570 $U.S.] dans l'incendie.

La s_ur de 17 ans de la jeune Nigérienne de deux ans, qui fut tuée quand l'engin explosif tomba sur la parcelle le 5 décembre 2000, décrit ce qui s'est passé et comment les gendarmes ont empêché plus tard l'évacuation des blessés:97

A partir d'environ 6h, les jeunes ont commencé à aller et venir en ayant des accrochages avec les gendarmes. Puis, vers 8h, nous avons entendu qu'un gendarme avait été tué par un des manifestants. Les choses sont devenus plus sérieuses après cela. Il y avait beaucoup de coups de feu.

Puis, cinq minutes après, notre propre problème a commencé. Nous étions tous dans nos lits, ma mère était couchée avec ma petite s_ur, et j'étais assise sur mon propre lit. Vers 8h45, une bombe de gaz lacrymogène a été lancée à l'intérieur de notre parcelle. Nous avons commencé à étouffer et à tousser, et soudain il y a eu une gigantesque explosion, un bruit de fracas et de la fumée blanche partout. Il y avait du sang partout, nous étions écorchées de partout; ma s_ur était en train de saigner gravement de la tête et de son ventre. Ma mère était touchée à la tête, et partout sur les jambes et le dos. Il y avait un gros trou dans le plafond où la bombe était tombée et les éclats de fer volaient de partout.

Peu après l'incident, nous avons essayé de les transporter à l'hôpital, mais les gendarmes nous l'ont refusée. Peu après 9h, un gendarme qui était en train de passer par là tandis que nous ouvrions la porte, est venu vers nous, s'agitant et criant. La première femme de mon père a essayé de dire au gendarme que nous avions des blessés qui avaient besoin d'aller à l'hôpital. Le gendarme lui a juste demandé si elle avait des allumettes. Je ne sais pas ce qu'il avait l'intention de faire avec. Elle a insisté en disant `S'il vous plaît, nous avons besoin de votre aide, nous avons des blessés qui ont besoin d'aller à l'hôpital,' mais il a refusé et a menacé de la tuer si elle insistait. Le même gendarme est revenu trois fois en demandant des allumettes et en nous menaçant. Nous lui avons dit que nous étions Nigériens et que nous n'avions rien à voir avec ces problèmes. Ils savaient que nous avions des blessés, mais ils ne nous ont pas laissé sortir. Et tout ce temps, ma mère et ma s_ur allaient de mal en pire. Nous n'avons pas pu les emmener à l'hôpital avant 14h. Ma petite s_ur est morte peu de temps après notre arrivée. Ces bombes sont des choses que l'on utilise en temps de guerre- nous faisaient-ils la guerre?

Plusieurs membres du personnel médical décrivent comment des soins ont été refusés aux blessés RDR à l'intérieur du centre hospitalier universitaire de Yopougon, qui est situé à moins de 500 mètres du lieu où se sont déroulés les accrochages du 5 décembre 2000. Un conducteur d'ambulance décrit la scène et comment les gardes et les gendarmes leur refusèrent l'entrée:98

Ils nous ont dit qu'ils avaient reçu l'ordre de ne pas ouvrir la porte. Nous avons passé deux heures à essayer de les convaincre d'ouvrir la porte. Nous avons essayé d'expliquer le principe de neutralité et que n'importe quel blessé a le droit de recevoir des soins. Finalement, aux alentours de midi, ils nous ont autorisé à entrer. Une fois à l'intérieur, j'ai entendu cinq infirmières commenter qu'elles n'allaient soigner aucun militant RDR. A l'intérieur, nous avons trouvé une vingtaine de blessés, presque tous blessés par balles, et ils n'avaient pas été convenablement soignés. Nous avons passé les quelques heures suivantes à aller et venir, les évacuant vers d'autres hôpitaux disposés à les soigner.

Abus Psychologiques
Plusieurs détenus furent menacés de mort à maintes reprises et furent soumis à des simulations d'exécutions. En décembre, ces menaces de mort tournaient communément autour du thème du `Charnier de Yopougon,' et on a dit à des groupes de détenus qu'ils pourraient être emmenés dans la forêt et tués, comme cela c'était passé en octobre.

Un militant RDR de 18 ans, détenu au camp de gendarmerie d'Agban durant vingt jours, et torturé, raconte:99

Ils menaçaient toujours de nous tuer. Le premier jour [4 décembre], vers 11h, un gendarme, armé d'une mitrailleuse et de bandes de balles mises autour de ses épaules, s'est arrêté en face de la salle où nous étions retenus, comme s'il s'adressait à nous tous et a dit `Ce soir, nous allons tous vous tuer. A trois heures du matin, nous vous chargerons tous dans des camions et nous vous tuerons dans la forêt de Banco.' Alors, quelques-uns des autres gendarmes debout à ses côtés ont dit. `Vous vous rappelez tous ces corps du massacre de Yopougon? Eh bien, ce n'est rien comparé à ce que nous allons vous montrer ce soir.' Un des docteurs gendarme qui nous a soigné plus tard, nous a menacé en disant `Soyez prudents, si la situation tourne à la guerre, vous serez tous morts.'

Un chauffeur de taxi de 19 ans fut arrêté à Yopougon avec huit autres voisins, dont plusieurs étrangers ; pas un n'avait participé aux protestations RDR. Après avoir été forcés de quitter leurs maisons, ils furent amenés au poste de police local. Cette nuit, ils furent mis dans un camion sans qu'on leur ait dit leur destination. Il raconte comment la mention du charnier de Yopougon fut utilisée pour les terrifier:100

A 22h, le policier nous a dit de nous habiller et d'aller dans le véhicule de police. J'ai été arrêté avec dix-huit autres, dont huit du Mali, un Guinéen, et un marchand du Niger qui me dit qu'il avait été arrêté. Sur la route, un des policiers nous a demandé si nous avions vu les images du charnier de Yopougon. Il disait que nous allions terminer comme ces jeunes. Nous étions terrifiés, parce qu'à ce moment, nous ne savions pas où ils nous emmenaient. Nous étions vraiment soulagés d'arriver à l'École nationale de police.

Sept femmes détenues, qui durant trois jours avaient été soumises à des violences physiques et sexuelles à l'intérieur de l'École nationale de police, ont entendu, à leur grand soulagement, le 7 décembre 2000, qu'elles allaient être séparées des hommes. Lors de cette séparation, les élèves policiers les soumirent alors à des simulacres d'exécutions. Une de ces femmes décrit sa terrifiante expérience:101

Le jeudi, après plusieurs jours d'enfer et d'humiliations, nous avons reçu des traitements médicaux et nous ont dit que nous allions être séparées des prisonniers de sexe masculin. Ils disaient que nous allions à l'amphithéâtre. Je pensais que nos souffrances étaient terminées, mais j'ai appris bientôt que notre supplice n'était pas encore sur le point de finir.

Après avoir quitté la clinique, ils ont dit à sept d'entre nous de venir avec eux. Ils nous ont emmené à l'entrée de la cage d'escalier, et nous ont dit d'attendre. Alors, ils nous ont emmenées, une par une, descendre le long d'un corridor sombre qui conduisait à un sous-sol. J'étais la quatrième à y aller. C'était sombre et pendant que nous marchions, ils disaient qu'ils allaient me tuer et j'ai entendu un coup de feu. En entrant dans l'amphithéâtre, j'ai vu la femme qui m'avait précédée couchée à terre. Quand je l'ai vu, je me suis mise à pleurer et à crier, et évidemment je pensais qu'elle était morte et qu'ils allaient me tuer aussi. Alors, ils m'ont dit de me coucher par terre et ont tiré un coup de feu à distance. Puis, les élèves policiers qui pensaient que ce n'était que le début de leur partie de rigolade, m'ont dit de me coucher avec les autres. Ils faisaient cela juste pour nous terrifier. C'était juste un `petit jeu,' les élèves s'amusaient. Il y avait même une femme élève parmi eux.

Un partisan RDR, détenu dans une rue proche du centre de télévision nationale le 4 décembre 2000, décrit avoir été menacé de mort quand les gendarmes se disputaient pour savoir comment le tuer:102

J'étais dans la rue, détenu avec environ dix autres. Ils étaient tous battus de manière horrible et saignaient de partout. Il y en avait un dont la figure était vraiment bousillée, je ne pourrais dire où était son nez ou sa bouche, et il y en avait deux qui ne bougeaient plus du tout. Je pense qu'ils étaient morts.

Alors, quelques gendarmes m'ont ordonné à moi, et également à d'autres qui étaient les seuls à ne pas avoir perdu connaissance, de prendre les blessés et les corps, et de les mettre dans un camion. Mais je ne pouvais pas, parce que j'étais trop faible. Ils m'ont battu, m'ont jeté au sol, et un des gendarmes m'a marché dessus, a mis sa botte sur ma figure et m'a dit de lécher sa botte. Pendant que j'étais en train de le faire, un autre a apprêté son fusil et a dit qu'il allait me tuer, un autre n'était pas d'accord et disait qu'il allait couper mon pénis et un autre disait qu'ils devraient me couper la gorge et le dernier disait qu'ils devraient me couper les jambes pour que je ne puisse plus marcher. Ils ont prit ma carte d'identité et l'ont déchirée. Les trente ou plus jeunes du FPI rôdaient en encourageant les gendarmes et ont commencé à dire des choses comme `Eh vous Burkinabé avec votre salaud de président.'

Persécution Religieuse
En décembre, les musulmans ont été ciblés de manière plus organisée par les forces de sécurité d'Etat, particulièrement la police. Le 5 décembre 2000, soixante-quatorze musulmans et leur imam, qui s'étaient réunis pour la prière de l'après-midi dans la mosquée d'Avocatier ont été arrêtés lors d'une opération policière à laquelle ont participé des dizaines de policiers et plusieurs camions. Par la suite, les musulmans ont été détenus pendant plusieurs jours à l'École de police nationale de Cocody. Lors d'une opération similaire, environ vingt-cinq musulmans et leur imam ont été arrêtés par la police pendant qu'ils étaient en train d'examiner les dégâts subis par la mosquée de Sofogia qui venait d'être incendiée par une foule de militants du FPI. Les deux groupes ont été accusés de cacher des armes dans leurs mosquées.

Pendant leur détention, des groupes de musulmans furent battus, plongés dans de l'urine et de l'eau sale, forcés d'interrompre leur jeûne, et se virent refuser le droit de prier. Les plus vieux musulmans et les imams furent forcés d'enlever leurs barbes et de regarder la police détruire le Coran, et d'autres textes sacrés. En détention, les musulmans furent souvent insultés et forcés à enfreindre les règles religieuses. Ce fut particulièrement vrai en décembre, durant le mois du ramadan. Ainsi, à Abobo, les gendarmes ouvrirent le feu sur au moins une mosquée et, par la suite, arrêtèrent l'imam et plusieurs des membres de sa famille.

Un de ces fidèles de la mosquée d'Avocatier décrit ce qui est arrivé aux 75 musulmans capturés durant l'après-midi lors d'une opération de police du 13ème district:103

Le mardi, le 5 décembre, la police est venu à notre mosquée. Nous tous, les 75, dont notre imam, ont été emmenés. Le mois de jeûne venait à peine de commencer et, ce jour-là, nous nous sommes rassemblés avant l'heure de la prière pour lire un livre spécial de leçons du Coran dont se sert l'imam. Il nous a dit qu'il était très précieux pour lui parce que son père l'avait rapporté d'Arabie Saoudite en 1948.

Donc, à exactement 15h58, nous avons commencé à entendre des voitures arriver, des gens courir, des coups de feu, des cris, et ce qui est arrivé ensuite, c'est qu'un policier a pointé son arme sur l'imam en hurlant `Ne bouge pas'. Ils ont lancé des bombes lacrymogènes dans la mosquée et comme nous courrions à l'extérieur, nous avons vu que la mosquée était entourée de policiers; certains avec des pistolets, certains avec de longs fusils et d'autres avec des lance-grenades. Il y avait un camion de police avec écrit dessus 13ème district, et trois voitures plus petites. Je connaissais les uniformes de la police; c'était définitivement une opération de police.

Une fois à l'extérieur, ils nous ont ordonné à tous d'enlever nos robes et de nous mettre à genoux. Ils nous ont battus. Les femmes pleuraient et criaient `Laissez nos maris, laissez partir nos fils.' Ceci ennuyait la police qui a commencé à tirer en l'air. Alors, les femmes se sont mises à courir pour s'éloigner de 50 mètres et ont regardé de là-bas.

Alors, nous avons dû marcher sur nos genoux entre les véhicules qui attendaient et la police disait `Vous, les musulmans, êtes de mauvaises et sales personnes, où sont les fusils que vous cachez?' Ils ne nous posaient aucunes questions, ils ne nous disaient pas de quoi nous étions accusés et ne nous donnaient pas le temps de résoudre le problème. Beaucoup d'entre nous tenions nos Corans et l'imam serrait contre lui son précieux livre de leçons.

Alors, ils nous ont emmenés au poste de la police du 13ème district. Comme nous descendions des véhicules, il y avait plusieurs activistes FPI dans la file, lançant des pierres et des cailloux sur nous. En premier, la police nous a ordonné, ainsi qu'à l'imam, de nous allonger dans la boue, mais un des jeunes de la mosquée leur a dit qu'il ne le laisserait pas: il s'est allongé en premier et a dit à l'imam de s'allonger sur lui. Quand ils ont commencé à nous battre avec des bâtons, un autre jeune a dit qu'il ne permettrait pas que l'imam soit battu et il s'est allongé sur lui. Les policiers ont battu violemment le garçon, comme s'ils essayaient de punir notre imam. Plus tard, ils ont ordonné à d'autres prisonniers d'uriner dans des bouteilles et ils nous ont arrosés de toute cette urine.

Tout le temps, nous avons essayé de protéger nos Corans. Mais alors, les policiers ont commencé à s'en emparer et à les déchirer devant nous. Un des policiers, tenant une lance-rocket, a ordonné à l'imam d'abandonner son livre sacré. Il a refusé, mais finalement le policier le lui a arraché des mains et a commencé à déchirer devant nous les pages du livre spécial que les père de l'imam avait rapporté d'Arabie Saoudite. L'imam ne faisait rien et regardait. C'était très triste à voir pour nous tous.

Vers 20h, ils nous ont demandé nos noms et ont libéré huit de mon groupe dont ceux qui avaient un nom typiquement non-dioula comme Koffi ou Kwasi. Puis, par groupe de vingt, ils ont embarqué le reste dans des camions de la police et nous ont emmenés à l'École de police.

Le gardien de 65 ans du dépôt n°9 de la mosquée d'Abobo décrit avoir vu sa mosquée attaquée par une patrouille de gendarmes le 5 décembre 2000. L'imam, ses cinq fils et ses trois neveux furent capturés chez eux et détenus pendant plusieurs jours durant la même opération.104

Je vis à environ 50 mètres de la mosquée. Le mardi, la situation dans notre quartier était très tendue. Vers 9h, j'ai vu un groupe de vingt ou trente gendarmes, en tenue de combat, avec des ceintures rouges et des casques bleus, arriver dans un gros camion. Dès qu'ils sont arrivés, les habitants du quartier se sont précipité chez eux et ont fermé les portes. Les gendarmes se sont garés près de la mosquée, sont sorti et ont commencé à patrouiller ici et là.

Quelques temps après, j'ai vu environ cinq gendarmes prendre position autour de la mosquée. Au début, ils ont lancé au moins trois bombes lacrymogènes à l'intérieur. Alors, au moins quatre d'entre eux ont pris position et ont commencé à tirer sur la mosquée. J'ai entendu le son du bris des fenêtres et les balles cliquetant contre la mosquée. Ils sont restés environ dix minutes, mais ils n'ont jamais grimpé par-dessus la clôture peut-être parce qu'ils pouvaient voir qu'il n'y avait personne à l'intérieur.

Un malien de quarante ans, qui fut tiré de sa maison par la police le 5 décembre 2000 alors qu'il se préparait à prier, décrit les railleries religieuses dont il a souffert pendant sa détention:105

Après nous avoir emprisonnés, la police a demandé qui était en train de jeûner. Dans notre petit groupe, nous étions cinq. Alors, ils nous ont forcé à boire de l'eau. Ils tenaient un verre contre nous et nous demandaient d'ouvrir la bouche. Nous étions sans défense. J'ai été retenu pendant dix jours, et je n'ai pas été capable de prier durant tout le temps de ma détention. Et c'était le mois saint. Nous ne pouvions rien faire. Je me suis juste livré à Dieu, simplement parce que je ne pouvais rien faire.

Le Déroulement des Élections Législatives
Après deux jours d'affrontements sanglants à Abidjan, un comité de médiation composé de représentants du gouvernement, d'officiels du RDR, de membres des forces de sécurité et d'autres personnes a été mis en place pour essayer de réduire les tensions avant les élections législatives du 10 décembre 2000. Entre temps, la tension est monté dans le Nord, largement musulman, où les manifestants RDR construisaient des barricades en flammes, incendiaient les bureaux du gouvernement et chassaient les administrateurs locaux d'au moins trois villes du Nord, y compris la ville natale de Ouattara, Kong. Autre signe de tension, le 8 décembre 2000, seize chefs traditionnels de la ville du Nord d'Odienne ont fait une déclaration exprimant le désir de faire sécession de la Côte d'Ivoire.106

Le 9 décembre 2000, le comité de médiation avait élaboré un accord qui demandait au gouvernement de retarder les élections législatives d'une semaine pour permettre au RDR de faire appel de la décision qu'avait prise la Cour Suprême d'empêcher Alassane Ouattara de se porter candidat. En échange, le RDR a convenu de remettre le boycott prévu et d'annuler toutes les manifestations. Toutefois, à la dernière minute, le 9 décembre 2000, au lieu d'annoncer l'accord à la télévision nationale comme convenu, le Ministre de l'Intérieur, Emile Boga Doudou, a rejeté le plan et affirmé que les élections auraient lieu comme prévu. Il paraîtrait que cette décision du gouvernement aurait irrité les diplomates américains et français qui _uvraient en coulisses pour négocier cet accord.107

Le 10 décembre 2000, avec l'état d'urgence et le couvre-feu de nuit déclarés au début de la semaine et encore en vigueur, les élections législatives ont eu lieu, sauf dans douze districts du Nord où les élections pour vingt-sept sièges avaient été perturbées par des partisans du RDR qui manifestaient. Dans les villes du Nord de Korhogo, Odienne et Ouangolodougou, il y eu de nombreux rapports de destruction d'urnes électorales, de saccage de bureaux de vote et d'attaques contre les responsables du scrutin.108 A Korhogo, il paraît que deux responsables des élections ont été gravement blessés.109 Les élections dans ces districts ont eu lieu sans incidents par la suite, le 14 janvier. Le parti au pouvoir, le FPI, a obtenu une légère majorité, avec quatre-vingt-seize sièges, suivi par l'ancien parti au pouvoir, le PDCI, qui a remporté quatre-vingt-quatorze sièges.110

Les élections municipales ont eu lieu le 25 février 2001 dans tout le pays. Le RDR y a participé, ayant décidé de ne pas les boycotter, et a obtenu la majorité des sièges. Les élections se sont déroulées paisiblement à l'exception de violentes manifestations qui ont eu lieu à Abobo lorsque des jeunes ont protesté contre la défaite de leur candidat par le candidat victorieux du RDR. Il paraît qu'un homme du RDR a été tué. A la suite de son succès aux élections municipales, le RDR a renouvelé ses demandes de nouvelles élections présidentielles et législatives.111

63 "Gbagbo Orders Investigation of Torture Allegations," Panafrican News Agency, 15 décembre 2000.

64 Arrêt de Tia Koné relatif à Alassane Dramane Ouattara, Abidjan, 30 novembre 2000.

65 "Ivory Coast: Focus on the Latest Electoral Crisis," U.N. Integrated Regional Information Network (IRIN)-West Africa, 4 décembre 2000.

66 Ibid.

67 Ibid.

68 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 3 février 2000.

69 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 3 février 2001.

70 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 7 février 2001.

71 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 10 février 2001.

72 "Gbagbo Orders Investigation of Torture Allegations ", Panafrican News Agency, le 15 décembre 2000.

73 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, du 5 au 11 février 2001.

74 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 7 février 2001.

75 Côte d'Ivoire -- Rapport sur les violations au sein de l'Académie de Police, Ministère de l'Intérieur, décembre 2000.

76 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 7 février 2001.

77 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 6 février 2001.

78 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 6 février 2001.

79 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 6 février 2001.

80 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 3 février 2001.

81 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 7 février 2001.

82 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 7 février 2001.

83 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 7 février 2001.

84 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 10 février 2001.

85 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 6 février 2001.

86 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 8 février 2001.

87 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 3 février 2001.

88 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 8 février 2001.

89 "Ivory Coast President Tries to restore calm", www.cnn.com, le 5 décembre 2000.

90 Interview de Human Rights Watch, Abidjan le 10 février 2001.

91   "Ivory Coast in State of Emergency After Bloody Pre-election Violence", www.cnn.com, le 4 décembre 2001.

92 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 7 février 2001.

93 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 11 février, 2001.

94 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 7 février 2001.

95 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 10 février, 2001.

96 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 10 février 2001.

97 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 11 février 2001

98 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 11 février et 9 mars 2001.

99 Interview de Human Rights Watch , Abidjan, le 3 février 2001.

100 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 7 février 2001.

101 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 10 février 2001.

102 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 3 février 2001.

103 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 11 février 2001.

104 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 11 février 2001.

105 Interview de Human Rights Watch, Abidjan, le 7 février 2001.

106      "Ivory Coast poll delay urged", www.bbc.co.uk, le 9 décembre 2000; "Ivory Coast Government Seeks Vote", Associated Press, 9 décembre 2000.

107      Douglas Farah, "Reneging on Pledge, Ivory Coast Government Holds Election", Washington Post, le 10 décembre 2000.

108      "Official Confirms Elections Were Disrupted in North", Panafrican News Agency, le 10 décembre 2000.

109      "Official Says There Was No Poll in 12 Ivorian Districts", Panafrican News Agency, le 11 décembre 2000.

110      "Former Ruling Party Takes 15 Seats in Ivorian By-Election," Associated Press, le 15 janvier 2001.

111      "Death Mars Ivorian Opposition Victory", www.bbc.co.uk, le 30 mars 2001.

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