Dans le
conflit complexe qui déchire l'Est du Congo, tous les combattants, quelle que
soit leur allégeance, se sont attaqués à des civils, ont tué, blessé, violé des
milliers de personnes et provoqué l'exode de plus d'un demi million d'autres
victimes. En mars dernier, une équipe d'enquêteurs de Human Rights Watch s'est
rendue dans des zones contrôlées par le Rassemblement Congolais pour la
Démocratie (RCD) et ses alliés, à partir de sa base de Goma. L'enquête a permis
de collecter des informations démontrant que tous les groupes armés actifs dans
cette région se sont rendus coupables de meurtres, de viols et de pillages.
En août
1998, le RCD se rebellait contre le gouvernement de Laurent-Désiré Kabila. Bien
qu'il se soit engagé à restaurer la démocratie et à garantir le respect des
droits de l'homme en République Démocratique du Congo, le RCD-Goma et ses
alliés rwandais se sont à plusieurs reprises livrés à des massacres de civils
et à des exécutions extrajudiciaires. Dans les cas où le RCD a admis avoir
commis de tels actes, il a tenté de se justifier en les présentant comme des
conséquences involontaires de combats l'ayant opposé à d'autres groupes armés.
Dans de nombreux cas, il semble cependant que les abus ont été commis de
manière délibérée dans le but de punir des civils suspectés de soutenir les
ennemis du RCD. Des centaines de civils ont été détenus et parfois maltraités
ou torturés. Bien qu'ils affirment être les seules autorités locales légitimes,
les dirigeants du RCD se sont révélés incapables de prévenir que des délits
soient commis ou de punir leurs soldats ou sympathisants qui s'en sont rendus
coupables.
Des
groupes armés, généralement connus sous le nom de Mai-Mai ou d'Interahamwe,
luttent contre le RCD, parfois avec le soutien apparent du gouvernement Kabila.
Ces groupes ont massacré des civils, procédé à des exécutions extrajudiciaires
et mené des campagnes à grande échelle de pillage et de viol. Dans de nombreux
cas, ils s'en prennent à ceux qu'ils suspectent de soutenir le RCD et ses
alliés.
Quatorze
mois après que Kabila ait renversé le Président Mobutu Sese-Sekou, une
coalition de groupes divers formait le RCD et se rebellait contre le nouveau
président. Le mouvement se composait d'anciens supporters de Kabila, notamment
des tutsi congolais, d'anciens alliés politiques et militaires de Mobutu, et d'un
certain nombre d'intellectuels. Le RCD recevait le soutien du Rwanda et de
l'Ouganda alors qu'il marchait vers l'ouest, tentant de mener à bien une
campagne militaire rapide similaire à celle qui avait mené Kabila au sommet de
l'état, mais se voyait rapidement forcé de ralentir sa progression lorsque les
gouvernements de l'Angola, du Zimbabwe, de la Namibie et du Tchad apportaient
leur aide à Kabila.
Des négociations furent entreprises
entre les deux parties et le RCD se divisa. Jean-Pierre Bemba créa le Mouvement
de Libération du Congo (MLC), qui prit le contrôle d'une grande partie de la
province de l'Équateur. Le RCD exclut son président Wamba-dia-Wamba qui,
accompagné de quelques hommes, se rendit au nord, à Bunia, où son groupe
affirme aujourd'hui contrôler certaines régions du Nord-Kivu et d'Orientale. Le
RCD, basé à Goma et dirigé par Émile Ilunga, contrôle certaines parties du
Sud-Kivu, de Maniema, du Nord-Kivu, d'Orientale et du Katanga.
Le
RCD-Goma a mis en place une administration avec des "départements",
placés sous la direction d'un "chef". Des gouverneurs et d'autres
responsables ont été nommés. Il ne se considère pas comme un gouvernement mais
affirme gérer les zones qu'il contrôle sur base de la législation congolaise.1
Le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi ont
envoyé des soldats dans l'est du Congo, à la fois dans le but d'aider leurs
alliés locaux et d'atteindre des objectifs qui leur sont propres. Les ougandais
soutiennent à la fois Bemba et Wemba. Les rwandais appuient le RCD-Goma et exercent
une influence considérable sur les décisions politiques et militaires que
celui-ci prend. Le Burundi opère dans la partie méridionale de la zone
contrôlée par le RCD-Goma mais est moins proche de celui-ci que ne l'est le
Rwanda.
Les groupes armés qui luttent contre
le RCD peuvent être divisés en deux catégories: les Mai-Mai, qui sont
congolais, et l'Interahamwe, composé principalement de hutu rwandais. Alors que
dans le passé les groupes opposés au RCD luttaient fréquemment côte à côte, il
semble qu'au cours des derniers mois les Mai-Mai se soient distancés de leurs
anciens alliés de circonstance.
Lors
des révoltes des années 1960, le terme Mai-Mai désignait les guerriers qui
utilisaient des rituels et des charmes traditionnels supposés les protéger lors
des combats. Le terme fait aujourd'hui référence à un rassemblement
relativement hétéroclite de combattants d'origines ethniques différentes,
incluant des locaux sans expérience militaire et d'anciens soldats ayant
combattu avec Mobutu ou Kabila.
L'Interahamwe,
à l'origine une milice hutu rwandaise qui fut l'un des principaux responsables
du génocide rwandais de 1994, est constituée aujourd'hui de ce qui reste des
miliciens qui la composaient à l'origine et d'autres combattants, à la fois des
hutu rwandais et congolais, qui l'ont rejointe pour combattre le gouvernement
rwandais. Bien que les autorités rwandaises et d'autres affirment que
l'Interahamwe n'est composée que d'individus coupables d'avoir participé au
génocide, il est impossible de savoir quelle proportion des membres de
l'actuelle Interahamwe en faisaient déjà partie en 1994. Certains des membres
actuels sont sans aucun doute d'anciens soldats de l'ancienne armée rwandaise
(Forces Armées Rwandaises) et des milices Interahamwe originales, tandis que
d'autres sont des civils qui n'avaient aucune expérience militaire au moment où
ils ont rejoint le groupe. Afin d'éviter toute confusion et de clarifier le
fait que ce groupe inclut des personnes qui n'ont pas participé au génocide, le
terme "Interahamwe" ne sera
pas utilisé dans le présent rapport, sauf dans les citations. Nous parlerons
plutôt de groupes armés à prédominance hutu.
Il
semble que depuis quelque temps, ces groupes armés à prédominance hutu et les
Mai-Mai bénéficient d'une assistance fournie par Kabila. En septembre 1999,
Kabila nommait chef d'état-major de l'armée un commandant Mai-Mai, Sylvestre
Louetcha, ce qui semble confirmer cette information. Dans certaines région du
Sud-Kivu, les groupes armés congolais et à prédominance hutu coopèrent
également avec des groupes rebelles burundais, notamment les Forces pour la
Défense de la Démocratie (FDD).
Le
gouvernement Kabila, les groupes rebelles qui le combattent et les
gouvernements étrangers alliés à ces deux parties ont signé en juillet et août
1999 un accord de paix à Lusaka, mais se sont révélées incapables de
l'appliquer. Un nouveau cessez-le-feu a été signé à la mi-avril 2000 et semble
lui être respecté de manière plus large. Les Mai-Mai, les groupes armés à
prédominance hutu et les FDD burundaises n'ont cependant pas été invités à
signer ces deux accords.
Human
Rights Watch condamne de la manière la plus stricte la conduite du gouvernement
du Rwanda, du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), des Mai-Mai et
des groupes armés hutu opérant dans l'est du Congo, toutes parties mentionnées
dans le présent rapport, et les appelle à respecter le droit humanitaire
international. Les parties impliquées dans le conflit doivent, en particulier,
cesser de mener des attaques ayant pour cible des civils.
Étendre l'assistance technique et financière au
dialogue inter-congolais, de manière à garantir le droit de l'opposition
non-armée et de la société civile à se consulter et à envoyer des représentants
chargés de participer à ce dialogue.
Les
populations civiles de l'est du Congo sont prises entre les différents groupes
armés qui luttent pour s'assurer le contrôle de la région. Tant le RCD-Goma et
ses alliés rwandais et burundais, d'une part, que les Mai-Mai et les groupes
armés à prédominance hutu, d'autre part, tuent des civils qu'ils accusent de
soutenir leurs ennemis respectifs. Ils ont violé de manière systématique le
droit humanitaire en se rendant coupables de multiples crimes: attaques sans
discrimination ayant pour cible des civils, exécutions sommaires, torture, y
compris les viols, divers types d'actes de cruauté, pillages et destruction de
biens civils.
Le
conflit en RDC est à la fois un conflit international et interne. Toutes les
parties impliquées dans les combats de l'est du Congo ont l'obligation de
respecter les garanties fondamentales inscrites dans le droit humanitaire
international. En tant que norme légale minimale applicable, l'Article 3 commun
aux Conventions de Genève de 1949 prévoit une série de dispositions applicables
aux forces gouvernementales et aux groupes armés engagées dans un conflit armé
interne. L'Article 3 commun interdit les attaques à l'encontre des civils, à
savoir les personnes ne prenant pas une part active au conflit. En particulier,
sont interdits les atteintes portées à la vie et aux personnes, les traitements
cruels et tortures, les prises d'otages, les atteintes à la dignité des
personnes, les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un
jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué. 2
Afin de
garantir le respect dû aux populations et aux biens civils, toutes les parties
au conflit ont obligation d'établir une distinction claire entre civils et
combattants, d'une part, et entre biens civils et objectifs militaires, d'autre
part. Le droit humanitaire international interdit également les actes ou
menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la
population civile, en particulier le meurtre, la torture physique ou mentale,
le viol, les mutilations, la prostitution forcée, les pillages, les peines
collectives et la prise d'otages. Il interdit également d'affamer les personnes
civiles et de détruire ou d'enlever des biens indispensables à la survie de la
population civile, tels que des denrées alimentaires et les zones agricoles qui
les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d'eau
potable et les ouvrages d'irrigation. Enfin, il est interdit d'utiliser des
méthodes ou moyens de guerre dont on peut attendre qu'ils causeront des
dommages à l'environnement naturel et menaceront la survie des populations.3
De
plus, le Rwanda et le Burundi, les deux puissances étrangères impliquées dans
le conflit de l'est du Congo, ont obligation de respecter pleinement et
entièrement les dispositions des Conventions de Genève du 12 août 1949 et du
Protocole Additionnel I à ces Conventions. Les garanties inscrites dans ces
deux instruments sont, pour la plupart d'entre elles, identiques à celles
applicables aux civils confrontés à une situation de conflit armé interne,
elles constituent des obligations légales pertinentes pour le Rwanda et le
Burundi dans le contexte de l'est du Congo.
Bien
que l'est du Congo soit occupé par des autorités opposées au gouvernement de la
RDC, la législation congolaise reste d'application en vertu des dispositions du
droit humanitaire international. En vertu du droit humanitaire international,
les parties qui exercent une autorité ont pour responsabilité de maintenir
l'ordre public et d'assurer le respect de la justice. Les tribunaux du
territoire occupé doivent continuer à fonctionner et à traiter tous les crimes
couverts par la législation nationale. Les tribunaux n'appliquent que les
dispositions qui étaient applicables avant la commission du crime et,
conformément aux principes généraux du droit, appliquent en particulier le
principe selon lequel la sévérité de la peine doit être proportionnelle au
crime commis. Les tribunaux doivent siéger de manière régulière et respecter
les droits des détenus.
Au
cours de la récente visite réalisée par Human Rights Watch dans l'est du Congo,
des témoins ont affirmé aux enquêteurs que des civils avaient été la cible
d'attaques menées par le RCD et ses alliés, ainsi que par des groupes
d'opposition armée, à Mushabagwe, Tongo, Binja et Kirumba à Rutshuru; Ngungu,
Kibirangiro, Bufamando, Kinigi et Mahanga à Masisi; Mutero, Kibati et
Kashemberi à Walikale; Chabwinemwami, Ciharano, et Cizenga à Kabare; au Centre
Mwenga à Mwenga; et Mugogo à Walungu. Afin de garantir leur sécurité,
l'identité de ces témoins ne sera pas révélée. Des organisations congolaises de
défense des droits de l'homme ont, de manière indépendante, collecté des
informations confirmant ces crimes et d'autres similaires. Elles ont également
recueilli des informations démontrant que des crimes semblables ont été commis
à Uvira et Fizi par les forces armées burundaises et les rebelles du FDD. 4 Plusieurs de ces crimes, commis au Nord et au Sud-Kivu, font l'objet d'une
description détaillée plus avant dans le texte.
Un
habitant de Masisi a déclaré aux enquêteurs de Human Rights Watch:
Les
soldats viennent chez nous parce qu'ils cherchent des Interahamwe et des
membres de la Garde Présidentielle.5 Lorsqu'ils cherchent des Interahamwe, ils viennent au village et demandent
"Pourquoi aidez-vous ces gens?". Les Interahamwe ont des fusils. Ils
viennent et nous forcent à leur donner à manger. Lorsque les tutsi [le RCD]
viennent, ils nous tuent et brûlent nos villages. Lorsque les Interahamwe
viennent, ils nous attaquent et brûlent nos villages.6
Un
enfant de onze ans qui avait fui Kiribangiro, à Masisi, a raconté une histoire
similaire:
Les
Interahamwe et les Mai-Mai sont venus et ont dit que nous étions des amis des
soldats. Quand les soldats du RCD sont venus, ils ont dit que nous étions des
amis des Interahamwe et des Mai-Mai.7
De très
nombreux groupes armés opérant dans l'est du Congo, les victimes et témoins
d'attaques éprouvent parfois des difficultés à identifier leurs agresseurs.
Certaines personnes font la distinction entre les soldats de l'APR et ceux de
du RCD congolais, mais beaucoup parlent simplement de soldats "tutsi"
ou du RCD. De la même manière, des témoins utilisent indifféremment les termes
"Mai-Mai" et "Interahamwe", même si la plupart d'entre eux
qualifient de "Mai-Mai" ceux qui parlent des langues congolaises et
de "Interahamwe" ceux qui parlent kinyarwanda et sont physiquement
proches du stéréotype hutu. Au cours des derniers mois, l'APR a envoyé au Congo
des soldats rwandais hutu, ce qui complique encore davantage l'identification
des auteurs d'abus. Certains témoins ont mentionné l'existence d'une certaine
complicité entre les soldats hutu de l'APR et les groupes armés à prédominance
hutu, les soldats de l'APR refusant de tirer sur des membres de ces groupes qui
s'en prenaient aux habitants de Kalonge et Bunyakiri.8
Kilambo, Territoire de Masisi
Au
cours de ces derniers mois, les populations de Kilambo et des villages situés
au nord de la ville de Masisi ont été la cible d'attaques menées par les deux
parties au conflit, ce qui illustre la grande vulnérabilité des populations
civiles. Selon des témoins rencontrés par Human Rights Watch, le RCD et des
soldats de son allié l'APR ont mené une campagne militaire dans la région de
Kilambo en novembre 1999, ostensiblement dans le but de localiser les milices
hutu. Les soldats restèrent stationnés pendant une semaine à Kihuma et Kilambo
et, tout au long de cette période, attaquèrent sans discrimination des civils
et brûlèrent des maisons à Kibirangiro, Buabo, Mafuo, Kihuma, Kilambo,
Chamarambo, Bushuwi, Kanii, Lwanguba et Busekeri. Ces informations ont par la
suite été confirmées par des militants de plusieurs organisations congolaises
de défense des droits de l'homme.9
Un
témoin qui se trouvait chez lui, à Buabo, vit des maisons qui brûlaient sur la
colline voisine. Des détonations retentirent et des gens arrivèrent en courant,
qui lui dirent que le RCD mettait le feu au village. Il s'enfuit dans la forêt.10 Il revint au village un peu plus tard et trouva le cadavre d'une femme de
soixante ans, Pauni, qui portait la marque d'une blessure par balles derrière
l'oreille droite. Elle avait été tuée tout près de chez elle, apparemment alors
qu'elle tentait de fuir. Le témoin trouva également le corps d'un homme de
soixante dix-sept ans, Kateci, dont la gorge avait été tranchée, ainsi que ceux
d'un homme appelé Lazaro, de sa femme et de leurs deux enfants, tués par balles
dans leur maison. Kaurwa, un jeune homme qui étudiait à l'école secondaire, et
Marina, une femme âgée, se trouvaient également parmi les victimes. Le témoin
aida à enterrer environ cinquante personnes dans son village et plusieurs
autres des environs. Les soldats du RCD restèrent dans la région pendant
environ deux semaines après l'attaque et quittèrent ensuite les lieux.11
A la
fin du mois de décembre 1999, un groupe de combattants hutu réapparut dans le
district et se mit à son tour à terroriser la population. Comme l'a indiqué un
témoin, "Ils venaient pour piller et ceux qui leur résistaient étaient
tués." Aux alentours de la Noël, ils tuèrent par balles Kasongo, un jeune
homme de dix-sept ans originaire de Mafuo. Le premier janvier 2000, cinq hutu
étaient assassinés dans le village tout proche de Muhemba.12 Un autre témoin a raconté à Human Rights Watch que des combattants hutu,
qu'il appelait Interahamwe, avaient attaqué son village, Lwibo, situé juste
au-delà de Kilambo, pendant la dernière semaine de janvier. Ils violèrent
plusieurs femmes, dont l'épouse de notre témoin, et pillèrent la plupart des
maisons, volant le bétail, la nourriture, les vêtements et ce qu'ils pouvaient
trouver.13
Le cinq
février 2000, un groupe de soldats du RCD et de l'APR lançaient une autre
opération dans la région, une fois de plus dans le but officiel de localiser
les milices hutu. Tout comme durant l'opération de novembre 1999, les soldats
tirèrent sans discrimination sur tous ceux qu'ils rencontrèrent. Un homme âgé
nous raconta ceci: "Très tôt le matin, je suis sorti et j'ai vu des
soldats. Il y en avait beaucoup, beaucoup. Quatre camions pleins. Il y avait
beaucoup, beaucoup de morts. Quand je suis sorti, j'ai vu beaucoup de
cadavres."14 Lorsque le témoin sortit de chez lui, les soldats firent feu sur lui et il
s'enfuit dans la forêt. Là, il tomba sur d'autres combattants hutu qui le
passèrent à tabac et le gardèrent avec eux pendant quatre heures avant de le
relâcher.15
Un autre témoin vivant juste au-delà de Kilambo raconta comment il
avait fui vers une colline en entendant la fusillade. Alors qu'il s'enfuyait,
il vit un grand nombre de soldats du RCD et de l'APR arriver dans son village
et se mettre à tirer sur la population. Peu de temps après, les soldats appelèrent
les gens qui se cachaient et leur dirent que les combats étaient terminés et
qu'ils pouvaient sortir de leurs cachettes. Le témoin fut l'un de ceux qui se
montrèrent. Lorsqu'il arriva chez lui, il trouva sa mère, morte, sur le pas de
la porte, apparemment tuée alors qu'elle se préparait à fuir. Il s'occupait de
son corps lorsqu'il entendit tirer à nouveau. Une fois de plus, il prit la
fuite et se réfugia dans la forêt. Il grimpa dans un arbre en lisière de la
forêt et vit des soldats du RCD rassembler des gens et les exécuter. Il nous
raconta ce qu'il avait vu:
Les
soldats sont entrés dans les maisons et tués certaines personnes chez elles.
Ils ont pris les hommes, les ont ligotés et ont violé les femmes devant leurs
maris. Ensuite ils se sont mis à massacrer les gens. Ils ont tiré sur certains
et tué les autres avec leurs couteaux.16
Parmi
les victimes se trouvaient Kumulia, une femme de quarante-quatre ans; Mutsindu,
une femme de trente ans; Luteerwa, un professeur d'une vingtaine d'années;
Sifa, une adulte; et Kashiki, un homme âgé.17 Les groupes locaux de défense des droits de l'homme ont fourni à Human
Rights Watch les noms de vingt-cinq autres victimes.18 Selon des témoins et des militants locaux des droits de l'homme, le RCD
avait déjà attaqué Kilambo en août 1999 et tué presque trente personnes.19
Nyabiondo, Terrioire de Masisi
En plus
du RCD et de ses alliés, des groupes armés se sont rendus coupables d'abus et
d'assassinats dans le Nord-Kivu. Le dix-huit octobre 1999, un groupe armé
attaquait une communauté près de Nyabiondo. Un volontaire de la Croix-Rouge qui
aida au transport des corps après l'attaque a déclaré à des enquêteurs de Human
Rights Watch: "Nous avons retrouvé au moins sept enfants dans la rivière
Loash et deux mères de famille dans la rivière Mbizi. L'une d'elles portait sur
le dos un enfant qui était encore vivant. La mère avait été tuée par balles,
mais l'enfant était vivant."20 Les volontaires de la Croix-Rouge dirent aux gens qui fuyaient les
violences de se diriger vers Bukombo. Cependant, après qu'une foule importante
se soit réunie, des combattants hutu arrivèrent, suivis de près par des soldats
du RCD arrivant de Nyabiondo. Les deux groupes entamèrent le combat et les
civils coururent à nouveau se mettre à l'abri. Le volontaire de la Croix-Rouge
raconte: "Aux alentours de huit heures du soir, les choses s'étaient un
peu calmées. Nous avons rampé jusqu'au village pour voir ce qui s'y était
passé. Nous avons trouvé là-bas de nombreux cadavres et sommes retournés dans
le forêt pour dire aux gens de rester cachés." 21
Dans la matinée, douze membres de la
Croix-Rouge se rendirent à Bukombo. Ils y trouvèrent les cadavres de sept
soldats du RCD, quatre combattants hutus, six civils, quatre jeunes garçons et
deux fillettes, qui avaient été tués par balles après que leurs bras aient été
attachés dans le dos, et un homme âgé qui avait été ligoté et jeté dans une
maison qui fut ensuite incendiée. Des soldats de l'APR qui se trouvaient dans
le village demandèrent aux volontaires de la Croix-Rouge d'enterrer les morts.
Pendant que ceux-ci, clairement identifiés par leurs veste de la Croix-Rouge,
se chargeaient de cette tâche, les soldats pillèrent les maisons avant de les
incendier, vers environ midi. L'un des volontaires, qui avait un appareil
photo, se mit à photographier les maisons qui brûlaient. Des soldats le virent
et se mirent à le poursuivre. Avant d'être rattrapé, il cacha l'appareil photo.
Selon un témoin, les soldats ligotèrent les douze membres de la Croix-Rouge et
se mirent à les interroger.
"Ils
exigeaient de savoir ce qu'ils faisaient là et qui avait pris les photos. Ils
nous ont interrogé de 1h30 à quatre heures de l'après-midi. Ils nous ont
ensuite amené à la rivière et nous ont placé les uns à côté des autres. Ils ont
dit qu'ils allaient nous tuer les uns après les autres jusqu'à ce qu'on leur
dise où se trouvaient les photos. Jean-Pierre Muimo Luendo était le premier
dans la file. Ils tirèrent sur lui mais il ne tomba pas. Ils lui donnèrent
alors un coup de couteau dans le cou. Il tomba dans la rivière mais, comme il
était attaché à un arbre, son corps flotta. Après cela, un officier arriva et
leur donna l'ordre d'arrêter, en ajoutant: "On ne tue pas les gens de la
Croix-Rouge." 22
Alors
que l'officier questionnait les soldats afin de savoir ce qui s'était passé,
des coups de feu retentirent du côté de Nyanga. Les soldats du RCD combattaient
un groupe de Mai-Mai qui leur était largement supérieur en nombre et les mit
rapidement en déroute. Les Mai-Mai, qui parlaient nyanga et tembo, détachèrent
les volontaires de la Croix-Rouge. Ceux-ci enterrèrent leur compagnon assassiné
et retournèrent à Masisi. Le volontaire conclut de la manière suivante:
"En arrivant à Masisi, on nous a dit que le commandant cherchait ceux qui
avaient été témoins du meurtre du volontaire de la Croix-Rouge. Nous nous
sommes tous débrouillés pour fuir chacun de notre côté." 23
Territoire de Walikale
Les
populations du territoire de Walikale ont également été attaqués par les
différentes parties au conflit. Selon un témoin, des combattants hutus ont à
plusieurs reprises pillé le village de Mwitwa. Lorsque des soldats du RCD et de
l'APR arrivèrent dans le village le vingt-trois septembre 1999, ils en
surprirent plusieurs, sur lesquels ils tirèrent avant de retourner leurs armes
sur la population. Parmi les victimes se trouvaient Luanda, un jeune de
dix-huit ans; Tamari, une mère de famille; Matata, un jeune garçon en sixième
primaire; et Lawi Sukuma, un homme de trente-six ans. Les soldats violèrent
deux femmes et brûlèrent plusieurs maisons. 24
Trois
jours plus tard, des combattants hutus retournèrent dans le village et
accusèrent les habitants d'avoir sympathisé avec les tutsi et d'être
responsables de la mort de leurs deux compagnons. Ils violèrent trois femmes et
pillèrent plusieurs maisons avant de les incendier. Selon le témoin, trente-six
des trois cent maisons de Mwitwa furent brûlées lors de ces deux attaques.
Après la seconde, de nombreux habitants décidèrent de vivre cachés dans la
forêt mais à une distance raisonnable de leurs champs, de manière à pouvoir
faire leurs récoltes.
Le
vingt-et-un novembre 1999, des combattants hutu attaquaient le village de
Ngenge, à Walo wa Yungu, et volaient quarante têtes de bétail. Deux jours plus
tard, alors que la viande du bétail volé était vendue sur le marché, des
soldats du RCD arrivèrent et, sans que personne n'en ait été prévenu, tirèrent
un obus sur Ngenge, détruisant l'école primaire. Les soldats se mirent
également à tirer sur les habitants de Ngenge et sur ceux de deux villages
proches, Kangati et Kaliki, les forçant à s'enfuir dans la forêt.
Le
lendemain, les soldats appelèrent les gens et les invitèrent à rentrer chez
eux. Peu enclins à leur faire confiance, les habitants envoyèrent quelques uns
d'entre eux en reconnaissance. Les soldats se saisirent d'eux et de quelques
villageois qui étaient sortis de la forêt. Ils leur lièrent les mains dans le
dos et se mirent à les battre. Le seul qui survécut au passage à tabac a montré
les cicatrices qu'il porte aujourd'hui sur le crâne et la poitrine aux
enquêteurs de Human Rights Watch qui l'ont rencontré. Voici ce qu'il leur a
raconté: "J'étais le premier. Il y avait un soldat devant moi, un autre
derrière et un troisième sur le côté. Ils m'ont frappé avec une branche d'arbre
et m'ont tailladé le torse avec des couteaux."25 Les soldats l'abandonnèrent, inconscient et ensanglanté, convaincus qu'il
était mort, et firent subir le même sort à vingt-six autres personnes.
Plusieurs heures plus tard, la pluie se mit à tomber et le témoin reprit
conscience. Il était entouré de cadavres. Il parvint à se traîner jusqu'à la
forêt où d'autres villageois le trouvèrent et lui portèrent secours. 26
Selon
ce témoin et des groupes locaux de défense des droits de l'homme, les personnes
suivantes se trouvaient parmi les victimes: Petero Bulenda, le chef du village;
le Révérend Mafuluko Luendo de l'Église Apostolique Nouvelle; Jean-Pierre
Lulemba; Martha Cephanie, mère de onze enfants; Namartha; Mirimo Bitasimwa,
père de deux; Lewis Shekibuya, père de six; Ernest Luendo, père de trois;
Batundi Muisa Ndaye; Muloko, père de deux. Plusieurs personnes âgées du village
voisin de Kangati furent également tuées, notamment Napolina Kahindo; Mungazi
et sa femme Nyamateso; et Karubandika, un veuf. Pendant que certains soldats
massacraient les habitants, d'autres ratissèrent la forêt pour retrouver les
autres. Les soldats violèrent plusieurs femmes et en tuèrent d'autres.
Certaines personnes sont toujours portées disparues à l'heure actuelle. Les soldats
brûlèrent également environ deux cent maisons. 27
Les
survivants en fuite traversèrent le village de Mwitwa. Ils racontèrent ce qui
était en train de se passer, ce qui provoqua la fuite de nombreux résidents du
village. Comme l'a déclaré un témoin, "Quand nous avons appris au sujet de
Ngenge, nous nous sommes enfuis." 28
Dans les deux cas, les soldats du RCD
et les combattants hutu ont considéré des civils non-armés comme des cibles par
procuration, les attaquant sans aucune discrimination et se livrant à des actes
de viol, des pillages et détruisant leurs biens.
Territoire de Bunyakiri, Région du Nord
Ici également, tout comme dans le reste de l'est du Congo, toutes les
parties au conflit se sont rendues coupables d'assassinats et d'abus à
l'encontre de civils. Le territoire de Bunyakiri, au Sud-Kivu, voisin du
territoire de Walikale, au Nord-Kivu, avait été occupé par des combattants
Mai-Mai et hutu depuis la fuite de l'armée congolaise en septembre 1998. Le
dix-neuf février 1999, deux colonnes de soldats du RCD convergeaient sur
Bulambika, l'une traversant Bitale et Miowe, l'autre passant par Katana,
Mushunguti et Maibano. Les deux colonnes tuèrent des civils et incendièrent des
maisons pendant leur progression. Parmi les victimes se trouvaient Semi, sa
femme et leurs neuf enfants; Baguma, un infirmier; Kaluku, sa femme et leurs
trois enfants; et Chiza, tous tués à Bitale; Faustin Mulongo, tué à Miowe;
Muzungu, son fils Amukuni et son frère aîné Mukaba; Bombo; Mushika; et Safari.
Après l'attaque, les soldats retournèrent à leur base de Kavumu. 29
Une semaine plus tard, le RCD revenait dans la région avec des alliés et
installait un camp dans le centre de Bunyakiri. Ils cherchèrent les gens qui se
cachaient dans la forêt, en tuèrent quelques-uns, surtout des hommes jeunes, et
forcèrent les autres à retourner dans leurs villages. A la fin du mois d'avril,
plus de la moitié de la population était rentrée chez elle, les autres restant
cachés dans la forêt. Le RCD recruta et forma des civils pour établir un groupe
d'autodéfense civile chargé de surveiller la population et de prévenir toute
infiltration par des membres de groupes armés. A partir de leur camp de base à
Bunyakiri, les RCD et ses alliés attaquèrent leurs ennemis dans le sud de
Walikale. Leurs offensives eurent des conséquence tragiques pour la population
civile, environ vingt-cinq personnes étant tuées à Hombo en août 1999 et un
nombre plus important encore de civils perdant la vie suite à une offensive de
grande envergure lancée en octobre sur Otobora et Hombo. Parmi les victimes se
trouvaient Chalondowa et Kimabo à Otobora, Pastor Mbilika à Hombo et Lutula à
Musenge. 30
Des
combattants armés, hutu selon les populations locales, se mirent à nouveau à
organiser des raids et à piller Bunyakiri en septembre 1999. Au début de cette
année, ils se mettaient à tuer des villageois qu'ils accusaient de soutenir le
RCD parce qu'ils étaient membres de la force d'autodéfense civile et vivaient à
côté d'un poste militaire. Le dix-huit février 2000, des combattants hutu
tuaient Mirindi Kashaganyi. Le vingt février, ils tuaient onze personnes à
Chigoma, notamment Mulimbi, sa femme et leurs trois enfants, ainsi que Paluku
Ndalemwa. Un homme a déclaré à Human Rights Watch qu'il avait fui Bunyakiri en
octobre 1999 parce que des soldats du RCD avaient tué cinq membres de sa
famille qu'ils accusaient d'être membres d'un groupe d'opposition armée. Il
revint au village en février. Deux semaines après son retour, son père, qui
revenait de la forêt où il était allé chercher du bois, fut tué à la machette
par des combattants hutus. Après l'avoir tué, ils pillèrent sa maison. 31
Territoire de Bunyakiri, Kalonge
En mars
1999, des soldats du RCD attaquèrent Kalonge, situé dans la partie méridionale
du territoire de Bunyakiri, où des Mai-Mai, des combattants hutus et d'anciens
soldats de l'armée de Mobutu avaient été présents pendant plusieurs mois. Les
soldats tuèrent des civils et en forcèrent d'autres à quitter leurs maisons. Le
RCD établit des camps à la fin avril, mais les combattants hutu continuèrent
malgré cela à contrôler la zone de Chaminunu, un village proche. Les
populations locales appelaient Cifunzi "Kigali" et Butwashenge "Kinshasa". Après que le RCD ait installé ses camps, certains
de ceux qui s'étaient enfuis revinrent chez eux. Les habitants continuèrent
cependant à subir les pillages des groupes armés d'opposition et les
représailles meurtrières du RCD. Ainsi, en juin, des soldats du RCD arrêtèrent
un homme appelé Mahano près de Chaminunu. Ils l'accusèrent d'avoir volé les
moutons qu'il gardait chez lui et le tuèrent à coups de couteaux devant sa
femme. 32
Le dix
juillet, des groupes armés attaquèrent le RCD à Cifunzi. Peu de temps après,
les soldats commencèrent à former à Cifunzi des hommes jeunes, dans le but
d'établir une force d'autodéfense civile. 33 Les combattants armés se mirent alors à attaquer les villageois, les
accusant d'être complices du RCD et agissant avec plus de brutalité que dans le
passé. Ils commirent davantage de crimes sexuels et incendièrent des maisons
qu'ils s'étaient jusqu'alors contentés de piller. Lors d'une offensive menée
contre les positions du RCD à Cifunzi, le dix-huit octobre 1999, des hommes
armés blessèrent deux civils et pillèrent plusieurs maisons, qu'ils
incendièrent. Le vingt-deux novembre, ils organisèrent une attaque de plus
grande envergure. Un groupe attaqua Cifunzi, un autre pilla Rambo, le site de
la paroisse catholique de Kalonge. Le prêtre George Kakuja fut tué pendant le
raid, selon certains par des forces d'opposition armées. D'autres, se basant
sur l'amitié qu'il entretenait avec des Mai-Mai et des combattants hutu,
affirmèrent que les responsables étaient certainement des soldats du RCD
arrivés sur place après la retraite des groupes armés. 34
Les
combattants rebelles établirent ensuite un camp à Mule et Chaminunu. De là, ils
organisèrent des raids nocturnes, violant, pillant, tuant ceux qui leur
résistaient. Ainsi, Kiufundera fut tué parce qu'il essayait de les empêcher de
violer sa femme. Un homme a raconté à Human Rights Watch qu'il était chez lui,
le huit janvier 2000, lorsqu'il entendit quelqu'un crier: "Les ennemis
sont là!". Il s'enfuit dans la forêt. Lorsqu'il revint, un peu plus tard,
il trouva les sept bâtiments composant son habitation en flammes. Vingt-cinq
autres ensembles d'habitation furent attaqués, un total de quatre-vingt trois
maisons furent incendiées. Les assaillants tuèrent par balles Banyurerhe
Kucuhire, un homme de trente-quatre ans, et MwaKabumbu, une femme de quarante-trois
ans. 35 Ils kidnappèrent Bavurhe Mwahukanya le vingt-trois janvier, l'obligèrent à
les mener jusqu'à un troupeau de bétail et le tuèrent à la machette. 36 Une villageoise de Cifunzi a raconté comment, quelques semaines avant ces
faits, un groupe armé de hutu avait capturé sa voisine Mwanabokonjo et la fille
de celle-ci, âgée de douze ans, et les avait obligées à les mener jusqu'à du
bétail. La jeune fille fut relâchée mais la mère fut retrouvée le lendemain
dans la forêt, morte, les yeux bandés et les bras ligotés dans le dos. 37 Un homme a raconté à Human Rights Watch qu'il était au marché de Fendula
en décembre lorsqu'une cinquantaine de combattants hutu ouvrirent le feu sur la
foule, tuant au moins deux femmes et huit hommes. Ils pillèrent ensuite le marché. 38
Les
soldats du RCD ont réagi à l'augmentation des attaques en attaquant eux-mêmes
davantage les populations civiles. Le trois décembre 1999, à Mamba, ils tuèrent
Bisimwa et Jean Marie Kalolo et leurs cinq enfants, ainsi que Nyamushushu et
Nyalembe Mukabuza. Ils brûlèrent cinquante-cinq maisons. Le dix-huit janvier
2000, une patrouille de soldats du RCD tirait sur un civil non-armé vivant près
de leur camp, Mufita Nyangaka, et le tuaient. 39 Le vingt-huit février 2000, des soldats supposés pourchasser des
combattants armés à Chaminunu capturaient trois femmes qui se cachaient dans
les champs, Mwantuboba, Mwachigozi, une mère de cinq enfants, et Silène, une
jeune fille de dix-sept ans. Ils les obligèrent à s'agenouiller et les tuèrent.
Les soldats trouvèrent ensuite Mulashe, le mari de Mwantuboba, âgé lui de
soixante ans, et lui tranchèrent la gorge. Les membres de cette famille pensent
que Mwantuboba et Mulashe ont été exécutés parce que l'un de leurs fils est
membre d'un groupe armé d'opposition, qui l'a recruté de force en 1998. 40
Territoire de Shabunda
Un
résident de Shabunda, une région située à l'ouest du Sud-Kivu et proche de
Maniema, a déclaré à Human Rights Watch que les civils de cette région sont
ceux qui ont le plus souffert de la violence de toutes les parties au conflit.
Il fit la remarque suivante: "A Shabunda, la guerre s'est faite contre la
population." 41
Des
Mai-Mai, identifiés comme tels par les populations locales parce qu'ils
parlaient congolais, arrivèrent à Shabunda en mai 1999, apparemment après avoir
été forcés de fuir Bunyakiri et Kalonge suite à des offensives du RCD. Ils
commencèrent par piller les zones rurales mais, en janvier 2000, se mirent à
opérer plus près de Shabunda. Les habitants, principalement les femmes et les
enfants, s'enfuirent dans la forêt. Le vingt-trois janvier 2000, des Mai-Mai
attaquèrent la ville de Shabunda et après deux heures et demi de combat, mirent
le RCD en déroute. Le vingt-cinq janvier, à l'aube, le RCD lança une
contre-attaque et tua au moins l'un des villageois, ainsi que plusieurs
combattants. Les autres prirent la fuite et le RCD procéda au pillage
systématique de la ville. Selon des témoins, le butin fut emporté par avion. 42
Suite à
cette confrontation, le RCD reçut le renfort de soldats de l'APR. Ensemble, les
soldats lancèrent une campagne dont le but était de contrôler la population.
Juste après l'attaque, des officiers du RCD tinrent une réunion publique et
demandèrent aux villageois qui étaient restés à Shabunda de faire sortir leurs
familles de la forêt. Ils firent savoir à la population que toute personne qui
déciderait de rester dans la forêt serait considérée comme un ennemi et, par
conséquent, comme une cible potentielle.
Les
résidents hésitèrent à suivre cet ordre, craignant l'insécurité qui régnait
dans la ville. Certains affirmèrent à Human Rights Watch que de nombreuses
personnes avaient été arrêtées après l'attaque et que beaucoup d'autres avaient
"disparu". Ils ajoutèrent
que les corps de certains de ces "disparus" avaient été retrouvés
dans la ville. Les cadavres de deux hommes décapités avaient ainsi été trouvés
au début du mois de février. Plusieurs zones importantes du territoire, comme
Katungu, Lulingu et Kigulube sont encore contrôlées par les Mai-Mai et donc
coupées du reste de la ville. Selon plusieurs témoins, "Les autorités
interdisent aux villageois de se rendre dans les champs, parce qu'ils les
accusent d'être complices des Mai-Mai. Il faut obtenir un permis spécial pour
pouvoir aller aux champs. Si on dispose de ce permis, il faut passer un
contrôle avant et après et on n'a pas le temps de travailler." 43 Conséquence de cette situation, les marchés ne sont pas approvisionnés et
les prix ont augmenté de manière excessive. Selon un témoin, "La
population est aujourd'hui tenue en otage dans la ville. On nous a forcés à
revenir, mais nous n'avons pas de nourriture, pas de travail, pas de soins de
santé…"44
Dans
l'est du Congo, les viols et actes de violence sexuelle sont devenus de plus en
plus courants au fur et à mesure que le conflit devenait de plus en plus
brutal. 45 Un groupe de défense des droits de la femme a répertorié cent quinze viols
commis entre avril et juillet 1999 dans les régions de Katana et de Kalehe, au
Sud-Kivu, dont trente commis lors d'une seule attaque, à Bulindi et Maitu, le
cinq avril. Des groupes de dix hommes ou plus se livrent parfois au viol d'une
seule femme. Les assaillants enlèvent également parfois certaines femmes dont
ils font leurs esclaves sexuels. 46 Tant les soldats que les groupes d'opposition armés se sont rendus
coupables de tels crimes, bien qu'il semble que les groupes armés hutu soient
plus enclins à les commettre que les autres groupes. Ils se servent de la
violence sexuelle pour terroriser les civils, principalement ceux qui sont
soupçonnés de soutenir le RCD et tout particulièrement ceux qui font partie de
forces d'autodéfense civile. 47
De
nombreuses personnes ayant survécu à de telles attaques ont raconté à Human
Rights Watch que le viol avait été utilisé de manière systématique contre leur
communauté. Malgré la stigmatisation dont font l'objet les victimes de viol
dans la société congolaise, plusieurs femmes ont accepté de parler des
violences sexuelles dont elles avaient été victimes. L'une d'elles, originaire
de Chabwinemwami, à Kabale, a raconté à des enquêteurs de Human Rights Watch
comment elle avait été violée par des combattants hutu lors d'une attaque menée
le dix-sept juin 1999. Les assaillants arrivèrent vers vingt heures et tirèrent
des coups de feu en l'air, provoquant la fuite des habitants. Selon le témoin,
"Ils ont pris ce qu'ils voulaient. D'abord, ils ont pillé, ensuite ils ont
violé." Les assaillants pillèrent sa maison, la frappèrent avec des bâtons
et la violèrent devant ses quatre jeunes fils. Elle fut grièvement blessés et
hospitalisée pendant un mois et demi. Elle boîte encore aujourd'hui et son
mari, qui se sent humilié par le viol, l'a rejetée et a même refusé de payer
les frais d'hospitalisation. 48
Une autre femme, âgée de vingt-et-un
ans et vivant à Katana, Kabare, a elle été violée par des combattants hutu le
cinq juillet 1999. Les assaillants pénétrèrent chez elle vers vingt-deux
heures, armés de fusils et de machettes. Ils ligotèrent son mari et la
forcèrent à sortir de la maison. Ils exigèrent des dollars et des vêtements
mais, la famille ayant été cambriolée peu de temps auparavant, presque rien ne
put leur être donné. Les hommes l'aveuglèrent avec une lampe de poche, la
passèrent à tabac, la menacèrent de leurs armes. Elle leur donna le peu
d'argent dont elle disposait et ses chèvres. Les assaillants qui, d'après les
témoins, étaient très nombreux et parlaient kinyarwanda, pénétrèrent alors dans
la maison suivante, celle de son beau-frère. Là aussi ils tabassèrent les
résidents et essayèrent apparemment d'enlever l'épouse du beau-frère.
Entre-temps, le témoin avait libéré son mari et ils tentèrent d'aller prévenir
le frère aîné de la famille. Malheureusement, les assaillants étaient arrivés
avant eux. Le témoin raconte:
Quelqu'un
m'a appelé. J'avais encore mon enfant sur le dos. Celui qui m'avait appelé m'a
dit d'enlever mon enfant de mon dos et de me coucher. J'ai refusé. Il m'a forcé
à le supplier, à me mettre à genoux et à le supplier encore, et il est parti.
Celui qui est arrivé après était moins compréhensif. Il m'a violé. C'était un
barbare. Ce n'était pas humain. Il a jeté mon enfant par terre. J'ai crié et il
m'a étranglé. Il a menacé de tuer mon enfant avec son fusil. J'ai lutté mais je
n'avais plus la force de résister. Mon enfant de trois ans était là, à côté de
moi. Après une heure, l'homme est parti. Je ne pouvais pas me lever. J'avais
honte pour toute ma famille. 49
Après
le départ de l'homme, elle rampa jusqu'à son domicile. Elle expliqua à son mari
ce qui était arrivé et celui-ci l'emmena au centre de santé le lendemain.
"Cette nuit-là, beaucoup de femmes ont été violées. Dans chaque maison,
chaque femme. Peut-être deux cent femmes au total. Mais beaucoup de femmes ont
trop honte pour le dire."50
Les
femmes du Nord-Kivu ont elles aussi été victimes de viols. Une femme de
Kashebere, près de Masisi, a expliqué que des combattants hutu avaient attaqué
son village le sept octobre 1999. "C'était un mercredi matin. Nous nous
sommes réveillés et le village était déjà encerclé. Ils sont entrés dans le
village, ont tiré en l'air et les gens se sont enfuis. Nous étions trois et
nous sommes tombés dans une embuscade. Ils nous ont capturées et violées
immédiatement après. Il y avait plus de cinquante hommes et chaque femme a été
violée par dix hommes." Les miliciens battirent les femmes et les
emmenèrent dans la forêt. "Deux jours plus tard, ma famille est venue, m'a
trouvée dans la forêt et m'a ramenée chez moi, parce que je n'avais pas la
force de marcher." Un garçon et deux jeunes enfants furent tués pendant
l'attaque. La communauté fut pillée.51
Les
soldats du RCD et de l'APR se sont eux aussi livrés à des actes de violence
sexuelle, comme les attaques sur Kilambo décrites plus haut le montrent, même
s'il semble qu'il aient recouru à ce type de violence de manière moins
fréquente et systématique que les milices hutu. Deux femmes de Mwenga ont
décrit à des enquêteurs de Human Rights Watch certaines violences sexuelles
particulièrement atroces utilisés contre des prisonnières. Selon leur
témoignage, des soldats du RCD, sous les ordres du Commandant Frank Kasereka,
battaient et violaient régulièrement les femmes dont ils avaient la garde,
insérant parfois des bâtons et des piments dans leur vagin. Selon une femme,
qui affirme avoir été détenue et torturée par les hommes de Kasereka, mais qui
fut capable de s'échapper, "toutes les femmes étaient violées chaque jour
et battues le matin, au début de l'après-midi et pendant la nuit."52
Les
deux femmes ont décrit un incident, survenu au début du mois de septembre,
pendant lequel des soldats torturèrent en public cinq femmes qui avaient
apparemment été accusées de sorcellerie par l'épouse d'un soldat. Elles
racontent que des soldats emmenèrent les femmes jusqu'à un champ proche d'un
bâtiment gouvernemental, un espace habituellement utilisé pour détenir des
prisonniers. Ils les passèrent à tabac, les déshabillèrent et les violèrent.
Elles racontent qu'ils mirent alors des piments dans le vagin des femmes et les
placèrent dans des trous remplis d'eau salée. L'eau arrivait au niveau de la
poitrine des prisonnières. Ceci eut lieu en présence de nombreuses personnes.
Selon une femme qui se trouvait là, "on était là pour voir s'il ne
s'agissait pas de notre mère ou de notre sœur."53
Une
femme déclara à Human Rights Watch:
Le
lendemain, on a entendu des coups de feu provenant de l'endroit où se
trouvaient les femmes. Mon mari, qui est soldat [RCD], m'a dit qu'il allait
voir s'ils étaient en train de tuer les femmes. Je l'ai accompagné et ai vu ce
qui se passait. Ils avaient retiré les femmes des trous et, après les avoir
battues brutalement, ils les avaient déshabillées. Ensuite, ils ont pris cinq
bâtons et ont violé les femmes avec les bâtons. Ensuite, ils les ont mises dans
des trous et les ont enterrées. Ils en ont mis deux dans un trou et trois dans
un autre et les ont recouvertes de terre, mais elles étaient encore vivantes.54
Selon
des organisations congolaises de défense des droits de l'homme et selon les
deux femmes de Mwenga, la torture, les violences sexuelles et le fait
d'enterrer des femmes vivantes étaient couramment utilisées dans les régions
commandées par le Commandant Kasereka.55 Ces
abus avaient apparemment pour but de terroriser les populations et d'extorquer
de l'argent aux familles, puisqu'il était possible de sauver des prisonnières
en payant de grosses sommes aux soldats. L'une de nos témoins fut arrêtée le
dix-sept octobre 1999. Elle raconte avoir été placée dans un trou rempli d'eau
salée en compagnie d'une autre femme, dont on soupçonnait le mari d'être un
Mai-Mai. "L'eau m'arrivait jusqu'à la poitrine. Je ne pouvais même pas
m'asseoir. L'autre femme m'a dit de faire attention parce qu'il y avait un bébé
mort-né dans l'eau. Une femme mise dans le même trou plus tôt avait fait une
fausse couche." Lorsqu'elles entendirent les soldats dire qu'ils allaient
creuser un trou pour les enterrer, les deux femmes les supplièrent de les
libérer et leur promirent qu'ils seraient bien payés. Elles furent remises en
liberté et s'échappèrent.56
En plus
des attaques menées afin de punir ceux soupçonnés de complicité avec l'ennemi,
le RCD et ses alliés, ainsi que les milices Mai-Mai et hutu ont tous attaqué
des civils dans le but de les dépouiller de leurs biens. Les plus pauvres se
voient dépossédés de leur bétail ou de leurs récoltes. Comme l'a remarqué un
témoin:
Ils ont
envoyé des soldats congolais sans avoir d'argent pour les payer. Alors, pour se
nourrir, ces soldats doivent passer par les villages et voler les récoltes. Ils
passent de ville en ville et volent les populations.57
Les plus riches sont
dépouillés de leur argent et autres biens. Le premier février 2000, par
exemple, un groupe de plus de vingt soldats du RCD se rendait chez Valentin
Makuta, un commerçant prospère vivant dans la zone de Kadutu à Bukavu. Selon
des témoins, quelques soldats entrèrent dans la maison, pendant que les autres
rassemblaient les enfants qui se trouvaient dans les différentes dépendances et
les forçaient à entrer dans la maison, frappant d'ailleurs une fillette. Les
soldats, qui parlaient lingala et swahili, dirent à la famille qu'ils
cherchaient des Mai-Mai, mais il semble que leur intérêt premier ait été le
vol. Ils exigèrent de l'argent et donnèrent des coups de crosse aux membres de
la famille. Ils menacèrent également l'une des filles avec un couteau et lui
tailladèrent le visage. Le père alla chercher de l'argent, mais au moins l'un
des soldats ouvrit le feu et tout le monde prit la fuite. L'une des filles fut
touchée, une balle pénétrant dans sa jambe, deux la touchant au bras et une
quatrième au torse. Lorsque le père donna l'argent aux soldats, l'un d'eux lui
donna un coup de machette. Les assaillants se concertèrent afin de décider
s'ils allaient le tuer mais décidèrent de lui laisser la vie sauve parce qu'il
leur avait donné ce qu'ils voulaient. Une voisine qui était venu porter secours
à la fillette blessée reçut une balle dans le pied alors qu'elle essayait de
mettre l'enfant en sécurité.58
Comme c'est souvent le cas lorsque de
tels incidents ont lieu dans des grandes villes comme Goma et Bukavu, les
autorités militaires menèrent une enquête de principe et ne procédèrent à
aucune arrestation. Le recours gratuit et injustifié à la violence qui
caractérise cet incident est typique. Même lorsque les victimes donnent leur
argent ou leurs biens sans résister et suivent les ordres de leurs assaillants,
elles peuvent quand même être tuées, poignardées, battues ou violées, ce qui ne
fait qu'ajouter à la terreur que provoquent de telles attaques.
Lorsque
nous les avons questionnés au sujet des victimes civiles, les responsables du
RCD à Goma ont déclaré à Human Rights Watch que leurs soldats ne tuaient des
civils que s'ils les prenaient, par erreur, pour des combattants. Les faits décrits
plus haut démentent cette affirmation. Lors de l'attaque à Walikale, par
exemple, les soldats du RCD et leurs alliés ont ligoté les civils avant de les
tuer. Dans d'autres cas, ils ont attiré les gens hors de leurs cachettes avant
de les exécuter, preuve limpide de la volonté délibérée de commettre des actes
criminels qui les animait.59 Le recours aux viols, aux passages à tabac et à la destruction des biens
indique également l'existence d'une volonté délibérée de terroriser les
populations.
Les
dirigeants du RCD affirment être les seules autorités légitimes de la région.
Ils ont également déclaré vouloir, avec leurs alliés de l'APR, protéger les
populations locales des attaques menées par les Mai-Mai et les groupes de
combattants hutu. Cependant, dans de nombreux cas, des populations ont demandé
en vain que cette protection leur soit fournie. De nombreux déplacés
originaires de Bunyakiri ont déclaré à Human Rights Watch que les soldats
avaient ignoré leurs nombreux appels à l'aide. Comme l'a déclaré l'un des
témoins, "Nous allons dire au RCD où campent les Interahamwe et ils nous
répondent: 'C'est votre affaire. Ils sont de votre famille'"60
Des déplacés originaires de Kalonge ont
également déclaré que les soldats du RCD avaient refusé de combattre des
combattants armés.61 Le vingt-trois janvier 2000, James Ntwana fut tué par des miliciens juste
à côté du camp du RCD à Cifunzi. Un homme a déclaré à Human Rights Watch:
"Lorsque j'ai vu qu'ils pouvaient tuer des gens juste à côté du camp et
que les soldats ne réagissaient pas, j'ai réalisé qu'il fallait que je
fuie."62
Lorsque
des combattants hutu ont attaqué Cizenga en novembre et kidnappé plusieurs
personnes afin qu'elles portent leur butin jusqu'à leur camp dans la forêt,
certains villageois sont allés demander l'aide des soldats du RCD, qui se
trouvaient à environ trois kilomètres. Les soldats refusèrent d'intervenir,
affirmant apparemment: "Les Interahamwe sont vos frères."63
Le lendemain, des villageois virent
que certains soldats étaient en possession de biens qui avaient été volés la
veille et conclurent que des complicités existaient entre les assaillants et
les soldats. Il est également possible que les soldats aient attaqué les
combattants hutus et pillé leur camp. Cependant, le fait que les populations
puissent penser que les deux parties sont complices démontre combien elles se
sentent abandonnées par les soldats censés les protéger.
Les
attaques répétées dont font l'objet les populations de l'est du Congo ont forcé
plus d'un demi million d'habitants de cette région à quitter leurs maisons et
provoqué une crise humanitaire qui ne cesse de s'aggraver. Selon Charles
Petrie, le directeur du Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires dans
l'est du Congo, une agence de l'ONU, la crise a pris beaucoup d'ampleur au
cours des derniers mois. Environ la moitié des cinq cent mille personnes
déplacées l'ont été depuis le début de l'année.64 Après que les combattants hutu aient intensifié leurs attaques sur Kalonge
en janvier, par exemple, environ dix mille personnes prirent la fuite pendant
la première semaine de février.65
Les
plus importants groupes de déplacés se trouvent à Goma et Bukavu. Un
collaborateur de l'église locale a déclaré à Human Rights Watch qu'au moins un
quart de la population de Goma se compose de déplacés internes. Cependant, même
dans la petite communauté de Kavumu, au Sud-Kivu, on trouve aujourd'hui plus de
quatre mille déplacés. Environ mille deux cent d'entre eux viennent de
Bunyakiri et près de trois mille de Kalonge.66 Ces chiffres ne concernent que les déplacés officiellement enregistrés en
tant que tels; le nombre véritable de déplacés peut donc être beaucoup plus
élevé. Aucun camp n'ayant été établi afin d'accueillir les déplacés, ceux-ci
s'installent chez des membres de la famille ou des amis, eux-mêmes déjà
confrontés à la pauvreté, ou squattent les espaces disponibles dans les villes.
Selon un collaborateur de l'église: "Ils n'ont ni travail, ni lieu où
vivre et ils ne sont pas habitués à la ville. Ils deviennent mendiants et sont
exposés aux maladies. Ils sont surtout touchés par le choléra, le SIDA et
d'autres maladies."67 Des personnes récemment déplacées ont déclaré à Human Rights Watch que
ceux qui sont restés au village craignent tellement les attaques qu'ils n'osent
pas dormir chez eux. Ils dorment dehors, sont exposés aux intempéries et à des
maladies, telle que la malaria.
Selon
Petrie, beaucoup de déplacés souffrent gravement de la malnutrition.68 Le problème d'approvisionnement en nourriture commence d'ailleurs à être
sérieux pour le reste de la population également. L'insécurité empêche les
agriculteurs de se rendre dans leurs champs, ce qui limite la production et
fait monter les prix à des niveaux inabordables pour beaucoup.69
Le RCD
et ses alliés rwandais utilisent les arrestations arbitraires, la détention
illégale, la torture et les mauvais traitements pour harceler et intimider les
membres des organisations de défense des droits de l'homme, les associations de
femmes et d'autres organisations non-gouvernementales (ONG), comme nous le
décrivons ci-dessous. Des soldats et policiers suspectés d'avoir soutenu les
récentes grèves déclarées à Goma et Bukavu ont été arrêtés. Les autorités ont
également torturé et maltraité des individus arrêtés pour des crimes de droit
commun et n'ont pas respecté les normes légales applicables à de telles
situations.
Les
autorités du RCD affirment appliquer la législation congolaise.70 Selon celle-ci, les autorités peuvent détenir un suspect pendant
quarante-huit heures sans l'inculper. Une fois la personne mise en examen, elle
peut être détenue pendant deux semaines supplémentaires avant d'être transférée
à la prison centrale.71 Ceux qui exercent l'autorité peuvent procéder à des arrestations motivées
par des raisons liées au conflit armé mais doivent respecter les dispositions
du droit humanitaire international. En particulier, les tribunaux doivent
fonctionner de manière régulière, respecter les droits des accusés, notamment
le droit à être informé sans retard du crime dont on l'accuse, le droit d'être
présumé innocent tant que la culpabilité n'a pas été prouvée, le droit de
choisir un avocat, respecter également le principe selon lequel une confession
ne peut être obtenue sous la contrainte et, enfin, l'autorité de la chose
jugée.
Les
détenus ne sont souvent pas informés des raisons ayant motivé leur arrestation
et sont détenus pendant des semaines ou des mois sans inculpation. Certains
militants locaux d'organisations de défense des droits de l'homme ont illustré
cette situation en mentionnant le cas d'Alphonse Karibu, qui fut arrêté le 8
juin 1999, détenu jusqu'au 28 août, arrêté à nouveau le 10 octobre et détenu
jusqu'en décembre. Après avoir été remis en liberté pour la seconde fois, il
décida de se cacher et de vivre clandestinement.72
Les
soldats détiennent civils et militaires dans un grand nombre de centres de
détention. Si l'existence de ces centres n'est pas en soi illégale, leur nombre
complique de manière extrême les efforts des familles qui tentent de localiser
un de leurs parents détenu. A Goma, l'Agence Nationale de Renseignements (ANR)
utilise la cuisine d'une ancienne résidence comme prison. Cet endroit est connu
par tous sous le nom de "Chien
Méchant", en référence au panneau qui orne les grilles d'enceinte. les
soldats détiennent également des civils et militaires dans une prison militaire
connue sous le nom de "Bureau II"
et qui est une ancienne maison particulière. Des enquêteurs de Human Rights
Watch se sont rendus sur place et ont trouvé trois civils parmi les six
personnes détenues là le jour de leur visite.73 Les autorités détiennent également des civils à la Direction Générale de
Migration de Goma, à l'Auditorat Militaire de Goma et Bukavu, ainsi qu'à
l'Agence Nationale de Renseignements, à Bukavu.74 Dans certains cas, les autorités militaires ont transféré des détenus vers
des prisons situées au Rwanda, ce qui complique encore davantage la
localisation des prisonniers.75
Des
organisations locales de défense des droits de l'homme ont également appris que
des centres de détention illégaux avaient été créés, souvent au domicile
d'officiers de l'armée. Selon le personnel d'une ONG congolaise, les vigiles
travaillant au Centre pour la Recherche en Sciences Naturelles à Lwiro et à
l'hôpital Formulac ont mis en place des prisons privées dans le but d'extorquer
de l'argent aux familles de ceux qu'ils détiennent. Bien que ces vigiles
n'aient évidemment pas le droit de procéder à des arrestations, les autorités
ne sont pas intervenues pour mettre fin à leurs pratiques.76
Les
enquêteurs de Human Rights Watch ont visité plusieurs centres de détention. Les
conditions à la Prison Centrale de Goma se sont révélées être relativement
bonnes, à la différence de celles régnant dans d'autres centres de détention.
Lorsque les enquêteurs de Human Rights Watch se sont rendus à "Chien
Méchant", ils n'y ont trouvé qu'un seul prisonnier. Des anciens détenus
ont cependant affirmé que, dans le passé, de très nombreux prisonniers y
avaient été détenus, et dans un espace très réduit.77 Au Bureau II, les enquêteurs de Human Rights Watch ont trouvé six
prisonniers confinés dans une petite partie de la cave. Les détenus ont affirmé
que vingt autres prisonniers avaient été transféré le matin même, quelques
heures avant que la visite n'ait lieu.78 Selon des témoins, le nombre de personnes détenus au Bureau II dépassait
souvent trente. A Bukavu, trois militants d'une ONG ont été arrêtés le
vingt-neuf janvier 2000 et détenus pendant une journée à l'Agence Nationale de
Renseignements, dans un placard de moins d'un mètre carré. Ils ne pouvaient pas
s'asseoir et le seul air frais qui leur parvenait passait par une petite
ouverture donnant sur les toilettes.79 Selon les informations d'une ONG locale de défense des droits de l'homme,
Baharame Buhendwa mourut étouffé dans un placard du même type, utilisé comme
toilette, à la prison centrale de Bukavu; en juin 1999.80 Des conteneurs métalliques servant au transport de marchandises servent
apparemment de cellules à Burale (Walungu), Minova (Kalehe) et Panzi.81 Il semble que Brigit Bilhakabulirwa soit morte dans un de ces conteneurs,
à Irhundwe (Walungu), après qu'elle ait été arrêtée et torturée le vingt-cinq
juillet 1999.82
Les
prisonniers sont régulièrement battus, torturés et maltraités. Lors d'une
visite à "Chien Méchant", les enquêteurs de Human Rights Watch virent
des traces de sang sur le mur d'une cellule où d'anciens détenus affirmaient
avoir été battus. Certaines personnes sont battues ou torturées au moment de
leur arrestation. Une femme a déclaré à Human Rights Watch que, lors de son
arrestation à Matanda (Masisi) –elle était soupçonnée d'empoisonnement–, des
soldats avaient tailladé au couteau ses pieds et jambes et l'avaient battue,
frappant notamment la plante de ses pieds, avant de la transférer à la Prison
Centrale de Goma.83 Deux personnes arrêtées à Goma, dont l'une fut par la suite détenue à
"Chien Méchant", dirent avoir été battues par des soldats le jour de
leur arrestation.84
Certains
détenus eurent eux la malchance d'être battus et torturés régulièrement tout au
long de leur détention. Un homme arrêté à Goma pour vol à main armée a déclaré
à Human Rights Watch qu'il avait été détenu à Bureau II pendant un mois et
demi. Pendant sa détention, ses bourreaux l'avaient régulièrement fouetté et
avaient utilisé des briquets pour lui brûler les jambes. Il semble qu'il ait
été torturé chaque jour de minuit à trois heures du matin; on l'accusait d'être
un interahamwe. Ses blessures ne furent jamais soignées. Il fut ensuite détenu
pendant deux mois dans une autre prison militaire, avant d'être transféré à la
Prison Centrale.85 Un ancien détenu a raconté que pendant la semaine qu'il a passée à
"Chien Méchant", les détenus étaient battus chaque matin.86 Ndelema, libéré de "Chien Méchant" en août 1999 après cinq mois
de détention, a en grande partie perdu l'usage de son bras gauche et souffre du
genou droit, ce qu'il attribue aux nombreux passages à tabac dont il a fait
l'objet pendant sa détention.87 Des personnes détenues à l'Agence Nationale de Renseignements de Bukavu
ont également été battues. Mizumbi, un jeune homme d'Uvira, raconte qu'il y fut
détenu pendant un mois et battu quotidiennement. Il semble qu'un autre détenu,
accusé de soutenir les Mai-Mai, a lui été battu régulièrement avec une barre de
fer.88
Des
femmes ont affirmé avoir été violées et abusées sexuellement pendant leur
détention dans des zones urbaines contrôlées par le RCD et l'armée rwandaise.
Selon une ONG locale, le deux juin 1999, des soldats qui recherchaient des
combattants hutu à Goma arrêtaient une jeune fille de dix-sept ans. Ils
l'emmenèrent jusqu'à un conteneur, à l'aéroport, où trois soldats la violèrent
avant de la relâcher le lendemain matin. Des militants locaux racontent
également que deux rwandaises suspectées de soutenir l'ennemi furent arrêtées
et détenues de mai à décembre 1999. Pendant leur détention, elles furent toutes
les deux abusées sexuellement.89
Le RCD
a pris le contrôle de nombreuses institutions judiciaires existantes et
maintenu en poste une grande partie du personnel. Beaucoup de fonctionnaires, y
compris des magistrats, des gardiens de prison et d'autres n'ont reçu que deux
fois leur salaire mensuel depuis le début de la guerre.90 Confrontés à une situation économique de plus en plus difficile, les
personnes employées par la justice congolaise exigent fréquemment des
pots-de-vin pour faire leur travail et les citoyens doivent donc payer pour que
justice soit faite. Il était prévu, lors de l'accession au pouvoir de Kabila,
que de nombreux magistrats et fonctionnaires de justice corrompus soient
renvoyés. L'éclatement de la deuxième guerre au Congo leur a permis de rester
en place, sous la direction aujourd'hui du RCD. Un militant d'une organisation
de promotion de la société civile a déclaré à Human Rights Watch: "Les
magistrats n'étant pas payés, il faut acheter leurs services. Ceux qui déposent
une plainte doivent payer pour les formulaires légaux, les frais d'assignation,
le transport des agents chargés de l'enquête. Ceux qui cités à comparaître
doivent généralement payer."91 A ceci, un autre militant ajoutait: " Aujourd'hui, quand il y a
procès, c'est celui qui a le plus d'argent qui gagne".92 Selon de nombreux détenus, les familles doivent payer des pots-de-vin pour
pouvoir rendre visite ou apporter de la nourriture aux détenus qui, eux,
doivent faire de même pour être mieux traités. Ainsi, les trois militants d'une
ONG arrêtés à Bukavu le vingt-neuf février (voir plus haut) ont dû payer leurs
geôliers pour être retirés du placard dans lequel ils durent passer la première
nuit.93 Il semble également que les gardes se refusent à libérer certains
prisonniers parce qu'ils perdent ainsi une source de revenus.
Beaucoup
de personnes déplorent le fait que les autorités rechignent à donner suite aux
plaintes, particulièrement quand celles-ci concernent des soldats du RCD ou
rwandais, ou des policiers. Plusieurs victimes ont affirmé à Human Rights Watch
que leurs plaintes n'avaient donné lieu à aucune enquête sérieuse et à aucune
arrestation. Lorsque des soldats ont été arrêtés pour des affaires criminelles,
ils ont souvent été relâchés rapidement. Lorsque que l'affaire de torture et
d'assassinat des femmes de Mwenga fut rendue publique, les autorités militaires
arrêtèrent le Commandant Franck Kasereka, mais le libérèrent deux semaines plus
tard. Les autorités affirmèrent qu'il s'était échappé, mais d'autres sont
convaincus qu'il fut discrètement libéré. D'autres officiers impliqués dans
l'affaire de Mwenga et identifiés par des témoins ne furent jamais arrêtés.94
Certains
congolais hésitent à dénoncer les crimes commis par des soldats parce qu'ils
craignent de faire l'objet de représailles. Le cas de Sébastien Balolebwami,
président de l'association des agents de change de Bukavu, semble suggérer que
de telles craintes ne sont pas infondées. Trois hommes "portant des
masques de Ninja" se rendirent à son domicile le vingt-sept décembre 1999,
vers vingt heures, dans le quartier de Kadutu, à Bukavu. Ils menacèrent de le
tuer s'il ne leur remettait pas tout son argent. Ils repartirent avec environ
cinq cent dollars américains. Le masque de l'un des hommes étant tombé pendant
l'attaque, un membre de la famille l'identifia comme étant un soldat du RCD. Le
famille porta plainte auprès du Commandant Serge Rutahazi. Le soldat fut arrêté,
interrogé et donna le nom de ses deux complices. L'un d'eux fut arrêté. Deux
semaines plus tard, les deux soldats étaient libérés.
Le dix
février 2000, on frappa à la porte de Balolebwami. Un membre de la famille
regarda par la fenêtre et vit cinq soldats du RCD sur le pas de la porte. L'un
deux était en train de dévisser l'ampoule éclairant l'entrée. Le membre de la
famille cria que les visiteurs étaient des soldats. La famille se réfugia dans
la cuisine et commença à frapper sur des casseroles pour donner l'alarme à tout
le voisinage. Les soldats défoncèrent la porte. Certains voisins, qui voulaient
porter secours à la famille, racontèrent que des soldats postés devant leurs
portes leur dirent de rentrer chez eux parce qu'ils "étaient venus tuer le
chef des prêteurs sur gage". La femme de Balolebwami s'enfuit par la porte
de la cuisine et courut jusqu'au commissariat le plus proche, où elle put
convaincre quelques policiers de réagir. Alors qu'elle arrivait chez elle,
accompagnée des policiers, elle entendit un unique coup de feu. La police tira
en l'air, les soldats sortirent en courant et ripostèrent. Pendant l'attaque,
un soldat tira sur Balolebwami, perforant son intestin à sept endroits. Il
mourut peu de temps après. Selon des témoins, le soldat qui avait été reconnu
après la première attaque était présent et insista auprès des autres pour
qu'ils tuent le jeune beau-frère de Balolebwami, qu'il suspectait de l'avoir
reconnu. Les autres refusèrent et il donna un coup de baïonnette au jeune
homme, le blessant à la tête.95
La
situation du système judiciaire est telle que de nombreux soldats du RCD ou
rwandais, mais aussi des civils, ont le sentiment de pouvoir agir en toute
impunité et ce même dans les villes. Ils s'attendent, en cas d'arrestation, à
être rapidement relâchés. La disparition de l'état de droit a provoqué une
augmentation de la criminalité à la fois dans les zones de combat et dans le
reste du pays. Des ONG de défense des droits de l'homme ont répertorié des
centaines d'attaques commises par des hommes armés, parfois en uniformes.
L'échec
de la justice encourage également les congolais à se faire justice eux-mêmes.
En janvier, un dirigeant du RCD ordonna ainsi à un soldat de récupérer une
maison qu'il avait vendue à un nommé Bahati. Le soldat se trompa d'adresse et
pénétra chez un homme qui s'appelait Bahizire. Effrayé, celui-ci appela à
l'aide. Des voisins arrivèrent et tuèrent le soldat à coups de pierre. D'autres
soldats tentèrent de trouver Bahizire le dix-huit janvier 2000, dans le but de
se venger. Aujourd'hui, tant Bahati que Bahizire craignent de faire l'objet de
représailles de la part des soldats.96
Depuis
leur prise du pouvoir au Nord et au Sud-Kivu, les autorités du RCD ont agi avec
méfiance vis-à-vis des nombreux acteurs de la société civile de l'est du Congo
et essayé de leur mettre des bâtons dans les roues. Ceux-ci ont lutté pour
protéger leur liberté d'expression et d'association, ont pris des initiatives
afin de dialoguer avec le gouvernement congolais et la société civile basée à
Kinshasa et ont, de manière délibérée ou non, relayé des réactions d'hostilité
exprimées envers le RCD et ses alliés rwandais. Le RCD a réagi en réprimant
encore plus sévèrement la société civile dans les deux provinces du Kivu.
La société civile de l'est du Congo se
compose de nombreux acteurs. Il existe des dizaines d'associations de défense
des droits de l'homme. Des organisations comme les Héritiers de la Justice, la
Commission Justice et Paix et le Groupe Jérémie sont très proches de l'église.
D'autres sont l'émanation d'organisations de jeunesse et estudiantines. Il
existe également de nombreuses organisations de femmes, telles que la PAIF
(Promotion et Appui aux Initiatives Féminines) et le Cadre de Concertation des
Femmes œuvrant a la base. Enfin, de très nombreuses associations humanitaires
et de développement travaillent dans des domaines divers, qui vont de
l'agriculture et l'aide alimentaire au soins de santé, en passant par
l'éducation et les micro-entreprises. Dans ce contexte, les églises jouent un
rôle fondamental en prenant une part très active dans la vie publique. Beaucoup
d'écoles, de services sociaux ou de santé, et de centres menant à bien des activités
de nature plus intellectuelle sont institutionnellement liées à l'église. Les
journalistes sont également l'une des voix de la société civile. Bien que
confrontés à une environnement professionnel souvent aride, plusieurs
journalistes indépendants essaient de poursuivre leur travail dans la presse
écrite, à la radio et à la télévision.
Les
autorités, dans le but d'intimider et de contrôler les membres de cette société
civile, recourent régulièrement aux arrestations arbitraires et aux détentions.
Elles les convoquent pour les interroger, surveillent leurs activités et
fouillent leurs bureaux et domiciles. Elles les accusent également de soutenir
des groupes armés d'opposition, de conspirer avec le régime Kabila, d'inciter à
la rébellion contre le RCD, de fomenter des troubles de l'ordre public et
d'encourager à la haine ethnique, mais elles ne déposent que très rarement des
plaintes officielles. Bien que les militants détenus soient généralement
relâchés dans le jours qui suivent leur arrestation, ils se voient parfois
obligés de se présenter chaque semaine aux autorités. Des soldats et des gardes
ont parfois battu ou maltraité des dirigeants d'ONG pendant leur détention. Les
autorités ont également publiquement et en privé critiqué et menacé la société
civile. Le gouverneur du Sud-Kivu, par exemple, lors d'un discours prononcé à
l'occasion de la Noël 1999, a accusé plusieurs organisations de travailler pour
Kabila. Les autorités ont empêché certains membres d'organisations de se
déplacer et ont tenté de limiter les informations qu'ils communiquaient à
d'autres, particulièrement lorsque les destinataires se trouvent dans d'autres
régions.
Le RCD
a empêché des membres de la société civile de se déplacer librement, dans le
but de nuire aux organisations et de limiter les contacts qu'elles
entretiennent avec d'autres dans le reste du Congo et à l'étranger. Les
militants sont ainsi confrontés à d'énormes difficultés lorsqu'ils essaient de
construire des coalitions avec d'autres congolais, mais se voient également
limités dans leur travail de financement et de défense des droits au niveau
international.
Les
gardes aux frontières ont empêché certains militants de quitter le pays et les
autorités ont fait savoir à de nombreux leaders d'ONG ou de l'église,
formellement ou non, qu'ils n'étaient pas libres de sortir du Congo. Les
dirigeants du RCD, qui ont imposé des restrictions de cette nature dès décembre
1998, ont ainsi interdit à plusieurs personnes, dont Kuye Ndondo, président
pour le Sud-Kivu de l'Église du Christ au Congo; le groupe protestant unifié,
Okpa; l'évêque anglican de Bukavu, le Révérend Mushunganya; et le Révérend
Bulambo de se rendre à Nairobi pour une réunion, en septembre 1999.97 Des dirigeants du RCD et des soldats ont utilisé la même stratégie pour
empêcher les leaders de l'Est du Congo de participer aux processus politiques
consultatifs ayant pour but de mettre fin au conflit, tel que celui organisé
par la Conférence Panafricaine des Églises à Kinshasa en septembre 1999. A
cette époque, ils empêchèrent le président à Goma du PDH (Promotion de la
Démocratie et Protection des Droits Humains), Joseph Dunia Ruyenzi, de se
rendre à Bujumbura, parce qu'ils croyaient qu'il irait ensuite de Bujumbura à
Kinshasa pour participer à la réunion.98
Certains
militants qui s'étaient rendus à Kinshasa pour cette réunion ou d'autres ont
par la suite été détenus ou harcelés. Jeannine Mukanirwa, vice-présidente de
l'importante organisation de femmes Promotion et Appui aux Initiatives
Féminines et cadre de Concertation des Femmes œuvrant à la base (PAIF)
participa à la réunion de Kinshasa et y dénonça les violations des droits de
l'homme commises par le RCD. Après son retour à Goma, le seize janvier 2000,
elle fut arrêtée et détenue pendant plusieurs jours à Bureau II. Immaculée
Birhaheka, présidente de PAIF, fut elle aussi détenue pendant une journée.99 Les forces de sécurité ont recherché Charlotte Kangwesi, militante de
l'ONG de défense des droits des femmes Uwaki, plusieurs semaines après son
retour de la réunion de Kinshasa.100 Patient Bagenda Balagizi, président d'une organisation de développement,
le Comité Anti-Bwaki, a été stoppé à son retour de Kinshasa, alors qu'il se
trouvait à l'aéroport, et s'est vu confisquer son passeport. Deux membres de la
branche à Goma de l'organisation CRONGN (Conseil Régional des Organisations
Non-Gouvernementales de développement), Negura Bari et Muchango, ont été
convoqués à la Direction Générale des Migrations après avoir participé à une
réunion de leur bureau national à Kinshasa. Negura Bari fut relâché après
quelques heures mais Muchango fut lui détenu toute la nuit.101
Des militants de Bukavu qui s'étaient rendus à Kinshasa pour participer aux
consultations n'ont pas osé rentrer chez eux après avoir été menacés par les
autorités du RCD. Kuye Ndondo, Président au Sud-Kivu de l'Église du Christ au
Congo; le groupe protestant uni, Okpa; Madame Mitumwa, présidente de du groupe
des femmes protestantes du Sud-Kivu; et Jean-Baptiste Mugisho, vice-président
de l'Église de Pentecôte comptent parmi les personnes qui s'étaient rendues à
Kinshasa au début du mois de janvier et qui décidèrent de ne pas revenir chez
eux après que le gouverneur du Sud-Kivu leur ait envoyé une lettre les menaçant
de représailles.102
Une deuxième série de réunions ouvertes à des organisations de la société
civile, ayant pour but de préparer le Dialogue National Inter-Congolais prévu
par les Accords de Lusaka, a démarré en mars 2000. Juste avant son lancement,
le vice-président du RCD, Jean-Pierre Ondekane, annonçait à la télévision que
certaines personnes ne seraient pas autorisées à se rendre à Kinshasa. Plus
tard, le gouverneur du Sud-Kivu déclarait que les autorisations seraient
accordées au cas par cas.103
A la fin du mois d'avril 2000, Bruno Bahati, membre du Bureau de
Coordination de la Société Civile, revenait de Kinshasa lorsqu'il fut arrêté
par les autorités rwandaises à la frontière entre le Rwanda et l'Ouganda. Il
est aujourd'hui détenu à la brigade de Gikondo, à Kigali.104
Les autorités du RCD ont également gêné la préparation d'un possible
dialogue politique en interdisant la tenue d'une réunion préparatoire prévue
par la Coordination de la Société Civile au Nord-Kivu pour le huit septembre
1999. Dans une lettre à la Coordination, le maire de Goma déclarait que "... de telles rencontres politiques que vous
comptez entamer ce huit septembre 1999... sont strictement interdites...".105
Les dirigeants du RCD tentent également de limiter le travail réalisé par
les ONG en dehors de la zone qu'ils contrôlent. Les ONG de Goma qui souhaitent
quitter Goma pour travailler avec les organisations des zones rurales du
Nord-Kivu doivent, pour ce faire, obtenir l'autorisation du RCD et les informer
en détail des activités programmées.
Répondant à l'appel d'un certain "Commandant
Mbayo" et d'un groupe jusqu'alors inconnu, les "Forces armées populaires," la
plupart des habitants de Bukavu observèrent une semaine de grève générale afin
de protester contre les taxes imposées par les autorités rwandaises et la
présence de soldats étrangers au Kivu. Du trente et un janvier au quatre
février, Bukavu fut déclarée "ville morte". Magasins, marchés,
entreprises et écoles furent fermés. Le quatorze février, les habitants de Goma
suivaient l'exemple de ceux de Bukavu et observaient une journée de grève
générale. Des grèves similaires eurent lieu à Walungu et dans d'autres centres urbains.
Les organisateurs de la grève n'ont pas été identifiés, mais le RCD accusa
des dirigeants d'ONG et des intellectuels d'être à la base du mouvement et les
arrêta. Le commandant du centre de détention "Chien Méchant" à Goma
déclara ouvertement à des enquêteurs de Human Rights Watch que les arrestations
avaient pour but d'intimider la société civile:
Nous avons arrêté tous ces gens et tout le monde a eu peur, parce que
personne ne savait ce que nous allions leur faire et si nous allions les tuer
ou les battre. On ne leur a rien fait et on les a relâchés le lendemain.
Réellement, le seul but était d'intimider la population.106
A Goma, les forces de sécurité s'en prirent surtout aux personnes
originaires du Sud-Kivu, qu'elles suspectaient d'avoir "importé"
l'idée de la grève de Bukavu.
Le vingt-neuf janvier, après l'appel à la grève, mais avant qu'elle n'ait
commencée, trois membres importants de la société civile furent arrêtés dans
différentes zones de Bukavu: Patient Bagenda Balagizi, président du Comité
Anti-Bwaki, Ramazani Musombo, membre d'une ONG de crédit rural, et Gustave
Lunjwire, secrétaire général du Mouvement Xaverien, une importante organisation
de laïcs catholiques. Comme indiqué plus haut, ils furent emmenés au centre de
détention de l'ANR et enfermés dans une minuscule cellule sans fenêtres. L'un
d'eux évalua que la cellule, ordinairement utilisée pour punir des prisonniers,
mesurait moins d'un mètre carré. Les hommes ne pouvaient s'asseoir et durent
passée la nuit debout. La cellule n'étant pas ventilée, ils durent se relayer
pour respirer par un trou de la porte. Le lendemain, ils payèrent les gardes et
furent retirés de leur cachot.107
Ramazani Musombo, accusé d'avoir photocopié des pamphlets appelant à la
grève, fut libéré le trente et un janvier. Patient Bagenda, accusé d'avoir
financé les pamphlets, d'être l'un des leaders des Mai-Mai, d'être soutenu par
Kabila et d'avoir incité à la haine ethnique fut détenu jusqu'au deux février,
avec Gustave Lunjwire. Lorsque les officiels de l'ANR les relâchèrent, ils
présentèrent leurs excuses aux deux hommes et leur dirent qu'ils étaient eux
aussi fatigués de la guerre. Ils les invitèrent à coopérer avec les autorités.
Depuis, Bagenda a été informé par les services d'immigration qu'il n'est pas autorisé
à quitter le pays.108
Le quatorze février, jour de la grève à Goma, un docteur très respecté
travaillant à l'hôpital de Goma, le docteur Paluku, fut arrêté à l'Hôtel
Ishango, en compagnie d'un de ses collègues, Jules Songe, l'un des
administrateurs de l'hôpital, et d'un ami, Sumaili. Six policiers congolais qui
étaient assis à la table voisine furent également arrêtés. Les neuf hommes
furent emmenés au centre de détention de l'ANR et, de là, à la Direction
Générale des Migrations (DGM). Un officiel de l'ANR les accusa de comploter
contre le régime. Un peu plus tard, le même jour, on leur dit que l'ANR s'était
trompée mais qu'ils restaient en détention. Lorsqu'on les interrogea le
lendemain, ils furent accusés d'avoir rencontré des membres du groupe ethnique
Bashi du Sud-Kivu. Paluku avait travaillé comme médecin à Bukavu pendant
plusieurs années. Quelques jours plus tard, un conseiller du Chef de la
Sécurité du RCD, Monsieur Musafiri, leur dit que les congolais étaient
favorables à leur libération mais que les militaires rwandais voulaient
prolonger leur détention afin de donner une leçon à tous les intellectuels de
Goma. Ils furent remis en liberté provisoire le dix-neuf février.109
Le quinze février, Charles Cikomola, directeur d'Amikivu, une ONG médicale,
fut arrêté sur son lieu de travail à Goma. Il n'avait pas participé à la grève
de la veille, mais fut malgré tout emmené au centre de détention "Chien
Méchant". On le força à s'allonger et il fut fouetté. Pendant son
interrogation, les soldats l'accusèrent d'avoir amené de Bukavu à Goma le
pamphlet appelant à la grève générale. Il fut relâché le dix-neuf février.110
Quatre employés de l'Association régionale d'approvisionnement en
médicaments essentiels au Nord-Kivu (ASRAMES) furent eux détenus du vingt-et-un
au vingt-cinq février à "Chien Méchant", et battus. On les accusa
d'avoir envoyé des messages à l'étranger. Pendant leur détention, les forces de
sécurité se rendirent dans les bureaux d'ASRAMES et examinèrent leurs fichiers
informatiques.111
Les autorités accusent les organisations des
droits de l'homme de répandre des rumeurs, de s'opposer au régime, d'encourager
l'insécurité et d'inciter à la haine raciale et au génocide. Comme un militant
des droits de l'homme l'a affirmé à Human Rights Watch, "chaque fois que
quelqu'un essaye de critiquer le RCD, cette personne est accusée de
génocide." Les autorités lancent de telles accusations pour justifier les
interrogatoires, les arrestations et, dans d'autres cas, le harcèlement des
militants, les fouilles et pillages de leurs bureaux et domiciles et la saisie
ou la censure de leurs publications.
Dans ces conditions hostiles, de nombreuses organisations de défense des droits
de l'homme ne publient pas les résultats de leurs recherches. Celles qui le
font risquent d'être harcelées.
APREDECI
APREDECI
est une ONG établie à Goma qui travaille dans le domaine du développement et de
l'éducation aux droits de l'homme. Jean-Pierre Masubuko, chef du conseil
d'administration, a déjà été interrogé en juin 1998 sur ses contacts avec des
organisations internationales de défense des droits de l'homme telles que
"Amnesty, Human Rigths Watch, Lawyers Group." 112 Le deux février 2000 à 14h00, Monsieur Masabuko se trouvait près des
bâtiments de la compagnie de transport TMK lorsqu'une Toyota Hilux transportant
six soldats congolais du RCD s'arrêta à côté de lui. Un soldat l'appela par son
nom et lui ordonna de monter dans la cabine de la camionnette. Il hésita mais
obéit après avoir été mis en joue par l'un des soldats. Les soldats le
passèrent à tabac et brandirent des couteaux, menaçant de le poignarder. Ils
l'emmenèrent à "Chien Méchant" où d'autres soldats le battirent
chacun à leur tour. Il entendit un soldat dire à un autre "Cogne-le bien
parce que c'est un de ceux qui ont provoqué notre échec." Le lendemain
matin, un enquêteur l'interrogeait et l'accusait d'avoir contacté des
organisations internationales des droits de l'homme. On lui dit "C'est
vous qui soutenez nos ennemis les Interahamwe. C'est vous qui envoyez des
informations hors du pays." Ils fut accusé de posséder un appareil photo
et d'envoyer des photos à Amnesty International.113 Il fut mis en liberté conditionnelle le cinq février après avoir payé un
pot-de-vin mais avec l'obligation de se présenter tous les jours pendant une
semaine à "Chien Méchant". Après cela, des soldats firent
régulièrement des passages devant son domicile.114
Héritiers de la Justice
La
police et les forces de l'ordre ont interrogé à plusieurs reprises les membres
d' "Héritiers de la Justice",
une organisation de défense des droits de l'homme basée à Bukavu et soutenue
par une coalition d'Églises protestantes du Sud-Kivu. Cette organisation publie
régulièrement des rapports sur les droits de l'homme, dont un bulletin
d'information, Nota Bene, et une
enquête semestrielle sur la situation des droits de l'homme au Sud-Kivu, qui
leur a permis de dénoncer les abus commis par le RCD et l'APR. Un des membres
de l'équipe, Rafael Wakenge, fut arrêté en août 1999 et détenu pendant
plusieurs jours. Un autre, Pascal Kabungulu, fut convoqué au même moment par
les autorités (voir plus bas).
Les
autorités du RCD ont fréquemment essayé de discréditer les groupes des droits
de l'homme en les accusant de répandre de fausses rumeurs. Héritiers de la Justice a dénoncé la torture et le meurtre des
femmes de Mwenga dans son numéro du quinze décembre 1999 de Nota Bene,115 qui a bénéficié d'une attention internationale considérable. Les autorités
ont alors convoqué plusieurs de ses membres et ont exercé des pressions pour
qu'ils révèlent leurs sources. Lorsque les militants ont refusé, le RCD les a
accusés de répandre des rumeurs. En mars 2000, le Ministre de la Justice et du
Règlement des Conflits, Jean-Marie Emungu Ehumba, écrivait au Rapporteur
spécial des Nations unies pour la République Démocratique du Congo, Roberto
Garreton, pour mettre le rapport en doute:
L'enquête
préliminaire menée auprès des rédacteurs de cet article révèle que personne n'a
vu les militaires enterrer les personnes vivantes, c'est seulement des
informations, disent-ils, qu'ils auraient reçues de personnes en deuil. Les
informateurs ne sont pas en mesure de donner l'identité des dénonciateurs ou
des colporteurs des ces rumeurs... Le colportage des faux bruits de nature à
alarmer inutilement l'opinion publique est une infraction prévue et punie par
la loi pénale congolaise.116
Monsieur
Emungu et d'autres fonctionnaires du Département de la Justice ont réitéré
leurs accusation lors d'interviews avec les enquêteurs de Human Rights Watch et
suggéré qu'une éventuelle incapacité à présenter des témoins pourrait
constituer un motif pour poursuivre Héritiers de la Justice.117
Groupe Jérémie
En juin
1999, le Groupe Jérémie, une association des droits de l'homme de Bukavu, liée
à l'Église catholique, publiait une brochure sur les droits de l'enfant. Un
jour avant la publication, le quinze juin, des soldats du RCD pénétrèrent dans
leur bureau alors qu'il était fermé pour le déjeuner. Ils fouillèrent les lieux
et emportèrent des ordinateurs, du matériel, des copies du rapport et d'autres
publications. Les organisateurs du groupe furent interrogés et accusés de
"mettre en danger la sécurité de l'État", de publier des brochures
pro Mai-Mai, de "préparer un génocide" et d'encourager la haine
raciale. Il semblerait que ces accusations aient été abandonnées depuis lors.
Le gouverneur du Sud-Kivu, Monsieur Basengezi, et le chef du Département de
l'Administration Territoriale, Joseph Mudumbi, ont également accusé le Groupe
Jérémie à la radio de publier des brochures subversives.118
En
février 2000, le Groupe Jérémie produisait un programme radio assez court
intitulé "Flash" et portant sur la Déclaration universelle des droits
de l'homme. Les autorités censurèrent le texte et le renvoyèrent pour
correction. Lorsque le Groupe Jérémie présenta la version corrigée du texte,
les autorités leur demandèrent de retirer toutes les références à la guerre. Le
Groupe Jérémie décida alors de ne pas produire "Flash."119
Centre pour l'Éducation, l'Animation et la Défense des Droits
de l'Homme
Les autorités du RCD harcèlent également des
organisations plus petites et moins connues, comme le Centre pour l'Éducation,
l'Animation et la Défense des Droits de l'Homme, qui travaille à Uvira et sur
le territoire de Fizi, au Sud-Kivu. Le quatorze novembre 1999, Jerry Dunia
Kashindi, l'un des leaders de cette organisation, était arrêté par plusieurs
soldats à son domicile de Kizimia, territoire de Fizi, et emmené à un poste
militaire où il était ligoté et battu. Il fut ensuite transféré à la prison de
Fizi ville et détenu jusqu'au vingt-deux novembre. Le premier février 2000,
pendant la grève à Bukavu, il fut à nouveau arrêté et détenu pendant quatre
jours à la DGM.120
COJESKI
Le
Collectif des Organisations des Jeunes du Sud-Kivu, COJESKI, une coalition de
180 jeunes associations du Sud-Kivu, publie La
Voix de la Jeunesse, un journal qui se centre de plus en plus sur les abus
commis en matière de droits de l'homme. En raison du travail réalisé dans le secteur
des droits de l'homme et des sessions de formations "sponsorisées"
par le COJESKI et consacrées à l'action pacifique et aux enquêtes sur les
droits de l'homme, les responsables du RCD considèrent le COJESKI comme une
menace.121 Dans son message de Noël du vingt-quatre décembre 1999 diffusé par
RTNC-Bukavu, le gouverneur du Sud-Kivu accusait ainsi le COJESKI de coopérer
avec Kabila et les Mai-Mai et d'encourager la haine raciale.
Dieudonné
Mushagalusa, un coordinateur du COJESKI, fut convoqué et interrogé à la
Division Justice le six janvier 2000. Les officiers qui le questionnèrent
accusèrent le COJESKI de jouer un rôle politique et d'utiliser de l'argent
destiné au développement économique pour fomenter le désordre public. Un
organisateur du COJESKI fut arrêté à Walungu le quinze février 2000, un jour
après la grève générale, et détenu trois jours.122
Dans le but de contrôler les
informations transmises dans leur zone et au monde extérieur, les autorités du
RCD ont censuré ou interdit des publications et programmes radio. Elles ont
menacé, arrêté et harcelé des journalistes, fouillé leur lieu de travail et
parfois confisqué du matériel de communication et des documents.
Radio Maendeleo
Radio
Maendeleo est une radio indépendante sans but lucratif du Sud-Kivu qui diffuse
des actualités et des programmes sur le développement, les droits de l'homme et
d'autres sujets, la plupart fournis par des ONG.123 Le sept juillet 1999, des représentants du Département de l'Information,
de la Presse et des Affaires culturelles du RCD ordonnaient à Radio Maendeleo
de ne plus diffuser leurs propres actualités politiques et débats et d'utiliser
à la place ceux de la Radio Télévision Nationale officielle congolaise (RTNC).
Radio Maendeleo s'y refusa. Le vingt juillet 1999, la radio diffusait en direct
un débat public pendant lequel la foule injuria le vice-président Jean-Pierre
Ondekane. Le lendemain, apparemment sur l'ordre d'Ondekane, les autorités
saisissaient le matériel de Radio Maendeleo, qui a depuis cessé de diffuser ses
programmes. Le trente juillet 1999, le chef du Département de l'Information, de
la Presse et des Affaires culturelles suspendait officiellement la station.124
Le
vingt-cinq août 1999, le directeur de Radio Maendeleo, Kizito Mushizi Nfundiko,
son responsable des programmes et de l'information, Kamengele Omba, et six
membres d'autres organisations non-gouvernementales étaient interpellés par des
soldats du RCD alors qu'ils sortaient d'une réunion du CRONGD dans un véhicule
de Radio Maendeleo. Les soldats disposaient d'une liste de personnes accusées
d'avoir participé à une "réunion subversive secrète". Kizito et
Kamengele se trouvaient sur cette liste. Les soldats arrêtèrent les occupants
de la voiture et les emmenèrent à l'Agence nationale de Renseignements (ANR).
Les six autres personnes furent relâchées le même jour mais les deux
journalistes furent maintenus en détention et accusés d'écouter des secrets
militaires avec des talkie-walkies.125
Deux
jours plus tard, les autorités arrêtaient Rafael Wakenge Ngimbi, un membre de
l'équipe d'Héritiers de la Justice et convoquaient un de ses collègues, Pascal
Kabungulu. Elles accusaient Monsieur Wakenge d'aider les journalistes à écouter
des secrets militaires et l'emmenaient au centre de détention du procureur de
l'armée. Wakenge, Kizito et Kamengele furent transférés à la Prison centrale de
Bukavu le 28 août, où ils restèrent jusqu'au huit septembre 1999, jour où ils
furent mis en liberté provisoire. Ils durent se présenter à la prison tous les
vendredis pendant plusieurs mois. Les autorités et Radio Maendeleo sont
actuellement en train de négocier les conditions de réouverture de la radio.126
Autres Journalistes
En
1998, Nsasse Ramazani Seraphin, fonctionnaire et journaliste, a été poursuivi à
deux reprises en justice par des représentants du gouvernement, pour
diffamation, et innocenté à chaque fois. Le vingt-et-un juillet 1999, il fut
arrêté après un programme de la RNTC portant sur une affaire de corruption liée
à la vente par les autorités du RCD d'un avion endommagé de Air Congo. On
l'accusa de mettre en danger la sécurité de l'État et d'être anti-tutsi et
anti-RCD. Il fut emmené au centre de détention de "Chien Méchant" où
il fut détenu pendant trois jours. Depuis lors, il est très régulièrement
suivi.127
Le
vingt-trois juillet 1999, quatre journalistes de la RTNC étaient convoqués
après un programme qu'ils avaient produit et qui spéculait sur la possible
extension de la frontière rwandaise dans le territoire du Congo. Deux d'entre
eux, Primo Rudakigwa et Delion Kimburumbu, furent détenus plusieurs jours à
Goma. Les deux autres, Robert Dunia et Viki Makambo, furent temporairement
suspendus à la mi-1999.128
Le seul
journal indépendant actuellement publié dans l'est du Congo est Les Coulisses. Le rédacteur en chef de
ce journal est Nicaise Oka Kibelebele. Le journal a publié des articles qui
critiquaient le RCD. Un de ces articles accusait les dirigeants du RCD
d'acheter des terres de façon illégale. Au début de cette l'année, le bureau du
procureur mit en œuvre une procédure d'enquête à l'encontre de Nicaise Oka
Kibelebele pour, selon le Département de la Justice du RCD, vérifier les faits
et s'assurer qu'il n'y avait pas diffamation. Selon un article publié par
Nicaise Oka Kibelebele dans Les Coulisses,
Joseph Mudumbi, chef du Département de l'Administration Territoriale, l'a
convoqué à son bureau pendant la première semaine du mois de mars et l'a menacé
car il avait publié un article critiquant son implication dans des affaires
d'achat de terrain. 129
En
septembre 1999, le RCD a suspendu un autre journal indépendant, La Croissance Plus, après la publication
d'un article dans l'édition du trente et un août 1999 qui critiquait
"l'absence de démocratie" sous le régime du RCD.130
Les
forces de l'ordre ont arrêté Raphael Kinyongi en janvier 2000 et l'ont détenu à
"Chien Méchant" pendant quarante-huit heures, apparemment après qu'il
avait pris des photos d'enfants dans la rue. Monsieur Kinyongi travaille pour Junction, un journal spécialisé dans le
monde des affaires; et expliqua qu'il voulait utiliser ces photos pour un
article sur le chômage. Les forces de l'ordre l'accusèrent de prendre des
photos pour montrer au monde extérieur que la population du Congo vivait dans
la misère. Il a également été interrogé sur un article sur les Mai-Mai publié
dans un autre numéro du journal.131
Le RCD
a également menacé des reporters de l'agence nationale d'information. Le
Ministre de l'Information, Kinkei Molumba, contacte régulièrement des
correspondants de la BBC et de Voice of America pour leur interdire de parler
de certains événements ou pour les réprimander –et parfois les menacer– suite à
la diffusion de certaines nouvelles. Au début du mois de février 2000, par
exemple, Delion Kimbolumpo a contacté le bureau de VOA à Washington à propos
d'une marche de protestation à Goma organisée par des femmes de soldats qui
refusaient que leur mari soit envoyé au front. Molumba a appelé le bureau le
lendemain de la diffusion de cette information par VOA et dit à Kimbolumpo qu'il
risquait d'être puni. Celui-ci a décidé de quitter Goma temporairement. En
février, Molumba interdisait aux reporters de parler de la grève générale qui
avait paralysé Goma en février.
Les
autorités du RCD ont cherché à perturber la marche contre la violence dont
souffrent les femmes qui devait avoir lieu à l'occasion de la Journée
Internationale de la Femme, le huit mars 1999. Les autorités avaient
initialement autorisé la marche mais, quelques jours avant l'événement, le gouverneur
du Sud-Kivu invitait les organisateurs à une réunion au cours de laquelle il
leur demandait de préciser leur projet. Il affirmait que les tracts et les
rumeurs indiquaient que les femmes préparaient une marche nue, une méthode
traditionnelle de protestation extrême. Les femmes expliquèrent que ce n'était
pas le cas et le gouverneur promit alors de leur donner un peu d'argent pour
soutenir leur travail.132
La
veille de la marche, deux soldats se présentaient au domicile de l'une des
organisatrices, Marie-Jeanne Mbachu, du Cadre de Concertation des Femmes
Oeuvrant à la Base. Ils lui dirent que les forces de l'ordre la cherchaient
parce qu'elle préparait une marche de femmes nues. Le lendemain matin, Journée
Internationale de la Femme, des représentants du RCD annonçaient à la radio que la marche était annulée. Les
organisations de femmes renoncèrent au projet mais envoyèrent une lettre de
protestation au gouverneur. En avril 1999, Madame Mbachu se vit interdire de quitter
le pays pour un voyage professionnel. Elle fut accusée de détenir des documents
séditieux et d'inciter les femmes à la révolte.133
Les
organisations de femmes du Kivu avaient elles décidé d'organiser une
"Journée sans Femme", le huit mars 2000. Ce jour-là, les femmes
devaient rester à la maison, pleurer leurs mari et sœurs morts et prier. Le
premier mars, une des organisatrices, Zita Kavungirwa, du Réseau des Femmes
pour la Défense des Droits et la Paix, fut convoquée à l'ANR. Elle fut
interrogée et accusée de "préparer un génocide" avec l'activité
prévue le lendemain. On lui dit également qu'elle et ses collègues seraient
poursuivies en justice.134
Le soir
du sept mars 2000, Madame Mbachu était interviewée par Voice of America sur la
"Journée sans Femme", interview diffusée le lendemain matin. Le huit
mars, de nombreuses femmes restèrent chez elles ou se rendirent à l'église pour
prier. Le neuf mars, lors d'une interview à la radio, le gouverneur accusait
Marie-Jeanne Mbachu de mentir. Le même jour, à la demande de Radio France
International, elle accordait une autre interview en réponse au gouverneur. Le
lendemain, des officiels du RCD appelaient son employeur, la Coopération
technique allemande (Gesellschaft fuer technische Zusammenarbeit, GTZ) et
l'invitaient à participer à une réunion prévue pour le onze mars. Pendant cette
rencontre, les autorités du RCD ordonnèrent à la GTZ de renvoyer Madame Mbachu,
sous peine de se voir purement et simplement interdite de poursuivre son
travail dans le pays. Dans une lettre adressée à Madame Mbachu et vue par les
enquêteurs de Human Rights Watch, la GTZ l'informait qu'elle ne souhaitait plus
avoir recours à ses services.135
Les officiers et soldats du RCD ont cherché à
limiter l'influence du clergé et considéreraient les églises comme des centres
de pouvoir rivaux de la société locale. Ils ont limité les déplacements de
certains dirigeants des églises, tel que l'évêque anglican de Bukavu et le
dirigeant à Bukavu de l'Église du Christ du Congo. Ils ont menacé certains
prêtres et pasteurs et en ont interrogé d'autres à l'ANR et à d'autres
endroits. Des hommes politiques, comme le gouverneur du Sud-Kivu et le
Commandant Ondekane, ont accusé publiquement le clergé d'inciter à la haine
raciale et de comploter avec le régime de Kabila et les groupes armés de
l'opposition.
Pour le
RCD, le plus grand défi semble venir d'Emmanuel Kataliko, l'Archevêque
Catholique Romain de Bukavu. Nommé Archevêque après l'assassinat de son
prédécesseur, Monseigneur Kataliko aurait provoqué la colère du RCD pour la
première fois en février 1999 lorsqu'il déclarait que les problèmes de sécurité
dans l'est du Congo étaient provoqués par les conflits au Rwanda et qu'ils
devaient être résolus dans ce pays. Sa lettre pastorale de la Noël 1999 faisait
elle monter la colère du RCD d'un autre cran. Dans cette lettre, il déclarait:
Les
pouvoirs étrangers, en collaboration avec certains de nos frères congolais,
organisent des guerres avec les ressources de notre pays. Ces ressources, qui
devraient être utilisées pour le développement, l'éducation de nos enfants et
pour guérir nos malades pour que nous puissions vivre humainement le plus
rapidement possible, servent à nous tuer. De plus, notre pays et nous-mêmes
sommes exploités. Tout ce qui a de la valeur a été pillé, mis à sac, emporté hors
du pays ou simplement détruit.136
Monseigneur
Katalika était à Kinshasa pour préparer la conférence épiscopale annuelle
lorsque la grève fut déclarée à Bukavu. A l'époque, un tract supposé provenir
de la communauté banyamulenge circula à Bukavu, accusant l'Archevêque
d'alimenter la haine contre les tutsi et de préparer un génocide.137 Le dix février, la BBC annonçait
que Monseigneur Kataliko, bien que citoyen congolais, avait été déclaré persona non grata par le RCD. Des
officiels du RCD, à Boma et Bukavu, démentirent cette information mais les
forces de sécurité arrêtèrent cependant Monseigneur Kataliko à son arrivée à
Goma, le douze février, alors qu'il se préparait à aller à Bukavu. Elles
l'envoyèrent à Butembo, sa communauté d'origine, qui se trouve hors du contrôle
du RCD-Goma. Le lendemain, le vice-président du RCD-Goma, Jean-Pierre Ondekane,
déclarait lors d'une interview sur RTNC que Monseigneur Kataliko avait utilisé
son message de Noël pour prêcher la haine raciale. Ondekane déclarait: "Nous
l'avons renvoyé de Bukavu car nous devons protéger et garantir la sécurité de
la population."138
Les
prêtres qui avaient soutenu l'archevêque furent menacés par les autorités du
RCD. Les soldats allèrent chercher le Père Gyakira Bugandwa à Nyangezi car il
avait lu le message de Noël de l'archevêque à l'Église. Après s'être caché
pendant plusieurs jours, le prêtre se vit dans l'obligation de fuir. Pendant la
grève de Bukavu, un officier rwandais, le Commandant Macumu, rechercha
plusieurs prêtres qu'il accusait de prêcher la haine raciale et menaça
d'expulser un prêtre italien du Congo.139
Après
le bannissement de Monseigneur Kataliko, l'Église catholique de Bukavo déclara
une grève générale, ferma les écoles et bureaux de l'Église et suspendit les
messes. L'Église du Christ au Congo, une église protestante, ferma également
ses écoles afin de marquer son soutien, imitée en cela par l'Église
Kimbanguiste. Les protestants ont souligné que des tracts accusaient également
certains de leurs leaders d'inciter à la haine raciale.140 A la mi-mars, les églises étaient toujours en grève et la situation à
Bukavu restait tendue.
En
1999, dans la paroisse catholique de Mweso, à Masisi, le Père Paul Juakali
présentait un sermon pascal intitulé "La
République Démocratique du Congo : pourquoi une autre guerre ?", dans
lequel il remettait en question les causes de la guerre et abordait les
conséquences négatives qu'elle avait sur la population. Deux jours plus tard,
sur la route entre Kalembe et Mweso, des soldats arrêtaient la camionnette dans
laquelle voyageait le Père Juakali, le firent descendre en l'appelant par son
nom et le tuèrent. Les autres passagers furent autorisés à poursuivre leur
route. Les témoins ont déclaré que tous les soldats étaient hutus mais qu'ils
ignoraient s'ils étaient du RCD ou d'un groupe armé d'opposition.141 Au moins cinq prêtres catholiques ont été tués dans le diocèse d'Uvira
depuis le début de la guerre, la victime la plus récente étant Remis Pepe
Kibuyu, tué le dix-neuf février 2000. Le prêtre de la paroisse de Kalonge au
Sud-Kivu a également été tué le vingt-deux novembre 1999. En février, le Père
Isidore Munyashungori, un professeur âgé, a été tué lors d'une attaque qui
avait pour cible le réfectoire de la paroisse de Buhimba près de Goma.
Considérées
comme des centres de richesse relative dans un pays désespérément pauvre, les
églises ont fréquemment été attaquées simplement parce qu'elles offrent des
perspectives de butin important. Des soldats de l'APR ont attaqué la paroisse
de Mugogo à Walungu vers onze heures du soir le deux janvier 2000. Ils ont
réveillé trois prêtres qui étaient déjà couchés et leur ont demandé des dollars
et d'autres biens. Ils ont forcé les prêtres à sortir pour aller rejoindre
d'autres soldats et ont demandé à être conduits à la communauté de religieuses
qui vivaient près de la paroisse. Lorsqu'un prêtre a dit qu'il n'y avait pas de
religieuses, un soldat l'a frappé avec la crosse de son fusil. Quelques soldats
sont allés dans le centre commercial situé non loin de là et ont forcé les
résidents à les conduire au monastère. Ils ont forcé les portes, sont entrés et
ont continué à voler. Certains soldats ont battu les prêtres pour avoir menti
et ont parlé de les tuer mais sont partis sans se livrer à d'autres actes de
violence. Selon les habitants de la région, les biens volés à l'église ont été
emmenés à la base de Molume de l'APR/RCD.142
Le même
jour, les troupes du RCD et de l'APR ont attaqué la paroisse de Ciharamo à
Kalehe. Un groupe de prêtres et de laïcs était réuni au presbytère vers 20h30
lorsque dix soldats sont entrés de force alors que d'autres montaient la garde
dehors. Plusieurs soldats ont pillé le bâtiment alors que d'autres frappaient
les hommes, principalement avec la crosse de leur fusil. L'un des prêtres eut
le bras cassé. Un prêtre a reconnu un hutu rwandais parmi les soldats, un
ancien réfugié qui faisait partie de l'APR. Un autre a reconnu un soldat
congolais du RCD qui était auparavant à Nalungu.143
Énormément
d'églises, d'écoles religieuses et de centres médicaux ont été pillés depuis le
début de la guerre. Plus de soixante écoles de la Communauté des Églises Libres
de Pentecôte (CELPA) ont été pillées au Sud-Kivu, ainsi que plusieurs centres
médicaux et bâtiments de l'église.144
Le fait que des
soldats de l'APR, principalement tutsi, collaborent activement avec le RCD dans
l'est du Congo provoque chez la population des réactions d'hostilité de plus en
plus fortes à l'encontre des rwandais et surtout des tutsi. Cette hostilité
s'exprime également à l'encontre des banyamulenge, des congolais d'origine
tutsi très proches de l'APR pendant la première guerre au Congo et les premiers
moments de la seconde. Certains banyamulenge, aujourd'hui, souhaitent se
distancer du RCD. Comme l'un d'eux l'a déclaré à Human Rights Watch:
Pour nous, la communauté
banyamulenge n'a jamais été dans le RCD. Il y a des individus banyamulenge qui
sont dans le RCD, mais c'est le cas pour toutes les communautés… En ville, à
Bukavu et Uvira, les banyamulenge sont contre le RCD.145
L'hostilité
croissante contre les tutsi et les banyamulenge est particulièrement
inquiétante étant donné le précédent que représente le génocide des tutsi au
Rwanda en 1994. Un pamphlet appelant à la grève générale de février signée par
un certain "Commandant Mbayo" exigeait que la grève se poursuive
jusqu'à ce que les "agresseurs rwando-ougando-burundais et tous leurs
alliés nilotiques et blancs aient quitté le territoire congolais." L'idée
selon laquelle les peuples tutsi ou proches des tutsi, comme les banyamulenge,
soient de race "nilotique" ou "hamitique" et que les autres
peuples, tels que les hutu rwandais ou les congolais, fassent eux partie d'une
race "bantoue" différente était à la base du génocide qui fit un demi
million de victimes au Rwanda. Cette vision bipolaire de la société est
historiquement fausse mais considérée comme vraie par beaucoup, dans la région.
L'introduction de cette opposition imaginaire entre des peuples
"nilotiques" et "bantous" dans le conflit au Congo ne fait
que renforcer et développer les différences existant entre les populations et
complique la recherche d'une solution aux conflits d'intérêt qui les opposent.
D'autres pamphlets
ont circulé dans la région, appelant les populations locales à agir de manière
discriminatoire à l'encontre des banyamulenge en leur imposant par exemple des
prix plus élevés sur les marchés ou en refusant de partager les taxi-bus avec
eux. Même si ces propositions ne sont pas appliquées par tous, elles le sont
parfois et créent un climat particulièrement intimidant pour les banyamulenge.
Certains
racontent qu'ils ont vu un homme traîner un chien en laisse. Pendant qu'il le
tuait ainsi à petit feu, l'homme chantait une chanson dans laquelle il disait
vouloir réserver le même traitement aux tutsi. D'autres disent qu'un chien a
été tiré par une voiture jusqu'à ce qu'il meure. Ces histoires indiquent
l'existence d'une certaine hostilité contre les tutsi qui pourrait, si les
circonstances changeaient, donner lieu à des massacres.
Découvrir qui est à
la base de ces appels à la haine envers les tutsi est extrêmement difficile. Le
"Commandant Mbayo", qui serait un leader Mai-Mai, n'a pas été
identifié et peut en fait ne pas exister sous la forme d'une personne physique.
Les dizaines de
représentants des églises, de militants des droits de l'homme, de journalistes
et de dirigeants d'ONG que les enquêteurs de Human Rights Watch ont rencontrés
dans la région ont tous exprimé leur engagement en faveur du principe de
non-violence. Bien placés pour contrer les appels à la violence et pour parler
au nom des droits des minorités, ces leaders pourraient à l'avenir jouer un
rôle plus actif et contribuer à désamorcer les tensions ethniques.
Les autorités du RCD
accusent fréquemment les leaders de la société civile de fomenter la haine et
la violence ethnique. Elles ajoutent souvent à cette première accusation celle
d'être financé par Kabila. Pendant une réunion avec un enquêteur de Human
Rights Watch, l'adjoint du Ministre des Affaires étrangères, Maître Ruberwa, a
déclaré : "Kabila a réussi à detourner la mission des ONG." Il a également affirmé que
certaines ONG de Bukavu s'étaient exprimées en faveur de l'amnistie des Interahamwe.
Dans le mémorandum envoyé au Rapporteur spécial des Nations unies pour la
République Démocratique du Congo, le Ministre de la Justice du RCD, Jean-Marie
Emungu Ehumba, écrivait:
Des ONG
et même certains hommes d'église…font croire que les malheurs du Congo, c'est
la présence des tutsi assimilés à la rébellion armée et aux alliés du RCD…
C'est ainsi que certains milieux de la société civile du Sud-Kivu œuvrent pour
la déstabilisation de la sous-région des grands lacs en pactisant directement
ou en faisant relais entre les forces négatives, le gouvernement Kabila et
certains bailleurs de fonds occidentaux.146
Le RCD
se sert d'accusations de ce type, vagues et sans fondement, pour affaiblir les
leaders de la société civile et les discréditer aux yeux des observateurs
internationaux. Si des preuves de tels actes existaient, le RCD devrait
inculper les responsables et les poursuivre en justice.
Le conflit en RDC constitue toujours la plus
grave crise de sécurité du continent et a un impact négatif sur la situation
humanitaire en Afrique centrale et australe.
La
crise en RDC démontre le besoin critique de justice et d'intégrité. Au vu du
massacre des réfugiés hutu en RDC et de la peur et de la haine actuelles entre
ceux que l'on identifie aux tutsi et aux hutu dans les provinces du Kivu de la
RDC, la communauté internationale doit montrer que les génocides et les crimes
contre l'humanité seront punis, quels que puissent être les coupables et quel
que soit le lieu où ils ont été commis. Ne pas donner suite aux accusations
portant sur de tels crimes dans une quelconque partie de cette région minerait
l'effet dissuasif potentiel d'un jugement rendu par le Tribunal Penal
International pour le Rwanda (TPIR). En créant une juridiction capable de
poursuivre les crimes qui n'ont pas encore été commis ainsi que ceux du passé,
la communauté internationale avertirait clairement les extrémistes en tout
genre qui pourraient, dans le cas contraire, être tentés d'organiser des actes
de violence ethnique pour perturber de possibles accords de paix.
La Zambie dirige la médiation du
conflit en RDC au nom de la Communauté de développement de l'Afrique Australe
(SADC) et de l'Organisation de l'unité africaine (OUA). Après avoir prolongé
les négociations, le gouvernement et les rebelles, et leurs alliés étrangers
respectifs, ont signé un accord de cessez-le-feu en juillet et en août 1999.
Cet accord abordait la crise internationale au Congo et établissait les bases
d'un dialogue national pour le gouvernement, les rebelles et l'opposition
politique non-violente dans le but d'arriver à un accord pour un nouvel ordre
politique dans le pays. Il traitait également des problèmes de sécurité au
Rwanda, en Ouganda et en Angola en encourageant toutes les parties concernées à
identifier et désarmer les membres des groupes armés de ces pays qui opéraient
en RDC et à remettre les personnes suspectées de génocide aux procureurs
internationaux. L'accord ne prend pas en compte les abus en cours commis par
les rebelles du RCD et leurs partisans. Il ne reconnaît pas non plus ou ne
prend pas en compte les plaintes des Mai-Mai. L'accord prévoit une Commission
militaire commune (CMC) chargée du contrôle de son application et une force de
maintien de la paix bénéficiant d'une forte participation des Nations unies
pour sa mise en vigueur sur le terrain.
Les Nations unies n'ont pas semblées
disposées à jouer un rôle de rétablissement de la paix comme les médiateurs
l'avaient initialement demandé. Jusqu'à la signature de l'accord de Lusaka, le
Conseil de sécurité des Nations unies a réitéré à plusieurs reprises sa
préoccupation vis-à-vis de la guerre en cours en RDC dans des résolutions et
déclarations présidentielles mais n'a pas entrepris d'action concrète pour y
mettre fin. Le conseil considérait que le conflit menaçait la paix, la
stabilité et la sécurité régionales et en déplorait les conséquences
humanitaires désastreuses. En dépit de tout cela, les Nations unies ont
maintenu un profil bas dans les tentatives de restauration de la paix et dans
la mission de maintien de celle-ci une fois une trêve signée entre les
belligérants. Dans ses communiqués, le conseil a fortement soutenu le processus
de médiation dirigé par la Zambie au nom de la SADC et de l'OUA.
Le six
août 1999, après la signature de l'accord de cessez-le-feu de Lusaka, le
Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité une résolution qui autorisait le
déploiement d'un maximum de quatre-vingt-dix agents de liaison militaire des
Nations unies pour une période de trois mois dans les capitales des états
belligérants. Leur mandat consistait à établir des contacts avec la commission
militaire commune des belligérants chargée de contrôler l'application de la trêve.
Ce mandat limité reflétait la réticence des Nations unies à envisager une
opération de rétablissement de la paix en vertu du Chapitre VII de la Charte
des Nations unies et une certaine préférence pour une mission militaire
d'observation. Cette approche prudente a encore prévalu pendant les
délibérations intensives de la session spéciale du Conseil de sécurité des
Nations unies sur la RDC du vingt-quatre au vingt-six janvier 2000. Cette
session a jeté les bases de l'adoption de la résolution 1291 du Conseil de
sécurité des Nations unies, le vingt-quatre février, prolongeant le mandat de
la mission des Nations unies en RDC (MONUC) jusqu'au trente et un août,
autorisant l'envoi de cinq cents observateurs militaires supplémentaires et de
5.537 hommes chargés de l'appui logistique. Le Conseil plaçait cette force sous
les ordres d'une nouvelle structure commune établie avec la CMC et lui donnait
un mandat limité relatif au Chapitre VII de la Charte, l'autorisant à
entreprendre des actions pour protéger le personnel et l'infrastructure des
Nations unies et de la CMC, et les civils menacés d'attaques imminentes.
La
Commission des droits de l'homme des Nations unies a poursuivi ses efforts pour
influencer positivement l'évolution de la situation des droits de l'homme sur
le terrain. Roberto Garreton, le rapporteur spécial des Nations unies pour la
RDC, s'est rendu en RDC en février et en août 1999, sur invitation du
gouvernement du Président Kabila. Il était interdit d'entrée depuis mars 1997
après avoir déclaré que les forces de Kabila, à l'époque leader rebelle, et
leurs alliés de l'Armée Patriotique Rwandaise avaient participé au massacre de
milliers de réfugiés hutu. Par la suite, le gouvernement avait systématiquement
fait obstruction au travail de l'Équipe d'Enquête créée par le Secrétaire
général des Nations unies pour contourner la mesure de bannissement du
rapporteur spécial, ce qui avait entraîné la clôture prématurée de cette
enquête. Le conflit entre la RDC et le Rwanda semblaient avoir disposé le gouvernement
de la RDC à coopérer davantage. Le 28 août 1999, lors de la première réunion
avec le rapporteur spécial, le Président Kabila avait consenti à ce que
l'enquête se poursuive lorsque les conditions de sécurité le permettraient et
avait promis que son pays coopérerait. Toutefois, malgré les mesures concrètes
prises par le gouvernement au cours de cette année pour coopérer de nouveau
avec les Nations unies et inviter les principales organisations internationales
des droits de l'homme au dialogue, toutes ces promesses ne se sont pas
traduites en améliorations tangibles de la situation des droits de l'homme.
Les
leaders de la principale faction rebelle, le RCD, ont reçu le rapporteur
spécial à deux reprises et ce dernier a pu se rendre deux fois à Goma et une
fois à Bukavu. Le rapporteur a obtenu l'accord des rebelles pour l'ouverture en
août 1999 d'un bureau à Goma, sous le contrôle du Bureau Local du
Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme à Kinshasa, dans le but de suivre et
contrôler la situation des droits de l'homme dans la région. Ce bureau a été
fermé pour des raisons de sécurité peu après son inauguration et devait être
réouvert en avril 2000.
Dans
son rapport de septembre 1999 à l'Assemblée générale, le rapporteur spécial a
dénoncé les représailles du RCD qui avait forcé cinq militants des droits de
l'homme qu'il avait rencontrés lors de sa visite à fuir le pays. Après avoir
présenté ses découvertes à la 56ème session de la Commission des
droits de l'homme en mars 2000, le rapporteur a conclu en disant qu'un climat
de terreur, d'humiliation et de rejet des personnes au pouvoir régnait dans les
régions contrôlées par les rebelles et leurs alliés étrangers. Ces forces
violent constamment le droit à la vie, a-t-il déclaré, et limitent également le
droit à la liberté d'association, de rassemblement, d'expression et d'opinion.
Le rapporteur a dénoncé l'application de la peine de mort par le gouvernement
du Président Kabila et l'usage systématique de la torture, des
"disparitions" forcées et des exécutions sommaires. En avril 2000, la
Commission des droits de l'homme des Nations unies a renouvelé le mandat du
rapporteur spécial pour la RDC pour une année supplémentaire.
Les
États-Unis ont utilisé leur énergie pour soutenir le processus de paix de
Lusaka. Le scepticisme persistant dans les cercles régionaux vis-à-vis d'une
participation plus directe des USA aux efforts de médiation a été alimenté par
l'idée que les USA soutenaient depuis trop longtemps et de façon
inconditionnelle les leaders ougandais et rwandais. La réticence des USA à
pousser les parties impliquées à poursuivre les coupables de crimes et à
améliorer la situation des droits de l'homme s'est accrue lorsque la RDC a
plongé dans le chaos. La paix et la sécurité régionales sont devenues les
premières préoccupations de la diplomatie publique des USA. Les déclarations de
soutien au processus de paix régional du Ministère américain des Affaires
étrangères ne contenaient que de maigres références aux abus commis par les
belligérants et à leur obligation de respecter les normes humanitaires et les
normes internationales en matière de droits de l'homme. Même si les USA ont
présenté des informations détaillées sur les abus en matière de droits de
l'homme commis par le gouvernement de Kabila, ils ne parlent que très peu de
ceux commis par les factions rebelles qui s'opposent au gouvernement.
Les USA
n'ont pas directement et explicitement tenu le Rwanda et l'Ouganda pour
responsables des abus commis par leurs troupes ou par les forces des factions
qu'ils soutiennent dans les régions placée sous leur contrôle respectif. Alors
que les déclarations publiques de mars 2000 des USA reconnaissent le rôle du
RCD et du Rwanda à l'est du Congo –celle du quinze mars, par exemple, émise par
le Ministère américain des Affaires étrangères, invitait le RCD-Goma et le
Gouvernement du Rwanda à faciliter le retour immédiat de l'archevêque à
Bukavu–, il n'y a eu aucune dénonciation publique de la conduite des factions
rebelles dirigées par le Professeur Wamba-dia-Wamba et le MLC de Jean-Pierre
Bemba et ses alliés ougandais dans les régions qu'elles contrôlent dans les
provinces du Nord-Kivu et d'Équateur. Cette disparité est également évidente
dans les chapitres consacrés à l'Ouganda, le Rwanda et le Congo par le rapport
annuel 1999 du Ministère américain des Affaires étrangères sur les pratiques
nationales en matière de droits de l'homme.
Ces derniers mois, de hauts
fonctionnaires de l'administration sont intervenus publiquement en faveur de
Lusaka. En février 2000, le Président Clinton a loué l'accord de cessez-le-feu
de Lusaka en disant qu' "au-delà d'un cessez-le-feu, il s'agit du plan de
construction de la paix. Il s'agit surtout d'une solution africaine à un
problème africain." La Secrétaire d'État Madeleine Allbright, et
particulièrement l'Ambassadeur américain aux Nations unies Richard Holbrooke,
se sont également publiquement affirmés en faveur de Lusaka. L'Ambassadeur
Holbrooke s'est rendu en Afrique en décembre 1999, principalement pour se
concentrer sur le conflit au Congo. En janvier 2000, il a profité de la
présidence des USA du Conseil de sécurité des Nations unies pour aborder les
problèmes qui se posent en Afrique pendant ce que l'on a appelé "le mois
de l'Afrique". Le Congo était une préoccupation principale qui a été
débattue lors d'un sommet spécial qui a réuni sept chefs d'État et d'une
session spéciale du Conseil de sécurité présidée par la Secrétaire d'État
Madeleine Allbright. Cette activité a permis de donner l'élan nécessaire à la
constitution d'une Mission d'observation des Nations unies en RDC (MONUC), le
vingt-quatre février. Les USA défendaient une approche en trois étapes, chacune
d'entre elles ayant pour objectif d'avancer concrètement vers la mise en
vigueur de l'accord de Lusaka. Aucun soldat américain ne participerait à
l'opération. Les USA fourniraient un million de dollars pour aider la
Commission militaire commune et un autre million de dollars pour soutenir les
efforts réalisés par le Président Masire afin de promouvoir le dialogue national
au Congo.
Le
quinze février, devant le Sous-comité "Afrique" du Comité des
Relations internationales, l'Ambassadeur Holbrooke a abordé l'intérêt national
des USA pour la crise au Congo comme suit : "Les USA ont intérêt à
maintenir la stabilité régionale et à éviter un autre génocide ou un massacre
de masse en Afrique centrale. En particulier, l'ancienne armée Rwandaise
(l'ex-FAR) et la milice Interahamwe, impliquées dans le génocide Rwandais de
1994, opèrent toujours dans la région et contribuent largement à l'instabilité.
Plus de six États régionaux sont impliqués dans le conflit. La crise au Congo
est potentiellement contagieuse: si on laisse le conflit s'envenimer, il sera
encore plus difficile de réaliser les efforts nécessaires afin de résoudre les
conflits et promouvoir la stabilité dans la région – en Angola, au Burundi, au
Rwanda, en Ouganda et au Soudan." Il a également insisté sur la crise
humanitaire qui menace le pays. Toutefois, Monsieur Holbrooke n'a pas parlé des
autres acteurs responsables des crimes contre l'humanité à l'est du Congo et
n'a pas expliqué comment les USA et la communauté internationale pourraient
essayer de mettre fin au massacre des civils par toutes les parties impliquées.
C'est
pendant le mois de l'Afrique que les USA n'ont pas respecté leur silence
habituel sur les abus commis à l'est. Le vingt-quatre janvier, Madeleine
Allbright a fait remarquer au Conseil de sécurité: "Les terribles
violations des droits fondamentaux de la personne humaine par toutes les parties
impliquées constituent l'aspect le plus dérangeant de ce conflit. Récemment,
des témoins crédibles nous ont même raconté que des femmes avaient été
enterrées vivantes à l'est du Congo." Cette allusion aux massacres de
Mwenge a littéralement provoqué un incident diplomatique et a montré à quel
point l'effet puissant de la divulgation des abus par les USA pouvait être
ressenti dans la région.
Madeleine Allbright a poursuivi en
disant : "Aucun grief passé, aucune allégeance politique et aucune
différence ethnique n'excusent le meurtre, la torture, le viol ou les autres
abus. Aujourd'hui, ici et ensemble, nous devons jurer de mettre fin à ces
crimes et de faire comparaître les coupables en justice, dans le respect des
règles de droit." Toutefois, ces propos lourds de sens ne se sont pas
encore concrétisés et les USA ne soutiennent toujours pas l'élargissement de la
compétence du Tribunal criminel international pour le Rwanda aux crimes contre
l'humanité commis au Congo.
A
condition que les parties belligérantes respectent leurs accords, l'UE s'est
engagée dans plusieurs déclarations publiques à soutenir leur mise en vigueur,
particulièrement en ce qui concerne le retour des civils déplacés, les efforts
de réconciliation nationale en RDC et le soutien aux plans de réhabilitation du
pays. Néanmoins, l'UE n'a pas insisté sur le besoin de justice et d'intégrité
pour mettre fins aux abus commis par les parties en conflit.
En juin
1999, la Commission européenne a envoyé une communication au Conseil des
Ministres et au Parlement de l'UE relatif à la coopération économique de
l'Union avec les pays en guerre en RDC. Ce rapport visait à éviter tout usage à
des fins militaires des fonds de développement fournis par l'UE. En juin
également, une déclaration présidentielle s'inquiétait du flux continu d'armes
et de matériel militaire en direction des Grands Lacs et des régions d'Afrique
centrale. Cette déclaration demandait aux états membres d'adhérer strictement
au Code de conduite de l'UE sur les exportations d'armes et rappelait qu'en
vertu du code de l'UE, les pays se refusaient à exporter des armes lorsque ceci
pouvait "aggraver les tensions ou conflits armés en cours dans le pays de
destination finale" ou risquait de contribuer aux violations des droits de
l'homme.
Le
premier sommet afro-européen s'est tenu en avril 2000 sous l'égide de l'OUA et
de l'UE. Comme prévu, le sommet s'est avéré long d'un point de vue rhétorique
et pauvre en actions concrètes. Bien que le sommet n'ait pas abordé la Crise au
Congo per se, une déclaration parlait d'une "profonde préoccupation
vis-à-vis des violations massives des droits de l'homme et du droit humanitaire
et, en particulier, des phénomènes de racisme, de génocide et de purification
ethnique. Nous condamnons de tels actes et nous nous engageons à coopérer avec
les associations appropriées établies afin de poursuivre et de juger les
coupables." En d'autres termes, cela signifie que les institutions
existantes peuvent tenir pour responsables ceux qui violent les droits de
l'homme et le droit humanitaire, ce qui n'est clairement pas le cas au Congo.
Le plan d'action du Caire "encourage les États à mettre en vigueur le
droit humanitaire international dans sa totalité, en particulier en adoptant
des lois nationales visant à résoudre le problème de la culture de l'impunité
et en poursuivant en justice les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre
l'humanité et de génocide, en garantissant l'intégration pleine et entière du
droit humanitaire international dans les programmes de formation et les
procédures opérationnelles des forces armées et de police et en garantissant,
lors de conflits armés, que des organisations humanitaires impartiales puissent
atteindre rapidement la population civile en toute sécurité et sans entrave."
Bien qu'il s'agisse là d'un appel lancé aux États pour qu'ils agissent afin de
mettre fin à l'impunité, il restera lettre morte si l'UE et ses États membres
n'intègrent pas ces plans dans les politiques qu'ils adoptent vis-à-vis de pays
en conflit, notamment ceux impliqués dans la crise du Congo.
Ce rapport, basé sur des faits recueillis lors d'une mission réalisée
en mars 2000 en République Démocratique du Congo, a été rédigé par Timothy
Longman, consultant auprès de la Division Afrique de Human Rights Watch. Le
texte a été édité par Alison DesForges, consultante auprès de la Division
Afrique de Human Rights Watch, Suliman Baldo, chercheur principal à la Division
Afrique, Janet Fleischman, directrice à Washington de la Division Afrique, Peter
Takirambudde, directeur exécutif de la Division Afrique, Michael McClintock,
vice-directeur des programmes, et Wilder Taylor, avocate principale. Le travail
d'aide à la production a été réalisé par Zachary Freeman, assistant auprès de
la Division Afrique, Patrick Minges, directeur des publications, et Fitzroy
Hepkins, responsable du courrier.
L'équipe de direction de Human Rights Watch se compose, entre autres
membres, de Kenneth Roth, directeur exécutif; Michele Alexander, directeur du
développement; Reed Brody, directeur en charge des activités de défense et de
promotion des droits de l'homme; Carroll Bogert, directrice de la communication;
Cynthia Brown, directrice des programmes; Barbara Guglielmo, directrice
administrative et financière; Jeri Laber, conseiller spécial; Lotte Leicht,
directrice du Bureau de Bruxelles; Patrick Minges, directeur des publications;
Susan Osnos, directrice associée; Jemera Rone, avocate; Wilder Tayler, avocate
principale; et Joanna Weschler, représentante auprès des Nations Unies.
Jonathan Fanton préside le conseil d'administration. Robert L. Bernstein est le
président fondateur.
La Division Afrique de Human Rights Watch a été établie en 1980 dans le but
d'assurer le suivi et de promouvoir l'observation en Afrique subsaharienne des
droits de l'homme universellement reconnus. L'équipe de la Division Afrique se
compose, entre autres membres, de Peter Takirambudde, directeur exécutif; Janet
Fleischman, directrice à Washington; Suliman Ali Baldo, Bronwen Manby, Binaifer
Nowrojee, et Alex Vines, chercheurs principaux; Zachary Freeman et Tamar
Satnet, assistants; Alison DesForges,
consultante.
1 Sauf indication contraire, le terme RCD doit dans ce rapport être compris
comme faisant référence au RCD-Goma.
2 Conventions de Genève du 12 août 1949. La RDC a signé et ratifié les
Conventions de Genève et le protocole additionnel aux Conventions de Genève du
12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux (Protocole I), 8 juin 1977. Le Rwanda et le Burundi ont signé et
ratifié les Conventions de Genève ainsi que le Protocole I et le Protocole II
additionnels aux Conventions de Genève (Protocole additionnel aux Conventions
de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés non internationaux, 8 juin 1977).
3 Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à
la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 8
juin 1977; Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949
relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux
(protocole II), 8 juin 1977. Bien que la RDC n'ait pas encore ratifié le
Protocole II, celui-ci guide les signataires en matière de protection des
civils et beaucoup de ses dispositions sont considérées comme faisant partie
intégrante du droit coutumier.
4 Des organisations congolaises de défense des droits de l'homme ont fourni
à Human Rights Watch les preuves de nombreuses attaques ayant eu lieu à Masisi,
Walikale, Bunyakiri, Kalehe, Katana, Mwenga, Fizi et Uvira. Les risques
encourus par la publication de telles preuves étant énormes, beaucoup de ces
organisations –mais pas toutes– se refusent à le faire. Voir Héritiers de la
Justice, "Situation des droits de l'homme en République Démocratique du
Congo (RDC), cas du Sud-Kivu, Rapport du 2ème semestre 1999," Bukavu, 12
janvier 2000 et Cojeski, La Voix de la Jeunesse, no. 18, 28 février 2000.
5 La Garde Présidentielle est une des compagnie d'élite de l'ancienne armée
rwandaise. Elle a initié et organisé le génocide.
6 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
7 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
8 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu et Bukavu, 16 mars
2000.
9 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 9 et 10 mars 2000.
10 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
11 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
12 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
13 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
14 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
15 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
16 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
17 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 9 et 10 mars 2000.
18 Trois organisations locales des droits de l'homme disposent d'informations
relatives à cette attaque. L'une d'elles a compté un total de 28 victimes, une
autre arrive à vingt-trois morts. Leurs listes de victimes sont presque
identiques.
19 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000, et
informations fournies par des organisations de défense des droits de l'homme de
Goma et Masisi. Quatre rapports différents mentionnent l'attaque d'août 1999.
L'une des organisations parle de 25 morts, une autre de 27, la troisième de 28
et la dernière de 15. Les listes sont partiellement identiques.
20 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
21 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
22 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
23 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000. Une
organisation locale de défense des droits de l'homme a confirmé cette
information.
24 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
25 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
26 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
27 Interview réalisée par Human Rights Watch, 9 mars 2000. Deux organisations
locales de défense des droits de l'homme, l'une de Goma, l'autre de Bukavu,
confirment ces informations et disposent de listes de noms similaires à celles
fournies pour Ngenge, Kangati et Kaliki.
28 Interview réalisée par Human Rights Watch, 9 mars 2000. Deux organisations
locales de défense des droits de l'homme, l'une de Goma, l'autre de Bukavu,
confirment ces informations et disposent de listes de noms similaires à celles
fournies pour Ngenge, Kangati et Kaliki.
29 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.
30 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.
31 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.
32 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.
33 Selon des témoins de Kalonge rencontrés par Human Rights Watch, 38 hommes
participaient au programme d'autodéfense, répartis en trois groupes.
34 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bukavu, 13-16 mars 2000;
Kavumu, 16 mars 2000.
35 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 16 mars 2000.
36 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.
37 Interview réalisée par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.
38 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.
39 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bukavu, 13 et 16 mars 2000;
Kavumu, 16 mars 2000; informations de trois organisations de défense des droits
de l'homme de Bukavu.
40 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.
41 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.
42 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.
43 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.
44 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.
45 Que ce soit dans le cadre d'un conflit interne ou international, le viol
et les autres formes de violence sexuelle constituent des violations graves du
droit humanitaire international.
46 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000, et autres
interviews à Bukavu et Goma.
47 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 12 mars 2000.
48 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 14 mars 2000.
49 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 14 mars 2000.
50 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 12 mars 2000.
51 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
52 Interview réalisée par Human Rights Watch, 16 mars 2000.
53 Interview réalisée par Human Rights Watch, 16 mars 2000.
54 Interview réalisée par Human Rights Watch, 16 mars 2000.
55 Héritiers de la Justice, "Situation des droits de l'homme en
République Démocratique du Congo (RCD) cas du Sud-Kivu, Rapport du 2ème
semestre 1999," Bukavu, 12 janvier 2000, pp. 6-7, et autres rapports
non-publiés, par d'autres organisations de défense des droits de l'homme.
56 Ibidem. Voir également Héritiers de la Justice, Nota Bene, nos. 47 et 50, Bukavu: 15 décembre 1999 et 5 février
2000. Une autre organisation de défense des droits de l'homme de Bukavu signale
que le 15 décembre 1999, Kasereka envoya dix-sept soldats de Mwenga à Kitamba,
dans le groupement Basile de Mwenga, où ils arrêtèrent et enterrèrent vivantes
quatre femmes.
57 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.
58 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 14 mars 2000.
59 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 7 et 17 mars 2000.
60 Interview réalisée par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.
61 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bukavu, 12 et 16 mars 2000;
Kavumu, 16 mars 2000; informations de trois organisations de défense des droits
de l'homme de Bukavu.
62 Interview réalisée par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.
63 Human Rights Watch, Bukavu, 14 mars 2000.
64 Cité dans "Des milliers de personnes fuient les combats au
Congo," New Vision (Kampala), 17
mars 2000.
65 IRIN, "République Démocratique du Congo: les déplacements massifs de
populations se poursuivent au Sud-Kivu," Nairobi, 9 février 2000. Voir
également IRIN, " République Démocratique du Congo: les villageois fuient
les attaques des Interahamwe," Nairobi, 3 mars 2000.
66 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000. Selon
des témoins, le nombre réel de déplacés est beaucoup plus élevé, de nombreuses
personnes ayant peur de s'enregistrer.
67 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
68 "Des milliers de personnes fuient les combats au Congo"
69 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma et Bukavu, mars 2000.
70 Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.
71 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.
72 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.
73 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bureau II, Goma, 9 mars 2000.
74 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma et Bukavu, 9, 12 et 15
mars 2000.
75 Human Rights Watch, "Rwanda: Recherche de la Sécurité et Violations
des Droits de l'Homme," Avril 2000.
76 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, mars15, 2000.
77 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
78 Un militant des droits de l'homme a déclaré à des enquêteurs de Human
Rights Watch qu'il avait vu des soldats transférer des prisonniers hors de
Bureau II ce matin-là.
79 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, mars15, 2000.
80 Interview d'une ONG de Bukavu réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 16
mars 2000
81 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bukavu, mars2000.
82 Interview réalisée par Human Rights Watch, 16 mars 2000.
83 Interview réalisée par Human Rights Watch, Prison Centrale de Goma, 8 mars
2000.
84 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 9 et 17 mars 2000.
L'une de ces personnes porte des cicatrices sur les bras et le dos, semblant
être dues au coups reçus.
85 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars 2000. Le témoin
porte des marques des brûlures sur les jambes.
86 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
87 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.
88 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.
89 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 18 mars 2000.
90 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma et Bukavu, mars 2000.
91 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.
92 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.
93 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.
94 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bukavu, 13 et 15 mars 2000.
95 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 14 mars 2000.
96 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.
97 Lettre de Theodore Ruganzu, Vice Administrateur, Direction Générale des
Migrations, 1 décembre 1998; Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu,
15 mars 2000.
98 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars 2000.
99 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
100 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars 2000.
101 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars 2000.
102 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.
103 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars 2000; Bukavu, 15
mars 2000.
104 Message électronique reçu par Human Rights Watch, 27 avril 2000.
105 Lettre du maire de Goma, F.X. Nzabara Masetsa, au président de la Société
Civile du Nord-Kivu, 7 Septembre 1999 ( "... de telles rencontres
politiques que vous compter entamer ce 8 septembre 1999... sont strictement
interdites...").
106 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
107 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.
108 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.
109 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.
110 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
111 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.
112 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars
2000.
113 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.
114 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars
2000. Ceci a été confirmé par des conversations avec plusieurs autres
militants.
115 Héritiers de la Justice, Nota Bene, no. 47, Bukavu: 15 décembre 1999.
116 Mémoires en réponse a la copie préliminaire du rapport
E/CN/2000/42 de Monsieur Roberto Garreton, Rapporteur Spécial des Nations unies
pour les Droits de l'Homme en République Démocratique du Congo, 2 Mars 2000. ("L'enquête préliminaire menée auprès
des rédacteurs de cet article révèle que personne n'a vu les militaires
enterrer les personnes vivantes, c'est seulement des informations, disent-ils,
qu'ils auraient reçues de personnes en deuil. Les informateurs ne sont pas en
mesure de donner l'identité des dénonciateurs ou des colporteurs des ces
rumeurs... Le colportage des faux bruits de nature à alarmer inutilement
l'opinion publique est une infraction prévue et punie par la loi pénale
congolaise.").
117 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 7 et
17 mars 2000.
118 Interview réalisée par Human Rights Watch, 11 mars 2000.
119 Interview réalisée par Human Rights Watch, 11 mars 2000.
120 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bujumbura, 15
mars 2000.
121 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15
mars 2000.
122 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15
mars 2000.
123 "Maendeleo" signifie "développement"
en Swahili.
124 Procès-Verbal de saisie conservatoire du matériel
d'émission de Radio Maendeleo par le Commandement de la 6e brigade de Bukavu,
July 21, 1999. Décision n. 4 /DIPAC/RCD/99 portant suspension de la licence
d'exploitation de la Radio Maendeleo/Bukavu, 30 juillet 1999; Décision N.
4/DIPAC/RCD/99 portant suspension de la licence de l'exploitation de la radio
Maendeleo/Bukavu, signée par Lambert Mende Omalanga, Chef du Département de
l'Information, Presse et Affaires Culturelles, 30 juillet 1999.
125 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13
mars 2000. Voir également Héritiers de la Justice, "Situation des droits
de l'homme," pp. 11-12.
126 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13
mars 2000. Voir également Héritiers de la Justice, "Situation des droits
de l'homme," pp. 11-12.
127 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars
2000.
128 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars
2000.
129 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars
2000.
130 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars
2000.
131 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars
2000.
132 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15
mars 2000.
133 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15
mars 2000.
134 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 et
16 mars 2000.
135 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 et
16 mars 2000.
136 Mgr. Kataliko Emmanuel, "Consolez, consolez mon
peuple" (Is 40,1) "L'espérance ne trompe jamais" (Rm 5,5):
Message de Noël 1999 aux Fidèles de Bukavu, Bukavu, 24 décembre 1999.
137 "Réaction de la Communauté Banyamulenge au sujet de
la situation qui prévaut dans la ville de Bukavu," Bukavu, 3 février 2000.
138 Archevêché de Bukavu, "Relégation de Mgr. Kataliko:
Dossier Chronologique," 29 février 2000, et interviews réalisées à Bukavu,
13 mars 2000.
139 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13
mars 2000.
140 Interviews réalisées à Bukavu, 12 et 13 mars 2000. Voir
également Église du Christ au Congo, "Position de l'Église du Christ au
Congo/Sud-Kivu face à la situation qui Prévaut dans la Ville de Bukavu et ses
Environs," Bukavu, février 2000.
141 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars
2000.
142 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 12
mars 2000.
143 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13
mars 2000.
144 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 14
mars 2000.
145 Interview réalisée par Human Rights Watch, 14 mars 2000.
146 Mémoire en réponse a la copie préliminaire du rapport
E/CN/2000/42 de Monsieur Roberto Garreton, Rapporteur Spécial des Nations unies
pour les Droits de l'Homme en République Démocratique du Congo, 2 Mars 2000. ("Des ONG et même certains hommes
d'église... font croire que les malheurs du Congo, c'est la présence des tutsi
assimiles a la rébellion armée et aux allies du RCD ...C'est ainsi que certains
milieux de la société civile du Sud-Kivu œuvrent pour la déstabilisation de la
sous région des grands lacs en pactisant directement ou en faisant relais entre
les forces négatives, le gouvernement Kabila et certains bailleurs de fonds
occidentaux.")