Africa - West
Mai 2000         Volume 12, Number 3 (A)   
                                                                                                                  

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
L'EST DU CONGO DEVASTE : CIVILS ASSASSINES ET OPPOSANTS REDUITS AU SILENCE

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I. Introduction

II. Recommandations
  • Au Gouvernement du Rwanda et au Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD)
  • Aux Mai-Mai et aux groupes armés hutu opérant dans l'est du Congo
  • Aux Nations Unies
  • A la communauté internationale, y compris les États-Unis
  • A l'Union Européenne et ses états membres et l'OUA
III. Attaques sans discrimination et exécutions extrajudiciaires de civils
  • Attaques au Nord-Kivu
  • Attaques au Sud-Kivu
  • Violences sexuelles
  • Vols
  • Explication officielle du RCD
  • Réaction du RCD aux attaques de civils menées par des groupes d'opposition armée
  • Déplacés internes et conséquences humanitaires des attaques de civils
IV. L'échec du système judiciaire
  • Arrestations arbitraires, détention illégale et torture
  • Non-respect des règles de droit
V. Attaques à l'encontre de la société civile
  • Du harcèlement à la violence déclarée
  • Consultations nationales à Kinshasa: "Complicité avec l'ennemi"?
  • Grèves à Bukavu et Goma, janvier-février 2000
      une excuse à des attaques visant la société civile
  • Attaques contre les militants des droits de l'homme
  • Attaques contre les média
  • Organisations de Femmes
  • Églises
  • Accusations d'Incitation à la Haine Ethnique
  • Accusations d'Incitation à la haine Ethnique portées par le RCD
VI. La réponse internationale
  • Communauté de développement de l'Afrique Australe
  • Nations Unies
  • États-Unis
  • Union Européenne
ACKNOWLEDGMENTS



I. Introduction

Dans le conflit complexe qui déchire l'Est du Congo, tous les combattants, quelle que soit leur allégeance, se sont attaqués à des civils, ont tué, blessé, violé des milliers de personnes et provoqué l'exode de plus d'un demi million d'autres victimes. En mars dernier, une équipe d'enquêteurs de Human Rights Watch s'est rendue dans des zones contrôlées par le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) et ses alliés, à partir de sa base de Goma. L'enquête a permis de collecter des informations démontrant que tous les groupes armés actifs dans cette région se sont rendus coupables de meurtres, de viols et de pillages.

En août 1998, le RCD se rebellait contre le gouvernement de Laurent-Désiré Kabila. Bien qu'il se soit engagé à restaurer la démocratie et à garantir le respect des droits de l'homme en République Démocratique du Congo, le RCD-Goma et ses alliés rwandais se sont à plusieurs reprises livrés à des massacres de civils et à des exécutions extrajudiciaires. Dans les cas où le RCD a admis avoir commis de tels actes, il a tenté de se justifier en les présentant comme des conséquences involontaires de combats l'ayant opposé à d'autres groupes armés. Dans de nombreux cas, il semble cependant que les abus ont été commis de manière délibérée dans le but de punir des civils suspectés de soutenir les ennemis du RCD. Des centaines de civils ont été détenus et parfois maltraités ou torturés. Bien qu'ils affirment être les seules autorités locales légitimes, les dirigeants du RCD se sont révélés incapables de prévenir que des délits soient commis ou de punir leurs soldats ou sympathisants qui s'en sont rendus coupables.

Des groupes armés, généralement connus sous le nom de Mai-Mai ou d'Interahamwe, luttent contre le RCD, parfois avec le soutien apparent du gouvernement Kabila. Ces groupes ont massacré des civils, procédé à des exécutions extrajudiciaires et mené des campagnes à grande échelle de pillage et de viol. Dans de nombreux cas, ils s'en prennent à ceux qu'ils suspectent de soutenir le RCD et ses alliés.

Quatorze mois après que Kabila ait renversé le Président Mobutu Sese-Sekou, une coalition de groupes divers formait le RCD et se rebellait contre le nouveau président. Le mouvement se composait d'anciens supporters de Kabila, notamment des tutsi congolais, d'anciens alliés politiques et militaires de Mobutu, et d'un certain nombre d'intellectuels. Le RCD recevait le soutien du Rwanda et de l'Ouganda alors qu'il marchait vers l'ouest, tentant de mener à bien une campagne militaire rapide similaire à celle qui avait mené Kabila au sommet de l'état, mais se voyait rapidement forcé de ralentir sa progression lorsque les gouvernements de l'Angola, du Zimbabwe, de la Namibie et du Tchad apportaient leur aide à Kabila.

Des négociations furent entreprises entre les deux parties et le RCD se divisa. Jean-Pierre Bemba créa le Mouvement de Libération du Congo (MLC), qui prit le contrôle d'une grande partie de la province de l'Équateur. Le RCD exclut son président Wamba-dia-Wamba qui, accompagné de quelques hommes, se rendit au nord, à Bunia, où son groupe affirme aujourd'hui contrôler certaines régions du Nord-Kivu et d'Orientale. Le RCD, basé à Goma et dirigé par Émile Ilunga, contrôle certaines parties du Sud-Kivu, de Maniema, du Nord-Kivu, d'Orientale et du Katanga.

Le RCD-Goma a mis en place une administration avec des "départements", placés sous la direction d'un "chef". Des gouverneurs et d'autres responsables ont été nommés. Il ne se considère pas comme un gouvernement mais affirme gérer les zones qu'il contrôle sur base de la législation congolaise.1

Le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi ont envoyé des soldats dans l'est du Congo, à la fois dans le but d'aider leurs alliés locaux et d'atteindre des objectifs qui leur sont propres. Les ougandais soutiennent à la fois Bemba et Wemba. Les rwandais appuient le RCD-Goma et exercent une influence considérable sur les décisions politiques et militaires que celui-ci prend. Le Burundi opère dans la partie méridionale de la zone contrôlée par le RCD-Goma mais est moins proche de celui-ci que ne l'est le Rwanda.

Les groupes armés qui luttent contre le RCD peuvent être divisés en deux catégories: les Mai-Mai, qui sont congolais, et l'Interahamwe, composé principalement de hutu rwandais. Alors que dans le passé les groupes opposés au RCD luttaient fréquemment côte à côte, il semble qu'au cours des derniers mois les Mai-Mai se soient distancés de leurs anciens alliés de circonstance.

Lors des révoltes des années 1960, le terme Mai-Mai désignait les guerriers qui utilisaient des rituels et des charmes traditionnels supposés les protéger lors des combats. Le terme fait aujourd'hui référence à un rassemblement relativement hétéroclite de combattants d'origines ethniques différentes, incluant des locaux sans expérience militaire et d'anciens soldats ayant combattu avec Mobutu ou Kabila.

L'Interahamwe, à l'origine une milice hutu rwandaise qui fut l'un des principaux responsables du génocide rwandais de 1994, est constituée aujourd'hui de ce qui reste des miliciens qui la composaient à l'origine et d'autres combattants, à la fois des hutu rwandais et congolais, qui l'ont rejointe pour combattre le gouvernement rwandais. Bien que les autorités rwandaises et d'autres affirment que l'Interahamwe n'est composée que d'individus coupables d'avoir participé au génocide, il est impossible de savoir quelle proportion des membres de l'actuelle Interahamwe en faisaient déjà partie en 1994. Certains des membres actuels sont sans aucun doute d'anciens soldats de l'ancienne armée rwandaise (Forces Armées Rwandaises) et des milices Interahamwe originales, tandis que d'autres sont des civils qui n'avaient aucune expérience militaire au moment où ils ont rejoint le groupe. Afin d'éviter toute confusion et de clarifier le fait que ce groupe inclut des personnes qui n'ont pas participé au génocide, le terme "Interahamwe" ne sera pas utilisé dans le présent rapport, sauf dans les citations. Nous parlerons plutôt de groupes armés à prédominance hutu.

Il semble que depuis quelque temps, ces groupes armés à prédominance hutu et les Mai-Mai bénéficient d'une assistance fournie par Kabila. En septembre 1999, Kabila nommait chef d'état-major de l'armée un commandant Mai-Mai, Sylvestre Louetcha, ce qui semble confirmer cette information. Dans certaines région du Sud-Kivu, les groupes armés congolais et à prédominance hutu coopèrent également avec des groupes rebelles burundais, notamment les Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD).

Le gouvernement Kabila, les groupes rebelles qui le combattent et les gouvernements étrangers alliés à ces deux parties ont signé en juillet et août 1999 un accord de paix à Lusaka, mais se sont révélées incapables de l'appliquer. Un nouveau cessez-le-feu a été signé à la mi-avril 2000 et semble lui être respecté de manière plus large. Les Mai-Mai, les groupes armés à prédominance hutu et les FDD burundaises n'ont cependant pas été invités à signer ces deux accords.

II. Recommandations

Human Rights Watch condamne de la manière la plus stricte la conduite du gouvernement du Rwanda, du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), des Mai-Mai et des groupes armés hutu opérant dans l'est du Congo, toutes parties mentionnées dans le présent rapport, et les appelle à respecter le droit humanitaire international. Les parties impliquées dans le conflit doivent, en particulier, cesser de mener des attaques ayant pour cible des civils.

Au Gouvernement du Rwanda et au Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD):

  • Cesser immédiatement toutes les attaques ayant pour cible des civils; mettre en œuvre des procédures d'enquête afin de déterminer les responsabilités dans les affaires de meurtre, de torture, de viol et de pillage commis à l'encontre de civils par des soldats rwandais ou du RCD ou par des alliés de ceux-ci; entamer des poursuites judiciaires à l'encontre des responsables de ces crimes. En particulier, les abus commis par des soldats rwandais doivent donner lieu à des poursuites menées par des tribunaux au Rwanda. Les autorités du RCD doivent également mener des enquêtes internes afin d'examiner les violations du droit humanitaire international commises par leurs soldats.

  • Garantir le droit des membres de la société civile, en particulier celui des organisations de défense des droits de l'homme, à fonctionner librement; en particulier, mettre fin aux actes de harcèlement et aux menaces de poursuites judiciaires émises à l'encontre des militants de la société civile.

  • Agir de manière à garantir le droit des acteurs de la société civile à exercer leur liberté d'association et d'expression, à se consulter entre eux et à consulter leurs collègues vivant dans d'autres régions du pays, et à envoyer les représentants par eux choisis au dialogue national inter-congolais à Kinshasa, conformément aux dispositions de l'accord de paix de Lusaka.

  • Assurer au Comité International de la Croix-Rouge et aux autres organisations humanitaires l'accès libre et sans restriction aux centres de détention. Publier la liste de tous les prisonniers, y compris leur sexe, âge, lieu de capture, lieu de détention et autres détails pertinents.

  • Permettre aux agences humanitaires de se déplacer librement et d'avoir accès en toute sécurité aux populations dans le besoin qu'elles cherchent à aider.

  • Permettre aux organisations non-gouvernementales et aux journalistes indépendants de mener à bien et en toute liberté des enquêtes internationales portant sur les violations graves des droits de l'homme et du droit humanitaire international commises dans le cadre du conflit.

    Aux Mai-Mai et aux groupes armés hutu opérant dans l'est du Congo:

  • Mettre fin immédiatement à toutes les attaques prenant pour cible des civils, y compris les meurtres, viols, pillages et autres violations du droit humanitaire international.

  • Mener des enquêtes internes sur les violations du droit humanitaire international, tel que décrit dans le présent rapport.

  • Permettre aux agences humanitaires de se déplacer librement et d'avoir accès en toute sécurité aux populations dans le besoin qu'elles cherchent à aider.

    Aux Nations unies:

  • Base sur les enquête du Rapporteur Spécial des Nations Unies et l’information credible fournie par d'autres sources portant sur les violations du droit humanitaire international commises par toutes les parties au conflit; le Conseil de Sécurité doit creir au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda d'une Chambre séparée consacrée à la RDC, chargée de poursuivre les auteurs de ces crimes.

  • Le Conseil de Sécurité doit s'assurer que les droits de l'homme soient l'une des priorités d'action de la Mission d'Observation des Nations Unies en RDC (MONUC), priorité traduite notamment par un effort crédible de protection de la population civile, ainsi que le déploiement d'agents de suivi des droits de l'homme et d'officiers de protection de l'enfance.

  • Les états membres doivent renforcer la capacité du Bureau Local au Congo du Haut-Commissaire aux Droits de l'Homme de l'ONU en augmentant les ressources humaines et financières prévues pour leur fonctionnement.

    A la communauté internationale, y compris les États-Unis, l'Union Européenne et ses états membres, et l'OUA:

  • Dénoncer de manière énergique les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire commises par toutes les parties impliquées dans la guerre en RDC et insister sur la nécessité de placer les coupables face à leurs responsabilités. Une pression forte et constante doit être exercées sur tous les pays impliqués dans le conflit et sur le gouvernement congolais, afin que ceux-ci respectent les obligations qui leur incombent en vertu du droit humanitaire international et des droits de l'homme.

  • Insister pour que l'ONU mène à bien une enquête rapide et complète portant sur les accusations de violations du droit humanitaire international portées contre toutes les parties au conflit; soutenir la création au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda d'une Chambre séparée consacrée à la RDC, chargée de poursuivre les auteurs de ces crimes.

  • Soutenir politiquement et financièrement les organisations locales de promotion des droits de l'homme et autres groupes de la société civile. Apporter une assistance particulière aux groupes consacrant leurs efforts au système de justice du RCD, à la recherche en matière des droits de l'homme, à la défense et la promotion de ces droits, à l'assistance aux victimes et à la conscientisation vis-à-vis des droits de l'homme.

  • Surveiller de près l'assistance économique fournie à tous les états impliqués dans le conflit afin de garantir que les fonds destinés à des programmes de développement social et économique ne soient pas utilisés pour financer des actes abusifs commis par des parties au conflit.

  • Étendre l'assistance technique et financière au dialogue inter-congolais, de manière à garantir le droit de l'opposition non-armée et de la société civile à se consulter et à envoyer des représentants chargés de participer à ce dialogue.

    III. Attaques sans discrimination et exécutions extrajudiciaires de civils

    Les populations civiles de l'est du Congo sont prises entre les différents groupes armés qui luttent pour s'assurer le contrôle de la région. Tant le RCD-Goma et ses alliés rwandais et burundais, d'une part, que les Mai-Mai et les groupes armés à prédominance hutu, d'autre part, tuent des civils qu'ils accusent de soutenir leurs ennemis respectifs. Ils ont violé de manière systématique le droit humanitaire en se rendant coupables de multiples crimes: attaques sans discrimination ayant pour cible des civils, exécutions sommaires, torture, y compris les viols, divers types d'actes de cruauté, pillages et destruction de biens civils.

    Le conflit en RDC est à la fois un conflit international et interne. Toutes les parties impliquées dans les combats de l'est du Congo ont l'obligation de respecter les garanties fondamentales inscrites dans le droit humanitaire international. En tant que norme légale minimale applicable, l'Article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 prévoit une série de dispositions applicables aux forces gouvernementales et aux groupes armés engagées dans un conflit armé interne. L'Article 3 commun interdit les attaques à l'encontre des civils, à savoir les personnes ne prenant pas une part active au conflit. En particulier, sont interdits les atteintes portées à la vie et aux personnes, les traitements cruels et tortures, les prises d'otages, les atteintes à la dignité des personnes, les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué. 2

    Afin de garantir le respect dû aux populations et aux biens civils, toutes les parties au conflit ont obligation d'établir une distinction claire entre civils et combattants, d'une part, et entre biens civils et objectifs militaires, d'autre part. Le droit humanitaire international interdit également les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile, en particulier le meurtre, la torture physique ou mentale, le viol, les mutilations, la prostitution forcée, les pillages, les peines collectives et la prise d'otages. Il interdit également d'affamer les personnes civiles et de détruire ou d'enlever des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que des denrées alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation. Enfin, il est interdit d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre dont on peut attendre qu'ils causeront des dommages à l'environnement naturel et menaceront la survie des populations.3

    De plus, le Rwanda et le Burundi, les deux puissances étrangères impliquées dans le conflit de l'est du Congo, ont obligation de respecter pleinement et entièrement les dispositions des Conventions de Genève du 12 août 1949 et du Protocole Additionnel I à ces Conventions. Les garanties inscrites dans ces deux instruments sont, pour la plupart d'entre elles, identiques à celles applicables aux civils confrontés à une situation de conflit armé interne, elles constituent des obligations légales pertinentes pour le Rwanda et le Burundi dans le contexte de l'est du Congo.

    Bien que l'est du Congo soit occupé par des autorités opposées au gouvernement de la RDC, la législation congolaise reste d'application en vertu des dispositions du droit humanitaire international. En vertu du droit humanitaire international, les parties qui exercent une autorité ont pour responsabilité de maintenir l'ordre public et d'assurer le respect de la justice. Les tribunaux du territoire occupé doivent continuer à fonctionner et à traiter tous les crimes couverts par la législation nationale. Les tribunaux n'appliquent que les dispositions qui étaient applicables avant la commission du crime et, conformément aux principes généraux du droit, appliquent en particulier le principe selon lequel la sévérité de la peine doit être proportionnelle au crime commis. Les tribunaux doivent siéger de manière régulière et respecter les droits des détenus.

    Au cours de la récente visite réalisée par Human Rights Watch dans l'est du Congo, des témoins ont affirmé aux enquêteurs que des civils avaient été la cible d'attaques menées par le RCD et ses alliés, ainsi que par des groupes d'opposition armée, à Mushabagwe, Tongo, Binja et Kirumba à Rutshuru; Ngungu, Kibirangiro, Bufamando, Kinigi et Mahanga à Masisi; Mutero, Kibati et Kashemberi à Walikale; Chabwinemwami, Ciharano, et Cizenga à Kabare; au Centre Mwenga à Mwenga; et Mugogo à Walungu. Afin de garantir leur sécurité, l'identité de ces témoins ne sera pas révélée. Des organisations congolaises de défense des droits de l'homme ont, de manière indépendante, collecté des informations confirmant ces crimes et d'autres similaires. Elles ont également recueilli des informations démontrant que des crimes semblables ont été commis à Uvira et Fizi par les forces armées burundaises et les rebelles du FDD. 4 Plusieurs de ces crimes, commis au Nord et au Sud-Kivu, font l'objet d'une description détaillée plus avant dans le texte.

    Un habitant de Masisi a déclaré aux enquêteurs de Human Rights Watch:

    Les soldats viennent chez nous parce qu'ils cherchent des Interahamwe et des membres de la Garde Présidentielle.5 Lorsqu'ils cherchent des Interahamwe, ils viennent au village et demandent "Pourquoi aidez-vous ces gens?". Les Interahamwe ont des fusils. Ils viennent et nous forcent à leur donner à manger. Lorsque les tutsi [le RCD] viennent, ils nous tuent et brûlent nos villages. Lorsque les Interahamwe viennent, ils nous attaquent et brûlent nos villages.6

    Un enfant de onze ans qui avait fui Kiribangiro, à Masisi, a raconté une histoire similaire:

    Les Interahamwe et les Mai-Mai sont venus et ont dit que nous étions des amis des soldats. Quand les soldats du RCD sont venus, ils ont dit que nous étions des amis des Interahamwe et des Mai-Mai.7

    De très nombreux groupes armés opérant dans l'est du Congo, les victimes et témoins d'attaques éprouvent parfois des difficultés à identifier leurs agresseurs. Certaines personnes font la distinction entre les soldats de l'APR et ceux de du RCD congolais, mais beaucoup parlent simplement de soldats "tutsi" ou du RCD. De la même manière, des témoins utilisent indifféremment les termes "Mai-Mai" et "Interahamwe", même si la plupart d'entre eux qualifient de "Mai-Mai" ceux qui parlent des langues congolaises et de "Interahamwe" ceux qui parlent kinyarwanda et sont physiquement proches du stéréotype hutu. Au cours des derniers mois, l'APR a envoyé au Congo des soldats rwandais hutu, ce qui complique encore davantage l'identification des auteurs d'abus. Certains témoins ont mentionné l'existence d'une certaine complicité entre les soldats hutu de l'APR et les groupes armés à prédominance hutu, les soldats de l'APR refusant de tirer sur des membres de ces groupes qui s'en prenaient aux habitants de Kalonge et Bunyakiri.8

    Attaques au Nord-Kivu

    Kilambo, Territoire de Masisi

    Au cours de ces derniers mois, les populations de Kilambo et des villages situés au nord de la ville de Masisi ont été la cible d'attaques menées par les deux parties au conflit, ce qui illustre la grande vulnérabilité des populations civiles. Selon des témoins rencontrés par Human Rights Watch, le RCD et des soldats de son allié l'APR ont mené une campagne militaire dans la région de Kilambo en novembre 1999, ostensiblement dans le but de localiser les milices hutu. Les soldats restèrent stationnés pendant une semaine à Kihuma et Kilambo et, tout au long de cette période, attaquèrent sans discrimination des civils et brûlèrent des maisons à Kibirangiro, Buabo, Mafuo, Kihuma, Kilambo, Chamarambo, Bushuwi, Kanii, Lwanguba et Busekeri. Ces informations ont par la suite été confirmées par des militants de plusieurs organisations congolaises de défense des droits de l'homme.9

    Un témoin qui se trouvait chez lui, à Buabo, vit des maisons qui brûlaient sur la colline voisine. Des détonations retentirent et des gens arrivèrent en courant, qui lui dirent que le RCD mettait le feu au village. Il s'enfuit dans la forêt.10 Il revint au village un peu plus tard et trouva le cadavre d'une femme de soixante ans, Pauni, qui portait la marque d'une blessure par balles derrière l'oreille droite. Elle avait été tuée tout près de chez elle, apparemment alors qu'elle tentait de fuir. Le témoin trouva également le corps d'un homme de soixante dix-sept ans, Kateci, dont la gorge avait été tranchée, ainsi que ceux d'un homme appelé Lazaro, de sa femme et de leurs deux enfants, tués par balles dans leur maison. Kaurwa, un jeune homme qui étudiait à l'école secondaire, et Marina, une femme âgée, se trouvaient également parmi les victimes. Le témoin aida à enterrer environ cinquante personnes dans son village et plusieurs autres des environs. Les soldats du RCD restèrent dans la région pendant environ deux semaines après l'attaque et quittèrent ensuite les lieux.11

    A la fin du mois de décembre 1999, un groupe de combattants hutu réapparut dans le district et se mit à son tour à terroriser la population. Comme l'a indiqué un témoin, "Ils venaient pour piller et ceux qui leur résistaient étaient tués." Aux alentours de la Noël, ils tuèrent par balles Kasongo, un jeune homme de dix-sept ans originaire de Mafuo. Le premier janvier 2000, cinq hutu étaient assassinés dans le village tout proche de Muhemba.12 Un autre témoin a raconté à Human Rights Watch que des combattants hutu, qu'il appelait Interahamwe, avaient attaqué son village, Lwibo, situé juste au-delà de Kilambo, pendant la dernière semaine de janvier. Ils violèrent plusieurs femmes, dont l'épouse de notre témoin, et pillèrent la plupart des maisons, volant le bétail, la nourriture, les vêtements et ce qu'ils pouvaient trouver.13

    Le cinq février 2000, un groupe de soldats du RCD et de l'APR lançaient une autre opération dans la région, une fois de plus dans le but officiel de localiser les milices hutu. Tout comme durant l'opération de novembre 1999, les soldats tirèrent sans discrimination sur tous ceux qu'ils rencontrèrent. Un homme âgé nous raconta ceci: "Très tôt le matin, je suis sorti et j'ai vu des soldats. Il y en avait beaucoup, beaucoup. Quatre camions pleins. Il y avait beaucoup, beaucoup de morts. Quand je suis sorti, j'ai vu beaucoup de cadavres."14 Lorsque le témoin sortit de chez lui, les soldats firent feu sur lui et il s'enfuit dans la forêt. Là, il tomba sur d'autres combattants hutu qui le passèrent à tabac et le gardèrent avec eux pendant quatre heures avant de le relâcher.15

     Un autre témoin vivant juste au-delà de Kilambo raconta comment il avait fui vers une colline en entendant la fusillade. Alors qu'il s'enfuyait, il vit un grand nombre de soldats du RCD et de l'APR arriver dans son village et se mettre à tirer sur la population. Peu de temps après, les soldats appelèrent les gens qui se cachaient et leur dirent que les combats étaient terminés et qu'ils pouvaient sortir de leurs cachettes. Le témoin fut l'un de ceux qui se montrèrent. Lorsqu'il arriva chez lui, il trouva sa mère, morte, sur le pas de la porte, apparemment tuée alors qu'elle se préparait à fuir. Il s'occupait de son corps lorsqu'il entendit tirer à nouveau. Une fois de plus, il prit la fuite et se réfugia dans la forêt. Il grimpa dans un arbre en lisière de la forêt et vit des soldats du RCD rassembler des gens et les exécuter. Il nous raconta ce qu'il avait vu:

    Les soldats sont entrés dans les maisons et tués certaines personnes chez elles. Ils ont pris les hommes, les ont ligotés et ont violé les femmes devant leurs maris. Ensuite ils se sont mis à massacrer les gens. Ils ont tiré sur certains et tué les autres avec leurs couteaux.16

    Parmi les victimes se trouvaient Kumulia, une femme de quarante-quatre ans; Mutsindu, une femme de trente ans; Luteerwa, un professeur d'une vingtaine d'années; Sifa, une adulte; et Kashiki, un homme âgé.17 Les groupes locaux de défense des droits de l'homme ont fourni à Human Rights Watch les noms de vingt-cinq autres victimes.18 Selon des témoins et des militants locaux des droits de l'homme, le RCD avait déjà attaqué Kilambo en août 1999 et tué presque trente personnes.19

    Nyabiondo, Terrioire de Masisi

    En plus du RCD et de ses alliés, des groupes armés se sont rendus coupables d'abus et d'assassinats dans le Nord-Kivu. Le dix-huit octobre 1999, un groupe armé attaquait une communauté près de Nyabiondo. Un volontaire de la Croix-Rouge qui aida au transport des corps après l'attaque a déclaré à des enquêteurs de Human Rights Watch: "Nous avons retrouvé au moins sept enfants dans la rivière Loash et deux mères de famille dans la rivière Mbizi. L'une d'elles portait sur le dos un enfant qui était encore vivant. La mère avait été tuée par balles, mais l'enfant était vivant."20 Les volontaires de la Croix-Rouge dirent aux gens qui fuyaient les violences de se diriger vers Bukombo. Cependant, après qu'une foule importante se soit réunie, des combattants hutu arrivèrent, suivis de près par des soldats du RCD arrivant de Nyabiondo. Les deux groupes entamèrent le combat et les civils coururent à nouveau se mettre à l'abri. Le volontaire de la Croix-Rouge raconte: "Aux alentours de huit heures du soir, les choses s'étaient un peu calmées. Nous avons rampé jusqu'au village pour voir ce qui s'y était passé. Nous avons trouvé là-bas de nombreux cadavres et sommes retournés dans le forêt pour dire aux gens de rester cachés." 21

    Dans la matinée, douze membres de la Croix-Rouge se rendirent à Bukombo. Ils y trouvèrent les cadavres de sept soldats du RCD, quatre combattants hutus, six civils, quatre jeunes garçons et deux fillettes, qui avaient été tués par balles après que leurs bras aient été attachés dans le dos, et un homme âgé qui avait été ligoté et jeté dans une maison qui fut ensuite incendiée. Des soldats de l'APR qui se trouvaient dans le village demandèrent aux volontaires de la Croix-Rouge d'enterrer les morts. Pendant que ceux-ci, clairement identifiés par leurs veste de la Croix-Rouge, se chargeaient de cette tâche, les soldats pillèrent les maisons avant de les incendier, vers environ midi. L'un des volontaires, qui avait un appareil photo, se mit à photographier les maisons qui brûlaient. Des soldats le virent et se mirent à le poursuivre. Avant d'être rattrapé, il cacha l'appareil photo. Selon un témoin, les soldats ligotèrent les douze membres de la Croix-Rouge et se mirent à les interroger.

    "Ils exigeaient de savoir ce qu'ils faisaient là et qui avait pris les photos. Ils nous ont interrogé de 1h30 à quatre heures de l'après-midi. Ils nous ont ensuite amené à la rivière et nous ont placé les uns à côté des autres. Ils ont dit qu'ils allaient nous tuer les uns après les autres jusqu'à ce qu'on leur dise où se trouvaient les photos. Jean-Pierre Muimo Luendo était le premier dans la file. Ils tirèrent sur lui mais il ne tomba pas. Ils lui donnèrent alors un coup de couteau dans le cou. Il tomba dans la rivière mais, comme il était attaché à un arbre, son corps flotta. Après cela, un officier arriva et leur donna l'ordre d'arrêter, en ajoutant: "On ne tue pas les gens de la Croix-Rouge." 22

    Alors que l'officier questionnait les soldats afin de savoir ce qui s'était passé, des coups de feu retentirent du côté de Nyanga. Les soldats du RCD combattaient un groupe de Mai-Mai qui leur était largement supérieur en nombre et les mit rapidement en déroute. Les Mai-Mai, qui parlaient nyanga et tembo, détachèrent les volontaires de la Croix-Rouge. Ceux-ci enterrèrent leur compagnon assassiné et retournèrent à Masisi. Le volontaire conclut de la manière suivante: "En arrivant à Masisi, on nous a dit que le commandant cherchait ceux qui avaient été témoins du meurtre du volontaire de la Croix-Rouge. Nous nous sommes tous débrouillés pour fuir chacun de notre côté." 23

    Territoire de Walikale

    Les populations du territoire de Walikale ont également été attaqués par les différentes parties au conflit. Selon un témoin, des combattants hutus ont à plusieurs reprises pillé le village de Mwitwa. Lorsque des soldats du RCD et de l'APR arrivèrent dans le village le vingt-trois septembre 1999, ils en surprirent plusieurs, sur lesquels ils tirèrent avant de retourner leurs armes sur la population. Parmi les victimes se trouvaient Luanda, un jeune de dix-huit ans; Tamari, une mère de famille; Matata, un jeune garçon en sixième primaire; et Lawi Sukuma, un homme de trente-six ans. Les soldats violèrent deux femmes et brûlèrent plusieurs maisons. 24

    Trois jours plus tard, des combattants hutus retournèrent dans le village et accusèrent les habitants d'avoir sympathisé avec les tutsi et d'être responsables de la mort de leurs deux compagnons. Ils violèrent trois femmes et pillèrent plusieurs maisons avant de les incendier. Selon le témoin, trente-six des trois cent maisons de Mwitwa furent brûlées lors de ces deux attaques. Après la seconde, de nombreux habitants décidèrent de vivre cachés dans la forêt mais à une distance raisonnable de leurs champs, de manière à pouvoir faire leurs récoltes.

    Le vingt-et-un novembre 1999, des combattants hutu attaquaient le village de Ngenge, à Walo wa Yungu, et volaient quarante têtes de bétail. Deux jours plus tard, alors que la viande du bétail volé était vendue sur le marché, des soldats du RCD arrivèrent et, sans que personne n'en ait été prévenu, tirèrent un obus sur Ngenge, détruisant l'école primaire. Les soldats se mirent également à tirer sur les habitants de Ngenge et sur ceux de deux villages proches, Kangati et Kaliki, les forçant à s'enfuir dans la forêt.

    Le lendemain, les soldats appelèrent les gens et les invitèrent à rentrer chez eux. Peu enclins à leur faire confiance, les habitants envoyèrent quelques uns d'entre eux en reconnaissance. Les soldats se saisirent d'eux et de quelques villageois qui étaient sortis de la forêt. Ils leur lièrent les mains dans le dos et se mirent à les battre. Le seul qui survécut au passage à tabac a montré les cicatrices qu'il porte aujourd'hui sur le crâne et la poitrine aux enquêteurs de Human Rights Watch qui l'ont rencontré. Voici ce qu'il leur a raconté: "J'étais le premier. Il y avait un soldat devant moi, un autre derrière et un troisième sur le côté. Ils m'ont frappé avec une branche d'arbre et m'ont tailladé le torse avec des couteaux."25 Les soldats l'abandonnèrent, inconscient et ensanglanté, convaincus qu'il était mort, et firent subir le même sort à vingt-six autres personnes. Plusieurs heures plus tard, la pluie se mit à tomber et le témoin reprit conscience. Il était entouré de cadavres. Il parvint à se traîner jusqu'à la forêt où d'autres villageois le trouvèrent et lui portèrent secours. 26

    Selon ce témoin et des groupes locaux de défense des droits de l'homme, les personnes suivantes se trouvaient parmi les victimes: Petero Bulenda, le chef du village; le Révérend Mafuluko Luendo de l'Église Apostolique Nouvelle; Jean-Pierre Lulemba; Martha Cephanie, mère de onze enfants; Namartha; Mirimo Bitasimwa, père de deux; Lewis Shekibuya, père de six; Ernest Luendo, père de trois; Batundi Muisa Ndaye; Muloko, père de deux. Plusieurs personnes âgées du village voisin de Kangati furent également tuées, notamment Napolina Kahindo; Mungazi et sa femme Nyamateso; et Karubandika, un veuf. Pendant que certains soldats massacraient les habitants, d'autres ratissèrent la forêt pour retrouver les autres. Les soldats violèrent plusieurs femmes et en tuèrent d'autres. Certaines personnes sont toujours portées disparues à l'heure actuelle. Les soldats brûlèrent également environ deux cent maisons. 27

    Les survivants en fuite traversèrent le village de Mwitwa. Ils racontèrent ce qui était en train de se passer, ce qui provoqua la fuite de nombreux résidents du village. Comme l'a déclaré un témoin, "Quand nous avons appris au sujet de Ngenge, nous nous sommes enfuis." 28

    Dans les deux cas, les soldats du RCD et les combattants hutu ont considéré des civils non-armés comme des cibles par procuration, les attaquant sans aucune discrimination et se livrant à des actes de viol, des pillages et détruisant leurs biens.

    Attaques au Sud-Kivu

    Territoire de Bunyakiri, Région du Nord

    Ici également, tout comme dans le reste de l'est du Congo, toutes les parties au conflit se sont rendues coupables d'assassinats et d'abus à l'encontre de civils. Le territoire de Bunyakiri, au Sud-Kivu, voisin du territoire de Walikale, au Nord-Kivu, avait été occupé par des combattants Mai-Mai et hutu depuis la fuite de l'armée congolaise en septembre 1998. Le dix-neuf février 1999, deux colonnes de soldats du RCD convergeaient sur Bulambika, l'une traversant Bitale et Miowe, l'autre passant par Katana, Mushunguti et Maibano. Les deux colonnes tuèrent des civils et incendièrent des maisons pendant leur progression. Parmi les victimes se trouvaient Semi, sa femme et leurs neuf enfants; Baguma, un infirmier; Kaluku, sa femme et leurs trois enfants; et Chiza, tous tués à Bitale; Faustin Mulongo, tué à Miowe; Muzungu, son fils Amukuni et son frère aîné Mukaba; Bombo; Mushika; et Safari. Après l'attaque, les soldats retournèrent à leur base de Kavumu. 29

    Une semaine plus tard, le RCD revenait dans la région avec des alliés et installait un camp dans le centre de Bunyakiri. Ils cherchèrent les gens qui se cachaient dans la forêt, en tuèrent quelques-uns, surtout des hommes jeunes, et forcèrent les autres à retourner dans leurs villages. A la fin du mois d'avril, plus de la moitié de la population était rentrée chez elle, les autres restant cachés dans la forêt. Le RCD recruta et forma des civils pour établir un groupe d'autodéfense civile chargé de surveiller la population et de prévenir toute infiltration par des membres de groupes armés. A partir de leur camp de base à Bunyakiri, les RCD et ses alliés attaquèrent leurs ennemis dans le sud de Walikale. Leurs offensives eurent des conséquence tragiques pour la population civile, environ vingt-cinq personnes étant tuées à Hombo en août 1999 et un nombre plus important encore de civils perdant la vie suite à une offensive de grande envergure lancée en octobre sur Otobora et Hombo. Parmi les victimes se trouvaient Chalondowa et Kimabo à Otobora, Pastor Mbilika à Hombo et Lutula à Musenge. 30

    Des combattants armés, hutu selon les populations locales, se mirent à nouveau à organiser des raids et à piller Bunyakiri en septembre 1999. Au début de cette année, ils se mettaient à tuer des villageois qu'ils accusaient de soutenir le RCD parce qu'ils étaient membres de la force d'autodéfense civile et vivaient à côté d'un poste militaire. Le dix-huit février 2000, des combattants hutu tuaient Mirindi Kashaganyi. Le vingt février, ils tuaient onze personnes à Chigoma, notamment Mulimbi, sa femme et leurs trois enfants, ainsi que Paluku Ndalemwa. Un homme a déclaré à Human Rights Watch qu'il avait fui Bunyakiri en octobre 1999 parce que des soldats du RCD avaient tué cinq membres de sa famille qu'ils accusaient d'être membres d'un groupe d'opposition armée. Il revint au village en février. Deux semaines après son retour, son père, qui revenait de la forêt où il était allé chercher du bois, fut tué à la machette par des combattants hutus. Après l'avoir tué, ils pillèrent sa maison. 31

    Territoire de Bunyakiri, Kalonge

    En mars 1999, des soldats du RCD attaquèrent Kalonge, situé dans la partie méridionale du territoire de Bunyakiri, où des Mai-Mai, des combattants hutus et d'anciens soldats de l'armée de Mobutu avaient été présents pendant plusieurs mois. Les soldats tuèrent des civils et en forcèrent d'autres à quitter leurs maisons. Le RCD établit des camps à la fin avril, mais les combattants hutu continuèrent malgré cela à contrôler la zone de Chaminunu, un village proche. Les populations locales appelaient Cifunzi "Kigali" et Butwashenge "Kinshasa". Après que le RCD ait installé ses camps, certains de ceux qui s'étaient enfuis revinrent chez eux. Les habitants continuèrent cependant à subir les pillages des groupes armés d'opposition et les représailles meurtrières du RCD. Ainsi, en juin, des soldats du RCD arrêtèrent un homme appelé Mahano près de Chaminunu. Ils l'accusèrent d'avoir volé les moutons qu'il gardait chez lui et le tuèrent à coups de couteaux devant sa femme. 32

    Le dix juillet, des groupes armés attaquèrent le RCD à Cifunzi. Peu de temps après, les soldats commencèrent à former à Cifunzi des hommes jeunes, dans le but d'établir une force d'autodéfense civile. 33 Les combattants armés se mirent alors à attaquer les villageois, les accusant d'être complices du RCD et agissant avec plus de brutalité que dans le passé. Ils commirent davantage de crimes sexuels et incendièrent des maisons qu'ils s'étaient jusqu'alors contentés de piller. Lors d'une offensive menée contre les positions du RCD à Cifunzi, le dix-huit octobre 1999, des hommes armés blessèrent deux civils et pillèrent plusieurs maisons, qu'ils incendièrent. Le vingt-deux novembre, ils organisèrent une attaque de plus grande envergure. Un groupe attaqua Cifunzi, un autre pilla Rambo, le site de la paroisse catholique de Kalonge. Le prêtre George Kakuja fut tué pendant le raid, selon certains par des forces d'opposition armées. D'autres, se basant sur l'amitié qu'il entretenait avec des Mai-Mai et des combattants hutu, affirmèrent que les responsables étaient certainement des soldats du RCD arrivés sur place après la retraite des groupes armés. 34

    Les combattants rebelles établirent ensuite un camp à Mule et Chaminunu. De là, ils organisèrent des raids nocturnes, violant, pillant, tuant ceux qui leur résistaient. Ainsi, Kiufundera fut tué parce qu'il essayait de les empêcher de violer sa femme. Un homme a raconté à Human Rights Watch qu'il était chez lui, le huit janvier 2000, lorsqu'il entendit quelqu'un crier: "Les ennemis sont là!". Il s'enfuit dans la forêt. Lorsqu'il revint, un peu plus tard, il trouva les sept bâtiments composant son habitation en flammes. Vingt-cinq autres ensembles d'habitation furent attaqués, un total de quatre-vingt trois maisons furent incendiées. Les assaillants tuèrent par balles Banyurerhe Kucuhire, un homme de trente-quatre ans, et MwaKabumbu, une femme de quarante-trois ans. 35 Ils kidnappèrent Bavurhe Mwahukanya le vingt-trois janvier, l'obligèrent à les mener jusqu'à un troupeau de bétail et le tuèrent à la machette. 36 Une villageoise de Cifunzi a raconté comment, quelques semaines avant ces faits, un groupe armé de hutu avait capturé sa voisine Mwanabokonjo et la fille de celle-ci, âgée de douze ans, et les avait obligées à les mener jusqu'à du bétail. La jeune fille fut relâchée mais la mère fut retrouvée le lendemain dans la forêt, morte, les yeux bandés et les bras ligotés dans le dos. 37 Un homme a raconté à Human Rights Watch qu'il était au marché de Fendula en décembre lorsqu'une cinquantaine de combattants hutu ouvrirent le feu sur la foule, tuant au moins deux femmes et huit hommes. Ils pillèrent ensuite le marché. 38

    Les soldats du RCD ont réagi à l'augmentation des attaques en attaquant eux-mêmes davantage les populations civiles. Le trois décembre 1999, à Mamba, ils tuèrent Bisimwa et Jean Marie Kalolo et leurs cinq enfants, ainsi que Nyamushushu et Nyalembe Mukabuza. Ils brûlèrent cinquante-cinq maisons. Le dix-huit janvier 2000, une patrouille de soldats du RCD tirait sur un civil non-armé vivant près de leur camp, Mufita Nyangaka, et le tuaient. 39 Le vingt-huit février 2000, des soldats supposés pourchasser des combattants armés à Chaminunu capturaient trois femmes qui se cachaient dans les champs, Mwantuboba, Mwachigozi, une mère de cinq enfants, et Silène, une jeune fille de dix-sept ans. Ils les obligèrent à s'agenouiller et les tuèrent. Les soldats trouvèrent ensuite Mulashe, le mari de Mwantuboba, âgé lui de soixante ans, et lui tranchèrent la gorge. Les membres de cette famille pensent que Mwantuboba et Mulashe ont été exécutés parce que l'un de leurs fils est membre d'un groupe armé d'opposition, qui l'a recruté de force en 1998. 40

    Territoire de Shabunda

    Un résident de Shabunda, une région située à l'ouest du Sud-Kivu et proche de Maniema, a déclaré à Human Rights Watch que les civils de cette région sont ceux qui ont le plus souffert de la violence de toutes les parties au conflit. Il fit la remarque suivante: "A Shabunda, la guerre s'est faite contre la population." 41

    Des Mai-Mai, identifiés comme tels par les populations locales parce qu'ils parlaient congolais, arrivèrent à Shabunda en mai 1999, apparemment après avoir été forcés de fuir Bunyakiri et Kalonge suite à des offensives du RCD. Ils commencèrent par piller les zones rurales mais, en janvier 2000, se mirent à opérer plus près de Shabunda. Les habitants, principalement les femmes et les enfants, s'enfuirent dans la forêt. Le vingt-trois janvier 2000, des Mai-Mai attaquèrent la ville de Shabunda et après deux heures et demi de combat, mirent le RCD en déroute. Le vingt-cinq janvier, à l'aube, le RCD lança une contre-attaque et tua au moins l'un des villageois, ainsi que plusieurs combattants. Les autres prirent la fuite et le RCD procéda au pillage systématique de la ville. Selon des témoins, le butin fut emporté par avion. 42

    Suite à cette confrontation, le RCD reçut le renfort de soldats de l'APR. Ensemble, les soldats lancèrent une campagne dont le but était de contrôler la population. Juste après l'attaque, des officiers du RCD tinrent une réunion publique et demandèrent aux villageois qui étaient restés à Shabunda de faire sortir leurs familles de la forêt. Ils firent savoir à la population que toute personne qui déciderait de rester dans la forêt serait considérée comme un ennemi et, par conséquent, comme une cible potentielle.

    Les résidents hésitèrent à suivre cet ordre, craignant l'insécurité qui régnait dans la ville. Certains affirmèrent à Human Rights Watch que de nombreuses personnes avaient été arrêtées après l'attaque et que beaucoup d'autres avaient "disparu". Ils ajoutèrent que les corps de certains de ces "disparus" avaient été retrouvés dans la ville. Les cadavres de deux hommes décapités avaient ainsi été trouvés au début du mois de février. Plusieurs zones importantes du territoire, comme Katungu, Lulingu et Kigulube sont encore contrôlées par les Mai-Mai et donc coupées du reste de la ville. Selon plusieurs témoins, "Les autorités interdisent aux villageois de se rendre dans les champs, parce qu'ils les accusent d'être complices des Mai-Mai. Il faut obtenir un permis spécial pour pouvoir aller aux champs. Si on dispose de ce permis, il faut passer un contrôle avant et après et on n'a pas le temps de travailler." 43 Conséquence de cette situation, les marchés ne sont pas approvisionnés et les prix ont augmenté de manière excessive. Selon un témoin, "La population est aujourd'hui tenue en otage dans la ville. On nous a forcés à revenir, mais nous n'avons pas de nourriture, pas de travail, pas de soins de santé…"44

    Violences sexuelles

    Dans l'est du Congo, les viols et actes de violence sexuelle sont devenus de plus en plus courants au fur et à mesure que le conflit devenait de plus en plus brutal. 45 Un groupe de défense des droits de la femme a répertorié cent quinze viols commis entre avril et juillet 1999 dans les régions de Katana et de Kalehe, au Sud-Kivu, dont trente commis lors d'une seule attaque, à Bulindi et Maitu, le cinq avril. Des groupes de dix hommes ou plus se livrent parfois au viol d'une seule femme. Les assaillants enlèvent également parfois certaines femmes dont ils font leurs esclaves sexuels. 46 Tant les soldats que les groupes d'opposition armés se sont rendus coupables de tels crimes, bien qu'il semble que les groupes armés hutu soient plus enclins à les commettre que les autres groupes. Ils se servent de la violence sexuelle pour terroriser les civils, principalement ceux qui sont soupçonnés de soutenir le RCD et tout particulièrement ceux qui font partie de forces d'autodéfense civile. 47

    De nombreuses personnes ayant survécu à de telles attaques ont raconté à Human Rights Watch que le viol avait été utilisé de manière systématique contre leur communauté. Malgré la stigmatisation dont font l'objet les victimes de viol dans la société congolaise, plusieurs femmes ont accepté de parler des violences sexuelles dont elles avaient été victimes. L'une d'elles, originaire de Chabwinemwami, à Kabale, a raconté à des enquêteurs de Human Rights Watch comment elle avait été violée par des combattants hutu lors d'une attaque menée le dix-sept juin 1999. Les assaillants arrivèrent vers vingt heures et tirèrent des coups de feu en l'air, provoquant la fuite des habitants. Selon le témoin, "Ils ont pris ce qu'ils voulaient. D'abord, ils ont pillé, ensuite ils ont violé." Les assaillants pillèrent sa maison, la frappèrent avec des bâtons et la violèrent devant ses quatre jeunes fils. Elle fut grièvement blessés et hospitalisée pendant un mois et demi. Elle boîte encore aujourd'hui et son mari, qui se sent humilié par le viol, l'a rejetée et a même refusé de payer les frais d'hospitalisation. 48

    Une autre femme, âgée de vingt-et-un ans et vivant à Katana, Kabare, a elle été violée par des combattants hutu le cinq juillet 1999. Les assaillants pénétrèrent chez elle vers vingt-deux heures, armés de fusils et de machettes. Ils ligotèrent son mari et la forcèrent à sortir de la maison. Ils exigèrent des dollars et des vêtements mais, la famille ayant été cambriolée peu de temps auparavant, presque rien ne put leur être donné. Les hommes l'aveuglèrent avec une lampe de poche, la passèrent à tabac, la menacèrent de leurs armes. Elle leur donna le peu d'argent dont elle disposait et ses chèvres. Les assaillants qui, d'après les témoins, étaient très nombreux et parlaient kinyarwanda, pénétrèrent alors dans la maison suivante, celle de son beau-frère. Là aussi ils tabassèrent les résidents et essayèrent apparemment d'enlever l'épouse du beau-frère. Entre-temps, le témoin avait libéré son mari et ils tentèrent d'aller prévenir le frère aîné de la famille. Malheureusement, les assaillants étaient arrivés avant eux. Le témoin raconte:

    Quelqu'un m'a appelé. J'avais encore mon enfant sur le dos. Celui qui m'avait appelé m'a dit d'enlever mon enfant de mon dos et de me coucher. J'ai refusé. Il m'a forcé à le supplier, à me mettre à genoux et à le supplier encore, et il est parti. Celui qui est arrivé après était moins compréhensif. Il m'a violé. C'était un barbare. Ce n'était pas humain. Il a jeté mon enfant par terre. J'ai crié et il m'a étranglé. Il a menacé de tuer mon enfant avec son fusil. J'ai lutté mais je n'avais plus la force de résister. Mon enfant de trois ans était là, à côté de moi. Après une heure, l'homme est parti. Je ne pouvais pas me lever. J'avais honte pour toute ma famille. 49

    Après le départ de l'homme, elle rampa jusqu'à son domicile. Elle expliqua à son mari ce qui était arrivé et celui-ci l'emmena au centre de santé le lendemain. "Cette nuit-là, beaucoup de femmes ont été violées. Dans chaque maison, chaque femme. Peut-être deux cent femmes au total. Mais beaucoup de femmes ont trop honte pour le dire."50

    Les femmes du Nord-Kivu ont elles aussi été victimes de viols. Une femme de Kashebere, près de Masisi, a expliqué que des combattants hutu avaient attaqué son village le sept octobre 1999. "C'était un mercredi matin. Nous nous sommes réveillés et le village était déjà encerclé. Ils sont entrés dans le village, ont tiré en l'air et les gens se sont enfuis. Nous étions trois et nous sommes tombés dans une embuscade. Ils nous ont capturées et violées immédiatement après. Il y avait plus de cinquante hommes et chaque femme a été violée par dix hommes." Les miliciens battirent les femmes et les emmenèrent dans la forêt. "Deux jours plus tard, ma famille est venue, m'a trouvée dans la forêt et m'a ramenée chez moi, parce que je n'avais pas la force de marcher." Un garçon et deux jeunes enfants furent tués pendant l'attaque. La communauté fut pillée.51

    Les soldats du RCD et de l'APR se sont eux aussi livrés à des actes de violence sexuelle, comme les attaques sur Kilambo décrites plus haut le montrent, même s'il semble qu'il aient recouru à ce type de violence de manière moins fréquente et systématique que les milices hutu. Deux femmes de Mwenga ont décrit à des enquêteurs de Human Rights Watch certaines violences sexuelles particulièrement atroces utilisés contre des prisonnières. Selon leur témoignage, des soldats du RCD, sous les ordres du Commandant Frank Kasereka, battaient et violaient régulièrement les femmes dont ils avaient la garde, insérant parfois des bâtons et des piments dans leur vagin. Selon une femme, qui affirme avoir été détenue et torturée par les hommes de Kasereka, mais qui fut capable de s'échapper, "toutes les femmes étaient violées chaque jour et battues le matin, au début de l'après-midi et pendant la nuit."52

    Les deux femmes ont décrit un incident, survenu au début du mois de septembre, pendant lequel des soldats torturèrent en public cinq femmes qui avaient apparemment été accusées de sorcellerie par l'épouse d'un soldat. Elles racontent que des soldats emmenèrent les femmes jusqu'à un champ proche d'un bâtiment gouvernemental, un espace habituellement utilisé pour détenir des prisonniers. Ils les passèrent à tabac, les déshabillèrent et les violèrent. Elles racontent qu'ils mirent alors des piments dans le vagin des femmes et les placèrent dans des trous remplis d'eau salée. L'eau arrivait au niveau de la poitrine des prisonnières. Ceci eut lieu en présence de nombreuses personnes. Selon une femme qui se trouvait là, "on était là pour voir s'il ne s'agissait pas de notre mère ou de notre sœur."53

    Une femme déclara à Human Rights Watch:

    Le lendemain, on a entendu des coups de feu provenant de l'endroit où se trouvaient les femmes. Mon mari, qui est soldat [RCD], m'a dit qu'il allait voir s'ils étaient en train de tuer les femmes. Je l'ai accompagné et ai vu ce qui se passait. Ils avaient retiré les femmes des trous et, après les avoir battues brutalement, ils les avaient déshabillées. Ensuite, ils ont pris cinq bâtons et ont violé les femmes avec les bâtons. Ensuite, ils les ont mises dans des trous et les ont enterrées. Ils en ont mis deux dans un trou et trois dans un autre et les ont recouvertes de terre, mais elles étaient encore vivantes.54

    Selon des organisations congolaises de défense des droits de l'homme et selon les deux femmes de Mwenga, la torture, les violences sexuelles et le fait d'enterrer des femmes vivantes étaient couramment utilisées dans les régions commandées par le Commandant Kasereka.55 Ces abus avaient apparemment pour but de terroriser les populations et d'extorquer de l'argent aux familles, puisqu'il était possible de sauver des prisonnières en payant de grosses sommes aux soldats. L'une de nos témoins fut arrêtée le dix-sept octobre 1999. Elle raconte avoir été placée dans un trou rempli d'eau salée en compagnie d'une autre femme, dont on soupçonnait le mari d'être un Mai-Mai. "L'eau m'arrivait jusqu'à la poitrine. Je ne pouvais même pas m'asseoir. L'autre femme m'a dit de faire attention parce qu'il y avait un bébé mort-né dans l'eau. Une femme mise dans le même trou plus tôt avait fait une fausse couche." Lorsqu'elles entendirent les soldats dire qu'ils allaient creuser un trou pour les enterrer, les deux femmes les supplièrent de les libérer et leur promirent qu'ils seraient bien payés. Elles furent remises en liberté et s'échappèrent.56

    Vols

    En plus des attaques menées afin de punir ceux soupçonnés de complicité avec l'ennemi, le RCD et ses alliés, ainsi que les milices Mai-Mai et hutu ont tous attaqué des civils dans le but de les dépouiller de leurs biens. Les plus pauvres se voient dépossédés de leur bétail ou de leurs récoltes. Comme l'a remarqué un témoin:

    Ils ont envoyé des soldats congolais sans avoir d'argent pour les payer. Alors, pour se nourrir, ces soldats doivent passer par les villages et voler les récoltes. Ils passent de ville en ville et volent les populations.57

    Les plus riches sont dépouillés de leur argent et autres biens. Le premier février 2000, par exemple, un groupe de plus de vingt soldats du RCD se rendait chez Valentin Makuta, un commerçant prospère vivant dans la zone de Kadutu à Bukavu. Selon des témoins, quelques soldats entrèrent dans la maison, pendant que les autres rassemblaient les enfants qui se trouvaient dans les différentes dépendances et les forçaient à entrer dans la maison, frappant d'ailleurs une fillette. Les soldats, qui parlaient lingala et swahili, dirent à la famille qu'ils cherchaient des Mai-Mai, mais il semble que leur intérêt premier ait été le vol. Ils exigèrent de l'argent et donnèrent des coups de crosse aux membres de la famille. Ils menacèrent également l'une des filles avec un couteau et lui tailladèrent le visage. Le père alla chercher de l'argent, mais au moins l'un des soldats ouvrit le feu et tout le monde prit la fuite. L'une des filles fut touchée, une balle pénétrant dans sa jambe, deux la touchant au bras et une quatrième au torse. Lorsque le père donna l'argent aux soldats, l'un d'eux lui donna un coup de machette. Les assaillants se concertèrent afin de décider s'ils allaient le tuer mais décidèrent de lui laisser la vie sauve parce qu'il leur avait donné ce qu'ils voulaient. Une voisine qui était venu porter secours à la fillette blessée reçut une balle dans le pied alors qu'elle essayait de mettre l'enfant en sécurité.58

    Comme c'est souvent le cas lorsque de tels incidents ont lieu dans des grandes villes comme Goma et Bukavu, les autorités militaires menèrent une enquête de principe et ne procédèrent à aucune arrestation. Le recours gratuit et injustifié à la violence qui caractérise cet incident est typique. Même lorsque les victimes donnent leur argent ou leurs biens sans résister et suivent les ordres de leurs assaillants, elles peuvent quand même être tuées, poignardées, battues ou violées, ce qui ne fait qu'ajouter à la terreur que provoquent de telles attaques.

    Explication officielle du RCD

    Lorsque nous les avons questionnés au sujet des victimes civiles, les responsables du RCD à Goma ont déclaré à Human Rights Watch que leurs soldats ne tuaient des civils que s'ils les prenaient, par erreur, pour des combattants. Les faits décrits plus haut démentent cette affirmation. Lors de l'attaque à Walikale, par exemple, les soldats du RCD et leurs alliés ont ligoté les civils avant de les tuer. Dans d'autres cas, ils ont attiré les gens hors de leurs cachettes avant de les exécuter, preuve limpide de la volonté délibérée de commettre des actes criminels qui les animait.59 Le recours aux viols, aux passages à tabac et à la destruction des biens indique également l'existence d'une volonté délibérée de terroriser les populations.

    Réaction du RCD aux attaques de civils menées par des groupes d'opposition armée

    Les dirigeants du RCD affirment être les seules autorités légitimes de la région. Ils ont également déclaré vouloir, avec leurs alliés de l'APR, protéger les populations locales des attaques menées par les Mai-Mai et les groupes de combattants hutu. Cependant, dans de nombreux cas, des populations ont demandé en vain que cette protection leur soit fournie. De nombreux déplacés originaires de Bunyakiri ont déclaré à Human Rights Watch que les soldats avaient ignoré leurs nombreux appels à l'aide. Comme l'a déclaré l'un des témoins, "Nous allons dire au RCD où campent les Interahamwe et ils nous répondent: 'C'est votre affaire. Ils sont de votre famille'"60

     Des déplacés originaires de Kalonge ont également déclaré que les soldats du RCD avaient refusé de combattre des combattants armés.61 Le vingt-trois janvier 2000, James Ntwana fut tué par des miliciens juste à côté du camp du RCD à Cifunzi. Un homme a déclaré à Human Rights Watch: "Lorsque j'ai vu qu'ils pouvaient tuer des gens juste à côté du camp et que les soldats ne réagissaient pas, j'ai réalisé qu'il fallait que je fuie."62

    Lorsque des combattants hutu ont attaqué Cizenga en novembre et kidnappé plusieurs personnes afin qu'elles portent leur butin jusqu'à leur camp dans la forêt, certains villageois sont allés demander l'aide des soldats du RCD, qui se trouvaient à environ trois kilomètres. Les soldats refusèrent d'intervenir, affirmant apparemment: "Les Interahamwe sont vos frères."63

    Le lendemain, des villageois virent que certains soldats étaient en possession de biens qui avaient été volés la veille et conclurent que des complicités existaient entre les assaillants et les soldats. Il est également possible que les soldats aient attaqué les combattants hutus et pillé leur camp. Cependant, le fait que les populations puissent penser que les deux parties sont complices démontre combien elles se sentent abandonnées par les soldats censés les protéger.

    Déplacés internes et conséquences humanitaires des attaques de civils

    Les attaques répétées dont font l'objet les populations de l'est du Congo ont forcé plus d'un demi million d'habitants de cette région à quitter leurs maisons et provoqué une crise humanitaire qui ne cesse de s'aggraver. Selon Charles Petrie, le directeur du Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires dans l'est du Congo, une agence de l'ONU, la crise a pris beaucoup d'ampleur au cours des derniers mois. Environ la moitié des cinq cent mille personnes déplacées l'ont été depuis le début de l'année.64 Après que les combattants hutu aient intensifié leurs attaques sur Kalonge en janvier, par exemple, environ dix mille personnes prirent la fuite pendant la première semaine de février.65

    Les plus importants groupes de déplacés se trouvent à Goma et Bukavu. Un collaborateur de l'église locale a déclaré à Human Rights Watch qu'au moins un quart de la population de Goma se compose de déplacés internes. Cependant, même dans la petite communauté de Kavumu, au Sud-Kivu, on trouve aujourd'hui plus de quatre mille déplacés. Environ mille deux cent d'entre eux viennent de Bunyakiri et près de trois mille de Kalonge.66 Ces chiffres ne concernent que les déplacés officiellement enregistrés en tant que tels; le nombre véritable de déplacés peut donc être beaucoup plus élevé. Aucun camp n'ayant été établi afin d'accueillir les déplacés, ceux-ci s'installent chez des membres de la famille ou des amis, eux-mêmes déjà confrontés à la pauvreté, ou squattent les espaces disponibles dans les villes. Selon un collaborateur de l'église: "Ils n'ont ni travail, ni lieu où vivre et ils ne sont pas habitués à la ville. Ils deviennent mendiants et sont exposés aux maladies. Ils sont surtout touchés par le choléra, le SIDA et d'autres maladies."67 Des personnes récemment déplacées ont déclaré à Human Rights Watch que ceux qui sont restés au village craignent tellement les attaques qu'ils n'osent pas dormir chez eux. Ils dorment dehors, sont exposés aux intempéries et à des maladies, telle que la malaria.

    Selon Petrie, beaucoup de déplacés souffrent gravement de la malnutrition.68 Le problème d'approvisionnement en nourriture commence d'ailleurs à être sérieux pour le reste de la population également. L'insécurité empêche les agriculteurs de se rendre dans leurs champs, ce qui limite la production et fait monter les prix à des niveaux inabordables pour beaucoup.69

    IV. L'échec du système judiciaire

    Arrestations arbitraires, détention illégale et torture

    Le RCD et ses alliés rwandais utilisent les arrestations arbitraires, la détention illégale, la torture et les mauvais traitements pour harceler et intimider les membres des organisations de défense des droits de l'homme, les associations de femmes et d'autres organisations non-gouvernementales (ONG), comme nous le décrivons ci-dessous. Des soldats et policiers suspectés d'avoir soutenu les récentes grèves déclarées à Goma et Bukavu ont été arrêtés. Les autorités ont également torturé et maltraité des individus arrêtés pour des crimes de droit commun et n'ont pas respecté les normes légales applicables à de telles situations.

    Les autorités du RCD affirment appliquer la législation congolaise.70 Selon celle-ci, les autorités peuvent détenir un suspect pendant quarante-huit heures sans l'inculper. Une fois la personne mise en examen, elle peut être détenue pendant deux semaines supplémentaires avant d'être transférée à la prison centrale.71 Ceux qui exercent l'autorité peuvent procéder à des arrestations motivées par des raisons liées au conflit armé mais doivent respecter les dispositions du droit humanitaire international. En particulier, les tribunaux doivent fonctionner de manière régulière, respecter les droits des accusés, notamment le droit à être informé sans retard du crime dont on l'accuse, le droit d'être présumé innocent tant que la culpabilité n'a pas été prouvée, le droit de choisir un avocat, respecter également le principe selon lequel une confession ne peut être obtenue sous la contrainte et, enfin, l'autorité de la chose jugée.

    Les détenus ne sont souvent pas informés des raisons ayant motivé leur arrestation et sont détenus pendant des semaines ou des mois sans inculpation. Certains militants locaux d'organisations de défense des droits de l'homme ont illustré cette situation en mentionnant le cas d'Alphonse Karibu, qui fut arrêté le 8 juin 1999, détenu jusqu'au 28 août, arrêté à nouveau le 10 octobre et détenu jusqu'en décembre. Après avoir été remis en liberté pour la seconde fois, il décida de se cacher et de vivre clandestinement.72

    Les soldats détiennent civils et militaires dans un grand nombre de centres de détention. Si l'existence de ces centres n'est pas en soi illégale, leur nombre complique de manière extrême les efforts des familles qui tentent de localiser un de leurs parents détenu. A Goma, l'Agence Nationale de Renseignements (ANR) utilise la cuisine d'une ancienne résidence comme prison. Cet endroit est connu par tous sous le nom de "Chien Méchant", en référence au panneau qui orne les grilles d'enceinte. les soldats détiennent également des civils et militaires dans une prison militaire connue sous le nom de "Bureau II" et qui est une ancienne maison particulière. Des enquêteurs de Human Rights Watch se sont rendus sur place et ont trouvé trois civils parmi les six personnes détenues là le jour de leur visite.73 Les autorités détiennent également des civils à la Direction Générale de Migration de Goma, à l'Auditorat Militaire de Goma et Bukavu, ainsi qu'à l'Agence Nationale de Renseignements, à Bukavu.74 Dans certains cas, les autorités militaires ont transféré des détenus vers des prisons situées au Rwanda, ce qui complique encore davantage la localisation des prisonniers.75

    Des organisations locales de défense des droits de l'homme ont également appris que des centres de détention illégaux avaient été créés, souvent au domicile d'officiers de l'armée. Selon le personnel d'une ONG congolaise, les vigiles travaillant au Centre pour la Recherche en Sciences Naturelles à Lwiro et à l'hôpital Formulac ont mis en place des prisons privées dans le but d'extorquer de l'argent aux familles de ceux qu'ils détiennent. Bien que ces vigiles n'aient évidemment pas le droit de procéder à des arrestations, les autorités ne sont pas intervenues pour mettre fin à leurs pratiques.76

    Les enquêteurs de Human Rights Watch ont visité plusieurs centres de détention. Les conditions à la Prison Centrale de Goma se sont révélées être relativement bonnes, à la différence de celles régnant dans d'autres centres de détention. Lorsque les enquêteurs de Human Rights Watch se sont rendus à "Chien Méchant", ils n'y ont trouvé qu'un seul prisonnier. Des anciens détenus ont cependant affirmé que, dans le passé, de très nombreux prisonniers y avaient été détenus, et dans un espace très réduit.77 Au Bureau II, les enquêteurs de Human Rights Watch ont trouvé six prisonniers confinés dans une petite partie de la cave. Les détenus ont affirmé que vingt autres prisonniers avaient été transféré le matin même, quelques heures avant que la visite n'ait lieu.78 Selon des témoins, le nombre de personnes détenus au Bureau II dépassait souvent trente. A Bukavu, trois militants d'une ONG ont été arrêtés le vingt-neuf janvier 2000 et détenus pendant une journée à l'Agence Nationale de Renseignements, dans un placard de moins d'un mètre carré. Ils ne pouvaient pas s'asseoir et le seul air frais qui leur parvenait passait par une petite ouverture donnant sur les toilettes.79 Selon les informations d'une ONG locale de défense des droits de l'homme, Baharame Buhendwa mourut étouffé dans un placard du même type, utilisé comme toilette, à la prison centrale de Bukavu; en juin 1999.80 Des conteneurs métalliques servant au transport de marchandises servent apparemment de cellules à Burale (Walungu), Minova (Kalehe) et Panzi.81 Il semble que Brigit Bilhakabulirwa soit morte dans un de ces conteneurs, à Irhundwe (Walungu), après qu'elle ait été arrêtée et torturée le vingt-cinq juillet 1999.82

     

    Les prisonniers sont régulièrement battus, torturés et maltraités. Lors d'une visite à "Chien Méchant", les enquêteurs de Human Rights Watch virent des traces de sang sur le mur d'une cellule où d'anciens détenus affirmaient avoir été battus. Certaines personnes sont battues ou torturées au moment de leur arrestation. Une femme a déclaré à Human Rights Watch que, lors de son arrestation à Matanda (Masisi) –elle était soupçonnée d'empoisonnement–, des soldats avaient tailladé au couteau ses pieds et jambes et l'avaient battue, frappant notamment la plante de ses pieds, avant de la transférer à la Prison Centrale de Goma.83 Deux personnes arrêtées à Goma, dont l'une fut par la suite détenue à "Chien Méchant", dirent avoir été battues par des soldats le jour de leur arrestation.84

    Certains détenus eurent eux la malchance d'être battus et torturés régulièrement tout au long de leur détention. Un homme arrêté à Goma pour vol à main armée a déclaré à Human Rights Watch qu'il avait été détenu à Bureau II pendant un mois et demi. Pendant sa détention, ses bourreaux l'avaient régulièrement fouetté et avaient utilisé des briquets pour lui brûler les jambes. Il semble qu'il ait été torturé chaque jour de minuit à trois heures du matin; on l'accusait d'être un interahamwe. Ses blessures ne furent jamais soignées. Il fut ensuite détenu pendant deux mois dans une autre prison militaire, avant d'être transféré à la Prison Centrale.85 Un ancien détenu a raconté que pendant la semaine qu'il a passée à "Chien Méchant", les détenus étaient battus chaque matin.86 Ndelema, libéré de "Chien Méchant" en août 1999 après cinq mois de détention, a en grande partie perdu l'usage de son bras gauche et souffre du genou droit, ce qu'il attribue aux nombreux passages à tabac dont il a fait l'objet pendant sa détention.87 Des personnes détenues à l'Agence Nationale de Renseignements de Bukavu ont également été battues. Mizumbi, un jeune homme d'Uvira, raconte qu'il y fut détenu pendant un mois et battu quotidiennement. Il semble qu'un autre détenu, accusé de soutenir les Mai-Mai, a lui été battu régulièrement avec une barre de fer.88

    Des femmes ont affirmé avoir été violées et abusées sexuellement pendant leur détention dans des zones urbaines contrôlées par le RCD et l'armée rwandaise. Selon une ONG locale, le deux juin 1999, des soldats qui recherchaient des combattants hutu à Goma arrêtaient une jeune fille de dix-sept ans. Ils l'emmenèrent jusqu'à un conteneur, à l'aéroport, où trois soldats la violèrent avant de la relâcher le lendemain matin. Des militants locaux racontent également que deux rwandaises suspectées de soutenir l'ennemi furent arrêtées et détenues de mai à décembre 1999. Pendant leur détention, elles furent toutes les deux abusées sexuellement.89

    Non-respect des règles de droit

    Le RCD a pris le contrôle de nombreuses institutions judiciaires existantes et maintenu en poste une grande partie du personnel. Beaucoup de fonctionnaires, y compris des magistrats, des gardiens de prison et d'autres n'ont reçu que deux fois leur salaire mensuel depuis le début de la guerre.90 Confrontés à une situation économique de plus en plus difficile, les personnes employées par la justice congolaise exigent fréquemment des pots-de-vin pour faire leur travail et les citoyens doivent donc payer pour que justice soit faite. Il était prévu, lors de l'accession au pouvoir de Kabila, que de nombreux magistrats et fonctionnaires de justice corrompus soient renvoyés. L'éclatement de la deuxième guerre au Congo leur a permis de rester en place, sous la direction aujourd'hui du RCD. Un militant d'une organisation de promotion de la société civile a déclaré à Human Rights Watch: "Les magistrats n'étant pas payés, il faut acheter leurs services. Ceux qui déposent une plainte doivent payer pour les formulaires légaux, les frais d'assignation, le transport des agents chargés de l'enquête. Ceux qui cités à comparaître doivent généralement payer."91 A ceci, un autre militant ajoutait: " Aujourd'hui, quand il y a procès, c'est celui qui a le plus d'argent qui gagne".92 Selon de nombreux détenus, les familles doivent payer des pots-de-vin pour pouvoir rendre visite ou apporter de la nourriture aux détenus qui, eux, doivent faire de même pour être mieux traités. Ainsi, les trois militants d'une ONG arrêtés à Bukavu le vingt-neuf février (voir plus haut) ont dû payer leurs geôliers pour être retirés du placard dans lequel ils durent passer la première nuit.93 Il semble également que les gardes se refusent à libérer certains prisonniers parce qu'ils perdent ainsi une source de revenus.

    Beaucoup de personnes déplorent le fait que les autorités rechignent à donner suite aux plaintes, particulièrement quand celles-ci concernent des soldats du RCD ou rwandais, ou des policiers. Plusieurs victimes ont affirmé à Human Rights Watch que leurs plaintes n'avaient donné lieu à aucune enquête sérieuse et à aucune arrestation. Lorsque des soldats ont été arrêtés pour des affaires criminelles, ils ont souvent été relâchés rapidement. Lorsque que l'affaire de torture et d'assassinat des femmes de Mwenga fut rendue publique, les autorités militaires arrêtèrent le Commandant Franck Kasereka, mais le libérèrent deux semaines plus tard. Les autorités affirmèrent qu'il s'était échappé, mais d'autres sont convaincus qu'il fut discrètement libéré. D'autres officiers impliqués dans l'affaire de Mwenga et identifiés par des témoins ne furent jamais arrêtés.94

    Certains congolais hésitent à dénoncer les crimes commis par des soldats parce qu'ils craignent de faire l'objet de représailles. Le cas de Sébastien Balolebwami, président de l'association des agents de change de Bukavu, semble suggérer que de telles craintes ne sont pas infondées. Trois hommes "portant des masques de Ninja" se rendirent à son domicile le vingt-sept décembre 1999, vers vingt heures, dans le quartier de Kadutu, à Bukavu. Ils menacèrent de le tuer s'il ne leur remettait pas tout son argent. Ils repartirent avec environ cinq cent dollars américains. Le masque de l'un des hommes étant tombé pendant l'attaque, un membre de la famille l'identifia comme étant un soldat du RCD. Le famille porta plainte auprès du Commandant Serge Rutahazi. Le soldat fut arrêté, interrogé et donna le nom de ses deux complices. L'un d'eux fut arrêté. Deux semaines plus tard, les deux soldats étaient libérés.

    Le dix février 2000, on frappa à la porte de Balolebwami. Un membre de la famille regarda par la fenêtre et vit cinq soldats du RCD sur le pas de la porte. L'un deux était en train de dévisser l'ampoule éclairant l'entrée. Le membre de la famille cria que les visiteurs étaient des soldats. La famille se réfugia dans la cuisine et commença à frapper sur des casseroles pour donner l'alarme à tout le voisinage. Les soldats défoncèrent la porte. Certains voisins, qui voulaient porter secours à la famille, racontèrent que des soldats postés devant leurs portes leur dirent de rentrer chez eux parce qu'ils "étaient venus tuer le chef des prêteurs sur gage". La femme de Balolebwami s'enfuit par la porte de la cuisine et courut jusqu'au commissariat le plus proche, où elle put convaincre quelques policiers de réagir. Alors qu'elle arrivait chez elle, accompagnée des policiers, elle entendit un unique coup de feu. La police tira en l'air, les soldats sortirent en courant et ripostèrent. Pendant l'attaque, un soldat tira sur Balolebwami, perforant son intestin à sept endroits. Il mourut peu de temps après. Selon des témoins, le soldat qui avait été reconnu après la première attaque était présent et insista auprès des autres pour qu'ils tuent le jeune beau-frère de Balolebwami, qu'il suspectait de l'avoir reconnu. Les autres refusèrent et il donna un coup de baïonnette au jeune homme, le blessant à la tête.95

    La situation du système judiciaire est telle que de nombreux soldats du RCD ou rwandais, mais aussi des civils, ont le sentiment de pouvoir agir en toute impunité et ce même dans les villes. Ils s'attendent, en cas d'arrestation, à être rapidement relâchés. La disparition de l'état de droit a provoqué une augmentation de la criminalité à la fois dans les zones de combat et dans le reste du pays. Des ONG de défense des droits de l'homme ont répertorié des centaines d'attaques commises par des hommes armés, parfois en uniformes.

    L'échec de la justice encourage également les congolais à se faire justice eux-mêmes. En janvier, un dirigeant du RCD ordonna ainsi à un soldat de récupérer une maison qu'il avait vendue à un nommé Bahati. Le soldat se trompa d'adresse et pénétra chez un homme qui s'appelait Bahizire. Effrayé, celui-ci appela à l'aide. Des voisins arrivèrent et tuèrent le soldat à coups de pierre. D'autres soldats tentèrent de trouver Bahizire le dix-huit janvier 2000, dans le but de se venger. Aujourd'hui, tant Bahati que Bahizire craignent de faire l'objet de représailles de la part des soldats.96

    V. Attaques à l'encontre de la société civile

    Du harcèlement à la violence déclarée

    Depuis leur prise du pouvoir au Nord et au Sud-Kivu, les autorités du RCD ont agi avec méfiance vis-à-vis des nombreux acteurs de la société civile de l'est du Congo et essayé de leur mettre des bâtons dans les roues. Ceux-ci ont lutté pour protéger leur liberté d'expression et d'association, ont pris des initiatives afin de dialoguer avec le gouvernement congolais et la société civile basée à Kinshasa et ont, de manière délibérée ou non, relayé des réactions d'hostilité exprimées envers le RCD et ses alliés rwandais. Le RCD a réagi en réprimant encore plus sévèrement la société civile dans les deux provinces du Kivu.

    La société civile de l'est du Congo se compose de nombreux acteurs. Il existe des dizaines d'associations de défense des droits de l'homme. Des organisations comme les Héritiers de la Justice, la Commission Justice et Paix et le Groupe Jérémie sont très proches de l'église. D'autres sont l'émanation d'organisations de jeunesse et estudiantines. Il existe également de nombreuses organisations de femmes, telles que la PAIF (Promotion et Appui aux Initiatives Féminines) et le Cadre de Concertation des Femmes œuvrant a la base. Enfin, de très nombreuses associations humanitaires et de développement travaillent dans des domaines divers, qui vont de l'agriculture et l'aide alimentaire au soins de santé, en passant par l'éducation et les micro-entreprises. Dans ce contexte, les églises jouent un rôle fondamental en prenant une part très active dans la vie publique. Beaucoup d'écoles, de services sociaux ou de santé, et de centres menant à bien des activités de nature plus intellectuelle sont institutionnellement liées à l'église. Les journalistes sont également l'une des voix de la société civile. Bien que confrontés à une environnement professionnel souvent aride, plusieurs journalistes indépendants essaient de poursuivre leur travail dans la presse écrite, à la radio et à la télévision.

    Les autorités, dans le but d'intimider et de contrôler les membres de cette société civile, recourent régulièrement aux arrestations arbitraires et aux détentions. Elles les convoquent pour les interroger, surveillent leurs activités et fouillent leurs bureaux et domiciles. Elles les accusent également de soutenir des groupes armés d'opposition, de conspirer avec le régime Kabila, d'inciter à la rébellion contre le RCD, de fomenter des troubles de l'ordre public et d'encourager à la haine ethnique, mais elles ne déposent que très rarement des plaintes officielles. Bien que les militants détenus soient généralement relâchés dans le jours qui suivent leur arrestation, ils se voient parfois obligés de se présenter chaque semaine aux autorités. Des soldats et des gardes ont parfois battu ou maltraité des dirigeants d'ONG pendant leur détention. Les autorités ont également publiquement et en privé critiqué et menacé la société civile. Le gouverneur du Sud-Kivu, par exemple, lors d'un discours prononcé à l'occasion de la Noël 1999, a accusé plusieurs organisations de travailler pour Kabila. Les autorités ont empêché certains membres d'organisations de se déplacer et ont tenté de limiter les informations qu'ils communiquaient à d'autres, particulièrement lorsque les destinataires se trouvent dans d'autres régions.

    Consultations nationales à Kinshasa: "Complicité avec l'ennemi"?

    Le RCD a empêché des membres de la société civile de se déplacer librement, dans le but de nuire aux organisations et de limiter les contacts qu'elles entretiennent avec d'autres dans le reste du Congo et à l'étranger. Les militants sont ainsi confrontés à d'énormes difficultés lorsqu'ils essaient de construire des coalitions avec d'autres congolais, mais se voient également limités dans leur travail de financement et de défense des droits au niveau international.

    Les gardes aux frontières ont empêché certains militants de quitter le pays et les autorités ont fait savoir à de nombreux leaders d'ONG ou de l'église, formellement ou non, qu'ils n'étaient pas libres de sortir du Congo. Les dirigeants du RCD, qui ont imposé des restrictions de cette nature dès décembre 1998, ont ainsi interdit à plusieurs personnes, dont Kuye Ndondo, président pour le Sud-Kivu de l'Église du Christ au Congo; le groupe protestant unifié, Okpa; l'évêque anglican de Bukavu, le Révérend Mushunganya; et le Révérend Bulambo de se rendre à Nairobi pour une réunion, en septembre 1999.97 Des dirigeants du RCD et des soldats ont utilisé la même stratégie pour empêcher les leaders de l'Est du Congo de participer aux processus politiques consultatifs ayant pour but de mettre fin au conflit, tel que celui organisé par la Conférence Panafricaine des Églises à Kinshasa en septembre 1999. A cette époque, ils empêchèrent le président à Goma du PDH (Promotion de la Démocratie et Protection des Droits Humains), Joseph Dunia Ruyenzi, de se rendre à Bujumbura, parce qu'ils croyaient qu'il irait ensuite de Bujumbura à Kinshasa pour participer à la réunion.98

    Certains militants qui s'étaient rendus à Kinshasa pour cette réunion ou d'autres ont par la suite été détenus ou harcelés. Jeannine Mukanirwa, vice-présidente de l'importante organisation de femmes Promotion et Appui aux Initiatives Féminines et cadre de Concertation des Femmes œuvrant à la base (PAIF) participa à la réunion de Kinshasa et y dénonça les violations des droits de l'homme commises par le RCD. Après son retour à Goma, le seize janvier 2000, elle fut arrêtée et détenue pendant plusieurs jours à Bureau II. Immaculée Birhaheka, présidente de PAIF, fut elle aussi détenue pendant une journée.99 Les forces de sécurité ont recherché Charlotte Kangwesi, militante de l'ONG de défense des droits des femmes Uwaki, plusieurs semaines après son retour de la réunion de Kinshasa.100 Patient Bagenda Balagizi, président d'une organisation de développement, le Comité Anti-Bwaki, a été stoppé à son retour de Kinshasa, alors qu'il se trouvait à l'aéroport, et s'est vu confisquer son passeport. Deux membres de la branche à Goma de l'organisation CRONGN (Conseil Régional des Organisations Non-Gouvernementales de développement), Negura Bari et Muchango, ont été convoqués à la Direction Générale des Migrations après avoir participé à une réunion de leur bureau national à Kinshasa. Negura Bari fut relâché après quelques heures mais Muchango fut lui détenu toute la nuit.101

    Des militants de Bukavu qui s'étaient rendus à Kinshasa pour participer aux consultations n'ont pas osé rentrer chez eux après avoir été menacés par les autorités du RCD. Kuye Ndondo, Président au Sud-Kivu de l'Église du Christ au Congo; le groupe protestant uni, Okpa; Madame Mitumwa, présidente de du groupe des femmes protestantes du Sud-Kivu; et Jean-Baptiste Mugisho, vice-président de l'Église de Pentecôte comptent parmi les personnes qui s'étaient rendues à Kinshasa au début du mois de janvier et qui décidèrent de ne pas revenir chez eux après que le gouverneur du Sud-Kivu leur ait envoyé une lettre les menaçant de représailles.102

    Une deuxième série de réunions ouvertes à des organisations de la société civile, ayant pour but de préparer le Dialogue National Inter-Congolais prévu par les Accords de Lusaka, a démarré en mars 2000. Juste avant son lancement, le vice-président du RCD, Jean-Pierre Ondekane, annonçait à la télévision que certaines personnes ne seraient pas autorisées à se rendre à Kinshasa. Plus tard, le gouverneur du Sud-Kivu déclarait que les autorisations seraient accordées au cas par cas.103

    A la fin du mois d'avril 2000, Bruno Bahati, membre du Bureau de Coordination de la Société Civile, revenait de Kinshasa lorsqu'il fut arrêté par les autorités rwandaises à la frontière entre le Rwanda et l'Ouganda. Il est aujourd'hui détenu à la brigade de Gikondo, à Kigali.104

    Les autorités du RCD ont également gêné la préparation d'un possible dialogue politique en interdisant la tenue d'une réunion préparatoire prévue par la Coordination de la Société Civile au Nord-Kivu pour le huit septembre 1999. Dans une lettre à la Coordination, le maire de Goma déclarait que "... de telles rencontres politiques que vous comptez entamer ce huit septembre 1999... sont strictement interdites...".105

    Les dirigeants du RCD tentent également de limiter le travail réalisé par les ONG en dehors de la zone qu'ils contrôlent. Les ONG de Goma qui souhaitent quitter Goma pour travailler avec les organisations des zones rurales du Nord-Kivu doivent, pour ce faire, obtenir l'autorisation du RCD et les informer en détail des activités programmées.

    Grèves à Bukavu et Goma, janvier-février 2000: une excuse à des attaques visant la société civile

    Répondant à l'appel d'un certain "Commandant Mbayo" et d'un groupe jusqu'alors inconnu, les "Forces armées populaires," la plupart des habitants de Bukavu observèrent une semaine de grève générale afin de protester contre les taxes imposées par les autorités rwandaises et la présence de soldats étrangers au Kivu. Du trente et un janvier au quatre février, Bukavu fut déclarée "ville morte". Magasins, marchés, entreprises et écoles furent fermés. Le quatorze février, les habitants de Goma suivaient l'exemple de ceux de Bukavu et observaient une journée de grève générale. Des grèves similaires eurent lieu à Walungu et dans d'autres centres urbains.

    Les organisateurs de la grève n'ont pas été identifiés, mais le RCD accusa des dirigeants d'ONG et des intellectuels d'être à la base du mouvement et les arrêta. Le commandant du centre de détention "Chien Méchant" à Goma déclara ouvertement à des enquêteurs de Human Rights Watch que les arrestations avaient pour but d'intimider la société civile:

     

    Nous avons arrêté tous ces gens et tout le monde a eu peur, parce que personne ne savait ce que nous allions leur faire et si nous allions les tuer ou les battre. On ne leur a rien fait et on les a relâchés le lendemain. Réellement, le seul but était d'intimider la population.106

    A Goma, les forces de sécurité s'en prirent surtout aux personnes originaires du Sud-Kivu, qu'elles suspectaient d'avoir "importé" l'idée de la grève de Bukavu.

    Le vingt-neuf janvier, après l'appel à la grève, mais avant qu'elle n'ait commencée, trois membres importants de la société civile furent arrêtés dans différentes zones de Bukavu: Patient Bagenda Balagizi, président du Comité Anti-Bwaki, Ramazani Musombo, membre d'une ONG de crédit rural, et Gustave Lunjwire, secrétaire général du Mouvement Xaverien, une importante organisation de laïcs catholiques. Comme indiqué plus haut, ils furent emmenés au centre de détention de l'ANR et enfermés dans une minuscule cellule sans fenêtres. L'un d'eux évalua que la cellule, ordinairement utilisée pour punir des prisonniers, mesurait moins d'un mètre carré. Les hommes ne pouvaient s'asseoir et durent passée la nuit debout. La cellule n'étant pas ventilée, ils durent se relayer pour respirer par un trou de la porte. Le lendemain, ils payèrent les gardes et furent retirés de leur cachot.107

    Ramazani Musombo, accusé d'avoir photocopié des pamphlets appelant à la grève, fut libéré le trente et un janvier. Patient Bagenda, accusé d'avoir financé les pamphlets, d'être l'un des leaders des Mai-Mai, d'être soutenu par Kabila et d'avoir incité à la haine ethnique fut détenu jusqu'au deux février, avec Gustave Lunjwire. Lorsque les officiels de l'ANR les relâchèrent, ils présentèrent leurs excuses aux deux hommes et leur dirent qu'ils étaient eux aussi fatigués de la guerre. Ils les invitèrent à coopérer avec les autorités. Depuis, Bagenda a été informé par les services d'immigration qu'il n'est pas autorisé à quitter le pays.108

    Le quatorze février, jour de la grève à Goma, un docteur très respecté travaillant à l'hôpital de Goma, le docteur Paluku, fut arrêté à l'Hôtel Ishango, en compagnie d'un de ses collègues, Jules Songe, l'un des administrateurs de l'hôpital, et d'un ami, Sumaili. Six policiers congolais qui étaient assis à la table voisine furent également arrêtés. Les neuf hommes furent emmenés au centre de détention de l'ANR et, de là, à la Direction Générale des Migrations (DGM). Un officiel de l'ANR les accusa de comploter contre le régime. Un peu plus tard, le même jour, on leur dit que l'ANR s'était trompée mais qu'ils restaient en détention. Lorsqu'on les interrogea le lendemain, ils furent accusés d'avoir rencontré des membres du groupe ethnique Bashi du Sud-Kivu. Paluku avait travaillé comme médecin à Bukavu pendant plusieurs années. Quelques jours plus tard, un conseiller du Chef de la Sécurité du RCD, Monsieur Musafiri, leur dit que les congolais étaient favorables à leur libération mais que les militaires rwandais voulaient prolonger leur détention afin de donner une leçon à tous les intellectuels de Goma. Ils furent remis en liberté provisoire le dix-neuf février.109

    Le quinze février, Charles Cikomola, directeur d'Amikivu, une ONG médicale, fut arrêté sur son lieu de travail à Goma. Il n'avait pas participé à la grève de la veille, mais fut malgré tout emmené au centre de détention "Chien Méchant". On le força à s'allonger et il fut fouetté. Pendant son interrogation, les soldats l'accusèrent d'avoir amené de Bukavu à Goma le pamphlet appelant à la grève générale. Il fut relâché le dix-neuf février.110

    Quatre employés de l'Association régionale d'approvisionnement en médicaments essentiels au Nord-Kivu (ASRAMES) furent eux détenus du vingt-et-un au vingt-cinq février à "Chien Méchant", et battus. On les accusa d'avoir envoyé des messages à l'étranger. Pendant leur détention, les forces de sécurité se rendirent dans les bureaux d'ASRAMES et examinèrent leurs fichiers informatiques.111

     

    Attaques contre les militants des droits de l'homme

    Les autorités accusent les organisations des droits de l'homme de répandre des rumeurs, de s'opposer au régime, d'encourager l'insécurité et d'inciter à la haine raciale et au génocide. Comme un militant des droits de l'homme l'a affirmé à Human Rights Watch, "chaque fois que quelqu'un essaye de critiquer le RCD, cette personne est accusée de génocide." Les autorités lancent de telles accusations pour justifier les interrogatoires, les arrestations et, dans d'autres cas, le harcèlement des militants, les fouilles et pillages de leurs bureaux et domiciles et la saisie ou la censure de  leurs publications. Dans ces conditions hostiles, de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme ne publient pas les résultats de leurs recherches. Celles qui le font risquent d'être harcelées.

    APREDECI

    APREDECI est une ONG établie à Goma qui travaille dans le domaine du développement et de l'éducation aux droits de l'homme. Jean-Pierre Masubuko, chef du conseil d'administration, a déjà été interrogé en juin 1998 sur ses contacts avec des organisations internationales de défense des droits de l'homme telles que "Amnesty, Human Rigths Watch, Lawyers Group." 112 Le deux février 2000 à 14h00, Monsieur Masabuko se trouvait près des bâtiments de la compagnie de transport TMK lorsqu'une Toyota Hilux transportant six soldats congolais du RCD s'arrêta à côté de lui. Un soldat l'appela par son nom et lui ordonna de monter dans la cabine de la camionnette. Il hésita mais obéit après avoir été mis en joue par l'un des soldats. Les soldats le passèrent à tabac et brandirent des couteaux, menaçant de le poignarder. Ils l'emmenèrent à "Chien Méchant" où d'autres soldats le battirent chacun à leur tour. Il entendit un soldat dire à un autre "Cogne-le bien parce que c'est un de ceux qui ont provoqué notre échec." Le lendemain matin, un enquêteur l'interrogeait et l'accusait d'avoir contacté des organisations internationales des droits de l'homme. On lui dit "C'est vous qui soutenez nos ennemis les Interahamwe. C'est vous qui envoyez des informations hors du pays." Ils fut accusé de posséder un appareil photo et d'envoyer des photos à Amnesty International.113 Il fut mis en liberté conditionnelle le cinq février après avoir payé un pot-de-vin mais avec l'obligation de se présenter tous les jours pendant une semaine à "Chien Méchant". Après cela, des soldats firent régulièrement des passages devant son domicile.114

     

    Héritiers de la Justice

    La police et les forces de l'ordre ont interrogé à plusieurs reprises les membres d' "Héritiers de la Justice", une organisation de défense des droits de l'homme basée à Bukavu et soutenue par une coalition d'Églises protestantes du Sud-Kivu. Cette organisation publie régulièrement des rapports sur les droits de l'homme, dont un bulletin d'information, Nota Bene, et une enquête semestrielle sur la situation des droits de l'homme au Sud-Kivu, qui leur a permis de dénoncer les abus commis par le RCD et l'APR. Un des membres de l'équipe, Rafael Wakenge, fut arrêté en août 1999 et détenu pendant plusieurs jours. Un autre, Pascal Kabungulu, fut convoqué au même moment par les autorités (voir plus bas).

    Les autorités du RCD ont fréquemment essayé de discréditer les groupes des droits de l'homme en les accusant de répandre de fausses rumeurs. Héritiers de la Justice a dénoncé la torture et le meurtre des femmes de Mwenga dans son numéro du quinze décembre 1999 de Nota Bene,115 qui a bénéficié d'une attention internationale considérable. Les autorités ont alors convoqué plusieurs de ses membres et ont exercé des pressions pour qu'ils révèlent leurs sources. Lorsque les militants ont refusé, le RCD les a accusés de répandre des rumeurs. En mars 2000, le Ministre de la Justice et du Règlement des Conflits, Jean-Marie Emungu Ehumba, écrivait au Rapporteur spécial des Nations unies pour la République Démocratique du Congo, Roberto Garreton, pour mettre le rapport en doute:

    L'enquête préliminaire menée auprès des rédacteurs de cet article révèle que personne n'a vu les militaires enterrer les personnes vivantes, c'est seulement des informations, disent-ils, qu'ils auraient reçues de personnes en deuil. Les informateurs ne sont pas en mesure de donner l'identité des dénonciateurs ou des colporteurs des ces rumeurs... Le colportage des faux bruits de nature à alarmer inutilement l'opinion publique est une infraction prévue et punie par la loi pénale congolaise.116

    Monsieur Emungu et d'autres fonctionnaires du Département de la Justice ont réitéré leurs accusation lors d'interviews avec les enquêteurs de Human Rights Watch et suggéré qu'une éventuelle incapacité à présenter des témoins pourrait constituer un motif pour poursuivre Héritiers de la Justice.117

    Groupe Jérémie

    En juin 1999, le Groupe Jérémie, une association des droits de l'homme de Bukavu, liée à l'Église catholique, publiait une brochure sur les droits de l'enfant. Un jour avant la publication, le quinze juin, des soldats du RCD pénétrèrent dans leur bureau alors qu'il était fermé pour le déjeuner. Ils fouillèrent les lieux et emportèrent des ordinateurs, du matériel, des copies du rapport et d'autres publications. Les organisateurs du groupe furent interrogés et accusés de "mettre en danger la sécurité de l'État", de publier des brochures pro Mai-Mai, de "préparer un génocide" et d'encourager la haine raciale. Il semblerait que ces accusations aient été abandonnées depuis lors. Le gouverneur du Sud-Kivu, Monsieur Basengezi, et le chef du Département de l'Administration Territoriale, Joseph Mudumbi, ont également accusé le Groupe Jérémie à la radio de publier des brochures subversives.118

    En février 2000, le Groupe Jérémie produisait un programme radio assez court intitulé "Flash" et portant sur la Déclaration universelle des droits de l'homme. Les autorités censurèrent le texte et le renvoyèrent pour correction. Lorsque le Groupe Jérémie présenta la version corrigée du texte, les autorités leur demandèrent de retirer toutes les références à la guerre. Le Groupe Jérémie décida alors de ne pas produire "Flash."119

    Centre pour l'Éducation, l'Animation et la Défense des Droits de l'Homme

    Les autorités du RCD harcèlent également des organisations plus petites et moins connues, comme le Centre pour l'Éducation, l'Animation et la Défense des Droits de l'Homme, qui travaille à Uvira et sur le territoire de Fizi, au Sud-Kivu. Le quatorze novembre 1999, Jerry Dunia Kashindi, l'un des leaders de cette organisation, était arrêté par plusieurs soldats à son domicile de Kizimia, territoire de Fizi, et emmené à un poste militaire où il était ligoté et battu. Il fut ensuite transféré à la prison de Fizi ville et détenu jusqu'au vingt-deux novembre. Le premier février 2000, pendant la grève à Bukavu, il fut à nouveau arrêté et détenu pendant quatre jours à la DGM.120

    COJESKI

    Le Collectif des Organisations des Jeunes du Sud-Kivu, COJESKI, une coalition de 180 jeunes associations du Sud-Kivu, publie La Voix de la Jeunesse, un journal qui se centre de plus en plus sur les abus commis en matière de droits de l'homme. En raison du travail réalisé dans le secteur des droits de l'homme et des sessions de formations "sponsorisées" par le COJESKI et consacrées à l'action pacifique et aux enquêtes sur les droits de l'homme, les responsables du RCD considèrent le COJESKI comme une menace.121 Dans son message de Noël du vingt-quatre décembre 1999 diffusé par RTNC-Bukavu, le gouverneur du Sud-Kivu accusait ainsi le COJESKI de coopérer avec Kabila et les Mai-Mai et d'encourager la haine raciale.

    Dieudonné Mushagalusa, un coordinateur du COJESKI, fut convoqué et interrogé à la Division Justice le six janvier 2000. Les officiers qui le questionnèrent accusèrent le COJESKI de jouer un rôle politique et d'utiliser de l'argent destiné au développement économique pour fomenter le désordre public. Un organisateur du COJESKI fut arrêté à Walungu le quinze février 2000, un jour après la grève générale, et détenu trois jours.122

    Attaques contre les Média

    Dans le but de contrôler les informations transmises dans leur zone et au monde extérieur, les autorités du RCD ont censuré ou interdit des publications et programmes radio. Elles ont menacé, arrêté et harcelé des journalistes, fouillé leur lieu de travail et parfois confisqué du matériel de communication et des documents.

    Radio Maendeleo

    Radio Maendeleo est une radio indépendante sans but lucratif du Sud-Kivu qui diffuse des actualités et des programmes sur le développement, les droits de l'homme et d'autres sujets, la plupart fournis par des ONG.123 Le sept juillet 1999, des représentants du Département de l'Information, de la Presse et des Affaires culturelles du RCD ordonnaient à Radio Maendeleo de ne plus diffuser leurs propres actualités politiques et débats et d'utiliser à la place ceux de la Radio Télévision Nationale officielle congolaise (RTNC). Radio Maendeleo s'y refusa. Le vingt juillet 1999, la radio diffusait en direct un débat public pendant lequel la foule injuria le vice-président Jean-Pierre Ondekane. Le lendemain, apparemment sur l'ordre d'Ondekane, les autorités saisissaient le matériel de Radio Maendeleo, qui a depuis cessé de diffuser ses programmes. Le trente juillet 1999, le chef du Département de l'Information, de la Presse et des Affaires culturelles suspendait officiellement la station.124

    Le vingt-cinq août 1999, le directeur de Radio Maendeleo, Kizito Mushizi Nfundiko, son responsable des programmes et de l'information, Kamengele Omba, et six membres d'autres organisations non-gouvernementales étaient interpellés par des soldats du RCD alors qu'ils sortaient d'une réunion du CRONGD dans un véhicule de Radio Maendeleo. Les soldats disposaient d'une liste de personnes accusées d'avoir participé à une "réunion subversive secrète". Kizito et Kamengele se trouvaient sur cette liste. Les soldats arrêtèrent les occupants de la voiture et les emmenèrent à l'Agence nationale de Renseignements (ANR). Les six autres personnes furent relâchées le même jour mais les deux journalistes furent maintenus en détention et accusés d'écouter des secrets militaires avec des talkie-walkies.125

    Deux jours plus tard, les autorités arrêtaient Rafael Wakenge Ngimbi, un membre de l'équipe d'Héritiers de la Justice et convoquaient un de ses collègues, Pascal Kabungulu. Elles accusaient Monsieur Wakenge d'aider les journalistes à écouter des secrets militaires et l'emmenaient au centre de détention du procureur de l'armée. Wakenge, Kizito et Kamengele furent transférés à la Prison centrale de Bukavu le 28 août, où ils restèrent jusqu'au huit septembre 1999, jour où ils furent mis en liberté provisoire. Ils durent se présenter à la prison tous les vendredis pendant plusieurs mois. Les autorités et Radio Maendeleo sont actuellement en train de négocier les conditions de réouverture de la radio.126

    Autres Journalistes

    En 1998, Nsasse Ramazani Seraphin, fonctionnaire et journaliste, a été poursuivi à deux reprises en justice par des représentants du gouvernement, pour diffamation, et innocenté à chaque fois. Le vingt-et-un juillet 1999, il fut arrêté après un programme de la RNTC portant sur une affaire de corruption liée à la vente par les autorités du RCD d'un avion endommagé de Air Congo. On l'accusa de mettre en danger la sécurité de l'État et d'être anti-tutsi et anti-RCD. Il fut emmené au centre de détention de "Chien Méchant" où il fut détenu pendant trois jours. Depuis lors, il est très régulièrement suivi.127

    Le vingt-trois juillet 1999, quatre journalistes de la RTNC étaient convoqués après un programme qu'ils avaient produit et qui spéculait sur la possible extension de la frontière rwandaise dans le territoire du Congo. Deux d'entre eux, Primo Rudakigwa et Delion Kimburumbu, furent détenus plusieurs jours à Goma. Les deux autres, Robert Dunia et Viki Makambo, furent temporairement suspendus à la mi-1999.128

    Le seul journal indépendant actuellement publié dans l'est du Congo est Les Coulisses. Le rédacteur en chef de ce journal est Nicaise Oka Kibelebele. Le journal a publié des articles qui critiquaient le RCD. Un de ces articles accusait les dirigeants du RCD d'acheter des terres de façon illégale. Au début de cette l'année, le bureau du procureur mit en œuvre une procédure d'enquête à l'encontre de Nicaise Oka Kibelebele pour, selon le Département de la Justice du RCD, vérifier les faits et s'assurer qu'il n'y avait pas diffamation. Selon un article publié par Nicaise Oka Kibelebele dans Les Coulisses, Joseph Mudumbi, chef du Département de l'Administration Territoriale, l'a convoqué à son bureau pendant la première semaine du mois de mars et l'a menacé car il avait publié un article critiquant son implication dans des affaires d'achat de terrain. 129

    En septembre 1999, le RCD a suspendu un autre journal indépendant, La Croissance Plus, après la publication d'un article dans l'édition du trente et un août 1999 qui critiquait "l'absence de démocratie" sous le régime du RCD.130

    Les forces de l'ordre ont arrêté Raphael Kinyongi en janvier 2000 et l'ont détenu à "Chien Méchant" pendant quarante-huit heures, apparemment après qu'il avait pris des photos d'enfants dans la rue. Monsieur Kinyongi travaille pour Junction, un journal spécialisé dans le monde des affaires; et expliqua qu'il voulait utiliser ces photos pour un article sur le chômage. Les forces de l'ordre l'accusèrent de prendre des photos pour montrer au monde extérieur que la population du Congo vivait dans la misère. Il a également été interrogé sur un article sur les Mai-Mai publié dans un autre numéro du journal.131

    Le RCD a également menacé des reporters de l'agence nationale d'information. Le Ministre de l'Information, Kinkei Molumba, contacte régulièrement des correspondants de la BBC et de Voice of America pour leur interdire de parler de certains événements ou pour les réprimander –et parfois les menacer– suite à la diffusion de certaines nouvelles. Au début du mois de février 2000, par exemple, Delion Kimbolumpo a contacté le bureau de VOA à Washington à propos d'une marche de protestation à Goma organisée par des femmes de soldats qui refusaient que leur mari soit envoyé au front. Molumba a appelé le bureau le lendemain de la diffusion de cette information par VOA et dit à Kimbolumpo qu'il risquait d'être puni. Celui-ci a décidé de quitter Goma temporairement. En février, Molumba interdisait aux reporters de parler de la grève générale qui avait paralysé Goma en février.

    Organisations de Femmes

    Les autorités du RCD ont cherché à perturber la marche contre la violence dont souffrent les femmes qui devait avoir lieu à l'occasion de la Journée Internationale de la Femme, le huit mars 1999. Les autorités avaient initialement autorisé la marche mais, quelques jours avant l'événement, le gouverneur du Sud-Kivu invitait les organisateurs à une réunion au cours de laquelle il leur demandait de préciser leur projet. Il affirmait que les tracts et les rumeurs indiquaient que les femmes préparaient une marche nue, une méthode traditionnelle de protestation extrême. Les femmes expliquèrent que ce n'était pas le cas et le gouverneur promit alors de leur donner un peu d'argent pour soutenir leur travail.132

    La veille de la marche, deux soldats se présentaient au domicile de l'une des organisatrices, Marie-Jeanne Mbachu, du Cadre de Concertation des Femmes Oeuvrant à la Base. Ils lui dirent que les forces de l'ordre la cherchaient parce qu'elle préparait une marche de femmes nues. Le lendemain matin, Journée Internationale de la Femme, des représentants du RCD annonçaient  à la radio que la marche était annulée. Les organisations de femmes renoncèrent au projet mais envoyèrent une lettre de protestation au gouverneur. En avril 1999, Madame Mbachu se vit interdire de quitter le pays pour un voyage professionnel. Elle fut accusée de détenir des documents séditieux et d'inciter les femmes à la révolte.133

    Les organisations de femmes du Kivu avaient elles décidé d'organiser une "Journée sans Femme", le huit mars 2000. Ce jour-là, les femmes devaient rester à la maison, pleurer leurs mari et sœurs morts et prier. Le premier mars, une des organisatrices, Zita Kavungirwa, du Réseau des Femmes pour la Défense des Droits et la Paix, fut convoquée à l'ANR. Elle fut interrogée et accusée de "préparer un génocide" avec l'activité prévue le lendemain. On lui dit également qu'elle et ses collègues seraient poursuivies en justice.134

    Le soir du sept mars 2000, Madame Mbachu était interviewée par Voice of America sur la "Journée sans Femme", interview diffusée le lendemain matin. Le huit mars, de nombreuses femmes restèrent chez elles ou se rendirent à l'église pour prier. Le neuf mars, lors d'une interview à la radio, le gouverneur accusait Marie-Jeanne Mbachu de mentir. Le même jour, à la demande de Radio France International, elle accordait une autre interview en réponse au gouverneur. Le lendemain, des officiels du RCD appelaient son employeur, la Coopération technique allemande (Gesellschaft fuer technische Zusammenarbeit, GTZ) et l'invitaient à participer à une réunion prévue pour le onze mars. Pendant cette rencontre, les autorités du RCD ordonnèrent à la GTZ de renvoyer Madame Mbachu, sous peine de se voir purement et simplement interdite de poursuivre son travail dans le pays. Dans une lettre adressée à Madame Mbachu et vue par les enquêteurs de Human Rights Watch, la GTZ l'informait qu'elle ne souhaitait plus avoir recours à ses services.135

    Églises

    Les officiers et soldats du RCD ont cherché à limiter l'influence du clergé et considéreraient les églises comme des centres de pouvoir rivaux de la société locale. Ils ont limité les déplacements de certains dirigeants des églises, tel que l'évêque anglican de Bukavu et le dirigeant à Bukavu de l'Église du Christ du Congo. Ils ont menacé certains prêtres et pasteurs et en ont interrogé d'autres à l'ANR et à d'autres endroits. Des hommes politiques, comme le gouverneur du Sud-Kivu et le Commandant Ondekane, ont accusé publiquement le clergé d'inciter à la haine raciale et de comploter avec le régime de Kabila et les groupes armés de l'opposition.

    Pour le RCD, le plus grand défi semble venir d'Emmanuel Kataliko, l'Archevêque Catholique Romain de Bukavu. Nommé Archevêque après l'assassinat de son prédécesseur, Monseigneur Kataliko aurait provoqué la colère du RCD pour la première fois en février 1999 lorsqu'il déclarait que les problèmes de sécurité dans l'est du Congo étaient provoqués par les conflits au Rwanda et qu'ils devaient être résolus dans ce pays. Sa lettre pastorale de la Noël 1999 faisait elle monter la colère du RCD d'un autre cran. Dans cette lettre, il déclarait:

    Les pouvoirs étrangers, en collaboration avec certains de nos frères congolais, organisent des guerres avec les ressources de notre pays. Ces ressources, qui devraient être utilisées pour le développement, l'éducation de nos enfants et pour guérir nos malades pour que nous puissions vivre humainement le plus rapidement possible, servent à nous tuer. De plus, notre pays et nous-mêmes sommes exploités. Tout ce qui a de la valeur a été pillé, mis à sac, emporté hors du pays ou simplement détruit.136

    Monseigneur Katalika était à Kinshasa pour préparer la conférence épiscopale annuelle lorsque la grève fut déclarée à Bukavu. A l'époque, un tract supposé provenir de la communauté banyamulenge circula à Bukavu, accusant l'Archevêque d'alimenter la haine contre les tutsi et de préparer un génocide.137  Le dix février, la BBC annonçait que Monseigneur Kataliko, bien que citoyen congolais, avait été déclaré persona non grata par le RCD. Des officiels du RCD, à Boma et Bukavu, démentirent cette information mais les forces de sécurité arrêtèrent cependant Monseigneur Kataliko à son arrivée à Goma, le douze février, alors qu'il se préparait à aller à Bukavu. Elles l'envoyèrent à Butembo, sa communauté d'origine, qui se trouve hors du contrôle du RCD-Goma. Le lendemain, le vice-président du RCD-Goma, Jean-Pierre Ondekane, déclarait lors d'une interview sur RTNC que Monseigneur Kataliko avait utilisé son message de Noël pour prêcher la haine raciale. Ondekane déclarait: "Nous l'avons renvoyé de Bukavu car nous devons protéger et garantir la sécurité de la population."138

    Les prêtres qui avaient soutenu l'archevêque furent menacés par les autorités du RCD. Les soldats allèrent chercher le Père Gyakira Bugandwa à Nyangezi car il avait lu le message de Noël de l'archevêque à l'Église. Après s'être caché pendant plusieurs jours, le prêtre se vit dans l'obligation de fuir. Pendant la grève de Bukavu, un officier rwandais, le Commandant Macumu, rechercha plusieurs prêtres qu'il accusait de prêcher la haine raciale et menaça d'expulser un prêtre italien du Congo.139

    Après le bannissement de Monseigneur Kataliko, l'Église catholique de Bukavo déclara une grève générale, ferma les écoles et bureaux de l'Église et suspendit les messes. L'Église du Christ au Congo, une église protestante, ferma également ses écoles afin de marquer son soutien, imitée en cela par l'Église Kimbanguiste. Les protestants ont souligné que des tracts accusaient également certains de leurs leaders d'inciter à la haine raciale.140 A la mi-mars, les églises étaient toujours en grève et la situation à Bukavu restait tendue.

    En 1999, dans la paroisse catholique de Mweso, à Masisi, le Père Paul Juakali présentait un sermon pascal intitulé "La République Démocratique du Congo : pourquoi une autre guerre ?", dans lequel il remettait en question les causes de la guerre et abordait les conséquences négatives qu'elle avait sur la population. Deux jours plus tard, sur la route entre Kalembe et Mweso, des soldats arrêtaient la camionnette dans laquelle voyageait le Père Juakali, le firent descendre en l'appelant par son nom et le tuèrent. Les autres passagers furent autorisés à poursuivre leur route. Les témoins ont déclaré que tous les soldats étaient hutus mais qu'ils ignoraient s'ils étaient du RCD ou d'un groupe armé d'opposition.141 Au moins cinq prêtres catholiques ont été tués dans le diocèse d'Uvira depuis le début de la guerre, la victime la plus récente étant Remis Pepe Kibuyu, tué le dix-neuf février 2000. Le prêtre de la paroisse de Kalonge au Sud-Kivu a également été tué le vingt-deux novembre 1999. En février, le Père Isidore Munyashungori, un professeur âgé, a été tué lors d'une attaque qui avait pour cible le réfectoire de la paroisse de Buhimba près de Goma.

    Considérées comme des centres de richesse relative dans un pays désespérément pauvre, les églises ont fréquemment été attaquées simplement parce qu'elles offrent des perspectives de butin important. Des soldats de l'APR ont attaqué la paroisse de Mugogo à Walungu vers onze heures du soir le deux janvier 2000. Ils ont réveillé trois prêtres qui étaient déjà couchés et leur ont demandé des dollars et d'autres biens. Ils ont forcé les prêtres à sortir pour aller rejoindre d'autres soldats et ont demandé à être conduits à la communauté de religieuses qui vivaient près de la paroisse. Lorsqu'un prêtre a dit qu'il n'y avait pas de religieuses, un soldat l'a frappé avec la crosse de son fusil. Quelques soldats sont allés dans le centre commercial situé non loin de là et ont forcé les résidents à les conduire au monastère. Ils ont forcé les portes, sont entrés et ont continué à voler. Certains soldats ont battu les prêtres pour avoir menti et ont parlé de les tuer mais sont partis sans se livrer à d'autres actes de violence. Selon les habitants de la région, les biens volés à l'église ont été emmenés à la base de Molume de l'APR/RCD.142

    Le même jour, les troupes du RCD et de l'APR ont attaqué la paroisse de Ciharamo à Kalehe. Un groupe de prêtres et de laïcs était réuni au presbytère vers 20h30 lorsque dix soldats sont entrés de force alors que d'autres montaient la garde dehors. Plusieurs soldats ont pillé le bâtiment alors que d'autres frappaient les hommes, principalement avec la crosse de leur fusil. L'un des prêtres eut le bras cassé. Un prêtre a reconnu un hutu rwandais parmi les soldats, un ancien réfugié qui faisait partie de l'APR. Un autre a reconnu un soldat congolais du RCD qui était auparavant à Nalungu.143

    Énormément d'églises, d'écoles religieuses et de centres médicaux ont été pillés depuis le début de la guerre. Plus de soixante écoles de la Communauté des Églises Libres de Pentecôte (CELPA) ont été pillées au Sud-Kivu, ainsi que plusieurs centres médicaux et bâtiments de l'église.144

    Accusations d'Incitation à la Haine Ethnique

    Le fait que des soldats de l'APR, principalement tutsi, collaborent activement avec le RCD dans l'est du Congo provoque chez la population des réactions d'hostilité de plus en plus fortes à l'encontre des rwandais et surtout des tutsi. Cette hostilité s'exprime également à l'encontre des banyamulenge, des congolais d'origine tutsi très proches de l'APR pendant la première guerre au Congo et les premiers moments de la seconde. Certains banyamulenge, aujourd'hui, souhaitent se distancer du RCD. Comme l'un d'eux l'a déclaré à Human Rights Watch:

    Pour nous, la communauté banyamulenge n'a jamais été dans le RCD. Il y a des individus banyamulenge qui sont dans le RCD, mais c'est le cas pour toutes les communautés… En ville, à Bukavu et Uvira, les banyamulenge sont contre le RCD.145

    L'hostilité croissante contre les tutsi et les banyamulenge est particulièrement inquiétante étant donné le précédent que représente le génocide des tutsi au Rwanda en 1994. Un pamphlet appelant à la grève générale de février signée par un certain "Commandant Mbayo" exigeait que la grève se poursuive jusqu'à ce que les "agresseurs rwando-ougando-burundais et tous leurs alliés nilotiques et blancs aient quitté le territoire congolais." L'idée selon laquelle les peuples tutsi ou proches des tutsi, comme les banyamulenge, soient de race "nilotique" ou "hamitique" et que les autres peuples, tels que les hutu rwandais ou les congolais, fassent eux partie d'une race "bantoue" différente était à la base du génocide qui fit un demi million de victimes au Rwanda. Cette vision bipolaire de la société est historiquement fausse mais considérée comme vraie par beaucoup, dans la région. L'introduction de cette opposition imaginaire entre des peuples "nilotiques" et "bantous" dans le conflit au Congo ne fait que renforcer et développer les différences existant entre les populations et complique la recherche d'une solution aux conflits d'intérêt qui les opposent.

    D'autres pamphlets ont circulé dans la région, appelant les populations locales à agir de manière discriminatoire à l'encontre des banyamulenge en leur imposant par exemple des prix plus élevés sur les marchés ou en refusant de partager les taxi-bus avec eux. Même si ces propositions ne sont pas appliquées par tous, elles le sont parfois et créent un climat particulièrement intimidant pour les banyamulenge.

    Certains racontent qu'ils ont vu un homme traîner un chien en laisse. Pendant qu'il le tuait ainsi à petit feu, l'homme chantait une chanson dans laquelle il disait vouloir réserver le même traitement aux tutsi. D'autres disent qu'un chien a été tiré par une voiture jusqu'à ce qu'il meure. Ces histoires indiquent l'existence d'une certaine hostilité contre les tutsi qui pourrait, si les circonstances changeaient, donner lieu à des massacres.

    Découvrir qui est à la base de ces appels à la haine envers les tutsi est extrêmement difficile. Le "Commandant Mbayo", qui serait un leader Mai-Mai, n'a pas été identifié et peut en fait ne pas exister sous la forme d'une personne physique.

    Les dizaines de représentants des églises, de militants des droits de l'homme, de journalistes et de dirigeants d'ONG que les enquêteurs de Human Rights Watch ont rencontrés dans la région ont tous exprimé leur engagement en faveur du principe de non-violence. Bien placés pour contrer les appels à la violence et pour parler au nom des droits des minorités, ces leaders pourraient à l'avenir jouer un rôle plus actif et contribuer à désamorcer les tensions ethniques.

    Accusations d'Incitation à la haine Ethnique portées par le RCD

    Les autorités du RCD accusent fréquemment les leaders de la société civile de fomenter la haine et la violence ethnique. Elles ajoutent souvent à cette première accusation celle d'être financé par Kabila. Pendant une réunion avec un enquêteur de Human Rights Watch, l'adjoint du Ministre des Affaires étrangères, Maître Ruberwa, a déclaré : "Kabila a réussi à detourner la mission des ONG." Il a également affirmé que certaines ONG de Bukavu s'étaient exprimées en faveur de l'amnistie des Interahamwe. Dans le mémorandum envoyé au Rapporteur spécial des Nations unies pour la République Démocratique du Congo, le Ministre de la Justice du RCD, Jean-Marie Emungu Ehumba, écrivait:

    Des ONG et même certains hommes d'église…font croire que les malheurs du Congo, c'est la présence des tutsi assimilés à la rébellion armée et aux alliés du RCD… C'est ainsi que certains milieux de la société civile du Sud-Kivu œuvrent pour la déstabilisation de la sous-région des grands lacs en pactisant directement ou en faisant relais entre les forces négatives, le gouvernement Kabila et certains bailleurs de fonds occidentaux.146

    Le RCD se sert d'accusations de ce type, vagues et sans fondement, pour affaiblir les leaders de la société civile et les discréditer aux yeux des observateurs internationaux. Si des preuves de tels actes existaient, le RCD devrait inculper les responsables et les poursuivre en justice.

    VI. La réponse internationale

    Le conflit en RDC constitue toujours la plus grave crise de sécurité du continent et a un impact négatif sur la situation humanitaire en Afrique centrale et australe.

    La crise en RDC démontre le besoin critique de justice et d'intégrité. Au vu du massacre des réfugiés hutu en RDC et de la peur et de la haine actuelles entre ceux que l'on identifie aux tutsi et aux hutu dans les provinces du Kivu de la RDC, la communauté internationale doit montrer que les génocides et les crimes contre l'humanité seront punis, quels que puissent être les coupables et quel que soit le lieu où ils ont été commis. Ne pas donner suite aux accusations portant sur de tels crimes dans une quelconque partie de cette région minerait l'effet dissuasif potentiel d'un jugement rendu par le Tribunal Penal International pour le Rwanda (TPIR). En créant une juridiction capable de poursuivre les crimes qui n'ont pas encore été commis ainsi que ceux du passé, la communauté internationale avertirait clairement les extrémistes en tout genre qui pourraient, dans le cas contraire, être tentés d'organiser des actes de violence ethnique pour perturber de possibles accords de paix.

    Communauté de développement de l'Afrique Australe

    La Zambie dirige la médiation du conflit en RDC au nom de la Communauté de développement de l'Afrique Australe (SADC) et de l'Organisation de l'unité africaine (OUA). Après avoir prolongé les négociations, le gouvernement et les rebelles, et leurs alliés étrangers respectifs, ont signé un accord de cessez-le-feu en juillet et en août 1999. Cet accord abordait la crise internationale au Congo et établissait les bases d'un dialogue national pour le gouvernement, les rebelles et l'opposition politique non-violente dans le but d'arriver à un accord pour un nouvel ordre politique dans le pays. Il traitait également des problèmes de sécurité au Rwanda, en Ouganda et en Angola en encourageant toutes les parties concernées à identifier et désarmer les membres des groupes armés de ces pays qui opéraient en RDC et à remettre les personnes suspectées de génocide aux procureurs internationaux. L'accord ne prend pas en compte les abus en cours commis par les rebelles du RCD et leurs partisans. Il ne reconnaît pas non plus ou ne prend pas en compte les plaintes des Mai-Mai. L'accord prévoit une Commission militaire commune (CMC) chargée du contrôle de son application et une force de maintien de la paix bénéficiant d'une forte participation des Nations unies pour sa mise en vigueur sur le terrain.

    Nations Unies

    Les Nations unies n'ont pas semblées disposées à jouer un rôle de rétablissement de la paix comme les médiateurs l'avaient initialement demandé. Jusqu'à la signature de l'accord de Lusaka, le Conseil de sécurité des Nations unies a réitéré à plusieurs reprises sa préoccupation vis-à-vis de la guerre en cours en RDC dans des résolutions et déclarations présidentielles mais n'a pas entrepris d'action concrète pour y mettre fin. Le conseil considérait que le conflit menaçait la paix, la stabilité et la sécurité régionales et en déplorait les conséquences humanitaires désastreuses. En dépit de tout cela, les Nations unies ont maintenu un profil bas dans les tentatives de restauration de la paix et dans la mission de maintien de celle-ci une fois une trêve signée entre les belligérants. Dans ses communiqués, le conseil a fortement soutenu le processus de médiation dirigé par la Zambie au nom de la SADC et de l'OUA.

    Le six août 1999, après la signature de l'accord de cessez-le-feu de Lusaka, le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité une résolution qui autorisait le déploiement d'un maximum de quatre-vingt-dix agents de liaison militaire des Nations unies pour une période de trois mois dans les capitales des états belligérants. Leur mandat consistait à établir des contacts avec la commission militaire commune des belligérants chargée de contrôler l'application de la trêve. Ce mandat limité reflétait la réticence des Nations unies à envisager une opération de rétablissement de la paix en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies et une certaine préférence pour une mission militaire d'observation. Cette approche prudente a encore prévalu pendant les délibérations intensives de la session spéciale du Conseil de sécurité des Nations unies sur la RDC du vingt-quatre au vingt-six janvier 2000. Cette session a jeté les bases de l'adoption de la résolution 1291 du Conseil de sécurité des Nations unies, le vingt-quatre février, prolongeant le mandat de la mission des Nations unies en RDC (MONUC) jusqu'au trente et un août, autorisant l'envoi de cinq cents observateurs militaires supplémentaires et de 5.537 hommes chargés de l'appui logistique. Le Conseil plaçait cette force sous les ordres d'une nouvelle structure commune établie avec la CMC et lui donnait un mandat limité relatif au Chapitre VII de la Charte, l'autorisant à entreprendre des actions pour protéger le personnel et l'infrastructure des Nations unies et de la CMC, et les civils menacés d'attaques imminentes.

    La Commission des droits de l'homme des Nations unies a poursuivi ses efforts pour influencer positivement l'évolution de la situation des droits de l'homme sur le terrain. Roberto Garreton, le rapporteur spécial des Nations unies pour la RDC, s'est rendu en RDC en février et en août 1999, sur invitation du gouvernement du Président Kabila. Il était interdit d'entrée depuis mars 1997 après avoir déclaré que les forces de Kabila, à l'époque leader rebelle, et leurs alliés de l'Armée Patriotique Rwandaise avaient participé au massacre de milliers de réfugiés hutu. Par la suite, le gouvernement avait systématiquement fait obstruction au travail de l'Équipe d'Enquête créée par le Secrétaire général des Nations unies pour contourner la mesure de bannissement du rapporteur spécial, ce qui avait entraîné la clôture prématurée de cette enquête. Le conflit entre la RDC et le Rwanda semblaient avoir disposé le gouvernement de la RDC à coopérer davantage. Le 28 août 1999, lors de la première réunion avec le rapporteur spécial, le Président Kabila avait consenti à ce que l'enquête se poursuive lorsque les conditions de sécurité le permettraient et avait promis que son pays coopérerait. Toutefois, malgré les mesures concrètes prises par le gouvernement au cours de cette année pour coopérer de nouveau avec les Nations unies et inviter les principales organisations internationales des droits de l'homme au dialogue, toutes ces promesses ne se sont pas traduites en améliorations tangibles de la situation des droits de l'homme.

    Les leaders de la principale faction rebelle, le RCD, ont reçu le rapporteur spécial à deux reprises et ce dernier a pu se rendre deux fois à Goma et une fois à Bukavu. Le rapporteur a obtenu l'accord des rebelles pour l'ouverture en août 1999 d'un bureau à Goma, sous le contrôle du Bureau Local du Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme à Kinshasa, dans le but de suivre et contrôler la situation des droits de l'homme dans la région. Ce bureau a été fermé pour des raisons de sécurité peu après son inauguration et devait être réouvert en avril 2000.

    Dans son rapport de septembre 1999 à l'Assemblée générale, le rapporteur spécial a dénoncé les représailles du RCD qui avait forcé cinq militants des droits de l'homme qu'il avait rencontrés lors de sa visite à fuir le pays. Après avoir présenté ses découvertes à la 56ème session de la Commission des droits de l'homme en mars 2000, le rapporteur a conclu en disant qu'un climat de terreur, d'humiliation et de rejet des personnes au pouvoir régnait dans les régions contrôlées par les rebelles et leurs alliés étrangers. Ces forces violent constamment le droit à la vie, a-t-il déclaré, et limitent également le droit à la liberté d'association, de rassemblement, d'expression et d'opinion. Le rapporteur a dénoncé l'application de la peine de mort par le gouvernement du Président Kabila et l'usage systématique de la torture, des "disparitions" forcées et des exécutions sommaires. En avril 2000, la Commission des droits de l'homme des Nations unies a renouvelé le mandat du rapporteur spécial pour la RDC pour une année supplémentaire.

    États-Unis

    Les États-Unis ont utilisé leur énergie pour soutenir le processus de paix de Lusaka. Le scepticisme persistant dans les cercles régionaux vis-à-vis d'une participation plus directe des USA aux efforts de médiation a été alimenté par l'idée que les USA soutenaient depuis trop longtemps et de façon inconditionnelle les leaders ougandais et rwandais. La réticence des USA à pousser les parties impliquées à poursuivre les coupables de crimes et à améliorer la situation des droits de l'homme s'est accrue lorsque la RDC a plongé dans le chaos. La paix et la sécurité régionales sont devenues les premières préoccupations de la diplomatie publique des USA. Les déclarations de soutien au processus de paix régional du Ministère américain des Affaires étrangères ne contenaient que de maigres références aux abus commis par les belligérants et à leur obligation de respecter les normes humanitaires et les normes internationales en matière de droits de l'homme. Même si les USA ont présenté des informations détaillées sur les abus en matière de droits de l'homme commis par le gouvernement de Kabila, ils ne parlent que très peu de ceux commis par les factions rebelles qui s'opposent au gouvernement.

    Les USA n'ont pas directement et explicitement tenu le Rwanda et l'Ouganda pour responsables des abus commis par leurs troupes ou par les forces des factions qu'ils soutiennent dans les régions placée sous leur contrôle respectif. Alors que les déclarations publiques de mars 2000 des USA reconnaissent le rôle du RCD et du Rwanda à l'est du Congo –celle du quinze mars, par exemple, émise par le Ministère américain des Affaires étrangères, invitait le RCD-Goma et le Gouvernement du Rwanda à faciliter le retour immédiat de l'archevêque à Bukavu–, il n'y a eu aucune dénonciation publique de la conduite des factions rebelles dirigées par le Professeur Wamba-dia-Wamba et le MLC de Jean-Pierre Bemba et ses alliés ougandais dans les régions qu'elles contrôlent dans les provinces du Nord-Kivu et d'Équateur. Cette disparité est également évidente dans les chapitres consacrés à l'Ouganda, le Rwanda et le Congo par le rapport annuel 1999 du Ministère américain des Affaires étrangères sur les pratiques nationales en matière de droits de l'homme.

    Ces derniers mois, de hauts fonctionnaires de l'administration sont intervenus publiquement en faveur de Lusaka. En février 2000, le Président Clinton a loué l'accord de cessez-le-feu de Lusaka en disant qu' "au-delà d'un cessez-le-feu, il s'agit du plan de construction de la paix. Il s'agit surtout d'une solution africaine à un problème africain." La Secrétaire d'État Madeleine Allbright, et particulièrement l'Ambassadeur américain aux Nations unies Richard Holbrooke, se sont également publiquement affirmés en faveur de Lusaka. L'Ambassadeur Holbrooke s'est rendu en Afrique en décembre 1999, principalement pour se concentrer sur le conflit au Congo. En janvier 2000, il a profité de la présidence des USA du Conseil de sécurité des Nations unies pour aborder les problèmes qui se posent en Afrique pendant ce que l'on a appelé "le mois de l'Afrique". Le Congo était une préoccupation principale qui a été débattue lors d'un sommet spécial qui a réuni sept chefs d'État et d'une session spéciale du Conseil de sécurité présidée par la Secrétaire d'État Madeleine Allbright. Cette activité a permis de donner l'élan nécessaire à la constitution d'une Mission d'observation des Nations unies en RDC (MONUC), le vingt-quatre février. Les USA défendaient une approche en trois étapes, chacune d'entre elles ayant pour objectif d'avancer concrètement vers la mise en vigueur de l'accord de Lusaka. Aucun soldat américain ne participerait à l'opération. Les USA fourniraient un million de dollars pour aider la Commission militaire commune et un autre million de dollars pour soutenir les efforts réalisés par le Président Masire afin de promouvoir le dialogue national au Congo.

    Le quinze février, devant le Sous-comité "Afrique" du Comité des Relations internationales, l'Ambassadeur Holbrooke a abordé l'intérêt national des USA pour la crise au Congo comme suit : "Les USA ont intérêt à maintenir la stabilité régionale et à éviter un autre génocide ou un massacre de masse en Afrique centrale. En particulier, l'ancienne armée Rwandaise (l'ex-FAR) et la milice Interahamwe, impliquées dans le génocide Rwandais de 1994, opèrent toujours dans la région et contribuent largement à l'instabilité. Plus de six États régionaux sont impliqués dans le conflit. La crise au Congo est potentiellement contagieuse: si on laisse le conflit s'envenimer, il sera encore plus difficile de réaliser les efforts nécessaires afin de résoudre les conflits et promouvoir la stabilité dans la région – en Angola, au Burundi, au Rwanda, en Ouganda et au Soudan." Il a également insisté sur la crise humanitaire qui menace le pays. Toutefois, Monsieur Holbrooke n'a pas parlé des autres acteurs responsables des crimes contre l'humanité à l'est du Congo et n'a pas expliqué comment les USA et la communauté internationale pourraient essayer de mettre fin au massacre des civils par toutes les parties impliquées.

    C'est pendant le mois de l'Afrique que les USA n'ont pas respecté leur silence habituel sur les abus commis à l'est. Le vingt-quatre janvier, Madeleine Allbright a fait remarquer au Conseil de sécurité: "Les terribles violations des droits fondamentaux de la personne humaine par toutes les parties impliquées constituent l'aspect le plus dérangeant de ce conflit. Récemment, des témoins crédibles nous ont même raconté que des femmes avaient été enterrées vivantes à l'est du Congo." Cette allusion aux massacres de Mwenge a littéralement provoqué un incident diplomatique et a montré à quel point l'effet puissant de la divulgation des abus par les USA pouvait être ressenti dans la région.

    Madeleine Allbright a poursuivi en disant : "Aucun grief passé, aucune allégeance politique et aucune différence ethnique n'excusent le meurtre, la torture, le viol ou les autres abus. Aujourd'hui, ici et ensemble, nous devons jurer de mettre fin à ces crimes et de faire comparaître les coupables en justice, dans le respect des règles de droit." Toutefois, ces propos lourds de sens ne se sont pas encore concrétisés et les USA ne soutiennent toujours pas l'élargissement de la compétence du Tribunal criminel international pour le Rwanda aux crimes contre l'humanité commis au Congo.

    Union européenne

    A condition que les parties belligérantes respectent leurs accords, l'UE s'est engagée dans plusieurs déclarations publiques à soutenir leur mise en vigueur, particulièrement en ce qui concerne le retour des civils déplacés, les efforts de réconciliation nationale en RDC et le soutien aux plans de réhabilitation du pays. Néanmoins, l'UE n'a pas insisté sur le besoin de justice et d'intégrité pour mettre fins aux abus commis par les parties en conflit.

    En juin 1999, la Commission européenne a envoyé une communication au Conseil des Ministres et au Parlement de l'UE relatif à la coopération économique de l'Union avec les pays en guerre en RDC. Ce rapport visait à éviter tout usage à des fins militaires des fonds de développement fournis par l'UE. En juin également, une déclaration présidentielle s'inquiétait du flux continu d'armes et de matériel militaire en direction des Grands Lacs et des régions d'Afrique centrale. Cette déclaration demandait aux états membres d'adhérer strictement au Code de conduite de l'UE sur les exportations d'armes et rappelait qu'en vertu du code de l'UE, les pays se refusaient à exporter des armes lorsque ceci pouvait "aggraver les tensions ou conflits armés en cours dans le pays de destination finale" ou risquait de contribuer aux violations des droits de l'homme.

    Le premier sommet afro-européen s'est tenu en avril 2000 sous l'égide de l'OUA et de l'UE. Comme prévu, le sommet s'est avéré long d'un point de vue rhétorique et pauvre en actions concrètes. Bien que le sommet n'ait pas abordé la Crise au Congo per se, une déclaration parlait d'une "profonde préoccupation vis-à-vis des violations massives des droits de l'homme et du droit humanitaire et, en particulier, des phénomènes de racisme, de génocide et de purification ethnique. Nous condamnons de tels actes et nous nous engageons à coopérer avec les associations appropriées établies afin de poursuivre et de juger les coupables." En d'autres termes, cela signifie que les institutions existantes peuvent tenir pour responsables ceux qui violent les droits de l'homme et le droit humanitaire, ce qui n'est clairement pas le cas au Congo. Le plan d'action du Caire "encourage les États à mettre en vigueur le droit humanitaire international dans sa totalité, en particulier en adoptant des lois nationales visant à résoudre le problème de la culture de l'impunité et en poursuivant en justice les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide, en garantissant l'intégration pleine et entière du droit humanitaire international dans les programmes de formation et les procédures opérationnelles des forces armées et de police et en garantissant, lors de conflits armés, que des organisations humanitaires impartiales puissent atteindre rapidement la population civile en toute sécurité et sans entrave." Bien qu'il s'agisse là d'un appel lancé aux États pour qu'ils agissent afin de mettre fin à l'impunité, il restera lettre morte si l'UE et ses États membres n'intègrent pas ces plans dans les politiques qu'ils adoptent vis-à-vis de pays en conflit, notamment ceux impliqués dans la crise du Congo.


    ACKNOWLEDGMENTS

    Ce rapport, basé sur des faits recueillis lors d'une mission réalisée en mars 2000 en République Démocratique du Congo, a été rédigé par Timothy Longman, consultant auprès de la Division Afrique de Human Rights Watch. Le texte a été édité par Alison DesForges, consultante auprès de la Division Afrique de Human Rights Watch, Suliman Baldo, chercheur principal à la Division Afrique, Janet Fleischman, directrice à Washington de la Division Afrique, Peter Takirambudde, directeur exécutif de la Division Afrique, Michael McClintock, vice-directeur des programmes, et Wilder Taylor, avocate principale. Le travail d'aide à la production a été réalisé par Zachary Freeman, assistant auprès de la Division Afrique, Patrick Minges, directeur des publications, et Fitzroy Hepkins, responsable du courrier.

    L'équipe de direction de Human Rights Watch se compose, entre autres membres, de Kenneth Roth, directeur exécutif; Michele Alexander, directeur du développement; Reed Brody, directeur en charge des activités de défense et de promotion des droits de l'homme; Carroll Bogert, directrice de la communication; Cynthia Brown, directrice des programmes; Barbara Guglielmo, directrice administrative et financière; Jeri Laber, conseiller spécial; Lotte Leicht, directrice du Bureau de Bruxelles; Patrick Minges, directeur des publications; Susan Osnos, directrice associée; Jemera Rone, avocate; Wilder Tayler, avocate principale; et Joanna Weschler, représentante auprès des Nations Unies. Jonathan Fanton préside le conseil d'administration. Robert L. Bernstein est le président fondateur.

    La Division Afrique de Human Rights Watch a été établie en 1980 dans le but d'assurer le suivi et de promouvoir l'observation en Afrique subsaharienne des droits de l'homme universellement reconnus. L'équipe de la Division Afrique se compose, entre autres membres, de Peter Takirambudde, directeur exécutif; Janet Fleischman, directrice à Washington; Suliman Ali Baldo, Bronwen Manby, Binaifer Nowrojee, et Alex Vines, chercheurs principaux; Zachary Freeman et Tamar Satnet, assistants;  Alison DesForges, consultante.



    1 Sauf indication contraire, le terme RCD doit dans ce rapport être compris comme faisant référence au RCD-Goma.

    2 Conventions de Genève du 12 août 1949. La RDC a signé et ratifié les Conventions de Genève et le protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 8 juin 1977. Le Rwanda et le Burundi ont signé et ratifié les Conventions de Genève ainsi que le Protocole I et le Protocole II additionnels aux Conventions de Genève (Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, 8 juin 1977).

    3 Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 8 juin 1977; Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (protocole II), 8 juin 1977. Bien que la RDC n'ait pas encore ratifié le Protocole II, celui-ci guide les signataires en matière de protection des civils et beaucoup de ses dispositions sont considérées comme faisant partie intégrante du droit coutumier.

    4 Des organisations congolaises de défense des droits de l'homme ont fourni à Human Rights Watch les preuves de nombreuses attaques ayant eu lieu à Masisi, Walikale, Bunyakiri, Kalehe, Katana, Mwenga, Fizi et Uvira. Les risques encourus par la publication de telles preuves étant énormes, beaucoup de ces organisations –mais pas toutes– se refusent à le faire. Voir Héritiers de la Justice, "Situation des droits de l'homme en République Démocratique du Congo (RDC), cas du Sud-Kivu, Rapport du 2ème semestre 1999," Bukavu, 12 janvier 2000 et Cojeski, La Voix de la Jeunesse, no. 18, 28 février 2000.

    5 La Garde Présidentielle est une des compagnie d'élite de l'ancienne armée rwandaise. Elle a initié et organisé le génocide.

    6 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    7 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    8 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu et Bukavu, 16 mars 2000.

    9 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 9 et 10 mars 2000.

    10 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    11 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    12 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    13 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    14 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    15 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    16 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    17 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 9 et 10 mars 2000.

    18 Trois organisations locales des droits de l'homme disposent d'informations relatives à cette attaque. L'une d'elles a compté un total de 28 victimes, une autre arrive à vingt-trois morts. Leurs listes de victimes sont presque identiques.

    19 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000, et informations fournies par des organisations de défense des droits de l'homme de Goma et Masisi. Quatre rapports différents mentionnent l'attaque d'août 1999. L'une des organisations parle de 25 morts, une autre de 27, la troisième de 28 et la dernière de 15. Les listes sont partiellement identiques.

    20 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    21 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    22 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    23 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000. Une organisation locale de défense des droits de l'homme a confirmé cette information.

    24 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    25 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    26 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    27 Interview réalisée par Human Rights Watch, 9 mars 2000. Deux organisations locales de défense des droits de l'homme, l'une de Goma, l'autre de Bukavu, confirment ces informations et disposent de listes de noms similaires à celles fournies pour Ngenge, Kangati et Kaliki.

    28 Interview réalisée par Human Rights Watch, 9 mars 2000. Deux organisations locales de défense des droits de l'homme, l'une de Goma, l'autre de Bukavu, confirment ces informations et disposent de listes de noms similaires à celles fournies pour Ngenge, Kangati et Kaliki.

    29 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.

    30 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.

    31 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.

    32 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.

    33 Selon des témoins de Kalonge rencontrés par Human Rights Watch, 38 hommes participaient au programme d'autodéfense, répartis en trois groupes.

    34 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bukavu, 13-16 mars 2000; Kavumu, 16 mars 2000.

    35 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 16 mars 2000.

    36 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.

    37 Interview réalisée par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.

    38 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.

    39 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bukavu, 13 et 16 mars 2000; Kavumu, 16 mars 2000; informations de trois organisations de défense des droits de l'homme de Bukavu.

    40 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.

    41 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.

    42 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.

    43 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.

    44 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.

    45 Que ce soit dans le cadre d'un conflit interne ou international, le viol et les autres formes de violence sexuelle constituent des violations graves du droit humanitaire international.

    46 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000, et autres interviews à Bukavu et Goma.

    47 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 12 mars 2000.

    48 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 14 mars 2000.

    49 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 14 mars 2000.

    50 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 12 mars 2000.

    51 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    52 Interview réalisée par Human Rights Watch, 16 mars 2000.

    53 Interview réalisée par Human Rights Watch, 16 mars 2000.

    54 Interview réalisée par Human Rights Watch, 16 mars 2000.

    55 Héritiers de la Justice, "Situation des droits de l'homme en République Démocratique du Congo (RCD) cas du Sud-Kivu, Rapport du 2ème semestre 1999," Bukavu, 12 janvier 2000, pp. 6-7, et autres rapports non-publiés, par d'autres organisations de défense des droits de l'homme.

    56 Ibidem. Voir également Héritiers de la Justice, Nota Bene, nos. 47 et 50, Bukavu: 15 décembre 1999 et 5 février 2000. Une autre organisation de défense des droits de l'homme de Bukavu signale que le 15 décembre 1999, Kasereka envoya dix-sept soldats de Mwenga à Kitamba, dans le groupement Basile de Mwenga, où ils arrêtèrent et enterrèrent vivantes quatre femmes.

    57 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.

    58 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 14 mars 2000.

    59 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 7 et 17 mars 2000.

    60 Interview réalisée par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.

    61 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bukavu, 12 et 16 mars 2000; Kavumu, 16 mars 2000; informations de trois organisations de défense des droits de l'homme de Bukavu.

    62 Interview réalisée par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000.

    63 Human Rights Watch, Bukavu, 14 mars 2000.

    64 Cité dans "Des milliers de personnes fuient les combats au Congo," New Vision (Kampala), 17 mars 2000.

    65 IRIN, "République Démocratique du Congo: les déplacements massifs de populations se poursuivent au Sud-Kivu," Nairobi, 9 février 2000. Voir également IRIN, " République Démocratique du Congo: les villageois fuient les attaques des Interahamwe," Nairobi, 3 mars 2000.

    66 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kavumu, 16 mars 2000. Selon des témoins, le nombre réel de déplacés est beaucoup plus élevé, de nombreuses personnes ayant peur de s'enregistrer.

    67 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    68 "Des milliers de personnes fuient les combats au Congo"

    69 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma et Bukavu, mars 2000.

    70 Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.

    71 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.

    72 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.

    73 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bureau II, Goma, 9 mars 2000.

    74 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma et Bukavu, 9, 12 et 15 mars 2000.

    75 Human Rights Watch, "Rwanda: Recherche de la Sécurité et Violations des Droits de l'Homme," Avril 2000.

    76 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, mars15, 2000.

    77 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    78 Un militant des droits de l'homme a déclaré à des enquêteurs de Human Rights Watch qu'il avait vu des soldats transférer des prisonniers hors de Bureau II ce matin-là.

    79 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, mars15, 2000.

    80 Interview d'une ONG de Bukavu réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 16 mars 2000

    81 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bukavu, mars2000.

    82 Interview réalisée par Human Rights Watch, 16 mars 2000.

    83 Interview réalisée par Human Rights Watch, Prison Centrale de Goma, 8 mars 2000.

    84 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 9 et 17 mars 2000. L'une de ces personnes porte des cicatrices sur les bras et le dos, semblant être dues au coups reçus.

    85 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars 2000. Le témoin porte des marques des brûlures sur les jambes.

    86 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    87 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.

    88 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.

    89 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 18 mars 2000.

    90 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma et Bukavu, mars 2000.

    91 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.

    92 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.

    93 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.

    94 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Bukavu, 13 et 15 mars 2000.

    95 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 14 mars 2000.

    96 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.

    97 Lettre de Theodore Ruganzu, Vice Administrateur, Direction Générale des Migrations, 1 décembre 1998; Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.

    98 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars 2000.

    99 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    100 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars 2000.

    101 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars 2000.

    102 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.

    103 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars 2000; Bukavu, 15 mars 2000.

    104 Message électronique reçu par Human Rights Watch, 27 avril 2000.

    105 Lettre du maire de Goma, F.X. Nzabara Masetsa, au président de la Société Civile du Nord-Kivu, 7 Septembre 1999 ( "... de telles rencontres politiques que vous compter entamer ce 8 septembre 1999... sont strictement interdites...").

    106 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    107 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.

    108 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.

    109 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 9 mars 2000.

    110 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    111 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    112 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.

    113 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.

    114 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000. Ceci a été confirmé par des conversations avec plusieurs autres militants.

    115 Héritiers de la Justice, Nota Bene, no. 47, Bukavu: 15 décembre 1999.

    116 Mémoires en réponse a la copie préliminaire du rapport E/CN/2000/42 de Monsieur Roberto Garreton, Rapporteur Spécial des Nations unies pour les Droits de l'Homme en République Démocratique du Congo, 2 Mars 2000. ("L'enquête préliminaire menée auprès des rédacteurs de cet article révèle que personne n'a vu les militaires enterrer les personnes vivantes, c'est seulement des informations, disent-ils, qu'ils auraient reçues de personnes en deuil. Les informateurs ne sont pas en mesure de donner l'identité des dénonciateurs ou des colporteurs des ces rumeurs... Le colportage des faux bruits de nature à alarmer inutilement l'opinion publique est une infraction prévue et punie par la loi pénale congolaise.").

    117 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Goma, 7 et 17 mars 2000.

    118 Interview réalisée par Human Rights Watch, 11 mars 2000.

    119 Interview réalisée par Human Rights Watch, 11 mars 2000.

    120 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bujumbura, 15 mars 2000.

    121 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.

    122 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.

    123 "Maendeleo" signifie "développement" en Swahili.

    124 Procès-Verbal de saisie conservatoire du matériel d'émission de Radio Maendeleo par le Commandement de la 6e brigade de Bukavu, July 21, 1999. Décision n. 4 /DIPAC/RCD/99 portant suspension de la licence d'exploitation de la Radio Maendeleo/Bukavu, 30 juillet 1999; Décision N. 4/DIPAC/RCD/99 portant suspension de la licence de l'exploitation de la radio Maendeleo/Bukavu, signée par Lambert Mende Omalanga, Chef du Département de l'Information, Presse et Affaires Culturelles, 30 juillet 1999.

    125 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000. Voir également Héritiers de la Justice, "Situation des droits de l'homme," pp. 11-12.

    126 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000. Voir également Héritiers de la Justice, "Situation des droits de l'homme," pp. 11-12.

    127 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.

    128 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    129 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.

    130 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 10 mars 2000.

    131 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000.

    132 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.

    133 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 mars 2000.

    134 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 et 16 mars 2000.

    135 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 15 et 16 mars 2000.

    136 Mgr. Kataliko Emmanuel, "Consolez, consolez mon peuple" (Is 40,1) "L'espérance ne trompe jamais" (Rm 5,5): Message de Noël 1999 aux Fidèles de Bukavu, Bukavu, 24 décembre 1999.

    137 "Réaction de la Communauté Banyamulenge au sujet de la situation qui prévaut dans la ville de Bukavu," Bukavu, 3 février 2000.

    138 Archevêché de Bukavu, "Relégation de Mgr. Kataliko: Dossier Chronologique," 29 février 2000, et interviews réalisées à Bukavu, 13 mars 2000.

    139 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.

    140 Interviews réalisées à Bukavu, 12 et 13 mars 2000. Voir également Église du Christ au Congo, "Position de l'Église du Christ au Congo/Sud-Kivu face à la situation qui Prévaut dans la Ville de Bukavu et ses Environs," Bukavu, février 2000.

    141 Interview réalisée par Human Rights Watch, Goma, 8 mars 2000.

    142 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 12 mars 2000.

    143 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 13 mars 2000.

    144 Interview réalisée par Human Rights Watch, Bukavu, 14 mars 2000.

    145 Interview réalisée par Human Rights Watch, 14 mars 2000.

    146 Mémoire en réponse a la copie préliminaire du rapport E/CN/2000/42 de Monsieur Roberto Garreton, Rapporteur Spécial des Nations unies pour les Droits de l'Homme en République Démocratique du Congo, 2 Mars 2000. ("Des ONG et même certains hommes d'église... font croire que les malheurs du Congo, c'est la présence des tutsi assimiles a la rébellion armée et aux allies du RCD ...C'est ainsi que certains milieux de la société civile du Sud-Kivu œuvrent pour la déstabilisation de la sous région des grands lacs en pactisant directement ou en faisant relais entre les forces négatives, le gouvernement Kabila et certains bailleurs de fonds occidentaux.")