Africa - West

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    II. RÉSUMÉ

Pendant plus de vingt années de guerre et sous le régime répressif des Talibans, les femmes ont subi une atteinte catatrophique à leurs droits humains. Aujourd'hui, alors que les femmes font face à de nouveaux périls liés à l'intensification du conflit, après les attaques du 11 septembre contre les Etats Unis, la communauté internationale doit s'engager fermement en faveur du soutien des droits humains des femmes, quel que soit l'accord qui verrait le jour, à l'issue du conflit. L'impunité qui a caractérisé la guerre civile en Afghanistan ne doit pas marquer de nouveau la reconstruction et le développement une fois le conflit terminé.

Au cours de la guerre civile en Afghanistan, les principales factions armées - essentiellement les talibans et le Front National Uni Islamique pour le Salut de l'Afghanistan (communément appelé Front Uni ou selon son nom précédent, Alliance du Nord), une coalition de partis principalement tadjik, ouzbèke et de l'ethnie hazara - ont de façon répétée commis de graves abus contre le droit humanitaire international et contre les droits humains. Les femmes ont payé un lourd tribut à cette violence et à cette discrimination. Pendant la guerre civile, les femmes ont souffert d'atteintes aux droits humains, commises de façon massive, systématique et acharnée. Ces agressions ont affecté tous les aspects de leurs vies. Au cours du conflit armé, les forces des talibans et les forces maintenant regroupées dans le Front Uni ont sexuellement agressé, enlevé et contraint des femmes au mariage. Les femmes ont été prises pour cibles sur la base de leur sexe et de leur appartenance ethnique. Des milliers de femmes ont été physiquement agressées et ont vu leur droit à la liberté et leurs libertés fondamentales sévèrement restreints. De plus, les talibans ont cherché à gommer les femmes de la vie publique. Ils ont interdit aux femmes de travailler dans la plupart des secteurs ; ils ont empêché l'accès des filles à l'enseignement au-delà du primaire ; ils ont défendu aux femmes de sortir publiquement sans être accompagnées d'un parent proche de sexe masculin (mahram) et d'apparaître en public sans porter un vêtement les couvrant complètement de la tête aux pieds (chadari). Ces restrictions portent atteinte à la dignité humaine des femmes et menacent leur droit même à la vie.

Le Ministère pour la Promotion de la Vertu et la Prévention du Vice (al-Amr bi al-Ma'ruf wa al-Nahi `an al-Munkir, ci-après Police Religieuse), copié sur un ministère du même nom en Arabie Saoudite, a appliqué sans état d'âme les restrictions imposées aux femmes par les talibans, recourant pour cela aux coups, arbitraires et humiliants, administrés en public ou à la menace de coups donnés en public. La Police Religieuse a battu des femmes parce qu'elles portaient des chaussettes pas assez sombres, découvraient leurs poignets, leurs mains ou leurs chevilles ou n'étaient pas accompagnées par un parent proche de sexe masculin, mais aussi pour avoir dispensé un enseignement à domicile à des filles, travaillé ou mendié.

Après avoir souffert de violences et de discriminations durant la guerre civile en Afghanistan, les femmes vont être tout particulièrement touchées par l'intervention dirigée par les Etats-Unis dans leur pays. De nombreuses femmes qui n'ont pas de parents proches de sexe masculin pour les accompagner vont avoir des difficultés à fuir le pays. Pour une femme vêtue d'un chadari, tout mouvement de fuite devient lent et malaisé. Les femmes qui ne pourront partir riquent d'être exposées à des représailles et des mauvais traitements, dont des agressions sexuelles, de la part des factions impliquées dans la guerre. Les organisations non-gouvernementales (ONG) estiment que dans Kaboul seul, on dénombre 40.000 veuves. Avec très peu d'occasions de travailler et avec leurs fils ou d'autres proches de sexe masculin susceptibles d'être enrôlés par les talibans, ces femmes sont probablement dans la situation la plus précaire qui soit et sont parmi les personnes qui auront le moins de chances d'échapper au conflit.

Tout au long de la guerre civile en Afghanistan, toutes les parties au conflit ont ouvertement commis, en toute impunité, des violations incontestables du droit humanitaire, des droits humains et des droits des femmes. Le risque, désormais, serait que la communauté internationale fasse pression en faveur d'une solution politique qui répondrait peut-être à court terme aux exigences politiques et de sécurité, mais ne se soucierait guère de rechercher les responsables des très nombreuses atteintes aux droits humains subies par les citoyens d'Afghanistan en général et par les femmes afghanes en particulier. La protection des droits des femmes pendant l'attaque dirigée par les Etats-Unis en Afghanistan aura été la grande absente du débat, même si Human Rights Watch et d'autres organisations de défense des droits humains ont recueilli des informations sur des cas où, dans le passé, tant les talibans que les forces du Front Uni se sont vengés sur des civils dans des régions qu'ils avaient reconquises. Historiquement, lorsque les talibans se sont sentis menacés, ils ont accru la persécution des femmes et des groupes qu'ils percevaient comme hostiles à leur régime.

Sur la base d'entretiens avec des réfugiés au Pakistan conduits peu de temps avant les attaques du 11 septembre contre les Etats Unis, ce rapport se concentre sur les atteintes aux droits humains commises contre les femmes en Afghanistan. Cependant, au fur et à mesure que la situation se dégrade en Afghanistan et que les femmes cherchent à échapper au conflit armé, la communauté internationale - et en particulier les agences des Nations Unies telles que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) - va devoir de façon pressante répondre aux besoins des réfugiés afghans et des personnes déplacées à l'intérieur du pays. Les femmes qui vivent dans les camps au Pakistan ont exprimé à Human Rights Watch leurs craintes que, même au Pakistan leur pays d'accueil, des sympathisants des talibans ne viennent progressivement infiltrer les camps de réfugiés et menacer les droits humains des femmes.

Toute solution politique ou militaire à la situation en Afghanistan doit inclure un engagement clair de la part de la communauté internationale en faveur de la promotion et de la protection des droits humains des femmes et de leurs libertés fondamentales. La communauté internationale doit faire valoir la fin de l'impunité, la recherche des responsabilités dans les abus commis contre les droits humains des femmes lors de la guerre civile et dans toute violation qui se produirait durant la guerre contre le terrorisme que dirigent les Etats-Unis. La communauté internationale doit également insister sur le respect total et la protection des droits humains des femmes comme étant partie intégrante de toute reconstruction et de tout développement, à l'issue du conflit.

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