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Le président, le ministre de la justice ainsi que les autres hauts responsables du gouvernement devraient affirmer publiquement et sans équivoque que la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont inacceptables, tant en France quailleurs, et que les informations obtenues sous la torture et au moyen de mauvais traitements interdits ne peuvent être utilisées à aucun stade des enquêtes et procédures judiciaires en France.
Association de malfaiteurs
Introduire les amendements nécessaires dans le Code pénal afin de veiller à ce que le délit dassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste réponde aux exigences de précision juridique prévues dans le droit international des droits humains. La réforme devrait tout particulièrement viser à :
- Fournir une liste non exhaustive des types de comportement susceptibles dentraîner une sanction pénale ; et
- Énoncer clairement que lintention de participer à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste doit être pleinement démontrée au-delà de tout doute raisonnable.
Le droit à un procès équitable
Entamer des réformes législatives dans le Code de procédure pénale et adopter des lignes directrices générales visant à garantir le respect de toutes les normes relatives au procès équitable aux termes de la Convention européenne des Droits de lHomme. Ces réformes devraient tout particulièrement :
Prévenir les arrestations injustifiées
- Interdire la pratique de larrestation, sauf lorsquil existe une cause plausible, des personnes autres que celles qui sont déjà identifiées comme des suspects dans le cadre dune enquête judiciaire ;
- Interdire la pratique de larrestation des partenaires des personnes soupçonnées de terrorisme, sauf lorsquelles sont elles-mêmes soupçonnées dactivités illégales.
Garantir le droit à une défense effective
Pendant la période de garde à vue. Toute personne placée en garde à vue devrait avoir le droit de :
○ Voir un avocat dès le début de la garde à vue et pendant toute la période de garde à vue ;
○ Sentretenir en privé avec un avocat pendant le temps qui savère nécessaire ;
○ Nêtre interrogée par la police quen présence dun avocat ;
Prévenir la détention provisoire prolongée injustifiée
- Renforcer le rôle et lindépendance des juges des libertés et de la détention (JLD) :
- En adoptant des lignes directrices visant à interdire et sanctionner les pressions exercées par les procureurs et juges dinstruction sur les juges des libertés et de la détention ;
- En veillant à ce que les décisions concernant le placement en détention provisoire et la prolongation de cette détention soient pleinement motivées, tenant compte des informations relatives à lintéressé et des critères établis dans le droit français ;
- En veillant à ce que ce soit toujours le même JLD qui soit chargé du dossier dun accusé déterminé afin quil examine chaque décision relative à la prolongation de la détention et aux appels concernant la mise en liberté provisoire ;
- En assurant la formation continue des JLD afin de garantir quils soient pleinement conscients de leurs responsabilités et prérogatives, notamment de lobligation qui leur incombe détudier le fond du dossier ainsi que de la possibilité qui leur est donnée de reporter la première audience afin de mieux étudier le dossier ;
- En réexaminant les propositions visant à séparer clairement le corps des procureurs de celui des juges, notamment des JLD, en instituant une formation juridique distincte.
- Exiger la présence dun avocat lors de laudience portant sur la prolongation de la détention. Ces audiences ne devraient pas avoir lieu sans que laccusé puisse bénéficier des conseils dun avocat, hormis dans les cas où laccusé a choisi de se représenter lui-même.
Torture et mauvais traitements
Le Ministère de la Justice devrait être le premier à proposer des réformes législatives visant à permettre à la France de se conformer pleinement aux obligations internationales qui lui incombent aux termes de la Convention contre la torture :
Garantir que des éléments de preuve obtenus sous la torture ne seront pas utilisés dans le cadre dune procédure judiciaire
- Établir des lignes directrices à lintention des juges dinstruction afin quils évaluent si les informations des services de renseignement ont été obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements interdits. Les juges dinstruction doivent avoir la conviction que les informations versées au dossier de quelque façon que ce soit et à tout stade des procédures judiciaires ont été obtenues légalement ;
- Étudier la possibilité de créer des mécanismes de supervision supplémentaires afin de sassurer que ces évaluations du respect des droits humains ont effectivement lieu, notamment en obligeant concrètement la chambre de linstruction à évaluer en toute indépendance les informations obtenues de pays tiers.
- Veiller à ce que les avocats de la défense soient protégés contre toute action disciplinaire sils expriment des inquiétudes quant à lutilisation, dans le cadre de procédures judiciaires, de preuves obtenues sous la torture.
Garantir des protections appropriées contre les mauvais traitements en garde à vue
Le Code de procédure pénale devrait être réformé de façon à :
- Prévoir le droit, pour chaque détenu, de demander à être examiné par un médecin de son choix, en plus de lexamen du médecin désigné par la justice et en présence de ce dernier sil y a lieu, conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) ;
- Veiller à ce que chaque détenu soit examiné par un médecin légiste dès son arrivée. À ce stade, le détenu devrait avoir le droit de demander à être examiné également par un médecin de son choix ;
- Étendre lobligation de procéder à des enregistrements audiovisuels des interrogatoires de police et des comparutions devant les juges dinstruction à toutes les affaires, y compris de terrorisme ;
- Imposer aux juges dinstruction lobligation dordonner des enquêtes officielles sur toute allégation de mauvais traitements en garde à vue.
Donner la priorité aux visites spontanées, non annoncées, sur les lieux de détention de la police, notamment ceux où sont détenues des personnes soupçonnées de terrorisme, afin de contrôler les conditions et de sentretenir en privé avec les détenus au sujet de la façon dont ils sont traités ;
Rendre public tout cas de refus daccès basé sur des motifs de sécurité en vue de limiter ces cas ;
Préconiser les réformes législatives et de politique générale nécessaires pour améliorer les protections contre les mauvais traitements interdits pendant la garde à vue.
À la Délégation parlementaire au renseignement
- Examiner les arrangements passés entre les agences de sécurité nationale françaises et étrangères en matière de partage des informations afin dévaluer si des contrôles appropriés existent au niveau de lacceptation des renseignements émanant de pays présentant un bilan discutable sur le plan des droits humains.
- Sil y a lieu, les États membres devraient revoir leur législation à la lumière des préoccupations soulevées dans le présent rapport afin de veiller à ce que la définition, la portée et lapplication quils donnent à linfraction dassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste soient conformes aux normes internationales en matière de procès équitable.
- La Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen devrait envisager délaborer un rapport analysant la législation et les pratiques des États membres à la lumière des préoccupations soulevées dans le présent rapport, tout particulièrement en ce qui concerne :
- la définition, la portée et lapplication de linfraction dassociation de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes ;
- les protections appropriées existant dans le cadre de la coopération entre les agences de sécurité nationale afin de veiller à ce que les informations obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements ou autres conditions ne répondant pas aux normes internationales des droits humains ne soient pas utilisées comme éléments de preuve dans le cadre des procédures judiciaires, notamment au stade de linstruction.
- Le Commissaire aux droits de lhomme devrait procéder à une évaluation (sous la forme dun « point de vue » ou sous une autre forme) de la définition, de la portée et de lapplication appropriées de linfraction dassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
- Le Commissaire devrait aborder avec le gouvernement français les préoccupations détaillées dans le présent rapport, notamment la définition, la portée et lapplication de linfraction dassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, les protections insuffisantes en garde à vue ainsi que lutilisation, dans le cadre de procédures judiciaires, dinformations obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements ou autres conditions non conformes aux obligations de la France en matière de droits humains.
- Le Comité pour la prévention de la torture devrait sinformer, lors de sa prochaine visite en France, des mesures prises pour sassurer que les informations obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements ne soient jamais recevables dans les procédures judiciaires, notamment au cours de linstruction (sauf comme éléments de preuve dans le cadre de procédures visant à établir que des actes de torture ou dautres mauvais traitements interdits ont été perpétrés).
- La Commission des questions juridiques et des droits de lhomme de lAssemblée parlementaire devrait envisager de procéder à une analyse de la législation et des pratiques existant dans toute la zone du Conseil de lEurope à la lumière des préoccupations soulevées dans le présent rapport, tout particulièrement en ce qui concerne :
- la définition, la portée et lapplication de linfraction dassociation de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes ;
- les protections appropriées existant dans le cadre de la coopération entre les agences de sécurité nationale afin de veiller à ce que les informations obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements ou autres conditions ne répondant pas aux normes internationales des droits humains ne soient pas utilisées comme éléments de preuve dans le cadre des procédures judiciaires.
- Les rapporteurs spéciaux sur la torture et sur les droits de lhomme dans la lutte antiterroriste devraient effectuer des visites en France afin denquêter sur la conformité des mesures antiterroristes françaises avec le droit international des droits humains, en mettant particulièrement laccent sur les allégations de brutalités en garde à vue, sur les facteurs institutionnels et législatifs qui contribuent à ces pratiques et sur lutilisation de preuves obtenues sous la torture dans le cadre de procédures judiciaires.
- Le Comité contre la torture devrait produire une observation générale officielle sur larticle 15 de la Convention contre la torture interdisant lutilisation, dans le cadre de procédures judiciaires, de déclarations faites sous la torture.
- Le Comité des droits de lhomme devrait profiter de loccasion que représente son prochain examen du rapport de la France (prévu en juillet 2008) pour exprimer sa préoccupation au sujet des politiques et pratiques décrites dans le présent rapport et pour formuler des recommandations précises à lintention des autorités françaises.
juillet 2008
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