Rapports de Human Rights Watch

Contexte général de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire

           

Pendant les 30 premières années qui ont suivi son indépendance en 1960, la Côte d’Ivoire a joui d’une relative stabilité et d’une prospérité économique sous la direction du Président Félix Houphouët-Boigny, un catholique romain de l’ethnie baoulé, originaire du centre géographique du pays. Le programme politique et économique post-indépendance de Houphouët-Boigny reposait sur plusieurs piliers : un accent mis sur une agriculture d’exportation en tant que stratégie de développement, une politique d’ouverture à l’immigration et des liens extrêmement étroits avec l’ancienne puissance coloniale, la France, qui garantissaient la sécurité du gouvernement. Au cours de cette période, la Côte d’Ivoire s’est muée en puissance économique clé de l’Afrique de l’Ouest, en leader mondial de la production de cacao et de café et en force d’attraction pour les travailleurs migrants qui, selon les estimations, ont fini par représenter 26 pour cent de la population du pays.2

Certes, la Côte d’Ivoire a peut-être été un moteur économique de la sous-région, mais elle n’a pas été un modèle de gouvernance et de justice. Le Parti Démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI), parti de Houphouët-Boigny, a monopolisé l’activité politique dans le cadre d’un régime autocratique à parti unique. Alors que ses gouvernements PDCI étaient censés refléter la composition ethnique et religieuse du pays, le maintien au pouvoir était basé sur une stratégie de « coalition ethnique » réunissant des groupes du nord et du centre du pays.3 Sous le règne de Houphouët-Boigny, beaucoup de groupes du sud et de l’ouest se sont sentis exclus et politiquement frustrés.4

À la fin des années 1980, le « miracle ivoirien » s’est mis à battre de l’aile, pris entre l’effondrement des prix du cacao et la progression de la dette extérieure, débouchant sur une grave récession économique. Les fondements du Houphouëtisme ont commencé à se déliter. Conjuguée à l’impact des mesures d’ajustement structurel imposées par les institutions financières internationales et les bailleurs de fonds, la récession a non seulement affecté le secteur du cacao et du café mais également le marché de l’emploi en général. En conséquence, un nombre croissant de jeunes urbains ayant un bon niveau d’éducation se sont vus dans l’impossibilité de trouver un emploi.5  À mesure que le chômage et la frustration progressaient, les pressions émanant des partis d’opposition et de la société civile (notamment des syndicats et des groupements estudiantins) pour réformer et démocratiser le régime à parti unique ivoirien se sont, elles aussi, amplifiées.

La lutte pour la succession

Le décès de Houphouët-Boigny en 1993 a marqué le début officiel d’une lutte ouverte pour la succession politique qui allait mener la Côte d’Ivoire à deux doigts de la catastrophe. Alors que les candidats représentant les principaux blocs ethniques et géographiques commençaient à se disputer le poste présidentiel à l’approche des élections de 1995, les questions d’ethnicité et de nationalité ont été propulsées à l’avant-plan.6 Afin d’exclure des adversaires, les politiciens ont commencé à utiliser la rhétorique de l’ « ivoirité »—un discours politique ultranationaliste et exclusiviste axé sur l’identité ivoirienne et le rôle des immigrés dans la société ivoirienne et marginalisant ceux perçus comme des étrangers.7

Le Rassemblement des Républicains (RDR), parti d’opposition qui, depuis sa création, est dominé par des Ivoiriens du nord à majorité musulmane, a boycotté l’élection de 1995, après que la candidature de l’ex-premier ministre Alassane Dramane Ouattara eut été adroitement interdite.8 Exprimant des inquiétudes au sujet de la transparence, le Front Populaire Ivoirien (FPI), parti d’opposition dirigé par le président actuel Laurent Gbagbo, a également boycotté l’élection, et Henri Konan Bédié du PDCI a remporté le scrutin avec 96 pour cent des voix.

Au cours des six ans de règne de Bédié, les allégations de corruption et de mauvaise gestion se sont multipliées, et Bédié s’est de plus en plus appuyé sur le favoritisme ethnique pour s’assurer un soutien dans un climat économique défavorable. Des groupes d’opposition politique, dont le RDR et le FPI, ont formé une alliance appelée le Front républicain en vue de combattre cette « mauvaise gestion ». La coalition s’est par la suite désintégrée suite à des frictions internes.

Le coup d’État de 1999 et les élections de 2000

En décembre 1999, le Général Robert Gueï, un Yacouba originaire de l’ouest et ancien chef d’état-major de l’armée, s’est emparé du pouvoir au cours d’un coup d’État mené suite à une mutinerie de sous-officiers.9 Surnommé « le Père Noël en treillis », Gueï a au départ été accueilli favorablement par la plupart des groupes d’opposition qui voyaient en lui un changement opportun après le long règne du PDCI et le régime corrompu de Bédié. Néanmoins, les promesses de Gueï d’éliminer la corruption et de former un gouvernement ivoirien non sectaire ont rapidement été éclipsées par ses ambitions politiques personnelles, par les mesures répressives auxquelles il a recouru contre l’opposition réelle et présumée, et par l’impunité quasi totale pour les atteintes aux droits humains commises par les militaires.10

Tout au long de l’année 2000, la politique ivoirienne allait connaître des clivages ethniques et religieux de plus en plus profonds. Dans ce climat peu propice, les élections allaient s’avérer  « calamiteuses », pour citer le Président Gbagbo, vainqueur de ce scrutin.11

Plusieurs semaines avant l’élection présidentielle d’octobre, le gouvernement a jugé que la majorité des candidats étaient inéligibles, y compris Alassane Ouattara du RDR et l’ex-président Bédié du PDCI, le scrutin électoral devenant alors une lutte entre le FPI de Laurent Gbagbo et le Général Gueï.  Lorsqu’il est apparu clairement que Gbagbo avait pris l’avantage le jour de l’élection, Gueï a cherché à passer outre aux résultats du scrutin et à s’emparer du pouvoir, provoquant d’énormes mouvements de protestation populaire et la perte du soutien de l’armée. Le Général Gueï a fui le pays le 25 octobre 2000 et Laurent Gbagbo a été investi président le lendemain.

Peu après la fuite de Gueï, les sympathisants du RDR—appelant à de nouvelles élections « sans exclusion »—se sont heurtés aux partisans du FPI et ont été pris pour cible par les forces de sécurité gouvernementales, faisant de nombreuses victimes. Ces massacres, qui constituent l’épisode le plus sanglant de violence politique de l’histoire de la Côte d’Ivoire depuis l’indépendance, ont choqué tant les Ivoiriens que les membres de la communauté internationale, mettant cruellement en lumière le danger que représente la manipulation des loyalismes ethniques et des préjugés latents à des fins politiques.12

Les efforts déployés par le Président Gbagbo pour inclure des membres des partis d’opposition dans son gouvernement ont été considérés comme étant surtout symboliques et, en 2001-2002, les tensions politiques demeuraient fortes.

La guerre de 2002

Le 19 septembre 2002, les rebelles du Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), dont les membres proviennent en grande partie du nord du pays à majorité musulmane, ont attaqué Abidjan, la capitale économique et de fait de la Côte d’Ivoire, ainsi que les villes de Bouaké et de Korhogo dans le nord.13 Le but avoué des rebelles était de corriger les récentes réformes de l’armée, d’organiser de nouvelles élections, de mettre fin à l’exclusion politique et à la discrimination à l’égard des Ivoiriens du nord et de révoquer le Président Gbagbo, qu’ils considéraient être arrivé illégalement au pouvoir suite aux irrégularités ayant entaché les élections de 2000. Bien qu’ils n’aient pas réussi à s’emparer d’Abidjan, les rebelles ont rencontré très peu de résistance et sont rapidement parvenus à occuper et à contrôler la moitié du pays. Bientôt rejoints par deux autres factions rebelles de l’ouest, ils ont formé une alliance politico-militaire appelée les Forces Nouvelles (FN).14 

Le conflit armé entre le gouvernement et les Forces Nouvelles a pris fin en mai 2003 avec la signature d’un accord de cessez-le-feu complet.15 Depuis 2003, le pays a de fait été divisé en deux, le nord enclavé étant contrôlé par les Forces Nouvelles basées à Bouaké, et le sud, où vit la majorité de la population du pays estimée à 20 millions, étant aux mains du gouvernement.

Les accords de paix

Depuis la fin des hostilités en 2003, la France, la Communauté Économique Des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union Africaine ainsi que les Nations Unies ont toutes été les fers de lance d’initiatives visant à sortir de l’impasse politico-militaire en Côte d’Ivoire. Ces efforts ont débouché sur une kyrielle d’accords de paix non respectés, un niveau record de plus de 11 000 soldats étrangers16 sur le sol ivoirien pour prévenir une guerre totale et protéger les civils, et l’imposition d’un embargo de l’ONU sur les armes outre des sanctions économiques et des interdictions de se déplacer à l’étranger.17

En mars 2007, le Président Gbagbo et le dirigeant rebelle Guillaume Soro ont signé un accord de paix négocié sous l’égide du président burkinabé Blaise Compaoré (« L’Accord de Ouagadougou ») et approuvé ensuite par l’Union Africaine et le Conseil de sécurité des Nations Unies.18 L’Accord de Ouagadougou est le premier à avoir été directement négocié par les principaux belligérants, de leur propre initiative, et a débouché sur la nomination de Guillaume Soro au poste de premier ministre d’un gouvernement d’union. Les efforts de mise en œuvre qui ont suivi la signature ont posé d’importants jalons dans le processus de paix, même si les conditions préalables essentielles à la tenue des élections, dont l’inscription sur les listes électorales et le désarmement, sont loin d’être réunies.19 Les élections présidentielles sont pour l’instant prévues fin novembre 2008, soit environ trois ans après l’expiration du mandat constitutionnel du Président Gbagbo.

Les retombées de la crise sur les droits humains

Pour les civils vivant des deux côtés de la ligne de partage politico-militaire, la crise a été, et continue d’être, dévastatrice sur le plan des droits humains.20 Les troubles politiques et l’impasse qui ont suivi le conflit armé de 2002-2003 opposant le gouvernement aux rebelles basés dans le nord ont été ponctués d’atrocités et de graves atteintes aux droits humains imputables aux deux camps, notamment des exécutions extrajudiciaires, des massacres, des violences sexuelles, des disparitions forcées et nombre de cas de torture. Ces exactions se sont poursuivies, dans une large mesure en raison de la culture de l’impunité qui prévaut.

En Côte d’Ivoire, les rebelles se sont livrés à des exactions généralisées à l’encontre des civils dans certaines zones sous leur contrôle. Exécutions extrajudiciaires, massacres, torture, cannibalisme, mutilation, recrutement et utilisation d’enfants soldats ainsi que violences sexuelles, dont des viols, viols collectifs et agressions sexuelles effroyables, sont autant d’exactions attribuables aux rebelles. Les combattants libériens opérant aux côtés des groupes rebelles ivoiriens se sont rendus responsables de quelques-uns des pires crimes. Néanmoins, même après leur départ, diverses formes de violence ont subsisté.

En réponse à la rébellion, les forces gouvernementales et les mercenaires libériens recrutés par le gouvernement ont fréquemment attaqué, arrêté et exécuté ceux qu’ils percevaient comme des partisans des forces rebelles en se basant sur leur affiliation ethnique, nationale, religieuse et politique. Même après la cessation des hostilités actives, les forces de sécurité de l’État, aidées par des groupes pro-gouvernementaux tels que  les Jeunes Patriotes (JP), ont régulièrement harcelé et intimidé la population, en particulier les personnes perçues comme ayant des sympathies pour les rebelles des Forces Nouvelles ou l’opposition politique. Dans les zones sous contrôle gouvernemental, les forces de sécurité ont fréquemment extorqué et brutalisé des musulmans, des personnes originaires du nord et des immigrés ouest-africains, souvent sous couvert de banals contrôles de sécurité à des barrages routiers.

Des deux côtés de la ligne de partage politico-militaire, les violations les plus atroces des droits humains ont atteint un niveau record de 2002 à 2004 environ, s’atténuant au cours des dernières années. Des atteintes aux droits humains persistent toutefois et ne sont pas combattues ; tout particulièrement lorsque les forces de sécurité gouvernementales et les rebelles des Forces Nouvelles continuent à se livrer à des actes d’extorsion généralisés aux barrages routiers et, dans une moindre mesure, à des violences sexuelles à l’égard des femmes et des filles.

Nation divisée, la Côte d’Ivoire commence seulement à émerger de la crise politique et militaire la plus grave de son histoire de l’après-indépendance. La criminalité généralisée qui a eu lieu, et continue d’avoir lieu, dans le milieu universitaire du fait de groupes estudiantins a pour toile de fond cette situation d’instabilité, de violence et d’impunité.




2 Les principales communautés immigrées proviennent des pays frontaliers tels que la Guinée, le Mali et le Burkina Faso. Au moins 52 pour cent sont d’origine burkinabée. Nordiska Afrikainstitutet, « The Roots of the Military-Political Crises in Côte d’Ivoire », Rapport No. 128, 2004.

3 La Côte d’Ivoire est une mosaïque ethnique de plus de 60 groupes  ayant migré des pays voisins au fil des siècles. Le pays reste grosso modo divisé en blocs régionaux. Le centre et l’est sont principalement occupés par les Baoulés et les Agnis, provenant tous deux de la migration des Akans du Ghana. Le nord abrite en grande partie deux principaux groupes ethniques : les Malinkés (appartenant au groupe mande du nord) qui ont migré de Guinée et du Mali, ainsi que les peuples sénoufo et lobi (appartenant au groupe gour) qui ont migré du Burkina Faso et du Mali. L’ouest est peuplé par le groupe mande du sud—majoritairement les groupes ethniques dan ou yacouba et gouro, qui ont migré de zones situées à l’ouest de la Côte d’Ivoire actuelle. Enfin, le sud-ouest abrite les peuples krous, notamment les Bétés, qui seraient parmi les premiers migrants originaires de la côte sud-ouest. En dépit de ces divisions générales, un brassage important de ces populations existe en milieu urbain, par exemple à Abidjan, et dans les zones de culture de cacao à l’ouest et au sud-ouest.

4 Sous le régime de Houphouët-Boigny, plusieurs épisodes de répression ont eu lieu contre les Ivoiriens « du Sud », notamment en 1970 contre les Bétés. Voir Tiemoko Coulibaly, « Lente décomposition en Côte d’Ivoire », Le Monde diplomatique, novembre 2002 ; Jean-Pierre Dozon, « La Côte d’Ivoire entre Démocratie, Nationalisme et Ethnonationalisme », Politique Africaine, No. 78 (juin 2000), pp. 45-62.

5 Voir Richard Banégas, « Côte d’Ivoire: Patriotism, Ethnonationalism and Other African Modes of Self-writing », African Affairs, 105/421 (2006), p. 539 ; Jean Pierre Chaveau, « Question foncière et construction nationale en Côte d’Ivoire », Politique Africaine, No. 78 (juin 2000), p. 112.

6 Les principaux candidats étaient le successeur baoulé de Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, du centre géographique de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, le dirigeant bété du Front Populaire Ivoirien (FPI) du sud, et Alassane Dramane Ouattara du Rassemblement des Républicains (RDR), dont l’électorat est composé majoritairement de nordistes.

7 Voir de manière générale Ruth Marshall-Fratani, « The War of ‘Who is Who’: Autochthony, Nationalism, and Citizenship in the Ivorian Crisis », African Studies Review, Vol. 49, No 2 (Septembre 2006), pp. 9-43.

8 Avant les élections de 1995, l’Assemblée nationale a adopté un nouveau code électoral qui a privé les résidents africains non ivoiriens du droit de vote et a interdit les candidats présidentiels dont l’un des deux parents était de nationalité étrangère et qui n’avaient pas vécu en Côte d’Ivoire pendant les cinq années précédentes. Nombreux sont ceux qui pensent que l’adoption de la loi avait pour objectif non avoué l’exclusion de la candidature de Ouattara.

9 Le Général Gueï avait été chef d’état-major de l’armée sous Bédié jusqu’aux élections présidentielles de 1995 où il avait été démis de ses fonctions pour avoir refusé d’utiliser l’armée contre des contestataires.

10 Amnesty International, « Côte d’Ivoire: Some military personnel believe they have impunity above the law », AI Index: AFR 31/003/2000, 18 septembre 2000.

11 Thomas Hofnung, La Crise ivoirienne: Dix clés pour comprendre (Paris: La Découverte, 2005), p. 43.

12 Plus de 200 personnes ont perdu la vie et des centaines ont été blessées lors des violences qui ont entouré l’élection présidentielle d’octobre et les élections parlementaires de décembre. Les exactions perpétrées par les forces de sécurité de l’État, notamment des massacres, des viols, des actes de torture et des arrestations arbitraires, sont examinées en détail dans Human Rights Watch, Côte d'Ivoire – Le nouveau racisme : La manipulation politique de l’ethnicité en Côte d'Ivoire, vol. 13, no.6 (A), août 2001, http://www.hrw.org/french/reports/ivorycoast/

13 Le coup d’État manqué a été mené par un certain nombre d’officiers subalternes de l’armée qui avaient été au premier plan lors du coup d’État de 1999 mais avaient fui après que plusieurs d’entre eux eurent été arrêtés et torturés sous Gueï. Fin 1999, ils s’étaient réfugiés au Burkina Faso, où ils auraient reçu un entraînement et peut-être d’autres formes de soutien pendant les deux années écoulées entre leur exil hors de Côte d’Ivoire et leur retour le 19 septembre 2002.

14 Le MPCI a été rejoint par deux groupes de l’ouest : le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP) et le Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO). Le MJP et le MPIGO étaient composés de centaines de combattants libériens, dont beaucoup avaient combattu autrefois avec des groupes armés liés à Charles Taylor, alors président du Libéria. Dans une moindre mesure, ces groupes comptaient également en leurs rangs des combattants sierra-léonais qui avaient été membres du groupe rebelle sierra-léonais, le Front révolutionnaire uni (Revolutionary United Front, RUF).

15 Le cessez-le-feu a volé en éclats le 4 novembre 2004, lorsque le gouvernement a lancé des raids aériens contre les rebelles dans le nord. Les troupes françaises ont répondu aux attaques après que neuf casques bleus français eurent été tués au cours d’une attaque aérienne menée à Bouaké le 6 novembre 2004. L’aviation française a immédiatement détruit deux chasseurs bombardiers Sukhoï 25 ivoiriens, noyau de la minuscule force aérienne du pays, au sol à Yamoussoukro. L’attaque française contre la Force aérienne ivoirienne a déclenché un flot d’invectives à l’encontre de la France et des étrangers sur les chaînes de radio et télévision publiques ivoiriennes ainsi que dans les journaux pro-gouvernementaux qui ont vivement conseillé aux « patriotes » de descendre dans la rue pour défendre la nation. Des habitations, entreprises et institutions françaises ont été pillées et incendiées, provoquant la plus grande opération d’évacuation d’étrangers de l’histoire post-coloniale du pays. Quelque 8 000 personnes originaires de 63 pays ont quitté la Côte d’Ivoire en novembre 2004. Amnesty International estime que des dizaines de manifestants civils ont été tués ou blessés dans des affrontements avec les casques bleus français. Amnesty International, « Côte d’Ivoire : Affrontements entre forces de maintien de la paix et civils : Leçons à tirer », AI Index: AFR 31/005/2006, 19 septembre 2006, http://www.amnesty.org/fr/library/info/AFR31/005/2006 (consulté le 12 novembre  2007).

16 Soldats de maintien de la paix de l’ONU ("casques bleus") et soldats français plus lourdement armés appartenant à l’Opération Licorne.

17 Linas-Marcoussis négocié sous l’égide du gouvernement français en janvier 2003 ; Accra III négocié sous l’égide des pays d’Afrique de l’Ouest et de Kofi Annan, alors Secrétaire général de l’ONU, en juillet 2004 ; et l’Accord de Pretoria négocié sous l’égide du Président sud-africain Thabo Mbeki au nom de l’Union Africaine et signé en Afrique du Sud en avril 2005.

18 Conseil de sécurité des Nations Unies, « Déclaration du Président du Conseil de sécurité; La situation en Côte d’Ivoire », S/PRST/2007/8, 28 mars 2007.

19  L’Accord de Ouagadougou prévoyait à l’origine un calendrier ambitieux s’étalant sur 10 mois qui, s’il avait été suivi, aurait conduit à l’identification des citoyens, à l’inscription sur les listes électorales, au désarmement et à des élections présidentielles début 2008. Néanmoins, depuis sa signature, les dates butoirs pour l’achèvement du désarmement et le processus d’identification n’ont cessé d’être repoussées, aboutissant à la signature d’un nouveau calendrier fin novembre 2007.

20 Pour un tour d’horizon des violations des droits humains fréquemment commises par les deux parties au conflit ivoirien depuis le début des combats en septembre 2002 jusqu’à 2007, voir Human Rights Watch, Pris entre deux guerres : Violence contre les civils dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, vol. 15, no. 14 (A), août 2003, http://hrw.org/french/reports/2003/cotedivoire0803/; Côte d’Ivoire: Le coût de l’impasse politique pour les droits humains, décembre 2005, http://hrw.org/french/backgrounder/2005/cote1205/; Côte d’Ivoire – Un pays au bord du gouffre : la précarité des droits humains et de la protection civile en Côte d’Ivoire, vol. 17, no. 6 (A), mai 2005, http://hrw.org/french/reports/2005/cdi0505/; « Parce qu’ils ont des fusils… il ne me reste rien. » Le prix de l’impunité persistante en Côte d’Ivoire, vol. 18, no. 4(A), mai 2006, http://hrw.org/french/reports/2006/cotedivoire0506/; Côte d’Ivoire: « Mon cœur est coupé » Violences sexuelles commises par les forces rebelles et pro-gouvernementales en Côte d’Ivoire, vol. 19, no. 11(A), août 2007, http://hrw.org/french/reports/2007/cdi0807/.