Réponse de la communauté internationale
La communauté internationale a jusqu’ici joué un rôle important en condamnant la répression, en demandant que des comptes soient rendus pour les exactions qui ont été perpétrées par les forces de sécurité,194 et en servant d’intermédiaire dans les négociations entre le gouvernement guinéen et les syndicats.195 Les Nations Unies ont pris des dispositions préliminaires pour encourager une enquête indépendante sur les exactions liées à la grève, par exemple en proposant une formation aux membres d’organisations locales de défense des droits humains sur les techniques d’investigation, et en finançant les déplacements dans l’intérieur du pays de ces membres formés pour documenter les atteintes aux droits humains liées à la grève.196 Une mission du rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions arbitraires, sommaires ou extrajudiciaires, programmée originellement pour la semaine du 21 mars 2007, a été reportée à la demande du gouvernement de Guinée.197 Ces premiers pas sont certes importants, toutefois il estcrucial que les dénonciations et les appels à des enquêtes indépendantes émis immédiatement après la grève soient suivis d’une pression ferme et énergique sur un gouvernement qui a, jusqu’ici, fait preuve de réticence pour accepter toute participation internationale à une enquête sur les exactions liées à la grève, et qui par le passé n’a pas réussi à enquêter par lui-même sur des exactions de façon appropriée et indépendante. Si le devoir de rendre des comptes pour les exactions commises en rapport avec la grève doit passer du discours à la réalité, les acteurs internationaux clés intéressés par l’avenir et la stabilité de la Guinée —dont l’Union africaine, la CEDEAO, l’ONU, ainsi que des bailleurs de fonds comme les Etats-Unis et l’Union européenne —doivent utiliser tous les moyens politiques et diplomatiques à leur disposition pour faire pression sur le gouvernement guinéen afin que soit menée une enquête rapide et indépendante, suivie de l’application de sanctions pénales appropriées contre les coupables. Pour garantir l’impartialité, la promptitude et la diligence, Human Rights Watch estime qu’une commission indépendante ou une cour spéciale, qui s’appuie sur l’expertise de la communauté internationale par le biais de la participation de membres de la Commission africaines des droits de l’homme et des peuples, et du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, est indispensable. 194 La répression de la part des forces de sécurité guinéennes a été largement condamnée par une quantité d’acteurs réegionaux et internationaux. Dans un communiqué émis par son Conseil de paix et de sécurité, l’Union africaine a “fermement condamné l’usage disproportionné de la force et la répression contre les populations civiles et...a demandé l’ouverture, en collaboration avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, d’une enquête indépendante, afin d’identifier et de traduire en justice les auteurs des exactions et autres actes de violence perpétrés au cours de ces événements.” Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, “Communiqué de la 71ème réunion du Conseil de paix et de sécurité,” PSC/PR/Comm(LXXI), 16 février 2007. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) a émis une déclaration qui “condamne les pertes élevées en vies humaines, notamment de civils, en Guinée” et a noté que “toute perte de vies humaines est regrettable mais celle de civils innocents non armés est particulièrement inacceptable.” “La CEDEAO condamne la violence et appelle au calme en Guinée,” communiqué de presse de la CEDEAO, No.3/2007, 24 janvier 2007. Dans une déclaration publique, le Porte parole du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a exprimé de graves préoccupations au sujet de “l’usage excessif de la force aboutissant à des pertes de vie dans des affrontements en Guinée…et [a] fortement engagé le gouvernement à mener des enquêtes sur les meurtres en vue de traduire les coupables en justice, y compris les membres des forces de sécurité.” “Secretary-General gravely concerned by excessive use of force, deaths in Guinea, Calls for maximum restraint by government security forces,” SG/SM/10849, AFR/1490, 22 janvier 2007. La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Louise Arbour, a demandé l’ouverture d’une enquête indépendante sur la mort de manifestants, soulignant qu’ “il ne doit y avoir, en aucun cas, d’impunité pour les violations des droits de l’homme s’étant produites en Guinée au cours des dernières semaines.” “Guinea: UN human rights chief calls for probe into reported killings by forces de sécurité,” UN News Service, 24 janvier 2007. L’Union européenne a exprimé son profond regret des pertes de vies humaines pendant les manifestations et a demandé “au gouvernement une explication sans réserve sur les circonstances de ces morts et sur les mesures judiciaires prises contre les responsables.” “Déclaration de la Présidence au nom de l’Union européenne sur la situation dans la République de Guinée,” P/07/9, 6182/07 (Presse 22), 9 février 2007. Les Etats-Unis “[ont] condamné l’usage de la violence par les forces de sécurité contre la population civile” et ont déclaré plus tard que “"[les] forces armées guinéennes, les forces de sécurité, et les responsables civils impliqués dans ces exactions doivent rendre comptes de leurs actes.” Communiqués de presse, Ambassade des Etats-Unis d’Amérique, Conakry, Guinée, 26 janvier et 6 février 2007. Dans une déclaration officielle, la France a condamné “l’usage de la violence par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques” et a réclamé une enquête. “Déclaration officielle du Quai d’Orsay (Événements du 22-01-2007),” 23 janvier 2007. 195 Début février, une tentative initiale pour aider à négocier la crise a été rejetée par les autorités guinéennes. “Guinea Snubs Delegation From African Body,” ISI Emerging Markets Africawire, 3 février 2007. Cependant, plus tard ce mois-là, une équipe de la CEDEAO conduite par l’ancien chef militaire du Nigeria, le Général Ibrahim Babagida, a servi de médiateur entre le gouvernement et les syndicats. A la fin du mois de mars, le Président Conté a accordé au Général Babagida une des plus hautes distinctions de Guinée, l’Ordre National du Kolatier, en reconnaissance de ses efforts. "Lansana Conté décerne la grande croix de l’ordre national de Kolatier à Ibrahim Babangida," aminata.com, 24 mars 2007, http://www.aminata.com/index.php?option=com_content&task=view&id=511&Itemid=57 (consulté le 26 mars 2007). 196 Entretiens de Human Rights Watch par téléphone avec des leaders locaux des droits humains, Conakry, 26 mars 2007. 197Nations Unies, Bureau pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA),"Rapport de Situation Humanitaire Guinée - Conakry," 22 mars 2007. |