Rapports de Human Rights Watch

IV. Protection contre le renvoi lorsqu’il existe un risque de torture

Il règne un concept de précaution.  Les juges ont peur de commettre des erreurs dans les affaires de terrorisme. [Ils pensent] que c’est moins grave d’expulser et que quelque chose arrive là-bas que de ne pas expulser et qu’ensuite, quelque chose arrive ici.

—Jacques Debray, avocat90

Les pays vers lesquels la France renvoie par la force les personnes soupçonnées de terrorisme ont généralement pour points communs une législation antiterroriste draconienne, des dispositions insuffisantes en matière de procès équitable et un piètre bilan sur le plan de la torture. Human Rights Watch est au courant de renvois de la France vers le Maroc, la Tunisie et la Turquie, mais la vaste majorité des personnes éloignées de France pour des raisons de sécurité nationale sont renvoyées en Algérie. Un passé jalonné de menaces et d’attentats réels attribués aux réseaux algériens en France, une importante présence de ressortissants algériens résidant en France et la relation spéciale—voire tourmentée—entre les deux pays en raison de l’histoire coloniale qu’ils partagent expliquent cette prédominance.

En dépit de la considérable amélioration sur le plan de la sécurité générale en Algérie, les preuves ne manquent pas qui semblent indiquer que les terroristes présumés y sont particulièrement exposés au risque de torture et de mauvais traitements. Dans un rapport d’avril 2006 intitulé « Des pouvoirs illimités », Amnesty International décrit des dizaines de cas de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (mauvais traitements) à l’encontre de personnes détenues par le Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS), sur présomption d’implication dans une activité terroriste.91

Le DRS, une unité des services de renseignement de l’armée qui, tout au long des années 1990, s’est rendue responsable d’actes de torture systématiques et généralisés, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, est aujourd’hui, aux dires de tous, spécialisé dans la fourniture de renseignements en rapport avec la lutte contre le terrorisme. Sur la base des dizaines de cas de torture et de mauvais traitements recueillis par Amnesty International entre 2002 et 2006, il y a lieu de penser que le DRS a l’habitude d’arrêter et de maintenir au secret, dans des endroits clandestins, les personnes soupçonnées de terrorisme, sans qu’elles aient accès à un avocat ou le droit de communiquer avec leurs familles. Dans ces conditions, ces personnes risquent tout particulièrement d’être soumises à la torture et aux mauvais traitements. Selon Amnesty International, les formes de torture le plus fréquemment citées sont les coups, les décharges électriques ainsi que le « chiffon », méthode qui consiste à « attacher la victime à un banc et à la forcer à avaler de grandes quantités d’eau sale, d’urine ou de produits chimiques au moyen d’un morceau de tissu imbibé de ces substances et enfoncé dans sa bouche ».92 Une loi d’amnistie adoptée en 2006 a ratifié l’impunité pour les exactions commises par les forces de sécurité algériennes, y compris le DRS.93

Les États-Unis n’ont renvoyé aucun ressortissant algérien actuellement en détention à Guantanamo Bay. Dans certains cas tout au moins, la raison en est le risque de torture. Dans ces cas, le gouvernement américain  semble chercher des solutions dans des pays tiers. Par exemple, Fethi Boucetta, un ressortissant algérien, a été libéré de Guantanamo le 17 novembre 2006 et envoyé en Albanie.

Des garanties procédurales insuffisantes

Aux termes du droit national et international, avant de procéder à un éloignement, les autorités françaises ont clairement l’obligation d’examiner la situation en détail afin de s’assurer qu’une personne ne risque pas d’être soumise à la torture ou à des mauvais traitements lors de son renvoi. Bien que de prime abord, les divers types de recours dont disposent les personnes faisant l’objet d’une interdiction du territoire français semblent satisfaire à l’exigence de protections adéquates, tel n’est pas le cas dans la pratique. Le fait qu’il n’existe pas de recours automatiquement suspensif et l’usage abusif de la procédure accélérée créent une situation où les personnes confrontées à l’éloignement n’ont pas accès à un recours effectif.

Le droit international interdit le renvoi, l’éloignement ou l’extradition d’une personne lorsqu’il existe un risque de torture ou de mauvais traitements. L’article 3 de la Convention de l’ONU contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants stipule ce qui suit :

Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture… Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l’État intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.94

L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme stipule que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».95 La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) n’a cessé d’affirmer invariablement que l’interdiction s’étend au fait d’exposer les personnes à un risque réel de torture ou de mauvais traitements et que l’interdiction du refoulement s’inscrit clairement dans l’interdiction générale et absolue de la torture. Dans sa décision de 1989 dans l’affaire Soering c. Royaume-Uni, la Cour a fermement établi son interprétation de l’article 3 comme une interdiction durefoulement :

Un État contractant se conduirait d’une manière incompatible avec les valeurs sous-jacentes à la Convention, ce « patrimoine commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit » auquel se réfère le Préambule, s’il remettait consciemment un fugitif - pour odieux que puisse être le crime reproché - à un autre État où il existe des motifs sérieux de penser qu’un danger de torture menace l’intéressé.96

La protection absolue contre le refoulement s’applique à toute personne en tout temps, indépendamment de la nature des crimes présumés ou prouvés ou des menaces contre la sécurité nationale. La Cour a défini la norme européenne actuelle dans une affaire qui remonte à 1996 et qui a fait date, Chahal c. Royaume-Uni :

La Cour est parfaitement consciente des énormes difficultés que rencontrent à notre époque les États pour protéger leur population de la violence terroriste.  Cependant, même en tenant compte de ces facteurs, la Convention prohibe en termes absolus la torture ou les peines ou traitements inhumains ou dégradants, quels que soient les agissements de la victime… L'interdiction des mauvais traitements énoncée à l'article 3 (art. 3) est tout aussi absolue en matière d'expulsion ... Dans ces conditions, les agissements de la personne considérée, aussi indésirables ou dangereux soient-ils, ne sauraient entrer en ligne de compte.97

De même, la législation nationale française interdit explicitement le refoulement. Le CESEDA dispose qu’ « un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».98

Le test déterminant au regard de l’obligation de non-refoulement est la mise en place de procédures et protections appropriées qui permettent un examen approfondi, réalisé en toute bonne foi, du risque de torture et de mauvais traitements interdits en cas de renvoi. Ce qui est en jeu ici, c’est l’existence d’un risque de torture et non de la certitude qu’il y aura torture. Un État peut violer l’article 3 même si une personne refoulée n’a pas été soumise à la torture ou à des mauvais traitements mais que les autorités savaient ou auraient dû savoir qu’il existait une chance raisonnable que la personne puisse être torturée en cas de renvoi.

Absence d’un recours automatiquement suspensif

Comment mon mari  peut-il se défendre s’il n’est pas ici?

—Dilek D., épouse d’un expulsé99

Nous avons constaté plus haut que la législation française ne prévoit pas la suspension automatique d’un arrêté d’expulsion ou d’une décision fixant le pays de destination lors d’un recours. La personne concernée doit plutôt former un ou les deux recours en référé conçus pour permettre à un juge de surseoir à l’exécution de l’arrêté d’expulsion alors que le tribunal administratif examine l’appel sur le fond. Jusqu’à ce que le juge ait statué, le gouvernement est libre d’expulser, même dans les cas où la personne invoque un risque de torture en cas de renvoi.

Dans le cas de Nacer Hamani, détaillé plus loin, le gouvernement a effectivement cherché à expulser quelqu’un en ferry à destination de l’Algérie après qu’il eut formé un référé-liberté aux motifs qu’il risquait d’être torturé ou soumis à des mauvais traitements. La mobilisation organisée contre l’expulsion par des groupements locaux de défense des droits des migrants ainsi que le mouvement de protestation du syndicat des travailleurs portuaires ont retardé le départ du bateau suffisamment longtemps pour que le juge des référés surseoie à l’expulsion.

Plusieurs sources ont confié à Human Rights Watch que les juges administratifs considéraient avec énormément de suspicion les requêtes motivées par la crainte de tortures.  Lucile Hugon, chargée de mission Asile à l’ACAT-France (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), a expliqué que les avocats avaient tendance à éviter d’introduire des requêtes liées à la torture car les tribunaux administratifs se montraient « très réticents » à propos de l’article 3 de la Convention européenne.100 Deux juges du tribunal administratif de Paris ont confirmé ce point de vue.101 Selon le Juge Stéphane Julinet, « le juge administratif a du mal à juger sur le risque… il y a une mauvaise connaissance sur les situations dans certains pays…le juge va se réfugier dans les décisions de l’OFPRA et de la CRR ».102 Les recours basés sur le droit à la vie familiale, analysés plus loin dans le présent rapport, sont « mieux connus et plus faciles pour les juges », a-t-il ajouté.103

Comme il est noté plus haut au Chapitre III, alors que les demandes d’asile présentées à l’OFPRA ont un effet suspensif, les recours contre les décisions négatives de cet organisme ne sont pas suspensives dans les cas impliquant des menaces pour la sécurité nationale, et les personnes peuvent être éloignées pendant que la CRR examine ce recours.

Human Rights Watch comprend le principe général de droit administratif français selon lequel les recours contre les actes administratifs ne devraient pas être suspensifs, la logique étant qu’une seule personne ne devrait pas être habilitée à bloquer les arrêtés administratifs pris dans l’intérêt public.104 Nous estimons néanmoins que le système de recours à plusieurs niveaux pour suspendre les éloignements ne fournit pas de protections suffisantes contre ce qui pourrait être un mal irréparable, et qu’il ne répond pas à l’obligation qui incombe à la France d’offrir un recours effectif contre l’éloignement lorsqu’il existe un risque de torture.

Le droit à un recours effectif est un droit humain fondamental ainsi qu’un principe élémentaire de droit. Ce droit, garanti à l’article 13 de la Convention européenne, exige que les États créent des mécanismes appropriés pour les personnes qui cherchent rectification et réparation lorsqu’elles peuvent valablement soutenir que l’un de leurs droits a été violé. La Cour européenne des droits de l’homme examine les cas relatifs aux questions de l’immigration et de l’asile à travers le prisme du droit à un recours effectif,105 et elle est d’avis que ce droit impose aux États l’obligation de prévoir des procédures contradictoires avec des protections procédurales suffisantes devant un organe indépendant et impartial.106

La Cour européenne des droits de l’homme attache une importance particulière au besoin de recours effectifs, et spécialement de recours suspensifs, dans les cas où les personnes sont susceptibles d’être exposées à un risque de torture lors de leur éloignement parce que « toute bonne administration de la justice implique que ne soient pas accomplis, tant qu'une procédure est en cours, des actes de caractère irréparable ».107 Dans l’affaire Conka c. Belgique, par exemple, la Cour a estimé que la Belgique avait violé l’article 13 de la Convention car la législation nationale permettait aux autorités de procéder à une expulsion alors qu’appel avait été interjeté. La Cour a affirmé ce qui suit :

D'abord, l'on ne saurait exclure que, dans un système où la suspension est accordée sur demande, au cas par cas, elle puisse être refusée à tort, notamment s'il devait s'avérer ultérieurement que l'instance statuant au fond doive quand même annuler une décision d'expulsion pour non-respect de la Convention, par exemple parce que l'intéressé aurait subi des mauvais traitements dans le pays de destination…

Ensuite, quand bien même ce risque d'erreur serait négligeable en pratique…, il convient de souligner que les exigences de l'article 13, tout comme celles des autres dispositions de la Convention, sont de l'ordre de la garantie, et non du simple bon vouloir ou de l'arrangement pratique.108

La Cour a réaffirmé l’importance d’un recours suspensif dans sa décision d’avril 2007 dans l’Affaire Gebremedhin c. France. Asebeha Gebremedhin était un demandeur d’asile érythréen qui avait été placé en détention dans la « zone internationale d’attente » de l’aéroport  Charles de Gaulle, en périphérie parisienne, lors de son arrivée le 29 juin 2005. Le 5 juillet, l’OFPRA avait rejeté sa demande d’accès officiel au territoire français présentée au titre de l’asile, et le Ministère de l’Intérieur lui avait refusé l’admission en France et avait ordonné qu’il soit réacheminé en Erythrée ou envoyé vers un pays tiers le lendemain. La Cour a estimé que la France avait violé l’article 13 conjointement avec l’article 3 car aucun des recours dont disposait Gebremedhin contre ces décisions n’avait d’effet suspensif. La Cour a relevé que la saisine en référé du tribunal administratif n’était pas suspensive et elle a marqué son accord avec le requérant quant au fait qu’une « pratique » de suspension de l’expulsion jusqu’à ce qu’il soit statué sur les demandes en référé « ne saurait se substituer à la garantie procédurale fondamentale d’un recours suspensif ».109 Aux yeux de la Cour, « l’article 13 exige que l’intéressé ait accès à un recours de plein droit suspensif ».110

Le Comité de l’ONU contre la torture (CCT), qui supervise le respect de la Convention contre la torture et statue sur des plaintes déposées par des particuliers à l’encontre d’États membres, insiste sur le fait que le recours contre le refoulement requiert « qu'il soit possible de procéder à un examen effectif, indépendant et impartial de la décision d'expulsion ou de renvoi ».111 Dans une décision prise en 2005, le Comité a estimé que la France avait violé l’obligation qui lui incombait aux termes de la Convention contre la torture lorsqu’en septembre 2002, elle a expulsé Mahfoud Brada vers l’Algérie alors qu’il avait interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux.112 En décembre 2001, le CCT avait demandé de surseoir à l’exécution de l’arrêté d’expulsion et il avait réitéré sa demande en septembre 2002, peu avant l’expulsion de Brada. Brada—qui, en tant que pilote de la force aérienne, avait été emprisonné et torturé pendant trois mois dans un brick militaire en Algérie après avoir refusé de bombarder des zones civiles—a disparu pendant un an et demi suite à son expulsion vers l’Algérie. Il a par la suite affirmé avoir été détenu dans différents endroits par les services secrets algériens et avoir subi de graves tortures.

Dans son jugement, le Comité a souligné que les autorités françaises avaient ou auraient dû avoir connaissance du fait que le recours introduit par Brada et toujours en instance contenait des arguments supplémentaires contre son expulsion, lesquels auraient dû faire l’objet d’un réexamen judiciaire à la date à laquelle il a été expulsé.113 La conclusion du Comité était que :

le fait d'exécuter la mesure d'expulsion rendait le recours en annulation sans intérêt dès lors qu'il vidait de son sens l'effet qu'il tendait à accomplir… le recours en annulation était si intrinsèquement lié au but d'empêcher l'expulsion, et donc à une mesure de suspension de l'arrêté d'expulsion, qu'il ne pouvait être considéré comme une voie de recours efficace si la mesure d'expulsion était exécutée avant qu'il n'aboutisse.114 

Le Comité a protesté contre l’inobservation par la France de sa demande de mesures provisoires de protection, déclarant que cela avait rendu l’action du CCT « sans objet » et l’expression de ses constatations « sans valeur ».115 Il a estimé que la France avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22 de la Convention reconnaissant la compétence du CCT et établissant le système d’examen de plaintes émanant de particuliers.116 Selon le gouvernement français, c’était la première fois qu’il ne tenait pas compte des demandes du Comité pour surseoir à un éloignement.117 Ce ne serait pas la dernière.

En août 2006, les autorités françaises ont expulsé le Tunisien Adel Tebourski vers la Tunisie en dépit de la demande du Comité de surseoir à l’exécution de l’arrêté d’expulsion (voir plus loin une description circonstanciée de ce cas).   Le 11 mai, alors que le présent rapport était sur le point d’être bouclé, le CCT a conclu que la France avait violé l’article 3 de la Convention contre la torture dans l’affaire Tebourski.  Dans les observations adressées au Comité dans l’affaire Brada, le gouvernement français faisait valoir qu’à ses yeux, le Comité n’avait pas le pouvoir de prendre des mesures contraignantes pour les États membres et que si, jusqu’à présent, la France avait toujours coopéré avec les demandes de mesures provisoires de protection, elle l’avait fait de bonne foi et non pour observer ce qui devait être considéré comme une obligation légale.118 Dans ce cas précis comme dans d’autres, le CCT a souligné que la ratification de la Convention et la reconnaissance de la compétence du CCT pour examiner des plaintes individuelles en vertu de l’article 22 imposaient l’obligation de coopérer pleinement avec le Comité.119 

Études de cas

Nacer Hamani

Nacer Hamani, âgé de 41ans, a quitté l’Algérie pour la France alors qu’il avait 13 ans. En 1989, il s’est marié et est aujourd’hui père de trois enfants. En 1999, il a été condamné en dernière instance à huit ans de prison et frappé d’une interdiction définitive du territoire français pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste soutenant le GIA. Le 2 octobre 2001, soit quatre jours avant qu’Hamani ne soit libéré de prison après avoir purgé sa peine, le préfet local a pris un arrêté fixant l’Algérie comme pays de renvoi. Le 6 octobre, Hamani a été transféré de la prison au centre de rétention Saint-Exupéry à Lyon, dans l’attente de son éloignement. Le 8 octobre, son avocat a saisi le tribunal administratif de Lyon d’un référé-liberté, alléguant que l’éloignement d’Hamani l’exposerait à un risque de torture ou de mauvais traitements.

Le lendemain après-midi, 9 octobre 2001, Nacer Hamani a été emmené sous haute surveillance au port de Marseille et embarqué à bord d’un bateau répondant au nom quelque peu ironique de Liberté.  Le personnel portuaire a commencé à avoir des soupçons lorsqu’un important convoi de véhicules a contourné les contrôles de sécurité habituellement très stricts. Les investigations menées par le personnel du port, conjuguées aux protestations des militants locaux de la CIMADE, organisation de défense des droits des migrants et fer de lance du mouvement contre la double peine, ont retardé le départ du bateau. Le Liberté était encore amarré lorsque la nouvelle est arrivée que le juge des référés avait, cet après-midi, suspendu l’expulsion jusqu’à ce qu’une audience complète puisse se tenir le 12 octobre.

A l’époque, Hamani a été cité dans un quotidien, expliquant: « J'étais dans la cellule du bateau. Quand ils ont ouvert, je pensais que j'étais en Algérie, j'étais en train de faire mes prières

Lors de l’audience complète tenue trois jours plus tard, le juge des référés a confirmé la suspension jusqu’à ce que le tribunal puisse statuer sur le fond. Le juge estimait qu’Hamani risquait d’être torturé en raison de sa condamnation antérieure et de son appartenance connue au GIA. Plusieurs organisations françaises de défense des droits humains, notamment la CIMADE, la Ligue des Droits de l’Homme et DiverCité, une association de terrain oeuvrant dans les banlieues de Lyon, ont présenté des documents appuyant la suspension.

Le gouvernement français a immédiatement fait appel de la décision et le Conseil d’État a convoqué une session d’urgence le dimanche 14 octobre 2001, à laquelle toutes les parties étaient présentes. Le lendemain, le Conseil d’État a statué comme suit : « Considérant que M. Hamani… vit en France depuis qu’il a atteint l’âge de treize ans [et] n’allègue pas avoir eu d’activité politique ou militante… en Algérie ou en liaison avec l’Algérie… il n’en résulte pas qu’il serait exposé à des risques de la nature » mentionnée à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.121  Un représentant de la CIMADE a relevé qu’ « on le traite comme un islamiste quand il s'agit de le condamner… et on affirme que ce n'est pas un islamiste quand il s'agit de l'expulser ».122

Après avoir appris qu’on l’avait emmené hors du centre de rétention où il était détenu en attente de son expulsion, la famille et les amis d’Hamani se sont rassemblés dans le port pour le voir au moment de son embarquement à bord du même bateau, le Liberté, l’après-midi du 16 octobre. Ils ont finalement appris qu’il avait déjà été transféré à Alger, par avion, plus tôt dans la journée. A son arrivée, Hamani a été placé en détention dans un endroit secret pendant 11 jours. Son avocate a déclaré qu’il lui avait dit ne plus vouloir avoir de contact avec elle et il lui avait demandé de se désister de toute action en justice en son nom. Les efforts de Human Rights Watch pour le contacter sont restés vains.

Adel Tebourski

Adel Tebourski est né en Tunisie en 1963. Il a d’abord émigré en Belgique en 1985 avant de s’établir ensuite en France, où il a épousé une ressortissante française en 1995, avec laquelle il a eu un fils en 1996 ; il a lui-même acquis la nationalité française en 2000. En novembre 2001, Tebourski a été arrêté en rapport avec l’assassinat d’Ahmed Shah Massoud le 9 septembre 2001 en Afghanistan.123 Il a été accusé d’avoir fourni un soutien logistique aux deux hommes qui ont perpétré l’assassinat (et sont morts en même temps que leur victime). En mai 2005, il a été reconnu coupable d’association de malfaiteurs et condamné à six ans de prison.

Il était prévu que Tebourski soit libéré de la prison de Nantes le 22 juillet 2006. Selon l’intéressé, il attendait avec impatience de pouvoir passer du temps avec son fils et de terminer un livre qu’il écrivait. Mais la veille de sa libération, le 21 juillet, tout a changé lorsqu’il a officiellement été déchu de sa nationalité française.  Le lendemain, 22 juillet, le Ministère de l’Intérieur a émis un arrêté d’expulsion invoquant l’urgence absolue ainsi qu’une décision fixant la Tunisie comme pays de destination.124Au lieu de recouvrer la liberté, Tebourski a été transféré de sa cellule de prison vers un centre de rétention dans l’attente de son expulsion.

Tebourski a demandé l’asile le 21 juillet, jour où il a appris qu’il avait été déchu de sa nationalité française. Deux organisations non gouvernementales, la CIMADE et ACAT-France, ont introduit une requête au nom de Tebourski auprès du Comité des Nations Unies contre la torture, demandant une injonction pour empêcher l’expulsion. Dans une lettre datée du 27 juillet, le CCT a informé les deux organisations que le Comité avait demandé à la France de fournir des informations sur l’affaire en question et de s’abstenir d’expulser Tebourski jusqu’à ce que le Comité ait examiné le dossier sur le fond. D’autres organisations, telles que la section française d’Amnesty International, la FIDH et la Ligue des Droits de l’Homme ont présenté des documents pour fournir des preuves sur le risque de persécution, y compris de torture, auquel serait exposé Tebourski s’il venait à être renvoyé.

L’OFPRA a rejeté la demande d’asile de Tebourski le 28 juillet, signalant que sa crainte d’être persécuté en Tunisie était mal fondée, étant donné qu’il avait quitté ce pays il y a longtemps, ne semblait pas s’être engagé dans des activités importantes contre les autorités tunisiennes, et n’avait pas prouvé qu’il risquait d’être persécuté pour des activités commises en dehors de ce pays. La décision a été notifiée à Tebourski le 1er août ; le jour même, il a été emmené au consulat de Tunisie pour recevoir un laissez-passer. Son avocat a introduit un recours devant la Commission des recours des réfugiés (CRR) mais (comme expliqué précédemment au chapitre III), ce type de recours n’est pas suspensif dans les cas où la sécurité nationale est en jeu.

Le 7 août, Tebourski a été embarqué de force dans un avion à destination de Tunis. Accompagné de trois gendarmes français, il a été menotté et mis aux fers, et attaché à son siège à l’aide de sangles velcro à hauteur de la poitrine et des cuisses jusqu’à ce que le vol soit déjà bien avancé.125 A son arrivée à Tunis, il n’a pas été arrêté ni interrogé.

Le 17 octobre 2006, deux mois après que Tebourski eut été expulsé en Tunisie, la CRR a reconnu que la crainte de Tebourski d’être persécuté était bien fondée au sens de la Convention relative au statut des réfugiés, étant donné que « l’ensemble de son action est de nature à conduire les autorités tunisiennes à la considérer comme une manifestation d’opposition politique… » et que sa crainte d’être jugé en vertu de la législation antiterroriste tunisienne pour les mêmes actes que ceux qui avaient conduit à sa condamnation en France était légitime. La conclusion de la CRR était que « le fait qu’… il est resté en liberté mais a été placé sous une surveillance policière ostentatoire, sans être arrêté, doit être regardé comme traduisant la volonté des autorités tunisiennes de dissimuler leurs intentions réelles à son égard ».126

La décision de la CRR a rejeté la demande d’asile de Tebourski en vertu de l’article 1F(c) de la Convention relative au statut des réfugiés, lequel exclut de protection toute personne dont il est établi qu’elle s’est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies, y compris de terrorisme. Cette décision, bien qu’elle ait refusé à Tebourski le statut de réfugié, aurait néanmoins requis que les autorités françaises s’abstiennent de l’expulser vers la Tunisie en raison de l’interdiction absolue de renvoyer quelqu’un dans un pays où cette personne risque d’être soumise à la torture. Si elle était tombée alors que   Tebourski se trouvait encore en France, le gouvernement français aurait dû soit annuler l’arrêté d’expulsion, soit ne pas l’exécuter jusqu’à ce qu’un pays tiers disposé à l’accepter ait pu être identifié.

Usage abusif de la procédure accélérée

Comme expliqué plus haut au Chapitre III, le ministre de l’intérieur peut accélérer les expulsions administratives en invoquant « l’urgence absolue » et ce faisant, il peut éviter la consultation d’une commission d’expulsion.

La procédure accélérée a été créée pour répondre à des situations dans lesquelles le caractère urgent que semble présenter l’expulsion fait que le temps manque pour convoquer la commission. La commission doit convoquer tous les participants 15 jours avant une audience. En ce qui concerne l’utilisation de « l’urgence absolue », la jurisprudence du Conseil d’État charge le gouvernement de prouver l’existence d’une telle urgence, et exige du juge administratif qu’il tienne compte, entre autres, du temps écoulé entre le moment où le Ministère de l’Intérieur a eu connaissance des actes présumés donnant lieu à l’arrêté d’expulsion et la date de l’arrêté d’expulsion.127 La jurisprudence du Conseil d’État a également établi que la libération de prison imminente d’un étranger dont la « dangerosité est manifeste » justifie le recours à « l’urgence absolue ».128

Plusieurs cas examinés par Human Rights Watch font craindre que le recours à la procédure accélérée soit davantage une question d’opportunisme qu’un réel besoin.

Samir Korchi, un Marocain de 32 ans qui s’est établi en France avec sa famille dans les années 1980, a été condamné, en décembre 2004, à quatre ans de prison pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Il n’a pas fait l’objet d’une interdiction du territoire français mais six semaines avant la date prévue de sa libération, le 28 février 2005, la préfecture de Paris a pris un arrêté préfectoral d’expulsion et la commission d’expulsion a été chargée d’examiner le cas de Korchi le 19 avril 2005. Toutefois, le 12 avril, deux jours seulement avant que Korchi ne soit libéré de prison, le ministre de l’intérieur a émis son propre arrêté ministériel d’expulsion, invoquant l’urgence absolue et la nécessité impérieuse de protéger la sécurité du public et la sûreté de l’État. Korchi a été libéré de prison le 14 avril mais il a été immédiatement mis en détention administrative et placé dans un centre de rétention dans l’attente de son expulsion. Il a été expulsé vers Casablanca, au Maroc, le lendemain.

Chellali Benchellali, un imam algérien de 62 ans vivant à l’époque à Vénissieux, a été placé en garde à vue le 6 janvier 2004, sur présomption d’appartenance à une association de malfaiteurs en vue de perpétrer un crime terroriste. Le 8 janvier, alors que Benchellali était encore en garde à vue à la police, le Ministère de l’Intérieur a pris un arrêté d’expulsion en urgence absolue.  Benchellali a été placé en détention provisoire le 12 janvier et a finalement été reconnu coupable et condamné à deux ans de prison le 14 juin 2006 (six mois de prison ferme et 18 mois avec sursis). Il a été expulsé le 7 septembre 2006.

Dans ce cas, le gouvernement a avancé que la libération imminente de Benchellali à la fin de sa garde à vue justifiait la procédure d’urgence puisqu’au moment de l’arrêté administratif d’expulsion, rien ne garantissait que Benchellali serait placé en détention provisoire. Or, les rapports des services de renseignement appuyant les arguments du gouvernement datent de juillet 2003 et novembre 2003, soit au minimum 44 jours et au maximum cinq mois avant l’arrêté ministériel d’expulsion. L’avocat de Benchellali a relevé dans son dossier que « l’inertie de l’administration durant ce délai…démontre inévitablement l’absence d’urgence absolue… ».129 Le cas de Benchellali est analysé en détail plus loin (Chapitre V).

Abdullah Cam, un citoyen turc de 43 ans vivant en France depuis 1986, a été arrêté le 6 septembre 2005, devant chez lui dans la banlieue de Lyon, alors qu’il emmenait son jeune enfant à l’école. Il a été expulsé le lendemain. Le Ministère de l’Intérieur avait pris un arrêté d’expulsion le 26 août 2005 mais le préfet local n’a agi que deux semaines plus tard.130 Le rapport des services de renseignement, daté du 1er juillet 2005 et résumant les arguments du gouvernement contre Cam, dresse une longue liste de chefs d’inculpation à son encontre, dont la majorité datent du milieu des années 1990. L’acte le plus récent—participation à une réunion clandestine de Kaplanites131 en Allemagne—datait du 18 juin 2005, presque deux mois et demi avant l’émission de l’arrêté d’expulsion. Dans ce cas, qui est analysé plus amplement au Chapitre V, l’expulsion a été à ce point rapide que l’avocat de Cam n’a pu présenter de recours que la veille du jour où son client a été expulsé.

Renvois vers l’Algérie

Le chercheur de Human Rights Watch n’a pas pu obtenir de visa pour se rendre en Algérie afin d’y mener des recherches en vue de l’élaboration du présent rapport.132 En remplacement, en novembre 2006, un consultant de Human Rights Watch a réalisé des entretiens en Algérie auprès de 12 ressortissants algériens interdits de territoire français. Les entretiens ont confirmé que les terroristes présumés renvoyés en Algérie risquaient d’être arrêtés par le Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS).

Sur les 12 personnes interrogées, huit ont été placées en détention lors de leur retour en Algérie, pendant des périodes allant de quatre à 12 jours.133 Parmi celles-ci, cinq étaient aux mains du DRS, mais une seule a été en mesure d’identifier l’endroit où elle avait été détenue (la caserne militaire de Ben Aknoun). Un sixième homme a déclaré avoir été détenu par la « police judiciaire » à la caserne militaire de Chateauneuf. Parce que le DRS est habilité par la loi algérienne à exercer les fonctions de la police judiciaire, il est possible que cet homme aussi ait été aux mains du DRS. Les deux expulsés restants ont été détenus au commissariat central de la police à Alger. A l’exception d’Abdelkader Bouziane, un imam expulsé par arrêté ministériel, tous les interrogés ont été frappés d’une interdiction du territoire français suite à des condamnations pour appartenance à ou association avec un réseau terroriste. Ils avaient purgé des peines d’emprisonnement en France allant de un à six ans.134 Bien qu’aucun de ces hommes n’ait déclaré avoir subi de mauvais traitements lors de leur retour, ils ont passé des jours et des nuits dans l’incertitude, et dans certains cas, ils ont été soumis sans relâche à des interrogatoires.

Mehdi E., un ressortissant algérien de 46 ans, né en France et y ayant vécu toute sa vie, a été embarqué de force dans un bateau à destination d’Alger le 25 février 2005. A son arrivée, Mehdi a été emmené par le DRS dans un endroit inconnu. Il y a été interrogé et détenu pendant 10 jours.135 Son épouse, Nejla, a confié qu’elle avait développé un ulcère suite au stress émotionnel ressenti à ce moment-là : « Quand il a été expulsé, je suis allée voir des sites Internet et j’ai vu ce qui arrivait aux gens en Algérie et j’ai eu très peur ».136

Driss Saiad, 41ans, a été placé pendant 18 jours dans un centre de rétention dans l’attente de son expulsion, avant d’être emmené en avion à destination d’Alger le 26 mars 2006. A son arrivée, il a été incarcéré à la caserne militaire de Ben Aknoun pendant 12 jours, au cours desquels son épouse et ses enfants (deux avec sa femme actuelle et deux d’un précédent mariage) n’avaient aucune information quant à l’endroit où il se trouvait.137

Hazim S., 42 ans, a été arrêté et envoyé à Alger par avion le 11 décembre 2002. Hazim a été arrêté à son arrivée. « Les services de police algérienne m’ont conduit vers un centre de détention inconnu où j’ai passé 8 jours sans que personne, ni l’avocat ni ma femme ni mes parents en Algérie, ne sache où je me trouvais. Le 18 décembre 2002, vers 19 h, ils m’ont libéré et déposé au niveau de l’autoroute tout près de chez moi ».138

Khelif Zoubir, 52 ans, a été expulsé vers Alger par bateau le 28 juin 2006. Il a raconté à Human Rights Watch qu’il avait été incarcéré pendant quatre jours par la police judiciaire algérienne à la caserne militaire de Chateauneuf.139

Abdelkader Bouziane, 54 ans, a été envoyé par avion en Algérie le 21 avril 2004. A l’aéroport d’Alger, on l’a fait monter dans une camionnette et conduit dans un lieu inconnu où il a été détenu pendant sept jours pour interrogatoire. Pendant ce temps, sa famille n’avait aucune idée de l’endroit où il se trouvait et il était interdit à Bouziane d’utiliser le téléphone.140

Mohamed Touam, 50 ans, a été expulsé en octobre 2001. Il a été incarcéré pendant huit jours au commissariat central de la police à Alger. « On m’a interrogé de jour et de nuit », a-t-il confié à Human Rights Watch.141 Touam a expliqué qu’il souffrait d’hypertension des suites de cette expérience. « J’étais en isolement tout le temps. Ils m’interrogeaient jusqu’à 9 heures du soir par exemple et puis ils venaient me réveiller à 2 ou 3 heures du matin pour m’interroger encore. Ils disaient : ‘Vois ce qu’on doit faire pour te faire parler’ », a raconté Touam.142

Plusieurs ont dénoncé des mauvais traitements infligés par les policiers français au moment de l’arrestation ou pendant le voyage. Hazim S. a été appréhendé devant la garderie de son fils et placé en détention dans l’attente de son éloignement :   

Ils m’ont mis dans leur voiture les mains menottées sous le regard de ma femme [et] mon fils.  En arrivant à la préfecture de Paris, un agent est venu me dire que « c’est fini pour moi et que je suis indésirable en France ».  Au lendemain… les mêmes agents sont venus me récupérer dans ma cellule et quand j’ai demandé vers quelle destination je serais conduit, ils m’ont répondu, c’est vers le centre de rétention de Vincennes, mais en vérité, ils m’ont entraîné vers l’aéroport militaire du Bourget où un avion spécial m’attendait. J’ai montré une certaine résistance, ils ont utilisé la force et ils ont réussi à me faire pénétrer dans l’avion… nous avons décollé vers une destination inconnue… pendant tout le trajet les mains et les pieds étaient attachés, sans boire et sans manger. Quand j’ai vu les agents des renseignements généraux en train de rigoler, j’ai compris que la destination était bien l’Algérie.143 

En ce qui concerne Mehdi E., on l’a fait sortir de sa cellule de prison à 5 heures du matin, on lui a mis une camisole de force et on l’a conduit à Marseille, où on l’a « jeté dans une cellule » sur un bateau à destination d’Alger.144




90 Entretien de Human Rights Watch avec Jacques Debray, avocat, Lyon, 22 juin 2006.

91 Amnesty International, « Des pouvoirs illimités: La pratique de la torture par la Sécurité militaire en Algérie », AI Index: MDE 28/004/2006, 10 juillet 2006, http://web.amnesty.org/library/index/framde280042006 (consulté le 1er septembre 2006). 

92 Ibid., p. 16.

93 Pour une analyse de l’amnistie, voir « Algérie : La nouvelle loi d’amnistie assure l’impunité aux responsables des atrocités », communiqué de presse de Human Rights Watch, 1er mars 2006, http://hrw.org/french/docs/2006/03/01/algeri12747.htm

94 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture), adoptée le 10 décembre 1984, G.A. Res. 39/46, annex, 39 UN GAOR Supp. (No. 51) at 197, UN Doc A/39/51 (1984), entrée en vigueur le 26 juin 1987.

95 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 213 U.N.T.S. 222, entrée en vigueur le 3 septembre 1953, telle qu’amendée par les Protocoles 3, 5, 8 et 11, lesquels sont entrés en vigueur respectivement le 21 septembre 1970, le 20 décembre 1971, le 1er janvier 1990, et le 1er novembre 1998.

96 Affaire Soering c. Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989, Séries A no. 161, disponible sur www.echr.coe.int, para. 88.

97Affaire Chahal c. Royaume-Uni, arrêt du 15 novembre 1996, Arrêts et décisions 1996-V, disponible sur www.echr.coe.int, para. 79-80. Le Comité contre la torture, organe de l’ONU chargé de superviser la mise en œuvre de la Convention contre la torture, a déclaré que «la nature des agissements de la personne concernée ne peut entrer en ligne de compte au moment de prendre une décision en vertu de l’article 3 de la Convention » [Traduction de Human Rights Watch], Décision du Comité de l’ONU contre la torture : Tapia Paez c. Suède, CAT/C/18/D/39/1996, 28 avril 1997, http://www1.umn.edu/humanrts/cat/decisions/39-1996.html (consulté le 20 novembre 2006), para. 14.5.

98 CESEDA, art. L. 513-2.

99 Entretien de Human Rights Watch avec Dilek D. (pseudonyme), Villeurbanne, France, 23 juin 2006.

100 Entretien de Human Rights Watch avec Lucile Hugon, chargée de mission Asile, ACAT-France, Paris, 5 octobre 2006.

101 Entretien de Human Rights Watch avec Stéphane Julinet, magistrat administratif, Paris, 6 décembre 2006. Le Magistrat Julinet a parlé en sa qualité de représentant du Syndicat de la Juridiction Administrative (SJA), qui regroupe les magistrats administratifs. Entretien séparé de Human Rights Watch avec un juge administratif qui a tenu à garder l’anonymat, Paris, 6 décembre 2006.

102 Entretien de Human Rights Watch avec Stéphane Julinet, magistrat administratif, Paris, 6 décembre 2006. 

103 Ibid.

104 Il est intéressant de noter qu’une exception existe déjà : les recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière des immigrés en situation irrégulière  sont automatiquement suspensifs. Des experts en droit administratif ont expliqué à Human Rights Watch que ce droit avait été fermement établi au début des années 1990 après qu’une série de réformes contradictoires eut, à plusieurs reprises, transféré ces recours de la juridiction administrative à la juridiction pénale et inversement. Le principe qui est aujourd’hui accepté est que les immigrés en situation irrégulière ne constituent pas par nature une menace pour l’ordre public et qu’ils devraient par conséquent bénéficier d’une plus grande protection. Entretien de Human Rights Watch avec Emmanuelle Prada-Bordenave, commissaire du gouvernement, Conseil d’État, Paris, 6 décembre 2006; entretien de Human Rights Watch avec Stéphane Julinet, magistrat administratif,  Paris, 6 décembre 2006.

105 La CEDH a statué que puisque la majorité des affaires d’immigration ou d’asile ne consistaient pas à résoudre des litiges portant sur les droits et obligations civils et qu’il ne s’agissait pas d’affaires pénales, le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention ne pouvait être invoqué. Voir Affaire Maaouia c. France [GC], no. 39652/98, ECHR 2000-X, disponible sur www.echr.coe.int, paras. 35-40.

106 Voir Affaire Al-Nashif c. Bulgarie , no. 50963/99, 20 juin 2002, disponible sur www.echr.coe.int, paras. 123, 133.

107 Affaire Mamatkulov et Askarov c. Turquie  [GC], nos. 46827/99 et 46951/99), ECHR 2005-I, disponible sur www.echr.coe.int, para. 124.

108 Affaire Conka c. Belgique, no. 51564/99, ECHR 2002-I, disponible sur www.echr.coe.int, paras. 82-83.

109 Affaire Gebremedhin c. France, no.25389/05, disponible sur www.echr.coe.int, paras. 65-66.

110 Ibid., para. 66.

111 Comité de l’ONU contre la torture, Décision: Agiza c. Suède, CAT/C/34/D/233/2003, 20 mai 2005, http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/3ef42bcd48fe9d9bc1257020005533ca?Opendocument (consulté le 1er janvier 2007), para. 13.7.

112 Comité de l’ONU contre la torture, Décision: Brada c. France, CAT/C/34/D/195/2002, 24  mai 2005, http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/0f6b68ebf5876f0bc12570210047b6b4?Opendocument (consulté le 22 novembre 2006). Brada avait été condamné en 1998 à huit ans de prison et une interdiction du territoire français de dix ans.

113 Ibid., para. 13.3.

114 Ibid., para. 7.8

115 Ibid., para. 6.1

116 Ibid., para. 13.4.

117 Ibid., para. 8.2

118 Ibid.

119 Comité de l’ONU contre la torture, Décision: Agiza c. Suède, para. 13.10.

121 Décision du Conseil d’État, 15 octobre 2001, Ministre de l’Intérieur c. Hamani, Nos. 238943 et 239022.

122 Michel Samson, « Le Conseil d’État autorise l’expulsion vers l’Algérie de l’islamiste Nacer Hamani », Le Monde, 16 octobre 2001.

123 Massoud était un chef militaire qui s’est battu contre l’occupation soviétique de l’Afghanistan. Il est ensuite devenu le dirigeant du Front islamique uni pour le salut de l’Afghanistan, combattant les Talibans.

124 La législation française prévoit que les ressortissants naturalisés peuvent être déchus de leur nationalité française s’ils ont été reconnus coupables d’un crime commis contre les « intérêts fondamentaux de la Nation » ou d’un acte de terrorisme. La déchéance n’est encourue que si elle ne rend pas la personne apatride (dans le cas de Tebourski, il avait conservé sa nationalité tunisienne) et si les actes criminels se sont produits antérieurement à l'acquisition de la nationalité française ou dans le délai de quinze ans à compter de la date de cette acquisition. Code civil, art. 25. Dans une lettre datée du 15 juin 2006, le Bureau des naturalisations du Ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement avait notifié à Tebourski son intention de le déchoir de sa nationalité française.  Copie en possession de Human Rights Watch.

125 Entretien de Human Rights Watch avec Adel Tebourski, Tunis, 31 octobre 2006.

126 Décision de la Commission des recours des réfugiés, datée du 17 octobre 2006.  Copie en possession de Human Rights Watch.

127 Voir, par exemple, la décision du Conseil d’État, 1er avril 1998, Ministère de l’Intérieur c. Kisa, No. 163901.

128 Décision du Conseil d’État, 16 octobre 1998, Ministre de l’Intérieur c. Antate, No. 171333.

129 Mémoire Appel du Jugement rendu le 7 juillet 2005 par la 1ere Chambre du Tribunal Administratif de Lyon (Dossier No. 0401903-1), déposé par Bérenger Tourné au nom de Chellali Benchellali devant la Cour administrative d’appel de Lyon, 7 septembre 2005. 

130 Le préfet local est chargé de prendre les mesures nécessaires pour effectuer l’éloignement physique, notamment, dans la plupart des cas, en prenant un arrêté fixant le pays de destination.

131 Les « Kaplanites » sont des disciples de Metin Kaplan, le chef du « Califat » qui chercherait à renverser le gouvernement turc et à instaurer un État islamique dans ce pays. Cette organisation, basée en Allemagne, a été interdite par le gouvernement allemand en 2001.

132 Plusieurs demandes de visa introduites aux consulats algériens de Rome et de Milan ont été rejetées pour des motifs procéduraux. Le consulat d’Algérie à Milan a accepté la demande fin octobre 2006. En mars 2007, aucune décision n’avait encore été prise à propos de la demande de visa, en dépit d’appels téléphoniques répétés et de visites personnelles au consulat.

133 Les quatre autres ont été interrogés pendant des périodes allant de 30 minutes à plusieurs heures, avant d’être relâchés.

134 Certains ont été condamnés à des peines de trois ou quatre ans, dont deux ou trois ans avec sursis. Par conséquent, la peine de prison ferme n’était que d’un an.

135 Entretien de Human Rights Watch avec Mehdi E. (pseudonyme), Alger, 17 novembre 2006.

136 Entretien de Human Rights Watch avec Nejla E. (pseudonyme), Vaulx-en-Velin, France, 7 décembre 2006.

137 Entretien de Human Rights Watch avec Driss Saiad, Alger, 14 novembre 2006.

138 Entretien de Human Rights Watch avec Hazim S. (pseudonyme), Alger, 14 novembre 2006.

139 Entretien de Human Rights avec Khelif Zoubir, Alger, 14 novembre 2006.

140 Entretien de Human Rights Watch avec Abdelkader Bouziane, Oran, Algérie, 16 novembre 2006.

141 Entretien de Human Rights Watch avec Mohamed Touam, Alger, 15 novembre 2006.

142 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Mohamed Touam, 21 décembre 2006.

143 Entretien de Human Rights Watch avec Hazim S., Alger, 14 novembre 2006.

144 Entretien de Human Rights Watch avec Mehdi E., 17 novembre 2006.