III. Léloignement pour des raisons de sécurité nationaleLéloignement de France est régi par le Code de lEntrée et du Séjour des Etrangers et du Droit dAsile (CESEDA). Le CESEDA, entré en vigueur le 1er mars 2005, renforce et remplace lordonnance de 1945 relative aux étrangers et la loi de 1952 relative au droit dasile. Il incorpore par ailleurs les importantes réformes apportées depuis 2001 en vue de faciliter lexpulsion de personnes soupçonnées dentretenir des liens avec le terrorisme international. Dans les cas où la sécurité nationale est en jeu, deux mécanismes principaux sont appliqués pour léloignement de résidents étrangers en situation régulière en France. Le premier est linterdiction du territoire français (ITF), prononcée par un tribunal à titre de sanction infligée suite à une condamnation pénale. Le second est lexpulsion administrative, qui prend la forme dun arrêté ministériel dexpulsion (AME), lequel peut être pris par le Ministère de lIntérieur. Un troisième mécanisme autorise les préfets à ordonner des expulsions en cas de menace grave pour lordre public mais ces arrêtés préfectoraux dexpulsion (APE) ne sont pas fréquemment utilisés dans le cas de personnes soupçonnées de terrorisme. La loi protège prétendument certaines catégories de résidents étrangers contre léloignement, mais des exceptions inscrites tant dans le Code pénal que dans le CESEDA prévoient que la « gravité » de la condamnation pénale ou du comportement présumé lemporte sur les critères de protection contre léloignement. Human Rights Watch a examiné des cas déloignement pour des raisons de sécurité nationale qui ont eu lieu suite à un arrêté ministériel dexpulsion ou suite à une interdiction du territoire français. Dans certains cas que nous avons examinés, les deux moyens ont été utilisés pour faire appliquer la mesure déloignement. En loccurrence, le ministre de lintérieur a pris un arrêté dexpulsion à lencontre dune personne faisant déjà lobjet dune interdiction du territoire français, selon toute vraisemblance pour garantir léloignement même si un juge pénal venait à annuler en appel linterdiction du territoire français. Linterdiction du territoire françaisLinterdiction du territoire français peut être prononcée par une juridiction pénale compétente à titre de peine complémentaire, voire à titre de peine principale, pour un large éventail de crimes et de délits. Aucun instrument législatif ni aucune loi nénumère à lui seul ou à elle seule toutes les infractions susceptibles de donner lieu à une interdiction du territoire français ; celles-ci sont reprises dans différents instruments, notamment le CESEDA, le Code pénal, le Code du travail et le Code de la santé publique. La décision de prendre une mesure dinterdiction du territoire français à titre de peine complémentaire relève toujours de la discrétion de la juridiction pénale compétente. Celle-ci peut en outre décider dimposer une interdiction temporaireallant généralement de trois ans à dix ans maximum en fonction de linfraction commiseou une interdiction définitive, laquelle prohibe à tout jamais le retour sur le territoire français. En 2000, un vaste réseau dassociations de terrain et dorganisations de défense des droits des migrants et des droits humains a lancé une campagne contre les interdictions du territoire français. Ces organisations affirmaient que ce quelles qualifiaient de « double peine » revenait à exposer les personnes à une double incrimination car elle imposait deux sanctions pour la même infraction, et quelle était par ailleurs discriminatoire dans le sens où elle naffectait que les étrangers. Les militants de la campagne sont parvenus à promouvoir une réforme en 2003, dans le cadre de laquelle la protection contre linterdiction frappant certaines catégories détrangers sest trouvée renforcée.31 Le Code pénal établit actuellement deux niveaux de catégories protégées sur la base de certains critères, dont la durée de la résidence en France, le mariage avec un ressortissant français, et le fait que la personne soit ou non responsable de lentretien et de léducation denfants mineurs.32 Toutes ces protections sont néanmoins soumises à des exceptions et les seuls étrangers qui bénéficient dune protection absolue contre linterdiction du territoire français sont les mineurs, à savoir les personnes de moins de 18 ans.33 Le Code pénal dispose que les étrangers reconnus coupables d « atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation [d] actes de terrorisme [et d] infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous » ne sont pas protégés contre linterdiction du territoire français, quel que soit leur statut,34 et que les étrangers reconnus coupables dune infraction liée au terrorisme peuvent faire lobjet dune mesure dinterdiction du territoire français à titre définitif.35 Au moment de statuer sur limposition dune interdiction du territoire français, le tribunal compétent doit mettre en balance dune part la gravité de linfraction commise, et dautre part, les liens que la personne entretient avec la France, ses liens avec le pays dont elle a la nationalité, ainsi que son degré dintégration dans la société française.36 La vaste majorité des décisions dinterdiction du territoire français prises en lien avec le terrorisme sont prononcées dans des cas de délits dassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (comme décrit dans le chapitre précédent).37 Ce chef dinculpation peut couvrir une large gamme de comportements, allant de lhébergement dun agent terroriste identifié ou présumé et de laide apportée à cette personne pour obtenir de faux papiers ou un téléphone portable au prêt ou à la remise dargent, et du recrutement de combattants pour se rendre en Afghanistan ou en Irak à lorganisation matérielle dun attentat sur le sol français. Les ressortissants étrangers reconnus coupables dassociation de malfaiteurs font fréquemment lobjet dune expulsion, même lorsque les peines demprisonnement auxquelles ils sont condamnés sont relativement courtes. Lexception invoquée pour des raisons de sécurité nationale au regard des catégories protégées détrangers signifie que même les étrangers qui sont nés en France ou qui sy sont établis à un très jeune âge peuvent être interdits de territoire français lors de leur libération de prison. Mohamed Chalabi, le chef présumé dans laffaire Chalabi, ainsi que son frère Brahim Chalabi ont été condamnés respectivement à huit ans et quatre ans demprisonnement et à des peines dinterdiction du territoire français à titre définitif. Bien quil sagisse de ressortissants algériens, tous deux sont nés et ont grandi en France, ils ont épousé des ressortissantes françaises et ont des enfants de nationalité française. Mohamed Chalabi a été éloigné en 2001 ; en 2003, le gouvernement français a suspendu ses démarches visant à interdire du territoire son frère Brahim, lorsque la Cour européenne des droits de lhomme a demandé de surseoir à lexécution de la mesure, redoutant des risques de torture en Algérie. Abderrazak Mezouar, un ressortissant algérien, a également été jugé dans laffaire Chalabi et condamné à quatre ans de prisonil avait déjà passé quatre ans et deux mois en détention provisoire lorsque le verdict a été prononcéet à une interdiction du territoire français, alors quil était né en France, avait épousé une ressortissante française et avait quatre enfants de nationalité française. Recours contre les décisions dinterdiction du territoire françaisUn recours contre la décision dinterdiction du territoire français peut être déposé auprès de la juridiction pénale compétente à titre de recours général contre une condamnation pénale. Ce recours est non suspensif ; par conséquent, si la décision dinterdiction du territoire français est la seule peineen dautres termes, si la personne reconnue coupable nest pas condamnée à une peine demprisonnementou si la peine de prison prononcée par la juridiction pénale est suspendue ou couvre une période demprisonnement déjà effectuée en détention provisoire (comme dans le cas dAbderrazak Mezouar mentionné plus haut), la décision peut être exécutée même lorsque le recours est en instance. La personne faisant lobjet dune interdiction du territoire français peut également demander à la juridiction qui a prononcé la peine de la relever de cette mesure. Cette démarche est différente du recours. La première demande de relèvement ne peut être introduite quà lissue dun délai de six mois après la condamnation,38 et cette demande nest recevable que si lintéressé est encore incarcéré en France, sil est sorti de prison mais a été assigné à résidence en France (voir plus loin), ou sil est déjà hors du pays. Les personnes libérées de prison et en attente de lexécution de la peine dinterdiction du territoire français mais non assignées à résidence ne peuvent demander le relèvement. Une personne peut introduire auprès de la juridiction compétente un nombre illimité de demandes de relèvement de linterdiction du territoire français. Néanmoins, six mois doivent sécouler avant le renouvellement dune demande.39 Lexpulsion administrativeLe CESEDA autorise le ministre de lintérieur à expulser des résidents étrangers en situation régulière aux motifs quils constituent une menace grave pour lordre public.40 Les arrêtés ministériels dexpulsion sont des documents dune page qui font référence aux articles pertinents du CESEDA ainsi quà la Convention européenne des droits de lhomme. Ils décrivent succinctement les motifs de lexpulsion (par exemple que lindividu « sest engagé dans des activités de nature à compromettre la sécurité de lÉtat » ou « incite ouvertement à la violence et à la haine ») et peuvent indiquer que lexpulsion répond à une « nécessité impérieuse » et/ou une « urgence absolue » pour la protection de lÉtat et de la sécurité publique. Le CESEDA fixe en gros les mêmes critères pour deux catégories protégées de ressortissants étrangers que dans les cas dinterdiction du territoire français.41 Ici aussi, des exceptions au statut de protection sappliquent néanmoins dans les cas où lexpulsion est considérée comme une « nécessité impérieuse pour la sûreté de lÉtat ou la sécurité publique »,42 ainsi que dans les cas de comportements portant « atteinte aux intérêts fondamentaux de lÉtat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».43 Lexpulsion par arrêté ministériel exclut la possibilité de revenir sur le territoire français jusquà ce que ledit arrêté soit levé. Les arrêtés ministériels dexpulsion sont théoriquement soumis à lexamen dune Commission dexpulsion composée de deux magistrats pénaux et dun magistrat administratif, lors dune audience à laquelle peuvent participer la personne faisant lobjet de lexpulsion ainsi que son avocat.44 Le rôle de la commission est dévaluer si lexpulsion est nécessaire et proportionnée, au regard de la gravité de la menace à lordre public ainsi que de lintégration de lintéressé dans la société française et de ses liens personnels et familiaux en France. La commission joue uniquement un rôle consultatif et son avis sur lexpulsion nest pas contraignant. Toutefois, le CESEDA prévoit de surcroît une procédure accélérée au cours de laquelle la Commission dexpulsion est contournée. Le ministre de lintérieur est habilité à prendre un arrêté dexpulsion invoquant « lurgence absolue », conférant aux autorités le pouvoir de procéder immédiatement à lexpulsion.45 Dans pratiquement tous les cas examinés par Human Rights Watch, larrêté administratif dexpulsion invoquait à la fois lurgence absolue et la nécessité impérieuse. Raisons principales du recours aux expulsions administrativesEn règle générale, les expulsions administratives frappent les personnes que le gouvernement nest pas en mesure ou nest pas disposé à poursuivre. Lexpulsion administrative semble constituer la méthode préférée utilisée à lencontre des étrangers accusés dincitation à la discrimination, à la haine ou à la violence, en partie parce que les mesures relatives à limmigration telles que lexpulsion permettent au gouvernement déluder les protections procédurales intégrées dans le système de justice pénale, mais aussi parce quaux termes de la législation actuelle, une condamnation pour incitation ne permet pas de prononcer une interdiction du territoire français à titre de peine complémentaire. Ce dernier argument a dailleurs été invoqué pour promouvoir la réforme du CESEDA en 2004, laquelle a élargi le champ des propos pouvant donné lieu à une expulsion administrative. Alors quune réforme apportée en 2003 avait prévu les expulsions pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence pour des motifs dethnicité ou de religion, le Ministre de lIntérieur de lépoque, Dominique De Villepin, a parrainé une modification introduisant la formulation actuelle, plus large, prévoyant lexpulsion pour des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes (italique ajouté).46 Les cas les plus médiatisés sont ceux des imams accusés de prêcher la haine contre des groupes de personnes, de prôner le soutien à la résistance à loppression perçue soit à létranger, soit en France, et dexprimer leur mépris pour les « valeurs françaises ». Les expulsions administratives sont également utilisées pour exiler les personnes soupçonnées de terrorisme que les autorités craignent ne pas pouvoir poursuivre avec succès, ainsi que les personnes qui ont été reconnues coupables dassociation de malfaiteurs mais nont pas fait lobjet dune peine dinterdiction du territoire français. Un arrêté dexpulsion a été pris à lencontre de lAlgérien Chellali Benchellali alors quil était en garde à vue sur présomption dactivité à caractère terroriste, probablement parce que les autorités estimaient que le magistrat instructeur était susceptible de le libérer sans inculpation.47 Le Tunisien Adel Tebourski devait être libéré après avoir purgé une peine demprisonnement de six ans pour association de malfaiteurs.48 Tebourski avait obtenu la nationalité française en 2000 et ne pouvait donc faire lobjet dune interdiction du territoire français. Le Ministère de lInté rieur a contourné cet obstacle en privant Tebourski de sa nationalité française la veille du jour prévu pour sa libération et il a émis un arrêté administratif dexpulsion aux motifs que son expulsion répondait à une urgence absolue et à une nécessité impérieuse. Sauvegardes au sein du système de justice administrativeLes recours contre les expulsions ordonnées par le Ministère de lIntérieur relèvent de la compétence des juridictions administratives. La France dispose dun système de justice administrative bien développé. Il existe 28 tribunaux administratifs (TA) qui statuent en première instance, et huit cours administratives dappel (CAA).49 La plus haute juridiction au sein de lordre administratif est le Conseil dÉtat (CE). Le droit administratif fournit le cadre pour une supervision judiciaire de lexercice des fonctions exécutives. A la différence des procédures en vigueur dans une juridiction pénale, la plupart des procédures administratives sont écrites, la présence des parties intéressées nest requise à aucune des audiences susceptibles dêtre tenues, et le premier devoir de la juridiction administrative est de déterminer si lautorité exécutive a exercé son pouvoir conformément à la loi. La jurisprudence du Conseil dÉtat est exécutoire pour les instances inférieures. Les arrêtés ministériels dexpulsion, ainsi que les arrêtés séparés fixant le pays de destination pour la personne frappée dune interdiction du territoire français peuvent faire lobjet dun recours au sein du système de justice administrative.50 Pour un arrêté comme pour lautre, il existe en fait trois types de recours : lappel sur le fond ; lappel sur le fond déposé conjointement avec un référé-suspension; et le référé-liberté. Les arrêtés fixant le pays de destination, qui peuvent être émis par le ministre de lintérieur ou par un préfet local, sont cruciaux dans les cas où lon craint des risques de torture en cas de renvoi. En appel, un tribunal peut confirmer la mesure déloignement mais annuler larrêté qui fixe comme destination le pays de nationalité, aux motifs que lintéressé serait exposé à des traitements inhumains à son retour. Les recours contre les arrêtés fixant le pays de destination doivent être déposés auprès de la juridiction administrative locale, alors que les recours contre une expulsion administrative doivent être déposés auprès du tribunal administratif de Paris. La centralisation des affaires dexpulsion auprès du tribunal administratif de Parisqui reflète la centralisation des affaires criminelles liées au terrorisme auprès du Tribunal Correctionnel de Parisest assez récente. Après que le tribunal administratif de Lyon eut suspendu lexpulsion dun imam local, Abdelkader Bouziane, en avril 2004, le Ministre de lIntérieur de lépoque, De Villepin, a déclaré au quotidien Le Figaro:
De Villepin a demandé à lAssemblée nationale denvisager de modifier la loi de façon à faire du Conseil dÉtat la première et dernière instance pour statuer sur les recours contre les arrêtés dexpulsion, « afin de mieux concilier la défense des droits individuels et les impératifs de lÉtat républicain ».52 Cette proposition a rencontré une forte opposition, y compris de la part du Syndicat de la Juridiction Administrative (SJA), qui regroupe les juges des tribunaux administratifs, ainsi que du Conseil dÉtat lui-même. En fin de compte, un compromis alternatif a été trouvé avec la centralisation, auprès du tribunal administratif de Paris, des recours contre les expulsions ordonnées par le ministre de lintérieur.53 La procédure en appel peut durer des mois, voire des années, une affaire pouvant passer par les trois niveaux de la hiérarchie juridictionnelle (le tribunal administratif local, la cour dappel et le Conseil dÉtat). Néanmoins, le simple fait de former un recours, quel quil soit, nest pas suspensif. Pour suspendre lexécution de larrêté dexpulsion, les intéressés doivent obtenir un jugement favorable concernant une requête en référé-suspension ou en référé-liberté (les deux requêtes peuvent être déposées pour la même affaire). La requête initiale doit être présentée au juge des référés du tribunal administratif de Paris. Un référé-suspension nest pas recevable sil nest pas accompagné dun appel sur le fond. Il doit présenter des motifs propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de larrêté dexpulsion et doit répondre à un critère d « urgence ».54 La jurisprudence du Conseil dÉtat semble indiquer que la notion durgence est présumée dans les affaires dexpulsion, précisément parce que lappel sur le fond nest pas suspensif.55 La loi nimpose pas de délai pour la décision du juge en matière de référé-suspension mais cette décision est prise en dernier ressort et une fois rendue, elle nest pas susceptible dappel.56 Le référé-liberté, qui peut être introduit même en labsence dun appel sur le fond, doit démontrer que lexpulsion constitue une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.57 Le juge des référés est habilité à prendre « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale » et il doit statuer dans un délai de 48 heures à compter de la réception de la demande.58 Le fait quune décision rapide soit exigée dans les cas impliquant déventuelles violations des libertés fondamentales constitue une condition importante mais les autorités peuvent malgré tout éloigner légalement une personne avant que le juge des référés nait statué. Dans les cas examinés par Human Rights Watch, les autorités françaises ont généralement suspendu lexpulsion jusquà ce que le juge des référés ait prononcé un jugement. Cependant, dans le cas de Nacer Hamani, le gouvernement a cherché à léloigner alors même que le juge des référés examinait sa demande. Ce cas est décrit plus loin. Une décision négative à propos dun référé-liberté est susceptible dappel directement devant le juge des référés du Conseil dÉtat, dans les quinze jours de sa notification ; le juge du Conseil dÉtat doit alors statuer dans un délai de 48 heures.59 Le juge des référés détermine si les procédures relatives au référé-suspension ou au référé-liberté seront orales ou écrites,60 et il peut rejeter une demande en motivant sa décision, sans tenir daudience daucun type sil considère que la demande est manifestement irrecevable, quelle est mal fondée, quelle ne relève pas de sa juridiction, ou quelle ne répond pas au critère durgence.61 Une décision de rejet pour irrecevabilité manifeste ou demande mal fondée nest pas susceptible dappel.62 Préoccupations au regard des procéduresDans le système de justice administrative, les preuves requises pour confirmer une expulsion ordonnée par le Ministère de lInté rieur sont dun niveau bien moindre que celles exigées pour une condamnation prononcée dans le cadre de procédures pénales. Les preuves du gouvernement à lencontre de prédicateurs radicaux apparaissent dans des rapports des services de renseignement qui doivent être divulgués à la défense. Toutefois, les informations contenues dans les rapports ne peuvent être vérifiées de manière indépendante ni facilement contestées par la défense. Dans ces procédures, le concept de preuves est compris comme étant flexible, permettant tout type de preuves, y compris des post-it.63 « Il ny a pas de formalisme concernant les preuves [dans la justice administrative] il ne sagit pas vraiment de preuves, on essaye [plutôt] de convaincre le juge. Il est interdit dutiliser le mot preuve dans les jugements parce quil ne sagit pas de prouver mais de convaincre », a expliqué un commissaire du gouvernement64 du Conseil dÉtat à Human Rights Watch.65 En ce qui concerne spécifiquement les informations nécessaires pour justifier une expulsion pour des raisons de sécurité nationale ou dordre public, le Conseil dÉtat est davis que lappréciation de ces types de menace ne peut être soumise au « même régime de preuve » que lorsquil sagit détablir lexistence dun crime.66 La jurisprudence du Conseil dÉtat a établi que le ministère doit inclure dans larrêté dexpulsion le fondement juridique et factuel de la décision dexpulser.67 Dans la pratique, les arrêtés dune page nincluent que des informations sommaires et ce nest que si larrêté fait lobjet dun recours que le gouvernement doit fournir des preuves pour étayer largument de la menace. Il le fait par le biais de rapports des services de renseignement, communément appelés « notes blanches » car ils ne sont pas signés et ne fournissent pas de détails sur les sources dinformations quils contiennent.68 Ces rapports, généralement produits par les Renseignements Généraux (RG), reposent souvent sur des informations provenant dindicateurs, dont certains ont subi des pressions pour quils rendent ces services en échange de leur non-expulsion, soit parce quils risquent de faire lobjet dun arrêté ministériel dexpulsion, soit parce quils résident en France en situation irrégulière.69 Comme la expliqué un avocat : « Beaucoup de gens subissent des pressions pour être indicateurs. Ils obtiennent des cartes de séjour en échange et puis, ils doivent fournir lune ou lautre information. Donc ils amplifient les rumeurs. Et par la suite il ny a aucune chance quun juge pénal vérifie linformation et sa source ».70 Tous les avocats interrogés au cours des recherches réalisées en vue du présent rapport ont dit quils croyaient avoir eu accès à toutes les informations présentées par le gouvernement au tribunal administratif, y compris tous les rapports des services de renseignement. Seule une avocate a mentionné un cas où un juge du tribunal administratif de Paris avait refusé de lui remettre copie dune note blanche produite par lavocat du gouvernement lors de laudience relative à un arrêté préfectoral dexpulsion. Laffaire concernait un Tunisien, Hamed Ouerghemi, qui avait fait lobjet dun arrêté dexpulsion en février 2005. Ouerghemi, membre du mouvement islamiste tunisien Ennadha, avait demandé lasile depuis le centre de rétention où il avait été placé dans lattente de son expulsion et lOFPRA lui avait accordé une protection subsidiaire.71 Quelques semaines plus tard, le 4 mars 2005, le juge du tribunal administratif avait confirmé larrêté dexpulsion, citant textuellement le rapport des RG dans sa décision. Ouerghemi, qui entre-temps avait été assigné à résidence, a introduit un recours auprès de la Cour administrative dappel de Paris, laquelle a annulé une partie de la décision de linstance inférieure en septembre 2005, relevant quelle sétait basée « sur les informations contenues dans les extraits dune note blanche des Renseignements Généraux invoquée à la barre par le représentant du préfet, sans que ce document ou les informations quil contenait aient été communiqués à M. Ouerghemi ».72 Linterprétation contraignante du Conseil dÉtat est quune note blanche devrait être rejetée si elle est « lapidaire, fort peu circonstanciée et se borne à procéder par affirmation ». 73 Notant que « la preuve négative nest pas toujours aisée à apporter », le commissaire du gouvernement, dans une affaire importante relative à lutilisation de notes blanches, a suggéré une approche qui favorise « une conception équilibrée de la charge de la preuve », prenant en égale considération la nature de la menace, déterminée en grande partie en fonction du contenu des rapports des RG, et les arguments de la défense. Le commissaire a souligné que ces derniers devaient être précis et ne pas simplement consister à protester par principe contre lutilisation de la note blanche.74 Pour sa part, le Ministère de lIntérieur soutient que « le formalisme ne doit pas être tel que le ministre soit contraint de détailler les circonstances précises de chacun des faits caractérisant le comportement dun ressortissant étranger faisant lobjet dun arrêté dexpulsion ».75 La Cour administrative dappel de Nantes a souscrit à cet avis dans une affaire remontant à 2001, estimant que le Ministère de lIntérieur nétait pas tenu de « préciser en quoi le maintien du requérant [la personne faisant lobjet dun arrêté dexpulsion] sur le territoire français présenterait un risque dune particulière gravité pour la sécurité publique ».76 Le manque de précision du concept juridique de menace à lordre public et les critères relativement peu rigoureux qui existent dans le système de justice administrative en matière de preuves donnent aux juges qui statuent sur ces questions un pouvoir de décision considérable. Les avocats de la défense se plaignent du fait que les juges administratifs se fient aveuglément aux rapports des services de renseignement, et beaucoup de jugements examinés par Human Rights Watch citent les notes blanches textuellement. Le commissaire du gouvernement dans laffaire Bouziane, détaillée plus loin, a constaté « labsence de jurisprudence bien établie sur lintensité et la matérialité de la menace permettant dexpulser un étranger relevant de lune des catégories bénéficiant dune protection quasi-absolue ».77 Human Rights Watch reconnaît le rôle critique des services de renseignement dans les efforts de répression du terrorisme. Lefficacité de la surveillance et du recueil dinformations, conjuguée à une supervision judiciaire appropriée, constitue un élément clé, tant pour la prévention que pour la poursuite des infractions liées au terrorisme. Nous reconnaissons par ailleurs que la jurisprudence du Conseil dÉtat autorise la présentation de rapports des services de renseignement dans les affaires relatives à lentrée et au séjour des étrangers, et quelle permet de les considérer comme des éléments de preuve parmi dautres.78 Néanmoins, nous nous inquiétons du fait que les critères minima établis par le Conseil dÉtat concernant la recevabilité dune note blanche ne sont ni suffisamment clairs, ni suffisamment respectés dans la pratique, et quils peuvent aboutir à des expulsions basées sur des informations non vérifiables, difficiles à réfuter. Human Rights Watch sinquiète également du fait quil nexiste aucun moyen détablir si les informations contenues dans une note blanche ont été arrachées sous la torture. Dans le cadre des procédures judiciaires, lutilisation dinformations arrachées sous la torture violerait les obligations qui incombent aux États de respecter linterdiction absolue de la torture. Impact des demandes dasile sur léloignementLes personnes confrontées à une interdiction du territoire français ou à une expulsion peuvent demander lasile.79 Dans ces circonstances, les demandes dasile sont traitées selon une procédure « prioritaire » accélérée au cours de laquelle lOffice français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) doit examiner la demande et rendre une décision dans un délai de 15 jours, ou de 96 heures si la personne est en rétention dans lattente de son éloignement.80 Les recours sont entendus par la Commission des recours des réfugiés (CRR). LOFPRA est un organe gouvernemental placé sous la tutelle du Ministère des Affaires Etrangères. La CRR est ce quon appelle en France une « juridiction administrative spécialisée » et elle est composée de trois juges dont un magistrat professionnel, un représentant des ministères représentés au conseil dadministration de lOFPRA et un représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Par conséquent, la CRR jouit dune crédibilité plus grande en sa qualité darbitre autonome des demandes dasile.81 Demander lasile est le seul moyen certain de suspendre la mesure déloignement mais ici aussi, les questions de sécurité nationale constituent des motifs dexception à la règle générale dinterdiction dun éloignement pendant toute la période où la demande dasile est à lexamen. Habituellement, les demandeurs dasile ont droit à une carte de séjour temporaire pendant la durée de la procédure dexamen de leur demande. Cette procédure comprend une décision initiale de lOFPRA, ainsi que le recours facultatif auprès de la CRR suite à une décision négative.82 La décision de la CRR est sans appel et les demandeurs dasile dont la demande a été rejetée font alors lobjet dun éloignement. Dans les cas impliquant des personnes considérées comme une menace pour la sûreté de lÉtat ou lordre public, aucun permis de séjour temporaire nest délivré et la mesure déloignement nest suspendue que pendant lexamen de la demande par lOFPRA.83 En cas de décision négative, la personne peut être éloignée même si elle a formé un recours devant la CRR.84 Le HCR soutient invariablement que tous les recours concernant des demandes dasile devraient automatiquement être suspensifs : « Du fait des conséquences éventuellement graves dune détermination erronée en première instance, le recours en cas de décision négative en première instance est inefficace si le demandeur nest pas autorisé à attendre sur le territoire de lÉtat Membre le résultat dune action en appel ».85 De même, le Réseau UE dExperts indépendants en matière de droits fondamentaux a relevé « le lien entre lexigence dun recours suspensif et le caractère potentiellement irréversible du dommage que causerait la mise à exécution dune décision déloignement adoptée au départ dune information lacunaire sur la réalité des risques encourus dans le pays de renvoi ».86 LOFPRA peut accorder une « protection subsidiaire » pour une période dun an renouvelable à toute personne qui ne remplit pas toutes les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais qui est exposée, dans son pays, à une menace grave, à savoir la peine de mort, la torture ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou « s'agissant d'un civil, [à] une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ». 87 Mais lOFPRA peut refuser ou mettre fin à ce statut de protection subsidiaire dans les cas où la présence de la personne sur le territoire français est considérée comme une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État. 88 Même lorsque le statut de protection a été annulé pour les raisons susmentionnées, la France est tenue, aux termes du droit international des droits humains, de ne renvoyer aucune personne vers un pays où elle risque dêtre soumise à la torture ou à des mauvais traitements interdits (voir plus loin).89 31 Loi 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, publiée au Journal officiel No. 274, 27 novembre 2003, p. 20136. 32 Code pénal (CP), arts. 131-30-1 et 131-30-2. 33 Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), art. 521-4. 34 CP, art. 131-30-2. Les personnes ayant commis une infraction en matière de fausse monnaie ne bénéficient pas non plus de protection. Les étrangers qui seraient normalement protégés contre une mesure déloignement par le fait quils sont mariés à un ressortissant français et résident régulièrement en France depuis plus de 10 ans, ou quils sont père ou mère dun enfant français mineur et résident régulièrement en France depuis plus de 10 ans, ne bénéficient pas de cette protection lorsque les faits à l'origine de leur condamnation ont été commis à l'encontre de leur conjoint ou de leurs enfants. 35 CP, art. 422-4. Lorsquelle nest pas prononcée à titre définitif, la durée maximale de linterdiction du territoire français sera de 10 ans. 36 Les crimes sont à prio ri considérés comme étant suffisamment graves pour prévaloir sur ces facteurs ; dans ces cas, le tribunal nest pas tenu de motiver sa décision dinterdiction du territoire français. 37 Depuis janvier 2006, cette infraction peut également conduire à une condamnation pour crime dans les cas où le complot vise à perpétrer un attentat susceptible dentraîner la mort dune ou plusieurs personnes. 38 Cette règle admet une seule exception: une personne libérée de prison moins de six mois après sa condamnation peut introduire immédiatement une demande de relèvement. 39 Les personnes peuvent également saisir le ministre de la justice dun recours en grâce mais cela ne semble arriver que très rarement. 40 CESEDA, art. L.521-1. 41 Ces critères sont prévus aux articles L521-2 et L.521-3. Des amendements adoptés en juillet 2006 pour modifier le CESEDA ont rendu certains critères plus stricts : pour pouvoir bénéficier dune protection, les étrangers doivent être mariés à un ressortissant français depuis trois ans au lieu de deux dans certains cas, et de quatre ans au lieu de trois dans dautres ; et les étrangers qui peuvent prouver quils résident habituellementen dautres termes, pas nécessairement légalementen France depuis au moins 15 ans ne sont plus protégés. Loi 2006-911 du 24 juillet 2006, arts. 67 et 68, modifiant lart. L. 521-2 du CESEDA. 42 CESEDA, art. L. 521-2. 43 CESEDA, art. L. 521-3. 44 CESEDA, art. L. 522-1. 45 Ibid. 46 CESEDA, art. L. 521-3. 47 Benchellali a en fait été placé en détention provisoire et finalement reconnu coupable. Son cas est décrit plus loin. 48 Le cas de Tebourski est décrit en détail plus loin. 49 Il existe 27 TA en France métropolitaine et un en Corse ; il existe neuf tribunaux administratifs supplémentaires dans les territoires français. 50 Par ailleurs, les personnes peuvent à tout moment introduire une demande dabrogation de larrêté dexpulsion. Cette demande d'abrogation peut être présentée à lexpiration dun délai de deux mois à compter de la notification de larrêté dexpulsion mais uniquement si lintéressé réside déjà hors de France, sil est incarcéré en France, ou est assigné à résidence. Les demandes présentées après cinq ans ne peuvent être rejetées quaprès avis de la commission dexpulsion. La loi dispose que tous les arrêtés dexpulsion effectivement exécutés doivent faire lobjet dun réexamen après cinq ans. L'autorité compétente doit tenir compte de l'évolution de la menace que constitue pour l'ordre public la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente. Ce réexamen automatique ne donne pas lieu à consultation de la commission dexpulsion mais une décision négative est susceptible de recours. CESEDA, art. L.524. 51 Interview de Dominique de Villepin, Le Figaro, 13 mai 2004. 52 Assemblée nationale, « Compte rendu, première séance du mercredi 19 mai 2004 », http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2003-2004/20040224.asp (consulté le 17 novembre 2006). 53 Le SJA a souligné qu « un tel projet manifeste une défiance du Gouvernement vis-à-vis de laptitude des tribunaux administratifs à concilier les exigences de lordre public et la protection des libertés et remet en cause les principes mêmes qui sont à la base de la création des tribunaux administratifs ». « Projet de transfert de compétence juridictionnelle en matière dexpulsion et de modification du champ dapplication de larticle 26 de lordonnance du 2 novembre 1945: Analyses critiques du SJA, étude du 18 juin 2004 », dans Syndicat de la Juridiction Administrative, « Dossier documentaire relatif au projet de réforme de la procédure juridictionnelle aux arrêtés ministériels dexpulsion des étrangers », 26 juin 2004, http://www.rajf.org/article.php3?id_article=2583 (consulté le 10 octobre 2006). 54 Code de justice administrative (CJA), art. L. 521-1. 55 Dans sa décision dans laffaire Dos Santos Martins, le Conseil dÉtat a relevé que « la condition durgence est remplie quand la suspension dun arrêté dexpulsion est demandée dès lors que cet arrêté est immédiatement exécutoire et quil nexiste aucun recours suspensif », décision du Conseil dÉtat, 14 décembre 2001, Ministre de lIntérieur c. Dos Santos Martins, No. 234323. 56 CJA, art. L. 523-1. 57 CJA, art. L. 521-2. 58 Ibid. 59 CJA, art. L. 523-1. 60 CJA, art. L. 522-1. 61 CJA, art. L. 522-3. 62 CJA, art. L. 523-1. 63 Entretien de Human Rights Watch avec Emmanuelle Prada-Bordenave, commissaire du gouvernement, Conseil dÉtat, Paris, 6 décembre 2006. 64 En dépit de son nom, le commissaire du gouvernement est un conseiller indépendant qui présente un rapport sur un cas déterminé et recommande la décision à prendre de préférence. Ses avis ne sont pas contraignants pour les juges du Conseil dÉtat mais ils sont souvent suivis. 65 Ibid. 66 Décision du Conseil dÉtat, 3 mars 2003, Ministre de lIntérieur c. Rakhimov, No. 238662. 67 Décision du Conseil dÉtat, 29 décembre 1997, Ministre de lIntérieur c. Salah Karker, No. 168042; décision du Conseil dÉtat, 25 février 1998, Ministre de lIntérieur c. Monsieur Magri, No. 163007; et décision du Conseil dÉtat, 29 juillet 1998, Ministre de lIntérieur c. Monsieur Chiabani, No. 165622. Cité dans le dossier soumis par le Ministre de lIntérieur au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, daté du 24 mars 2006, dans laffaire Ministre de lIntérieur c. Mister Yashar Ali, No. 0401902-2. Copie en possession de Human Rights Watch. 68 Bien que Nicolas Sarkozy, lors de son premier mandat de ministre de lintérieur, ait annoncé en octobre 2002 que les notes blanches non signées ne seraient plus autorisées et que Dominique De Villepin ait réaffirmé cette politique en juin 2004 lorsquil a assumé cette fonction, les notes blanches non signées continuent dêtre présentées comme preuves dans les affaires dexpulsion, comme le démontrent des cas récents examinés par Human Rights Watch et comme lont confirmé des représentants du Ministère de lIntérieur. Entretien de Human Rights Watch avec Jean-Pierre Guardiola, Chef de service à la Sous-Direction des étrangers et de la circulation transfrontière, et Christian Pouget, Chef du bureau du droit et des procédures déloignement, Direction des libertés publiques et des affaires juridiques, Ministère de lIntérieur, Paris, 6 décembre 2006. 69 Entretien de Human Rights Watch avec un agent des RG qui a tenu à préserver son anonymat, Paris, 30 juin 2006. Plusieurs personnes frappées dune interdiction du territoire français ont également confié à Human Rights Watch quon leur avait dit quelles pourraient rester en France si elles devenaient des indicateurs. 70 Entretien de Human Rights Watch avec Mahmoud Hébia, avocat, Lyon, 22 juin 2006. 71 LOFPRA peut octroyer une « protection subsidiaire » dun an, renouvelable, aux personnes qui ne remplissent pas toutes les conditions relatives au statut de réfugié mais qui, en cas de renvoi, seraient exposées à une menace grave de mort, de torture ou de traitements inhumains. 72 Entretien de Human Rights Watch avec Dominique Noguères, avocate, Paris, 6 octobre 2006. 73 Décision du Conseil dÉtat, 3 mars 2003, Ministre de lIntérieur c. Rakhimov, No. 238662. 74 Cité dans le rapport du commissaire du gouvernement Mattias Guyomar dans Conseil dÉtat, Ministre de lIntérieur c. Bouziane, 4 octobre 2004, Nos. 266947 et 266948, p. 5. Copie en possession de Human Rights Watch. 75 Mémoire du Ministère de lInté rieur contre le recours déposé par Chellali Benchellali, présenté au tribunal administratif de Lyon le 20 avril 2004. 76 Décision de la Cour administrative dappel de Nantes, 3 mai 2001, Ministre de lIntérieur c. Jean-Claude Ndouke, No. 98NTO2794. 77 Rapport du Commissaire du Gouvernement Guyomar, Conseil dÉtat, Ministre de lIntérieur c. Bouziane, p. 9. 78 Décision du Conseil dÉtat, 11 octobre 1991, Ministre de lIntérieur c. Diori, No. 128160; décision du Conseil dÉtat, 3 mars 2003, Ministre de lIntérieur c. Rakhimov, No. 238662; décision du Conseil dÉtat, 4 octobre 2004, Ministre de lIntérieur c. Bouziane, No. 266948. 79 La France a ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, 189 U.N.T.S. 150, le 23 juin 1954. La Convention est entrée en vigueur le 22 avril 1954. 80 La législation française prévoit le placement en rétention dans lattente dun éloignement lorsque le gouvernement a besoin de temps pour organiser léloignement physique dune personne, par exemple lorsquil doit obtenir un passeport ou un laissez-passer pour cette personne auprès du pays dont elle a la nationalité. Le préfet local peut placer une personne en rétention pendant 48 heures ; si ce délai est insuffisant, une autorité judiciaire spéciale dénommée « juge des libertés et de la détention » peut prolonger la rétention pour une période de 15 jours, renouvelable une fois. La durée totale maximale de rétention dune personne en attente déloignement est par conséquent de 32 jours. CESEDA, art. L. 552-1. 81 Entretiens de Human Rights Watch avec Stéphane Julinet, membre du Groupe dinformation et de soutien des immigrés (GISTI), Paris, 6 décembre 2006, et avec Lucile Hugon et Sophie Crozet, Action des chrétiens pour labolition de la torture (ACAT-France), Paris, 5 octobre 2006. Le budget de la CRR est toutefois déterminé par lOFPRA avec lequel elle partage également son personnel. 82 CESEDA, art. L. 742-3. 83 CESEDA, art. L. 742-6. La procédure prioritaire est appliquée dans dautres cas également, notamment lorsque la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures dasile, ou que la personne est un ressortissant dun pays considéré comme un « pays dorigine sûr » (CESEDA, art. L. 741-4). 84 En 2004, lOFPRA a traité 9 212 demandes dasile dans le cadre de la procédure prioritaire accélérée (16 pour cent du nombre total de demandes dasile traitées cette même année). Le taux de reconnaissance dans ces cas est peu élevé : seul 1,8 pour cent des personnes dont la demande a été traitée selon cette procédure a obtenu lun ou lautre type de protection (soit le statut de réfugié, soit la protection subsidiaire). Le taux de reconnaissance général pour les demandes dasile de 2004 sélevait à 16,6 pour cent. Conseil européen sur les réfugiés et les exilés, Country Report 2004: France, www.ecre.org/country04/France%20-%20FINAL.pdf (consulté le 1er août 2006). 85 HCR, « Observations du HCR relatives à la Communication de la Commission européenne sur Un régime dasile européen commun plus efficace : la procédure unique comme prochaine étape » août 2004, http://www.unhcr.fr/cgi-bin/texis/vtx/protect/opendoc.pdf?tbl=PROTECTION&id=43661fb22 (consulté le 15 novembre 2006), para. 10 86 Réseau UE dExperts indépendants en matière de droits fondamentaux, « Rapport relatif à la situation des droits fondamentaux dans lUnion européenne et ses États membres en 2005: Conclusions et recommandations », http://ec.europa.eu/justice_home/cfr_cdf/doc/report_eu_2005_fr.pdf (consulté le 21 novembre 2006), p. 140. 87 CESEDA, art. L. 712-1. 88 Ibid., arts. L. 712-2 et 712-3. La protection subsidiaire est également refusée ou annulée si la personne a commis un crime de guerre, un crime contre la paix, un crime contre lhumanité, un crime grave de droit commun, ou si elle s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. 89 Le renvoi vers un pays où il existe un risque de torture est interdit par la Convention européenne des droits de lhomme, la Convention contre la torture et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La France a ratifié ces trois traités. Pour de plus amples informations, voir plus loin le chapitre sur la Protection contre le renvoi lorsquil existe un risque de torture. |