Rapports de Human Rights Watch

Recommandations

Aux Forces Nouvelles et au gouvernement de Côte d’Ivoire

  • Reconnaître et condamner les abus sexuels commis par vos agents, ainsi que les violations du droit international humanitaire et des droits humains, telles que les exécutions extrajudiciaires, la torture, les mauvais traitements et l’extorsion de civils.
  • Enquêter de manière approfondie sur toutes les allégations de violence sexuelle et poursuivre les individus contre lesquels il existe suffisamment de preuves de tels abus, en accord avec les normes internationales de procès équitable.
  • Améliorer la réponse des forces de sécurité face aux violences sexuelleset basées sur le genre. Recruter et former davantage de femmes chargées de faire appliquer la loi afin de répondre aux besoins des victimes de violence sexuelleet basée sur le genre. Former d’avantage les membres des forces de sécurité sur le droit international humanitaire et des droits humains, plus particulièrement sur les droits des femmes et les crimes basés sur le genre. Créer des unités spécialisées au sein des forces de défense et de sécurité pour répondre aux violences sexuelleset basées sur le genre.
  • Améliorer la réponse du système judiciaire à la violence sexuelleet basée sur le genre, en recrutant et en formant davantage de personnel judiciaire féminin. Créer des équipes spécialisées pour la violence sexuelleet basée sur le genre. Donner des formations sur les droits des femmes et la violence sexuelleaux membres de l’appareil judiciaire dans les régions contrôlées par le gouvernement, et aux autorités des Forces Nouvelles chargées de juger des affaires dans les régions détenues par les Forces Nouvelles.
  • Créer la position d‘Ombudsman pour l’exploitation sexuelle des enfants pour enquêter sur les cas signalés d’abus sexuels ou d’exploitation des enfants, et pour contrôler les réactions appropriées judiciaires et disciplinaires.
  • Autoriser immédiatement le Bureau du Procureur de la CPI à conduire une mission en Côte d’Ivoire pour recueillir les informations nécessaires, afin de déterminer la possibilité d’ouvrir une enquête sur les crimes graves qui y furent commis y compris les abus sexuels commis par toutes les parties au conflit. Apporter à la CPI toute la coopération nécessaire pour faciliter cette mission.
  • Coopérer avec les ONG et avec l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) pour les enquêtes sur la violence sexuelle. Soutenir, créer et coopérer avec un environnement favorable à la surveillance indépendante des droits humains.
  • Aider le groupe de travail interministériel national pour l’élimination des violences faites aux femmes à mettre en œuvre plus efficacement son mandat. Le Comité national de lutte contre les violences faites aux femmes (CNLVFF) a été fondé en juillet 2000, et est chargé de coordonner les initiatives du gouvernement pour répondre à la violence sexuelle, et pour fournir de meilleurs services légaux, médicaux et sociaux aux victimes de la violence sexuelleet basée sur le genre.
  • Lancer une campagne publique de sensibilisation à l’échelle nationale sur les violences sexuelles et basées sur le genre pour souligner l’étendue du problème, les conséquences pour les survivantes, les stratégies pour réduire l’exploitation sexuelle, et les conséquences judiciaires pour les auteurs d’exploitation et d’abus sexuels ; pour changer les attitudes sociales négatives vis-à-vis des victimes de violences sexuelles ; et pour éduquer la population sur les droits humains des femmes.
  • Respecter pleinement les obligations de la Côte d’Ivoire au regard de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Mettre en œuvre le Plan d’action du Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales de 2006, afin de renforcer toutes les protections légales accordées aux femmes. Prendre les mesures nécessaires pour révoquer ou réviser les lois discriminatoires par rapport au genre, et s’assurer qu’elles correspondent aux normes internationales des droits humains. Former le personnel judiciaire et les forces de sécurité sur ces nouvelles lois.
  • Renforcer la participation des femmes dans la planification et de la mise en œuvre du processus de paix, de reconstruction et de réhabilitation. Assurer aux femmes les moyens d’action pour élaborer des réponses aux violences sexuelleset basées sur le genre, et pour formuler des programmes de prévention de la violence.
  • Ordonner aux combattants de relâcher toutes les femmes et les filles enlevées durant le conflit armé qui sont toujours détenues. Donner à ces femmes et ces filles les options économiques et sociales nécessaires pour leur permettre de rompre ces relations où elles sont souvent maltraitées, voire brutalisées.
  • Décréter des lois permettant aux femmes d’avoir accès à des interruptions de grossesse volontaires et sûrs. Ces mesures devraient comporter l’abrogation des provisions du code pénal qui criminalisent l’avortement, en particulier celles qui punissent les femmes qui ont interrompu leurs grossesses. Afin de permettre de bénéficier réellement du droit d’accès à un avortement légal et sûr, l’État devra peut-être procurer des services gratuits d’avortement pour certaines femmes et filles. Ceci devrait certainement être le cas pour les survivantes de viol ou d’inceste.

Aux prestataires de services médicaux

(Le Ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, les autorités de santé des Forces Nouvelles, et les prestataires de services médicaux indépendants)

  • Eliminer les coûts d’obtention de certificats médicaux pour les victimes de viol.
  • Le Directeur du programme national pour la santé de la reproduction et le Planning familial (DCPNSR/PF) doit diffuser un protocole pour le traitement des victimes de viol auprès de tous les centres de soins, qui devrait comporter une éducation aux traitements prophylactiques et une formation sur la gestion clinique du viol.
  • Créer des cliniques de soins gynécologiques dans tout le pays qui puissent donner des informations sur les tests, les conseils volontaires et le traitement du VIH/SIDA et aussi pour d’autres infections sexuellement transmissibles. Prévoir des équipes de santé mobiles si les infrastructures de soins ne sont ni disponibles ni appropriées.
  • Former les guérisseurs traditionnels au traitement des violences sexuelles.

Au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)

  • Apporter l’aide nécessaire aux victimes de violence sexuelle qui ont fui leurs foyers en Côte d’Ivoire et qui vivent dans la sous région. Donner aux femmes et aux filles qui sont retenues en esclavage sexuel des options économiques et sociales pour leur permettre de quitter ces relations, si elles se trouvent encore avec leurs ravisseurs.

A l’ONUCI et à la « Licorne », la force française de maintien de la paix

  • Autoriser les enquêteurs de l’ONUCI des droits humains à ouvrir une enquête exhaustive sur la violence sexuelle et sur les droits des femmes, en allouant des fonds et de l’aide supplémentaires nécessaires.
  • Renforcer le nombre et la capacité des observateurs militaires de l’ONUCI ainsi que leur division des Droits de l’Homme, leur permettant de mettre plus d’accents sur la violence sexuelle et les droits des femmes.
  • S’assurer que toute diminution ou retrait des forces de maintien de la paix ne se fera qu’après avoir vérifié que les forces ivoiriennes sont en mesure de garantir la protection des civils, dans les régions où une diminution ou un retrait est envisagé.


Au Conseil de sécurité des Nations Unies

  • Renforcer et accélérer le travail du Comité de sanctions de l’ONU et activer les sanctions économiques et sur les déplacements contre d’autres individus identifiés comme étant les auteurs des plus graves violations du droit international humanitaire et des droits humains. L’Afrique du Sud, la Chine et la Russie doivent revoir leurs positions qui ont favorisé l’impunité jusqu’ici, sans pour autant avoir un impact positif clair sur la promotion de la paix.
  • Accélérer la publication du rapport 2004 de la Commission d’enquête de l’ONU sur les violations des droits humains commises depuis 2002, et se réunir pour débattre de ses conclusions et recommandations.

A la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et à l’Union africaine (UA)

  • La CEDEAO dans son ensemble, et les États membres limitrophes de la Côte d’Ivoire, doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les ex-combattants relâchent toutes les filles et femmes enlevées en tant qu’esclaves sexuelles durant le conflit armé et qui sont toujours détenues.
  • La CEDEAO et l’UA devraient sans équivoque condamner les violences sexuelles commis par toutes les parties, appeler à des enquêtes et des poursuites judiciaires, et appeler au respect de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et au Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Femmes en Afrique.

Au Bureau du procureur de la Cour pénale internationale

  • Continuer à faire pression pour conduire une mission en Côte d’Ivoire afin d’obtenir les informations nécessaires pour évaluer la possibilité d’une enquête de la CPI.
  • Emettre par un message public sans équivoque, primo que la CPI observe et réprouve les abus commis en Côte d’Ivoire y compris la violence sexuelle, deuxio que les coupables de crimes graves au regard du droit international doivent rendre des comptes, et tertio que les autorités nationales devraient rapidement entamer des poursuites nationales appropriées pour les crimes graves.

Aux ONG et aux agences des Nations Unies

(telles que le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), et le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM))

  • Améliorer la collaboration des partenaires travaillant sur la violence sexuelleet basée sur le genre, y compris les représentants du gouvernement, les ONG internationales et locales. Organiser des réunions régulières pour toutes les institutions actives, afin de partager les informations et de coordonner les programmes.
  • Mettre en place des services pour les survivantes de la violence sexuelle, comprenant des programmes de réhabilitation tant médicale que sociale. Réaliser des évaluations de besoin pour déterminer les compétences, les connaissances et le niveau des services fournis aux victimes de violence sexuelle, en identifiant tous les partenaires locaux potentiels. Optimiser le soutien psychologique et social et le conseil aux survivantes. Soutenir les centres sociaux gérés par les ONG locales (en particulier les centres pour les femmes rejetées par leurs familles). Favoriser les opportunités économiques et génératrices de revenus pour les victimes de violence sexuelle.