La rébellion dans le nord-ouestPresque immédiatement après les élections de mai 2005 qui ont conduit linstigateur du coup dÉtat, le Général Bozizé, à la présidence, des combats ont éclaté dans le nord-ouest, région à forte densité démographique qui abrite 1 million des 4 millions dhabitants que compte la RCA, causant le déplacement de plus de 100 000 civils.31 Bien que de multiples groupes rebelles prétendent être actifs dans la région, la rébellion est dominée par lArmée populaire pour la restauration de la République et la démocratie (APRD) et elle associe des éléments de la Garde présidentielle de lex-Président Patassé à des groupes dautodéfense locaux en quête de sécurité pour leurs communautés. Larmée centrafricaine, en particulier la Garde présidentielle (GP), a mené des attaques à lencontre de la population civile, mettant le feu à des milliers dhabitations civiles, commettant des exécutions sommaires généralisées et abattant illégalement des civils. Les origines du conflitAprès avoir dabord suspendu la Constitution, sêtre autoproclamé président et sêtre emparé des pouvoirs exécutif et législatif en 2003,32 le Président Bozizé sest lancé dans une transition démocratique en vue de légitimer son régime. En décembre 2004, une nouvelle Constitution a été adoptée par référendum, préparant le terrain pour des élections présidentielles.33 Douze candidats ont annoncé leur intention de se présenter, dont le Président Bozizé, son Premier Ministre Abel Goumba, les anciens Présidents André Kolingba et Ange-Félix Patassé, et quatre anciens ministres sous la présidence de Patassé.34 Le processus de présentation des candidatures a rapidement été terni par une controverse lorsque le 30 décembre 2004, la Cour constitutionnelle de transition a annoncé que seuls cinq des 12 candidatsBozizé, Kolingba, Goumba, Henri Pouzère et Auguste Boukangaseraient autorisés à se présenter, excluant donc du processus électoral lex-Président Patassé et ses anciens ministres en se fondant sur des problèmes techniques tels que lillégitimité du certificat de naissance de lex-Président Patassé. Face aux protestations politiques et diplomatiques, le Président Bozizé a annoncé unilatéralement, le 4 janvier 2005, quil autoriserait trois des sept candidats exclus les anciens ministres de Patassé, Ziguélé, Ngoupandé et Massi à se présenter, excluant encore lex-Président Patassé et trois autres candidats. Bozizé justifiait son exclusion du Président Patassé et de son ancien Ministre de la défense, Démafouth, en invoquant le fait quils étaient poursuivis pour « crimes de sang et crimes économiques ».35 Suite à la médiation du Président gabonais Bongo, 11 des 12 candidats à la présidence ont été autorisés à se présenter, seul lancien Président Patassé étant exclu. Après deux tours de scrutin en mars et mai 2005, Bozizé a été élu président avec 65 pour cent des voix contre 35 pour cent à son adversaire du second tour, Martin Ziguélé. Bien que la communauté internationale se soit généralement réjouie du caractère libre et démocratique des élections en tant que telles, lexclusion de la candidature de Patassé a été considérée comme inacceptable par ses fidèles qui ont rapidement lancé une rébellion dans le nord-ouest de la RCA. Wafio Bertin, conseiller économique et politique de lAPRD et commandant de zone de lAPRD pour laxe Paoua-Boguila, a expliqué à Human Rights Watch : « Jai rejoint lAPRD au début, en avril 2005. LAPRD a été formée après lélection de Bozizé, parce que les élections étaient truquées. Certains dentre nous qui avons formé lAPRD faisions partie de la Garde présidentielle de Patassé. Tous ceux qui entouraient Patassé ont été persécutés [à ce moment-là]».36 Alors que le Président Bozizé se préparait à prêter serment en juin 2005, des rebelles armés ont commencé à affronter les troupes gouvernementales dans le nord-ouest de la RCA, région natale de Patassé.37 Les zaraguinas et linsécurité chronique dans le nord-ouest de la RCACependant, la rébellion dans le nord-ouest nest pas simplement liée à une lutte pour le pouvoir politique entre le Président Bozizé et les partisans de lex-Président Patassé. La crise actuelle est également le résultat dune situation dinsécurité chronique, longue et continue endurée par la population civile en proie aux attaques de groupes de bandits fortement armés, communément appelés les zaraguinas ou coupeurs de route. Ces bandes sont composées de Centrafricains et de ressortissants des pays voisins, en particulier du Tchad. Les zaraguinas ont longtemps opéré dans les zones frontalières de la RCA, du Cameroun et du Tchad, sattaquant principalement aux voyageurs de route et faisant, à loccasion, des incursions dans des villages pour se livrer au pillage. Au cours des dernières années, les groupes de bandits ont tiré parti du vide sécuritaire relatif qui règne dans le nord-ouest pour multiplier leurs attaques contre les civils et les villages. Les zaraguinas enlèvent également de jeunes enfants en vue de réclamer des rançons, ce qui constitue leur activité criminelle la plus lucrative. Ils visent les éleveurs, principalement les communautés nomades peulhs, qui sont riches en bétail qui peut être vendu pour payer la rançon demandé. André Yokandji, chef de Tantalé, a expliqué à Human Rights Watch:
Les enlèvements répétés sont lune des raisons majeures du déplacement de la population nomade du nord-ouest de la RCA vers les grandes villes. Ce type de déplacement est différent de celui causé par les représailles des forces de sécurité, qui poussent la population civile à chercher refuge dans la brousse (voir plus loin). Tant les villageois que les responsables locaux disent que les FACA faillissent à leur mission dassurer la protection des civils. Le chef du village de Tantalé, attaqué à plusieurs reprises, a expliqué quils sont sans sécurité, nont pas la capacité de se défendre et aimeraient avoir une présence permanente des soldats des FACA.39 La multiplication des attaques menées par les zaraguinas a conduit certaines communautés à mettre sur pied des unités dautodéfense dans leurs villages. Ces unités et lintention de protéger les villageois du banditisme constituent un élément important du mouvement rebelle APRD. Les autorités locales reconnaissent lincapacité actuelle des FACA à lutter efficacement contre les zaraguinas et à sécuriser la population. Certains admettent que les zaraguinas ont pratiquement disparu des zones où les rebelles de lAPRD sont présents et que le départ des rebelles de lAPRD conduirait probablement à une recrudescence des attaques de zaraguinas. Léonard Bangué, maire de Bozoum,40 a indiqué à Human Rights Watch quil navait jamais entendu parler de confrontation entre les FACA et les zaraguinas, expliquant que les FACA arrivaient toujours trop tard après une attaque. Par ailleurs, le Sous-préfet de Kabo a déclaré que si les rebelles de lAPRD devaient se retirer de sa région, les zaraguinas, qui étaient auparavant très actifs dans sa juridiction, risquaient de revenir attaquer la population.41 Par conséquent, pour résoudre le problème de linsurrection dans le nord-ouest de la RCA, il faudra nécessairement gérer le problème du vide sécuritaire auquel est confrontée la population dans cette région. La situation sécuritaire sur tout le territoire nord de la RCA est dautant plus compliquée quil existe depuis longtemps des tensions autour des droits de pâturage, des routes de migration et de laccès aux sources deau entre les communautés agricoles locales et les tribus nomades de la RCA, du Tchad et du Soudan, telles que les Peulhs, les Bororos, les Mbararas, les Fulatas et autres tribus nomades tchadiennes et soudanaises. Ces tensions ne sont pas sans rappeler des facteurs similaires qui contribuent au conflit darfourien et sont facilement exploitables par les parties qui cherchent à créer davantage dinstabilité. En 2002, dans la région de Birao-Boromata (province de Vakaga), des tensions entre agriculteurs locaux et nomades soudanais ont dégénéré en conflit ouvert, causant des centaines de morts et des destructions considérables. Les tensions et attaques persistent à travers la région. Selon une organisation internationale humanitaire et un reportage dune télévision internationale, jusquà 56 villageois auraient été tués par des nomades soudanais dans un village de Massabo, à lextérieur de Boromata, le 17 février 2007, attaque importante qui est pratiquement passée inaperçue aux yeux de la communauté internationale.42 Human Rights Watch a également recueilli des informations sur des combats survenus dans la région de Kabo-Ouandago (province dOuham) entre des communautés locales et des nomades tchadiens identifiés comme étant des Fulatas, ayant provoqué la mort de plusieurs personnes et lincendie de villages en 2006 et début 2007. La composition du mouvement rebelle APRDPresque tous les commandants de lAPRD que Human Rights Watch a rencontrés dans le nord-ouest de la RCA en février 2007 étaient danciens membres de la Garde présidentielle de lex-Président Patassé, même si certains navaient aucun passé militaire et avaient rejoint le mouvement en réaction à des attaques menées par les forces de sécurité contre la population locale. Bien que les responsables de lAPRD nient tout contact direct avec lex-Président Patassé, ils reconnaissent quils sont en rapport avec certains de ses proches associés. Les unités locales dautodéfense incorporées à la force rebelle en constituent également une forte composante. LAPRD opère principalement dans deux zones : la zone de Paoua-Boguila-Markounda dans les provinces dOuham et dOuham-Pendé et la zone de Batangafo-Kabo-Ouandago-Kaga Bandoro dans les provinces dOuham et de Nana-Grébizi. Selon ses responsables, lAPRD compte environ 1 000 membres. En général, les rebelles de lAPRD sont mal armés et sous-équipés. La plupart des groupes rebelles qua rencontrés Human Rights Watch étaient composés de 10 à 15 personnes, seul le commandant de lunité disposant dune arme automatique, les autres portants des armes de chasse de fabrication artisanale. Selon Bertin Wafio, conseiller économique et politique de lAPRD, seuls quelque 200 de ses soldats sur 1 000 ont des fusils semi-automatiques AK-47.43 Les rebelles de lAPRD vus par Human Rights Watch étaient habillés en civil ou portaient des vêtements militaires divers, et ils étaient souvent pieds nus. Beaucoup ne disposaient pas de munitions pour leurs fusils. LAPRD ne semble pas posséder de véhicules militaires ni darmement lourd.44 Les dirigeants de lAPRD ont vigoureusement nié avoir reçu un soutien extérieur pour leur rébellion, quil sagisse dun appui dÉtats comme le Soudan ou le Tchad, ou daide de personnes privées. Le piètre état de larmement des rebelles ne semble pas indiquer que lAPRD bénéficie dune assistance étrangère significative étant donné que la plupart des armes vues par Human Rights Watch étaient de toute évidence fabriquées maison.45 LAPRD ne semble pas avoir de programme politique élaborémême le conseiller économique et politique, Bertin Wafio, a eu de la peine à expliquer à Human Rights Watch le programme politique de lAPRD. Selon Wafio, lAPRD a vu le jour en réaction à lexclusion de Patassé des élections présidentielles de 2005, mais le but principal de lAPRD est de rétablir la paix et la sécurité dans le nord. Wafio a démenti que lAPRD cherche à renverser le gouvernement du Président Bozizé, déclarant en revanche quil recherchait simplement le dialogue politique en vue de résoudre les problèmes de sécurité et les différends politiques dans le nord-ouest. Ouandago: Une étude de cas sur les violations des droits humains et le conflit46La situation actuelle qui règne autour de Ouandago, lune des plus grandes villes de la région, est un exemple frappant de la complexité que revêt la dynamique du conflit dans le nord-ouest de la RCA. Ouandago, située dans le « triangle » Batangafo-Kabo-Ouandago, compte, en temps de paix, 12 000 habitants qui vivent dans 17 quartiers différents, chacun ayant son propre chef. A limage de bon nombre dautres zones du nord-ouest, Ouandago a commencé à rencontrer des problèmes croissants avec les bandits zaraguinas à la suite du coup dÉtat de Bozizé en mars 2003, lorsque ces bandes ne se sont plus limitées à prendre pour cible les voyageurs et ont commencé à attaquer les villes et les villages.47 Le 28 juin 2006, une bande de 20 zaraguinas armés dAK-47 ont attaqué Ouandago au milieu de la nuit. Les attaquants, qui semblaient être des Tchadiens parlant louda, le foulbé et larabe du Tchad, ont pillé le marché et se sont retirés les bras chargés de marchandises. Le même groupe est resté dans la région au cours des mois suivants, effectuant des incursions dans dautres villages, dont Outa, Bissikebbo et Kia. Selon les habitants de la ville, bien que les villageois se soient adressés aux commandants des FACA pour réclamer protection, les soldats ne sont pas venus débarrasser la région des zaraguinas ni apporter une protection réelle à la population civile. Les 19 et 20 août, les zaraguinas sont retournés à Ouandago. Neuf villageois ont été enlevés, forcés à montrer où se trouvait le bétail quils gardaient et ensuite, le 20 août, ont été assassinés et leurs corps jetés dans la brousse. Les bandits ont quitté la région avec un grand nombre de vaches et un lourd butin. Incapables dobtenir la protection des FACA, les villageois ont alors cherché à se procurer laide de lAPRD, qui est arrivé à Ouandago avec des centaines de combattants et a pourchassé les zaraguinas, les affrontant à deux reprises avant de les chasser hors de la région et de récupérer les corps des neuf villageois disparus. A ce jour, lAPRD continue de patrouiller agressivement la région qui se trouve sous son contrôle pour empêcher les zaraguinas dy opérer plusieurs patrouilles de lAPRD qua rencontrées Human Rights Watch ont déclaré quelles étaient en mission de recherche des zaraguinas. En réaction à la lourde présence des rebelles de lAPRD, une force combinée des FACA et de la gendarmerie a attaqué les positions rebelles à Ouandago le 5 octobre 2006, aux alentours de midi. Après deux heures de combats dartillerie au cours desquels un officier des FACA a été tué, les rebelles de lAPRD se sont retirés. Les FACA les ont pourchassés, tuant lun dentre eux à quelques 15 kilomètres de la ville. Les FACA ont réclamé le renfort dune unité de la GP commandée par le Lieutenant Ngaïkossé, unité qui était alors basée à Kabo, à quelques heures de route au nord. Les soldats de la GP sont immédiatement partis en direction de Ouandago, arrêtant en chemin cinq jeunes civils Idriss Balingao, 29 ans ; Pascal Béadé, 30 ans ; Nestor Mobété, 32 ans ; Gervain Kangbé, 25 ans ; et Benjamin Mbéna, 35 ans et arrivant le 5 octobre au soir. Les détenus ont été maintenus en garde à vue jusquau 7 octobre, date à laquelle des soldats de la GP les ont exécutés de façon extrajudiciaire devant le centre médical alors quils sapprêtaient à quitter la ville. Les corps ont été retrouvés et enterrés par les villageois à leur retour, le 8 octobre. Un proche de lune des victimes a décrit la scène retrouvée à Human Rights Watch :
Le 6 octobre, les soldats des FACA et de la GP ont pillé et réduit en cendres de nombreux quartiers de Ouandago. Selon la Croix-Rouge locale, 1 042 habitations, 60 entrepôts, 19 kiosques ainsi que la Gendarmerie locale ont été incendiés. Du 8 au 10 octobre, les soldats ont principalement opéré en dehors de la ville. Le 10 octobre, lorsquils sont retournés à Ouandago, ils ont tué deux agriculteurs qui labouraient leurs champs. Les soldats ont établi une base et sont restés environ une semaine dans la ville, semparant danimaux et les abattant en toute liberté. Bien que les troupes des FACA et de la GP passent à loccasion par Ouandago, elles nont pas maintenu de présence dans la ville depuis lors. Les rebelles de lAPRD sont presque toujours présents à Ouandago, établissant assez ouvertement leur base dans la principale zone de marché. Bien que, lorsque Human Rights Watch a visité Ouandago, les habitants de la ville ne se soient pas plaints du comportement des troupes de lAPRD basées au milieu deux peut-être par crainte de représailles les villageois vivant dans les bourgades situées aux alentours de Ouandago se sont par contre plaints amèrement du fait que les rebelles de lAPRD leur prenaient du bétail et leur extorquaient de largent presque chaque semaine. Beaucoup de villages de la région, particulièrement ceux situés sur la route Ouandago-Batangafo qui est fermée au trafic commercial, ont indiqué que presque tout leur bétail avait été volé par les bandes rebelles de lAPRD et que les chefs de village avaient à plusieurs reprises été enlevés par les rebelles en vue de les échanger contre une rançon (voir le chapitre suivant pour de plus amples détails). Les exactions des forces de sécurité de la RCALes recherches de Human Rights Watch révèlent que la vaste majorité des violations graves des droits humains commises dans le nord-ouest de la RCA ont été perpétrées par les forces de sécurité gouvernementales, en particulier lunité de la Garde présidentielle (GP) basée à Bossangoa. La GP et les troupes de larmée régulière font régner la terreur. Depuis le début de la rébellion, des centaines de civils ont été sommairement exécutés et des milliers dhabitations incendiées. Les violations des droits humains commises par les forces de sécurité suivent un schéma prévisible. Après quasiment chaque attaque rebelle, les FACA ou plus fréquemment les unités de la GP arrivent dans la zone affectée, forcent la population civile à fuir en tirant sur elle au hasard, et brûlent ensuite leurs maisons. Les personnes soupçonnées dêtre des rebelles sont arrêtées et beaucoup ont été sommairement exécutées. Ces attaques aveugles menées contre la population civile en réaction à des attaques rebelles constituent des actes illégaux de représailles, expressément proscrits aux termes des lois de la guerre, lesquelles interdisent également le recours à des peines collectives, au terrorisme et au pillage en tant que tactiques de guerre.49 Les atrocités perpétrées par les forces de sécurité gouvernementales ont provoqué une grave crise humanitaire dans le nord-ouest de la RCA. Lors des attaques de représailles directes menées contre leurs villages, au moins 102 000 civils ont été forcés de quitter leurs maisons et de chercher refuge au plus profond de la brousse, beaucoup y demeurant pendant plus dun an après que leurs villages eurent été attaqués.50 Dans le nord-ouest, le sentiment de peur est palpable, les civils fuyant au bruit des voitures qui approchent. En visitant Paoua, le groupe de véhicules dont faisait partie Human Rights Watch a rencontré un autre convoi humanitaire qui parlait à des villageois dans un village reculé.51 En entendant des véhicules approcher, tous les civils du coin jusquau dernier ont pris la fuite, ne revenant quaprès que le convoi de Human Rights Watch se fut arrêté et que les villageois se furent rendu compte quil ne sagissait pas dun convoi militaire. Exécutions sommaires et morts illégalesDepuis le début du conflit à la mi-2005, les FACA et la GP se sont livrées à des exécutions sommaires et ont abattu des civils illégalement de façon généralisée. Les massacres et meurtres brutaux commis par les forces de sécurité centrafricaines ont souvent causé la mort de dizaines de civils en une seule journée. Par exemple, le 11 février 2006, les forces de la GP ont tué au moins 30 civils dans plusieurs villages situés entre Nana-Barya et Bémal, et le 22 mars, la même unité de la GP a décapité un enseignant dans le village de Bémal, lui coupant la tête avec un couteau alors quil était encore en vie. Au cours de leurs trois semaines de recherches sur le terrain, les chercheurs de Human Rights Watch ont recueilli des informations sur un total de 119 exécutions sommaires et morts illégales de civils imputables aux forces de sécurité centrafricaines depuis décembre 2005. Human Rights Watch estime toutefois que le nombre total de décès de ce type, imputables aux forces de sécurité de la RCA depuis le début du conflit à la mi-2005, est beaucoup plus élevé probablement des centaines car les chercheurs nont pu recueillir des renseignements que sur une fraction des incidents qui sont survenus. Outre les morts « connues », où les corps ont été retrouvés, des civils ont également été victimes de « disparitions » forcées. Certains ont été emmenés en garde à vue, leur sort demeurant à ce jour inconnu, ou ils ont été vus vivants pour la dernière fois aux mains des forces de sécurité de la RCA et sont présumés avoir été exécutés, bien que leurs corps naient pas été retrouvés. Osée Yinguissa, âgé de 27 ans et père de trois enfants, a été arrêté le 10 décembre 2006 à 9 heures du matin par des soldats des FACA au marché central de Kaga Bandoro et a été emmené à la gendarmerie de la ville. En fin daprès-midi, il a été aperçu dans un véhicule qui lemmenait hors de la ville en compagnie dautres détenus non-identifiés. Aucun dentre eux na été vu ou na donné signe de vie depuis.52 En juillet 2006, Sylvain Tamkimaj, 28 ans, sest rendu de Gbaïzera à Batangafo afin dacheter du savon et dautres provisions au marché. Il a été arrêté par les FACA et a rapidement disparu, sans plus jamais donner de nouvelles.53 Le grand nombre dexécutions et de morts illégales décrites dans le présent rapport, dont beaucoup ont eu lieu en public, démontrent que les soldats responsables de ces morts ne craignent pas de devoir répondre de leurs crimes devant leurs supérieurs ou les autorités de la République centrafricaine. Bon nombre de cas décrits ici ont été largement rapportés dans la presse nationale de la RCA qui nhésite pas à sexprimer. Il ne fait donc aucun doute que les plus hautes autorités du pays, y compris le Commandant en chef et Président, le Général Bozizé, sont pleinement au courant des atrocités perpétrées par leurs troupes. Les officiers supérieurs ont la responsabilité dagir pour mettre un terme aux exactions commises par leurs troupes et, en vertu du principe de responsabilité de commandement, peuvent être tenus responsables des actes commis par leurs soldats.54 Un grand nombre des cas de personnes abattues et de villages incendiés documentés par Human Rights Watch sont imputables à une seule et même unité, celle de la GP basée à Bossangoa et qui, jusquen janvier 2007, se trouvait sous le commandement du Lieutenant Eugène Ngaïkossé, avant son transfert à un nouveau poste de commandement à Bossentélé. Des 119 exécutions et morts illégales documentées par Human Rights Watch, au moins 51 ont été commises par cette seule unité de la GP. Ni le Lieutenant Ngaïkossé ni aucun de ses soldats nont dû répondre de leurs crimes ni même été soumis à une sanction au sein de larmée. Trois officiers des FACA interrogés par Human Rights Watch ont tous reconnus lampleur des atrocités commises par les membres de la GP mais ils les ont qualifiés d « intouchables ». Lun deux a directement lié cette impunité au Président Bozizé, confiant à Human Rights Watch : « Chacun sait que limpunité existe, mais cest le Président qui prend ces décisions ».55 Un officier supérieur a déclaré à Human Rights Watch : « Ce quil faut, cest mettre fin à cette impunité. Le problème est que ces commandants renégats ne sont pas poursuivis en justice ».56 Cependant, il est clair que même si certains hauts responsables de larmée centrafricaine se montrent écurés par le grand nombre dexécutions et dincendies de villages, cela ne veut pas dire que ces actes sont uniquement le produit dunités militaires isolées. Le fait que ces exécutions et incendies de villages aient pu se poursuivre au minimum depuis décembre 2005 jusquà ce jour semble, tout au moins, indiquer une approbation tacite des dirigeants centrafricains par rapport aux représailles visant la population civile. Le résumé le plus approprié des événements dans le nord de la RCA et du rôle de la GP a été fourni à Human Rights Watch par un responsable religieux : « Ngaïkossé et ses hommes se spécialisent dans le sale travail ».57 La culture de limpunité pour des exactions graves telles que des exécutions sommaires est omniprésente, y compris dans la capitale, Bangui. LOffice central de répression du banditisme (OCRB), une unité de police paramilitaire mise sur pied pour gérer le problème du « banditisme » dans la capitale, procède à des exécutions sommaires de « rebelles » et de « bandits » présumés avec une régularité inquiétante, souvent en public et sans chercher à brouiller les pistes. Le 13 février 2007, des agents de lOCRB ont procédé à lexécution extrajudiciaire de deux ex-libérateurs tchadiens menottés, à cinq kilomètres seulement du centre de Bangui, après les avoir arrêtés à un poste de contrôle dans un marché.58 Ces morts ont déclenché une grande manifestation de milliers de résidents tchadiens à Bangui mais nont conduit à linculpation daucun des auteurs de ces actes. Elles nont même pas provoqué larrêt de toute coopération entre la France et lOCRB. Le 3 mars, deux semaines après ces exécutions, Human Rights Watch a observé deux gendarmes français qui retrouvaient des membres de lOCRB devant le quartier général de lOCRB alors que cinq « bandits » en détention, à moitié nus et ayant de toute évidence été battus, étaient transférés entre deux cellules à quelques pas deux. Exécution de Benjamin Mbaigoto, Martin Yalissey, Bonaventure Danyo et de quatre autres personnes, Bodjomo, 29 décembre 2005A laube du 28 décembre 2005, un groupe dune centaine de rebelles de lAPRD a lancé une attaque manquée contre le village de Bodjomo, situé à 25 kilomètres au sud-est de Markounda. Le même jour, des renforts des FACA sont arrivés de Markounda à Bodjomo et ont commencé à incendier des villages. Tôt le matin du 29 décembre, les FACA ont été renforcées par larrivée de lunité de la GP du Lieutenant Eugène Ngaïkossé. Deux civils adultes et un enfant Benjamin Mbaigoto, 35 ans, Martin Yalissey, 45 ans, et Bonaventure Danyo, 10 ans ont été arrêtés par lunité de la GP au village de Bobéré, à cinq kilomètres au sud-ouest de Bodjomo, apparemment au moment où celle-ci se dirigeait vers le village. Lorsque lunité est arrivée à Bodjomo, elle a exécuté les trois détenus. Au cours des jours qui ont suivi, lunité de la GP et les soldats des FACA ont continué à brûler une grande partie des villages avoisinants, abattant au moins quatre autres civils incapables de fuir assez rapidement : Paul Bénandé à Kadjama Kota, Simon Ngotinga à Bélé, Iphonse Mayade à Galé II, et Sébastien Ngaba à Galé I. Mort dau moins 33 civils, Paoua, 29-31 janvier 2006Le 29 janvier 2006 aux alentours de 11 heures du matin, un groupe dune centaine de rebelles de lAPRD ont attaqué des positions gouvernementales dans la ville de Paoua. Selon des témoins interrogés par Human Rights Watch, les rebelles étaient négligés et mal habillés et la plupart étaient armés darmes de chasse artisanales, de lances, de couteaux et de pierres, ainsi que de quelques AK-47s.59 Ils ont attaqué et pillé les bureaux de la gendarmerie ; les habitations du commissaire de police, du secrétaire général de la sous-préfecture et du sous-préfet ; le bureau des impôts ; le bureau de gestion des eaux et forêts ; le tribunal ; la prison ; le poste de police ; le bureau du maire ; et loffice de la jeunesse et des sports, à la recherche darmes et autre butin. Les échoppes du marché et les habitations privées nont pas été pillées par les rebelles, qui semblaient se focaliser sur la recherche darmes.60 Après avoir dabord battu en retraite, les soldats locaux des FACA remarquant que les rebelles de lAPRD étaient mal armés organisèrent une contre-offensive, mettant rapidement les rebelles en fuite. Mais après que les rebelles eurent fui, les soldats des FACA ont commencé à tirer au hasard sur les jeunes hommes à travers Paoua. Selon un rapport rédigé par une organisation humanitaire locale : « Après le retrait des assaillants par les pistes d'où ils étaient entrés dans la ville, les militaires ont systématiquement procédé à la chasse à tous les jeunes hommes dans les quartiers. C'est surtout pendant cette opération de chasse que plusieurs chefs de familles, prétendus rebelles, ont été tués par les balles tirées à bout portant ».61 Dans la foulée de lattaque rebelle, les 29 et 30 janvier, les soldats des FACA ont abattu au moins 27 personnes, bien que le nombre réel de morts serait considérablement plus élevé étant donné que de nombreux corps nont jamais été retrouvés ni enterrés car la population fuyait vers la brousse. La vaste majorité des personnes ont été tuées alors quelles tentaient de fuir. Florentin Djember, 18 ans, vendeur sur le marché, a été abattu par des soldats des FACA devant plusieurs témoins alors quil se rendait au marché pour récupérer des marchandises après une accalmie dans les combats.62 Parmi les autres civils abattus le même jour par les soldats figuraient : Vincent Bozoko, père de cinq enfants ; Apollinaire Béro ; Lucien Béréo, 24 ans ; Gbanono Abba ; Joseph Béninga, père de sept enfants ; Basile Béatem ; Bruno Sembai, 24 ans ; et Sorro (prénom non connu).63 Les soldats des FACA ont fait sortir deux blessés de lhôpital de Paoua le 29 janvier et les ont exécutés devant lhôpital.64 Au moins sept autres civils ont été blessés par des balles tirées par les FACA.65 Les soldats des FACA ont également arrêté et sauvagement battu au moins huit détenus suite à lattaque du 29 janvier, battant à mort six des détenus. Frédéric Ganoni, étudiant au lycée et âgé de 27 ans, a été arrêté par les soldats des FACA le 29 janvier aux alentours de 15 heures, en compagnie de son plus jeune frère, Apollinaire Bissi, un agriculteur de 22 ans. Après avoir été maintenus ligotés sur le bord de la route pendant toute la nuit, les deux détenus ont été emmenés à la base des FACA le lendemain matin. Ganoni a raconté à Human Rights Watch ce qui est arrivé à la base :
Les soldats des FACA ont brûlé les corps des cinq hommes battus à mort à leur base.68 Lorsque Human Rights Watch a localisé Ganoni, plus dun an après la terrible épreuve qui lui avait été infligée, il souffrait dune grave invalidité permanente due aux violents passages à tabac ; il avait perdu des os aux avant-bras et il lui était impossible dutiliser ses mains. Mort dau moins 30 civils, de Nana Barya à Bémal, 11 février 2006Le 11 février au matin, lunité de la GP basée à Bossangoa, commandée par le Lieutenant Eugène Ngaïkossé, est arrivée dans la zone de Nana Barya à bord de trois véhicules, prenant la direction nord vers la route Boguila-Bémal. En lespace dun seul jour, lunité a attaqué des dizaines de villages situés tout au long de la route, tirant au hasard et occasionnant la mort dau moins 28 civils, dans une douzaine de localités au moins. Cette folie meurtrière a eu un impact dévastateur : quelque 120 villages situés le long de la route R1 Boguila-Bémal-Markounda ont été complètement abandonnés pendant des mois suite à loffensive, leur population ayant fui dans la brousse.69 Le maire de Bémal a retracé pour Human Rights Watch les événements survenus dans son village:
Ce jour-là, le même style dattaques meurtrières sest répété village après village sur les routes Boguila-Bémal et Bémal-Béboura. A Béogombo III, des membres de la GP ont abattu Bondouboro Kouro et quatre autres civils et en ont blessé deux autres. A Békoro, les soldats ont demandé à Mathias Ndobi de sapprocher de leur véhicule et ensuite, ils lont abattu. Huit civils ont été abattus à Bédoro, dont le chef du village Grégoire Djanayang, Joseph Béninga Gawa, Clément Ndokiyai, Jackson Loban, un élève de cinquième année, Wilfred Béré, Lotar (prénom inconnu) et deux personnes non identifiées. Béamadji Nbairam a été tué par les soldats à Béogombo II, et Béré Lamadje a été tué à Béganguero.71 Trois personnes ont été abattues à Bendoulabé : deux mineurs, Eric Guelno et Ndonai Dabtar, tous deux élèves de quatrième année, et Luther Bérayang Bobet (âge non connu). A Bésa, des membres de la GP ont tué trois civils : Gaston Col, un non-voyant, Joseph Marboua, un soldat démobilisé, et Benjamin Rogaguem. A Kébbé, ils ont abattu Alfred Nadji et grièvement blessé son fils de sept ans, Blaise, qui a survécu. Sévérin Djasrabé, étudiant, Richard Ndouba et Théophile (nom de famille non connu) ont été abattus à Bongaro I. A Boya, deux hommes non identifiés ont été tués.72 Il est probable quil y ait eu dautres morts non signalées par les sources identifiées par Human Rights Watch. Mort de quatre civils et décapitation de Léon Roman, Bémal, 15-22 mars 2006Suite à une attaque menée par des hommes armés non identifiés le 15 mars contre un camion commercial près de la frontière tchadienne, lunité de la GP basée à Bossangoa et dirigée par le Lieutenant Eugène Ngaïkossé est revenue dans la zoneBoguila-Bémal. Comme lors de ses attaques du 11 février, lunité a de nouveau tué un certain nombre de civils lors de son passage dans des villages, tirant au hasard sur les civils qui fuyaient. Serge Feidangai Mahamat, un menuisier, a été abattu à Bétoko le 15 mars ; Doumbé (nom de famille non connu) a été abattu à Béboy I le 16 mars ; et Sabin Diadiam et Salomon Ndobi ont été abattus à Kébbé le 22 mars.73 Le soir du 22 mars vers 19 heures, quelque 75 soldats de la GP dirigés par le Lieutenant Ngaïkossé sont arrivés à Bémal à bord de trois pick-up. Pratiquement toute la population du village vivait déjà dans la brousse, mais la plupart de ceux qui étaient restés au village prirent la fuite. Les soldats ont passé la nuit au village. Le lendemain matin vers 6 heures, linstituteur du village, Léon Roman, sest rendu au marché pour acheter du tabac et sur le chemin du retour, il a été arrêté. Après lavoir attaché, les soldats de la GP lui ont coupé la tête au moyen dun couteau : « Nous lentendions crier », a raconté lun de ses proches à Human Rights Watch. Les soldats ont mis sa tête coupée dans un sac, apparemment dans lintention de lemmener avec eux, mais ils lont ensuite abandonnée à 100 mètres du corps lorsquils sont partis pour Bétoko. Peu après le départ des troupes, les villageois ont trouvé le corps sans tête de Roman ainsi que le sac contenant sa tête.74 Exécution de Christophe Doroma, Marc Kabo et Didier Zaura, Gbaïzera, fin mai 2006En début mai 2006, les rebelles de lAPRD ont pris le contrôle dune série de villages sur la route Batangafo-Kabo, concentrant plusieurs centaines de rebelles dans un plus grand village, Gbaïzera. Le 5 mai, les forces des FACA ont arrêté huit personnes du village de Bamara Kase, situé à quelques kilomètres de Gbaïzera, notamment le chef du village et son fils, une femme de 25 ans et Christophe Doroma, un visiteur de Gbaïzera âgé de 22 ans. Les détenus ont été emmenés à la prison de la gendarmerie à Batangafo, où ils ont été gardés en détention pendant trois semaines et battus presque quotidiennement. Lun des ex-détenus a décrit les passages à tabac et a confié que la prisonnière avait été violée par les soldats :
Selon les proches de Christophe Doroma, les autres familles des détenus sont parvenues à obtenir leur libération après trois semaines en versant aux FACA un pot-de-vin de 10 000 francs CFA (20$) par détenu. La famille de Doroma na pas pu rassembler largent à temps et a également eu plus de difficultés pour se rendre à Batangafo depuis Gbaïzera qui était sous contrôle rebelle.76 Le 22 ou 29 mai 2006,77 des soldats des FACA sont arrivés devant léglise de Gbaïzera vers 15 heures. Ils ont fait sortir de leur véhicule Christophe Doroma et deux autres jeunes gens, les ont exécutés devant léglise et sont partis.78 Human Rights Watch a établi par la suite que les deux autres jeunes exécutés ce jour-là étaient Marc Kabo et Didier Zaura du village de Zoumanga, situé sur la route Kabo-Ouandago. Ils avaient été arrêtés plus tôt par les FACA alors quils se rendaient à Kabo à bicyclette pour vendre des chèvres et du miel. Kabo et Zaura avaient également été détenus à Batangafo avant dêtre exécutés à Gbaïzera.79 Exécution de Placide Bamandia, Nganaoui Voudakpa, Elias Yambassa et Georges Bamandia, Kpokpo, 11 septembre 2006Placide Bamandia, 32 ans (père dun enfant), Nganaoui Voudakpa, 23 ans (père dun enfant), Elias Yambassa, 27 ans (père de quatre enfants), et Georges Bamandia, 37 ans (père de trois enfants) étaient tous chasseurs et pêcheurs. Lorsquils sont rentrés à Kaga Bandoro le 10 septembre, ils venaient de passer trois mois loin de chez eux dans la région de Kaga Bandoro, chassant et pêchant dans la province de Bamingui-Bangoran.80 Ces hommes ignoraient que des soldats des FACA avaient été déployés dans la région pendant leur absence. Le 10 décembre 2006 aux alentours de 20 heures, les quatre hommes ont été arrêtés par des soldats des FACA au pont Sérébanda et emmenés dans les bureaux de la gendarmerie à Kaga Bandoro (où étaient basés les soldats des FACA). Le 11 décembre à 1 heure du matin, les soldats ont emmené les quatre hommes à KpoKpo, situé à 10 kilomètres de Kaga Bandoro, et ont tiré sur eux. Georges Bamandia, laissé pour mort, a survécu à lexécution avec de graves blessures. Vers 8 heures du matin, avec laide dun passant, Bamandia, blessé, est parvenu à se rendre jusquà la maison de ses parents à Ndomété et il les a emmenés là où se trouvaient les corps de ses compagnons de chasse. Alors quils étaient sur le lieu de lexécution, un camion militaire est arrivé, apparemment pour se débarrasser des cadavres. Après avoir discuté avec les civils, les soldats ont tué le blessé, Bamandia, et ont jeté son corps dans une fosse daisance avant denterrer les trois autres hommes dans une fosse commune.81 Exécution de Bonaventura Sam, Kaga Bandoro, 5 décembre 2006Bonaventura Sam, 25 ans, également connu sous le nom de « Dassa », était un ex-combattant qui avait été démobilisé dans le cadre du programme de démobilisation du PNUD. Sam avait reçu un kit de réinstallation en agriculture et se consacrait à sa nouvelle vie dagriculteur. Le 5 décembre à 10 heures du matin, une patrouille des FACA a trouvé Sam dans son champ, en train de moissonner. Il a montré à la patrouille des FACA son certificat de démobilisation et, malgré tout, a été exécuté sur place par les soldats. Après lexécution, ses parents et autres proches sont allés voir le préfet, linformant de lexécution dun civil et lui demandant la permission de récupérer et denterrer le corps, ce qui leur a été accordé. Alors que la famille organisait une veillée funèbre, un véhicule militaire des FACA est arrivé et les soldats ont commencé à tirer en lair, dispersant ceux qui participaient à la cérémonie et arrêtant six proches qui ont été emmenés à la base des FACA à Kaga Bandoro et battus durant toute la nuit. Ils ont finalement été libérés à 4 heures du matin par un soldat des FACA qui semble avoir eu pitié deux.82 Exécution de Jean Yellé et Mohammed Younis, Gbaïzera, 9 décembre 2006Selon des fonctionnaires locaux, le Lieutenant Eugène Ngaïkossé et son unité de la GP de Bossangoa sont arrivés à Kabo le 8 décembre 2006 et ont opéré dans la zone Batangafo-Kabo-Kaga Bandoro jusquau 18 décembre environ.83 Les soldats ont arrêté Jean Yellé, 25 ans, fils du chef du village de Zoumanga, alors quils se rendaient à Kabo, le gardant cette nuit-là à la base militaire de Kabo. Le lendemain 9 décembre, lunité voyagea de Kabo à Batangafo, emmenant Jean Yellé avec elle. A leur arrivée à Gbaïzera, les soldats ont trouvé Mohammed Younis, âgé de 30 ans et père dun enfant, debout sur le bord de la route et lont immédiatement abattu. Un témoin de Gbaïzera a décrit ce qui est arrivé ensuite :
Les villageois ont montré à Human Rights Watch les tombes des deux hommes exécutés. Exécution de Dumnara, Kabo, décembre 2006Le 12 décembre 2006, des responsables de la Croix-Rouge locale de Kabo ont été informés dune odeur de corps en décomposition près de la base des FACA à Kabo. Au cours de leurs recherches, ils ont découvert le cadavre en décomposition et partiellement brûlé dun jeune homme, qui était encore ligoté selon la méthode de larbatachar et présentait des signes de torture sur ses parties génitales. Il a été identifié comme étant Dumnara, le plus jeune frère du chef du village de Petite Sido, une bourgade située à une trentaine de kilomètres au nord de Kabo. Il avait été vu vivant pour la dernière fois lors de son arrestation par des soldats à Petite Sido, quelques jours auparavant.85 Bien que lunité de la GP du Lieutenant Eugène Ngaïkossé fût présente à Kabo lors de la découverte du corps, il nest pas clair si lunité a joué un rôle dans cette exécution. Exécution de Ngario Nangassoum, Béhili II, 16 décembre 2006Le 16 décembre 2006, alors quelle était encore basée à Kabo, lunité de la GP du Lieutenant Eugène Ngaïkossé a arrêté Ngario Nangassoum, un agriculteur de 26 ans, dans le village de Béhili II, situé au sud-ouest de Kabo sur laxe Kabo-Batangafo. Les soldats ont accusé Nangassoum dêtre un rebelle et lont exécuté dans le village de Béhili II. Ils ont ensuite attaché son corps, bras et jambes écartés, sur le capot de leur véhicule, et sont retournés à Kabo, où ils ont paradé à travers le marché de la ville pour montrer le « rebelle » quils avaient tué. Le corps partiellement calciné de Nangassoum a plus tard été jeté derrière la base militaire de Kabo, où il a été récupéré par la Croix-Rouge locale et enterré.86 Exécution de Salvador Dami et Rodrigue Wandé, Kaga Bandoro, 5 janvier 2007Le 5 janvier 2007, Salvador Dami, un agriculteur de 27 ans, conversait avec sa sur dans son champ lorsquun véhicule des FACA est arrivé. Des soldats ont forcé Dami à monter à bord du véhicule, ignorant les protestations de sa sur. Les soldats des FACA lont forcé à se couvrir le visage avec son t-shirt et lont emmené à la gendarmerie de Kaga Bandoro. Un second jeune homme, Rodrigue Wandé, 22 ans, a été arrêté de la même façon. Vers 10 heures du matin, les deux hommes ont été emmenés par des soldats des FACA à la gare routière se trouvant devant le marché central et ont été exécutés en public. Lexécution a eu lieu en présence dun grand nombre de civils et sous les yeux du Lieutenant-colonel Alain Verdier, chef de la cellule administration et finances de la FOMUC, qui se trouvait par hasard dans ce quartier avec deux pilotes. Après avoir tué les deux hommes, les soldats des FACA ont posé près des corps lune des photos est en possession de Human Rights Watch. Les corps sont restés à la gare routière toute la journée, les soldats des FACA refusant de laisser des membres de leurs familles sen approcher. Selon un responsable religieux local, le Lieutenant-colonel Verdier était furieux de ce dont il avait été témoin et plus tard dans la journée, il est allé trouver le commandant des FACA pour la zone, le Capitaine Grémoboutou, à laéroport. Selon le responsable religieux, qui accompagnait le Lieutenant-colonel Verdier, et dautres sources indépendantes, les deux hommes ont eu une conversation tendue qui a dura 20 minutes. Le lendemain, le responsable religieux a pris la tête dune délégation de représentants religieux inquiets en vue dun entretien avec le Capitaine Grémoboutou, lequel ne sest guère montré désolé de lincident. Selon les notes prises lors de la rencontre et partagées avec Human Rights Watch, le Capitaine Grémoboutou a déclaré à la délégation quil avait reçu des « instructions strictes » du chef détat-major des FACA de « gérer ces problèmes sur le terrain », ce que les responsables religieux ont compris comme voulant dire quil avait le pouvoir dordonner lexécution des rebelles présumés. Lorsquil a été demandé sil pouvait rendre les biens des deux personnes à leurs familles (soit environ 84 000 francs CFA (168$) et une bicyclette), le capitaine a refusé, disant que ces effets personnels constituaient un « butin de guerre ».87 Mort de Dieudonné Bouté et exécution dAmadou Garba et dun marchand nigérian non identifié, Paoua, 16 janvier 2007Le matin du 15 janvier 2007, un groupe dune centaine de rebelles de lAPRD a lancé une importante attaque sur la ville de Paoua, échangeant des tirs avec les soldats des FACA pendant plusieurs heures avant de se retirer, à court de munitions.88 Lors de lattaque, les rebelles de lAPRD sont parvenus à prendre brièvement le contrôle du bâtiment de la gendarmerie de Paoua et du commissariat de police, volant des armes et des biens.89 Alors que les soldats des FACA poursuivaient les rebelles de lAPRD en fuite, ils ont abattu Dieudonné Bouté, un agriculteur de 22 ans. Selon la mère de Bouté, qui était en sa compagnie lorsquil a été tué :
Le lendemain matin vers 8 heures, trois véhicules militaires transportant des soldats de la GP de Bossangoa, sous les ordres de leur nouveau commandant, le Lieutenant Abdoulayé Alias, sont arrivés chez un tailleur de Paoua, Amadou Garba, âgé de 55 ans. Selon sa sur qui vivait à côté de chez lui, les soldats de la GP, portant leurs uniformes caractéristiques avec des bérets verts, sont arrivés chez lui et ont ordonné à Amadou Garba de venir avec eux. Garba a imploré les soldats, disant quil souffrait de problèmes destomac et quil ne pouvait pas quitter la maison. Mais les soldats ont commencé à le battre dans la rue et lont forcé à monter dans le véhicule.91 Un second détenu, qui allait survivre à cet incident, a raconté plus tard à la famille quils avaient été conduits à Béyokara, à sept kilomètres en dehors de la ville. A Béyokara, Amadou Garba a reçu lordre de sortir du véhicule et a immédiatement été abattu par quatre balles. Les soldats ont alors libéré le second détenu et sont partis en abandonnant le corps derrière eux.92 Egalement le 16 janvier, des soldats gouvernementaux ont exécuté un marchand nigérian de 35 ans dune balle dans la nuque dans le village abandonné de Nzangara, à quelques kilomètres de Paoua, sur la route de Bozoum. Le marchand, dont le nom nest pas connu, ne parlait ni le français ni le sango et ne sexprimait quen anglais-pidgin, dialecte du Nigéria. Parce quil était incapable de parler les langues locales, les soldats des FACA à Paoua lavaient arrêté quelques jours avant lattaque de Paoua menée par lAPRD le 15 janvier, le soupçonnant dêtre un sympathisant des rebelles de lAPRD.93 Exécution de Roger Masamra, Batangafo, 27 janvier 2007Le 27 janvier 2007, les soldats des FACA ont arrêté, puis exécuté Roger Masamra, fils du catéchiste du village (et prêtre catholique en formation), à Zoumanga, sur la route Kabo-Ouandago. Ils ont accusé Masamra dêtre un rebelle à cause du grigri traditionnel quil portait sur lui, et lont emmené dans leur base temporaire avant de labattre devant le bâtiment de la gendarmerie locale de Batangafo.94 Exécution dun marchand tchadien non identifié, Kabo, 30 janvier 2007Le 30 janvier 2007 au matin, les forces des FACA ont arrêté un marchand tchadien chrétien non identifié au marché de Kabo, le soupçonnant dêtre un rebelle. Apparemment, leur suspicion était basée sur le fait que le marchand en visite ne parlait ni le français ni le sango, portait sur le corps des grigris protecteurs et présentait des cicatrices aux mains qui, daprès les soldats des FACA, étaient des traces danciennes blessures causées par des balles. Un responsable dune organisation internationale humanitaire, effectuant une visite de routine au bureau des FACA, a vu le prisonnier par terre en dehors du bureau, pieds et mains liés derrière le dos, et sest brièvement informé sur sa situation.95 Peu de temps après, le prisonnier ligoté a été emmené par quatre soldats des FACA devant le commissariat de police, situé à côté des bâtiments scolaires de Kabo, et a été exécuté sous les yeux de nombreux élèves et dautres civils. Selon un responsable dune organisation humanitaire locale qui a assisté aux funérailles, les yeux de la victime avaient été arrachés. La victime na jamais été identifiée.96 Incendies de villagesLes incendies dhabitations auxquels se livrent massivement les forces de sécurité gouvernementales sont une exaction qui constitue presque la marque distinctive du conflit. Le premier incendie de village documenté par Human Rights Watch a eu lieu suite à lattaque menée par les rebelles de lAPRD le 28 décembre 2005 contre le village de Bodjomo, situé en dehors de Markounda, dans la province dOuham. Suite à lattaque rebelle infructueuse, les FACA basées à Markounda, uvrant aux côtés des soldats de la GP de Bossangoa placés sous les ordres du Lieutenant Eugène Ngaïkossé ont, selon les estimations, réduit en cendres de 500 à 900 habitations dans une douzaine de villages des environs. Dans presque tous les villages affectés, toutes les habitations ont été détruites par le feu, notamment plus de 280 maisons dans la grosse bourgade de Kadjoma Kota.97 Un relevé général des villages incendiés sur tout le territoire nord-ouest na pas encore été effectué, mais Human Rights Watch a par contre procédé à une estimation approfondie du nombre de villages incendiés dans une zone principale dactivité rebelle, la zone de Batangafo-Kabo-Ouandago-Kaga Bandoro. Allant de village en village le long de toutes les routes principales de la région, les chercheurs de Human Rights Watch ont dénombré un total de 2 923 habitations incendiées par les forces de sécurité gouvernementales (et 96 autres brûlées par les zaraguinas ou groupes nomades), destructions qui ont touché au moins 32 villages et villes sur des centaines de kilomètres de routes. Le long de la route menant de Batangafo à Ouandago, aucune habitation civile na été incendiée. La raison en est que les rebelles de lAPRD ont détruit au moins trois ponts sur cette route et que les forces de sécurité gouvernementales nont pas opéré activement dans la région. Le fait que labsence dincendies de villages dans cette zone coïncide avec une absence des forces de sécurité gouvernementales (et une présence active de lAPRD) démontre clairement que ce sont les forces de sécurité gouvernementales, et non les rebelles de lAPRD, qui sont responsables des incendies de villages. (Dans quelques cas, des différends entre nomades et villageois ont également abouti à lincendie dhabitations.) Les incendies de villages documentés par Human Rights Watch et dautres associations constituent une politique délibérée ou de facto de déplacement forcé de la population civile du nord-ouest de la RCA et ne peuvent être simplement qualifiés dactions imputables à quelques rogues soldats ou commandants. Les FACA et la GP ont invariablement mis le feu aux villages civils dès le début du conflit à la mi-2005, et cette pratique demeure virtuellement inchangée à ce jour. Des villages situés à des centaines de kilomètres les uns des autres ont été affectés ; selon les estimations, 10 000 maisons ont été incendiées par les FACA et la GP jusquà présent. En raison du degré extrême et de la nature aléatoire de la violence qui a accompagné les incendies de villages, les habitants sont toujours déplacés, vivant dans la brousse, même plus dun an après lincendie de leurs habitations, trop effrayés de rentrer et de reconstruire. Face aux preuves accablantes dexactions, les autorités centrafricaines ont totalement failli à leur obligation dagir pour mettre un terme aux incendies de villages ou pour traduire en justice les responsables de ces actes. Le mutisme et linaction des autorités ne peuvent être considérés que comme un assentiment par rapport aux exactions. La route Batangafo-KaboLe long de la route menant de Batangafo à Kabo, les villages incendiés commencent avec celui de Gbaïzera, situé à environ 28 kilomètres de Batangafo, mentionné à de nombreuses reprises plus haut dans le présent rapport. Human Rights Watch a dénombré un total de 662 maisons brûlées dans 12 villages de la région. A compter de juin 2006, les forces des FACA et de la GP ont incendié des habitations dans la région à chacun de leurs passages, brûlant à ce jour un total de 96 maisons à Gbaïzera.98 De Gbaïzera à Kabo, les chercheurs de Human Rights Watch ont constaté que tous les villages longeant la route avaient été désertés. Beaucoup ont été détruits entre juin 2006 et aujourdhui, les incendies atteignant un niveau record en novembre 2006. Les 29 habitations ont toutes été détruites par le feu à Dimba I ; 47 maisons sur 102 ont été brûlées par les troupes des FACA à Kakobo en novembre 2006 ; 1 maison sur 58 à Rubéringa ; 67 sur 144 ont été incendiées par les FACA à Kava I le 15 novembre ; 161 sur 323 à Ngonikira ; 14 sur 44 à Mudiélé ; 2 sur 7 ont été détruites à Samba ; 1 sur 96 à Vafio II ; 66 sur 71 à Béhili II ; 94 sur 104 à Kemngvoyéyé ; et les 84 habitations de Ndabala ont toutes été détruites.99 La route Kabo-OuandagoLe long de la route menant de Kabo à Ouandago, Human Rights Watch a relevé une situation plus complexe, un certain nombre des villages les plus proches de Kabo ayant été attaqués par des nomades tchadiens ou soudanais qualifiés de « Fulatas » par la population locale. Ces attaques, au cours desquelles des personnes ont été abattues, étaient la conséquence de différends relatifs aux droits de pâturages et à laccès aux sources deau.100 Human Rights Watch a dénombré 96 maisons incendiées dans quatre villages différents de la région. Les nomades ont mis le feu à trois habitations à Konga Litos en début février 2007, quelques jours avant la visite de Human Rights Watch, et à trois autres habitations à Beltonou II en janvier 2007. Un important affrontement a également eu lieu en juillet ou août 2006 entre les nomades « fulatas » et le village de Beltonou I, se soldant par la mort du chef du village, Alfonse Totamani, 25 ans, et lincendie de 90 maisons dans le village.101 Cependant, les villages situés plus loin sur la route menant à Ouandago ont été incendiés par les forces de sécurité gouvernementales selon le schéma habituel suivi dans dautres zones. Entre Kabo et Ouandago, Human Rights Watch a dénombré 270 maisons et magasins brûlés dans quatre villages différents. Le 8 décembre 2006, des unités de la GP placées sous les ordres du Lieutenant Eugène Ngaïkossé, alors en route vers Kabo, se sont arrêtées au village de Farazala. Elles ont incendié trois habitations et appréhendé le maire du village, Damasco Mallo, ainsi quune femme, Denise Mokossa, exigeant quils leur montrent où lAPRD était basée. Les deux détenus ont été emmenés à Kouvougou où ils ont à nouveau été interrogés et ont vu les unités de la GP mettre le feu au village, détruisant au moins 220 maisons et magasins et brûlant tout le quartier du marché. Les deux détenus ont ensuite été libérés.102 Le village de Dissi comptait 33 habitations incendiées, détruites par les FACA en octobre 2006.103 Le 29 janvier 2007 au milieu de la matinée, les soldats de la GP de Bossangoa ont incendié 14 habitations à Bilalo, où déjà en septembre, deux villageois avaient été tués de façon aléatoire par des soldats des FACA.104 La route Ouandago-Kaga BandoroLes incendies de maisons les plus nombreux documentés par Human Rights Watch ont eu lieu sur la route menant de Ouandago à Kaga Bandoro, où le nombre dhabitations détruites sélève à des milliers. Human Rights Watch a dénombré un total de 1 991 maisons brûlées dans 16 villages et villes de cette zone. La partie la plus affectée est la principale zone de marché de Ouandago même. La route qui sépare Ouandago de Kaga Bandoro est jalonnée dun grand nombre de maisons de civils incendiées, les destructions devenant de plus en plus fréquentes à mesure que lon approche de Kaga Bandoro. Kia I a eu deux maisons incendiées par les FACA le 5 octobre 2006. En novembre 2006, des soldats des FACA ont mis le feu à 14 maisons à Boskoubé et à 75 autres à Boskoubé Moderne, le village attenant. Cent cinquante et un logements ont été incendiés par les FACA dans la ville principale de Nana Outa le 19 août 2006. Treize habitations ont été brûlées à Futa, et 84 à Ngoumourou (quartiers I, II et III) par des unités de la GP entre octobre et décembre 2006. Un responsable du village de Ngoumourou I a décrit à Human Rights Watch les attaques des FACA et de la GP, qui ont commencé presque immédiatement après les attaques de Ouandago décrites plus haut :
Le nombre de villages incendiés saccroît à mesure que lon se rapproche de Kaga Bandoro. Sur une distance de 20 kilomètres, presque chaque maison a été détruite. Patcho a eu 40 maisons incendiées par les forces de la GP et des FACA en décembre 2006 ; chacune des 54 habitations de Yamuvé ont toutes été brûlées en janvier 2007 ; les 176 maisons de Yamissi et de Ngoulekpa ont toutes été incendiées, ne laissant debout que léglise du village ; les 52 maisons dInguissa ont été brûlées ; chacune des 106 habitations de Pougaza et de Béré ont été incendiées, ne laissant que léglise du village ; et les 44 maisons de Kpokpo ont toutes été détruites par le feu. Dautres villages de la région ont également été incendiés : 10 maisons ont été brûlées par les troupes de la GP et les FACA à Gazao à la mi-décembre, sur la route séparant Kaga Bandoro de Ndélé, et près de 300 habitations ont été incendiées dans les villages de Mbiti, Bamala, Ousmane et Bayiri sur la route menant de Kago Bandoro à Bangui.106 Autour de PaouaDes incendies dhabitations civiles dune ampleur comparable peuvent être constatés presque tout autour de la ville de Paoua, où des unités de la GP et des FACA ont mis le feu à quasi tous les villages sur plusieurs axes principaux, notamment la route Paoua-Bozoum, la route Paoua-Bétoko-Bémal et la route Paoua-Borguila-Nana Barya. Comme dans dautres zones, lampleur des destructions est colossale, des milliers dhabitations ayant été brûlées, dont des centaines dans certains des villages visités par Human Rights Watch. Comme dans dautres zones, les incendies autour de Paoua remontent à la fin 2005 et se poursuivent à ce jour : de nombreux villages ont été brûlés par les troupes de la GP autour de Paoua suite à lattaque du 15 janvier 2007. Les incendies de villages se poursuivent dans la région de Paoua. Selon Refugees International, le 11 mars 2007, des soldats des FACA qui se rendaient de Paoua à Bangui se sont heurtés à des rebelles de lAPRD à Lia, à une trentaine de kilomètres au sud de Paoua. Deux civils ont été tués lors des échanges de tirs. Suite à cet affrontement, les soldats des FACA sont descendus de leurs véhicules et ont mis le feu à deux maisons, et ont ensuite continué à incendier dautres habitations dans quatre autres villages, où ils ont tiré au hasard sur la population civile. Un bébé a été tué par une balle perdue des FACA à Léourou, et 10 autres maisons ont été incendiées à Voh. Au moins 20 maisons au total ont été brûlées par les soldats des FACA.107 LimpactIl nexiste pas de statistiques détaillées sur le nombre total dhabitations civiles incendiées par les troupes des FACA ou de la GP pendant le conflit actuel, mais les chiffres sélèvent certainement à des milliers et des milliers, probablement 10 000 au moins, et ces incendies ont eu lieu dans des centaines de villages sur tout le territoire de la région.108 Mais cette vaste campagne dincendies de villages, de morts illégales et dexécutions sommaires, ainsi que les coups de feu tirés au hasard et presque systématiquement par les soldats des FACA et de la GP sur les villages lors de leur passage ont un effet qui va bien au-delà des maisons détruites. Presque tous les habitants des zones affectées ont fui leurs maisons dans la terreur et lépouvante, et des centaines de villages sont aujourdhui complètement abandonnés dans le nord. Dans les cas où les villageois sont revenus, ils prennent la fuite dès quils entendent des véhicules approcher. Le déplacement dans la brousse de quelques 102 000 civils dans les districts dOuham, dOuham-Pendé et de Nana-Grébizi depuis décembre 2005 est le résultat direct de la campagne de représailles, de terreur et dexactions à laquelle se livrent les forces de sécurité centrafricaines et il a des conséquences désastreuses pour la situation humanitaire de cette population. Dans leurs abris de fortune fortement dispersés dans la brousse, beaucoup de personnes déplacées se trouvent hors de portée de la communauté humanitaire. Les déplacés ont un accès limité ou inexistant à leau propre et potable et sont souvent désespérément à court de denrées alimentaires. Dans la plupart des villages, les bâtiments scolaires sont fermés car leurs élèves se cachent dans la brousse et un nombre impressionnant denfants ne sont plus scolarisés depuis plus dun an. Hormis des cliniques mobiles gérées par quelques organisations internationales humanitaires telles que Médecins Sans Frontières (MSF), les services médicaux sont inexistants pour une grande partie de la population. Lors dentretiens avec Human Rights Watch, des responsables civils et militaires des FACA ont ouvertement reconnu lampleur des exactions commises par les forces de sécurité. Le gouverneur de la province dOuham, lui-même brigadier général des FACA, sest spontanément lancé dans une longue diatribe au sujet du comportement des troupes gouvernementales dans sa province :
Le Lieutenant-colonel André Kada, commandant des FACA dans lOuham et lOuham-Pendé (la 1ère région militaire), a également été franc dans son évaluation : « Ce sont les Gardes présidentiels qui ont commis les exactions dans le nord, ils ont brûlé les maisons Ils nont même pas un niveau dinstruction élémentaire Ils sont autorisés à faire nimporte quoi. Ils ne savent que tirer des coups de feu Les soldats de la Garde présidentielle nont pas reçu dinstructions directes leur ordonnant de mettre le feu aux villages, ils ont commis ces crimes de leur propre initiative. Tout le monde se plaint de limpunité, mais cest le Président qui prend ces décisions ».110 Un commandant de zone locale des FACA a également résumé en termes éloquents le problème de limpunité en RCA :
Le 1er avril 2007, le Président Bozizé a déclaré à John Holmes, le coordinateur de lassistance humanitaire de lONU (émissaire principal de lONU pour les affaires humanitaires) que « les exactions de larmée feraient lobjet dune enquête et seraient traitées sans délai et comme il convient » mais à ce jour, aucun responsable des incendies de villages ou des exécutions sommaires et autres morts illégales na vu son cas « traité ». Officiellement, les responsables de la RCA continuent de rejeter la responsabilité de la plupart des exactions sur les rebelles, à limage du gouverneur de Gribingui, le Colonel Jean-Christophe Bureau, qui en décembre 2006, prétendait que « tous les villages avaient été incendiés par les rebelles ».112 Les exactions des rebelles de lAPRDLes recherches de Human Rights Watch sur la conduite des rebelles de lAPRD nont pas mis au jour des éléments semblant indiquer que ces rebelles sont responsables de morts sur une grande échelle, dincendies de villages ou autres crimes tout aussi graves depuis le début de la rébellion à la mi-2005. Les entretiens de Human Rights Watch avec des représentants du gouvernement centrafricain, des officiers de larmée, des responsables dorganisations locales et internationales humanitaires et des responsables des droits humains nont pas davantage révélé dallégations selon lesquelles le groupe aurait commis ce type dexactions. La plupart des attaques de lAPRD rapportées dans la presse ou par des organisations locales et internationales humanitaires et des droits humains étaient dirigées contre des cibles militaires telles que des postes de police, des bases militaires et des patrouilles militaires, plutôt que contre la population civile. Néanmoins, lAPRD a recruté et utilisé des enfants dans ses forces de combat, et ses soldats se sont rendus responsables denlèvements, de passages à tabac, dextorsion et de vol de bétail sur une grande échelle. MortsLes chercheurs de Human Rights Watch ont identifié deux cas dans lesquels les troupes de lAPRD ont illégalement tué un civil. Le premier a eu lieu à Gbaïzera en juin 2006, après que lAPRD eut réoccupé le village. Mohammed Haroon, âgé de 50 ans et fils du chef du village, a été arrêté et ensuite tué pour avoir informé le commandant des FACA à Batangafo que les rebelles avaient occupé le village une première fois en avril. Les forces des FACA avaient réagi à loccupation de lAPRD en attaquant les rebelles en mai et juin, en réduisant en cendres près de 100 maisons, et en exécutant illégalement trois civils fin mai. Lorsque les rebelles de lAPRD sont revenus au village plus tard en juin, ils ont arrêté Mohammed Haroon et lont battu à mort en public avec des bâtons, devant léglise du village. Après lexécution, les rebelles ont ordonné aux villageois de laisser son corps pourrir au soleil et ils ont menacé de tuer quiconque tenterait de lenterrer.113 Il sagit dun crime grave. Cest néanmoins la seule exécution de ce type identifiée par Human Rights Watch comme étant imputable aux troupes de lAPRD depuis le début du conflit à la mi-2005. Bien que Human Rights Watch ne puisse exclure la possibilité que dautres incidents similaires aient eu lieu, aucun autre cas na été rapporté lors des entretiens avec les représentants du gouvernement, les responsables de larmée ou les organisations locales et internationales humanitaires et des droits humains. Les rebelles de lAPRD sont également responsables du décès, le 11 juin 2007, dElsa Serfass, une infirmière de 27 ans travaillant pour Médecins Sans Frontières (MSF). Les rebelles de lAPRD ont fait feu sur un véhicule de MSF, tuant la travailleuse humanitaire. Bien que lAPRD ait immédiatement qualifié la fusillade d «erreur» 114 et ait présenté ses excuses pour lincident, les personnes de lAPRD responsables davoir tiré sur un véhicule humanitaire clairement signalé, provoquant illégalement la mort dune civile, devraient répondre de leurs actes. Utilisation denfants soldats par lAPRDUne pratique que les dirigeants rebelles de lAPRD ont volontiers reconnue lors dentretiens avec Human Rights Watch est lutilisation denfants soldats, une violation grave du droit international. Les commandants des rebelles de lAPRD ont déclaré quils comptaient beaucoup denfants dans leurs rangs, dont certains navaient pas plus de 12 ans, et que beaucoup étaient armés et participaient au combat.115 Presque chaque unité de lAPRD rencontrée par Human Rights Watch avait dans ses rangs quelques enfants combattants. Un haut commandant de lAPRD a expliqué à Human Rights Watch que bon nombre des enfants avaient rejoint lAPRD pour se mettre à labri des attaques menées par les forces gouvernementales : « Notre recrutement est volontaire, et nous avons quelques enfants soldats avec nous. Depuis que la Garde présidentielle sest installée ici [autour de Paoua], les enfants ne se sentaient pas en sûreté. Alors ils sont venus nous retrouver parce quils voulaient la sécurité, cest pour leur propre sécurité ».116 Même si ce que dit le commandant de lAPRD est exact, lutilisation denfants combattants par lAPRD nen demeure pas moins une violation grave du droit international humanitaire et peut équivaloir à un crime de guerre.117 Human Rights Watch a expliqué cela aux commandants de lAPRD, qui semblaient ignorer que leur conduite violait les lois de la guerre. Informé des normes internationales applicables et des poursuites engagées actuellement par la CPI à lencontre dun chef de guerre congolais pour utilisation denfants soldats,118 un haut commandant de lAPRD a immédiatement proposé de démobiliser les enfants soldats, à condition que leur sécurité puisse être garantie, et il a demandé à Human Rights Watch de contacter lUNICEF pour une aide à la démobilisation.119 Enlèvements, passages à tabac et extorsion
Les témoignages ne manquent pas pour indiquer que lAPRD a commis dautres exactions graves à lencontre de la population civile, notamment des enlèvements en vue dune rançon, des passages à tabac, des actes dextorsion et des pillages sur une grande échelle. Le nombre de dénonciations de ces actes varie grandement selon les différentes régions où lAPRD est présente. Apparemment, autour de Paoua, les rebelles de lAPRD se limitent principalement à exiger une « taxe routière » aux véhicules et passagers qui transitent par la zone quils contrôlent. Cependant, dans certaines zones du triangle Batangafo-Kabo-Ouandago, lAPRD sest emparée de presque toutes les chèvres et poulets des villageois et, à diverses reprises, elle a enlevé et battu des chefs de village pour extorquer de largent. Les pires cas denlèvements, de passages à tabac et dextorsion imputables aux rebelles de lAPRD ont eu lieu sur laxe Ouandago-Batangafo. Là, les rebelles de lAPRD ont détruit plusieurs ponts et ne peuvent donc pas obtenir de largent au moyen dune « taxe routière » puisque que le trafic commercial est réduit. Human Rights Watch a trouvé de nombreux villages totalement désertés, sans aucun bétail visible. La population civile que Human Rights Watch a réussi à localiser souffrait souvent de malnutrition. Il sagit de la seule région visitée par Human Rights Watch où un degré sévère de malnutrition était visible. Un chef de village de Botéré I a expliqué :
Un responsable religieux du village de Sébongono, sur la même route, a décrit les exactions rebelles en termes similaires :
De même dans le village de Sébongono, un responsable décole a raconté à Human Rights Watch que le 8 août 2006, il avait été détenu pendant plusieurs heures par des rebelles de lAPRD qui réclamaient de largent. Au départ, ses ravisseurs réclamaient 40 000 francs CFA [80$] pour sa libération, mais en fin de compte, ils ont accepté 12 000 francs CFA [24$]. Parce quil avait également été nommé responsable de village par le gouvernement (conseilleur), il a été battu si violemment quil a dû être hospitalisé.123 Des récits semblables ont été recueillis par Human Rights Watch dans les villages sur tout le territoire du triangle Batangafo-Kabo-Ouandago. Les exactions des forces tchadiennesLes exactions dont souffre la population civile dans le nord-ouest de la RCA ne se limitent pas à celles commises par les rebelles de lAPRD, les forces centrafricaines et les zaraguinas. Les troupes tchadiennes mènent aussi régulièrement des incursions transfrontalières, pillant les villages et commettant des viols. Le rôle du Tchad en RCA est complexe. On peut trouver des éléments tchadiens dans tous les camps participant aux différents conflits : le détachement chargé de la sécurité personnelle de Bozizé est tchadien, tout comme beaucoup de ses soldats de la GP qui lont aidé à accéder au pouvoir (les ex-libérateurs). Bon nombre dex-libérateurs tchadiens sont présents dans les rangs de lUFDR qui se bat dans le nord-est ; des bandits tchadiens sont impliqués dans les groupes criminels zaraguinas qui attaquent les civils dans le nord ; des soldats tchadiens font partie de la mission régionale de maintien de la paix de la FOMUC ; des groupes rebelles tchadiens anti-Déby ont installé leurs bases en RCA ; et des soldats de larmée tchadienne ont mené des raids indépendants contre les groupes rebelles de la RCA en territoire centrafricain et ont également effectué des incursions à lintérieur du territoire de la RCA pour se livrer à de violents pillages, dans certains cas accompagnés de viols de civils. Le 10 juillet 2006, des soldats de larmée tchadienne se trouvant à bord de camions de larmée ont mené un raid dans le village de Bétoko, situé à 20 kilomètres au sud de la ville frontalière tchadienne de Goré, tirant au hasard sur la population et pillant le village après que la population eut pris la fuite. Lors de ce raid, les soldats tchadiens ont violé cinq femmes à Bétoko.124 En décembre 2006, des soldats tchadiens circulant à bord de trois camions de larmée ont attaqué Bémal, situé à proximité de Bétoko, tirant au hasard sur la population et emportant 32 vaches du village, ainsi que du matériel agricole et des sacs darachides.125 Les villageois ont confié à Human Rights Watch que ces incursions de larmée tchadienne étaient courantes, et quelles avaient lieu tous les deux ou trois mois. Les soldats de larmée tchadienne ont effectué régulièrement des incursions directes contre des bases de lAPRD. Des attaques ont notamment été menées les 5 et 18 novembre par une colonne de 10 véhicules de larmée tchadienne contre des positions de lAPRD autour de Boguila, et une attaque importante a eu lieu en août 2006, détruisant la base principale de lAPRD à Vami, à lextérieur de Ouandago, base qui abritait alors quelques 600 rebelles de lAPRD. Les représentants du gouvernement centrafricain ont fourni des informations contradictoires à Human Rights Watch lorsque lorganisation leur a demandé si ces opérations de larmée tchadienne avaient été coordonnées avec les autorités de la RCA. 31 Selon lUNFPA, la population de la RCA est estimée en 2007 à 4 216 666 habitants. UNFPA, « Population Projection for CAR, 2007 ». Les estimations relatives aux populations des provinces affectées sont les suivantes : 390 641 pour lOuham, 445 483 pour lOuham-Pendé et 124 651 pour la Nana-Grébizi, soit un total de 960 775 personnes. UN OCHA, « Central African Republic Factsheet », février 2007, http://ocha.unog.ch/humanitarianreform/Portals/1/cluster%20approach%20page/training/CSLT%20March%2007/best%20practices/CAR%20Fact%20Sheet.pdf (consulté le 11 juillet 2007). On estime à 102 000 le nombre de personnes déplacées par le conflit dans le nord-ouest : 30 000 de lOuham, 37 000 de lOuham-Pendé et 35 000 de la Nana-Grébizi. UN OCHA, « Central African Republic Fact Sheet », juin 2007, http://ochadms.unog.ch/quickplace/cap/main.nsf/h_Index/MYR_2007_CAR/$FILE/MYR_2007_CAR.doc?OpenElement (consulté le 11 juillet 2007). 32 Acte constitutionnel No. 1, daté du 15 mars 2003. 33 La nouvelle Constitution, la sixième de lhistoire de la RCA depuis lindépendance, a été promulguée par le Président Bozizé le 27 décembre 2004, suite à un référendum qui a approuvé ladite constitution avec 87 pour cent de votes « oui ». 34 Les quatre anciens ministres sous la présidence de Patassé étaient : Jean-Jacques Démafouth, ancien ministre de la défense ; Jean-Paul Ngoupandé et Martin Ziguélé, tous deux anciens premiers ministres, et Charles Massi. 35 FIDH, « Oubliées, stigmatisées », p. 44. 36 Entretien de Human Rights Watch avec Wafio Bertin, Boja, 15 février 2007. 37 « 8,000 Central Africans flee to southern Chad in fresh exodus from fighting », IRIN, 15 juin 2005. 38 Entretien de Human Rights Watch avec AndréYokandji, chef du village de Tantalé, Bozoum, 12 février 2007. 39 Entretien de Human Rights Watch avec AndréYokandji, chef du village de Tantalé, Bozoum, 12 février 2007. 40 Entretien de Human Rights Watch avec Léonard Bangué, maire de Bozoum, 12 février 2007. 41 Entretien de Human Rights Watch avec Jean-Marie Ngouakouzou, Sous-préfet de Kabo, 20 février 2007. 42 Entretien de Human Rights Watch (nom et lieu tenus secrets), 1er mars 2007. Nick Paton Walsh, « Frances African War? », Channel 4 news (Royaume-Uni), 25 juin 2007, http://www.channel4.com/news/articles/politics/international_politics/frances+african+war/575987 (consulté le 11 juillet 2007). 43 Entretien de Human Rights Watch avec Bertin Wafio, Boja, 15 février 2007. 44 Les fonctionnaires internationaux interrogés par Human Rights Watch ne croient pas que lAPRD possède des véhicules militaires ou des armes lourdes. 45 Celles qui nétaient pas fabriquées maison provenaient probablement du pillage des stocks du gouvernement. Bon nombre des attaques initiales de lAPRD visaient de petits avant-postes de larmée ou de la gendarmerie qui étaient pillés de leurs armes, puis détruits. Etant donné que le commandement de lAPRD consiste principalement de soldats de lancienne garde présidentielle de Patassé, les soldats pro-Patassé ont très vraisemblablement emporté leurs armes personnelles lorsquils ont déserté après larrivée au pouvoir de Bozizé. 46 Cette étude de cas est basée sur de nombreux entretiens effectués dans la zone de Ouandago avec des habitants, des responsables dorganisations humanitaires locales et internationales ainsi que des responsables rebelles de lAPRD. 47 Voir Paul Melly, « Central African Republic: Insecurity in the Regions Bordering Cameroon », Rapport de Writenet pour le HCR, juin 2005, http://www.unhcr.org/publ/RSDCOI/440573a04.pdf (consulté le 11 juillet 2007) 48 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Ouandago, 19 février 2007. 49 Ces interdictions constituent une règle du droit international humanitaire coutumier applicable tant aux conflits armés internationaux que non internationaux et explicitement formulée dans le Protocole additionnel II aux Conventions de Genève applicable aux conflits armés non internationaux, Article 4 (2), ainsi que dans la Convention de Genève IV, Article 33 et le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève, Article 51. 50 UN OCHA, « Central African Republic Fact Sheet », février 2007, http://ocha.unog.ch/humanitarianreform/Portals/1/cluster%20approach%20page/training/CSLT%20March%2007/best%20practices/CAR%20Fact%20Sheet.pdf (consulté le 11 juillet 2007). Selon lOCHA, 30 000 personnes ont été déplacées dOuham, 37 000 dOuham-Pendé et 35 000 de Nana-Grébizi. Le pourcentage de déplacement oscille entre 7,6 pour cent (Ouham) et 28 pour cent (Nana-Grébizi). 51 Dans ce second convoi se trouvaient Mia Farrow, ambassadrice itinérante de lUNICEF, et du personnel accompagnant. 52 Commission diocésaine Justice et Paix, « Exactions commises par les FACA dans la région de Kaga Bandoro, Octobre-10 décembre 2006 », non daté. 53 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007. 54 La responsabilité pénale des commandants est une vieille règle du droit international coutumier et elle est formulée dans lArticle 86 (2) du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève. 55 Entretien de Human Rights Watch avec un officier des FACA (nom et lieu tenus secrets), 16 février 2007. 56 Entretien de Human Rights Watch avec un officier des FACA (nom, lieu et date tenus secrets). 57 Entretien de Human Rights Watch avec un responsable religieux (nom, date et lieu tenus secrets). 58 « Centrafrique: Manifestation de Tchadiens à Bangui », Reuters, 14 février 2007. 59 Entretien de Human Rights Watch avec un responsable dune organisation humanitaire locale (anonymat préservé), Paoua, 13 février 2006; Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté. 60 Ibid. 61 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté. 62 Entretien de Human Rights Watch avec un responsable dune organisation humanitaire locale (anonymat préservé), Paoua, 13 février 2006. 63 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté. 64 Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch. 65 Avant de se rendre dans le pays, Human Rights Watch était au courant des rapports signalant que 17 élèves avaient été exécutés sommairement par des soldats des FACA au Lycée de Paoua en janvier 2006 (voir FIDH, « Oubliées, stigmatisées », p. 50, et Amnesty International, « République centrafricaine : Le gouvernement doit prendre des mesures contre les soldats qui ont tué, blessé et déplacé des civils non armés dans le nord-ouest du pays », 5 avril 2006). En dépit de recherches approfondies et dune visite au lycée, Human Rights Watch na pas été en mesure de corroborer ces faits. Selon des responsables du lycée, aucun étudiant nest mort au lycée lors de lattaque du 29 janvier ou directement suite à lattaque. Ils ont néanmoins signalé que deux étudiants de 15 ans avaient été tués par les soldats de la Garde présidentielle à Béogombo le 11 février 2006. 66 Larbatachar est une forme de torture fréquente dans la région. Elle consiste à attacher fermement les avant-bras et les jambes dun détenu derrière son dos en tirant très fort sur les membres. Les cordes serrées provoquent un arrêt de la circulation qui peut entraîner une invalidité permanente. 67 Entretien de Human Rights Watch avec Frédéric Ganoni, Paoua, 14 février 2007. 68 Ibid. Le fait que les corps aient été brûlés a également été confirmé par dautres sources. 69 FIDH, « Oubliées, stigmatisées », p. 50; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch. 70 Entretien de Human Rights Watch, Bémal, 14 février 2007. Selon le maire, un an après lattaque, des 1 800 habitants de Bémal, seuls 300 à 400 dormaient chez eux la nuit, les autres restant dans la brousse ou sétant réfugiés au Tchad. Human Rights Watch na trouvé aucune information étayant laffirmation de la FIDH et dautres selon laquelle 13 élèves auraient été tués ce jour-là par les soldats de la Garde présidentielle à Bémal : le maire du village na pas mentionné ces décès et ils ne figurent pas dans le rapport de la Croix-Rouge parmi les victimes des tueries survenues à cette date. 71 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté ; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch. 72 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté ; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch. 73 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté ; IFRC, « Chad: Central African Refugees Information Bulletin », vol. 1 2006, 2 mars 2006 ; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch. 74 Entretien de Human Rights Watch avec un proche dune victime, (anonymat préservé), Bémal, 14 février 2007 ; Sources confidentielles en possession de Human Rights Watch. 75 Entretien de Human Rights Watch, ancien détenu (anonymat préservé), Bamara Kase, 20 février 2007. 76 Entretien de Human Rights Watch avec un proche de Christophe Doroma, (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007. 77 La famille était certaine que Doroma avait été tué un jeudi à la fin mai mais elle nétait pas sûre de la date exacte. 78 Entretien de Human Rights Watch avec Michel Djatobaye, Gbaïzera, 20 février 2007 ; Entretien de Human Rights Watch avec un proche de Doroma, (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007. 79 Entretien de Human Rights Watch avec Dieudonné Lomangda, Zoumanga, 21 février 2007. 80 Dans le nord de la RCA, il est courant de partir à la chasse et à la pêche pendant de longues périodes. La viande et les poissons attrapés sont fumés et séchés et ils sont ensuite vendus en ville au retour. 81 Commission diocésaine Justice et Paix, « Exactions commises par les FACA dans la région de Kaga Bandoro, Octobre-10 décembre 2006 », non daté. 82 Ibid. 83 Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch. 84 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007. 85 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Kabo, 21 février 2007. 86 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Kabo, 21 février 2007; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch. Une autre source indiquait que lincident datait du 17 décembre. 87 Commission Justice et Paix, « Evénements du vendredi 05 janvier 2007 à Kaga Bandoro », non daté; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch; OCHA, « Inter-Agency Mission to Birao (CAR), 12 to 23 January 2007 » (en possession de Human Rights Watch). 88 Entretien de Human Rights Watch avec Wafio Bertin, commandant de lAPRD, 15 février 2007. 89 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport des événements survenus à Paoua le 15/01/2007 », 16 janvier 2007. 90 Entretien de Human Rights Watch avec Elizabeth Denadji, Paoua, 14 février 2007. 91 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Paoua, 14 février 2007. 92 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Paoua, 14 février 2007. 93 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Paoua, 14 février 2007; Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport des événements survenus à Paoua le 15/01/2007 », 16 janvier 2007. 94 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Batangafo, 19 février 2007; Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Kabo, 21 février 2007. 95 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Batangafo, 19 février 2007. 96 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Kabo, 21 février 2007; Entretien de Human Rights Watch avec le Sous-préfet Jean-Marie Ngouakouzou, Kabo, 20 février 2007. 97 UN OCHA, « Procédure dAppel Global (CAP) Examen semestriel de lappel humanitaire 2006 pour la République centrafricaine », 18 juillet 2006; Sources confidentielles en possession de Human Rights Watch. Les villages incendiés étaient : Bobéré, Kakambia, Kadjoma Kota, Mandunga, Maiban, Galé II, Galé I et Koukou. 98 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007. 99 Chiffres calculés par Human Rights Watch, 20 février 2007. 100 Par exemple, le 10 juillet 2006, un groupe de six Fulatas armés est arrivé au village de Bouaki I à 5 heures du matin. Ils ont demandé à voir Bernard Ndikisi, le chef du village âgé de 80 ans, quils ont ensuite abattu. Deux autres villageois ont été tués alors quils cherchaient à échapper aux hommes armés : Jérémie Ndounama, 18 ans, et Didier Zoranga, 22 ans. Les Fulatas nont incendié aucune habitation à cette occasion. Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Bouaki I, 21 février 2007). 101 Entretiens et relevés de Human Rights Watch, 21 février 2007. 102 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Farazala, 21 février 2007. 103 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Dissi, 21 février 2007. 104 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Bilalo, 21 février 2007. 105 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), 22 février 2007. 106 Rapport humanitaire confidentiel en possession de Human Rights Watch. 107 Refugees International, « Central African Republic: Army House Burnings Continue in Tense Northwest », 15 mars 2007. 108 Human Rights Watch a dénombré un total de 2 923 habitations incendiées rien que dans la zone de Batangafo-Kabo-Ouandago-Kaga Bandoro, mais il existe des zones beaucoup plus vastes de villages incendiés qui nont pas fait lobjet destimations à ce jour, notamment des zones avoisinant directement celle étudiée par Human Rights Watch (certaines maisons au nord de Kabo ont également été brûlées mais les conditions de sécurité ont empêché Human Rights Watch de se rendre dans cette zone). La zone affectée autour de Paoua, notamment laxe Paoua-Bozoum, laxe Paoua-Bétoko-Bémal et laxe Paoua-Borguila-Nana Barya, est considérablement plus étendue que celle recensée par Human Rights Watch, et lampleur des destructions y est équivalente ou supérieure. Par voie de conséquence, le chiffre de 10 000 constitue une estimation modérée du nombre total dhabitations incendiées sur toute la région. 109 Entretien de Human Rights Watch avec le Brigadier général Raymond Ndougou, Bozoum, 12 février 2007. 110 Entretien de Human Rights Watch avec le Lt.-Col. André Kada, Bossangoa, 16 février 2007. 111 Entretien de Human Rights Watch [nom, date et lieu tenus secrets]. 112 « CAR: Blame game as villages burn », IRIN, 19 décembre 2006. 113 Entretien de Human Rights Watch avec le chef du village (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007. 114 « Précisions sur les circonstances de la mort de notre collègue Elsa Serfass en République centrafricaine », Communiqué de presse de MSF, 13 juin 2007, http://www.msf.fr/cp/cpR%C3%89P130607626 (consulté le 11 juillet 2007) ; « République centrafricaine Une volontaire de MSF tuée », Communiqué de presse de MSF, 11 juin 2007, http://msf.ch/Actualites.29.0.html?&L=p%3BL%3DL%3D&tx_ttnews[pointer]=1&tx_ttnews[tt_news]=3178&tx_ttnews[backPid]=5&cHash=275fcfefaa (consulté le 11 juillet 2007). 115 Entretien de Human Rights Watch avec Wafio Bertin, Boja, 15 février 2007; Entretien de Human Rights Watch avec un soldat de lAPRD (anonymat préservé), Boja, 15 février 2007. 116 Entretien de Human Rights Watch avec Wafio Bertin, Boja, 15 février 2007. 117 Par exemple, aux termes des Articles 8(2)(b)(xxvi) et 8(2)(e)(vii) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces ou groupes armés, ou de les faire participer à des hostilités, constitue un crime de guerre. L Article 77 du Protocole additionnel I et lArticle 4(c) du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève interdisent le recrutement et la participation denfants de moins de 15 ans. LArticle 38 de la Convention de lONU relative aux droits de lenfant stipule que : Les États parties prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités (Paragraphe 2). Les États parties s'abstiennent d'enrôler dans leurs forces armées toute personne n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans (Paragraphe 3). Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de lenfant et concernant la participation des enfants aux conflits armés (adopté par lAssemblée générale de lONU le 25 mai 2000 et entré en vigueur le 12 février 2002) fixe à 18 ans lâge minimum pour une participation directe à des hostilités et pour le recrutement dans des groupes armés.118 Thomas Lubanga Dyilo, ex-dirigeant de lUnion des patriotes congolais (UPC), un groupe armé responsable de crimes de guerre et de crimes contre lhumanité dans la région de lIturi, en République démocratique du Congo (RDC), a été la toute première personne traduite en justice devant la CPI pour avoir procédé à lenrôlement et à la conscription denfants soldats et les avoir fait participer activement au conflit en Ituri. 119 Entretien de Human Rights Watch avec Wafio Bertin, Boja, 15 février 2007. 120 Entretien de Human Rights Watch avec un chef de village (nom et lieu tenus secrets), 19 février 2007. 121 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), village de Botéré I, 19 février 2007. 122 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), village de Sébongono, 19 février 2007. 123 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), village de Sébongono, 19 février 2007. 124 Entretien de Human Rights Watch avec Eric Djiji, Bétoko, 14 février 2007; Entretien de Human Rights Watch avec Florent Dolomboto, Bétoko, 13 février 2007 ; « CAR: Living with rape, harassment in the northwest », IRIN, 22 février 2007. 125 Entretien de Human Rights Watch avec Benoît Bédomnolé, Bémal, 14 février 2007. |