Rapports de Human Rights Watch

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VI. Usage excessif de la force et meurtre de manifestants non armés

Les violences commises par les forces de sécurité guinéennes peuvent être quotidiennes, comme celles qui ont lieu lors des interrogatoires de police, ou politiques, comme l’est l’usage excessif et répété de la force contre des manifestants non armés. A mesure que la Guinée s’enfonce plus profondément dans le chaos économique et politique, les manifestations organisées par les syndicats et d’autres associations de la société civile se multiplient. La société civile guinéenne, jadis perçue comme peu revendicatrice d’un changement politique, cherche de plus en plus à exercer des pressions sur le gouvernement en vue d’une réforme politique et économique.62 Les dirigeants de la société civile interrogés par Human Rights Watch attribuent cette activité accrue à la détérioration accélérée des conditions économiques, que beaucoup de Guinéens trouvent de plus en plus intolérable.63

Depuis fin 2005, plusieurs incidents ont eu lieu au cours desquels les forces de sécurité guinéennes ont fait un usage disproportionné et meurtrier de la force à l’encontre de manifestants non armés. En septembre 2005, dans la ville de Kouroussa au nord, deux personnes auraient été grièvement blessées après que les gardes d’un préfet eurent ouvert le feu sur une foule qui protestait contre la corruption au sein du gouvernement.64 En novembre 2005, dans la ville de Télimélé située au centre du pays, trois contestataires auraient été tués après que des soldats eurent tiré sur des étudiants qui réclamaient plus de professeurs.65 Human Rights Watch a interrogé des victimes et des témoins d’un incident survenu à Conakry en février 2006 au cours duquel des soldats ont ouvert le feu sur des manifestants, faisant deux blessés et un mort, lors d’une grève générale organisée pour protester contre l’augmentation des prix des produits de base.66

L’incident le plus grave a eu lieu en juin 2006 lorsqu’à l’occasion d’une deuxième grève organisée pour protester contre l’augmentation des prix des produits de base, les forces de sécurité guinéennes ont réagi en recourant à la force de manière excessive et disproportionnée.

Grève nationale de juin 2006

Le 8 juin 2006, deux des plus importants syndicats de Guinée ont appelé à une grève générale pour protester, entre autres, contre l’augmentation des prix du riz et de l’essence.67 Les quatre premiers jours de la grève de juin se sont déroulés dans une relative tranquillité, la plupart des citoyens ayant choisi de rester chez eux plutôt que de manifester dans la rue.

Le dimanche 11 juin, un avis a été lancé à la radio nationale, appelant tous les élèves de secondaire à se présenter aux centres d’examens pour passer les épreuves nationales du baccalauréat.68 Lorsque les étudiants sont arrivés le lendemain matin, ils ont constaté que personne n’était là pour surveiller les examens car le syndicat des enseignants avait rejoint la grève.69 Face à ce que beaucoup d’étudiants percevaient comme la perspective d’une « année blanche » (une année sans examens, les obligeant à redoubler), des milliers d’étudiants et d’autres civils sont descendus dans les rues de Conakry, Labé, N’zérékoré et d’autres villes du pays pour protester, scandant des slogans antigouvernementaux et appelant le gouvernement à démissionner.

A certains endroits, les mouvements de contestation étaient pacifiques. Dans d’autres, des étudiants et d’autres civils ont dressé des barricades, brûlé des pneus, jeté des pierres sur les forces de sécurité et incendié des voitures. A Labé (l’une des capitales régionales de Guinée), des étudiants ont vandalisé plusieurs établissements gouvernementaux, brisant les vitres et endommageant les murs des bureaux du gouverneur, du maire et du préfet.70

Les victimes et les témoins interrogés par Human Rights Watch ont expliqué que la police et la gendarmerie avaient généralement donné des coups de pied et battu violemment toutes les personnes qu’elles arrivaient à attraper dans la rue. A divers endroits, les témoins ont raconté à Human Rights Watch que les forces de sécurité avaient ouvert le feu directement sur les foules de manifestants non armés. Bon nombre de contestataires interrogés ont affirmé que les jets de pierres et autres actes de vandalisme des manifestants avaient eu lieu en réponse aux brutalités policières—en d’autres termes, qu’ils n’avaient rien fait de tout cela avant que les passages à tabac et les tirs de la police ne commencent ou ne s’intensifient fortement par la suite.71 Human Rights Watch a envoyé une lettre au ministre de la sécurité, demandant un rapport officiel de la police mais aucune réponse ne lui était parvenue à l’heure où le présent rapport a été mis sous presse.

Témoignages concernant l’usage meurtrier de la force

Bien que les forces de police aient effectivement eu recours aux gaz lacrymogènes et aux tirs de sommation à certains endroits, au cours de plusieurs incidents qui ont eu lieu en divers endroits du pays, la police et les militaires ont tiré à balles réelles sur des manifestants non armés, ce qui constitue un recours à la force inapproprié et excessif. Human Rights Watch a recueilli les témoignages de personnes concernant un total de treize meurtres commis à Conakry et Labé par des policiers et des militaires.72 Le récit qui suit émane d’un chauffeur de taxi et décrit l’un de ces incidents:

Le lundi 12, aux alentours de 9h30, j’étais assis dans un café fréquenté par les chauffeurs de taxi du quartier. Le café a vue sur un carrefour et beaucoup de gens allaient et venaient dans la rue. Beaucoup portaient des uniformes d’étudiants. Vers 12h30, j’ai vu arriver quatre ou cinq véhicules de police. Je ne sais pas exactement combien de policiers sont sortis mais il y en avait un tas, peut-être même cent. Ils portaient des uniformes noirs et étaient en tenue antiémeute. Il y avait aussi quelques gendarmes. Les étudiants ne leur lançaient pas encore de pierres à ce stade. Les policiers sont descendus de leurs véhicules et ont immédiatement commencé à jeter du gaz lacrymogène directement sur la foule qui s’était amassée au carrefour. Ensuite, ils ont commencé à tirer avec leurs fusils. J’ai vu quatre personnes tuées sous mes yeux. Deux ont été touchées à la poitrine, une autre derrière l’oreille. Les gens ont commencé à s’enfuir. Le propriétaire du café où je me trouvais a dit qu’il voulait que tout le monde sorte. Les gens se faisaient tabasser à gauche et à droite. Un policier m’a attrapé et il m’a frappé sur le tibia avec une matraque. On peut encore voir tous les bleus. Si la police vous attrape et que vous n’avez pas d’argent, elle vous emmène au poste. Mais comme j’avais 100 000 francs (GNF, soit environ 20$), ils m’ont relâché. Un policier m’a dit en Sousou73 : « Celui qui parlera de ça sera supprimé ». Après avoir été libéré, je me suis enfui, ce qui fait que je n’ai pas vu qui a ramassé les corps. Depuis lors, les partis de l’opposition sont venus dans le quartier pour voir ce qui s’était passé mais la police a dit aux gens: « Si vous parlez de ce qui s’est passé, vous serez éliminés ».74

Un autre témoin interrogé par Human Rights Watch, un mécanicien de Conakry, a fait le récit suivant d’un autre incident où l’usage meurtrier de la force a été fait:

Le lundi 12, j’étais assis devant chez moi tôt le matin. J’ai vu des tas de personnes qui couraient dans la rue, scandant des slogans et criant. Ils disaient: « A bas le PUP ! »75 Leur énergie m’a enthousiasmé, ce qui fait que j’ai suivi la foule. Je l’ai suivie jusqu’au stade mais quand je suis arrivé là, mon frère aîné m’a vu et m’a dit de rentrer à la maison. J’ai donc commencé à rebrousser chemin pour rentrer chez moi. Je suis arrivé jusqu’à un carrefour près de chez moi. J’ai vu un groupe de policiers assis à l’arrière d’un pick-up, tirant en l’air. J’ai couru avec un groupe de personnes derrière un bâtiment. Un des jeunes qui se trouvait derrière l’immeuble a dit qu’il voulait voir ce qui se passait. Il a passé la tête pour regarder de l’autre côté. J’ai entendu un coup de feu et j’ai vu son corps s’effondrer sur le sol. Il avait reçu une balle dans la tête. J’ai commencé à courir et puis, j’ai entendu des gens qui criaient: «Ils l’ont tué ! Ils l’ont tué ! »76

Le 12 juin, lors d’une émission radiodiffusée, le gouvernement guinéen a transmis ses condoléances aux familles des victimes mais il a accusé les partis de l’opposition de chercher à déstabiliser le gouvernement en fournissant des fonds et du matériel aux personnes qui ont pris part aux manifestations.77 La Présidence de l’Union européenne et le Secrétaire général de l’ONU ont chacun publié une déclaration exprimant leur inquiétude à propos des morts.78

Témoignages concernant les passages à tabac, viols et vols de spectateurs par la police

Alors que les contestataires se dispersaient dans les quartiers avoisinants, la police et la gendarmerie les ont poursuivis, saccageant les habitations et les commerces des habitants du coin, frappant non seulement les manifestants mais également beaucoup d’autres personnes, dont des femmes, des enfants et des vieillards qui n’avaient pas participé au mouvement de protestation. Parmi les personnes interrogées par Human Rights Watch, beaucoup avaient été arrêtées et emmenées dans des centres de détention de la police où elles disent avoir été battues avec des matraques, détenues pendant plusieurs jours et relâchées uniquement après que des membres de leurs familles eurent soudoyé les policiers pour assurer leur libération. Le témoignage suivant d’un père de famille âgé de 40 ans illustre bien ce qui s’est passé:

Mardi matin, vers 9h30, j’étais chez moi, assis sur ma véranda. J’avais dit à tous mes enfants de ne pas sortir à cause de la grève. Soudain, on a lancé une bombe lacrymogène dans la clairière devant chez nous. Et tout à coup, j’ai vu des policiers qui arrivaient en courant. Il y en avait au moins trente. Mes enfants m’ont rejoint en courant sur la véranda pour se mettre à l’abri. Mais les policiers ont commencé à les attraper et à les frapper avec des matraques. Je leur ai dit de les laisser tranquilles parce qu’ils n’étaient même pas sortis. Quand j’ai dit ça, quatre policiers se sont approchés et m’ont attrapé. Ils nous ont emmenés, moi et quatre enfants, dans un camion garé sur la route non loin de la maison. Ils ont vidé tout ce qui se trouvait dans nos poches, s’emparant de ma montre, de 150 000 francs [GNF, environ 30$] et de mes chaussures. Nous avons démarré et ils ont continué à nous frapper avec leur matraque dans le camion. Puis, ils se sont arrêtés pour nous transférer dans un autre camion. Pour cela, ils ont formé deux rangées de policiers et nous avons dû passer au milieu pour nous rendre d’un camion à l’autre, et ils nous ont frappés pendant que nous passions entre eux. Plus tard, nous avons encore changé de camion mais cette fois, ils ne nous ont pas frappés. A ce stade, on était tellement nombreux dans le camion qu’on était entassés les uns sur les autres comme des bagages. Ils nous ont conduits au poste de police près de Cameyenne.79 Ils nous ont alignés dans une grande cour devant une table où nous avons dû décliner notre identité et dire de quel quartier nous venions. Ils n’ont pas posé d’autres questions. Ensuite, ils nous ont déshabillés. J’ai demandé ce que nous avions fait pour être emmenés hors de chez nous mais ils m’ont juste dit de la fermer et de m’asseoir. Après cela, ils nous ont mis tout nus sur le sol brûlant, le visage tourné vers le soleil, et nous ont laissés comme cela pendant une heure. Puis, ils nous ont mis en prison. Il y en avait d’autres, peut-être une cinquantaine. Eux aussi étaient nus. Nous sommes restés là jusqu’à 18 heures environ. Si les prisonniers avaient réussi à garder un peu d’argent, ils pouvaient payer un policier pour appeler un proche et lui demander de venir avec de l’argent pour les sortir de là. Mais nous n’en avions pas. Heureusement, un proche avait compris où nous étions et il est venu négocier notre libération. Nous avons payé 500 000 francs [GNF, environ 100$] pour nous cinq.

Nous voulons déposer plainte mais cela nous créera plus de problèmes. Ce sont ceux qui commandent qui les ont envoyés ici. Alors si nous nous plaignons, cela ne fera qu’empirer les choses.80

Deux femmes ont confié à Human Rights Watch qu’elles avaient été violées par les forces de sécurité chez elles. L’une d’entre elles, une étudiante de 19 ans en dixième année, a décrit le viol que lui a fait subir un policier:

Je préparais le déjeuner de ma famille lorsqu’un important groupe de policiers est arrivé dans la cour. Nous pensions que puisque nous étions restés à la maison, nous n’aurions pas de problèmes. Je les ai vus frapper certains de mes frères et je suis rentrée en courant. Un des policiers est entré dans ma chambre. Comme les autres, il était habillé en noir et portait un gilet pare-balles. Il m’a poussée contre l’armoire. Avec sa main, il a déchiré mon chemisier sur le devant et m’a fait mal aux seins. Un autre policier est entré et lui a dit: « Laisse-la tranquille, ce n’est qu’une enfant ». Ils sont partis tous les deux mais le premier policier est revenu une deuxième fois. Alors il m’a violée. Il appuyait son revolver sur mon épaule. Il est parti mais il est revenu une troisième fois et m’a appuyé un couteau sur la tête. Je pensais qu’il allait me tuer mais je suppose que c’était seulement pour m’effrayer. Ses mains sentaient l’essence. Elles étaient dégoûtantes. Le lendemain, j’avais mal au ventre et je saignais. Comme c’est un policier qui a fait ça, il n’y a nulle part où aller pour en parler. Ils font ça parce qu’ils sont armés et parce qu’ils savent qu’ils ne seront pas punis. Ils ne valent pas mieux que les bandits.81

De nombreux témoins ont expliqué à Human Rights Watch que lors des mouvements de protestation et dans les jours qui ont suivi, la police et la gendarmerie ont, sous la menace d’une arme, volé des objets de valeur tant à des manifestants qu’à des spectateurs, notamment des téléphones portables, des appareils électroménagers et de l’argent. Le témoignage suivant émane d’un marchand de chèvres et de moutons de Conakry et il illustre bien la situation:

J’étais allé nourrir mon troupeau et je rentrais chez moi à moto. Lorsque je suis arrivé à un carrefour, trois soldats portant des bérets rouges m’ont arrêté et ont retiré la clef.82 Ils m’ont forcé à descendre de ma motocyclette et l’ont mise à l’arrière de leur camion. Ils m’ont déshabillé au milieu de la route, je n’étais plus qu’en sous-vêtements. J’avais 840 000 francs [environ 168$] en poche pour acheter des moutons, ils me les ont pris. Ils m’ont aussi pris mon téléphone portable. Ils m’ont frappé avec une sorte de matraque jusqu’à ce que je perde connaissance. Regardez, on peut encore voir tous les bleus. Je ne sais même pas quand ils sont partis ou qui m’a ramené chez moi parce que j’avais été trop battu, sur la tête et partout.83

Un autre témoin interrogé par Human Rights Watch à Conakry, un jeune marchand, a raconté ce qui suit:

J’étais dans ma chambre lorsque j’ai entendu des coups de feu en dehors de la maison—environ cinq coups très rapprochés. J’ai entendu crier dehors. Quelqu’un disait à ma mère de faire sortir tous ses enfants dans la cour. Je les ai entendu dire: « Nous savons que vous avez beaucoup d’enfants et ce sont eux qui causent les problèmes ». Ma mère a dit que nous n’étions pas à la maison. Et tout à coup, un groupe de policiers, une dizaine, a enfoncé la porte et a fait irruption dans la maison. On peut encore voir les débris de porte. Ils portaient des tenues antiémeute. Ils n’ont rien dit ni rien demandé. Ils ont juste commencé à fouiller la maison et ils ont matraqué les cinq d’entre nous qui étions là. On peut encore voir les contusions que j’ai partout sur le dos. Ils ont pris deux téléphones portables et 500 000 francs [GNF, soit environ 100$] en liquide. Ils ont fouillé la maison pendant une vingtaine de minutes. Lorsqu’ils ont eu terminé de fouiller la maison et de nous battre avec des matraques, ils nous ont emmenés à cinq, y compris mon père, dans la rue et nous ont fait monter à l’arrière d’un camion. Ma mère est arrivée en courant jusqu’au camion et a donné aux policiers 159 000 francs [GNF, soit environ 31,80$] pour qu’ils nous laissent partir et ils nous ont laissé sortir du camion. Je n’ai pas revu ces policiers depuis lors.84

Intimidation de journalistes, responsables syndicaux et partis de l’opposition en lien avec la grève de juin 2006

Un des dirigeants syndicaux les plus connus de Guinée a signalé à Human Rights Watch que dans les semaines qui ont précédé la grève de juin 2006, il avait été menacé verbalement par deux ministres du gouvernement et avait été suivi par un individu louche. Lorsque les gardes de l’armée postés à la banque où le syndicaliste travaille étaient allés appréhender l’individu suspect, ils auraient trouvé sur lui une carte d’identité montrant son affiliation aux services de renseignements guinéens ainsi qu’un pistolet muni d’un silencieux.85 

Pendant la grève, huit membres d’un important parti de l’opposition, l’Union des Forces Républicaines(UFR), ont été arrêtés chez eux à deux ou trois heures du matin et détenus pendant une semaine dans un poste de police situé dans le centre de Conakry.86 Les responsables de l’UFR ont informé Human Rights Watch que les détenus avaient été privés de leur droit aux visites de leurs avocats et qu’ils avaient fini par être libérés neuf jour plus tard, sans aucune explication.87

Un correspondant local de Radio France Internationale a confié à Human Rights Watch qu’il se pourrait que le gouvernement ait essayé de l’enlever chez lui le 16 juin, aux premières heures de la matinée.88 Selon lui, la police est arrivée à proximité de sa maison pour effectuer l’arrestation mais elle s’est trompée et a frappé chez son voisin à la place. Un autre voisin du correspondant aurait entendu un policier dire, « Ce n’est pas un journaliste » et un autre aurait répondu, « Emmenons-le quand même ».89 Le voisin appréhendé a été libéré un jour plus tard par la police, apparemment après avoir versé 200 000 GNF (environ 40$).

Réponse du gouvernement face aux meurtres et autres exactions commises en relation avec la grève

En vertu de plusieurs traités internationaux et africains relatifs aux droits de l’homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, le gouvernement guinéen a des obligations légales qui exigent de lui qu’il respecte le droit à la vie et les libertés d’expression et de réunion.90 Les actes commis par les forces de sécurité au cours des premières semaines du mois de juin violaient ces obligations. 

Les violations décrites dans le présent rapport requièrent l’ouverture d’enquêtes immédiates et approfondies de la part des autorités guinéennes. Néanmoins, lorsque Human Rights Watch a interrogé le procureur général pour les régions de Basse et Moyenne Guinée, il a laissé entendre que si enquête il devait y avoir à propos des manifestations de juin 2006, c’était à chaque procureur de district qu’il incombait de décider de l’ouverture d’une enquête sur les problèmes survenus dans son district.91 

Dans sa lettre au ministre de la sécurité, Human Rights Watch a requis une réponse à propos des accusations mettant en cause la police dans les violations commises lors de la grève et a demandé d’être informée de l’évolution des éventuelles enquêtes déjà en cours. Toutefois, aucune réponse ne lui était parvenue à l’heure où le présent rapport a été mis sous presse.

Des défenseurs locaux des droits de l’homme et d’autres membres de la société civile ont déclaré à Human Rights Watch qu’aucun membre des forces de sécurité guinéennes n’avait récemment été traduit en justice pour avoir tué ou blessé des manifestants.92 Selon un défenseur local des droits de l’homme, « le soldat n’a pas peur d’utiliser son arme sur un groupe de civils parce qu’il est sûr qu’il n’y aura pas de suite ».93

           




[62] Beaucoup d’organisations de la société civile interrogées par Human Rights Watch attribuent cette réticence et cette frilosité constatées antérieurement à la sévère répression vécue par bon nombre de Guinéens sous la présidence de Sékou Touré. Entretiens de Human Rights Watch avec des membres de la société civile guinéenne, Conakry, avril et juin 2006.

[63] Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants de la société civile, Conakry, avril et juin 2006.

[64] “Guinea: Two hurt in anti-corruption protest, IRINnews, 9 septembre 2005, http://www.irinnews.org/report.asp?ReportID=48990&SelectRegion=West_Africa&SelectCountry=GUINEA (consulté le 10 août 2006).

[65] Entretien de Human Rights Watch avec un défenseur local des droits de l’homme, Conakry, 3 avril 2006. Voir aussi “Three killed in Guinea protest over education,” Reuters, 25 novembre 2006.

[66] Entretiens de Human Rights Watch avec des victimes et des témoins, Conakry,  3, 4 et 7 avril 2006.

[67] Ces deux syndicats sont la Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée (CNTG) et l’Union Syndicale des Travailleurs de Guinée (USTG). La grève de juin 2006 faisait suite à celle de février organisée pour protester contre l’augmentation des prix des produits de base, grève qui avait été « suspendue » après cinq jours suite à des concessions faites par le gouvernement. Le 8 juin, les syndicats ont toutefois relancé le mouvement car, disaient-ils, le gouvernement n’avait mis en œuvre aucune des concessions faites précédemment. Les deux grèves ont été observées par beaucoup de Guinéens non syndiqués. Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des journalistes, des dirigeants syndicaux et des membres de la société civile guinéenne, Conakry, avril et juin 2006.

[68] Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants et des dirigeants de la société civile, Conakry et Labé, 20 et 26 juin 2006.

[69] Ibid.

[70] Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants et d’autres contestataires, Labé, 26 juin 2006.

[71] Entretiens de Human Rights Watch avec de nombreux étudiants et autres contestataires, Conakry et Labé, juin 2006.

[72] Bien que le bilan officiel fasse état de onze victimes, un groupe d’organisations locales de la société civile soutient que vingt et une personnes ont été tuées lorsque les forces de sécurité guinéennes ont ouvert le feu lors des manifestations organisées dans tout le pays.

[73]  Les Sousou sont l’un des principaux groupes ethniques de Guinée. On les retrouve en plus grand nombre dans les régions côtières de Basse Guinée. Il s’agit du groupe ethnique du Président Conté et de beaucoup de membres du gouvernement.

[74] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin des violences commises pendant la grève, Conakry, 23 juin 2006.

[75] Le Parti de l’Unité et du Progrès (PUP) est le parti au pouvoir auquel appartient le Président Conté.

[76] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin des violences commises pendant la grève, Conakry, 28 juin 2006.

[77]Transcription publiée dans “Après les folles journées du 12 juin 2006 en Guinée, c’est dans une déclaration radiodiffusée que le gouvernement indexe les partis politiques,” L'Observateur  (Guinée), 13 juin 2006.

[78] Déclaration de la Présidence au nom de l’Union européenne sur la Guinée Conakry, P/06/85, Bruxelles, 16 juin 2006; Déclaration attribuable au porte-parole du Secrétaire général, New York, 13 juin 2006.

[79] Un des quartiers du centre de Conakry.

[80] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Conakry âgé de 40 ans, 17 juin 2006.

[81] Entretien de Human Rights Watch avec une étudiante âgée de 19 ans, Conakry, 20 juin 2006.

[82] L’armée compte deux divisions principales qui portent des bérets rouges, le Bataillon Autonome de la Sécurité Présidentielle (BASP), ou garde présidentielle, stationné principalement à Conakry et dans les environs, et le Bataillon Autonome des Troupes Aéroportées (BATA), un groupe de commandos d’élite stationné à l’intérieur du pays. Entretien de Human Rights Watch avec un ex-membre de l’armée guinéenne, Conakry, 1er juillet 2006.

[83] Entretien de Human Rights Watch avec un marchand, Conakry, 24 juin 2006.

[84] Entretien de Human Rights Watch avec un marchand, Conakry, 17 juin 2006.

[85] Entretien de Human Rights Watch avec un dirigeant syndical, Conakry, 20 juin 2006.

[86] Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants du parti UFR et des voisins qui ont assisté à l’arrestation de l’un des huit membres de l’UFR, Conakry, 19 et 21 juin 2006.

[87] Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants de l’UFR, Conakry, 21 juin 2006.

[88] Entretien de Human Rights Watch avec un correspondent de Radio France Internationale et d’autres journalistes, Conakry, 23 juin 2006.

[89] Entretien de Human Rights Watch avec un correspondent de Radio France Internationale, Conakry, 23 juin 2006.

[90] PIDCP, Articles 6, 19 et 21; Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Articles 4, 9 et 11.

[91] Entretien de Human Rights Watch avec le Procureur Général de la Cour d’Appel, Yves William Aboly, Conakry, 28 juin 2006.

[92] Entretiens de Human Rights Watch avec des défenseurs locaux des droits de l’homme et d’autres dirigeants de la société civile, Conakry, avril et juin 2006.

[93] Entretien de Human Rights Watch avec un défenseur local des droits de l’homme, 3 avril 2006.


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