Rapports de Human Rights Watch

<<précédente  |  index  |  suivant>>

V. Réponse internationale aux abus récents

En réponse aux attaques de janvier 2006 contre le personnel des Nations Unies, le Conseil de Sécurité des Nations Unies, en application de la résolution 1572 du Conseil de Sécurité (2004), le 7 février 2006, a activé une interdiction de voyager et le gel des avoirs contre trois individus : Charles Blé Goudé et Eugène Djué des milices des Jeunes Patriotes, et Fofié Kouakou, un commandant des Forces Nouvelles à Korhogo.103   Si les initiatives soutenues internationalement et conçues pour maîtriser les auteurs d’abus et combattre l’impunité sont nécessaires et bienvenues, il est malheureux que de telles mesures aient été seulement activées après que le personnel et les intérêts matériels des Nations Unies aient fait l’objet d’attaques.

Les observateurs politiques interrogés par Human Rights Watch ont qualifié d’ “inconsistants” les critères retenus pour sélectionner les individus qui seraient soumis aux sanctions des Nations Unies.104 Un responsable des Nations Unies a remarqué comment, d’un côté, les deux dirigeants des milices pro gouvernementales avaient été choisis sur la base de leur rôle dans les attaques de janvier contre les Nations Unies, alors que le commandant rebelle avait été choisi pour des actes qu’il avait commis en remontant jusqu’en juin 2004.105  Le fait de ne pas appliquer des sanctions de manière cohérente, et à l’encontre de davantage de responsables d’abus, est seulement un exemple de la façon dont la communauté internationale laisse en suspens les mécanismes pour exiger des comptes pour un règlement final aléatoire. 

En plus des sanctions, d’autres mesures qui pourraient freiner les auteurs d’abus et combattre l’impunité dans toute la Côte d’Ivoire semblent avoir été pareillement mises de côté.  Par exemple, suivant une requête de toutes les parties à l’accord de Linas-Marcoussis pour enquêter sur les graves violations des droits humains et du droit humanitaire perpétrées en Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002, le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCNUDH) a envoyé une commission d’enquête en Côte d’Ivoire. Cependant, le Conseil de Sécurité des Nations Unies doit encore rendre publics ou débattre les résultats du rapport, qui a été remis au Secrétaire général des Nations Unies en novembre 2004 et transmis au Conseil de Sécurité le 23 décembre 2004.  Le fait de ne pas débattre des conclusions du rapport, sans parler de les mettre en action, envoie le mauvais signal aux responsables d’abus. 

Bien que le gouvernement ivoirien ait déposé une déclaration en septembre 2003 auprès de la Cour Pénale Internationale (CPI) acceptant la juridiction de la cour sur les crimes commis depuis le 19 septembre 2002,106 le procureur de la CPI n’a pas déterminé si le Bureau du procureur allait ouvrir une enquête sur la situation là-bas. 

Le procureur de la CPI a indiqué qu’il avait l’intention d’envoyer une délégation en Côte d’Ivoire,107 mais il lui reste encore à le faire. A vrai dire, le procureur de la CPI a jusqu’ici fait très peu de déclarations publiques sur le rôle qu’il envisage pour la CPI pour exiger des comptes aux responsables de crimes en Côte d’Ivoire et il n’a pas manifesté un encouragement actif à des poursuites nationales pour des atteintes aux droits humains.

Human Rights Watch estime qu’un rôle plus dynamique du procureur de la CPI en relation avec la situation en Côte d’Ivoire est justifié. Il est important qu’une mission en Côte d’Ivoire soit envoyée le plus vite possible, non seulement pour évaluer la possibilité d’une enquête de la CPI, mais aussi pour garantir qu’un message clair est envoyé aux responsables de crimes graves et aux principaux dirigeants en Côte d’Ivoire, à savoir que la CPI surveille les abus qui y sont commis. Des communications privées ou publiques indiquant que la CPI fait preuve d’intérêt pour exiger des comptes aux responsables d’abus commis en Côte d’Ivoire, et que les autorités nationales devraient aussi prendre des mesures pour entamer les poursuites nationales appropriées, avec l’assistance internationale appropriée au besoin, pour les crimes graves, pourraient avoir un effet positif en aidant à enrayer les abus en cours.




[103]  Selon la résolution 1572, les personnes constituant, inter alia, “une menace sur le processus de paix et de réconciliation nationale en Côte d’Ivoire” ou “tout autre personne qui serait reconnue responsable de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire en Côte d’Ivoire” peuvent être désignées par le Comité de Sanctions.  Une fois qu’un individu est désigné, tous les états doivent prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le transit sur leurs territoires d’un individu désigné et geler immédiatement les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur territoire et qui sont possédés ou contrôlés par l’individu désigné. Résolution 1572 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, S/RES/1572 (2004).

[104]  Entretiens de Human Rights Watch avec des sources des Nations Unies et des ONG internationales, Abidjan, 2 mars 2006.

[105]  Ibid.

[106]  Cour Pénale Internationale, “Le greffier confirme que la République de Côte d’Ivoire a accepté la juridiction de la Cour,” communiqué de presse, 15 février 2005.

[107]  Le 28 novembre 2005, le procureur de la CPI  a indiqué que son bureau prévoyait une mission en Côte d’Ivoire au début 2006. Déclaration de Luis Moreno-Ocampo, procureur de la Cour Pénale Internationale, Quatrème Session de l’Assemblée des Etats parties, 28 novembre – 3 décembre 2005, La Haye, 28 novembre 2005.


<<précédente  |  index  |  suivant>>mai 2006