Rapports de Human Rights Watch

VII. La réponse du gouvernement

Le gouvernement a l’obligation immédiate de mettre un terme à la détention des patients démunis pour défaut de paiement de leurs factures, et la responsabilité à long terme de mettre en place progressivement le droit à la santé pour ses administrés. De la même façon, les principaux responsables du gouvernement et le personnel des hôpitaux nient souvent ou minimisent le problème des détentions à l’hôpital. Le chef de cabinet du ministre de la Santé nous a dit :

De mon point de vue, ce n’est pas une détention ou un emprisonnement. C’est une longue période d’attente. Si les gens qui ne peuvent pas payer du tout, on leur permet de s’en aller. Il se peut qu’ils restent deux ou trois jours ou une semaine de plus.115

Le directeur de la clinique Prince Louis Rwagasore a dit :

Nous avons un petit hôpital, aussi nous laissons les gens [qui ne peuvent pas payer] partir car nous nous rendons compte qu’ils ne peuvent pas payer, ou car ils trouvent un bienfaiteur. Dès que les gens se sont rétablis, ils sont libérés. Nous gardons seulement les factures. On parle de prisonniers mais en réalité il n’y a pas de prisonniers. Ils disent eux-mêmes que demain ou après-demain, quelqu’un viendra payer pour eux.116

Le directeur de l’hôpital Roi Khaled a déclaré que « ce n’est pas une prison » et a dit que les gens qui pouvaient régler leurs notes d’hôpital étaient libérés.117 Plusieurs responsables d’hôpitaux se sont interrogés sur l’usage du mot « détention ».118

La réalité était différente, comme cela a été établi plus haut. Dans neuf des onze hôpitaux que nous avons visités, les patients étaient détenus, et beaucoup l’étaient depuis bien plus d’une semaine. Tandis qu’ils niaient ou minimisaient le problème, les représentants du gouvernement et des hôpitaux se contredisaient en essayant de justifier les détentions à l’hôpital. Selon le chef de cabinet du ministre de la Santé:

Les responsables des hôpitaux doivent s’organiser pour assurer la pérennité. Si les directeurs des hôpitaux ne font pas guarde, ils devront fermer les portes.119

Le chef de cabinet du ministre de la Solidarité nationale, aussi bien que plusieurs responsables d’hôpitaux, ont fait écho à cet argument, soulignant que les hôpitaux devraient fermer s’ils manquaient de fonds pour fonctionner. D’autres ont suggéré que l’alternative était de refuser les soins.120 De la même façon, les représentants du gouvernement et des hôpitaux ont présenté la situation comme déplorable mais ont refusé d’en assumer la responsabilité.

En décembre 2005, le Ministère de la solidarité nationale — apparemment à l’initiative du président — a ordonné de relâcher les patients et a annoncé qu’il règlerait les factures. La décison fut largement reprise par la presse, et une des anciennes détenues avec laquelle nous en avons parlé, a exprimé sa gratitude envers le président pour cette initiative. La chef de cabinet du ministre, selon ce qu’on rapporte, a dit aux hôpitaux qu’ils devaient relâcher leurs détenus et envoyer les factures à son ministère. Mais quand la presse lui a demandé si les détentions à l’hôpital étaient maintenant terminées, elle a répondu évasivement :

Il n’y a aucune raison de se faire des illusions que le problème de l’insolvabilité sera pour autant résolu tant que la majorité de la population continue à vivre dans des conditions d’extrême pauvreté. Pourque ce phénomène soit complètement éradiqué, il faut une série de projets pouvant permettre aux gens de se payer les soins de santé.121

A la consternation des responsables d’hôpital, le gouvernement n’a pas remboursé les factures, comme promis. En mai 2006, le gouvernement devait aux quatre grands hôpitaux plus de 50,000$U.S.122 Selon la chef de cabinet, la responsabilité du défaut de paiement n’incombe pas à son ministère, mais au Crédit de Relance Economique, fonds financé par la Banque mondiale pour la reconstruction du pays.123

Des mesures ad-hoc telle que la « charitable » libération des détenus de décembre 2005, peuvent faire au gouvernement une bonne publicité mais ne font rien pour résoudre le vrai problème. Peu de temps après Noël 2005, les hôpitaux étaient à nouveau en train de se remplir de patients insolvables en détention.




115 Entretien de Human Rights Watch/APRODH avec le Dr. Julien Kamyo, chef de cabinet, Ministère de la santé, Bujumbura, 13 février 2006.

116 Entretien de Human Rights Watch/APRODH avec le directeur et d’autres responsables, clinique Prince Louis Rwagasore, Bujumbura, 14 février 2006.

117 Entretien de Human Rights Watch/APRODH avec le directeur, hôpital Roi Khaled, Bujumbura, 14 février 2006.

118 Entretien de Human Rights Watch/APRODH avec le directeur administratif et financier, hôpital Prince Régent Charles, Bujumbura, 10 février, et avec un membre du conseil d’administration, hôpital Roi Khaled, Bujumbura, 11 février 2006.

119 Entretien de Human Rights Watch/APRODH avec le Dr. Julien Kamyo, chef de cabinet, Ministère de la santé, Bujumbura, 13 février 2006.

120 Entretiens de Human Rights Watch/APRODH avec Béatrice Ntahe, chef de cabinet, Ministère de la solidarité nationale, des droits de l’homme et du genre, 17 février; avec le directeur administratif et financier, hôpital de Ngozi, Ngozi, February 15; et le directeur administratif et financier, hôpital Prince Régent Charles, Bujumbura, 10 février 2006.

121 « 150 malades indigents libérés, » Le Renouveau (Bujumbura), 27 décembre 2005.

122 Entretien de Human Rights Watch avec un représentant du Ministère de la solidarité nationale et des droits de l’homme et du genre, Bujumbura, 10 mai 2006.

123 Entretien de Human Rights Watch/APRODH avec Béatrice Ntahe, chef de cabinet, Ministère de la solidarité nationale et des droits de l’homme et du genre, 17 février 2006.