Rapports de Human Rights Watch

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II. Recommandations de Human Rights Watch

Aux autorités marocaines

  • Assurer la mise en œuvre de réformes, recommandées ou non par l’IER, qui contribuent à mettre fin à l'impunité pour les graves violations passées et présentes des droits humains, qui respectent les droits des victimes et préviennent toute répétition des exactions graves perpétrées dans le passé.
  • Charger un organe supérieur de l'Etat de superviser et d'évaluer, publiquement et de manière suivie, la mise en œuvre par l'Etat des recommandations de l’IER ; ou créer un nouvel organe investi de cette responsabilité.
  • S'engager à fournir une réponse publique à chacune des recommandations de l’IER, en l'accompagnant d'un plan et d'un calendrier d'application, ou préciser pourquoi le gouvernement n'a pas l'intention d'appliquer telle ou telle recommandation.
  • Traduire en justice les personnes que l’IER a identifiées comme ayant commis des violations graves des droits humains, lorsqu'il existe suffisamment de preuves pour les renvoyer devant les tribunaux, et veiller à ce qu'elles fassent l'objet d'un procès équitable au cours duquel leurs droits sont protégés. Le roi, qui est à la fois la personne qui recevra le rapport final de l’IER et le chef du Conseil Supérieur de la Magistrature au Maroc, a une responsabilité particulière en la matière. Il devrait veiller à ce que toute preuve recueillie par l’IER soit remise aux autorités judiciaires, en prévision des poursuites que ces preuves justifieraient.
  • S'abstenir de décréter toute amnistie ou toute mesure similaire qui exempterait de poursuites les personnes impliquées dans les “disparitions” ou autres violations graves des droits humains; toute mesure éventuelle de clémence devrait être adoptée après l'établissement des responsabilités individuelles, non pas avant.
  • Envisager des sanctions extrajudiciaires, telles que des licenciements, à l'égard de fonctionnaires de l'Etat contre qui il existe de solides preuves de participation à de graves exactions, lorsque le poste qu'ils occupent leur permet de continuer à violer les droits humains d'autres personnes. Ces actions devraient être menées de façon équitable, en garantissant les droits de l'accusé à des procédures appropriées, sans préjuger de poursuites éventuelles devant les tribunaux.
  • Examiner la question de la prescription aux termes de la loi marocaine, en optant pour une approche qui ne pénalise pas doublement les victimes. Les autorités pourraient, par exemple, préconiser de ne pas prendre en compte, pour déterminer le délai de prescription, la période au cours de laquelle les victimes ne disposaient pas de recours effectif aux termes de la loi nationale.
  • Déclarer que tout cas de “disparition” que l’IER n'a pas pleinement clarifié continuera à faire l'objet d'une enquête jusqu'à ce que toute la lumière ait été faite sur le sort de la victime.
  • Si des victimes de violations graves des droits humains voient leurs plaintes rejetées par l’IER au motif que les types de violations qu'elles ont subies ne relèvent pas de son mandat, faire en sorte que lesdites victimes reçoivent la même considération, en termes de réparation, que celles dont les cas ont été acceptés par l’IER.
  • Rappeler publiquement aux victimes et à leurs ayants droits qu'ils jouissent en permanence du droit d'obtenir réparation devant les tribunaux, lequel droit n'est pas compromis par l'existence de l’IER ni par leur acceptation des réparations fixées par l’IER.
  • Garantir un cadre juridique et administratif qui préserve et assure un accès public et facile aux pièces d'archives générées par l’IER, à l'exception du matériel qui devrait légitimement rester confidentiel.
  • Reconnaître que les atteintes graves aux droits humains perpétrées pendant la période qui fait l'objet de l'étude de l’IER étaient systématiques et ont été ordonnées aux plus hauts niveaux de l'Etat, et présenter des excuses officielles aux victimes et à leurs familles.
  • Renforcer l'engagement pris par le Maroc envers les traités internationaux en continuant à mettre en œuvre la promesse faite par le Premier Ministre, M. Driss Jettou, de retirer les réserves émises par son pays sur les conventions internationales. Il devrait lever la réserve émise à propos de l'Article 14 de la Convention relative aux droits de l'enfant (CDE), reconnaître la compétence du Comité contre la Torture en vertu de l'Article 20 de la Convention contre la Torture et autre traitement ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant (CAT) et adhérer au Protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Le Maroc devrait par ailleurs lever les importantes réserves qu'il a émises vis-à-vis de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), une mesure qui, selon le premier ministre, allait être examinée. Il devrait également ratifier le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, que le Maroc a signé en 2000.

A la Commission Equité et Réconciliation

  • Révéler publiquement dans quelle mesure l’IER a bénéficié, lors de ses enquêtes, de la coopération nécessaire des fonctionnaires, anciens et actuels, coopération qui se mesure à l'aune des témoignages oraux apportés, des documents fournis (notamment des rapports médico-légaux et des procès-verbaux d'audience existants) et autres preuves ; et révéler l'impact que tout manque de coopération aura eu sur la tâche qui incombe à la commission, de fournir un compte-rendu circonstancié et fidèle de la période considérée.
  • Alerter les autorités publiques compétentes si elle constate des traces de destruction ou de falsification d'archives publiques ou autres preuves, et veiller à ce que les traces de ces actes soient rendues publiques en temps voulu.
  • Réaffirmer publiquement que les auteurs de graves exactions doivent répondre de leurs actes au niveau pénal, même si la commission elle-même ne peut citer le nom des auteurs individuels.
  • Encourager la remise à l'appareil judiciaire marocain de toute preuve recueillie par l’IER qui pourrait contribuer à traduire en justice les auteurs de violations graves commises dans le passé ou qui pourrait aider les victimes ou leurs ayants droits à obtenir justice devant les tribunaux pour les abus du passé.
  • Rendre tout à fait publics les témoignages et les informations recueillis par l’IER auprès des agents de l'Etat, anciens et actuels.
  • Recommander vivement que les enquêtes relatives à toutes les “disparitions” non élucidées par la commission se poursuivent jusqu'à ce que la lumière soit faite sur le sort des personnes disparues ; recommander également qu'aucune amnistie ou prescription ne soit appliquée aux personnes impliquées dans des “disparitions” ou autres atteintes graves aux droits humains.
  • En recommandant des mesures visant à prévenir la répétition de graves exactions et à renforcer l'Etat de droit, souligner l'importance d'une réforme du système judiciaire marocain, de manière à ce que les juges puissent réellement mener des enquêtes indépendantes et approfondies, entamer des poursuites lorsqu'elles se justifient et rendre des décisions équitables, que les affaires portent sur des délits récents ou des exactions du passé, et que les accusés soient des citoyens ordinaires ou des agents de l'Etat.
  • Etant donné la nature contestée des événements au Sahara occidental, les conditions de sécurité plus strictes qui y règnent et le grand nombre de cas émanant de cette région, veiller à ce que dans le rapport final de la Commission et dans les politiques de réparation et dans les recommandations, les violations des droits humains et les victimes de cette région reçoivent autant d'attention que les autres régions.


<<précédente  |  index  |  suivant>>novembre 2005