Africa - West

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III. METHODES

Ce rapport s'appuie sur une mission de terrain réalisée au Togo par des chercheurs de Human Rights Watch, en avril et mai 2002. Human Rights Watch a interrogé des enfants victimes de la traite, dans la capitale, Lomé ainsi que dans douze villes, villages et/ou préfectures dans un rayon de 500 kilomètres par rapport à la capitale : Vogan, Afanyagan, Tohoun, Sotouboua, Tchamba, Sokodé, Bafilo, La Binah, Bassar, Tsévie, Hahatoe et Est-Mono/Élavaganon. A Lomé, nous avons mené quelques entretiens dans un centre d'accueil d'urgence où plusieurs enfants victimes de la traite séjournaient ainsi que des les bureaux d'une ONG de défense des droits des femmes. Nous avons parlé avec quatre-vingt-dix enfants au total. Soixante-douze d'entre eux avaient été victimes de la traite selon la définition légale du Protocole sur la traite des Nations Unies. Nous avons également parlé à des préfets, des chefs de villages et de cantons, des travailleurs sociaux, des policiers, des gendarmes, des professeurs, des parents, des enfants et d'autres citoyens concernés et/ou affectés par la traite des enfants5.

Les enfants interrogés ont été identifiés soit par l'intermédiaire d'autorités locales qui connaissaient des cas spécifiques d'enfants victimes de la traite, soit par l'intermédiaire d'ONG, à Lomé et Tsévie, qui offrent des services aux enfants victimes de mauvais traitements et de négligences. Tous les enfants interrogés avaient été libérés par leurs trafiquants ou avaient pris la fuite. Ceci a pu exclure certains types de cas comme ceux pour lesquels la fuite était impossible. La plupart des enfants étaient déjà rentrés chez eux au moment de l'entretien même si beaucoup attendaient encore leur réintégration par des ONG ou les autorités locales. Certaines des filles interrogées s'étaient récemment échappées d'un emploi domestique et étaient devenues prostituées à Lomé.

Dans l'ensemble, les entretiens n'étaient pas limités dans le temps et couvraient un éventail de sujets liés aux causes, aux éléments constitutifs et aux conséquences de la traite des enfants. Un ou deux chercheurs de Human Rights Watch conduisaient chaque entretien, normalement aidés d'un interprète. La plupart des entretiens ont eu lieu en ewé, kabyé ou mina, des langues locales, avec une interprétation en français ou en anglais. Les enfants étaient interrogés individuellement et assurés d'un anonymat complet. A leur demande, les enfants se livrant à la prostitution, étaient interrogés en présence d'un conseiller ou d'un animateur.

En plus des entretiens avec des enfants et des membres de la communauté locale, Human Rights Watch a parlé avec trente-deux experts gouvernementaux et non-gouvernementaux au Togo, y compris des officiels du Ministère togolais des Affaires Sociales et du Programme national de lutte contre le SIDA, des juges, des représentants d'ambassades étrangères, des directeurs et des membres d'organisations de défense des droits des enfants et de services contre le SIDA et ainsi qu'avec des officiels des Nations Unies. Nous avons également consulté de nombreux documents avant et après la mission, notamment des études publiées et non publiées, des récits journalistiques et des instruments légaux.

Pour les besoins de l'analyse, Human Rights Watch a utilisé la définition de la traite des enfants proposée par le Protocole des Nations Unies sur la traite : le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil d'une personne de moins de dix-huit ans dans le but de l'exploitation sexuelle ou par rapport à leur travail ou du travail forcé ou de l'esclavage 6. Nous avons interprété les éléments clefs de cette définition comme étant l'implication d'un trafiquant, le déplacement d'un enfant vers un nouveau lieu et l'intention d'exploiter l'enfant à un moment donné du processus7. Bien que le concept « d'exploitation » ne soit pas défini par le droit international, nous avons considéré comme exploitation toute utilisation non consensuelle du travail d'un enfant pour un bénéfice financier ou autre, notamment le travail forcé, l'esclavage, les pratiques similaires à l'esclavage, la servitude et les pires formes de travail des enfants telles que définies par le BIT8. Un certain nombre de témoins interrogés par Human Rights Watch ne peuvent être considérés comme des victimes de la traite selon la définition ci-dessus mais leurs histoires offraient un aperçu du contexte dans lequel se produit la traite des enfants.

5 Pour des besoins administratifs, le Togo est divisé en trente-deux préfectures, chacune avec un préfet nommé par le Président, sur recommandation du Ministre de l'intérieur. Les préfectures sont ensuite divisées en cantons, villages, quartiers, tribus, clans et familles.

6 Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000), art. 3 (pas encore en vigueur). Le Protocole définit un enfant comme toute personne âgée de moins de 18 ans (art. 3(d)) et définit « l'exploitation » comme comprenant « au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes » (art. 3(a)). La Convention relative aux droits de l'enfant définit les enfants comme « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. » Convention relative aux droits de l'enfant, art. 1, G.A. Res. 44/25, annexe, 44 U.N. GAOR Supp. (No. 49) à 167, U.N. Doc. A/44/49 (1989). Human Rights Watch considère toute personne de moins de dix-huit ans comme un enfant.

7 Une définition plus étroite de la traite a d'enfants été formulée en 2002, lors de la Première réunion spécialisée sur la traite et l'exploitation des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre. Elle décrit la traite comme « un phénomène où un individu (appelé un intermédiaire), moyennant argent ou par la violence ou la ruse, déplace un individu de moins de dix-huit ans dans ou hors d'un territoire national, à des fins d'exploitation sexuelle ou commerciale, généralement avec la complicité des parents. » Première réunion spécialisée sur la traite et l'exploitation des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre, « Rapport de synthèse » (Yamoussoukro, 8-10 janvier 2002), p. 6.

8 Voir le Protocole sur la traite, Article 3. Le terme « travail forcé » est défini dans l'Article 2.1 de la Convention No. 29 du BIT sur le travail forcé comme « tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré. » Le terme « esclavage » est défini dans l'Article 1.1 de la Convention des Nations Unies relative à l'esclavage comme « l'état ou condition d'un individu sur lequel s'exercent les attributs du droit de propriété ou certains d'entre eux. » Des pratiques similaires à l'esclavage sont définies dans l'Article 1 de la Convention supplémentaire des Nations Unies relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage pour comprendre, entre autres, la servitude pour dettes et le servage. La servitude n'est pas définie dans le droit international mais il est admis que les pratiques mentionnées ci-dessus sont des formes de servitude.

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