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VII. Les armes légères

Les milices qui opèrent dans l’Etat du Delta — Ijaws, Itsekiris et Urhobos — sont bien équipées en armes. Parmi les armes utilisées, il y a des fusils automatiques et semi-automatiques, des fusils de chasse, des mitrailleuses et des roquettes lancées de l’épaule (connu sous le nom de « bazookas »), ainsi que des armes plus traditionnelles comme les harpons de pêche et les coutelas utilisés dans l’agriculture.89 Ces armes sont facilement achetées — Warri pour des prix qui selon une enquête vont de ξ 80.000 (570 dollars U.S) pour un fusil de chasse ou ξ 120.000 (850 dollars) pur un fusil Kalachnikov, et jusqu'— ξ 300.000 (2.150 dollars) pour un bazooka.90 Alors que Human Rights Watch n’a pas pu faire d’enquêtes sur les flux d’armes vers l’Etat du Delta, parmi les sources immédiates d’armes qui nous ont été signalées, il y a des armes distribuées aux voyous engagés par les hommes politiques — entre autres par le Gouverneur Ibori — pour intimider leurs opposants pendant les campagnes électorales, ou aux jeunes engagés pour protéger les opérations de bunkering du pétrole. Des hommes politiques auraient payé jusqu'— ξ 10.000 (70 dollars) aux jeunes pour participer dans des attaques et des actes d’intimidation d’opposants politiques. Des sommes équivalentes sont apparemment déboursées aux jeunes pour qu’ils protègent les activités illégales. Parmi les personnes engagées on trouve des anciens policiers et des soldats ou marins. L’origine des armes n’est pas aussi claire, mais une grande partie provient probablement d’autres régions en Afrique oł il y a des conflits violents. Des navires transportant des armes les auraient déchargées dans la ville de Warri et — Barry, dans l’Etat de Rivers, ainsi que dans d’autres endroits. En 2002,les services de douane nigérians ont rapporté avoir intercepté des armes légères et de la munition pour une valeur supérieure — ξ 4.3 milliards (30 millions de dollars) dans des postes frontaliers pendant les six premiers mois de l’année.91 Les flux trans-frontaliers d’armes en Afrique de l’ouest sont contraires au moratoire sur les armes légères de 1998 adopté par la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), selon lequel les Etats de la sous-région se sont engagés — ne pas importer, exporter ou fabriquer des armes portatives ou armes légères. En plus d’importer des armes, les militants armés volent (comme — Koko) ou achètent des armes légères des soldats gouvernementaux et des marins. Parfois des membres des forces de sécurité paraissent être des trafiquants d’armes eux-mêmes. Quelques armes légères sont fabriquées au Nigeria même, en particulier dans les zones du Sud-est, y compris Aba et Awka.92

La prolifération des armes dans le delta (et ailleurs au Nigeria) a considérablement augmenté le nombre de victimes de la violence, et a rendu beaucoup plus difficile la recherche d’une solution pacifique aux problèmes politiques en question. En juin 2003, une coalition d’organisations non gouvernementales dans le delta a lancé une campagne appelée « Mop up the Arms ».93 Le Nigeria a signé le moratoire de la CEDEAO, et en mai 2001 le président Obasanjo a créé un comité national pour son implémentation. Cependant les actions réelles restent limitées. En septembre 2003, le gouvernement fédéral a annoncé une politique de « remise d’armes » afin de récupérer des armes employées par les milices ethniques dans le Delta du Niger. Quelques fusils ont été remis par des gestes symboliques, mais il ne semble pas qu’il existe une stratégie réelle et efficace pour récupérer les armes. Tout processus qui a pour objectif de résoudre la crise doit inclure un programme de désarmement et de démobilisation des milices ethniques, ainsi que la création d’activités alternatives légitimes génératrices de revenus ou d’autres projets de développement communautaire pour les communautés affectées. Des simples raids d’armes organisés par les forces gouvernementales dans les villages ne réussiraient probablement pas en termes de récupération d’armes, et il y a des grandes chances pour qu’ils conduisent — des abus contres les civils, et que dans le long terme ils soient contre productifs en ce qu’ils accentueraient l’aliénation de gens ordinaires par rapport aux forces gouvernementales. Les conflits ailleurs dans le pays qui ont été documentés par Human Rights Watch, suggèrent que les stratégies de récupération d’armes doivent être développées au niveau national.94



89 Il y a peut-être un million d’armes légères au Nigeria; voir Small Arms Survey 2003, (Small Arms Survey/Oxford University Press, 2003), chapitre 2.

90 Joel Bisina, “Reducing Small Arms, Increasing Safety, Security and Minimizing Conflicts in the Niger Delta Region”, article presenté pour une table ronde organisée par African Strategic and Peace Research Group (Afstrag), Benin City, Nigeria, juin 2003. Ces prix sont étonnamment élevés, un autre article récent suggère qu’un fusil Kalachnikov était disponible au Nigeria pour environ ξ 50.000 (350 dollars) en 2001. Adedeji Ebo, “The Political Economy of Illicit Small Arms Proliferation in Nigeria : Issues for a Human Security Agenda”, article presenté pour la International Network on Small Arms (IANSA) Week of Action, Nigerian Defence Academy, Kaduna, juin 2003. Le taux de change utilisé est de ξ 140 pour un dollar américain, le taux sur le marché parallèle en mars 2003.

91 “Focus on the dangers of cross-border crime”, IRIN, 30 octobre 2002.

92 Human Rights Watch, entretiens, Warri, septembre 2003.

93 Voir “Focus on efforts to remove small arms from the Niger Delta”, IRIN, 13 octobre 2003.

94 Voir, par exemple, les rapports suivants de Human Rights Watch: “The ‘Miss World Riots’: Continued Impunity for Killings in Kaduna”, juillet 2003, “Testing Democracy: Political Violence in Nigeria”, avril 2003; “The O’odua People’s Congress: Fighting Violence With Violence”, février 2003.


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décembre 2003