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VI. Les forces de sécurité

Plusieurs milliers de soldats et marins sont déployés en permanence dans l’Etat du Delta, et ils opèrent — partir des baraques David Ejoor — Efferun et de la base navale de Warri. Parmi leurs devoirs principaux, il y a la protection des installations pétrolières, considérée par le gouvernement nigérian comme une priorité de sécurité nationale. Suite — l’affrontement qui a eu lieu le 12 mars et qui a déclenché les plus importantes violences de 2003, le gouvernement a déployé des centaines de soldats supplémentaires, des marins et des policiers mobiles dans la ville de Warri et dans les criques autour de Warri. En août, le gouvernement fédéral a établi une nouvelle force de sécurité dans l’Etat du Delta — avec la participation de l’armée, de la marine, des forces aériennes et des unités de police mobile — connue sous le nom d’ « Operation Restore Hope ». A la mi-septembre, quand le contrôle de l’opération a été transféré du brigadier-chef Elias Zamani au chef de personnel de défense général Alexander Ogomudi, les unités militaires avaient commencé — être déployées dans les facilités pétrolières dans les régions riveraines.

Des forces de sécurité du gouvernement nigérian de différents types sont déployées avec pour mission de protéger les facilités de toutes les compagnies pétrolières qui opèrent au Nigeria, et cette sécurité est augmentée dans les périodes de violence comme dans l’Etat du Delta en 2003. Les compagnies pétrolières participent aux coûts d’entretien quand elles sont déployées aux installations pétrolières, mais elles restent sous la commande et le contrôle du gouvernement nigérian. Dans le cas de SPDC, par exemple, environ 400 policiers « surnuméraires » non armés, dont les salaires sont payés par les compagnies pétrolières, sont déployés dans la division de l’Ouest de la compagnie (qui comprend l’Etat du Delta), ainsi qu’environ 265 maîtres-chiens armés et policiers mobiles. Dans des opérations normales, environ cent militaires de l’armée ou de la marine sont déployés aux installations pétrolières de SPDC désignées comme étant d’importance de sécurité nationale (comme par exemple les principaux ports de départ) ; mais depuis octobre 2003 environ 350 soldats de l’opération Restore Hope étaient déployés sur, ou près, des installations principales de SPDC dans les régions marécageuses.80

L’officier en commande du 7e bataillon, basé — Effurun, le lieutenant-colonel Gar Dogo, n’a pas voulu dire — Human Rights Watch combien de soldats étaient déployés dans l’Etat du Delta, mais des rapports de presse indiquent qu’il peut s’agir d’environ 2.000 soldats, assistés par 900 policiers mobiles.81 L’officier en commande de la marine, le capitaine Olufemi Ogunjimini, a déclaré — Human Rights Watch qu’il y avait 800 marins basés — la base navale de Warri et dans les criques. Quelques-uns d’entre eux étaient déployés sur les installations pétrolières pour assurer la « sécurité stationnaire », d’autres patrouillaient. La marine se serait récemment dotée de deux hélicoptères pour surveiller les criques.82

Bien que les coûts infligés au gouvernement nigérian — cause de ce déploiement soient importants, les dépenses additionnelles profitent aux individus dans le gouvernement en général et aux forces de sécurité en particulier. En septembre 2003, un fonctionnaire de l’Etat du Delta a indiqué que les coûts supplémentaires supportés par l’Etat du Delta pour le déploiement de la force de sécurité en réponse — la crise s’élevait autour de ξ 200 millions (1.43 millions de dollars U.S) par mois.83 Les gouverneurs sont responsables de la sécurité dans leur état, et la manière dont cet argent est dépensé est donc largement laissée — la discrétion du gouverneur Ibori. Les soldats, policiers et marins déployés profitent aussi de leurs devoirs de combat ; ils perçoivent des salaires sensiblement augmentés lorsqu’ils sont de service actif.84 Afin de pouvoir opérer, les personnes impliquées dans le trafic illégal du pétrole doivent aussi acheter ceux qui sont censés les arrêter pour qu’ils tournent le dos ; des officiers supérieurs de l’armée, de la marine et de la police profitent ainsi aussi du vol de pétrole.

Alors que le déploiement de forces de sécurité supplémentaires, y compris les troupes de l’armée et de la marine, a contribué dans quelques cas — la restauration de l’ordre, trop souvent ils n’ont pas réussi — offrir une protection réelle aux civils menacés par les milices armées ethno-politiques, ou par les pirates de mer, qui se sont engagés dans les vols armés pour des raisons purement criminelles. Les résidents de la communauté Itsekiri de Koko, ainsi que ceux du domaine Urhobo d’Okumagba — Warri, ont raconté — Human Rights Watch comment les soldats soit se sont enfuis au premier signe de problème soit étaient retirés de manière mystérieuse immédiatement avant une attaque par la milice ethnique opposée. Dans les deux cas, ils ont affirmé que le groupe attaquant, qu’il soit Ijaw ou Itsekiri, avait payé les soldats pour qu’ils s’en aillent et donné carte blanche aux agresseurs. Cependant, les dirigeants Ijaws accusent les forces de sécurité de ne pas être impartiales et de donner un soutien tacite ou même actif aux milices Itsekiris. Les Itsekiris, les Urhobos et les Ijaws considèrent tous l’échec des forces de sécurité de les protéger comme un manquement criminel et les accusent de ne pas être impartiales. Par exemple, un résident de Koko a déclaré — Human Rights Watch :

« Le gouverneur de l’Etat devrait résigner, parce qu’il a manque — son obligation de nous protéger. Nous pensons qu’il a aussi joué un rôle dans le combat, parce qu’il a vu ce qui est arrivé en 1997 [quand Koko a également été attaqué pendant la première « Crise de Warri »] mais il n’a rien fait pour l’arrêter. Il soutient les Ijaws. Je préfère définir ceci comme n’étant pas une crise : ceci est une guerre. »85

L’armée et la marine ont vigoureusement nié toute suggestion de parti pris dans leurs opérations.

Comme pendant des déploiements passés, les forces de sécurité ont elles-mêmes été responsables d’abus graves. En 1999, l’armée nigériane a complètement détruit la ville d’Odi, dans l’Etat de Bayelsa, tuant des centaines de personnes, suite aux meurtres d’une dizaine de policiers commis par des jeunes dans la ville. En 2001, des soldats ont tué plus de 200 civils non armés dans plusieurs villes et villages de l’Etat de Benue, dans le centre est du Nigeria.86 Aucun soldat n’a été arrêté, poursuivi ou soumis — des mesures de discipline pour ces massacres, — la connaissance de Human Rights Watch. Des soldats et des policiers mobiles déployés partout au Nigeria, en particulier dans des situations d’urgence, extorquent systématiquement de l’argent aux voitures passantes, aux véhicules de commerce et aux chauffeurs de mototaxis (okadas). Souvent, ils battent ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas payer, ou ils les forcent — faire des sauts de grenouille ou d’autres activités humiliantes. Ces pratiques sont mises en œuvre ouvertement, sans efforts de les cacher des journalistes passants ou des représentants des organisations de protection des droits humains. Occasionnellement, ceux qui ne payent pas sont tout simplement tués. Les mêmes choses arrivent dans les criques dans les forêts de mangroves.

Il y a aussi eu d’autres abus beaucoup plus graves dans l’Etat du Delta. Human Rights Watch a interrogé des témoins qui ont décrit comment, le dimanche 2 février 2003, des soldats sous commande d’un major ont mis feu — l’Hôtel Idama — Warri, appartenant au dirigeant Urhobo du PDP Chief Okumagba, dans les émeutes liées aux élections primaires du PDP.87 Les soldats ont fustigé le personnel de l’hôtel, et un employé est resté en détention pendant cinq jours. L’attaque a eu lieu malgré le fait que vingt policiers mobiles avaient logé dans hôtel pendant plusieurs années et étaient présents au moment des faits. Même si l’attaque a été signalée — la police, aucune action n’a été prise. En août 2003, trois policiers mobiles ont été arrêtés par l’armée, accusés d’avoir vendu des armes — une des milices ethniques, et aussi de s’être battus avec elle, mais ils ont été innocentés suite — une enquête interne.88 Ce sont des accusations sérieuses qui méritent une enquête urgente par les autorités appropriées, ce qui inclut non seulement les enquêtes internes de l’armée ou de la marine, mais aussi des enquêtes de la police civile, et par une enquête judiciaire publique dans la crise de Warri. Contrairement — ce qui s’est passé avec les enquêtes précédentes, le rapport d’une telle enquête indépendante devrait être public, et les recommandations devraient être implémentées.

En 2003, le gouvernement américain a livré — la marine nigériane trois (au total il y en aura cinq) navires de la gendarmerie maritime, des bateaux — fond plat de 180 pieds datant de la deuxième guerre mondiale, non armés au moment du transfert. La donation de ces bateaux était prévue depuis 2001, et selon l’ambassade américaine elle n’était pas liée — la crise dans l’Etat du Delta. Deux des bateaux ont été transférés — la base navale de Warri, et ont été équipés de quelques armes, mais ils n’ont apparemment pas été déployés dans les régions riveraines. L’ambassade américaine a déclaré — Human Rights Watch qu’il n’y avait aucun fondement aux rapports de la presse nigériane déclarant que des marines américaines seraient déployés dans des installations pétrolières dans le Delta du Niger.



80 Lettre de SPDC — Human Rights Watch, 17 octobre 2003. Chevron Texaco n’a pas voulu répondre officiellement — Human Rights Watch sur ce point (lettre du CNL — Human Rights Watch, 4 novembre 2003) et EPNL n’avait pas répondu aux questions de Human Rights Watch avant que ce rapport soit imprimé.

81 Abraham Ogbodo, “Delta Govt Spends ξ 200m Monthly to Keep Soldiers in Warri”, Guardian, 14 septembre 2003.

82 Muyiwa Odu, “Illegal bunkering: navy arrests 2 ships, 15 expatriates”, Daily Champion (Lagos), 2 septembre 2003.

83 Abraham Ogbodo, “Delta Govt Spends ξ 200m Monthly to Keep Soldiers in Warri”, Guardian, 14 septembre 2003.

84 Selon les chiffres cités — Human Rights Watch le supplément est de l’ordre de ξ 30.000 (215 dollars U.S) par mois, mais nous n’avons pas pu vérifier ce montant avec les autorités.

85 Human Rights Watch, entretien, 8 septembre 2003.

86 Voir les rapports de Human Rights Watch: “The Destruction of Odi and Rape in Choba”, décembre 1999, et “Military Revenge in Benue: A Population Under Attack”, avril 2002. Sur Odi, voir A Blanket of Silence: Images of the Odi Genocide (Port Harcourt: Environmental Rights Action, 2002). Sur les violations dans le delta, voir aussi, The Price of Oil; “Crackdown In the Niger Delta”, A Human Rights Watch Short Report, mai 1999; “Update on Human Rights Violations in the Niger Delta”, décembre 2000; et “The Niger Delta: No Democratic Dividend”, A Human Rights Watch Short Report, octobre 2002. Tous disponibles sur www.hrw.org/africa/nigeria.php.

87 Human Rights Watch, entretiens, 12 septembre 2003.

88 Sunny Ogefere, “Police clear officers over alleged arms deals in Warri crisis”, Guardian, 27 août 2003; Austin Ogwuda, “Police Commissioner clears men of complicity in Warri crisis”, Vanguard, 27 août 2003.


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décembre 2003