Rapports de Human Rights Watch

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Résumé

Les autorités de Kigali, la capitale du Rwanda, ne s'épargnent aucun effort pour présenter la ville sous son plus beau jour, sachant que le regard de beaucoup de visiteurs étrangers ne se porte guère au-delà des limites de la ville. C'est ainsi qu'en 1997, les autorités ont commencé à nettoyer régulièrement les rues et les espaces publics de la ville de ce qu'elles considèrent être des êtres indésirables, à savoir les enfants de la rue, les mendiants, les vendeurs de rue et les travailleurs du sexe. Les premières années, les enfants de la rue étaient envoyés dans des centres d'accueil loin de la capitale mais depuis un an au moins, ils sont internés dans un centre de détention non officiel situé dans un quartier de Kigali appelé Gikondo. Bien que se trouvant à proximité des hôtels de grand standing qui pourvoient aux besoins des visiteurs internationaux, le centre, à l'image des enfants et des autres personnes qui y sont enfermés, est à l'abri du regard des hôtes étrangers.

Incarcérés au centre de Gikondo dans des bâtiments surpeuplés, les centaines de détenus souffrent d'un manque d'eau, de nourriture et de soins médicaux. Les enfants subissent des violences infligées par les adultes détenus dans les mêmes bâtiments. Les policiers ont prétendu que les détenus n'étaient pas censés passer plus de trois jours au centre mais certains, dont des enfants, s'y trouvent depuis des semaines, voire des mois. Un garçon de treize ans y est décédé le 16 avril 2006, victime de sévère malnutrition; le même jour, une jeune détenue, qui aurait également été sous-alimentée, a fait une fausse couche et a été hospitalisée.

Les autorités placent les détenus en garde à vue pour "vagabondage" en vertu de réglementations datant de l'époque coloniale mais il est rare qu'elles les inculpent officiellement, qu'elles les fassent comparaître devant des tribunaux ou leur permettent de jouir du droit à des procédures équitables garanti par la constitution rwandaise et les conventions internationales qui lient le Rwanda.

La détention d'enfants, qui plus est dans des conditions déplorables, viole les dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, dont le Rwanda est partie, ainsi que la loi rwandaise relative aux droits et à la protection de l'enfant contre les violences.

En 2003, le gouvernement rwandais a adopté une politique nationale sur les orphelins et autres enfants vulnérables qui comprend une section se rapportant aux enfants de la rue. Dans le cadre de cette politique, les autorités rwandaises ont entrepris de consulter toutes les parties prenantes sur les questions en rapport avec ces enfants mais elles n'ont pas mentionné l'existence du centre de détention de Gikondo à des partenaires aussi importants que Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). La première fois qu'un fonctionnaire chargé de la protection de l'enfance a entendu parler de l'existence de ce centre est lorsqu'un chercheur de Human Rights Watch l'en a informé à la fin avril 2006.

L'administration actuelle de la ville a découvert que le centre de Gikondo était en service lorsqu'elle est entrée en fonction en janvier 2006. Interrogée à propos dudit centre, une vice-maire de Kigali a déclaré à un chercheur de Human Rights Watch que la ville avait l'intention de fermer ces installations.1 Les autorités de la ville devraient mettre cette intention immédiatement en pratique et faire en sorte qu'en attendant sa fermeture et par la suite, les détenus reçoivent l'assistance juridique, sociale et médicale nécessaire.



[1] Entretien de Human Rights Watch avec Jeanne Gakuba, vice-maire aux affaires sociales, Kigali, Rwanda, 4 mai 2006.


index  |  suivant>>mai 2006