Rapports de Human Rights Watch

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Réponse de la communauté internationale

 

La communauté internationale cherche à maintenir la transition en course et les autorités dans la perspective des élections, sa priorité première en ce moment au Congo. Les donateurs ont fourni plus de 400 millions de dollars, la contribution la plus importante venant de l’Union Européenne (U.E.). En fait, les donateurs semblent vouloir la réussite des élections plus que beaucoup de dirigeants politiques congolais. Un diplomate basé à Kinshasa a remarqué : “Nous poussons et nous insistons pour que les élections se tiennent, mais nous sommes derrière pour tout. La plupart des membres de ce gouvernement ne sont tout simplement pas intéressés par les élections.” 55

 

Des membres influents de la communauté des donateurs ont reconnu que l’intégration de l’armée était d’une grande importance pour garantir des élections en bonne forme, mais leur soutien initial pour réformer les forces armées était souvent mal coordonné et lent à arriver. Réalisant que la corruption dans l’armée et le fait de payer les soldats de façon irrégulière freinaient la réforme de l’armée, les donateurs européens, avec le soutien de l’Afrique du Sud, ont persuadé le gouvernement de transition d’approuver un recensement des forces armées et d’établir un mécanisme pour suivre les paiements de salaires jusqu’au niveau le plus bas. Le recensement de l’armée devrait être terminé en décembre et le suivi des paiements devrait commencer peu après.

 

Conduits par le gouvernement britannique, les gouvernements donateurs espéraient s’attaquer à la corruption qui pourrait fausser le processus électoral, mais le Président Kabila s’est fermement opposé à la proposition d’un comité conjoint comprenant les donateurs internationaux et ayant pour objectif d’améliorer la gestion des finances publiques. Après qu’il ait protesté que le comité porterait atteinte à la souveraineté nationale, l’idée a été abandonnée pour rester seulement comme un article à l’ordre du jour des réunions entre le gouvernement de transition et les ambassadeurs du Comité international d’accompagnement de la transition (CIAT). Un diplomate basé à Kinshasa a déclaré à un enquêteur de Human Rights Watch : “L’idée de la commission de bonne gouvernance est devenue une blague.”56

 

Bien qu’incapable de faire évoluer le ministère de la justice vers une réforme plus approfondie avant les élections, l’U.E. s’appuie sur le modeste succès d’un projet qu’elle a financé pour rénover le système judiciaire à Bunia en 2004 et va bientôt lancer des projets similaires dans les villes de Goma et Bukavu, dans l’Est du pays.

En réaction aux limitations croissantes de la liberté expression, l’U.E. a émis une déclaration le 17 octobre exprimant ses inquiétudes quant à ces limitations, aux persécutions contre des journalistes et à la nécessité pour les autorités d’empêcher les discours d’incitation aux tensions ethniques à l’approche des élections.57

 

Le 26 novembre, le CIAT a publié une déclaration pressant le gouvernement d’adopter la loi électorale, de respecter le calendrier électoral et de ne pas tolérer les pratiques de corruption.58 Des dirigeants politiques importants ont réagi avec colère à la déclaration, accusant les membres du CIAT d’adopter des attitudes néocolonialistes.59

 

Ces efforts de la communauté internationale sont louables mais insuffisants pour garantir de réels progrès sur les questions cruciales de la réforme de l’armée, de la justice et de la corruption. Le soutien international n’est pas non plus suffisant pour permettre à la MONUC de répondre aux nombreuses demandes qui lui sont faites à l’approche des élections. Bien que la force de maintien de la paix soit maintenant la plus importante dans le monde avec dix-sept mille soldats, ses responsabilités couvrent une multitude de tâches telles que le soutien à la transition, les élections, la réforme du secteur de la sécurité, et la protection des civils. Le Secrétaire général des Nations Unies a réclamé à plusieurs reprises des troupes supplémentaires pour la MONUC, tout récemment en septembre 2005. Les gouvernements européens ont en général soutenu ces demandes mais les Etats Unis ne souhaitent pas fournir les fonds nécessaires. En septembre, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a autorisé 841 officiers de police supplémentaires et en octobre il a fourni trois cents soldats de maintien de la paix de plus pour le Katanga, mais c’est bien loin des effectifs réclamés. Un officier supérieur de la MONUC a déclaré à un enquêteur de Human Rights Watch, “On nous a donné une ‘mission impossible’. Nous avons de plus en plus de responsabilités, mais trop peu de soldats et de ressources pour les assumer.”60

 

Les élections par elles-mêmes n’apporteront pas la démocratie. Ces élections ne sont pas le chapitre final dans la douloureuse transition du Congo mais seulement le début d’un processus plus long. Dans leur hâte d’amener les Congolais aux urnes, les pays donateurs et les autres pays de la communauté internationale ne doivent pas négliger de poursuivre les efforts pour établir un Etat de droit, la liberté d’expression, la sécurité et la bonne gouvernance. Le manque de progression dans ces domaines peut mettre les élections en danger, risquant la perte de tout ce qui a été investi jusqu’ici pour rétablir l’ordre au Congo.

 



[55] Entretien conduit par Human Rights Watch, diplomate, Kinshasa, 29 septembre 2005.

[56] Entretien conduit par Human Rights Watch, diplomate, Kinshasa, 29 septembre 2005.

[57] Union Européenne, “Statement by the Presidency on behalf of the European Union on freedom of expression in the Democratic Republic of Congo (DRC),” 17 octobre 2005, [en ligne]

http://ue.eu.int/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/en/cfsp/86622.pdf (recherché 8 décembre, 2005).

[58] “La communauté internationale exhorte au respect de la date du Référendum - communiqué de la CIAT,” Misna news service, 26 novembre 2005.

[59] Tom Tshibangu, “Revue de presse de la MONUC”, 5 décembre 2005 [en ligne] http://www.monuc.org/News.aspx?newsID=9263 (recherché 13 décembre, 2005).

[60] Entretien conduit par Human Rights Watch, officier supérieur de la MONUC, Kinshasa, 30 septembre 2005.


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