Background Briefing

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« Il y avait des chants, des alléluia, les mêmes que ceux qu’on chante dans nos églises. C'est pourquoi certains gardaient encore confiance. Puis les tirs, le feu. L’après-midi, j’avais joué au football avec des amis. Certains ont été tués. »
- Gatumba, survivant, 14 ans

Résumé

Le 13 août 2004, des combattants armés, la plupart d’entre eux appartenant au Front National de Libération (FNL) ont massacré au moins 152 civils congolais et blessé 106 d’entre eux, dans le camp de réfugiés de Gatumba, près de Bujumbura, capitale du Burundi. Le FNL est un mouvement rebelle Hutu connu pour son hostilité aux Tutsi. Les victimes du massacre étaient principalement Banyamulenge, un groupe qui a souvent été assimilé aux Tutsi, mais ce massacre représente plus qu’un nouveau cas de massacre ethnique dans une région déjà connue pour des drames de ce genre. Cette attaque intervient, en effet, à l’intersection de deux processus de paix fragiles et souligne, sinon aggrave, le climat de tension politique qui perdure au Burundi et en République Démocratique du Congo. Les prétendants au pouvoir de ces deux pays, ainsi que les protagonistes de ces conflits transfrontaliers, ont immédiatement essayé de s’approprier le massacre pour servir leurs propres desseins politiques. Ce faisant, ils ont augmenté le risque d’un nouveau conflit armé et en corollaire, celui de nouveaux massacres contre des civils.

Les militaires de la nouvelle mission de maintien de la paix des Nations Unies (NU) n’ont pas été capables de sauver les civils parce qu’ils n’ont pas été informés de l’attaque, sinon bien après qu’elle ait été perpétrée. Les militaires et gendarmes des forces armées burundaises ont aussi failli dans leur devoir de protection, bien qu’ils aient été pleinement conscients du massacre survenu à proximité immédiate de leurs camps.

Les plus hauts officiels des gouvernements burundais et rwandais et les dirigeants du Rassemblement Congolais pour la Démocratie( RCD-Goma), ont très vite affirmé que ce massacre avait été perpétré à large échelle, par une force organisée, en provenance du Congo, combinant des éléments Mai Mai congolais, des combattants rebelles rwandais (« Interhamwe »), et des FNL. Très vite répercutée dans la presse, cette version est devenue connue de tous et, moins de deux semaines après les faits, était reprise par le Secrétaire Général des Nations Unies dans un rapport adressé au Conseil de Sécurité.1

Dans le même temps, le FNL revendiquait l’attaque mais affirmait que le camp des réfugiés hébergeait des combattants Banyamulenge qui préparaient une nouvelle attaque contre le Congo. Bien qu’internationalement moins médiatisée, cette version s’est aussi répandue à travers les canaux d’information informels des partisans du FNL et de divers groupes au Congo. Plusieurs groupes qui se réclament de la société civile congolaise du Sud Kivu ont publié des analyses qui supportent ces thèses et les ont diffusées par courrier électronique.

Dans les mois qui ont précédé le massacre, les transitions politiques tant de la RDC que du Burundi n’ont enregistré aucun progrès remarquables et les acteurs politiques qui se sont retrouvés en perte de vitesse, ont durci le ton. La tension ethnique, si souvent liée aux luttes politiques, s’est aussi accentuée. Dans un tel contexte, le drame de Gatumba a immédiatement réveillé des sentiments de peur et de haine parmi les Tutsi et ceux qui leur sont apparentés, tandis que leurs homologues Hutu vivaient dans la crainte de représailles. En même temps qu’ils affirmaient l’imminence d’un génocide – voire, sa perpétration -, les dirigeants burundais et rwandais ont accusé l’armée et le gouvernement congolais d’être impliqués dans le massacre et les ont menacés d’entrer en guerre contre eux.

Le massacre de Gatumba est une attaque directe dirigée contre des civils et en cela, il constitue une violation du droit international humanitaire (ou droit de la guerre), qui impose que les responsables soient traduits en justice. Le gouvernement burundais a lancé un mandat d’arrêt contre deux dirigeants du FNL, un premier pas qui doit être suivi par l’arrestation effective et la poursuite en justice de tous les auteurs.  

Des chercheurs de Human Rights Watch ont mené de nombreux et longs entretiens avec des victimes, des habitants de Gatumba, des autorités militaires et civiles, et des représentants de diverses agences des Nations Unies. Ce rapport est issu de ces recherches.





index  |  suivant>>septembre 2004