« Il y avait des chants, des alléluia, les mêmes
que ceux quon chante dans nos églises. C'est pourquoi certains gardaient
encore confiance. Puis les tirs, le feu. Laprès-midi, javais joué au football
avec des amis. Certains ont été tués. » RésuméLe 13 août 2004, des combattants armés, la plupart dentre eux appartenant au Front National de Libération (FNL) ont massacré au moins 152 civils congolais et blessé 106 dentre eux, dans le camp de réfugiés de Gatumba, près de Bujumbura, capitale du Burundi. Le FNL est un mouvement rebelle Hutu connu pour son hostilité aux Tutsi. Les victimes du massacre étaient principalement Banyamulenge, un groupe qui a souvent été assimilé aux Tutsi, mais ce massacre représente plus quun nouveau cas de massacre ethnique dans une région déjà connue pour des drames de ce genre. Cette attaque intervient, en effet, à lintersection de deux processus de paix fragiles et souligne, sinon aggrave, le climat de tension politique qui perdure au Burundi et en République Démocratique du Congo. Les prétendants au pouvoir de ces deux pays, ainsi que les protagonistes de ces conflits transfrontaliers, ont immédiatement essayé de sapproprier le massacre pour servir leurs propres desseins politiques. Ce faisant, ils ont augmenté le risque dun nouveau conflit armé et en corollaire, celui de nouveaux massacres contre des civils. Les militaires de la nouvelle mission de maintien de la paix des Nations Unies (NU) nont pas été capables de sauver les civils parce quils nont pas été informés de lattaque, sinon bien après quelle ait été perpétrée. Les militaires et gendarmes des forces armées burundaises ont aussi failli dans leur devoir de protection, bien quils aient été pleinement conscients du massacre survenu à proximité immédiate de leurs camps. Les plus hauts officiels des gouvernements burundais et rwandais et les dirigeants du Rassemblement Congolais pour la Démocratie( RCD-Goma), ont très vite affirmé que ce massacre avait été perpétré à large échelle, par une force organisée, en provenance du Congo, combinant des éléments Mai Mai congolais, des combattants rebelles rwandais (« Interhamwe »), et des FNL. Très vite répercutée dans la presse, cette version est devenue connue de tous et, moins de deux semaines après les faits, était reprise par le Secrétaire Général des Nations Unies dans un rapport adressé au Conseil de Sécurité.1 Dans le même temps, le FNL revendiquait lattaque mais affirmait que le camp des réfugiés hébergeait des combattants Banyamulenge qui préparaient une nouvelle attaque contre le Congo. Bien quinternationalement moins médiatisée, cette version sest aussi répandue à travers les canaux dinformation informels des partisans du FNL et de divers groupes au Congo. Plusieurs groupes qui se réclament de la société civile congolaise du Sud Kivu ont publié des analyses qui supportent ces thèses et les ont diffusées par courrier électronique. Dans les mois qui ont précédé le massacre, les transitions politiques tant de la RDC que du Burundi nont enregistré aucun progrès remarquables et les acteurs politiques qui se sont retrouvés en perte de vitesse, ont durci le ton. La tension ethnique, si souvent liée aux luttes politiques, sest aussi accentuée. Dans un tel contexte, le drame de Gatumba a immédiatement réveillé des sentiments de peur et de haine parmi les Tutsi et ceux qui leur sont apparentés, tandis que leurs homologues Hutu vivaient dans la crainte de représailles. En même temps quils affirmaient limminence dun génocide voire, sa perpétration -, les dirigeants burundais et rwandais ont accusé larmée et le gouvernement congolais dêtre impliqués dans le massacre et les ont menacés dentrer en guerre contre eux. Le massacre de Gatumba est une attaque directe dirigée contre des civils et en cela, il constitue une violation du droit international humanitaire (ou droit de la guerre), qui impose que les responsables soient traduits en justice. Le gouvernement burundais a lancé un mandat darrêt contre deux dirigeants du FNL, un premier pas qui doit être suivi par larrestation effective et la poursuite en justice de tous les auteurs. Des chercheurs de Human Rights Watch ont mené de nombreux et longs entretiens avec des victimes, des habitants de Gatumba, des autorités militaires et civiles, et des représentants de diverses agences des Nations Unies. Ce rapport est issu de ces recherches.
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