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ملحق (أ)

New York, le 23 décembre 2004

M. Béchir Tekkari

Ministre de la Justice

Ministère de la Justice

31 blvd. Bab Benat

1006 Tunis, Tunisie

Envoi par fax, courrier et courriel

Monsieur le Ministre,

Par la présente, j'aimerais vous remercier ainsi que votre ministère pour avoir accordé à Eric Goldstein de Human Rights Watch un entretien avec M. Mohamed Habib Cherif, Coordinateur Général des Droits de l’Homme, le 9 décembre dernier au ministère. MM. Cherif et Goldstein ont ainsi eu l'opportunité d'échanger leurs points de vue à propos des conditions carcérales et des droits humains. Au terme de cette rencontre, M. Cherif a invité Human Rights Watch à soumettre toute nouvelle question à son attention afin que les positions de votre ministère puissent être reflétées dans les futurs rapports que nous rédigerons à ce sujet.

Notre organisation vous remercie de cette occasion de poursuivre notre dialogue.

Lors de l'entretien du 9 décembre, Human Rights Watch a demandé à M. Cherif d'apporter des précisions concernant les déclarations attribuées à des responsables tunisiens selon lesquelles le rapport publié par notre organisation en juillet 2004, Tunisie: l'isolement cellulaire prolongé des prisonniers politiques, comportait “de nombreuses inexactitudes” et de “graves lacunes” [dépêche de l’AFP, daté du 8 juillet 2004].

La réaction de M. Cherif a été de nier que la Tunisie avait des prisonniers placés en isolement cellulaire prolongé et forcé. Il a déclaré que tous les prisonniers se trouvant actuellement en régime d'isolement y avaient été placés pour l'une des deux raisons suivantes: soit ils en avaient émis la demande eux-mêmes — par exemple pour être retirés d'une cellule de plusieurs personnes où la fumée de cigarette les dérangeait —, soit ils avaient été punis d'une période d'isolement ne dépassant pas dix jours suite à une décision prise par le conseil de discipline de la prison, conformément à l'Article 22 de la loi portant organisation des prisons (loi 2001-52).

M. Goldstein a alors mis cette affirmation en doute, soulignant que certains détenus qui sont des membres notoires du parti Nahdha interdit se trouvaient contre leur gré en isolement continu depuis des mois, et dans certains cas depuis des années. Bien que quelques-uns aient effectivement sollicité leur transfert hors de cellules de plusieurs personnes abritant des fumeurs, aucun d'entre eux n'a, à notre connaissance, demandé d'être placé dans le régime strict d'isolement individuel ou collectif dans lequel ces détenus se trouvent actuellement. Les prisonniers en isolement prolongé ne sont pas simplement logés dans des cellules d'une ou plusieurs personnes; on les empêche aussi systématiquement de voir et de communiquer avec le reste de la population carcérale. Enfermés dans leur cachot vingt-deux heures par jour, ils n'ont droit à aucune activité hors de cette cellule à l'exception des douches, des visites de leur famille et de deux promenades quotidiennes dans une cour de la prison.

M. Cherif a déclaré que si l'on découvrait que des prisonniers se trouvaient en isolement sans en avoir émis la demande ou sans avoir fait l'objet de sanctions disciplinaires prévues par la loi tunisienne, alors “nous prendrons les mesures nécessaires et nous irons jusqu'à sanctionner le directeur de prison concerné.”

Vous trouverez ci-joint une liste des prisonniers qui, selon nous, pourraient se trouver en isolement prolongé actuellement. Il s'agit d'une liste préparée en mars 2004 par une organisation tunisienne de défense des droits humains, avec quelques modifications qui ont été ajoutées depuis. Nous savons que trois de ces prisonniers ont été libérés depuis lors. Nous présumons que l'isolement de certains autres détenus repris sur la liste a entre-temps été levé mais par contre, de nouveaux prisonniers ont pu être placés en isolement sans que cela ait été porté à notre connaissance. Nous serions heureux de recevoir vos remarques à propos de la liste ci-jointe.

Nous voudrions par ailleurs faire remarquer que, pour nous, le terme isolement ne signifie pas simplement loger un détenu dans une cellule individuelle mais il se réfère à un régime global où le prisonnier est confiné dans sa cellule environ 22 heures par jour et ne peut à aucun moment voir ou communiquer avec d'autres détenus.

Nous n'ignorons pas que certains prisonniers partagent une cellule avec une ou deux autres personnes mais en dehors de cela, ils ne peuvent à aucun moment voir ou communiquer avec d'autres détenus; nous considérons qu'il s'agit également d'une forme d'isolement, même si c'est un “isolement en petit groupe.” Comme nous l'avons souligné dans notre rapport, l'isolement collectif, à l'instar de l'isolement cellulaire, “peut être assimilé à des mauvais traitements susceptibles de nuire à la santé mentale du détenu si, comme c'est le cas en Tunisie, il ne lui permet pas ou quasiment pas d'accéder à des activités éducatives ou récréatives ou à d'autres sources de stimulation mentale et s'il le confine dans un environnement monotone, non diversifié où ses relations sociales se limitent à un groupe strictement restreint de compagnons de cellule.”

Notre association serait heureuse de recevoir des informations de votre ministère nous permettant de savoir si chacun des détenus mentionnés dans la liste en annexe se trouve réellement en isolement cellulaire ou collectif forcé et si tel est le cas, pour quelles raisons. Par ailleurs, nous souhaiterions savoir si et quand chaque prisonnier a été informé des raisons de son isolement, de la durée prévue de celui-ci ainsi que des options dont il dispose pour interjeter appel.

Si vos recherches ont révélé un ou plusieurs cas d'isolement imposé en dehors de toute demande émanant du prisonnier ou de toute sanction légale de dix jours maximum, nous aimerions savoir si la mise en isolement a depuis lors été levée et si des fonctionnaires seront amenés à rendre compte de leurs actes pour avoir placé un prisonnier en isolement d'une façon qui s'avère incompatible avec la loi et les règlements tunisiens.

Nous vous remercions pour l'attention que vous portez à ces questions. Toute information pertinente que vous nous fournirez avant le 21 janvier se verra reflétée dans nos prochains rapports sur les conditions carcérales dans votre pays.

Pour votre information, je joins également à la présente deux lettres que nous avons envoyées aux responsables tunisiens en date du 13 avril et du 21 novembre 2004, dans lesquelles nous sollicitons des informations sur les politiques et pratiques carcérales. Nous n'avons reçu aucune réponse à ce jour.

Pour conclure, nous souhaiterions réaffirmer l'intérêt, déjà exprimé dans les lettres en annexe et réitéré lors de notre entretien avec M. Cherif, que porte Human Rights Watch à la visite de prisons en Tunisie afin d'évaluer les conditions de première main. Nous serions heureux de vous rencontrer, vous ou d'autres responsables, pour discuter de cette possibilité.

Je me tiens à votre entière disposition pour répondre à toute question que vous pourriez avoir et vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments les plus respectueux.

Sarah Leah Whitson

cc: M. Mohamed Habib Cherif

Annexes.


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