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Lettre au Ministre de la Justice algérien Tayeb Belaïz

Le 3 octobre 2003 M. Tayeb Belaïz
Ministre de la Justice
Ministère de la Justice
8 Place Bir Hakem
16030. El Biar, Alger
Algérie

Monsieur le Ministre,

Human Rights Watch, par cette lettre, demande instamment la libération de Slaheddine Sidhoum, défenseur des droits humains.

Sidhoum, qui est médecin, a été placé en détention préventive le 29 septembre quand il a comparu devant le procureur, aussitôt après être sorti de neuf ans de clandestinité. Il a demandé à être rejugé pour des accusations pour lesquelles on l'avait jugé par contumace en 1997. Cette année là, il avait été condamné à vingt ans de réclusion pour des chefs d'inculpation liés au " terrorisme ou subversion ". A cette époque, l'Algérie violait de façon routinière et massive le droit des prévenus à un procès équitable, surtout ceux accusés de délits ayant trait à la sécurité. Par la loi algérienne, les prévenus condamnés par contumace ont droit à être rejugés.

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HRW documents sur l'Afrique du Nord

En anglais :
Time for Reckoning: Forced Disappearances in Algeria
HRW Report, February 2003
Rapport est également disponible en français et en arabe à cette adresse


HRW Documents about Algeria


Depuis la fin des années 80, le Dr Sidhoum a réuni des preuves de violations des droits humains, et diffuse des rapports donnant des détails sur des cas de torture, exécutions sommaires et " disparitions " imputées aux forces de l'ordre et leurs alliés. Ce travail qu'il a continué même en clandestinité, a contribué à alerter la communauté internationale sur les conditions des droits humains en Algérie.

Le Dr Sidhoum est entré en clandestinité en décembre 1994, peu après avoir été interviewé par un cinéaste qui préparait un documentaire pour la BBC. Il avait alors dénoncé la torture et les exécutions sommaires imputées aux forces de l'ordre. Le 18 décembre - le lendemain du jour où la télévision francaise diffusait le documentaire Algeria's Hidden War ( Algérie, La guerre cachée) - trois hommes armés en civil se sont rendus à son domicile à Alger et ont demandé à le voir. Comme il n'était pas là, ils ont menacé sa tante, octogénaire, si elle ne leur disait pas où il se trouvait, puis ils sont partis.

Les craintes du Dr Sidhoum pour sa sécurité personnelle avaient déjà été éveillées par un article paru le 22 septembre 1994 dans le quotidien algérien el-Watan. L'article prétendait qu'il appartenait à un réseau de médecins qui soignait des militants blessés. Certains médecins, mentionnés dans cet article, avaient déjà été placés en détention.

Cet article paraissait seulement deux semaines après que le Dr Sidhoum a envoyé une lettre ouverte à Lamine Zeroual, alors président de la République, en donnant des détails sur cinquante trois cas présumés de torture ou d'exécutions sommaires.

La famille du Dr Sidhoum a dû faire face pendant ses neuf ans de clandestinité à des pressions intermittentes. Pendant l'année 2002, la famille aurait reçu, pendant la nuit, des menaces anonymes au téléphone à la suite de la publication sur le site Internet de l'organisation " Algeria Watch ", d'un rapport volumineux du Dr Sidhoum sur les " disparitions " et les exécutions sommaires. Le 15 décembre, deux hommes en civil munis de talkies-walkies se sont rendus au domicile de la famille à Alger avec un mandat d'arrêt pour le docteur. Quand ils ont appris qu'il ne se trouvait pas chez lui, ils ont intimé l'ordre à sa tante d'informer sa femme de se présenter à la police le lendemain. Il fallait qu'elle se rende, non pas au commissariat de police du quartier, mais au Centre de commande des Brigades mobiles de la police judiciaire à al-Madania. La famille a interprété cette requête peu ordinaire comme une tentative d'intimidation.

Le 29 septembre, à son arrivée à la prison de Serkadj à Alger, le Dr Sidhoum, âgé de cinquante quatre ans, a été placé en cellule isolée - une cellule froide et humide sans lit ni matelas. Il a entamé aussitôt une grève de la faim pour réclamer le statut de prisonnier politique et le droit à un procès équitable. Le 30 septembre, le Dr Sidhoum a annoncé qu'il intensifierait sa grève de la faim en refusant même eau et sucre, pour protester contre ses conditions de détention.

Le 4 octobre, les avocats du Dr Sidhoum ont adressé une pétition à la Chambre d'accusation d'Alger pour sa mise en liberté provisoire.

Human Rights Watch est concernée par le fait que l'accusation dont le Dr Sidhoum fait l'objet, pourrait être liée à son travail sur les droits humains, travail dont il ne se cachait pas. Nous demandons instamment, s'il doit être rejugé, qu'il soit inculpé de chefs d'accusation pénaux reconnus internationalement ; que son procès ait lieu dans un délai raisonnable; qu'il soit conforme aux normes internationales d'un procès équitable; et que le procès soit ouvert à des observateurs locaux et internationaux.

En outre, nous demandons instamment que la mise en liberté provisoire soit accordée immédiatement au Dr Sidhoum, conformément au principe de présomption d'innocence, aux dispositions du code de procédure pénal algérien qui rendent la détention préventive une mesure " exceptionnelle ", et au fait que l'accusé se soit rendu aux autorités de son plein gré.

Nous insistons également sur le fait que, tant que le Dr Sidhoum est gardé en détention préventive, ses conditions soient conformes à l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, un document des Nations unies, et qu'aucune mesure de représailles ne soit prise à son encontre pour avoir engagé une grève de la faim ou autres actes pacifiques de protestation ou d'expression.

Enfin, nous demandons instamment à votre gouvernement d'assurer que le Dr Sidhoum ou toute autre personne sera libre d'exercer son droit d'assembler et de diffuser des informations sur les droits humains sans crainte de représailles ni poursuites judiciaires.

Nous vous remercions de votre attention diligente et accueillons favorablement tout commentaire que vous souhaiteriez faire.

Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l'expression de ma plus haute considération.

Joe Stork
Directeur intérimaire
Division du Moyen-Orient et l'Afrique du Nord