Rapports de Human Rights Watch

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Le conflit armé en Côte d’Ivoire et le droit international applicable

 

Selon le droit international humanitaire (les lois de la guerre), le conflit armé entre le gouvernement de Côte d’Ivoire et les forces rebelles est considéré comme un conflit armé ne présentant pas un caractère international, ou conflit interne. La participation de forces françaises et des Nations Unies sur le terrain “internationalise” ce conflit armé interne. Malgré l’accord de paix de Linas-Marcoussis en 2003 et la déclaration d’une cessation “finale” des hostilités le 6 avril 2005, le droit international humanitaire demeure applicable à cause de la situation militaire instable.

 

Toutes les parties au conflit sont liées par le droit international humanitaire applicable. Le droit applicable comporte l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949, le Second Protocole Additionnel aux Conventions de Genève (Protocole II) de 1977,86 que la Côte d’Ivoire a ratifié en 1989, et le droit international humanitaire coutumier.87 L’objectif de ces normes, qui s’appliquent pendant un cessez-le-feu aussi bien que pendant les hostilités actives, est de minimiser les souffrances humaines et de protéger les civils et autres non combattants.

 

L’article 3 commun aux quatre Conventions couvre les conflits armés “ne présentant pas un caractère international,” et lie expressément toutes les parties, y compris les forces rebelles, même si elles n’ont pas la capacité légale pour signer les Conventions de Genève. Le Protocole II s’applique lorsque les forces s’opposant dans un conflit armé interne sont sous un commandement responsable, exerçant sur un territoire un contrôle tel qu’il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d’appliquer le Protocole II. De telles circonstances existent actuellement en Côte d’Ivoire.

 

A l’égard des civils et des combattants faits prisonniers, tant les forces rebelles que celles du gouvernement ont l’interdiction de faire usage de violence contre la vie et les personnes, en particulier le meurtre, la mutilation, les traitements cruels et la torture. La prise d’otages est interdite, ainsi que les traitements humiliants et dégradants. Aucune partie au conflit ne peut prononcer de sentences ou procéder à des exécutions sans jugement préalable devant une cour régulièrement constituée ayant procuré à l’accusé toutes les garanties judiciaires.

 

Le Protocole II prévoit des garanties fondamentales pour le traitement humain et la protection des civils et autres non-combattants en plus de ce qui est contenu dans l’article 3. Sont expressément interdits le viol et autres formes d’attentats à la pudeur, les punitions collectives, le pillage, et les menaces de commettre de tels actes.88

Le droit international humanitaire coutumier prévoit une liste plus complète de protections pour les civils dans les conflits armés internes. En plus des interdictions ci-dessus, le droit international coutumier interdit la privation arbitraire de liberté,89 la disparition forcée,90 et la destruction ou la saisie de la propriété d’un adversaire sauf dans le cas d’une nécessité militaire impérative.91

 

Les exigences que le Protocole II impose à tous les côtés dans un conflit armé interne pour protéger la population civile sont particulièrement adaptés à la situation actuelle en Côte d’Ivoire. La population civile doit bénéficier d’une protection générale contre les dangers résultant des opérations militaires. Les civils ne doivent pas être l’objet d’attaques, et tous actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile sont interdits.92 Toutes les parties doivent permettre et faciliter le passage rapide et libre des secours humanitaires pour les civils qui en ont besoin, et la liberté de mouvement des travailleurs des secours humanitaires doit être assurée. 93 Si des déplacements de la population civile devaient être ordonnés pour des raisons militaires impératives ou de sécurité, “toutes les mesures possibles devront être prises afin que la population civile puisse être reçue dans des conditions satisfaisantes de logement, de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’alimentation.”94 Les parties, y compris les forces rebelles, doivent assurer que les enfants reçoivent “les soins et l’aide dont ils ont besoin.” En particulier les enfants doivent recevoir une éducation et être protégés du recrutement dans les forces armées.95 De plus, les personnes âgées, handicapées et infirmes affectées par le conflit armé ont droit à un respect et une protection particuliers.96

 

Le droit international des droits humains s’applique aussi pendant les périodes de conflit armé. La Côte d’Ivoire est un Etat partie aux principaux traités sur les droits humains, notamment la Convention Internationale sur les droits politiques et civils, la Convention Internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels, et la Convention contre la Torture, entre autres.

 



[86] Protocole Additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, et relatif à la Protection des victimes de conflits armés ne présentant pas de caractère international (Protocole II).

[87] Les deux volumes du Droit international humanitaire coutumier (2005) du CICR est une étude qui fait autorité sur le droit international humanitaire coutumier. Des sources importantes de droit international humanitaire coutumier sont le Premier et le Second Protocoles Additionnels de 1977 aux Conventions de Genève de 1949 (respectivement Protocole I et Protocole II). Le Protocole I s’applique aux conflits armés internationaux mais de nombreuses dispositions sur les méthodes et les moyens de la guerre sont reconnues comme reflétant le droit coutumier pendant des conflits armés internes. Le Protocole II s’applique durant les conflits armés internes et virtuellement toutes ses dispositions sont considérées comme indicatives du droit coutumier. Voir en général le Protocole Additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, et relatif à la Protection des victimes de conflits armés ne présentant pas de caractère international (Protocole I), du 8 juin 1977, et le Protocole Additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, et relatif à la Protection des victimes de conflits armés ne présentant pas de caractère international (Protocole II), du 8 juin 1977.

[88] Protocole II, art. 4.

[89] CICR, Droit international humanitaire coutumier, règle 99. La privation arbitraire de liberté viole le droit à un traitement humain à l’article 3 commun aux Conventions de Genève.

[90] CICR, Droit international humanitaire coutumier, règle 98.

[91] CICR, Droit international humanitaire coutumier, règle 50, citant le Traité de Rome de la CPI, article 8(2)(e)(xii).

[92] Protocole II, art. 13.

[93] Protocole II, art. 18.

[94] Protocole II, art. 17.

[95] Protocole II, art. 4(3).

[96]CICR, Droit international humanitaire coutumier, règle 138, citant les dispositions des Troisième et Quatrième Conventions de Genève.


<  |  index  |  suivant>>decembre 2005