Plus jamais seuls

Voix LGBT du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord

Steph,
Liban
 
Rashed,
Jordanie
 
Yousif,
Bahreïn
Abdellah,
Maroc
Norma,
Liban
 
“Rayan,”
Algérie
 
Omar,
Irak
Dalia,
Égypte
 
Elie,
Liban
Hamed,
Liban
 
Islèm,
Tunisie
Musa,
Irak
 
“Ahmed,”
Libye
Noor,
Soudan
“Rima,”
Liban
 
Khalid,
Jordanie
 
Hajar,
Maroc
 
Omar,
Égypte
 

Des personnalités religieuses, le gouvernement ou vos parents – tous veulent avoir leur mot à dire sur ce que vous faites avec ce que vous avez entre les jambes. Ce que je veux vous dire, c’est que ce n’est pas leur problème, que votre corps, vos désirs, vos idées sont à vous, et à vous seuls. S’ils n’aiment pas ce que vous êtes, ils ont tort.”

—“Rima”, femme bisexuelle, Liban

Je suis un être humain comme les autres et j’ai des droits. Je vais défendre ces droits.”

—“Ahmed”, homme gay, Libye

 

Malgré la répression Étatique et la stigmatisation sociale, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) dans les pays arabophones du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord parviennent à s’exprimer. Ils racontent leurs histoires, construisent des alliances, établissent des réseaux transfrontaliers, développent des mouvements nationaux et régionaux et trouvent des moyens créatifs de combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Human Rights Watch et la Fondation arabe pour les libertés et l’égalité (Arab Foundation for Freedoms and Equality, AFE) se sont associées pour coproduire des vidéos d’activistes LGBT arabophones décrivant leurs chemins d’acceptation de soi. Grâce à l’initiative « Faire Front, Ensemble » (« No Longer Alone »), ils transmettent des messages de soutien et d’encouragement aux personnes LGBT qui vivent dans les pays arabophones du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.

Beaucoup sont venus à l’activisme par le biais d’expériences personnelles mêlant isolement et abus. Rayan, un homosexuel algérien, raconte avoir été emmené par ses parents chez un raqi, un guérisseur religieux, qui l’a battu en prétendant qu’il y avait une femme en lui qui devait sortir. « Il me battait parfois toute la nuit, mais rien ne changeait », raconte Rayan. Rayan travaille maintenant à sensibiliser les professionnels de santé mentale en Algérie afin qu’ils soient mieux équipés pour aider les personnes LGBT, au lieu d’essayer de les changer.

Jadis d’une pudeur maladive, Rashed a surmonté sa timidité pour monter une pièce de théâtre relatant son expérience d’acceptation de son identité de genre, qu’il a interprétée devant 50 étudiants d’Irdib dans le nord de la Jordanie.

Nous sommes comme ça. Et Dieu nous a fait comme ça. Nous n’avons pas à avoir honte, ni rien à cacher.”

—Rashed, Jordanie

Hajar, une lesbienne marocaine, a fait publiquement son « coming out » dans une vidéo devenue virale sur YouTube. Elle a finalement dû fuir le Maroc pour les Pays-Bas, où elle poursuit ses activités militantes en travaillant avec des réfugiés LGBT.

La seule option est de te faire la paix avec toi-même.”

—Hajar, Maroc

Après avoir trouvé du soutien et une communauté, beaucoup de ces activistes ont voulu offrir ce soutien à d’autres. Noor, du Soudan, se souvient avoir cherché des gens comme elle sur Facebook : « J’ai trouvé ce groupe avec beaucoup de filles [lesbiennes] soudanaises. Je leur ai écrit : "Où êtes-vous ?" J’ai réalisé que je n’étais pas seule au monde, qu’il y avait beaucoup de gens comme moi. J’étais très heureuse. Cette nuit-là, je crois que j’étais tellement heureuse que je n’en ai pas dormi. » Aujourd’hui militante aguerrie, Noor travaille dans toute l’Afrique du Nord pour fournir des ressources aux personnes LGBT qui sont dans le même isolement qu’elle l’a été, pour documenter et pour partager leurs histoires.

J’ai compris, j’ai découvert que mon coming out avait un impact sur la société et les gens.”

—Abdellah, Maroc

Certains des activistes présentés dans « Faire front, ensemble » ont insisté pour que leurs visages soient cachés ou que leurs voix soient modifiées. Ils envoient un message important aux personnes LGBT du monde arabe : on ne doit pas nécessairement être « out » pour initier le changement. Comme l’a déclaré un activiste dans un entretien avec l’organisation égyptienne MadaMasr : « La question n’est pas, en tant que groupe, de faire son coming out face à la société... Il s’agit plutôt de soulever la question pour qu’elle fasse l’objet d’un débat de société. » Si certains parmi ces activistes espèrent que le moment viendra de montrer leur visage au monde, tous sont devenus experts dans l’art de trouver des méthodes de travail créatives qui tiennent compte des contraintes que leur imposent les États et la société. Parfois, cela suppose de travailler clandestinement tout en s’assurant que les questions qu’ils abordent – identité LGBT, santé LGBT, égalité, discrimination, violence – obtiennent une couverture médiatique.

Nous avons tous des droits. Nous avons tous des responsabilités.”

—Norma, Liban

Pour accompagner les vidéos, un nouveau rapport de Human Rights Watch, « L’audace face à l’adversité », souligne la résilience des mouvements LGBT dans la région et la manière dont ils initient le changement en dépit d’obstacles importants, comme la criminalisation du comportement homosexuel et de la non-conformité de genre, les arrestations arbitraires et les mauvais traitements, le manque de reconnaissance des personnes transgenres, la violence, les restrictions à la liberté d’expression et d’association, le rejet de la famille ou encore la stigmatisation sociale.

À Oman, plusieurs hommes ont décidé de commencer à petite échelle en organisant des fêtes « pour que les homosexuels se rencontrent et travaillent en réseau dans un espace sûr, et pour qu’à l’avenir ils puissent s’entraider ». Au Koweït, un activiste a formé des personnes LGBT à la sécurité numérique, en allant travailler chez elles. En Jordanie, des activistes se servent du théâtre et d’autres formes artistiques pour sensibiliser non seulement les communautés LGBT mais aussi, dans certains cas, le grand public, aux questions liées à l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Je suis une personne normale. Je suis juste attiré par les gens du même sexe que moi.”

—Elie, Liban

Dans d’autres pays, les activistes marquent des points en interpellant leurs gouvernements et en les obligeant à des changements progressifs. Au Liban, des avocats liés à des communautés d’activistes LGBT ont convaincu plusieurs tribunaux d’acquitter des personnes accusées d’« infractions contre nature » en faisant valoir que cette expression ne s’applique pas aux relations sexuelles entre personnes de même sexe. Au Maroc, des activistes ont poussé les tribunaux à condamner les auteurs de violences liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre (OSIG). En réponse aux rapports présentés par plusieurs activistes au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, l’Irak a publiquement reconnu la nécessité de lutter contre la violence liée à l’OSIG. Au Liban et en Tunisie, des activistes ont fait pression sur les institutions de l’État pour qu’elles s’engagent à mettre fin aux examens anaux forcés comme moyen de preuve en cas de poursuites pour sodomie.

Les lois répressives rendent l’activisme difficile. Dans la plupart des pays de la région, les relations homosexuelles privées entre adultes consentants sont traitées comme une infraction pénale. Certaines lois interdisent tous les rapports sexuels hors mariage, ou zina, y compris les rapports sexuels entre partenaires de même sexe. Certains États interdisent explicitement les relations homosexuelles, tandis que d’autres se réfèrent à une sexualité « contre nature » non définie. Et plusieurs pays utilisent des lois vagues de « moralité » pour persécuter ceux ou celles qui ont des activités homosexuelles consensuelles. Certains États de la région criminalisent également les identités de genre non normatives : en révisant son Code pénal en 2018, Oman est devenu le dernier pays à adopter cette mesure régressive.

Avant je pensais que c’était interdit et que c’était mal, que personne ne devait savoir. Ma façon de penser a changé avec le temps. J’ai refusé d’avoir honte.”

—Khalid, Jordanie

Les restrictions à la liberté d’association constituent également des obstacles au travail des groupes LGBT. Selon une analyse de l’Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (ILGA), les lois sur les organisations non gouvernementales en Algérie, en Égypte, en Libye, au Maroc, au Bahreïn, en Jordanie, au Koweït, à Oman, au Qatar, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis rendent pratiquement impossible l’enregistrement légal des organisations travaillant sur les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre.

Les retours de bâton sont une menace à la fois constante et imminente pour les activistes qui cherchent à repousser les limites. En septembre 2017, les forces de sécurité égyptiennes ont arrêté des dizaines de personnes pour « débauche », « incitation à la débauche » et participation à un « groupe illégal », après qu’un drapeau arc-en-ciel – un signe de solidarité avec les LGBT – a été déployé pendant un concert. Même au regard de l’histoire récente en Égypte – pays où des centaines de personnes ont été arrêtées pour homosexualité depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al-Sissi en 2013 – la répression du mois de septembre, qui a donné lieu à un grand nombre d’arrestations et d’examens anaux forcés et à un embargo médiatique officiel contre le discours pro-LGBT – a été particulièrement sévère. Certains ont dû quitter le pays. Mais même dans un contexte aussi difficile, les activistes ont su faire preuve de créativité et de dynamisme. Certains ont donné refuge en urgence aux personnes LGBT traquées par la police, tandis que d’autres ont concentré leurs efforts sur la formation des personnes LGBT aux différentes façons de se protéger en ligne contre la surveillance et les pièges de la police. Plusieurs groupes ont cherché à mobiliser l’opinion internationale pour faire pression sur le gouvernement égyptien, un outil dont ils font un usage prudent, le réservant souvent aux urgences en matière de droits humains.

Même dans les pays qui ne criminalisent pas le comportement homosexuel ou la non-conformité entre les sexes, la stigmatisation sociale est si sévère qu’elle force beaucoup de personnes à dissimuler leur identité, ce qui complique encore la mise en œuvre des différentes formes d’activisme. Yousif, un homosexuel de Bahreïn où le comportement homosexuel n’est pourtant pas criminalisé, a déclaré que le « contrat social » qui permet d’étouffer toute forme de dissidence limite aussi les options des personnes LGBT qui pourraient avoir envie de s’exprimer : « C’est un contrat social. "Nous avons du pétrole, vous allez avoir une partie de la richesse, alors taisez-vous. Et si cela ne vous plaît pas, dégagez". »

Mon père était contre moi à tous les points de vue. Mais il est passé de la haine à l’acceptation et la tolérance.”

—Dalia, Égypte

Malgré l’environnement juridique et social répressif, plusieurs activistes LGBT des pays arabophones du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord nous ont dit qu’ils étaient frustrés par une couverture médiatique internationale jugée unidimensionnelle qui décrit la région comme un enfer sur terre pour les personnes LGBT. Selon eux, cette couverture, ne tient pas compte des moyens mis en œuvre par les activistes LGBT de la région pour défendre leur cause, et les rend parfois totalement invisibles. « Nous ne voulons plus de cette image qui nous pose en simples victimes », explique Zoheir, un activiste algérien. « Nous voulons parler de réalité, de violence, mais aussi [montrer ce qui est] positif. »

C’est dur, quand tu es jeune. Et ça reste dur, mais ça devient plus facile avec le temps.”

—Hamed, Liban

En amplifiant les voix des activistes LGBT du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord et en les invitant à partager leurs histoires personnelles et leurs expériences en tant que militants, ce projet explore le domaine des possibles, par-delà la victimisation.

Lire le rapport >>

Lire le communiqué >>

Page web de Human Rights Watch sur les droits LGBT »

Page web de Human Rights Watch sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord »


Ressources

Contacts dans votre communauté locale :

Algérie

Alouen
@AAlouen
https://facebook.com/AAlouen

TransHomoDz
www.transhomosdz.org
@TRANSHOMOSDZ
https://facebook.com/LGBTQIAlgerie

Mahabba
https://facebook.com/CollectifMahabba/?fref=gc&dti=745007802265670&hc_location=ufi

Le collectif féministe d'Alger

Égypte

Bedayaa
@Bedayaa1

Mesahat
@Mesahat1

Rainbow Egypt
@rainbowegyptorg

Solidarity with LGBT Egypt
https://solidaritywithegyptlgbt.wordpress.com
@swelgbtq
https://facebook.com/swelgbtq

Irak

Rasan Organization
www.rasanorg.org
@Rasan_Org
https://facebook.com/rasanorganization

Iraqueer
www.iraqueer.org
@IraQueer
https://facebook.com/IraQueer

Jordanie

Rainbow Street
Site: https://t.co/FSzWCPHtlg
@RainbowStweet
https://www.facebook.com/RainbowStreetOrg

MyKali
Site (English): https://goo.gl/7zLNAo
Site (Arabic): https://goo.gl/77mkR4
@mykali_mag
https://www.facebook.com/mykalimag

LGBT Jordan
@LGBTJordan
https://facebook.com/LGBTIjordan

Liban

AFE
www.afemena.org
@AFEMENA
https://facebook.com/afemena.org

Helem
www.helem.net
@HelemLebanon
https://facebook.com/Official-Page-for-Helem-Lebanon-133916233311662

MOSAIC
www.mosaic-mena.news
@MOSAIC_MENA
https://facebook.com/MOSAIC.MENA

M-Coalition
www.m-coalition.org
@themcoalition
https://facebook.com/mcoalition

Maroc

Akalyat
www.akaliyatmag.com
@akaliyat1
@AkaliyatMag
https://facebook.com/Association.Akaliyat

UFL
@UnionFemLibre
https://facebook.com/UnionFeministeLibre

Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI)
https://medium.com/mali-maroc
@MALImaroc
https://facebook.com/MALIMaroc09

Palestine

Aswat
www.aswatgroup.org
@AswatGroup
https://facebook.com/aswat.voices

AL QAWS
www.alqaws.org
@alQaws
https://facebook.com/AlQawsorg?ref_type=bookmark

Tunisie

Mawjoudin
www.mawjoudin.org
@Mawjoudin
https://facebook.com/mawjoudin.tn

Chouf
@ChoufTn
@ChoufMinorities
https://facebook.com/CHOUF-1513828662208035

Damj
www.damj.co
@AssociationDamj
https://facebook.com/damj.tunisie