Africa - West

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    VI. STATUT

Les autorités burundaises maintiennent que les Gardiens de la Paix sont des civils et qu'ils demeurent soumis aux lois civiles. Il n'y a pas de régulation spécifique à ces groupes paramilitaires sauf pour le fonctionnement des unités mises occasionnellement en place par des administrateurs, pour leurs propres districts. Dans un cas, par exemple, un administrateur communal a déclaré que tout gardien quittant son unité sans autorisation devrait payer une amende de 5 000 francs burundais et serait emprisonné pendant quinze jours dans le centre communal de détention.

Formés par des officiers militaires, les Gardiens de la Paix opéraient aussi généralement sous les ordres directs des militaires et souvent dans leur compagnie. Ils recevaient des armes, des grenades et des munitions des soldats de l'armée burundaise, y compris un lot comprenant habituellement trente balles. A la fin de leur période de service quotidien, ils devaient normalement remettre leurs armes aux soldats qui s'occupaient de leur unité et leur rendaient compte du nombre de balles ou grenades utilisées.34 Ils encouraient des sanctions de la part des soldats s'ils désobéissaient aux ordres ou ne parvenaient pas à les exécuter de façon satisfaisante mais de telles sanctions étaient infligées arbitrairement plutôt qu'en fonction d'un ensemble de régulations. Un gardien s'est plaint que les soldats se moquaient des participants de son groupe et les battaient, les traitant de rebelles s'ils ne réussissaient pas à remplir leurs tâches comme prévu. "On fait ce travail", commenta l'un d'eux, "mais on est humilié et on n'est pas payé. On voudrait partir mais on a peur d'être mis en prison."35

Les gardiens n'ont pas reçu d'uniforme ni d'autres marques distinctives. Certains, cependant, ont reçu en cadeaux des chemises et pantalons militaires usagés donnés par des soldats. Certains portaient des uniformes ou des parties d'uniformes pris à des rebelles tués au combat. L'un des participants faisait fièrement étalage d'un béret bleu et a affirmé qu'il l'avait pris sur le cadavre d'un combattant FDD qu'il avait tué. Afin de promouvoir un sens de la solidarité, certains gardiens ont donné un nom à leur groupe, emprunté à l'histoire du Burundi, comme Rugemansazi ou choisi en référence à des éléments modernes, comme les Métalliques. Cette pratique rappelle l'utilisation de noms par des milices antérieures.36

Les gardiens n'ont pas de salaire régulier mais un petit nombre d'entre eux vivant dans des postes militaires plutôt que chez eux ont reçu des parts de rations militaires.37 Les autorités reconnaissent de temps en temps le travail des gardiens lors de célébrations où bière et parfois viande sont fournies. Mais comme le faisait remarquer un gardien, sa part d'une vache partagée avec 500 autres personnes lui semblait une bien petite récompense pour avoir risqué sa vie pendant un an.38 En 2001, les autorités dans la commune de Rumonge ont distribué 40 morceaux de tôle métallique pour toit à chacun des 180 gardiens. La tôle métallique est un bien précieux dans des communautés où de nombreuses maisons ont été détruites et où les habitants cherchent à réparer leurs toits. D'autres ont reçu en cadeaux des survêtements neufs.39

Les autorités ont fourni à certains gardiens au moins, des cartes d'assurance médicale, leur garantissant des soins médicaux pour eux et leurs familles, dans des hôpitaux locaux ou des centres de santé. Certains parmi ceux blessés au combat ont été soignés dans des sites médicaux de l'armée, à Bururi et Bujumbura. Mais le gouvernement n'a versé aucune indemnité de décès aux familles dont les fils furent tués lorsqu'ils étaient Gardiens de la Paix.40 Un père s'est ainsi plaint :

Aucun officier militaire ni aucune autorité administrative ne sont venus m'expliquer pourquoi mon fils était mort. Ils nous ont pas donné d'argent ni aidé pour son enterrement et personne du gouvernement n'était présent à ses funérailles. Maintenant je suis sans fils et sans personne pour m'aider à faire vivre ma famille.41

34 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bururi, 18 août 2000 et Bujumbura, 28 août, 28 septembre et 4 octobre 2000.

35 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bururi, 18 août 2000.

36 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bururi, 18 août 2000 ; Mutambu, 16 juin 2000 ; Bujumbura, 26 juin, 4 et 17 octobre 2000 et juillet 2001.

37 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bujumbura, 10 et 26 juin, 28 août et 4 octobre 2000 ; Kayanza, 24 août 2000 ; Mutambu, 16 juin 2000 ; Bururi, 18 août 2000.

38 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bururi, 18 août 2000.

39 Entretiens conduits par Human Rights Watch, juillet 2001.

40 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bururi, 18 août 2001 et Bujumbura, 17 octobre 2000, juillet 2001.

41 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bururi, 18 août 2000.

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