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Burundi

Événements de 2012

La situation des droits humains au Burundi en 2012 a présenté à la fois des progrès et des sources de graves préoccupations. Par exemple, le nombre d'assassinats politiques a diminué en 2012, après avoir enregistré  une forte hausse en 2011, mais l'espace politique demeure restreint. Le gouvernement burundais a omis de s'attaquer à l'impunité généralisée, en particulier pour les membres des forces de sécurité et de la ligue des jeunes du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), le parti au pouvoir. Le rapport d'une commission d'enquête, mise en place par le procureur général pour enquêter sur les cas d'exécutions extrajudiciaires et de torture, a reconnu que des assassinats avaient eu lieu, mais a conclu qu'ils ne constituaient pas des exécutions extrajudiciaires.

Il y a eu très peu d'arrestations ou de poursuites pour des meurtres à motivation politique, et dans l'incident qui a occasionné le plus grand nombre de victimes en 2011 — l'attaque de Gatumba qui a fait 39 morts — le procès des auteurs présumés a été entaché de graves irrégularités. Plusieurs personnalités de l'opposition résident toujours à l’extérieur du pays et le CNDD-FDD a continué de dominer la scène politique.

Les organisations de la société civile et les médias ont continué à enquêter sur les violations de droits humains, et à les dénoncer publiquement ; cependant, la liberté d'expression a constamment été menacée. La pression étatique exercée sur les journalistes et les militants de la société civile a persisté, le gouvernement les considérant comme faisant partie de l'opposition politique. Un projet de loi imposant de nouvelles restrictions sur la liberté des médias a été déposé devant le Parlement en octobre.

La Commission nationale indépendante des droits de l'homme a continué à travailler de manière indépendante, en élargissant sa représentation dans plusieurs provinces et en enquêtant sur les rapports de violations de droits humains.

Assassinats politiques

Les assassinats politiques ont diminué de manière significative en 2012, mais il y a eu des attaques sporadiques menées par des groupes armés ainsi que des assassinats de membres ou anciens membres des Forces nationales de libération (FNL) de l'opposition. Malgré des promesses réitérées de rendre justice pour ces crimes, le gouvernement a omis de prendre des mesures efficaces pour ce faire. Dans la grande majorité des cas d’assassinats à caractère politique, il n’y a eu ni d’enquête approfondie ni d’arrestation ou de poursuite judiciaire. L'impunité a été particulièrement prononcée dans les cas où les auteurs ont été soupçonnés d'être des agents de l'État ou des Imbonerakure, membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD.

L'attaque de Gatumba, qui a fait 39 morts en septembre 2011, a été l'un des rares cas ayant donné lieu à des poursuites. Cependant, le procès de 21 personnes accusées d'implication dans l'attaque, qui s'est achevé en décembre 2011, a comporté de graves lacunes. En dépit de la complexité de l'affaire, le procès n'a duré que quelques jours et a été marqué par des irrégularités, plusieurs aspects de la procédure ayant jeté le doute sur l'équité du procès et la fiabilité de la décision des juges. En janvier, 16 des 21 accusés ont été reconnus coupables, et sept d’entre eux ont été condamnés à la réclusion à perpétuité. Au moment de la rédaction de ce rapport, leur appel reste en attente. Le rapport d'une commission d'enquête sur l'attaque de Gatumba, qui a été achevé en octobre 2011, n'a toujours pas été publié.

En juin, le procureur général a créé une commission d'enquête sur les cas de torture et d'exécutions extrajudiciaires, notamment les cas signalés par Human Rights Watch, par Amnesty International et par l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), une organisation burundaise de défense des droits humains.

En août, la commission a publié son rapport, reconnaissant que des assassinats avaient eu lieu, mais elle a conclu qu'ils n’équivalaient pas à des exécutions extrajudiciaires. Le rapport indiquait que des dossiers avaient été ouverts sur un certain nombre de ces incidents et que des enquêtes étaient en cours. Il a tenté de discréditer les conclusions de Human Rights Watch, de l'APRODH et de la section des droits de l'homme du Bureau des Nations Unies au Burundi (BNUB). Le BNUB a publié un communiqué de presse contestant les conclusions de la commission et a réaffirmé la responsabilité de l'État burundais pour les violations de droits humains commises par ses agents.

Les travaux de la commission ont abouti à l'arrestation d'environ huit personnes, dont des policiers, qui auraient été impliqués dans des affaires de meurtre ou de torture. Au moment de la rédaction de ce rapport, ils se trouvaient en détention préventive.

Cependant, dans la majorité des autres cas documentés par Human Rights Watch, même lorsque les procureurs ont ouvert un dossier, les autorités judiciaires ont fait peu d'efforts pour mener des enquêtes approfondies et ont rarement interrogé les témoins ou les proches des victimes. Un grand nombre de membres des familles des victimes avaient souvent trop peur pour réclamer justice. Plusieurs d’entre eux ont reçu des menaces après  avoir parlé ouvertement de la mort de leurs proches.

Justice transitionnelle

En décembre 2011, le gouvernement a publié un projet de loi instituant une Commission vérité et réconciliation afin de traiter les crimes commis depuis 1962. Bien que longtemps attendue et pour l’essentiel accueillie favorablement par la société civile burundaise, la loi ne prévoyait pas la création d'un tribunal spécial chargé de juger les personnes accusées d'avoir commis les infractions les plus graves, notamment les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide. La Commission vérité et réconciliation n’est pas encore établie, malgré les promesses faites par le Président Pierre Nkurunziza qu'elle serait mise en place avant la fin de l'année 2012.

Pression exercée sur les militants de la société civile et les journalistes

Les autorités de l'État ont menacé à maintes reprises les militants des droits humains, les journalistes et d’autres membres de la société civile. En février, Pierre Claver Mbonimpa, président de l'APRODH, a reçu une lettre du ministre de l'Intérieur accusant son organisation d’avoir entrepris une « quasi campagne de désinformation » contre l'État après que l'APRODH ait allégué que les forces étatiques armaient des jeunes. Le ministre a menacé de prendre des « sanctions sévères » si Mbonimpa ne produisait pas sous 10 jours des preuves que l'État armait des jeunes.

Le 7 février, Faustin Ndikumana, président de l'organisation non gouvernementale, Parole et Action pour le Réveil des Consciences et l'Évolution des Mentalités (PARCEM), a été arrêté après avoir dénoncé la corruption présumée au sein du ministère de la Justice dans le cadre des procédures de recrutement des magistrats. Il a été détenu pendant deux semaines, libéré sous caution, jugé par la Cour anti-corruption et condamné en juillet à cinq ans d'emprisonnement pour fausses déclarations. Le tribunal l’a également condamné ainsi que PARCEM à une amende pour avoir diffamé le ministre de la Justice. Ndikumana reste en liberté en attendant son appel.

Le ministre de l'Intérieur Edouard Nduwimana a ordonné à Human Rights Watch d‘annuler une conférence de presse et la publication d’un rapport le 2 mai à Bujumbura, et de cesser de distribuer des copies de son rapport sur les assassinats politiques au Burundi. Le porte-parole du gouvernement a émis une déclaration publique le 7 mai décrivant le rapport de Human Rights Watch comme une « déclaration de guerre au peuple burundais  ».

Après de longs retards, le procès des personnes accusées d'implication dans l'assassinat du militant anti-corruption Ernest Manirumva en 2009 a pris fin en mai 2012. Quatorze personnes ont été condamnées à des peines de prison allant de 10 ans à la réclusion à perpétuité. Le gouvernement burundais avait mis en place trois commissions d'enquête successives pour enquêter sur la mort de Manirumva et avait accepté l'aide du Bureau fédéral d’enquêtes des États-Unis (Federal Bureau of Investigation, FBI). Cependant, l’accusation a ignoré les pistes et les recommandations de la troisième commission et du FBI, qui auraient peut-être révélé l'implication éventuelle de certaines autorités burundaises dans la mort de Manirumva. Les audiences d'appel ont commencé en novembre.

Des agents de l'État, notamment des hauts responsables des services de renseignement, ont à maintes reprises menacé des journalistes, les accusant d'être du côté de l'opposition et les sommant de cesser de critiquer le gouvernement.

L'Assemblée nationale examinait un nouveau projet de loi sur la presse au moment de la rédaction de ce rapport. Si elle est adoptée sans être modifiée, cette loi réduirait considérablement la liberté d'expression. Le projet de loi contient plusieurs dispositions qui limiteraient la capacité des journalistes à travailler de façon indépendante. Les journalistes ne seraient pas en mesure de protéger leurs sources dans les affaires jugées comme touchant aux infractions en matière de sécurité de l’État, de l’ordre public ou du secret de la défense, entre autres. Le projet de loi oblige les journalistes à ne diffuser que des « informations équilibrées et dont les sources sont rigoureusement vérifiées. » Une amélioration par rapport à la loi existante est que les infractions ne seraient plus passibles de peines d'emprisonnement. Cependant, de nouvelles amendes considérables limiteraient la capacité des organisations médiatiques à fonctionner.

En juin, Hassan Ruvakuki, correspondant pour Radio France Internationale et Bonesha FM, a été condamné à la prison à perpétuité pour sa participation présumée à des actes terroristes après avoir interviewé un nouveau groupe rebelle dans la province orientale de Cankuzo à la fin 2011. Vingt-deux co-accusés ont également été reconnus coupables. Ruvakuki a affirmé qu'il avait interviewé le groupe en sa qualité de journaliste et qu'il n'était pas un membre du groupe ni ne propageait sa propagande. Ses avocats ont quitté le procès, invoquant des irrégularités de procédure et la partialité de la part des juges. Les audiences d'appel ont pris fin en novembre.

Libérations de prisonniers

Le ministère de la Justice a lancé une initiative visant à traiter le surpeuplement carcéral et les détentions irrégulières dans les prisons du Burundi en passant en revue les dossiers des détenus et en libérant provisoirement certains prisonniers, notamment ceux qui avaient purgé au moins un quart de leur peine. En outre, un décret présidentiel en juin a annoncé que plusieurs catégories de prisonniers, notamment ceux condamnés à cinq ans d'emprisonnement ou moins (sauf les personnes reconnues coupables de viol, de vol à main armée, de possession illégale d'armes et d’atteinte à la sûreté de l'État), les femmes enceintes, les prisonniers souffrant de maladies incurables, les prisonniers âgés de plus de 60 ans et ceux de moins de 18 ans bénéficieraient de la grâce présidentielle ; les peines des autres détenus seraient réduites de moitié. Plusieurs milliers de prisonniers pourraient être libérés grâce à ces deux initiatives, qui ont commencé à être mises en œuvre au cours de l'année.

Principaux acteurs internationaux

Des diplomates étrangers à Bujumbura ont continué à suivre certains procès hautement médiatisés, notamment ceux de Ndikumana et Ruvakuki, les individus accusés d'avoir tué Ernest Manirumva, ainsi que le procès de Gatumba. L'Union européenne a publié deux déclarations, l'une en février exprimant sa préoccupation au sujet des procédures défectueuses dans le procès de Gatumba et du retard à rendre la justice pour le meurtre de Manirumva, et l'autre en août regrettant le verdict dans le procès de Ndikumana, et se déclarant préoccupée par les difficultés auxquelles sont confrontés les militants de la société civile burundais.

Le gouvernement néerlandais a suspendu une partie de son programme de formation destiné à la police burundaise à la suite du rapport de la commission d'enquête du procureur général sur les exécutions extrajudiciaires et de l'absence de progrès dans la poursuite des criminels en justice.