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République démocratique du Congo

Événements de 2011

La situation des droits humains en République démocratique du Congo (RDC) est restée grave. Toutes les parties aux conflits armés qui se poursuivent dans le pays ont continué à attaquer des civils et à commettre d’autres graves atteintes aux droits humains. Les opérations militaires contre les groupes armés étrangers et nationaux dans l’est et dans le nord du pays ont été menées à plus petite échelle que les années précédentes. Les efforts pour intégrer les groupes armés dans l’armée nationale ont été entravés par d’anciens chefs rebelles, comme Bosco Ntaganda, qui ont fait fi des ordres du commandement central de l’armée et ont poursuivi leurs propres intérêts. Ntaganda fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), mais demeure en charge d’opérations militaires dans l’est de la RDC.

Les préparatifs pour les élections ont préoccupé les autorités congolaises et les partenaires internationaux pendant une grande partie de l’année. Les mois qui ont précédé les élections ont été marqués par des menaces et des attaques physiques contre des membres de l’opposition, les médias et les défenseurs des droits humains. La mission de maintien de la paix des Nations Unies au Congo (MONUSCO) a continué à mettre en œuvre son mandat de protection des civils et a pris en charge en grande partie la logistique pour les élections, mais elle a été freinée par une grave pénurie d’hélicoptères, ce qui a entravé sa mobilité et son efficacité.

Élections présidentielle et législatives

La préparation des élections fixées pour la fin de 2011 a fait l’objet d’une attention particulière, car le Président Joseph Kabila se présentait pour un deuxième mandat. En janvier, le gouvernement de Kabila a fait pression pour un changement constitutionnel hâtif modifiant le système de vote afin que les élections présidentielles passent de deux tours à un seul tour. Un mois plus tard, un proche allié de Kabila, le pasteur Daniel Mulunda Ngoy, a prêté serment en tant que chef de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Les groupes d’opposition ont protesté contre les modifications, qui selon eux ont été conçues pour bénéficier à Kabila.

Les violations de droits humains à caractère politique se sont multipliées à l’approche des élections. Les enquêteurs de l’ONU ont fait état de 188 cas, avant même que la campagne officielle n’ait commencé en octobre. Parmi les violences perpétrées par la police et d’autres services de sécurité ont figuré des restrictions aux activités politiques, le recours à une force inutile contre les manifestants, et des arrestations arbitraires essentiellement dirigées contre les partis d’opposition, leurs sympathisants et les journalistes. Par exemple, le 6 octobre, la police a violemment réprimé une manifestation organisée par le parti d’opposition Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) à Kinshasa, en utilisant des gaz lacrymogènes et en tirant en l’air à balles réelles. Une personne a été tuée et au moins dix autres ont été blessées. Certains candidats et leurs partisans ont également utilisé un langage incendiaire et des discours haineux, incitant les groupes de jeunes et d’autres à recourir à la violence contre leurs adversaires.

Attaques contre les civils

L’est et le nord du pays demeurent instables et ont été marqués par des attaques fréquentes contre les civils, en particulier des violences sexuelles contre les femmes et les filles. Près de 1,7 million de personnes sont déplacées, dont les personnes nouvellement déplacées, et 476 000 autres sont réfugiées dans les pays voisins.

Dans l’est, l’armée a poursuivi les opérations militaires contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle composé essentiellement de Hutus rwandais, et les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe rebelle ougandais, mais à une échelle plus réduite que les années précédentes. Le gouvernement a ouvert des négociations secrètes avec les FDLR pour encourager le groupe à déposer les armes et à se réinstaller dans une autre partie de la RDC, mais les pourparlers ont échoué.

Comme par le passé, des soldats du gouvernement ont fréquemment tué et violé des civils et les ont contraints au travail forcé ou ont pillé leurs biens. Dans un cas, dans la nuit du 1er janvier, des soldats ont violé au moins 67 femmes et filles et ont arbitrairement détenu et torturé des dizaines d’autres civils à Fizi, au Sud-Kivu. Également en janvier, des soldats ont violé au moins 47 femmes et filles à Bushani, au Nord-Kivu, et ont pillé et incendié une centaine de maisons.

Les soldats du gouvernement ont également attaqué des civils pendant les combats dans le nord contre l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, ou LRA), un groupe rebelle ougandais ayant un passé chargé d’atrocités. Les pires attaques ont été commises à l’encontre des éleveurs de bétail nomades mbororos qui traversent souvent la frontière entre la RDC et la République centrafricaine (RCA). Au moins 35 femmes et filles Mbororo ont été violées. Certaines femmes ont été emmenées dans des camps militaires où elles ont été détenues et violées à maintes reprises. Des soldats ont également battu et détenu arbitrairement des hommes Mbororo et pillé leur bétail. L’armée a affirmé que les Mbororos étaient de mèche avec la LRA, mais n’en a fourni aucune preuve.

Les groupes armés ont également attaqué des civils. Dans l’est, les groupes armés congolais et les FDLR ont occupé des zones évacuées par les soldats du gouvernement lorsque ceux-ci ont été temporairement rappelés pour formation, en attaquant les civils qui y habitaient. Par exemple, en mai des combattants des FDLR ont attaqué de nombreux villages en territoire de Masisi, tuant six civils, violant deux femmes et enlevant au moins 48 personnes dont le sort demeure inconnu. À Bwale, au Sud-Kivu, en janvier et février au moins 65 femmes et filles ont été violées par des combattants FDLR lors de quatre attaques.

Dans le nord, la LRA a mené au moins 250 attaques contre des civils et a continué d’enlever des enfants et des adultes, même si les attaques meurtrières ont été moins fréquentes que les années précédentes. Dans les zones touchées par la LRA en RDC, en RCA et au Sud-Soudan, 2400 personnes ont été tuées et 3400 ont été enlevées par la LRA depuis septembre 2008. L’armée ougandaise, en coalition avec les forces armées des pays voisins, a poursuivi ses opérations militaires contre la LRA. Aucun progrès n’a été fait pour appréhender trois des principaux dirigeants de la LRA recherchés par la CPI pour crimes de guerre commis dans le nord de l’Ouganda, et les relations entre les partenaires de la coalition ont commencé à se détériorer. Les efforts de l’armée congolaise et de la MONUSCO pour protéger les civils dans les zones touchées par la LRA sont restés insuffisants, même si certains efforts ont été faits pour prévenir les attaques autour de la période de Noël 2010, une époque où la LRA avait perpétré des violences par le passé.

Exactions commises par Bosco Ntaganda

Les tentatives de la part de l’armée congolaise pour restructurer et intégrer d’anciens groupes armés dans ses rangs n’ont cessé de se heurter à des problèmes. La création de nouveaux régiments mélangeant les soldats du gouvernement avec les ex-rebelles a provoqué la confusion et affaibli l’autorité et le contrôle. Celle-ci a en outre autorisé l’ancien chef rebelle Bosco Ntaganda à augmenter sa base de pouvoir en élargissant son commandement parallèle sur certaines parties de l’armée et de l’administration locale.

Ntaganda a poursuivi sa campagne brutale contre les opposants présumés, à la fois militaires et civils, par des assassinats sur commande, des arrestations arbitraires et d’autres formes d’intimidation. Les troupes sous son commandement ont été impliquées dans des attaques contre des civils. Il a continué de recruter des enfants et a contrecarré les efforts pour les démobiliser. Il a bloqué les enquêtes judiciaires sur les exactions commises par ses partisans, a violé une interdiction d’exportation du gouvernement portant sur les minerais provenant de l’est de la RDC, et a utilisé son influence dans l’armée pour confisquer des terres et développer ses intérêts commerciaux.

Malgré les exactions flagrantes, le gouvernement n’a pas appliqué le mandat d’arrêt de la CPI contre Ntaganda. Les autorités ont déclaré craindre que son arrestation ne puisse perturber l’intégration des anciens groupes rebelles dans l’armée et nuire aux relations diplomatiques avec le pays voisin de la RDC, le Rwanda, qui soutient Ntaganda. Le fait de ne pas avoir arrêté Ntaganda a davantage nui à la paix et aux efforts de stabilisation.

Les journalistes et les défenseurs des droits humains

Les défenseurs des droits humains et journalistes congolais ont continué d’être pris pour cible en 2011. Le 21 juin, Witness-Patchelly Kambale Musonia — journaliste et animateur d’une émission-débat sur Radio Paysanne, une station de radio communautaire à Kirumba, au Nord-Kivu — a été abattu par des hommes armés non identifiés à la suite d’une émission sur le trafic d’armes. Le 24 mars, des soldats gouvernementaux à Baraka, au Sud-Kivu, ont menacé une défenseure des droits humains de la Fédération des femmes pour la paix à cause de ses activités pour la défense des victimes de viol.

Les menaces se sont intensifiées à l’approche des élections. Le 6 septembre, des hommes armés non identifiés ont lancé des gaz lacrymogènes, de l’essence et des grenades incendiaires dans le studio de Radio Lisanga Télévision (RTLV), une chaîne de télévision privée favorable au candidat de l’opposition Etienne Tshisekedi. En juin, des hommes armés ont attaqué et blessé un présentateur de RTLV. À Fungurume, dans la province du Katanga, Dédé Ilunga, journaliste à Radio Océan, a été arrêté et détenu arbitrairement par la police pendant 17 jours en septembre, à la suite d’une émission critiquant le programme de développement du président Kabila. Il a été libéré sans chef d’accusation.

Les journalistes qui ont assuré la couverture des manifestations et des rassemblements politiques ont également été pris pour cible à plusieurs reprises. En août, des gardes de sécurité lors d’un congrès du parti au pouvoir dans un stade de Kinshasa ont attaqué le caméraman Serge Kembila de la Radio Télévision Groupe l’Avenir (RTGA) pour avoir filmé les sièges vides et ont confisqué ses images.

Les autorités congolaises ont largement échoué quant à l’enquête et la poursuite des responsables de ces attaques. Comme seule exception, un tribunal militaire de Kinshasa a jugé cinq officiers de police supérieurs coupables du meurtre de Floribert Chebeya Bahizire, directeur exécutif de Voix des sans voix, et de son chauffeur, Fidèle Bazana, en juin 2010. À ce jour, trois de ces cinq personnes sont toujours en fuite. Les groupes congolais de défense des droits humains ont critiqué le procès pour avoir omis de prendre en compte le rôle du chef de la police nationale dans ces assassinats.

Justice et devoir de rendre des comptes

Il y a eu des progrès mitigés dans les efforts du gouvernement visant à exiger des auteurs de graves violations qu’ils rendent compte de leurs actes.

Les autorités judiciaires de la RDC ont obtenu quelques succès notables dans les poursuites pour violences sexuelles et autres crimes. Après les viols de masse perpétrés en janvier à Fizi, au Sud-Kivu, un tribunal militaire a jugé dix soldats et leur commandant coupables de crimes contre l’humanité. En mars, un autre tribunal militaire a condamné onze militaires, dont trois officiers, pour crimes contre l’humanité commis à Katasomwa en septembre 2009. Le 25 mars, le procès du général Jérôme Kakwavu, sur des accusations de crimes de guerre pour viol et torture, s’est ouvert devant la Haute cour militaire de Kinshasa. Kakwavu est le premier général de l’histoire de la RDC à être arrêté sur des chefs d’accusation de viol.

Aucun progrès n’a été réalisé pour appréhender les auteurs du viol de masse de 387 femmes, hommes et enfants, commis par une coalition de groupes armés dans le territoire de Walikale, au Nord-Kivu, en juillet et août 2010. Un des individus faisant l’objet d’un mandat d’arrêt pour crime contre l’humanité de viol, Ntabo Ntaberi Sheka, s’est présenté comme candidat à l’Assemblée nationale. Les efforts déployés pour lutter contre l’impunité ont également subi un sérieux revers avec la promotion et la montée en puissance de Bosco Ntaganda, qui vit ouvertement à Goma, et l’évasion de prison de Gédéon Kyungu Mutanda et de nombre de ses co-accusés, qui avaient été jugés coupables de crimes contre l’humanité en 2009. Les autorités avaient ignoré plusieurs demandes antérieures de la société civile visant à incarcérer Mutanda dans une prison de haute sécurité.

Le gouvernement congolaisa pris des mesuresen réponse au «rapport de mapping»des droits humainsde 2010 publié par leBureau du Haut-Commissariataux droits de l’homme (HCDH) de l’ONU,qui a documenté617cas de violations graves du droit humanitaire international entre 1993 et 2003.En août, legouvernement a présenté un projet de loi auParlement afin de mettre en place une cour spécialiséemixte avecdu personnel judiciaire national et internationalpour juger les personnesprésumées responsables des crimesles plus graves.Les groupes congolaisde la société civile ont fortement soutenule projet de loi, mais le Sénatl’a rejetéet a demandé augouvernement d’harmoniser sa propositionavec d’autres projets de loispour combattrelesviolations graves de droits humains.

Les procès internationaux de certains responsables de crimes se sont poursuivis. En Allemagne, deux dirigeants des FDLR ont été jugés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. À la CPI, trois anciens dirigeants de groupes armés congolais ont été jugés pour des crimes similaires et les juges ont délibéré pour savoir si l’affaire d’un dirigeant rwandais des FDLR allait passer en procès.

Principaux acteurs internationaux

Les acteurs internationaux ont focalisé leur attention sur les élections. Le Conseil de sécurité de l’ONU a renouvelé le mandat de la MONUSCO en maintenant l’accent sur la protection des civils, mais les États membres de l’ONU ont omis de lui fournir les capacités logistiques qu’elle exigeait.

Le HCDH a pris peu de mesures pour donner suite à son « rapport de mapping». Peu de diplomates et de fonctionnaires de l’ONU ont soulevé des préoccupations en public sur l’échec du gouvernement dans l’arrestation de Ntaganda, même si certains ont dit les avoir soulevées en privé.

Le président américain Barack Obama a annoncé en octobre que les États-Unis enverraient cent conseillers militaires en Afrique centrale pour aider les forces régionales à appréhender les dirigeants de la LRA et à mettre fin aux violences de ce groupe. Les États-Unis ont également déclaré qu’ils allaient retenir 1,3 million de dollars américains en financement militaire étranger jusqu’à ce que le gouvernement congolais prenne des mesures concrètes pour mettre fin à son utilisation d’enfants soldats.